Un tournage d’enfer... De Guillaume Moraine
1 Un tournage d’enfer, gmoraine@gmail.com
Personnages :
Martine : Réalisatrice de film. Désirée: propriétaire du manoir. Michelina : Une professeur de danse classique. Berthe : assistante réalisatrice. Jeanne Eugénie : actrice. Félix : acteur. Eve : actrice. Nicolas : jeune garçon disparu, fantôme. Robert : technicien de plateau. Alice : jeune fille disparue, fantôme. Pimprenelle : jeune fille disparue, fantôme. Adèle : Actrice. Mme Perval (Elodie) : propriétaire du manoir
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1 jeux d’enfants. d’enfants. Alice lit un livre, assise dans un fauteuil, Pimprenelle et Nicolas jouent à s’attraper autour d’elle, elle ne s’en préoccupe pas, même s’ils lui passent par-dessus. Pimprenelle : Tu ne m’auras pas, Nicolas, t’es trop gros ! T’es trop lent ! Nicolas : attends un peu, p’tite sœur ! Tu vas voir ! À toi ! Tu vois ! Les filles c’est trop nul ! Pimprenelle : Les filles c’est peut-être nul, mais les garçons c’est stupide ! Vous êtes des idiots ! Nicolas : C’est pas vrai, c’est toi qui es une idiote, d’abord ! Pimprenelle : C’est bon j’arrête, j’en ais marre de jouer à attrape. Nicolas : d’accord, on arrête. A quoi tu veux jouer alors ? Pimprenelle : je ne sais pas, on a qu’à… Elle regarde Alice, avec un sourire, et fait clin d’œil à Nicolas, celui-ci comprend ce qu’elle veut dire. Alice voit leurs sourires. Alice : je vous déconseille de faire ça les petits, je suis plus forte que vous deux réunis. En plus je voudrais lire tranquillement. Nicolas menaçant : Oh, allez, tu crois que tu peux nous battre ? Alice : Avec une seule main, si je veux. Pimprenelle menaçante : En plus, ça fait cent fois que tu le lis, ce livre, tu le connais par cœur ! Alice : ça fait cent fois que je lis toute notre bibliothèque, Pimprenelle. Nicolas : Et t’en as pas marre ? Alice : Je peux pas aller à la médiathèque, et j’aime lire. Alors je fais avec ce que j’ai. Et je vous vois vous approcher, bande de sales gosses. Je vous préviens que ça va mal se passer ! Pimprenelle : Comme si tu pouvais nous faire mal, grande sœur ! Nicolas, t’es prêt ? À trois ? Nicolas : Prêt ! 1 ! Pimprenelle : 2 ! Nicolas : 3 ! Ils se jettent sur Alice et la chatouillent, elle se défend, ils rient, et tombent du fauteuil. Alice : ça suffit ! Ça suffit ! Elle s’écarte. Vous arrêtez et je vous raconte une histoire, d’accord ? 3 Un tournage d’enfer, gmoraine@gmail.com
Pimprenelle : D’accord ! Mais une histoire d’horreur, alors ! Nicolas : Oh ouais ! Alice : Vous ne trouvez pas qu’on a eu notre compte, en histoires pas drôles ? Si je vous racontais l’histoire d’une famille heureuse, avec des parents, et tout, et l’école, et les amis ? Pimprenelle : Non, ça va encore me faire pleurer. Je préfère une histoire d’horreur. Les enfants s’assoient sur le fauteuil. Alice : Bon. Ça se passe dans un vieux château. Il y avait un ogre terrifiant qui mangeait les enfants ! Nicolas : Il les mangeait comment, tout cru ? Pimprenelle : Non, il devait les cuisiner ! Alice : Oui. C’était un ogre avec beaucoup de goût. Il préparait les enfants pour de vrais festins d’ogre ! Avec des frites, et tout ! Pimprenelle : Au four ! Nicolas : non ! En brochette au barbecue ! J’adore le barbecue ! Pimprenelle : T’as jamais mangé de barbecue ! Nicolas : N’empêche, j’adore ça ! Alice : Et cet Ogre, un jour, il enlève trois enfants perdus dans une forêt ! Nicolas : et ils s’appellent Nicolas ! Pimprenelle : Et Pimprenelle ! Nicolas et Pimprenelle : Et Alice, ouuuuuhhhh en faisant les fantômes devant leur grande sœur. On entend des hurlements dans la coulisse. « Non ! noooooon ! Au secours ! À l’aide ! vite fuyons ! Pimprenelle : Oh non, ils recommencent… Nicolas : Ils vont encore venir nous casser les pieds et les oreilles. Alice : C’est n’importe quoi, de crier comme ça… Pimprenelle : On va ailleurs, Alice, pour la fin de l’histoire ? Alice : Vous la connaissez déjà, la fin de l’histoire. Nicolas en courant vers la coulisse, il se retourne : Oui mais je veux encore l’entendre ! Allez venez ! Pimprenelle court le rejoindre, Alice sort aussi en marchant. On entend de nouveau les cris en coulisse. 4 Un tournage d’enfer, gmoraine@gmail.com
2 Scène de poursuite. poursuite. Eve et Adèle entrent en courant sur scène, Adèle tombe et se blesse, Eve revient sur ses pas pour l’aider à se relever. Elles doivent fuir, mais Adèle ne peut plus courir. Eve : Il faut partir, tout de suite ! Je ne veux pas mourir ! Adèle : Au secours ! AAAIIE ! Ma cheville ! Ma cheville ! Eve : Dépêche-toi, Cindy ! Il ne faut pas rester là ! Il faut continuer à courir ! Adèle : Je me suis foulée la cheville, Mindy ! Je me suis foulée la cheville ! Je ne peux plus avancer ! Eve : Si tu te lèves pas, tu vas mourir ! Ils vont nous rattraper ! Tu dois faire un effort ! Adèle : Je ne peux pas ! C’est fini pour moi, Mindy ! Pars, pars, laisse-moi ! Je les retiendrais aussi longtemps que je pourrai ! Eve : Je ne te laisserai pas, Cindy, jamais je ne t’abandonnerai ! Tu as toujours été là pour moi ! Même le jour où Brandon a rompu avec moi ! Alors je serai là pour toi ! Adèle : je t’en supplie, Mindy, ne sois pas bête ! On va mourir toutes les deux si tu restes ! Je ne veux pas avoir ta mort sur la conscience ! Va-t-en ! Sauve ta peau ! Ils ne vont plus tarder ! pour elle-même Mon dieu je n’ai jamais eu de chance ! Eve : je ne peux pas, je ne peux pas, je ne peux pas ! Adèle : Ecoute-moi, Mindy : J’ai besoin que tu ailles voir mes parents, et que tu leur dises que je les aime, et que je leur pardonne pour l’histoire de la voiture ! Tu peux faire ça pour moi ? Eve : Je ne peux pas ! Adèle : J’ai besoin de toi ! J’ai besoin que tu vives ! Ne m’abandonne pas ! Eve : D’accord, d’accord… La vie est trop injuste ! Je leur dirais, à tes parents, je te le jure ! Adèle : Et tu prendras soin de Samson, hein ? Tu prendras soin de mon lapin, c’est promis ? Eve : je te le promets ! Adèle : Jure-le-moi ! Il ne s’en sortira pas sans moi ! Jure-le sur ce que tu as de plus cher ! Eve : Je te le jure, Cindy ! Je le jure sur ma vie ! Ton lapin ne manquera de rien ! Adèle : Merci, Mindy. Va, maintenant, va et sauve ta vie ! Eve : Je t’aime, Cindy, tu me manqueras ! 5 Un tournage d’enfer, gmoraine@gmail.com
Adèle : Je t’aime, Mindy, va, maintenant ! Eve s’apprête à sortir, quand Martine entre en applaudissant. Martine : Bravo les filles ! Bravo ! Alors là vous avez assuré, toutes les deux ! Bon, cette scène est prête à être tournée, il ne reste plus qu’à installer le plateau. Adèle : Merci Martine, merci beaucoup. Mais tu sais, moi je trouve toujours qu’il y a un souci dans le script… Martine : Oh. Et de quoi s’agit-il ? Adèle : Je trouve que Cindy meurt trop vite. Voilà. Eve : Encore cette vieille rengaine ! Adèle : Mais c’est vrai ! On prend du temps à la présenter ! Une famille difficile, un passé tumultueux, on voit qu’elle aime les lapins, le chocolat… et puis hop, au bout de quinze minutes, elle meurt ! C’est pas logique ! Eve : Ouais, ce que tu veux dire, c’est que ça te fait braire de disparaître de l’écran aussi vite ! C’est tout ! Tu voudrais faire ta star plus longtemps ! Adèle : Lâche-moi, Eve ! Oui, j’aimerais bien que mon personnage vive plus longtemps ! Mais ça n’empêche pas que pour l’histoire, c’est bizarre ! Martine : Et dans cette scène, tu préférerais que ce soit Mindy qui meurt, sans doute ? Adèle : voilà, pourquoi pas ! On la connaît à peine, elle manquerait à personne ! Eve : Non mais ça va pas, là ? Le scénario est écrit, point ! On fait comme c’est prévu ! Je me suis pas pris la tête à tout apprendre pour qu’on coupe maintenant ! Martine : Bon, écoute, Adèle, c’est un film d’horreur, donc il y a des morts, c’est le jeu. Et il faut bien que quelqu’un y passe en premier ! Pour le coup c’est toi, et c’est comme ça ! Et si t’es pas contente, tu peux toujours retourner faire des pubs pour de la lessive ! Adèle : Ok, ok. Mais il y a encore autre chose, je vois pas pourquoi on tourne ici, dans cette vieille baraque, elle est flippante ! On aurait pu le faire dans un studio, au chaud ! Martine : je veux du réalisme ! On tourne dans les lieux du drame, sur la scène de crime ! C’est un sacré coup de com’ pour le film ! Eve : En tout cas, c’est vrai qu’elle me fait flipper, moi aussi, cette maison… Martine : Maintenant, vous allez réviser vos textes une dernière fois, pour le tournage. On fait une seule prise, et c’est dans la boîte ! Eve et Adèle sortent à cour. Entrent Mme Perval et Désirée à jardin.
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3 Bienvenue chez nous Martine voit Mme Perval, et se dirige vers elle, Désirée reste un peu en retrait. Martine : Ah, Madame Perval ! Je suis contente de vous voir ! Mme Perval : Mais moi aussi, moi aussi… Tout se passe comme vous voulez ? Vous n’avez besoin de rien ? Martine : Oh, tout est parfait ! Et Je tiens à vous remercier d’avoir accepté de nous louer votre magnifique demeure pour le tournage de ce film ! Nous sommes un peu envahissants, je le sais, alors merci encore ! Mme Perval : Ne vous inquiétez pas, c’est bien, un peu de vie dans cette vieille maison… vous savez, on ne voit pas grand-monde, d’habitude, alors c’est bien. Désirée : Oui. Ça fait de l’animation. Mme Perval : Tais-toi, Désirée. Alors si quelque chose vous ennuie, n’hésitez pas à m’en parler, hein ? on est pas trop habituées à tout ça, nous… On saurait pas dire comment il faut faire pour que vous soyez bien… Martine : On connaît notre métier, vous savez, on sait ce qu’on a à faire. Nous répétons les scènes, comme vous voyez, puis une fois que les caméras sont placées et lancées, on tourne ! Par contre, c’est vrai que pour la technique, c’est pas le plus simple… Désirée : Ah bon ? Mme Perval : Tais-toi, Désirée ! À Martine Ah bon ? Martine : Bah oui. L’installation électrique de votre manoir, c’est pas super moderne… On va s’en sortir, hein ! Mais Robert, notre technicien, aura peut-être besoin de quelques renseignements, sur le compteur, tout ça… Mme Perval : Mais ce sera avec plaisir, dites-lui de venir me voir s’il a un problème… Martine : Merci, merci beaucoup… Nicolas et pimprenelle entrent soudain, et Désirée vient leur demander de se tenir tranquilles, les enfants râlent. Martine, voyant Désirée s’agiter toute seule dans son coin : Qu’est-ce qu’elle a ? Mme Perval en la tournant vers le public : Ne vous inquiétez pas, tout va bien… Bon, c’est réglé, alors ? Martine : Oui, oui. Je vais rejoindre mon équipe, à plus tard !
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Elle sort. Mme Perval se retourne vers Désirée et les enfants. Mme Perval : On vous a demandé de rester tranquille, et de ne pas venir quand ils travaillent ! Désirée : C’est ce que je leur dis, justement ! Nicolas : Mais on s’ennuie, nous ! Avant au moins on avait toute la maison ! Mais là on peut même plus aller où on veut ! Pimprenelle : Vous savez pas ce que c’est, d’être enfermés ici ! Déjà que c’est pas grand, mais si en plus on doit rester coincés au grenier ! Nicolas : Vous avez promis en plus ! Vous avez dit que quand il y aurait du monde, on pourrait s’amuser, que ce serait comme à la fête foraine avec tous les gens ! Mais là on peut rien faire ! Si ça continue moi je vais quand même aller les voir ! Désirée : Elodie, si ils se mettent dans leurs pattes, ils vont pas pouvoir travailler du tout, les acteurs ! Et ils vont partir ! Mme Perval : Désirée, tais-toi ! Les enfants, je comprends que c’est dur ! Et aussi je voudrais que vous puissiez jouer avec eux, mais il faut être patient ! Ce sont des grandes personnes, il va falloir du temps pour qu’ils acceptent de jouer à chat perché, hein ? Et il n’y a que moi qui peux les convaincre, d’accord ? Désirée : Et moi aussi. Mme Perval : Désirée, la ferme ! Si vous commencez à jouer les sales gosses avec eux, ils vont partir, et on pourra pas les retenir. Vous voulez pas ça, hein ? Pimprenelle et Nicolas : Ben non. Nicolas : N’empêche, j’m’ennuie. J’ai envie de jouer avec eux. Pimprenelle : Il faut que ça s’arrête vite. Moi aussi j’en ais marre. On peut rien faire alors que c’est chez nous. Désirée : Vous avez promis que vous seriez patients. Que vous feriez pas de bêtises. Nicolas et Pimprenelle : Mouais… Désirée : Faut tenir ses promesses. Mme Perval : Et nous on a promis qu’on allait les faire jouer avec vous. Et on va tenir notre promesse. Nicolas et Pimprenelle : Mouais… Mme Perval : Allez, vous retournez au grenier, et vous attendez ! 8 Un tournage d’enfer, gmoraine@gmail.com
Les enfants sortent. Désirée a un frisson. Mme Perval : Qu’est-ce que tu as ? Désirée en regardant les enfants : Il va y avoir de l’orage… Mme Perval : je suis pas surprise… Viens, on a du travail…
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4 Scène d’amour. d’amour. Berthe est accroupie, elle regarde la scène. Alice est assise, un bouquin à la main, elle n’écoute que d’une oreille ce qu’il se passe. Jeanne Eugénie et Félix jouent une scène d’amour du film, entre Brendon et Sally. Félix : Tu sais, Sally, de nos jours, un homme doit être capable de prendre la bonne décision. Jeanne-Eugénie : Je sais, Brandon. Je sais. Ce n’est pas facile pour toi. Mais je serai toujours à tes côtés. Félix : Quand tu as reçu cette maison en héritage, Sally, je t’ai dit que c’était une folie, de quitter Los Angeles pour s’enfermer dans ce trou paumé… Jeanne-Eugénie : C’est vrai, tu l’as dit. Félix : Mais je t’aime, Sally, je t’aime. Et ma décision, c’est de rester auprès de toi, et de te soutenir. Alors si tu veux vivre dans le trou du cul du monde, moi je te suis. Jeanne-Eugénie : Merci, Brandon. Je t’aime, moi aussi. Félix : Mais tu sais que j’ai parlé au shérif, ce matin, et il m’a dit qu’il y avait une légende, sur cette maison. On aurait vu un monstre dans la forêt ! Jeanne-Eugénie : Ce ne sont que des histoires, Brandon, pour faire peur aux enfants ! Et puis tant qu’on est ensemble, tous les deux, il ne peut rien nous arriver ! Félix : C’est bien vrai, ma Sally ! C’est bien vrai ! Jeanne-Eugénie : Tu n’as pas vu Mindy et Cindy ? Ça fait un moment, maintenant, qu’elles sont parties… Félix : Elles m’ont dit qu’elles allaient faire un tour en forêt, elles ne devraient plus tarder. Jeanne-Eugénie : Surtout que la nuit va tomber, et qu’un orage se prépare, et que ce soir, c’est la pleine lune ! Félix : Oui, à leur place, je ne trainerais pas dehors ! Jeanne-Eugénie : Moi, tant que je suis prêt de toi, je me sens en sécurité, Brandon. Félix : Je te protégerai toute ma vie, Sally ! Jeanne-Eugénie : Je m’inquiète, pour Mindy et Cindy, si on allait les chercher dans la forêt, quand même ? Félix : Bonne idée, allons-y ! Il ne faudrait pas qu’elles tombent sur le monstre ! 10 Un tournage d’enfer, gmoraine@gmail.com
Jeanne-Eugénie : Que tu es drôle, Brandon ! Félix : Je t’aime, Sally ! Jeanne-Eugénie : Je t’aime, Brandon ! Ils se séparent soudain, fin de la scène. Berthe se lève, Alice lève la tête puis la replonge dans son livre. Berthe : Super ! Ok, alors après on vous verra en train de marcher dans la forêt, d’accord ? Félix : Ok, Mais là, à la fin de la scène, on est sensé s’embrasser, et je me demande si c’est indispensable… Berthe : Ben, Martine l’a écrit comme ça, alors… Félix : je veux dire, c’est pas obligé, ils pourraient se serrer la main, je sais pas… Jeanne-Eugénie : N’importe quoi… se serrer la main… ils sont super amoureux, et ils se serrent la main, et pourquoi pas une tape dans le dos, comme deux bons copains ? Félix : Ben, ou autre chose… mais c’est bizarre, qu’ils s’embrassent, là… alors qu’on est qu’au début du film… Jeanne-Eugénie : Eh bien, justement ! Brandon, après il se fait chopper par le monstre, c’est le dernier baiser qu’il échange avec Sally ! C’est super émouvant ! Félix : Ouais, mais c’est un film d’horreur qu’on fait, là ! Pas un truc de gonzesse ! Jeanne-Eugénie : Bon, on va pas commencer à rééduquer les gorilles. Alors, Berthe, on était comment ? Berthe : Ben très bien, vous connaissez votre texte, c’est très bien. Jeanne-Eugénie : Et ? Berthe : Ben c’est bien. Félix : Attends, t’as rien d’autre à dire, que ça ? T’es assistante réalisatrice ou quoi ? Berthe : Bah oui. Mais je veux pas vous vexer aussi. Jeanne-Eugénie : Comment ça ? On va pas se vexer ! On répète là, c’est normal que tu dises ce qui va et ce qui va pas ! Berthe : Ben franchement, on n’y croit pas trop, en fait… Félix : Tu veux bien développer ? Berthe : Je veux dire, vos personnages, ils sont fous amoureux, mais vous, on a l’impression que vous vous aimez pas, vous êtes froids, distants, y a pas de vie entre vous ! 11 Un tournage d’enfer, gmoraine@gmail.com
Félix et Jeanne-Eugénie : d’accord… Berthe : En plus, quand vous jouez, c’est un peu plat, ça mériterait des larmes, on dirait que vous faites que réciter… Félix et Jeanne-Eugénie : Que réciter, d’accord… Berthe : Et puis, je sais pas, Félix, tu fais pas trop mec, en fait… Alice : Oula ! Félix : De quoi ? Je fais pas trop quoi ? Jeanne-Eugénie : Ah là, d’accord à 100% ! Félix : Je fais pas trop mec ? Mais comment tu veux que je fasse mec ! J’ai un glaçon devant moi ! J’ai l’impression de parler à un bonhomme de neige ! T’as déjà essayé de parler à un bonhomme de neige ? Jeanne-Eugénie : Félix ? Félix : Quoi ? Jeanne-Eugénie : Je t’emmerde. Alice : Faut pas dire des gros mots ! Félix : Bah tiens ! Arrête de te la péter, un peu, Madame ! T’es sur le film parce que ton père paye ! Il produit ce navet, alors t’as le premier rôle ! C’est tout ! Jeanne-Eugénie : Tu rigoles ? J’ai fait le casting, comme toutes les autres, et j’ai eu le rôle ! Et grâce à mon talent, pas grâce à l’argent de papa ! Berthe : Et puis c’est pas grave, comment on a le rôle, de toute façon ! Jeanne-Eugénie : Attends, tu veux dire que c’est vrai, ce qu’il dit ? Je joue Sally parce que papa produit le film ? Berthe : Ben en tout cas, ça a bien aidé… mais c’est pas grave ! Si ? Jeanne-Eugénie : C’est dégueulasse de dire ça ! J’arrête ! J’arrête ce truc ! Je refuse de jouer dans ce film débile, avec ces acteurs débiles, vous êtes tous des… des débiles ! Elle sort Félix : Ah bah super ! Bravo Berthe ! Tu nous l’as vexée, la starlette ! Elle va aller pleurer dans sa loge, maintenant ! T’es fière de toi ? Berthe : Mais j’ai rien dit, moi ! C’est vous qui posez des questions, aussi !
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Félix se pose à côté d’Alice, qui lui tape sur l’épaule, comme pour le consoler, il chasse comme une mouche sur son épaule, mais ne la regarde pas. Martine entre. Martine : Tout se passe bien, ici ? Berthe : ça roule, Martine, tout va bien ! La scène est bonne… ya plus qu’à tourner !… Martine : Bon, tant mieux, parce qu’on est pas en avance. Félix : Ouaip, ya plus qu’à tourner, mais bien sûr ! Il nous reste juste à trouver une actrice, et après c’est bon ! Alice : ça va être chaud, pour vous ! Martine : Pardon ? Berthe : Ben, Jeanne-Eugénie a fait sa petite crise… quand elle a su que tu l’avais prise à cause de son père… Martine : Mais comment elle a su ça ? Berthe baisse la tête Oh non, Berthe ! Berthe ! Mais t’en rates pas une ! Berthe : Désolée… Jeanne-Eugénie elle revient en furie : J’arrive pas à appeler de taxi, le téléphone passe pas ! Alors je fais mes valises, et dans une heure y en a un qui me ramène en ville, c’est clair ? Elle ressort. Martine : Jeanne-Eugénie, attends ! Elle est déjà sortie Bon, ça va le faire, on se calme, je vais aller lui parler… On va être dans les temps… Entre Robert. Robert : Euh, Titine, ya un ‘blème avec les projos… Martine : Quoi, Robert, qu’est-ce qu’il y a encore ! Robert : Ben la maison, là, elle date de ma grand-mère, alors le courant c’est pareil ! Si je branche un projo, ya tout qui plante… pas facile pour tourner… ya pas la puissance quoi… C’est comme de mettre une bonne sœur dans une boîte de nuit, si tu veux : elle va pas tenir la route ! Félix : Ouais, dès qu’elle se met à danser, ya toute la boîte qui se vide ! Robert : t’as tout compris ! Une installation électrique, c’est comme une bonne femme, si t’en demandes trop, ça fait court-circuit ! Martine : Manquait plus que ça… C’est pourtant un truc génial, ce qu’on fait là, mais ya rien qui marche ! 13 Un tournage d’enfer, gmoraine@gmail.com
Robert : Génial, ouais c’est ça. Félix : T’exagères, Martine, c’est une idée bizarre, c’est sûre, mais elle est pas géniale ! Martine : Cette maison, elle a vécu des drames ! Ya des enfants qui ont disparu ici, on a jamais su ce qui leur est arrivé ! Les histoires les plus folles, on a parlé d’extra-terrestres ! De tueur en série ! On dit qu’ils sont en train de faire des vêtements en Chine ! Et nous on va raconter ça ! Et on tourne dans les lieux où c’est arrivé ! Je suis désolée, c’est une super idée ! Ça va faire le buzz, ce film ! Robert : Ouais bah, tout ça, ça règle pas mon problème de jus, moi… parce que la maison, là… ben à partir d’un certain âge, on fait plus de bébé, quoi… Félix : c’est comme de jouer avec un glaçon. Robert : Je vois pas de quoi tu parles. Moi mes glaçons, je les mets dans le whisky. Félix : C’est pas con, ça. Ca la réchaufferait un peu, la starlette. Robert : Je vois toujours pas de quoi tu parles. Alice : Il parle de Jeanne-Eugénie. Martine : Quoi qu’il en soit, Robert, pour l’histoire du courant, tu vois avec les proprios, tu leur demandes où est le compteur et tu fais quelque chose pour booster la puissance. Robert : Ok, chef. Félix : Je t’accompagne, ça me changera les idées… Ils sortent. Martine attrape Berthe. Martine : Toi, quand tu sens que tu vas dire une connerie, dorénavant, tu te retiens, Ok ? Berthe : Mais, c’est eux, ils posent des questions ! Martine : Alors tu mens ! Berthe et Alice : C’est pas bien de mentir ! Martine : Je veux pas le savoir ! Tu mens ! Allez, vas faire le point sur les costumes et les maquillages ! Berhe : Ok… Elle sort. Martine : Ch’uis dans une mouise pas possible ! Alice : ça a pas l’air simple… 14 Un tournage d’enfer, gmoraine@gmail.com
Martine : ouais ouais ouais… je le sens pas…
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5 Ces chers bambins. bambins. Désirée regarde Michelina, qui lit un scénario. Nicolas et Pimprenelle font des allers-retours de temps en temps, en se courant après. Désirée essaye de les calmer, en restant discrète face à Michelina, elle leur jette des coussins, elle leur fait des signes. Les enfants s’en moquent. Et se cachent quand Michelina tourne la tête. Désirée : ça a l’air bien, quand même, de faire des films… Michelina : C’est une belle aventure… Désirée : Alors c’est une histoire d’horreur que vous faites, c’est ça ? Michelina : Oui. Martine a eu l’idée de reprendre une vieille légende urbaine d’ici, pour en faire une histoire, et la tourner dans les lieux… C’est son truc, les projets bizarres… Désirée : Les trois enfants qui ont disparu… les pauvres petits… ça a été traumatisant pour les gens d’ici… Michelina : Oh, il ne faut pas dramatiser, en plus son scénario est assez loin de l’histoire originale… Une bande de jeunes étudiants qui débarquent ici pour un week-end et qui se font massacrer les uns après les autres… il est même question de pas parler d’enfants dans le scénario… Désirée : Je comprends pas… Michelina : Martine, elle s’est juste inspirée, c’est tout… C’est juste pour en faire causer sur internet…Mais des enfants qui font joujou dans la forêt, et puis qui disparaissent, et on a plus de nouvelles… eh bien c’est dur de tenir 1h30 là-dessus… Désirée : Alors elle parlera jamais des petits ? Michelina : jamais… C’est juste un film d’horreur comme un autre… Désirée : Et vous aussi, vous êtes actrice ? Michelina : Non. Prof de danse. Martine m’a embauchée comme coach physique. Désirée : de la danse classique dans un film d’horreur ? Michelina : Elle doit savoir ce qu’elle fait, j’imagine… Désirée : Mais Si Mlle Jeanne-Eugénie arrête, vous allez faire comment ? Michelina : Elle arrêtera pas. C’est juste un caprice de star… C’est sûrement dans son contrat, au moins trois caprices par jour…
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Désirée hurle soudain, à l’attention des enfants : BON ÇA SUFFIT MAINTENANT, VOUS ME DONNEZ LA MIGRAINE A COURIR COMME ÇA ! Les enfants lui font une grimace et disparaissent avant que Michelina regarde vers eux. Michelina : ça ne va pas, qu’est-ce qui vous prend ? Désirée : Je suis désolée, c’est toute cette agitation… je suis pas habituée… je criais pas sur vous… elle sort en courant, gênée. Michelina : Je comprends, mais quand même, on se retient ! C’est bien des malades, ces deux bonnes femmes ! On devrait les faire tourner ! Au naturel, ce serait impeccable ! « Les deux folles du château » ! Elle m’a fichu une de ces frousses !
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6 Caprices Jeanne-Eugénie est sur scène, elle tourne en rond, sa valise est posée par terre. Pimprenelle la regarde tourner. Jeanne-Eugénie : J’en ai marre ! J’en ai marre ! C’est tous des débiles ! Je rentre chez moi ! Il n’y en a pas un pour rattraper l’autre ! Ils n’ont aucune idée de mon talent ! Je suis bien meilleure que tous réunis, et ils ne le voient pas, ils sont là « gnagnagna gnagnagna » ! Et moi ? Moi je relève le niveau ! Pimprenelle : Moi c’est pareil, ils me comprennent pas non plus, les autres… Jeanne-Eugénie : Oui, mon père est riche ! Oui j’ai jamais eu faim ! et alors ? Pimprenelle : Moi aussi, j’ai jamais faim, c’est marrant… Jeanne-Eugénie : Et puis quoi ? Ça m’empêche d’être douée ? On peut pas être riche et douée ? C’est interdit ? Pimprenelle : T’aimes bien t’écouter parler, hein ? Jeanne-Eugénie : De toute façon, j’arrête, ah je vais leur manquer, maintenant ! Pimprenelle : A Félix, surtout… Vous allez bien ensemble… Jeanne-Eugénie : Félix, ce gros beauf… Au moins je l’aurai plus devant les yeux… Mme Perval entre, un verre à la main. Mme Perval : Mlle Jeanne-Eugénie ? J’ai appris que vous vous étiez disputée… Tout va bien ? Jeanne-Eugénie : Mme Perval… je suis désolée pour tout ce bazar… Mais je m’en vais, ne vous en faites pas… Mme Perval : C’est ce que j’ai entendu, oui… Alors je me suis dis qu’un petit remontant vous ferait du bien… Elle lui tend le verre. Jeanne Eugénie le prend. Jeanne-Eugénie : Eh bien, merci beaucoup ! Mme Perval : Vous savez, ce n’est pas si grave de se disputer, de temps en temps… Avec le temps, vous redeviendrez amis, j’en suis sûre ! Jeanne-Eugénie : Beaucoup, beaucoup de temps, alors ! Il me faudrait plusieurs vies pour les apprécier ! Mme Perval : ça peut arriver… Bon je vous laisse, à bientôt, Mlle Jeanne-Eugénie… Jeanne-Eugénie : Je ne crois pas, non. A la votre ! 18 Un tournage d’enfer, gmoraine@gmail.com
Mme Perval sort. Jeanne Eugénie boit le verre. Jeanne-Eugénie : Drôle de goût, ce truc. ORAGE ET NOIR Jeanne-Eugénie a la tête en l’air. Surprise par l’orage. Pimprenelle s’est placée à côté d’elle. Jeanne-Eugénie : ça, c’était un sacré coup de tonnerre ! Pimprenelle : ça arrive de temps en temps… Jeanne-Eugénie sursaute, elle la voit, et soupire. Jeanne-Eugénie : C’est pas une ambiance pour faire des blagues, gamine ! Pimprenelle : Désolée. Tu veux jouer avec moi ? Jeanne-Eugénie : Je ne suis pas trop d’humeur, en plus je vais bientôt partir… Pimprenelle : Votre famille vous manque ? Jeanne-Eugénie : Il doit y avoir de ça, aussi… Pimprenelle : Moi elle me manque, enfin j’ai Désirée et Elodie, mais c’est pas pareil… Jeanne-Eugénie : Elodie ? Pimprenelle : Mme Perval. Jeanne-Eugénie : Ah ! c’est pas ta maman ? Pimprenelle : Plutôt comme une tante, éloignée… enfin c’est compliqué… Jeanne-Eugénie : C’est toujours compliqué, la famille. Moi j’aimerais bien en avoir un peu moins. Pimprenelle : Faut pas dire ça ! Jeanne-Eugénie : Eh bien si ! même ici, au fin fond de nulle part, mon papa réussit à être là, énorme, avec son argent ! J’arriverai pas à m’en débarrasser. Pimprenelle : Tu serais contente de plus les voir ? Jeanne-Eugénie : Oui, presque. Pimprenelle : C’est bien, alors ! On joue ? Jeanne-Eugénie : Pourquoi c’est bien ? Entre Désirée. Elle les voit discuter. Désirée : Mlle Jeanne-Eugénie ? Le tournage est en pause, un problème de courant. Et puis ils sont tous occupés, alors ils vont pas pouvoir vous ramener tout de suite, ils disent. 19 Un tournage d’enfer, gmoraine@gmail.com
Jeanne-Eugénie : Oh… Désirée : Et puis, Ya Madame Martine qui veut vous parler tout à l’heure… Jeanne-Eugénie : Bon. Je vais attendre un peu, alors… Nicolas arrive en courant. Nicolas : Pimprenelle ! Viens, y a le gros Robert qui va faire de l’électricité ! On se cache et on le regarde ? Pimprenelle : D’accord ! Ils sortent. Désirée : Vous avez un peu discuté avec la petite ? Jeanne-Eugénie : oui. Elle est mignonne. Désirée : Elle a pas eu une enfance facile, on s’en occupe comme on peut, mais c’est pas toujours simple… Vous devriez jouer avec elle, ça lui ferait plaisir. Jeanne-Eugénie : Oui, oui, je verrais… je vais aller me reposer un peu. Elle sort. Désirée seule, elle va chercher une pelle dans un coin : Alors voilà, c’est commencé. On va plus pouvoir reculer maintenant. Je vais commencer à creuser dans le jardin… J’espère qu’on ne fait pas une grosse erreur…
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7 des mecs, de vrais mecs Robert et Félix sont à l’avant-scène, une bière à la main. Robert : Attends, bonhomme, j’en ai une autre, écoute celle-là : C'est l'histoire d'un patron qui cherche une secrétaire. Il pose la même question à 3 candidates : que faites vous si vous trouvez un billet de 500 € par terre ? La première dit : je mets une affiche à la cafétéria et je fais le tour de mes collègues pour retrouver celle ou celui qui l'a perdu. La deuxième dit : je le mets dans mon tiroir. Si au bout d'un an personne ne le demande, je le garde. La Numéro 3 dit : je donne immédiatement le billet au responsable de la sécurité. À ton avis, c’est laquelle qu’il garde? Félix : Ch’ais pas… Robert : Réponse : Celle qu’a les gros seins ! Félix rigole : T’es con… Mais elle est bonne… Robert : La secrétaire aussi, je suppose… Félix : Tu dois pas avoir beaucoup de bonnes copines… Robert : Pourquoi faire ? J’aime le foot, j’aime la bière, j’aime les films d’actions, et j’aime les femmes faciles… ça fait pas beaucoup de points communs avec une Jeanne-Eugénie, ou une Martine, tu vois… Je vais pas me battre pour me changer ! Félix : Ouais mais tu passes quand même pour un gros lourd… Robert : Je m’entends très bien avec la moitié de l’humanité, c’est déjà pas mal, je trouve. Félix : Et t’es pas marié… Robert : Trop compliqué. Et toi, t’arrives à faire copain copain avec le sexe faible ? Félix : Ouaip, je peux. Mais pour le coup ch’uis un compliqué. Je voudrais plus, mais en même temps ch’ais pas… je me prends la tête avec la fille qui me plaît. Et en même temps je discute avec celle dont je me fiche complètement. Robert : Ouaip… T’as raison. Félix : De quoi ? Robert : T’es un compliqué. Ça fait beaucoup de migraines pour pas grand-chose… Félix : Mais moi mon rêve, tu vois, ce serait… Tu vas trouver ça débile… Robert : Non, vas-y, envoies…
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Félix : Ben, je voudrais me réincarner en singe… Là tout serait plus simple, tu manges, tu dors, tu fais des bébés… tu règles tes problèmes à coups de dents… enfin le pied, quoi… et tu te prends pas la tête ! Si t’es pas bien où tu es, t’as juste à changer d’arbre… Robert : Ouaip, c’est pas bête. Moi ça m’irait pas, j’aime trop mes petits plaisirs. J’ai jamais vu un chimpanzé se gratter le bide devant un match d’Arsenal, une binouze dans la pogne… ça ferait trop de sacrifices, pour moi… En plus avec les femmes, en fait… Félix : Ouaip ? Robert : ben tu sais, les ouistitis, ça a pas trop la côte avec les actrices… trop poilus… et les poils dans la douche, je te jure que ça, ça peut flinguer un couple… Félix : D’accord, je vois… t’as raison… vaut mieux rester un mec… Robert : Ouaip, un mec, mais avec une mentalité de singe ! Félix : Carrément ! T’es pas bête, Robert, en fait… Robert : Ouaip… Eve entre. Eve : Félix, je te cherchais, salut Robert. Robert : Salut gamine. Eve : Dis-donc, j’ai appris que Jeanne-Eugénie avait fait sa crise, tout à l’heure ! Félix : Ouaip. Un peu hystérique, la starlette. C’est dommage, je l’aime bien. Eve : Et elle dit qu’elle arrête, c’est ça ? Félix : Ouaip, elle a dit ça. Eve : mais faut que le film se fasse, hein… on a beaucoup bossé pour que ça se fasse… Alors si on a plus de Sally, ça va être difficile… Robert : Ah bah ça y est, on vient piller le cadavre ! Félix : Quoi ? Robert : T’as pas tilté ? Jeanne-Eugénie est hors jeu, alors la petite se dit qu’elle pourrait récupérer son rôle ! Eve : De quoi je me mêle, lourdaud ? Moi je pense qu’il faut le tourner, et qu’il faut remplacer Jeanne-Eugénie, c’est tout. Alors pourquoi pas moi ? Félix : Et qu’est-ce que tu veux que j’y fasse. C’est pas moi la réalisatrice.
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Eve : Non, mais t’as le premier rôle. Alors ton avis va compter. Allez quoi, sois sympa, Félix ! Fais ça pour moi ! Tu m’aimes bien, non ? Félix : Ouaip… pas plus que ça… Robert : t’as qu’à lui demander quelque chose en échange… Eve : mais t’es un gros dégueulasse, toi ! Robert : C’est la loi du marché. Félix : ça me gène. Je préfère pas m’en mêler, Eve. Robert : Moi, je peux dire un mot à Martine, si tu veux… ça dépend si on va boire un verre, après le tournage ? Eve : Mais toi, tu peux toujours te brosser ! Je préfèrerais être morte que de sortir avec toi ! Robert : Oula ! oula ! Je dis ça pour te rendre service ! Si tu veux pas, ya rien qui t’oblige ! Martine entre. Martine : Ah. T’es là, Robert : Tu sais qu’il y a un problème de courant, non ? Robert : Bah ouais. Martine : Et tu sais que tant que c’est pas réglé, on peut pas tourner, non ? Robert : Bah ouais je sais, c’est moi qui te l’ai dis. Martine : Ok, alors je peux savoir ce que tu fous ici, à boire des bières ? T’es payé à quoi, je peux savoir ? Robert : Bon, deux hystéros l’une après l’autre, je déclare forfait ! J’y vais, chef, j’y vais ! Je vais trouver le compteur ! Martine : Demande aux proprios ! Elles te le montreront ! Robert : Ouais ouais ! Il sort. Martine : Et vous, vous répétez pas ? Félix : répéter quoi ? J’ai plus de partenaire. Eve : Mais ça peut s’arranger, Martine, tu sais, je connais le rôle de Sally par cœur ! Martine : Toi tu as ton rôle ! Alors tu vas pas jouer les actrices aux dents longues ! Jeanne-Eugénie est pas encore partie ! J’aimerais un peu de solidarité dans cette équipe ! Eve : Ok… 23 Un tournage d’enfer, gmoraine@gmail.com
Martine : Commencent à me gonfler, tous ! Elle sort. En croisant Alice. Eve et Félix regardent, dans sa direction, martine qui sort. Alice les rejoint. Puis Adèle entre de l’autre côté. Adèle : Qu’est-ce que tu fais là, Eve ? On devait répéter la scène, là, ça fait quinze minutes que je t’attends ! Félix : Elle veut jouer Sally. Eve : Merci, Félix ! Adèle : Attends, et pourquoi c’est toi qui devrait l’avoir, le rôle de Jeanne-Eugénie ? Je suis meilleure que toi ! Eve : ça c’est pas vrai ! Félix : Les filles, doucement ! Adèle : Mais c’est quoi, ces plans en douce, à la fin ! Tu viens le voir en secret ! Et ya l’autre qui pète un câble et on sait même pas où elle est passée ! Franchement cette maison, et ce film, ça commence à me sortir par les yeux ! Félix : arrête, Adèle, t’es stressée, c’est tout, c’est l’orage qui fait ça ! Eve : Carrément, elle maîtrise pas ses nerfs, comment tu veux qu’elle assume le premier rôle ? Adèle : Toi, je te jure que… ah Je préfère m’en aller, tiens… Adèle sort. Eve : Bah oui, c’est ça, tire-toi ! Félix : T’es dure, quand même ! Eve : On est pas chez les barbapapas, ici ! Jouer, c’est mon métier, je veux pas rester second rôle toute ma vie ! Eve sort. Alice : il y a quand même une sacrée ambiance, depuis que vous êtes là, je trouve. Félix : Ouais, ouais, ouais… en tout cas ça craint… Alice : Avec le temps tout s’arrange ! Félix : Et merde… Félix sort. Alice : Ils sont quand même très grossiers... 24 Un tournage d’enfer, gmoraine@gmail.com
8 Coup de foudre Mme Perval entre. Mme Perval : Alice, tu n’as pas vu ton frère et ta sœur ? Alice : Non, Elodie. J’étais ici. Mme Perval : Vous exagérez ! On fait tout notre possible pour vous trouver des nouveaux compagnons de jeu, et vous ne tenez pas vos promesses ! Dès que vous êtes dans le coin, ça dégénère ! Vous avez des mauvaises vibrations, les enfants ! Alice : Bah oui, j’ai vu… ils arrêtent pas de se disputer… Ils sont très grossiers… Mme Perval : S’ils s’en vont, ce sera de votre faute ! Alice : Mais ça fait tellement longtemps qu’on a vu personne ! Moi, j’aime bien les écouter, je les dérange pas ! Il me voient même pas ! Mme Perval : Même ! Ça nous facilite pas les choses ! A cause de vous, il faut qu’on aille plus vite ! Alice : Je commence à me demander si c’était une bonne idée… Mme Perval : Ah non ! Je veux pas entendre ça ! On a déjà commencé, avec Désirée ! Maintenant il n’y a plus le choix ! Alice : Ils sont tellement grossiers… Mme Perval : J’en ais marre de vous avoir sur le dos, tous les trois ! On a plus de vie, ici ! Personne ne vient nous voir ! Vous êtes insupportables ! Alors ils vont rester, un point c’est tout ! Alice très menaçante : Arrête de me crier dessus ! Mme Perval : D’accord, d’accord… je me calme, je me calme… mais il faut nous comprendre, aussi… Robert entre. Robert : Mme Perval, je viens vous voir pour le compteur, faut que je le bricole pour qu’on ait plus de jus… Il est où ? Mme Perval : Derrière le rideau, là. Robert : Ok, merci. Il va derrière le rideau. Mme Perval s’en approche, regarde ce qu’il fait, puis elle ramasse deux câbles et les tient à la main en regardant ce que fait Robert. Mme Perval en chuchotant à Alice : Et si on s’arrête maintenant, Alice, on risque d’avoir des soucis. On pourrait peut-être plus s’occuper de vous. 25 Un tournage d’enfer, gmoraine@gmail.com
Alice : Bon. Mme Perval regarde encore vers Robert. Robert : Mais qu’est-ce que c’est que ce bordel de fils ? Y en a pas un que je reconnaisse ! C’est dangereux c’t’histoire ! Mme Perval branche les deux câbles ensembles. ORAGE ET NOIR Cris de Robert, puis plus rien. LUMIERE Robert revient sur scène, en secouant la main. Robert : La vache, j’ai pris un sacré coup de jus, là ! C’est n’importe quoi, une installation pareille ! Mme Perval : On ne s’en ai jamais vraiment occupées… Robert : Ouais bah, faut faire venir quelqu’un ! Moi je peux rien faire, là ! Alice : Vous vous êtes fait mal ? Robert : Non, c’est bon, ch’uis pas une gonzesse. Nicolas et pimprenelle sortent de coulisse en riant. Nicolas : Oh le coup de jus qu’il a pris, le Robert ! Pimprenelle : Trop drôle ! ça a fait des étincelles ! C’était le 14 Juillet ! Nicolas : mimant Robert Oh des fils, mais qu’est-ce que ça peut bien être ? il avance sa main dans des fils imaginaires, et gigote dans tous les sens. Bbbbrrzzzzzzzz !!!!! Au secours, ça piiiiiiqqquuueee !!!! Pimprenelle en titubant, comme après un choc électrique : Gaga ggaaaaggaaaga J’ai eu bobo… j’ai eu bobo … je-suis-un-gars-super-branché, ouaiiiisss…. Robert : ça vous fait rire, bande de sales gosses !? Et faut laisser traîner des gamins, avec une installation pareille ! C’est des coups à ce qu’il leur arrive des bricoles ! Bon ça me fait quand même une drôle de brûlure ! Elle est où la salle de bain, que je soigne ça ? Alice : C’est pas bien grave, vous savez. Robert : Je sais quand même ce que j’ai à faire, ma grande ! Alice : Je vais vous montrer. Pimprenelle : Et après tu reviens jouer avec nous, le gros Robert ? Nicolas : Oh oui ! 26 Un tournage d’enfer, gmoraine@gmail.com
Robert : Dans vos rêves ! Robert et Alice sortent. Nicolas et pimprenelle menaçants : Il n’est pas gentil. Pimprenelle Menaçante: Pas gentil du tout. Mme Perval : Laissez-lui le temps, les enfants. Et ils sont nombreux, vous aurez le choix. Nicolas : J’espère. Orage, sautes de courant.
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9 Mort d’un héros Adèle et Michelina sont en train de faire des mouvements, presque dansés, Michelina donne un cours à Adèle. Michelina : Adèle ! Pense bien à tendre tes bras ! Ils ne doivent pas tomber comme des feuilles de bananier ! Ils restent en haut ! Adèle : C’est pas si facile, Michelina ! Moi je suis actrice ! Pas danseuse ! Michelina : Tu as un corps comme tout le monde ! Donc tu es danseur ! Quand on a un corps, on danse ! Adèle : Ouais, mais je serais plus pop, tu vois, genre Michaël Jackson, plutôt que le lac des cygnes ! Michelina : Attention, Adèle ! Les plus grands danseurs ont tous fait du classique ! Michaël Jackson était un petit danseur étoile quand il était jeune, je te le jure ! Adèle : N’importe quoi ! Michelina : Ah tu ne me crois pas ? Adèle : Si si… Si tu le dis… Et lui aussi il devait faire des nœuds avec ses jambes ? Michelina : Ton équilibre, Adèle, ton é-qui-li-bre ! C’est bien beau de faire un joli mouvement, mais si c’est pour te retrouver cul par-dessus tête ! C’est pas la peine ! Adèle : ça commence à me fatiguer, tout ça, Michelina ! Je me fais attraper par un monstre qui me découpe en morceaux ! ça sert à rien de me faire faire des pointes ! Félix entre. Félix : Euh, salut les filles, dites vous avez pas vu Jeanne-Eugénie ? Je la trouve pas. Et Martine non plus. Adèle : Elle doit être en train de pleurer quelque part. Michelina : Adèle, il ne faut pas voir de mauvaises pensées quand on danse, ça fait des mauvais acides et des crampes ! Félix : Non, non, elle a raison, elle doit bouder dans un coin… Mais il faut qu’on sache pour le film… Eve pourrait la remplacer, mais c’est pas une super solution. Adèle : De quoi ? C’est Eve qui reprend le rôle, en fait ? Félix : Non, pas encore ! faut qu’on soit sûrs, avant ! Adèle : Martine a dit oui ? 28 Un tournage d’enfer, gmoraine@gmail.com
Félix : On sait pas ! Tu me gonfles ! Adèle : C’est pas juste, c’est toujours pareil ! T’as couché avec elle, c’est ça ? Félix : Quoi ? Mais tu racontes n’importe quoi ! T’es pas bien ? Michelina : Adèle, Tu vas te faire mal, arrête de penser mal quand tu danses ! Reste en harmonie avec l’univers ! Adèle : J’arrête ça. Ce film ne va jamais se faire, je le sens d’ici ! on est tous en train de perdre notre temps ! Désirée entre, une pelle sur l’épaule. Et des bottes aux pieds. Félix : Vous n’avez pas vu Jeanne-Eugénie, Désirée ? Désirée : Je viens de la laisser avec M Robert, il y a quelques minutes. Pourquoi ? Félix : On doit la retrouver, c’est Urgent ! Désirée : Ils sont dans le jardin, faites attention à l’escalier, il est très sombre. Allumez la lumière ! Félix se dirige vers la coulisse, et cherche l’interrupteur. Félix : Mais il est où cet interrupteur… Désirée : Oh vous avez vu ça là-bas, sur le mur ? Michelina et Adèle tournent la tête pour regarder vers le public. Michelina et Adèle : Quoi donc ? Désirée : Par là plus loin… Michelina et Adèle : Rien, je vois rien… Félix : L’interrupteur, bon sang ! Désirée revient sur Félix et le pousse dans l’escalier, Félix Hurle. ORAGE ET NOIR . LUMIERE Michelina : Qu’est-ce qu’il s’est passé ? Entre Mme Perval, par l’escalier où est tombé Félix, elle a un marteau à la main. Mme Perval : Ce n’est rien, M Félix a glissé, il s’est fait un peu mal, je l’ai aidé. Adèle : Quel maladroit ! Mme Perval : Désirée, tu veux bien aller t’occuper de lui ? 29 Un tournage d’enfer, gmoraine@gmail.com
Désirée reprenant sa pelle : J’y vais… Adèle : Moi je vais chercher Martine, pour cette histoire de rôle. Et si ce n’est pas moi qui reprend Sally, je rentre chez moi. Mme Perval : C’est trop tôt ! Voyons, laissez-vous du temps pour une telle décision ! Adèle : Non c’est décidé, je vais la voir. Elle sort, désirée revient avec une pelle, des bottes et un sac poubelle. Désirée : M Félix va bien, je l’ai rangé avec les enfants. Mme Perval : Bon. Maintenant tu veux bien aller retrouver Mlle Adèle, elle veut partir ! Désirée : ce n’est pas le moment, avec l’orage qui se prépare… et puis les enfants l’aiment bien. Elle sort à la suite d’Adèle, la pelle sur l’épaule, en bottes, et avec un sac poubelle à la main.
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10 La mort du cygne Michelina : vous avez des enfants ici ? Je ne les ais pas encore vus ! Mme Perval : Ils sont discrets. Et vous passez beaucoup de temps à travailler ici, en plus. Michelina : C’est vrai. Elle s’échauffe et danse un peu. Sous le regard de Mme Perval, qui joue avec son marteau. Entre Pimprenelle, elle se met derrière Michelina et exécute les mêmes pas. Michelina se froisse un muscle. Aux épaules. Michelina : Aie ! Cette vieille douleur qui me suit partout ! C’est un jour où j’ai dansé, à Paris, mon partenaire ma fait tomber dans la fosse, j’ai fini sur les violonistes… Mme Perval cesse de jouer avec son marteau : J’ai une tisane très efficace pour ce genre de douleurs, ça vous intéresse ? Michelina : Ah, Je veux bien, il existe des plantes miraculeuses pour la douleur ! Je vous attends ! Mme Perval sort. Michelina continue à se masser l’épaule. Pimprenelle vient derrière elle et se met à la masser, Michelina la laisse faire. Ce massage la soulage. Michelina : Ah ! C’est magique ! Merci ! Berthe entre, et voit Michelina en train de sourire béatement. Elle s’approche et se place derrière Michelina, qui ne la voit pas. Pimprenelle s’éloigne quand Berthe s’approche trop, Michelina rouvre les yeux et se retourne. Michelina, à Berthe : Merci beaucoup ! Berthe : Quoi ? Euh, écoute tu n’as pas vu les autres ? Je trouve plus personne ! Félix et JeanneEugénie, par exemple, parce que martine là elle est en train de tout casser… Je sais que Robert doit être en train de réparer l’électricité, mais je ferais bien travailler quelques scènes, histoire qu’on perde pas de temps… Michelina : Non, je sais pas, j’attends une tisane… Ah si : Félix s’est pris l’escalier… Berthe : Oh… Je suis un peu inquiète, c’est un peu bizarre. Ici. La maison est trop grande, c’est vrai ! On se retrouve jamais ! Entre la cave, le grenier… et puis des pièces partout… je suis pas très bien… Vraiment, je suis pas très bien ! Michelina : Tu es vraiment très impressionnable, comme fille ! Il ne faut pas avoir peur comme ça ! Regarde moi, je suis tout à fait détendue ! Je ne suis pas impressionnée !
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Berthe : Bah tu m’étonnes, avec une amie comme martine, tu peux être détendue ! elle te fait travailler quand t’as plus de contrat, c’est plutôt sympa ! Alors qu’en plus elle aurait même pas besoin de toi sur le tournage ! T’es bien protégée, alors bah ouais t’as pas peur ! Michelina : Comment ça : elle aurait pas besoin de moi ? Berthe : Ben si, je veux dire, elle aurait besoin d’un coach… mais un bon, quoi… elle préfère faire venir une amie… c’est sympa, je trouve ! Michelina : Je suis pas bonne, elle dit ? Berthe : Si si ! Mais une prof de danse classique, sur un film d’horreur… enfin c’est bizarre, non ? Un cascadeur, à la rigueur… Enfin c’est pour te dire qu’elle est super sympa, c’est tout, et que tu as de la chance ! Michelina : Je crois que tu ferais mieux de te taire et de partir… Berthe : Ok, ok… Reviennent les enfants, ils se mettent en rang, derrière Michelina. Michelina : Et merci pour le massage ! Berthe : Mais je t’ai pas massée… Michelina lui fait signe de partir. Mme Perval revient, avec sa tisane. Mais sans le marteau. Mme Perval : Voilà, voilà… Avec ça, vous ne sentirez plus rien du tout ! Michelina : Merci, j’en ai bien besoin… je viens d’apprendre que, non seulement, je sers à rien ici, mais qu’en plus je suis pas très bonne comme danseuse… Mme Perval : oh… Vous auriez préféré un whisky, alors ? Michelina : Non, non, c’est très bien ! Michelina boit sa tisane. Les enfants se sont rapprochés d’elle. NOIR ET ORAGE. LUMIERE. Michelina la tête au ciel : Un temps vraiment étrange, dans votre région. Elle tourne la tête, et voit les enfants. Michelina : Vous aimez danser, vous au moins ? Les enfants : oh oui ! On adore ! 32 Un tournage d’enfer, gmoraine@gmail.com
Michelina : Alors suivez bien. Elle se met Ă danser, les enfants suivent Mme Perval en sortant : Amusez-vous bien, les enfants. Les enfants : Merci ! Une musique monte. Ils dansent, le noir se fait.
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11 hausse de température Désirée est seule, elle fait les cent pas sur la scène. Désirée : Non, ils n’ont rien fait de mal, tous ! Non, non, non… Moi je veux pas faire de mal aux gens… c’est vrai, j’ai jamais aimé ça… mais c’est Elodie, aussi, elle m’oblige… après ils vont tous rester avec nous… et ils vont pas arrêter de nous en vouloir, c’est sûr… Entre Mme Perval. Mme Perval : Désirée ? Ça va, ma chérie ? Désirée : Elodie, non ça va pas ! On fait une grosse bêtise, c’est sûr ! Une grosse grosse bêtise ! On a été trop loin ! Mme Perval : Arrête de faire ta sainte nitouche, grande sœur ! On avait pas le choix ! C’était invivable, avec les gosses ! Désirée : mais c’est mal ! C’est mal ! Mme Perval : Est-ce que je peux te rappeler par qui tout a commencé ? Hein ? C’est la faute de qui, tout ça ? Désirée : mais c’était un accident ! Un accident, j’ai jamais voulu ! Mme Perval : accident ou pas, c’est fait ! Et maintenant on vit avec ! Et à cause de toi ! Désirée : Je sais que c’est ma faute ! Mme Perval : Dès qu’ils s’ennuient, ces sales gosses sont des démons ! Avec tous ces braves gens, ils vont avoir de quoi s’amuser, et nous ça nous fera des vacances ! Désirée : On a qu’à partir… Mme Perval : On peut pas ! Entre Martine. Martine : Dites, vous avez pas vu mon équipe ? Désirée et Mme Perval : euh… non… Martine : alors c’est fête, c’est ça ? Y a une grande maison on joue à cache-cache !? C’est ça ? Youhou ! Où tu es ? Je suis là, ah bah non, en fait j’étais là-bas ! C’est du grand n’importe quoi ! À quoi ils pensent ? On a un film à faire et eux ils font joujou ! Mme Perval : Ben oui, la maison est grande… tout le monde fait des allers-retours tout le temps, normal de se perdre… Dès que je les vois je leur dis de vous chercher, d’accord ? 34 Un tournage d’enfer, gmoraine@gmail.com
Martine : Elle est bizarre, cette maison, elle m’étouffe… elle nous mange par l’intérieur… on a des portes, des escaliers, des couloirs partout… on s’épuise… on s’énerve et on s’épuise… Comment avezvous fait pour tenir aussi longtemps ?... Mme Perval : Le devoir, Mme Martine, le devoir… On doit être là pour le souvenir, pour le souvenir des disparus… Désirée a un rire hystérique. Elodie la fusille du regard. Mais Martine n’a pas réagit. Martine : Oui, je connais l’histoire ! J’en fais un film ! Mais je serais quand même contente quand on sera partis. C’est pas contre vous, hein… Mme Perval : On comprend, ne vous inquiétez pas, on comprends… Désirée prend une hache derrière un fauteuil et la donne à sa sœur, qui la cache derrière son dos. Mais peut-être qu’un café vous ferait du bien ? Je vous accompagne à la cuisine ? Martine : je veux bien, oui. Je veux bien. Elles sortent.
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12 Un p’tit café, Martine ? Robert entre soudain, accompagné d’Alice, ils croisent Martine et Mme Perval. Martine l’ignore. Alice : ben la voilà, votre Martine ! Robert : qu’est-ce qu’elle a ? Elle me fait la gueule, ou quoi ? Désirée : elle est juste un peu fatiguée… Vous ça va ? Robert : mais j’ai toujours pas trouvé de solution, pour le courant, alors… Ils se regardent, et rougissent. Robert flirtant : mais, euh… vous habitez ici depuis longtemps ? Désirée flirtant : Oui, depuis bien longtemps… Robert Flirtant : Ah ouais… Désirée : Et oui… Hi Hi Hi… Robert : C’est bien ! hin hin hin… Alice : Vous êtes mignons, tous les deux… Robert : Ouais, bon… Euh… ORAGE ET NOIR Robert : C’est quoi ça ? Encore un coup de jus ? Désirée : Sans doute, sans doute… Robert : Je vais voir si ya pas de bobo ! Il sort. Désirée : Il est gentil. Alice : un peu lourd, non ? Désirée : Je l’aime bien… Martine et Robert entrent ensembles, suivis par Mme Perval, la hache sur l’épaule. Robert : L’orage, et la coupure de courant ? T’as rien entendu ? Martine : mais non, je te dis ! Je buvais mon café, et puis voilà ! Mme Perval : Rien de tel qu’un petit café, n’est-ce pas ? 36 Un tournage d’enfer, gmoraine@gmail.com
Alice: Vous voulez jouer ? Martine : A quoi ? Robert : On est un peu occupés, là, gamine ! Alice : c’est toujours pareil, avec les grands, vous avez jamais le temps ! Mais maintenant, vous avez tout le temps que vous voulez. Vos acteurs ils veulent plus faire le film, et l’électricité elle a jamais bien marché depuis que je suis là. Robert : Eh bien, c’est à nous de voir, sale gosse ! Quelle plaie, les enfants ! Martine : Désolée ! Martine et Robert sortent. Alice : Ils ne veulent pas jouer ! Mme Perval : ça viendra ! Alice : Ils ne veulent pas jouer ! ORAGE Désirée : Calme-toi, Alice ! Il faut leur laisser du temps ! Alice : Ils ne veulent pas jouer ! J’en ai marre ! ORAGE. Mme Perval : Allons ! Allons ! Alice, ça va ! Ne t’énerve pas ! Alice : C’est toujours pareil avec les grands ! Elle sort en pleurant. L’orage se calme… Désirée et Mme Perval se regardent, elles ont eu chaud.
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13 Hécatombe Nicolas et Pimprenelle jouent à refaire la scène d’amour de Félix et Jeanne-Eugénie. Et eux sont à leurs côtés. Nicolas : Tu sais, Sally, de nos jours, un homme doit être capable de prendre la bonne décision. Pimprenelle : Je sais, Brandon. Je sais. Ce n’est pas facile pour toi. Mais je serai toujours à tes côtés. Nicolas : Quand tu as reçu cette maison en héritage, Sally, je t’ai dit que c’était une folie, de quitter Los Angeles pour s’enfermer dans ce trou paumé… Pimprenelle : C’est vrai, tu l’as dit. Nicolas : Mais je t’aime, Sally, je t’aime. Et ma décision, c’est de rester auprès de toi, et de te soutenir. Alors si tu veux vivre dans le trou du cul du monde, moi je te suis. Pimprenelle : Merci, Brandon. Je t’aime, moi aussi. Jeanne-Eugénie : Bravo les enfants ! C’était très bien ! Félix : Ah ouais, pas mal du tout ! Mais tu y gagnerais à avoir l’air un peu plus mec ! Nicolas : mais c’est elle aussi, on dirait un bonhomme de neige ! Pimprenelle : Je suis quoi moi ? Adèle et Eve entrent en courant, paniquées. Elles ne les voient pas. Adèle : Dépêche-toi, Eve, il faut qu’on sorte d’ici le plus vite possible ! Eve : ce sont des folles ! Tu as vu ? Tu as vu ? Elles les ont mis dans la cave, et dans le jardin ! Ils y sont tous ! C’est un cauchemar ! Adèle : ça sert à rien de piquer ta crise ici ! Il faut quitter la maison avant qu’elles arrivent ! Félix : Mais ça va pas les filles ? Qu’est-ce qui vous prend ? Eve : J’y crois pas, je peux pas y croire, elles les ont tués ! Jeanne-Eugénie : Mais oh ! On est là ! Vous parlez de quoi, là ? Adèle : Je veux pas mourir ici, Eve, je veux pas ! Félix : Mais qu’est-ce qu’elles racontent ? Nicolas : elles veulent pas rester avec nous, elles disent… Pimprenelle : Mais moi je voudrais bien jouer avec elles… comme avec vous… 38 Un tournage d’enfer, gmoraine@gmail.com
Jeanne-Eugénie : Quoi ? Quoi ? je ne comprends rien ! Nicolas : Pour l’instant, elles vous voient pas. Eve : On va partir, d’accord ? On va partir. Il faut juste trouver les clefs d’une voiture et on fiche le camp ! Ok ? Adèle : Ok ! Mais Jeanne-Eugénie, et Martine, et Félix aussi, et tous ! Eve prend Adèle dans ses bras pour la calmer. Félix : les filles, ça suffit les blagues ! Nicolas : c’est pas une blague, M Félix. Vous êtes dans un trou, dans le jardin, avec Mlle JeanneEugénie… Jeanne-Eugénie : Oh mon dieu ! Pimprenelle : Et maintenant vous allez rester avec nous tout le temps. C’est bien, non ? Félix et Jeanne-Eugénie sont stupéfaits. Félix : C’est vous, les enfants de l’histoire ? Pimprenelle : Oui. Jeanne-Eugénie : Et nous aussi, maintenant, on est … ? Pimprenelle : oui. Félix : Alors ça c’est pas une bonne nouvelle… Désirée et Mme Perval entrent, Désirée a des verres à la main. Mme Perval : Nous sommes désolées, Mesdemoiselles ! Vraiment ! Mais vous savez, quand on commence quelque chose, il faut aller jusqu’au bout ! Désirée : On fait pas ça par plaisir, c’est vrai ! Eve : ne vous approchez pas ! Mme Perval : Allons ! Il vous suffit de boire ces tisanes, et tout ira vite, et vous retrouverez vos amis ! Ils vous manquent, vos amis, non ? Adèle : Non, ce ne sont que des minables ! Je préfère rester toute seule ! Félix : Des minables ? Non mais elle s’est vue ? Désirée : S’il vous plaît, ne rendez pas les choses plus compliquées ! Eve : Mais vous parlez à qui, vous ? 39 Un tournage d’enfer, gmoraine@gmail.com
Désirée : à monsieur Félix, pourquoi ? Adèle : Hein ? Eve : Tout ça c’est trop, c’est trop ! Laissez-nous partir, et on ne dira rien… promis Mme Perval : Euh, non. On peut pas faire ça. À votre santé ? elle leur tend les verres. Adèle renverse les verres. Adèle : Et maintenant ? Hein ? Et maintenant ? Mme Perval sort un pistolet. Désirée : ah non ! Elodie Pas comme ça, ça va en mettre partout ! Après je vais tout devoir nettoyer ! Mme Perval : La ferme, Désirée ! Désolée mademoiselle… COUP DE FEU NOIR ET ORAGE LUMIERE Eve est par terre, Adèle est au dessus de son corps. Adèle : Eve ! Eve ! Réponds-moi ? Qu’est-ce que je vais faire, moi ! Eve se relève, Adèle reste au dessus son corps. Eve : La vache, vous êtes là, vous ? Et c’est qui ces gamins ? Désirée : Eh bien voilà, c’est gagné ! Il y en a partout ! Mme Perval : Tu te calmes, Désirée ! Adèle Se relève : vous êtes des folles ! COUP DE FEU ORAGE ET NOIR LUMIERE Eve et Adèle se disputent. Eve : Tout ça c’est de ta faute, je te dis que c’est ta faute ! Adèle : On aurait pu se contenter de faire des pubs, mais toi tu nous embarques dans des projets débiles de film d’horreur qui finissent en massacre, merci ! Désirée : Ah bravo ! Le tapis est bon à mettre à la poubelle, maintenant ! Mme Perval : On en a plein la maison, des tapis ! C’est pas si grave ! Désirée : c’est bien toi, ça ! Ya qu’à jeter ! Dès qu’il y a un problème, ou tu jettes, ou tu tues tout le monde ! 40 Un tournage d’enfer, gmoraine@gmail.com
Mme Perval : Je refuse de discuter de ça en public ! Nos invités sont là ! Désirée : T’es une grande malade ! Tu le sais ? Mme Perval : Je préfère m’en aller, tiens ! Désirée : Vas-y ! Fuis ! Fuis tes responsabilités ! Mme Perval sort. Désirée regarde les autres. Désirée gênée : C’est vrai, elle m’énerve, à force ! Elle sort. Nicolas et Pimprenelle regardent les acteurs. Pimprenelle : Alors, on joue à quoi ?
NOIR
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14 Adieu Berthe. Berthe. Tous les fantômes sont là, à bouder en fond scène. Berthe est devant, seule. Berthe : Il y a quelqu’un ? Silence. Berthe : Youhou ? Je me sens un peu seule, là… Silence. Berthe : Et ça me rassure pas du tout… Mme Perval et désirée entrent. Mme Perval : Bonsoir ! Berthe : Bonsoir ! Vous savez, il y a quand même un truc bizarre… Désirée : Ils sont tous partis… Ils vous ont abandonnés ici… Berthe : Oh… Mme Perval : C’est pas gentil, ils ont dit que vous étiez un boulet, je crois… Berthe : Oh… Désirée : Alors bon, peut-être qu’un petit remontant… Elle lui donne le verre. Berthe le prend. Les fantômes se sont rapprochés… Mme Perval : Voilà, voilà… Allez hop ! Glouglou ! Berthe les regarde, l’une après l’autre, elle hésite. Les fantômes soudain cherchent à la convaincre de fuir. Les fantômes : Berthe ! Berthe ! Ecoute ! il faut que tu partes ! Tout de suite ! Vas-t-en ! Ne reste pas là ! C’est des folles ! Allo Berthe ! Mais réagis ! Réagis ! Berthe Boit son verre cul sec. Les fantômes : Et merde… ORAGE ET NOIR Musique du Générique. 42 Un tournage d’enfer, gmoraine@gmail.com
Lumière, Désirée et Mme Perval sont dans des fauteuils, à lire et à tricoter. Image après image, on voit l’équipe de tournage qui joue avec les enfants : à colin maillard, à 1,2,3 soleil, à saute mouton… Puis un grand silence, ils s’arrêtent, et hurlent un gros bouh sur le public.
Noir Rideau.
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Formateur en théâtre, auteur et metteur en scène, Guillaume Moraine écrit les pièces dont il a besoin pour les groupes qu’il dirige. Adaptées au nombre d’acteurs, à la durée de la représentation, et à l’âge des participants, elles lui permettent d’atteindre l’objectif d’un spectacle d’atelier théâtre : que chacun des acteurs débutant soit valorisé au cœur d’une histoire qu’il aura plaisir à porter. Ses pièces sont donc tout à fait adaptées à ce type de projet.
20,00 € TTC ISBN 979-10-91531-24-5
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