Le repas de famille

Le repas de famille De Guillaume Moraine

Le repas de famille, gmoraine@gmail.com

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Personnages :

M BICHOUTEAU : Le père, qui s’ennuie, supporte sa femme et ses reproches en silence, et boit plus que de raison.

Mme BICHOUTEAU La mère, dame patronnesse, désagréable et se mêlant de tout, elle veut que tout soit parfait.

Rillette BICHOUTEAU : La sœur sérieuse, travailleuse, avec déjà un emploi, propre sur elle, et moralement irréprochable.

Minette BICHOUTEAU : La sœur pas sérieuse, fêtarde, qui change de fiancé toutes les semaines.

VERNON : Le petit ami de la sœur pas sérieuse, mais qui cherche à se faire bien voir.

Petite BICHOUTEAU : La petite soeur fainéante, et rebelle, et anti-tout, l’adolescente dans toute sa splendeur.

Machin : Le frère de la mère, qui ne voulait pas venir, qui sait très bien comment ça va finir. Il a besoin d’argent.

Machine : Sa femme, qui n’est pas aimée, et ne voulait pas venir non plus.

Cousine : Une cousine. Leur enfant un peu niais, pas maligne du tout. Elle a des réflexions, des phrases étranges qui laissent toujours un froid.

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Tableau Tableau 1 : Mme BICHOUTEAU et M BICHOUTEAU M BICHOUTEAU entre en scène. Il a l’air inquiet, il attend et regarde sa montre de temps en temps.

M BICHOUTEAU : Une fois par mois… Une seule petite fois par mois. Ça paraît pas comme ça. On se dit que c’est pas souvent… qu’on peut faire un effort et qu’il reste vingtneuf jours où on a la paix. Eh bien pourtant. Une fois par mois c’est encore trop. On passe le reste du temps à se remettre de la séance précédente, et à appréhender celle qui vient… ça nous bouffe la vie, le quotidien. Ça sert qu’à entretenir les disputes. C’est notre repas de famille à nous, c’est notre réunion mensuelle. Pour se souvenir à quel point on ne se supporte pas.

Mme BICHOUTEAU (de loin) : Georges ! Geooooorges !

M BICHOUTEAU (il regarde sa montre) : 19h05. Ouverture des hostilités sur le front est.

Mme BICHOUTEAU (elle entre en courant) : Georges, mais qu’est-ce que tu fabriques ?

Pourquoi tu réponds pas ? Ils vont bientôt arriver et toi tu restes là à regarder le mur ! Je te rappelle que ce soir ta fille nous présente son nouveau fiancé !

M BICHOUTEAU : Notre fille, Minette BICHOUTEAU, elle change de travail comme de copain, et de garde-robe comme de couleur de cheveux.

Mme BICHOUTEAU : Mais à qui tu parles ? Enfin bref : j’aimerais que ce soir on fasse un effort pour que ce jeune homme ne nous prenne pas pour une famille de dingue. C’est possible ?

M BICHOUTEAU : Oui ma chérie. (Au public) C’est l’hôpital qui se moque de la charité.

Dès qu’un petit ami de Minette sort de la maison en hurlant. C’est elle qui lui court après pour lui expliquer que c’est bien mieux comme ça.

Mme BICHOUTEAU : Alors on se tient bien, et tu vas me faire le plaisir de ne pas trop boire. Ne me fais pas honte, pour une fois.

M BICHOUTEAU : C’est promis mon canard en sucre. (Au public) C’est mon vice, je l’avoue. C’est le seul moyen que j’ai trouvé pour n’étrangler personne, au cours de ces soirées.

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Mme BICHOUTEAU : D’autant que ce soir, il y a mon frère et sa femme qui seront là, eux aussi.

M BICHOUTEAU : Quoi ? Machin et Machine seront de la fête ? Ah bah ça c’est nouveau… Ils ont toujours trouvé une bonne raison pour ne pas venir ! Ou bien leur gamine avait la fièvre, ou c’est une réunion de travail au dernier moment, ou bien Machine s’était cassé un ongle…

Mme BICHOUTEAU : Eh oui. La famille au grand complet ce soir. A tous les coups ils ont besoin d’argent. Ils vont nous faire leur grand numéro « on s’aime on est une famille unie ».

Surtout elle. Ah cette machine, je ne peux pas la supporter.

M BICHOUTEAU : ça on le sait bien. Et tu le lui fais bien sentir. (Au public) Elle en a toujours voulu à cette Machine de lui avoir volé son frère. A sa décharge, c’est effectivement une femme sans grand intérêt…

Mme BICHOUTEAU : Donc ce soir, Machin, Machine et leur fille. Nos filles Rillette Minette et Petite, et le copain de Minette… Avec nous ça fera neuf à table ! Autant te dire qu’il y a du boulot en cuisine. Va mettre la table pendant que je vais arroser le rôti.

(Elle sort) (On entend des voix à cour. « Mais dépêche-toi à la fin ! Ce que tu peux être lente, ma pauvre !

Mais laisse-moi, je vais faire tomber le gâteau ! ») M BICHOUTEAU : 19h10. Ouverture d’un nouveau front à l’ouest !

(Il sort)

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Tableau Tableau 2 : Machin, Machine, Cousine.

Puis Mme BICHOUTEAU, M BICHOUTEAU.

(Machin et Machine entrent, ils sont suivis de Cousine, ils enlèvent leurs manteaux et les accrochent à la patère. Machine donne le gâteau à Machin pour pouvoir enlever son manteau.)

Machin : T’es pas croyable ! Deux heures pour t’habiller, une demi-heure de maquillage ! Et tu réussis à me convaincre d’attendre encore une heure pour faire un fichu gâteau que personne ne mangera !

Machine : On allait quand même pas venir les mains vides ! Je te rappelle qu’il s’agit de ta sœur, ce n’est pas comme si on était les meilleures amies du monde ! Je ne tiens pas à ce qu’elle me considère comme une pique-assiette malpolie ! (Elle réfléchit)…Comment ça, que personne ne mangera ?!

Machin : D’abord tu sais parfaitement comment tu cuisines. Ce n’est pas la peine de faire l’étonnée ! On ne peut pas être douée en tout ! Et puis effectivement, il s’agit de ma sœur : même si tu avais acheté ce gâteau chez un grand pâtissier, elle trouverait le moyen de le trouver immangeable !

Machine : Juste parce que c’est moi qui l’emmène.

Machin : Juste parce que c’est toi qui l’emmène.

Machine : ça promet, cette soirée. On aurait mieux fait de ne pas venir.

Machin : Oui, inventer une fausse excuse, comme les fois précédentes. Mais là on a pas trop le choix…

Cousine : Je pourrais difficilement avoir deux fois la rougeole, ou la scarlatine, ou le typhus !

Je crois que grâce à vous j’ai du attraper tout ce qui se fait, comme maladie grave !

Machine : Je me sens obligée… Comme pour le mariage de mon ex…

Machin : Là c’est pire. Il s’agit d’argent. Il n’y a rien de plus délicat.

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Machine : (au public) Il est ruiné. Aussi doué pour les affaires que moi en cuisine. Quand je pense que lorsque je l’ai épousé, je pensais faire une bonne affaire. Sa sœur était accrochée à lui comme une moule à son rocher. Je me suis dit qu’il devait sacrément valoir le coup…

Grosse erreur. GROSSE ERREUR !

Machin : Mais j’ai un plan. Il faut qu’on reparte avec un chèque. Et je sais comment m’y prendre. Je vais passer par lui, ce sera plus facile. Toi tu fais tout pour être aimable ! Il ne faut surtout pas qu’ils nous mettent dehors trop tôt !

Machine : Ah je vous jure, ça promet !

Cousine : Je tiens à dire que je ne suis pas d’accord avec le procédé que vous comptez employer pour leur extorquer de l’argent. Je ne vous cautionnerai pas, et si on me pose des questions, je vous dénonce.

Machin : Cousine, tu es en CM2 ! Essaie de parler comme un enfant de ton âge ! Celle-là non plus je sais vraiment pas quoi en faire !

Machine : Celle-là « non plus » ? Que veux-tu dire par là ?

M et Mme BICHOUTEAU entrent. Grands sourires et grands saluts, les meilleurs amis du monde.

Mme BICHOUTEAU : Ah ! Machine, Machin, ce que ça fait plaisir de vous voir ! Je ne vous ai pas entendu sonner !

Machin : On s’est dit qu’on pouvait entrer directement… c’est pas comme si on était pas de la famille.

Mme BICHOUTEAU : Mais bien sûr. (A Machine) Vous êtes ici chez vous ! Vous pouvez entrer et sortir comme bon vous semble ! Cette maison est votre moulin !

M BICHOUTEAU : ça fait bien longtemps ! Et voici Cousine ! Comme elle a grandit ! la dernière fois qu’on l’a vue, elle… elle… (À sa femme) Je crois qu’elle ne marchait pas encore ?

Machin : Oh ça fait vraiment longtemps qu’on ne s’est pas vu ! Le temps qui passe, et puis la vie tout ça…

Cousine : Oui, les maladies à répétition. Les réunions de travail du samedi soir…

Machine : J’ai apporté le dessert.

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Mme BICHOUTEAU : Oh il ne fallait pas ! Mais il y en a déjà un de prévu… vous pourrez le garder pour demain…

Machine : C’est un gâteau léger ! Nous pourrons le servir pour le café !

Mme BICHOUTEAU : Ah très bien… Bon, nous allons le mettre au frigo, alors ?

Machine : Je vous suis !

(Elles sortent en parlant) Mme BICHOUTEAU : Et comment ça se passe, l’école pour Cousine ?

Machine : Très mal ! Elle ne s’entend avec personne et ne ramène que des mauvaises notes.

Mme BICHOUTEAU : Oh, j’en suis navrée !

(Elles sont sorties) Machin : Alors, comment ça se présente ?

M BICHOUTEAU : Georgette veut que nous fassions des efforts…

Machin : Et elle ? Elle compte en faire ?

M BICHOUTEAU : Elle n’imagine pas qu’elle puisse avoir un effort à faire…

Machin : C’est un peu le problème… Ecoute, je sais qu’on se voit pas souvent, et tu dois trouver bizarre qu’on débarque tout à coup…

M BICHOUTEAU : Plus tard, les aveux… Tu veux prendre un petit apéro ?

Cousine : Vous risquez d’en avoir besoin, effectivement.

M BICHOUTEAU : Quoi ? Qu’est-ce que tu dis ?

Machin : T’occupe pas. Cousine est une enfant extrêmement précoce, elle méprise tout et tout le monde. Elle n’arrête pas de faire des réflexions désagréables. Enfin je crois, parce que la plupart du temps, je comprends pas la moitié de ce qu’elle raconte.

M BICHOUTEAU : Ah… pas facile… Bon et cet apéro ?

Machin : ça marche.

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(Ils s’apprêtent à sortir) Mme BICHOUTEAU (de la coulisse) : N’oublie pas ta promesse, Georges !

M BICHOUTEAU : Je n’oublie pas, mon sucre d’orge, je n’oublie pas !

(Ils sortent) Cousine : Est-ce que quelqu’un peut me donner un renseignement ? Est-ce que vous savez dans quel institut ils sont venus me chercher ? Vous connaissez mes vrais parents ? Tout le monde me dit que je suis aigrie et méprisante… mais vous avez vu. On serait de mauvaise humeur pour moins que ça ! J’en voudrais pas comme amis, et ce sont mes parents ! Enfin.

Heureusement que je les aime quand même…

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Tableau Tableau 3 : Cousine, Minette BICHOUTEAU et Vernon. Vernon sort.

Puis Minette et Mme BICHOUTEAU et Machine, Cousine.

Machine sort.

Minette entre, discrètement. Elle avance pour vérifier que personne n’est là. Elle voit Cousine mais fait comme si elle n’était pas là. Cousine l’observe, curieuse. Puis Minette retourne vers la coulisse et appelle quelqu’un.

Minette : Hey, Vernon ! Vernon ! Viens, c’est bon ! Personne n’est là Vernon (entrant) : Je ne comprends vraiment pas pourquoi on doit faire tout ça. C’est vrai que ce sont tes parents. Je sais que tu es inquiète de me présenter à eux. Mais de là à entrer discrètement, pour que personne ne nous voit, franchement… (Il aperçoit Cousine) En plus c’est raté, il y a quelqu’un.

Minette (elle continue à faire des allers-retours, pour vérifier que personne n’arrive) : Non, ne t’inquiète pas, c’est ma cousine, Cousine. Elle ne dira rien. Et même si elle dit quelque chose, de toute façon généralement tout le monde s’en fiche.

Vernon : C’est ta cousinecousine ? C’est quoi, ça ? Une cousine germaine par alliance ?

Minette : non, pas du tout. C’est bien ma cousine, la fille de mon oncle. Mais elle s’appelle Cousine.

Vernon : Là, je commence à m’inquiéter. T’as effectivement une famille très étrange. Faut avoir un grain pour appeler sa fille Cousine.

Minette : Non, là ça n’a rien à voir avec ma famille. Ce ne sont pas ses parents qui l’ont appelé Cousine.

Vernon : Bah alors c’est qui ?

Minette : C’est Guillaume.

Vernon : Hein ? Qui ?

Minette : Bon laisse tomber. Sinon on ne va pas s’en sortir.

Vernon : Je me sens perdu…

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Cousine : Et c’est pas près de s’arranger.

Minette : Elle va arriver. Ecoute, je préférerais que tu attendes dehors, un peu. Je voudrais tâter le terrain, voir comment elle est avant de te présenter… Je viendrais te chercher après, d’accord ? Allez sors d’ici !

Vernon : Mais attend, ça va aller ! Ta mère n’est certainement pas le monstre que tu m’as décrit !

(Minette et Cousine le regardent et éclatent de rire. Minette pousse Vernon stupéfait dans la coulisse.)

Minette (à Cousine) : Et toi. Tu tiens ta langue, hein. Ça va déjà pas être simple, alors… reste telle que tu es, là sans bouger, c’est très bien.

Cousine : Ne t’en fais pas, Minette. Ça commence à devenir marrant, je voudrais pas gâcher le spectacle.

Minette : Oui, ben… Surtout évite de rajouter ton grain de sel.

Mme BICHOUTEAU entre, suivie de Machine.

Mme BICHOUTEAU : Un kilo ! Un kilo de sel ! Vous m’avez collé un kilo de sel dans le ragoût ! Non sans rire, Machine, vous l’avez fait exprès, c’est ça ? Vous voulez me mettre hors de moi, c’est ça ? Vous faites semblant d’être maladroite, c’est ça ?

Machine : Mais puisque je vous dis que je ne l’ai pas fait exprès ! J’allais en mettre une pincée, et quand j’ai penché la salière, vous m’avez hurlé dessus « ATTENTION PAS TROP !! », alors j’ai sursauté et j’ai tout lâché !

Mme BICHOUTEAU : (elle voit Minette) Ah ma chérie te voilà enfin ! Ça me fera un peu de conversation, tu me sauves ! Comment vas-tu ? Tu as encore changé de couleur de cheveux ? Et ton copain il est où ? Et cette robe, c’est nouveau aussi ? Et il est où ton copain ?

Bon tu me réponds ?

Minette : à quoi ? Les cheveux ou la robe ?

Mme BICHOUTEAU : le copain !

Minette : (fuyant la conversation) Ah bonsoir Machin ! Ça fait longtemps qu’on ne s’est pas vues, comment vas-tu ?

Machine : Comme ci comme ça… En ce moment j’apprends à cuisiner.

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Minette : Mais c’est passionnant ! Et tu en es où ?

Machine : Le sel ! Actuellement on m’enseigne à réussir à faire la différence entre une pincée et un kilo, tout en me criant dans les oreilles. C’est un cours intensif.

Mme BICHOUTEAU : Bon d’accord j’ai compris. Je vais essayer de récupérer vos bêtises.

(Elle se dirige vers la sortie, entre Rillette, femme d’affaire très occupée.)

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Tableau 4 : Cousine, Minette BICHOUTEAU, Mme BICHOUTEAU, Rillette BICHOUTEAU. Mme BICHOUTEAU sort.

Rillette : Ah bonsoir, je ne suis pas trop en retard ? Bonsoir maman. Minette, Cousine.

Machine, toujours les deux pieds dans la même chaussure ?

Machine (au public) : Je passe une soirée merveilleuse.

Cousine (au public) : Rillette, la sœur aînée. Très bonnes études, très bon travail. Célibataire sans enfants. Elle a réussi. Elle en est fière.

Rillette : Très fière. Tu parles toujours aux murs, Cousine ? Dites, il y a un garçon qui rôde devant la maison. Il fait les cent pas sur le trottoir et regarde la porte d’entrée de temps en temps. Il ne m’inspire pas confiance. Il m’a sourit et m’a dit bonsoir quand je suis passé à côté de lui. Je n’aime pas qu’un inconnu me dise bonsoir. Encore moins s’il me sourit. Je vais appeler la police pour qu’ils nous en débarrassent.

Minette (paniquée) : Laisse tomber, frangine, il doit attendre un taxi, et il est poli ! Ça ne mérite pas la prison, quand même, d’être poli !

Rillette : Dans mon monde : si. Trop poli, tu te fais manger. Pour mon métier être poli c’est un signe de faiblesse. Les faibles ne méritent que la prison. C’est logique non ? NON ?

Toutes les trois : Très logique ! Tout à fait ! D’une clarté ! C’est limpide !

Rillette : Donc, pour éviter que ce faible ne courre les rues et ne soit trop poli avec de pauvres inconnues sans défense comme moi. J’appelle la police, je leur dis qu’un pervers rôde dans la rue. Ils vont lui apprendre la politesse, vous allez voir. (elle sort son téléphone et commence à composer un numéro.)

Minette (inquiète) : Ecoute, frangine, je peux te parler une seconde ?

Rillette : Avant ou après ma dénonciation ?

Minette : Avant, si tu veux bien…

Rillette : Très bien. (Elle raccroche.)

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Mme BICHOUTEAU : Tu vois, Minette, ça c’est une femme d’action ! Sûre d’elle, efficace, pas de temps pour la discussion ! Pas de temps à perdre à réfléchir ! Tu devrais prendre exemple sur ta sœur.

Minette : Oui maman. Tu as raison.

Mme BICHOUTEAU : D’ailleurs, en parlant de sœur, elle est où la cadette ? (Hurlant) PETITE ! PETITE ! Où elle est, bon sang !

Rillette : Sans doute dans sa chambre, la musique à fond dans les oreilles.

Mme BICHOUTEAU : Tu as raison, je vais la chercher.

(Elle sort) Machine : Je vais essayer de récupérer le sel, je vais rattraper mes bêtises, ne vous en faites pas !

Mme BICHOUTEAU (de la coulisse): C’est ça !

Machine sort aussi.

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Tableau Tableau 5 : Cousine, Minette BICHOUTEAU, Rillette BICHOUTEAU. (Elles se regardent, face à face, comme si elles se défiaient.)

Rillette : Alors ?

Minette : Le Rôdeur…

Rillette : Oui ?

Minette : C’est lui, mon fiancé.

Rillette : Et j’allais le faire arrêter.

Minette : Tu as toujours été un peu impulsive.

Rillette : Et pourquoi tu le laisses dehors ?

Minette : Pour prendre la température, avec maman. Qu’elle se défoule un bon coup sur nous, elle sera peut-être un peu plus calme quand je le lui présenterais.

Rillette : Bien vu. Il est plutôt mignon.

Minette : C’est mon fiancé.

Rillette : Oui, oui… (Elle lui sourit) Cousine : Alors, si en plus Tu cherches à lui piquer son copain, ce soir ça va être un sacré cirque !

Rillette : Tu sais, Cousine. Je n’ai pas le temps de chercher de fiancé, je travaille trop. Alors si ma sœur m’en apporte un sur un plateau, c’est tout de même plus pratique.

Minette : Tu ne feras pas ça. Tu ne ferais jamais ça à ta sœur !

Rillette : Je n’ai pas réussi dans la vie en étant correcte avec les gens.

Cousine : (au public) J’adore cette famille. Il n’y en a pas un pour rattraper l’autre ! On se croirait presque au théâtre, tellement ils sont excessifs !

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Minette : Je vais le chercher.

Rillette : Je t’accompagne. (Minette s’arrête. Rillette s’arrête. Minette fait un pas, Rillette fait un pas, Elles finissent par sortir.)

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Tableau Tableau 6 : Minette et Rillette sortent (voir le fiancé) Cousine, M BICHOUTEAU, Machin.

Puis Petite BICHOUTEAU. (M BICHOUTEAU et Machin reviennent, ils sont légèrement ivres, un verre à la main.)

M BICHOUTEAU : Et bien voilà, tu comprends pourquoi je ne peux pas t’aider ? Tu sais bien que je voudrais te prêter de l’argent ! Mais pour Georgette, c’est hors de question. Donc pour moi aussi c’est réglé.

Machin : Allons Georges ! Ne me dis pas que tu as peur de ta femme ! En plus c’est une toute petite somme, et je te rembourserais vite ! Tu as ma parole !

M BICHOUTEAU : Peur de ma femme ? Alors pourquoi ne vas-tu pas lui demander toimême directement ?

Machin : Parce que, parce que… C’est ma sœur, et que j’en ai déjà suffisamment bavé toute mon enfance. Voilà.

M BICHOUTEAU : Donc c’est mon tour, c’est ce que tu veux dire ? Sympa, très sympa de ta part !

Cousine : On devrait pas avoir d’histoire d’argent en famille. Ça fini toujours par mal se passer.

Machin : Tu es trop jeune pour comprendre ces choses.

M BICHOUTEAU : Tu veux pas aller jouer, pendant que les adultes parlent, Cousine ?

Petite (De la coulisse) : ça va, maman, j’ai compris je descends. Mais un jour, tu regretteras d’avoir été sévère avec moi ! Un jour je vais fuguer et là tu seras bien contente ! (Elle entre sur scène) Je déteste cette famille, on ne peut jamais rien faire, j’étais en train de discuter avec une copine, et maman a débranché l’ordinateur ! Je la déteste (elle voit son père et Machin) et toi aussi je te déteste, et toi, et toi (au public) et vous aussi, voilà ! je fais un prix de gros, je déteste le monde entier !

Machin : Bonsoir, Petite, alors toujours en colère ?

M BICHOUTEAU : C’est l’âge, que veux-tu ! Rien ne lui convient, ni l’école, ni sa famille, ni la nourriture, ni les vêtements, une vraie petite adolescente !

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Machin : Si seulement Cousine pouvait se comporter comme une adolescente, de temps en temps…

Cousine : L’adolescence est une perte de temps, on se bat contre des moulins à vent, pour finir par se comporter comme des adultes… franchement je préfère rester une petite fille cynique.

Petite : Eh ben, si tu veux rester une gamine toute ta vie, ça te regarde. Moi je veux qu’on reconnaisse que j’ai des droits, que je suis responsable et indépendante maintenant ! Sinon je boude !

Cousine : bouder, ça c’est être responsable et indépendant !

Petite : Je crois que je te déteste encore plus que tous les autres.

Cousine : Merci, c’est un honneur d’avoir une telle valeur.

M BICHOUTEAU : Dites les filles, si vous alliez poursuivre cette conversation dans ta chambre ? Profitez-en pour jouer à la poupée, vous avez l’air de bien vous entendre !

Machin : Allez, oui, allez donc jouer toutes les deux, si vous vous battez là-haut, ici au moins on aura la paix !

Cousine et Petite : PAPA !

Machin : Alors c’est nous qui vous laissons. Amusez-vous bien ! On va poursuive notre conversation. Tu viens Georges ?

M BICHOUTEAU : Je viens, Machin. Les filles, ne cassez rien et n’énervez pas vos mamans. C’est déjà assez difficile pour elles d’être dans la même pièce.

(Ils ressortent.)

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Tabl Tableau 7 : Cousine et Petite.

Puis Minette et Rillette.

Puis Mme BICHOUTEAU. Puis Vernon.

Petite et Cousine regardent les pères sortirent. Une fois qu’ils ne sont plus là. Elles se regardent et sourient.

Petite : J’ai quand même beaucoup de mal à jouer la comédie… J’ai peur de te blesser !

Cousine : Ne t’inquiète pas, il m’en faut beaucoup plus. J’espère que tu tiendras pas compte de ce que j’ai raconté ? Je ne pense pas du tout ce que j’ai dit.

Petite : Ben, non ! Et moi non plus ! Mais finalement, avec nos parents, on peut vraiment avoir la paix que si on les ennuie avec nos histoires… Si on s’entendait trop bien : ils passeraient leur temps à chercher à rester avec nous, pour piquer un peu de notre bonheur ! Je n’ai aucune envie de partager !

Cousine : Alors que là, s’ils croient qu’on n’arrive pas à se supporter, ils préfèrent nous abandonner à nos disputes et ne pas s’en mêler. C’est presque trop facile de leur faire faire ce qu’on veut…

Petite : Mais au moins, c’est pas pour avoir des cadeaux ou plus d’attention… mais vraiment pour avoir la paix ! C’est pas trop méchant.

Cousine : Tu es vraiment la meilleure amie que j’ai, Petite ! J’espère qu’on ne sera jamais séparées !

Petite : Tant qu’ils continuent de se disputer une fois par mois, on se verra régulièrement ! Et quand ils arrêteront définitivement de s’inviter à diner. Eh bien, on avisera !

Cousine : Meilleures copines ?

Petite : meilleures copines !

(Elles se jettent dans les bras, l’une de l’autre, comme les meilleures amies du monde.)

(Minette et Rillette entrent, Minette supplie Rillette.)

Rillette : Tu as vu comme il m’a regardée ? C’est du tout cuit.

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Minette : S’il te plaît, frangine, ne fais pas ça ! Je tiens à lui ! Ne cherche pas à me le prendre !

(Elles s’arrêtent net. Rillette montre les petites du doigt) Rillette : Alors ça, regarde un peu, Minette !

Minette : Ne détourne pas la conversation !

Rillette : Mais regarde, bon sang ! Eh bien les filles, pour deux cousines qui ne se supportent pas, et préféreraient se faire arracher la langue plutôt que discuter ensembles. Vous avez l’air bien complices, tout d’un coup !

Minette : Ah ben ça alors, ça alors !

Les deux filles se séparent vite.

Petite : Non, pas du tout, en fait on était en train de se battre ! Tiens (Elle donne un coup de poing à Cousine) !

Cousine : Aïe ! Mais ça va pas la tête ! Tu m’as fait super mal !

Petite : Oh je suis désolée ! (regard aux deux grandes) Enfin je veux dire : ça t’apprendra à jouer les intellos, je te déteste !

Rillette : Ce n’est pas la peine, de faire semblant, les filles. On vous a prises en flagrant délit.

Alors comme ça vous vous entendez bien ?

Petite : Non, pas du tout.

Cousine : Mais si. Laisse tomber, Petite. Vous ne le direz pas, hein ? C’est le seul moyen qu’on a trouvé pour que les parents nous fichent la paix.

Rillette : Bien sûr qu’on ne dira rien. On est de la même famille, après tout. Par contre il va falloir accepter de nous rendre quelques services. Après tout, Minette et moi, nous allons devoir mentir aux parents. Ce n’est pas très agréable.

Minette : T’es pas croyable, Rillette. Bien sûr qu’on ne dira rien, vous pouvez rester copines sans crainte, on ne dira rien. Et on ne demandera rien en échange. Hein, Rillette ?

Rillette : Peut-être.

Minette : Rillette ?

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Rillette : Oui, bon d’accord… Franchement… Elles auraient pu laver ma voiture, tondre ma pelouse, me faire à manger quelques semaines, en remerciement…

Minette : Mais qu’est-ce que tu as fait de ta conscience ?

Rillette : Dans mon travail. C’est un handicap. Ma conscience, je l’ai enterrée au fond du jardin.

Petite (au public) : Tout le portrait de maman.

Rillette : Qu’est-ce que tu dis ?

Petite : Rien, rien du tout… Au fait il arrive quand ton fiancé ? Maman est très impatiente de le rencontrer.

Rillette : Il est super craquant !

Petite : Quoi, tu l’as vu ?

Mme BICHOUTEAU (elle entre, fatiguée): Bon, le repas va bientôt être prêt. Et ton copain, il arrive ou quoi ? C’est un comble, ça, être en retard chez les parents de sa fiancée, la première fois qu’on le voit ! Je t’avoue que ça démarre mal, pour une première rencontre.

Minette : Je vais voir s’il arrive.

(Elle sort) Mme BICHOUTEAU : Et vous, les filles, tout va bien ? Vous ne vous êtes pas encore entretuées ?

Les petites se détournent l’une de l’autre en boudant.

Rillette : Eh bien en fait, on les a surprises, tout à l’heure… (Les petites la regarde, inquiète) Et heureusement qu’on est arrivées, parce qu’elles étaient à deux doigts de se battre ! (Les petites lui font un signe du pouce) Il va falloir qu’on les ait à l’œil.

Mme BICHOUTEAU : En tout cas, il va être temps qu’on se mette à table… Il faut que cette soirée se termine vite… Tu n’as pas vu ton père ?

Petite : Il est parti prendre l’apéritif avec Machin.

Cousine : Ils parlaient d’argent.

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Mme BICHOUTEAU : J’en étais sûre ! J’en étais sûre ! Ah ça ils vont m’entendre !

(M BICHOUTEAU et Machin reviennent, encore plus ivres) M BICHOUTEAU : Je te jure ! Ils étaient persuadés que c’était moi, j’ai du leur expliquer pendant une heure que je n’avais même pas le permis !

Machin : Mais quelle histoire ! Quelle histoire !

Mme BICHOUTEAU : Vous deux, on va avoir une petite conversation !

(Minette entre, accompagné de Vernon) M BICHOUTEAU (cherchant à détourner l’attention de sas femme): Mais qui voilà !

Minette : Alors, nous voici ! Papa, Maman, je vous présente Vernon ! Dis bonjour, Vernon.

Vernon : Bonsoir à tous. Je suis ravi de faire enfin votre connaissance ! C’est une maison splendide que vous avez là, et ça sent très bon ! Le repas de ce soir promet d’être délicieux !

(Tout le monde reste silencieux, intrigué par sa façon de parler. Il en fait des tonnes pour se faire bien voir) M BICHOUTEAU : Eh bien, bonsoir jeune homme, je suis le papa de…

Vernon : M BICHOUTEAU ? Oh vraiment c’est un honneur de vous rencontrer, Minette m’a beaucoup parlé de vous, d’après ce qu’elle m’a dit, vous êtes le père que tout le monde rêverait d’avoir !

M BICHOUTEAU : Ah bon, Minette a dit ça ?

Vernon : Et plus encore ! Fier, présent, attentif et patient ! Aimant pour chacun de vos enfants ! Un modèle ! J’aimerais un jour devenir le père que vous êtes aujourd’hui !

M BICHOUTEAU (qui ne comprend rien) : Hein, quoi ? Quand ça ?

Minette : Tu en fais peut-être beaucoup, là…

Rillette : Laisse, Minette, c’est rigolo.

Mme BICHOUTEAU : Vous parlez bien, jeune homme, mais les jolis mots, ça ne fait pas quelqu’un de bien, vous savez…

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Vernon : Mme BICHOUTEAU, j’en suis sûr, vous êtes la maman de Minette ! Ah madame, permettez-moi de… de vous serrer la main. C’est grâce à vous que minette est aujourd’hui ce qu’elle est ! Et je l’aime comme vous me l’avez faite, telle qu’elle est, votre œuvre !

Mme BICHOUTEAU : Oh, monsieur, je… je vous en prie…

Rillette (à Minette) : Il est fort, ton fiancé…

Petite : Faut avouer, il se débrouille vraiment très très bien…

Vernon : Mais si, madame, la minette que j’ai rencontrée, c’est celle que vous avez élevée, et je vous en remercie ! Et j’ai croisé sa sœur, Rillette, une autre de vos réussites, droite, travailleuse, elle sait ce qu’elle veut, et fait tout ce qu’il faut pour l’avoir !

M BICHOUTEAU : ça c’est vrai…

Vernon : Une volonté de fer ! Un bulldozer qui écrase tout sur son passage pour atteindre ses objectifs !

Rillette : Un bulldozer ?

Cousine : Là il ne t’a pas ratée !

Vernon : Cousine ! petit prodige, qui ne s’adapte pas au monde à cause de son esprit trop avancé, mais qui reste polie avec ceux qui sont un peu plus lents qu’elle. Une grande noblesse !

Cousine : Mouais… grande noblesse…

Vernon (il se dirige vers Machin) : Et vous, monsieur, heu… (Regard à Minette) Minette : Mon oncle, Machin.

Vernon : Machin ?! Bon… L’oncle, eh bien… Vous avez l’air très gentil…

Machin : Brave garçon !

Vernon : Vous êtes une famille modèle, messieurs dames ! Et je suis fier de vous rencontrer !

De pouvoir participer un peu à l’harmonie de vos relations, à l’affection que vous avez les uns pour les autres, et, et…

Petite : Il arrive au bout de ses idées, ton chéri !

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Vernon : Ah la petite dernière ! Petite ! La cadette pleine de rêves ! Une adolescente prête à mordre la vie à pleines dents, pas facile à vivre ! Mais tu vas grandir, va !

Petite : Non mais de quoi je me mêle ?

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Tableau Tableau 8 : Tous, puis Machine.

(Machine entre, un torchon à la main) Machine : Bon, je suis désolée, je crois bien que le rôti est fichu… J’ai voulu le rincer pour enlever le sel, alors j’ai vidé toute la sauce, et comme il allait sécher, j’ai rajouté de l’eau claire mais maintenant, il a bouilli… Si je nous commandais une pizza… ce serait bien, non ?

Je suis vraiment navrée Georgette… Je ne l’ai pas complètement fait exprès.

Vernon (il se jette sur elle pour lui serrer la main): Ah et sans doute, la tante de Minette, ravi, je suis ravi de vous rencontrer !

Machine : C’est quoi, ça ? Un clown que vous avez embauché pour la soirée ?

Petite : C’est le fiancé de Minette. Il est très très poli.

Vernon : Je ne suis pas poli, voyons, Petite, je me contente de rendre justice à la famille de ma fiancée ! Car c’est grâce à vous qu’elle est ce qu’elle est aujourd’hui !

Petite (à Minette) : Alors ça, frangine, je ne sais vraiment pas comment je le prendrais.

Vernon : Et donc vous êtes sa tante, une femme gentille et facile à vivre, patiente avec les gens, et d’une charmante maladresse !

Machine : Mais vous n’êtes pas bien, ou quoi ? Qu’est-ce que ça veut dire, tous ces jolis mots ? Vous vous croyez chez des ministres ? C’est pour vous faire bien voir de cette famille ? C’est pour vous intégrer que vous nous lécher les bottes comme ça ? Je vais vous dire : moi ça fait vingt ans que je suis mariée avec celui-là, et bien j’ai jamais été intégrée ! Et encore mieux : j’aime autant, parce que ça me ferait mal d’être acceptée par une famille pareille ! Alors ne vous cassez pas la tête et restez naturel, c’est un conseil !

Vernon : Oh vous me soulagez, madame, vous avez raison, je vais rester moi-même ! Et je suis vraiment content de ne pas être le seul à penser qu’il s’agit vraiment d’une famille de dingue !

(Les derniers mots sont dits très forts, et tout le monde réagit au quart de tour pour entrer dans une dispute incroyable où on entend rien de tout ce qu’ils disent, ils parlent tous en même temps. Seul Vernon reste au milieu, fixe, comme s’il était le sorcier qui vient de déclencher les orages.)

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Mme BICHOUTEAU : (à Vernon) Comment osez-vous ? Vous ne nous connaissez même pas et vous vous permettez de venir nous juger de façon aussi grossière ? C’est ma fille qui vous a raconté que nous étions des dingues ? Mais est-ce que vous vous êtes regardé, à nous lécher les bottes comme ça… Alors c’est qui le plus dingue, celui qui est enfermé à l’asile ou celui qui fait tout pour y entrer ? (À M BICHOUTEAU) Et toi, voilà où tes excès nous conduisent ! Tu bois trop et ça nous donne une sale réputation, et je sais que tu vas donner de l’argent à mon frère, je sais tout, tu es faible ! Je ne sais pas combien de temps je vais tenir à te supporter comme ça ! (À Minette) Toi, tes copains, je ne veux plus jamais en entendre parler, ils sont impolis et médisants, et pour ton bien, tu as intérêt à mieux les choisir !!

Machin : (à Machine) Mais ça ne va pas de dire des choses comme ça ? Comment ça tu n’es pas intégrée ? Tu ne fais aucun effort, aussi, tu passes ton temps à vouloir rendre service et à provoquer des catastrophes, c’est pas comme ça qu’on gagne le respect ! (à Cousine) Tu ne dis rien, toi ? Ce serait bien la première fois ! Avec ta langue bien pendue, ta mère a perdu toute confiance en elle, et voilà le résultat ! (à Mme BICHOUTEAU) Soeurette, il serait peut-être temps que tu fasses aussi un petit effort pour ne pas faire fuir les gens, et ne pas les effrayer, ça nous changerait, je te jure !

Minette : (à Rillette) Eh bien voilà ! Tu lui fais les yeux doux, et il a l’impression que c’est gagné, et il se laisse aller ! Tu n’imagines pas le temps qu’on avait mis à répéter son entrée, et tout est gâché ! Encore un qui va s’enfuir, maintenant ! Eh bien je te le laisse ! (À Vernon) Tu n’aurais pas pu tenir ta langue toi ? On y était presque et tu craques au dernier moment ! Même dans une famille normale, ça ne se dit pas des choses comme ça, jamais ! (À Mme BICHOUTEAU) Maman, ose dire qu’il a tort ! Regarde-nous, regarde-toi ! On est une famille de dingues !

Rillette : (à M BICHOUTEAU) Tu comptais donner de l’argent à ces incapables ? Mais tu es fou ! Ils sont incapables de te rembourser et c’est mon héritage que tu jettes par les fenêtres ! (À Minette) Non ne t’inquiète pas, je n’en veux plus, de ton fiancé, là il s’est complètement grillé. Il est beaucoup trop maladroit pour m’intéresser encore. Tu devrais me remercier de l’avoir troublé : il a révélé sa vraie personnalité ! Il est faible ! (À Machin) vous, il est hors de question que papa vous donne quoi que ce soit, je ferais tout ce qui est en mon pouvoir pour l’en empêcher, je n’ai pas confiance en vous !

Machine : (à Vernon) Bravo, jeune homme ! Bravo ! Si j’avais osé le dire il y a vingt ans, je n’en serais pas là aujourd’hui ! Vous ne vous en doutez pas encore mais je vous ai sauvé, ce soir, je vous ai sauvé ! (À Machin) Toi, on l’a toujours su, c’est ta sœur qui me rend maladroite ! Elle est tellement oppressante que j’ai toujours l’impression de mal faire, et c’est là que je fais vraiment des bêtises ! Si tu me soutenais un peu, on en serait pas là !

Petite : (hurlant) STOP ! STOP ! STOP !

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Tout le monde se tait immédiatement.

Petite : On se voit le mois prochain ?

Tous : Oh oui, bien sûr ! Bonne soirée à vous ! Bon eh bien désolée pour le ragoût ! Le chèque, on s’appelle demain ! Au revoir, au revoir ! Dis-moi, tu veux aller au cinéma ? Oh oui, bien sûr, ce serait avec plaisir ! Bon à plus tard ! Au revoir ! Au revoir !

Ils sortent tous, laissant Vernon, tout seul, dans la même position qu’avant la dispute, il regarde le public, encore sous le choc de ce qu’il vient de se passer.

Vernon : Mais qu’est-ce qu’il s’est passé ? Vous avez compris quelque chose, vous ? Moi je n’ai rien compris. Rien compris du tout, du tout, du tout…

Rideau.

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