Aménagement et urbanisme des petites villes en France et en Allemagne. Enquête comparative.

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Léa Pelleteret

AMÉNAGEMENT ET URBANISME DES PETITES VILLES EN FRANCE & EN ALLEMAGNE Enquête comparative

Master 2 en Architecture Sous la direction du Pr. Yankel Fijalkow École Nationale Supérieure d’Architecture Paris Val de Seine 3 Quai Panhard et Levassor, 75013 Paris Année universitaire 2020-2021

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École Nationale Supérieure d’Architecture Paris Val de Seine 3 Quai Panhard et Levassor, 75013 Paris Année universitaire 2020-2021

Aménagement et Urbanisme des Petites Villes en France et en Allemagne Enquête comparative

Master 2 en Architecture Léa Pelleteret Sous la direction du Pr. Yankel Fijalkow

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SOMMAIRE Sommaire Index Remerciements Avant-propos Introduction générale

5 7 9 11 13

1. 1.1. 1.2. 1.3.

Géographies des petites villes françaises et allemandes La petite ville en France et en Allemagne Caractéristiques géographiques et fonctionnelles des petites villes françaises et allemandes Les origines du déclin urbain des petites villes

23 25 47

2. 2.1. 2.2.

Les récits du déclin urbain de part et d’autre du Rhin La métropolisation ou la petite Allemagne Des récits aux discours : l’action publique en question

75 75 114

3. 3.1. 3.2. 3.3.

Les politiques publiques et la petite ville Les conceptions institutionnelles de l’aménagement du territoire Les actions politiques dans la petite ville La petite ville, vecteur d’une conception du territoire

117 118 137 163

Conclusion Bibliographie Table des matières

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INDEX ACE Architecte conseil de l’État ADEME Agence de l’environnement et de la maîtrise d’énergie AdCF Assemblée des Communautés de France AfD Alternative für Deutschland AMF Association des maires de France ANAH Agence Nationale de l’Habitat ANCT Agence nationale de la cohésion des territoires ANRU Agence Nationale de la rénovation urbaine APVF Association des Petites villes de France BiB Bundensinstitut für Bevölkerungforschung BBSR Bundesinstitut für Bau-, Stadt- und Raumforschung BBR Bundesamt für Bauwesen und Raumordnung BMEL Bundesministerium für Ernährung und Landwirtschaft BMU Bundesministerium für Umwelt, Naturschutz und nukleare Sicherheit BMV Bundesministerium für Verkehr, Bau- und Wohnungswesen BNF Bibliothèque Nationale de France CA Communauté d’agglomération CC Communauté de commune CDAC Commission départementale d’aménagement commercial CE Commission Européenne CEREMA Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement CGET Commissariat général à l’Égalité des territoires CGEDD Conseil général de l’environnement et du développement durable CPER Contrat de plan État-Région CUEJ Centre universitaire d’enseignement du journalisme DATAR Délégation à l’aménagement du territoire et à l’action régionale DGALN Direction générale de l’aménagement, du logement et de la nature DHUP Direction de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages DIF Dispositifs d’intervention foncière et immobilière EPCI Établissement public de coopération intercommunale FNADT Fonds National d’Aménagement et de Développement du Territoire Fnaim Fédération nationale des agents immobiliers FUA Functionnal Urban Area IFOP Institut français d’opinion publique IGEAT Institut de gestion de l’environnement et d’aménagement du territoire IKM Initiativkreis Europäische Metropolregionen INSEE Institut national de la statistique et des études économiques JCR Joint Research Centre LAU Unité Administrative locale MEDDE Ministère de l’Écologie, du Développement durable, et de l’Énergie 7


MKRO MRU NUTS OAP OCDE Opah ORT PIB PLU PLUi PNRQAD RFA SCoT UE UMA UMZ ZAU VIR

Ministerkonferenz für Raumordnung Ministère de la reconstruction et de l’urbanisme Nomenclature des unités territoriales statistiques Orientation d’aménagement et de programmation Organisation de coopération et de développement économique Opération programmée d’amélioration de l’habitat Opération de revitalisation de territoire Produit intérieur brut Plan local d’urbanisme Plan local d’urbanisme intercommunale Programme National de Requalification des Quartiers Anciens Dégradés République fédérale d’Allemagne Schéma de cohérence territoriale Union Européenne Morphogie Urban Areas Urban Morphological Zones Zonage en aires urbaines Vente d’immeuble à rénover

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REMERCIEMENTS Je tiens à remercier le Pr. Yankel Fijalkow d’avoir dirigé ce mémoire en faisant preuve de sa disponibilité généreuse et de ses conseils judicieux. Mes remerciements vont également au Pr. Philippe Simon, pour m’avoir sensibilisé aux enjeux majeurs de la petite ville au sein de la pratique du projet en architecture. Je remercie mes fidèles acolytes pour leur générosité et leur patience tenace face à mon appétit avide pour la ville. Merci à ma famille, pour leur curiosité et leur amour du paysage.

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AVANT-PROPOS Au cours du XXe siècle, la recherche sur la petite ville s’est limitée à son étude décontextualisée des enjeux socio-économiques. À cela s’ajoute une carence dans la littérature grise sur l’action publique et l’urbanisation des petites villes. Comment expliquer cette absence flagrante, alors que l’on découvre sans mal une documentation scientifique abondante sur l’aménagement des villes moyennes, des grandes villes et des métropoles qui connaissent un succès fou ? Quant aux politiques publiques, les petites villes font rarement l’objet de programmes ou de réformes au cœur de l’aménagement du territoire. En France, la première vague de décentralisation a brutalement freiné le développement des petites villes ; alors délaissées pour les villes plus grandes. Peu à peu leurs centres-villes sont désertés, les devantures sont abandonnées et la chaleur humaine remplacée par le vrombissement des engins motorisés. La compréhension de la fragilité des petites villes face à la montée de l’idéologie de marché et de la compétitivité, a particulièrement attisé ma réflexion. De nombreux décideurs politiques affirment que les petites villes ne sont pas assez rentables et justifient ainsi leur inaction, voire l’abandon total de ces territoires. Les grandes villes sont aujourd’hui le moteur de l’idéologie de l’économie mondialisée. De ce fait, les petites villes sont observées, analysées et comparées dans le référentiel de ces grandes villes. En calquant leurs fonctionnements sur ceux des petites villes, celles-ci paraissent sans surprise moins profitables et perdent leur valeur identitaire. Il semble important de questionner la pertinence de ces critères mais surtout la méthodologie utilisée. Quels récits entretiennent les petites villes ? Les analyses de la petite ville semblent omettre des réalités territoriales et véhiculer des discours ambigus. Sur la base d’un raisonnement capitaliste mondialisé ou néo-capitaliste, la petite ville véhicule aujourd’hui les récits du déclin – on parle alors de villes en décroissance, de « villes rétrécissantes », de shrinking cities en anglais ou encore de Schrumpfende Städte en allemand. C’est ainsi que le déclin est associé à la ville malade. Mais les petites villes vont-elles vraiment mal ? Sans nier la désertion des centres-villes ni même l’appauvrissement des centresbourgs, ne pourrions-nous pas apporter de la nuance à ce propos ? Le déclin habite un grand nombre de communes rurales, petites et moyennes villes mais l’idéologie de la décroissance estelle obligatoirement associée à une récession, à un recul ? Serge Latouche (2019) affirme l’ambiguïté dans l’utilisation du terme décroissance, qui peut être à la fois identifié comme l’inversion de la courbe de croissance du produit intérieur brut (PIB), ou plus symboliquement l’action de décroître ; sortir de l’idéologie de croissance et du productivisme. Cette ambiguïté réside en réalité dans l’ambivalence du terme croissance. La croissance est-elle vraiment synonyme de progrès infini ? En d’autres termes, le déclin n’est pas le symétrique de la croissance. L’économiste utilise très justement les mots suivants : « le projet de la décroissance n’est ni celui d’une autre croissance, ni celui d’un autre développement […] mais bien la construction d’une autre société, une société d’abondance frugale, une société postcroissance, ou de prospérité sans croissance. Autrement dit, ce n’est pas d’emblée un projet économique, fût-ce celui d’une autre économie, mais un projet sociétal qui implique de sortir de l’économie comme réalité et comme discours impérialiste. Le mot décroissance désigne désormais un projet de société alternatif complexe, et qui possède une incontestable portée analytique et 11


politique »1. Il ne faudrait donc pas porter préjudice aux petites villes, stigmatisées par le terme de déclin. La notion de croissance invite inévitablement à questionner la juste taille. Où la ville doit-t-elle s’arrêter ? Thierry Paquot dira qu’il n’existe pas de ville à la juste taille mais que « le devenir urbain du monde et des humains passe par des biorégions urbaines qui assemblent des regroupements humains de tailles variées, afin de préserver la diversité indispensable à la vie en société, avec le moins de contraintes possibles »2. Qu’est-ce que la petite ville ? Les valeurs véhiculées par les récits du déclin urbain définissent, à leur manière, la petite ville. Elle est manifestement un baromètre de l’action publique des XXe et XXIe siècles, et dispose d’un fort potentiel et des ressources à valoriser. Combiner ses atouts à ceux des villes moyennes et des métropoles pourrait certainement répondre aux enjeux environnementaux et socio-économiques d’aujourd’hui, afin de satisfaire les modes de l’habiter de demain. Il n’est ici pas seulement question de taille mais de choix, dans le but de réfléchir à la société dans laquelle nous souhaitons vivre. Pour cette raison, l’étude des petites villes par le regard de l’architecte semble fondamentale. Concevoir une architecture sur ces territoires, c’est avant tout raconter ses changements, produire un discours. Sans cette compréhension territoriale, le projet ne pourrait qu’être bancal et donc l’architecture aussi. Toute la difficulté réside dans la compréhension et la définition de l’identité des territoires. Ces travaux de recherche se positionnent comme une donnée nécessaire et complémentaire à une architecture qui saurait répondre aux questions soulevées par notre modernité. La France, reliée à l’Allemagne par l’épine dorsale de l’Alsace, sur une longueur de 451 km, entretient une relation forte avec son voisin germanique. Cette frontière est traversée chaque jour dans les deux sens. Ainsi, une conscience communautaire indéfectible persiste des deux côtés du Rhin. L’Allemagne est notre premier partenaire commercial depuis des années, pour les exportations comme pour les importations3. Politiquement, elle est notre interlocuteur privilégié au sein de la Communauté économique européenne (CEE)4. De plus, les conflits armés tragiques du siècle dernier ont soudé la relation entre ces deux nations. Cependant, cette proximité géographique et l’histoire commune des deux pays, n’ont pas pour autant développé leur curiosité mutuelle. René Lebeau souligne au moment de la chute du Mur de Berlin, la méconnaissance des français au sujet de la République fédérale d’Allemagne. Ce manque de connaissances ne se restreint pas seulement au système administratif et politique allemand, comme le confirme l’absence d’ouvrages en français sur la petite ville allemande. Pourtant, les deux côtés du Rhin font face à des problématiques territoriales similaires au sujet de la petite ville. Malgré une organisation politico-administrative différente et des phénomènes urbains distincts, les deux pays semblent être parvenus à une situation similaire : Le processus de métropolisation en France et la propagation outre-Rhin des schrumpfende Städte ou « villes rétrécissantes » y alimentent les récits du déclin urbain des petites villes. Qu’il s’agisse de perte démographique, de lutte contre le changement climatique, de mutations économiques ou d’insertion sociale, les deux pays connaissent des faiblesses comparables et se voient, avec

1   Latouche S. (2019), La décroissance, Que sais-je ? Paris, p. 8. 2   Paquot T. (2020), Mesures et démesures des villes, CRNS éditions, Paris, p. 169. 3   Université de Sherbrooke, Perspective Monde, Outil pédagogique des grandes tendances mondiales depuis 1945, publié le 5 février 2021, disponible sur <perspective.usherbrooke.ca/bilan/servlet/BMEchangesPays?codePays=FRA> ; site consulté le 5 février 2021. 4   Lebeau R. (1989), L’Allemagne fédérale : géographie économique, Masson, Paris, p. 7.

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leurs partenaires européens, dans l’obligation d’imaginer leur futur commun5. Quelles réponses y apportent les politiques publiques en France et en Allemagne ? En quoi traduisent-elles des visions différentes de la petite ville ? Face à une situation similaire outre-Rhin, cette enquête comparative entre la France et l’Allemagne pourrait apporter des éléments de réponses à l’un comme à l’autre.

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5   Muller V. (2020), “Quel rôle pour la France et l’Allemagne en Europe ?”, Allemagne d’aujourd’hui, n°233, pp. 94-99, disponible sur <www.cairn.info/revue-allemagne-d-aujourd-hui-2020-3-page-94.htm > ; site consulté le 5 février 2021.

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INTRODUCTION Trois quarts de la population mondiale vit à l’heure actuelle dans une aire urbaine, d’après les analyses du Joint Research Centre (JCR) de la Commission Européenne (CE) de 2020. Le monde connaît depuis le siècle dernier une croissance urbaine phénoménale. Elle bouleverse fortement les centres urbains denses et par répercussion les territoires situés à leurs Executivemais summary périphéries, aussi des territoires plus lointains, soumis à l’influence économique des grands pôles. La croissance urbaine se caractérise par la favorisation du développement économique Throughout history, cities have been at the centre of change, from the spread of Greek and mais engendre également desrenaissance effetsperiod, néfastes surrevolution l’environnement et s’accompagne d’enjeux Roman civilizations, through the Italian to the industrial in the United Kingdom. Over time, Europe has slowly transformed itself away from being a largely urbainsrural, multiples à la and foisaccording à l’échelle locale, régionale agricultural community to the United Nations ( ), more than half of theet mondiale. Selon Paul Bairoch, il European population was living in an urban area by 1950; this was also the case in North est manifeste problèmes liés à la ville et ses effets sur la vie économique impacteront America andque Oceaniales (see Figure 1). directement l’existence d’une majeure partie de l’humanité6. Les grands pôles urbains des pays More than half the world’s population is living in urban areas en développement – 80accompagnés deand l’instabilité économique des campagnes – sont aujourd’hui By contrast, more than % of those living in Africa Asia in 1950 inhabited rural areas. While the pace of urbanisation in these two continents subsequently accelerated, in 2015 a les centres de la cette croissance s’est récemment majority névralgiques of their populations — Africa (59.6 croissance %) and Asia (51.8 %)urbaine. — continued toEn live ineffet, rural areas. Almost three quarters of the European population lived in an urban area in 2015, while stabilisée dansshares leswere pays lesin plus développés. C’est le processus d’urbanisation et les even higher recorded Latin America and the Caribbean (79.8 %)pourquoi, and North America (81.6 %). These different levels of urbanisation show that, at a global level, it was only trajectoires delast decade développement considérablement et leur compréhension during the that the total numbersont of people living in urban areas overtook interdépendants those living in rural areas. joue un( ) Therôle majeur dans l’accomplissement des objectifs du Programme de développement data provided by the United Nations are based on national definitions which may undermine comparability in some cases; note these definitions are somewhat different to those 7 employed elsewhere in this publication (based on a harmonised data collection exercise conducted by the EU). durable des Nations Unies pour 2030 . 1

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Figure 1: Share of urban and rural populations, 1950–2050 (1) (% of total population)

Urban

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Eurostat (2016), « Part des populations urbaines et rurales, 1950-2015 », in Urban Europe, Statistics on cities, towns and suburbs, Luxembourg, p. 8, disponible sur <ec.europa.eu/eurostat/ documents/3217494/7596823/KS-0116-691-EN-N.pdf> ; site consulté le 22 décembre 2020. 2030

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1. Part des populations urbaines et rurales, 1950-2015

Oceania

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Northern America

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Latin America and the Caribbean

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Europe

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Rural

(1) United Nations data are based on national definitions; as such there may be a discrepancy with respect to the Eurostat data used elsewhere in this publication. Source: World urbanisation prospects — United Nations, Department of Economic and Social Affairs, Population Division (2014)

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Urban Europe — statistics on cities, towns and suburbs

6   Bairoch P. (1988), Cities and economic Development, From the Dawn of History to the Present, The University of Chicago Press, Chicago, p. 17. 7   Commission Européenne (2020), Atlas of the Human Planet 2019, A compendium of urbanization dynamics in 239 countries, Luxembourg, p. 8, disponible sur <ec.europa.eu/jrc/en/publication/eur-scientific-and-technical-research-reports/atlas-humanplanet-2019> ; site consulté le 23 novembre 2020. Le Programme de développement durable à l’horizon 2010 fut adopté par l’Assemblée générale des Nations Unies le 25 septembre 2015. Il se veut être un plan d’action pour l’humanité, la planète et la prospérité. Il insiste sur le renforcement de la paix partout dans le monde dans le cadre d’une liberté plus grande et ambitionne l’élimination de la pauvreté sous toutes ses formes et dans toutes ses dimensions. Information disponible sur <www.un.org/fr/ africa/osaa/peace/sdgs.shtml> ; site consulté le 28 novembre 2020.

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Depuis 2007, la population urbaine est désormais plus nombreuse que la population dite rurale . Selon les données statistiques des Nations Unies, deux personnes sur trois habiteront probablement dans les villes, ou d’autres centres urbains d’ici 20509. Aujourd’hui, environ 75% de la population des pays développés vit dans des zones urbaines10 et d’ici 2013, 84% de la population des pays en développement vivront dans les zones urbaines. Ces données sont calculées selon la grille de classification, établie par la Commission des statistiques des Nations Unies11. La méthodologie du degré d’urbanisation identifie trois types de cellules de grille (figure 1)12. · Un centre urbain (ou un centre à haute densité) est constitué de cellules quadrillées contiguës ayant une densité d’au moins 1 500 habitants par km2 et une population d’au moins 50 000 habitants ; · Un cluster urbain (ou groupe de densité modérée) est constitué de cellules quadrillées contiguës ayant une densité d’au moins 300 habitants par km2 et compte une population d’au moins 5 000 habitants (les centres urbains sont des sous-ensembles des cluster urbains correspondants) ; · Les cellules de la grille rurale (principalement les cellules à faible densité) sont des cellules qui n’appartiennent pas à un cluster urbain. La plupart ont une densité inférieure à 300 habitants par km2. Certaines cellules rurales peuvent avoir une densité plus importante mais elles ne font pas partie d’un groupe dont la taille de la population est suffisamment importante pour être classé comme un cluster urbain. 8

Une fois la classification des cellules réalisées selon le degré d’urbanisation, ces données sont superposées aux unités locales ou limites administratives (figure 2), de manière à pouvoir identifier trois types d’aires urbaines. La première catégorie dite des villes (ou zones densément peuplées) sont des unités locales dont au moins 50 % de la population se trouve dans un centre urbain ; Les villes et zones semi-denses (ou zones de densité intermédiaire) sont des unités locales qui ont moins de 50 % de leur population dans les centres urbains et moins de 50 % de leur population dans les cellules de la grille rurale ; Les zones rurales (ou zones à faible densité de population) sont des unités locales comptant au moins 50 % de leur population dans les cellules de la grille rurale. Cette méthode a été développée pour saisir le continuum urbain – rural, toutefois il est recommandé de rendre aussi compte des indicateurs pour les trois classes. Néanmoins, le pourcentage de la population vivant dans les zones urbaines ne semble donner aucune information 8   Alternatives Économiques, Le Data Lab, Infographie, Population urbaine et population rurale dans le monde, en milliards, disponible sur <www.alternatives-economiques.fr/population-urbaine-population-rurale-monde-milliards-projections-selonscenario-median-0102201777461.html> ; site consulté le 22 novembre 2020. 9   Nations Unies, Département des affaires économiques et sociales, « 2,5 milliards de personnes de plus habiteront dans les villes d’ici 2050 », publié le 16 mai 2018, disponible sur <www.un.org/development/desa/fr/news/population/2018-worldurbanization-prospects.html> ; site consulté le 22 novembre 2020. 10   La Session extraordinaire de l’Assemblée générale des Nations Unies consacrée à l’examen et à l’évaluation d’ensemble de l’application du Programme pour l’habitat, Le millénaire Urbain, New York, 6-8 Juin 2001, disponible sur <www.un.org/french/ ga/istanbul5/kit2.pdf> ; site consulté le 22 novembre 2020. 11   Commission des statistiques des Nations Unies (2020), A recommendation on the method to delineate cities, urban and rural areas for international statistical comparisons, 33 p., disponible sur <unstats.un.org/unsd/statcom/51st-session/documents/ BG-Item3j-Recommendation-E.pdf> ; site consulté le 22 décembre 2020. 12  Ibid, p. 6.

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quant à la manière dont se répartit la population sur le territoire. La répartition démographique est pourtant significative et primordiale dans la compréhension du processus d’urbanisation et des trajectoires sociétales contemporaines. 2. Centre urbain, cluster urbain et cellules de la grille rurale autour de Durban, Afrique du Sud

3. Ville, villes et aires semi-denses, et aires rurales autour de Durban, Afrique du Sud

Commission des statistiques des Nations Unies (2020), A recommendation on the method to delineate cities, urban and rural areas for international statistical comparisons, p.8, disponible sur <unstats. un.org/unsd/statcom/51st-session/ documents/BG-Item3j-Recommendation-E. pdf> ; site consulté le 22 décembre 2020.

Il est impossible de nier la prédominance des villes globales (global cities) qui accueillent une population importante et dense à la fois ; 513 agglomérations dépassent le million d’habitants contre 16 seulement en 1900 et 5 d’entre elles détiennent à elles seules plus de 20 millions d’habitants (Tokyo, Delhi, Shanghai, Mexico City, São Paulo)13. Ce phénomène s’accentue également par l’exode rural vers les villes. Pourtant, il serait hâtif de dire que la population mondiale réside majoritairement dans ces grandes métropoles. Presque la moitié des citadins du monde vivent dans des villes de moins de 100 000 habitants14. Si l’on s’intéresse à l’Europe, une population encore plus large vit dans des petites et moyennes villes15. L’Europe est devenue un continent majoritairement urbain mais il est important de préciser qu’il est constitué d’un grand nombre d’aires urbaines de petites tailles16. 56 % de la population urbaine européenne, soit 38 % 13   Espace mondial l’Atlas, « Urbanisation du monde », Sciences Po, publié le 28 septembre 2018, disponible sur <espacemondial-atlas.sciencespo.fr/fr/rubrique-mobilites/article-2A02-urbanisation-du-monde.html> ; site consulté le 23 novembre 2020. 14   Dans le monde, plus de la moitié des citadins vivent dans des villes de moins de 500 000 habitants et 40-45% vivent dans des villes de moins de 100 000 habitants. INTELI (2011), Creative-based Strategies in Small and Medium-sized Cities: Guidelines for Local Authorities, disponible sur <urbact.eu/sites/default/files/import/Projects/Creative_Clusters/documents_media/ URBACTCreativeClusters_TAP_INTELI_Final_01.pdf > ; site consulté le 22 novembre 2020. 15   En Europe, 80% des agglomérations urbaines sont des petites villes. Approximativement 40% des européens vivent dans des petites aires urbaines (de 10 000 à 50 000 habitants) et 20% vivent dans des villes de tailles moyennes (entre 50 000 et 250 000 habitants). Bretagnolle.A, Guerois.M, Pavard.A (2019), « European small cities and towns: a territorial contextualization of vulnerable demographic situations (1981-2011) », Revue d’économie régionale et urbaine, pp. 643-671. 16   Pour donner une échelle de comparaison, il existe 921 villes comprenant entre 10 000 et 50 000 habitants aux États-Unis

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de la population européenne totale, vit dans des petites et moyennes villes ou banlieues, comptant entre 5 000 et 100 000 habitants17. Pendant que le monde a les yeux rivés sur le développement accru des métropoles et des grands centres urbains, les petites et moyennes villes sont elles aussi sujettes à de fortes mouvances urbaines, sociales et économiques. Cela nous amène à nous intéresser aux petites villes qui selon nous possèdent une place et un rôle majeur au sein du processus d’urbanisation. Existe-t-il des politiques publiques ayant pour objet les petites villes ? Nous reprendrons les termes de Thoening (1985) pour définir les politiques publiques. D’après cet auteur, une politique publique « se présente sous la forme d’un programme d’action propre à une ou plusieurs autorités publiques ou gouvernementales »18. Elle doit donner lieu à un programme avec des mesures concrètes sous plusieurs formes : coercitives, incitatives ou distributives. Cette décision ne pourrait être unilatérale et uniquement administrative, elle doit impliquer une cohérence intergouvernementale19. L’objectif de cette étude est de comparer la position des petites villes dans la politique d’aménagement du territoire et d’urbanisme en France et en Allemagne, afin de comprendre plus largement les valeurs et concepts véhiculés par ces politiques. Cette comparaison prendra la forme d’une enquête comparative. Il ne s’agit pas ici de réaliser une évaluation afin d’étudier l’écart possible entre les politiques françaises et allemandes – dans une perspective d’efficacité et de performance – mais plutôt, de faire émerger de nouvelles interrogations en variant les angles d’approche sur notre objet d’étude20. La confrontation du cas français avec celui de l’Allemagne, ouvrira de nouvelles perspectives dans le but de dépasser le cadre national du débat français. Nous prêterons une attention particulière aux constructions historiques et sociales relatives aux deux cadres nationaux étudiés, afin de penser de manière relationnelle plutôt qu’en termes de confrontation. Cette enquête ne donnera donc pas lieu à une symétrie entre le cas français et le cas allemand mais plutôt à un rapprochement éclairant. La question délicate de la restitution de la comparaison s’impose. De Verdalle L., Vigour C., Le Bianic T. (2012) la formulent de cette manière : « [C]omment retranscrire des réalités nationales spécifiques (enjeux de la présentation de réalités non familières, d’évitement de l’ethnocentrisme, déconstruction des catégories juridiques ou de l’action publique), mais parfois aussi interdépendantes ?21 La difficulté réside non seulement dans la synthèse des résultats mais surtout dans leur interprétation. Cette enquête comparative devra révéler les résonances entre les logiques d’actions et de participations des deux côtés du Rhin. Même si les politiques à l’échelle nationale semblent être absentes ou sous représentées, les petites villes font d’ores et déjà l’objet de recommandations par les organisations internationales. Le plan d’action mondial soumis à en 2010 contre 3 425 en Europe en 2011, pour une population près du double de celle des États-Unis. Desjardins X., Estèbe P. (2011), Les villes petites et moyennes dans la représentation et les stratégies d’aménagement territorial, éclairages anglais, allemands et italiens sur le cas français, PUCA, La Défense, p. 20, disponible sur <www.urbanisme-puca.gouv.fr/villes-petiteset-moyennes-et-amenagement-a1808.html> ; site consulté le 22 novembre 2020. 17   Les chiffres reposent sur une définition des villes et des centres-villes exprimés en termes de densité. Commission européenne, Direction générale de la politique régionale (2011), Les villes de demain, défis, visions et perspectives, disponible sur <ec.europa.eu/regional_policy/sources/docgener/studies/pdf/citiesoftomorrow/citiesoftomorrow_final_fr.pdf> ; site consulté le 22 novembre 2020. 18   De Maillard J., Klüber D. (2016) citant Thoening (1985) dans, Analyser les politiques publiques, Presses universitaires de Grenoble, p. 8-9. 19   Ibid, p. 9. 20   De Verdalle L., Vigour C., Le Bianic T. (2012), « S’inscrire dans une démarche comparative, enjeux et controverses », Terrains & Travaux, ENS Paris-Saclay, n°21, p. 10 disponible sur <www.cairn.info/revue-terrains-et-travaux-2012-2-page-5. htm > ; site consulté le 10 février 2021. 21   Ibid, p. 18.

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la Conférence mondiale de la population des Nations Unies, tenue à Bucarest en août 1974 évoquait dans l’une de ses recommandations les propos suivants : « Lors de l’élaboration de leurs plans de développement, et, en particulier, des plans relatifs à l’implantation des industries et à la répartition des services […], le mode de répartition de la population ne devrait pas limiter le choix, en matière d’habitat, entre grande ville et campagne. Il conviendrait d’examiner sérieusement la possibilité de créer un réseau de petites villes et de villes moyennes ou de le renforcer s’il en existe déjà, afin de réduire la congestion des grandes villes, tout en offrant aux ruraux la possibilité de quitter les campagnes »22. Notre point de départ sera l’analyse de la géographie de la petite ville en France et en Allemagne, deux configurations urbaines très différentes ; l’Allemagne étant un pays plus urbanisé que la France mais surtout bien plus dense (près de deux fois la densité moyenne de la France)23. La petite ville se différencie dans les deux pays par son intégration au sein de la structure urbaine territoriale. C’est pourquoi, nous nous attarderons sur la multiplicité et la variété des définitions afin de comprendre la complexité de cet objet géographique. Pourquoi la petite ville est-elle difficile à définir alors que la métropole ne l’est pas ? Si l’on observe l’état de la recherche, « la petite ville est longtemps apparue comme un objet de second rang, une forme minimale d’urbanité en géographie et plus largement dans le champ des sciences sociales »24. Il est important d’examiner chronologiquement les contributions à cette recherche pour comprendre le basculement entre la petite ville isolat et la petite ville témoin des problématiques urbaines et d’aménagement contemporain. Nous nous appuierons également sur l’examen d’études démographiques et statistiques afin d’élaborer le portrait géographique des deux pays. La recherche géographique régionale en France des années 1950 à 1970 s’est appropriée l’étude des petites villes en prenant souvent la forme de monographies. Selon Alain Chauvet, la géographie régionale se fonde sur trois composantes : la trame des lieux (paysages, géosystèmes), l’organisation de l’espace (centre-périphérie, axes de flux, classes socio-spatiales) et l’identité politique, culturelle ou psychologique des territoires. La géographie régionale ne s’arrête pas à la collection de faits d’observation. Elle fournit la matière première dans le but de vérifier des hypothèses. La géographie générale des régions découle de la géographie régionale en proposant des « modèles fondés soit sur les réseaux spatiaux, soit sur les espaces vécus, soit sur les positions terrestres »25. Elle se construit alors par l’organisation rationnelle des données que lui apporte l’observation locale et régionale26. Au commencement, les petites villes sont alors analysées comme un objet singulier, « un isolat où le géographe s’enferme à la manière d’un moine dans sa cellule »27. Il est vrai que la petite ville est souvent subsumée aux territoires ruraux ou non différenciée de la ville moyenne. Elle

22   Nations Unies (1975), Projet de plan d’action mondial de la population, Population, 30e année, n°1, p. 121, disponible sur <www.persee.fr/doc/pop_0032-4663_1975_num_30_1_15720> ; site consulté le 1er décembre 2020. 23   Desjardins X., Estèbe P. (2011), op. cit. p. 63. 24   Édouard J.C. (2012) citant Périgois (2008) p. 25 in « La place de la petite ville dans la recherche géographique en France : de la simple monographie au territoire témoin », Annales de Géographie, n° 683, pp. 25-42, disponible sur <www.cairn.info/ revue-annales-de-geographie-2012-1-page-25.htm> ; site consulté le 29 novembre 2020. 25   Chauvet A. (1990), « De la géographie régionale à la géographie générale des régions », Travaux de l’Institut de Géographie de Reims, p. 29, disponible sur <www.persee.fr/doc/tigr_0048-7163_1990_num_79_1_1258> ; site consulté le 1er décembre 2020. 26   Baulig H. (1959), « Géographie générale et géographie régionale », Cahiers de géographie du Québec, 3 (6), p. 48, disponible sur <www.erudit.org/fr/revues/cgq/1959-v3-n6-cgq2580/020163ar.pdf>, ; site consulté le 1 décembre 2020. 27   Édouard J.C. (2012) citant Bavoux (2002), op. cit. p. 27.

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est utilisée comme un objet « support »28 à l’analyse des relations entre la ville et le monde rural. La recherche de la petite ville débute donc par une analyse séparée de son contexte territorial. Les géographes s’intéressent aux composantes démographiques et fonctionnelles de ces villes, « tandis que le territoire des petites villes n’est pas clairement délimité et problématisé »29. Cette complexité s’explique par la situation territoriale marginale de la petite ville, pouvant être qualifiée de seuil entre le monde rural et le monde urbain. C’est l’une des raisons pour lesquelles elle a surtout été étudiée sous l’angle de ses relations avec les campagnes proches. Jean-Charles Édouard (2012), dans un article, fait l’état de la recherche sur les petites villes. Il fait le constat suivant, « loin d’être désuète et dépassée, l’étude de la petite ville s’intègre, de fait, dans le champ de la géographie urbaine et de plus en plus dans celui de l’aménagement du territoire comme lieu privilégié de réflexion sur l’équité territoriale »30. Il faudra attendre les années 1960 – 1970 pour que la perspective d’analyse des petites villes s’élargisse, prenant en compte l’intégration de ces villes au sein des « armatures urbaines régionales »31. Deux grandes thèses ont été consacrées à ce sujet ; celle de Michel Rochefort en 1960 et celle de Raymond Dugrand en 196332. Ces ouvrages paraissent au cours d’une période animée par de grands questionnements. La place de la métropole parisienne – soulevée par ces thèses – est questionnée à l’égard d’une armature urbaine plus régionaliste33. Même si Michel Rochefort se rapporte à la hiérarchisation des lieux centraux, nous sommes encore loin de considérer la petite ville comme un objet d’observation des problématiques d’aménagement34. Quant à Raymond Dugrand, il étudie les petites villes par le prisme de l’analyse des fonctions, afin de caractériser le réseau urbain à l’échelle régionale. Seulement plus tard, la volonté de d’ancrer la petite ville au sein d’une réalité territoriale, réactualisera la définition qui lui avait été attribuée jusqu’alors. Cette étude s’appuie sur l’analyse de travaux scientifiques et de la documentation administrative. Ainsi, ces travaux nous permettront de faire émerger les définitions de la petite ville et d’interroger les méthodes employées pour y parvenir. Par la suite, les récits du déclin urbain, véhiculés par la presse, les experts et les décideurs publics, seront étudiés. La littérature de la petite ville a également produit de nombreux ouvrages au cours avant la fin du XXe siècle, transportant une image mouvante de la petite ville. La combinaison de tous ces données ont pour ambition d’établir un portrait complet de la petite ville, afin d’apporter des éléments de réponses aux préoccupations contemporaines sur les enjeux de l’urbanisation. Les décennies 1970 – 1980 – 1990 abordent la petite ville par la question de taille, les seuils démographiques, les profils socio-économiques et les fonctions35. Le premier chapitre de ce mémoire interrogera les critères mentionnés dans ces définitions. Les années 1970, avec l’apparition de politiques d’aménagement du territoire ayant pour objet les petites et moyennes villes, voient la publication de contributions importantes pour la recherche de la petite ville (Lajugie, 1974 ; Michel, 1977 ; Laborie 1978)36. À la fin des années 1970, des travaux importants 28   Ibid, p. 28. 29   Edouard J.C. citant Rolle, 1966 ; Estienne, 1969 ; Veyret-Verner, 1969, op.cit. p. 28. 30   Édouard J.C. (2012), op. cit. p. 38. 31   Ibid, p. 29. 32   Rochefort M. (1960), L’organisation urbaine de l’Alsace, Strasbourg, Thèse Lettres, 383 p. ; Dugrand R. (1963), Villes et campagnes en Bas-Languedoc, Paris, PUF, Thèse-Lettres, 683 p. 33   George P. (2002), « Deux études de réseaux urbains, l’Alsace et le Bas-Languedoc méditerranée », Strates, Hors-série, mis en ligne le 22 avril 2005, disponible sur <journals.openedition.org/strates/507> ; consulté le 29 novembre 2020. 34   Édouard J.C. (2012), op. cit. p. 29. 35   Édouard J.C. (2012) citant Samuel Périgois (2008) op. cit. p. 12. 36   Demazière C. (2017), « Le traitement des petites et moyennes villes par les études urbaines », Espaces et Sociétés, 1-2 (168-

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en sciences humaines et sociales apparaissent, qualifiant les petites villes comme lieux privilégiés du changement social37. Enfin, les ouvrages de ces deux dernières décennies traduisent une nouvelle approche de la petite ville sous différents aspects. Le lien privilégié avec le monde rural soutenu auparavant est questionné. La petite ville ne devient plus seulement l’objet témoin de la relation ville-campagne mais est étudiée dans sa relation avec les grandes villes. « [L]a proximité des aires métropolitaines exerce une influence décisive sur les petites villes »38.

Le rapport de la petite ville au processus de métropolisation sera abordé au sein de cette deuxième partie. La réflexion sera axée sur les récits du déclin urbain, par l’examen des discours sur la petite ville. La montée de la mondialisation et de la métropolisation sont jugées responsables de l’affaiblissement, voire de la disparition des niveaux inférieurs d’urbanité « […] aux dépens des villes petites et moyennes qui paraissent condamnées, au mieux à la stagnation, au pire au déclin »39. Nous aborderons les trajectoires du déclin urbain, en revenant aux origines de la notion de shrinking cities, ayant frappé des grandes villes comme Détroit aux États-Unis mais également les petites villes européennes. Le choix de la croissance, directement lié à la structuration du système territorial, a pu avoir comme résultante l’effet totalement inverse ; entraînant un déclin foudroyant des villes plus ou moins grandes. Pour comprendre ces trajectoires, nous examinerons la relation des petites villes et de leur périphérie avec les grands pôles urbains40. Le processus de montée en puissance (financière, économique et en termes de pouvoir décisionnel) des pôles urbains a engendré une transformation spatiale et socio-économique de leur périphérie. Depuis les années 1970, ce phénomène se produit à tous les niveaux de la hiérarchie urbaine41. L’accès facilité du foncier par les crédits immobiliers et les politiques d’aide à l’accession à la propriété fut le moteur de la périurbanisation42. Le développement de l’infrastructure autoroutière a également encouragé les déplacements entre le centre et sa périphérie. Cette nouvelle organisation urbaine est soumise à de fortes critiques. Le périurbain est associé à une non-ville (Choay, 1994) ou encore à un espace sans qualité ou insoutenable43. Ce terme connoté devient alors un outil de langage récurant dans les discours politique, traduisant la dépendance des communes périphériques à la ville-centre. À l’échelle du territoire, cette idée de la périphérie inséparable du centre est reprise par Saskia Sassen dans son ouvrage The Global Cities (1991), lorsqu’elle émet l’idée que la dispersion territoriale de l’activité économique actuelle crée un besoin de contrôle et de gestion centralisé étendu. « En d’autres termes, alors qu’en principe la décentralisation territoriale de l’activité économique de ces dernières années aurait pu s’accompagner d’une décentralisation correspondante de la propriété et donc de l’affectation des bénéfices, il y a eu peu de mouvement

169), p. 17, disponible sur <www.cairn.info/revue-espaces-et-societes-2017-1-page-17.htm> ; site consulté le 1er décembre 2020. 37   Édouard J.C. (2012) citant Bozon (1984) op. cit. p. 25. 38   Édouard J.C. (2012) citant Laborie (1997) op. cit. p. 31. 39 Pumain D. (1999), « Quel rôle pour les villes petites et moyennes des régions périphériques ? », Revue de Géographie Alpine, 87-2, p. 167, disponible sur <www.persee.fr/doc/rga_0035-1121_1999_num_87_2_2950> ; site consulté le 30 novembre 2020. 40   On peut citer la thèse de Boino P. (1999), L’intégration fonctionnelle des centres urbains secondaires dans la métropole lyonnaise : à travers la diffusion des modes de garde, Thèse de Doctorat, Université Louis Lumière – Lyon 2. 41   Cusin F., Lefebvre H., Sigaud T. (2016), « La question périurbaine, enquête sur la croissance et la diversité des espaces périphériques », Revue française de sociologie, vol 57, Presses de Sciences Po, p. 641, disponible sur <www.cairn.info/revuefrancaise-de-sociologie-2016-4-page-641.htm> ; site consulté le 23 décembre 2020. 42   Cusin F., Lefebvre H., Sigaud T. (2016) citant Merlin, 2009 ; Bonvalet et Bringé, 2013 ; Driant, 2015, op. cit. p. 641. 43   Cusin F., Lefebvre H., Sigaud T. (2016) citant Berque, Bonnin et Ghorra-Gobin, 2006, p. 642

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dans cette direction »44. Ce n’est qu’en 1996 que le périurbain devient une catégorie officielle de l’INSEE. Le périurbain inclut très souvent les petites villes, avalées par le tissu urbain des grandes villes. L’enjeu est clairement de quantifier le taux de croissance de ces espaces plus que leur existence ; ce classement sera d’ailleurs par la suite très critiqué. L’observation de l’évolution des villes européennes sur le temps long illustre très bien une tendance à la hiérarchisation, avec une augmentation des « inégalités de la taille des villes »45. Ces territoires situés en marge des métropoles, souvent qualifiés de périphérie, parfois même oubliés, deviennent le cœur des contestations sociales. Le mouvement des « gilets jaunes » apparu en France en 2018 s’est exprimé au nom des territoires ruraux, des petites villes dévitalisées, des zones périphériques et des banlieues abandonnées face à une mondialisation massive. Cette crise exprime une fracture territoriale présente depuis le début des années 2000 et une critique des politiques publiques qui ont délaissé les centres-bourgs, petites et moyennes villes, au profit du développement des métropoles. « Sans intervention politique forte, le processus séculaire de hiérarchisation des villes, intensifié par l’urbanisation accélérée issue de la révolution industrielle, est appelé à se poursuivre avec la mise en réseaux mondiaux des activités humaines »46. Il en est de même avec les disparités très prononcées qui subsistent entre l’Allemagne de l’Est et de l’Ouest. Même si les salaires de l’Est connaissent une hausse, le niveau moyen reste 18% inférieur à celui de l’Ouest47. Les grandes entreprises s’installent plus volontairement dans les régions de l’Ouest. De plus, l’exode rural en Allemagne de l’Est accentue les disparités entre les grandes et les petites villes et les mouvements de population entre régions amplifient le vieillissement de la population à l’Est du pays. Ainsi, ce n’est pas une hiérarchisation verticale (système centralisé français) mais une hiérarchisation régionale qui s’opère entre l’Est et l’Ouest du pays. Seulement une analyse contextualisée des petites villes pourra amener des éléments de réponses quant aux origines du déclin urbain – associé à un mal-être social. Quelles sont les actions prises par les politiques françaises et allemandes au sein des petites villes ? Cette partie consacrée à l’étude des discours du déclin urbain amènera à interroger l’action publique par la suite, sous le prisme de la petite ville. Cette enquête comparative s’appuie sur l’idée que les petites villes sont des « témoins d’évolutions socio-économiques de portée globale à l’échelle nationale mais également des territoires d’observation de politiques d’aménagement en cours »48. C’est pourquoi nous verrons s’il existe des actions politiques prises en faveur des petites villes, afin d’affiner la compréhension de l’aménagement du territoire. Nous ferons l’hypothèse que les politiques publiques sont le reflet des discours autour de la petite ville. Pour cela, l’agenda politique en France et en Allemagne seront examinés afin d’analyser les actions prises par les deux pays. John Kindgon définit l’agenda gouvernemental comme « la liste des sujets ou problèmes auxquels les acteurs gouvernementaux et les personnes évoluant à proximité du gouvernement accordent une sérieuse attention à un moment donné »49. Philippe Garraud donne la définition suivante : « l’ensemble des problèmes faisant l’objet d’un traitement, sous quelque forme que ce soit, de la part des autorités publiques et donc susceptibles de faire 44   Sassen S. (1991), The Global City, New York, London, Tokyo, Princeton University Press, New Jersey, p. 4. 45   Pumain D. (1999), op. cit. p. 167. 46   Ibid, p. 167. 47   Le Touzé A. « Allemagne : encore des disparités entre l’Est et l’Ouest », DW, publié le 26 septembre 2018, disponible sur <www.dw.com/fr/allemagne-encore-des-disparit%C3%A9s-entre-lest-et-louest/a-45649274> ; site consulté le 1 décembre 2020. 48   Édouard J.C. (2012), op. cit. p. 37. 49   De Maillard J., Klüber D. (2016) citant Kingdon (1995, p. 3) dans, Analyser les politiques publiques, Presses universitaires de Grenoble, p. 19.

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l’objet d’une ou plusieurs décisions, qu’il y ait controverse publique, médiatisation, mobilisation ou demande sociale et mise sur le « marché » politique ou non »50. Et enfin Frank Baumgarter : « L’agenda politique est l’ensemble des problèmes qui sont l’objet de décisions et de débats au sein d’un système politique particulier à un moment donné »51. À travers ces définitions, deux objets bien distincts sont définis ; les problèmes qui font l’objet de discussions publiques et les objets de préoccupations des autorités publiques. Il devient alors pertinent de différencier l’agenda systémique qui « englobe tous les enjeux et problèmes communément perçus par les membres de la communauté politique comme méritant l’attention publique »52 et un agenda institutionnel qui recouvre « l’ensemble des items qui font explicitement l’objet de la prise en compte sérieuse et active des décideurs »53. C’est la raison pour laquelle, la mise sur agenda doit nécessairement s’accompagner d’un processus de délimitation et de hiérarchisation des problèmes, de répartition des responsabilités, et de recherche de solutions concrètes54. Au sein de cette étude, nous focaliserons notre attention sur l’agenda institutionnel – les mesures, actions et programmes appliqués à l’échelle nationale étant notre terrain d’étude. La France et l’Allemagne se différencient par leur gouvernance ; l’une est centralisée et l’autre fédérale. Au niveau de la gestion locale en France, l’État est généralement l’initiateur et le concepteur de la recherche d’un territoire pertinent de gestion. Tandis qu’en Allemagne, ce sont les États fédérés (Länder) qui mettent en place les politiques d’aménagement sur le territoire tout en prenant en compte les principes directeurs de l’État. La comparaison de ces deux systèmes distincts apportera des éléments de réponses sur les stratégies adoptées au regard des petites villes. Elle propose d’éclaircir la méconnaissance de la petite ville et de sa position au sein des politiques publiques. Ses fonctions, services et potentiels n’ont pas encore été systématiquement examinés par rapport au contexte régional, national et européen. Ces travaux d’analyse et de comparaison des politiques publiques à l’échelle nationale est encore plus nécessaire, dans l’objectif d’une compréhension générale de l’aménagement du territoire et de l’urbanisme. Ainsi nous pourrons mettre en relation les positionnements de la petite ville en France et en Allemagne au sein de leur contexte national.

50  51   52   53   54

De Maillard J., Klüber D. (2016) citant Philippe Garraud (1995, p. 27) op. cit. p. 19. De Maillard J., Klüber D. (2016) citant Frank Baumgarter (2001, p. 288) op. cit. p. 20. De Maillard J., Klüber D. (2016) citant Coob et Elder (1983, p. 14-15) op. cit. p. 20. Ibid. De Maillard J., Klüber D. (2016), op. cit. p. 21.

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GÉOGRAPHIES DES PETITES VILLES FRANÇAISES ET ALLEMANDES

S’interroger sur les petites villes françaises et allemandes suppose analyser leur géographie à deux échelles. Avant de démarrer l’examen de la petite ville française et allemande, il semble judicieux de s’arrêter un instant sur l’évolution géographique des petites villes en Europe afin d’observer leurs mutations, si tant est qu’elles existent. Un grand nombre d’auteurs se sont intéressés au développement des villes européennes depuis leur apparition et ont ainsi développé des modèles ayant comme base l’apport de données démographiques. « La taille démographique est la mesure la plus synthétique de l’importance d’une ville, largement corrélée avec un très grand nombre d’indicateurs d’organisation économique et sociale, qualifiant ce que l’on pourrait appeler un niveau de complexité »55 affirment les géographes Denise Pumain, Anne Bretagnolle et Cécile Rozenblat. À l’échelle européenne, les données démographiques semblent être un indicateur adéquat pour comprendre l’évolution de la petite ville et les transformations urbaines d’un pays, rapportées à celles de ses voisins. Ces informations de populations couplées à une étude morphologique deviennent un outil opportun à la compréhension de la géographie de la petite ville et plus largement de sa place au sein de la hiérarchie territoriale. Pour ce faire, l’examen des géographies des petites villes s’appuie sur les résultats des études de P. Bairoch56 (1988) sur l’analyse de l’évolution des villes européennes de plus de 5 000 habitants de l’an 1000 à 1850 et de F. Mariconi-Ebrard (1994) pour les villes de plus de 10 000 habitants durant la période de 1950 – 199057, confrontés aux résultats de l’étude plus récente de Denise Pumain, Anne Bretagnolle et Céline Rozenblat (1999). La compréhension large, dans le temps et l’espace, de l’évolution des (petites) villes, permettra d’acquérir une connaissance plus généreuse des processus d’urbanisation en Allemagne et en France. Par la suite, nous ferons appel à des études morphologiques de la petite et moyenne ville, menées à une échelle européenne mais cette fois-ci plus ciblées – celles menées par Paul Gourdon, Anne Bretagnolle, Marianne Guérois et Antonin Pavard (2019) et Xavier Desjardins et Philippe Estèbe (2011) en partie. De cette manière, nous interrogerons le positionnement du géographe au regard des petites villes, grâce à un examen méthodologique et à l’observation du tracé des cartes qui classifient les aires urbaines selon des critères précis. L’organisation territoriale qui émane de la cartographie à l’échelle nationale mettra en lumière la relation ville-campagne mais aussi les questions liées aux marges ou edge cities58. Les cartes sont le résultat d’un discours et 55   Pumain D., Bretagnolle A., Rozenblat C. (1999), « Croissance et sélection dans le système des villes européennes (16002000), Travaux de l’Institut de Géographique de Reims, 101-104, p. 107, disponible sur <persee.fr/doc/tigr_0048-7163_1999_ num_26_101_1388> ; site consulté le 20 décembre 2020. 56   Bairoch P., Batou J., Chèvre P. (1988), La population des villes européennes de 800 à 1850, banque de données et analyse sommaire des résultats, Centre d’Histoire Économique Internationale de l’Université de Genève, vol. 2, Librairie Droz, 336 p. 57   Moriconi-Ebrard F. (1994), GEOPOLIS : pour comparer les villes du monde, Paris, Economica, 246 p. 58   Le concept des edge cities fut développé par Joël Garreau dans son livre Edge City : Life on the New Frontier publié en 1951. Ce journaliste ethnologue-sociologue américain définit la edge cities comme une ville-satellite située en bordure de l’ancienne ville mais c’est également un territoire identifié comme la nouvelle frontière de l‘urbain. L’auteur souligne le caractère spontané,

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d’un positionnement que nous ne manquerons pas de questionner. Par l’action d’homogénéiser les données à l’échelle de l’Europe, la diversité des définitions nationales s’efface. Le petit est subjectif et sa description dépend du contexte territorial, géographique et institutionnel dans lequel l’aire urbaine se situe ; la petite ville ne possède pas de définition universelle. En effet, il n’existe pas de définition officielle du terme agglomération (ou unité urbaine) et cette notion n’existe même pas dans trois quarts des pays du monde59. Quand bien même, le seuil minimum de population de l’urbain varie considérablement d’un pays à l’autre : 10 000 habitants en Grèce, en Espagne et en Italie, 200 en Suède et au Danemark et 2 000 pour la France. De l’autre côté de l’océan, une ville est considérée petite aux États-Unis dès lors qu’elle compte moins de 50 000 habitants60. Les États restent souverains sur la production de leurs propres conventions statistiques, rappelant inéluctablement l’origine même de ce mot venu de l’italien statistico, avec pour signification « qui concerne l’État »61. Les définitions de la petite ville française et allemande seront examinées à travers ces écrits qui ont tenté de définir, caractériser et nommer la petite ville. Nombreux sociologues, géographes et architectes ont défini la petite ville à leur manière, chacun avec leur vocabulaire et leurs outils d’observation. Cette divergence dans les définitions n’est pas anodine, elle démontre la complexité que soulève cet objet. La petite ville est sûrement l’objet urbain le moins étudié et pourtant le moins compris. Sa dénomination de petite lui porte souvent préjudice, en l’associant à la notion de quantité. En réduisant la petite ville à un critère de taille, nous omettons toutes ses caractéristiques qui font sa particularité et sa force.

c’est-à-dire non planifié de cette nouvelle forme d’urbanisation. Les edge cities sont associées à de nouvelles localisations des emplois mais aussi à l’émergence de nouveaux modes de vie. Compte-rendu de Ghorra-Gabin C. (1993), “Joël Garreau, Edge city : Life on the New Frontier”, Annales, 48-4, pp. 971-973, disponible sur <www.persee.fr/doc/ahess_0395-2649_1993_ num_48_4_279183_t1_0971_0000_002 > ; site consulté le 5 février 2021. 59   « Repère 14 : Statistiques. 50% d’urbains dans le monde ? », Regards sur la Terre 2010, pp. 316-317, disponible sur <cairn. info/regards-sur-la-terre-2010--9782724611403-page-316.htm> ; site consulté le 20 décembre 2020. 60   Bell D., Jayne M. (2006), citant Brennan and Hoene (2003) dans Small cities, Urban experience beyond the metropolis, Routledge, New York, p. 4. 61   Ibid.

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1.1. LA PETITE VILLE EN FRANCE ET EN ALLEMAGNE L’Union Européenne (UE) s’est intensément urbanisée depuis ces cinquante dernières années même si le rythme s’est à présent ralenti. Entre 1961 et 1991, la part de la population urbaine – vivant dans les villes62 et leur périphérie63 – dans l’UE2864 est passée de 65% à 71% mais a seulement augmenté de 1% depuis vingt ans. Les villes comptabilisaient 37% de la population en 1961, 40% en 1981 puis leur croissance démographique a commencé à stagner. En revanche, les populations situées en périphérie des villes ont constamment augmenté. L’arrivée de nouvelles Demographic change populations en périphérie s’explique par la combinaison entre des mouvements de populations quittant les grandes villes et des habitants arrivant des zones rurales. Selon l’UE, la croissance de la population se réparties selon trois catégories territoriales distinctes : les villes, leur périphérie et les zones rurales65.

Share of population, in %

Figure 2.1. Population by degree of urbanisation in the EU-28, 1961-2011

4. Population par degrés d’urbanisation dans l’UE - 28, 1961-2001

Cities Towns and Suburbs Rural Areas Source: Eurostat and DG REGIO calculations

Commission Européenne, ONU Habitat (2016), « Population par degrés d’urbanisation dans l’UE-28,

The EU-15 was already quite sur urban in 1961 70% slowed la in voie the 1980s 1961-2011 » in Rapport l’État deswith villes 2016 :Urbanisation les villes montrent vers un avenir meilleur, of its disponible population living in urban areas (cities, towns and Poland is good example of urbanisation in the EUsur <ec.europa.eu/regional_policy/sources/policy/themes/cities-report/state_eu_cities2016_ suburbs), compared to only 45% in the EU-13 (Figure 2.2 13 over the past fifty years. Initially there was a large highres_en.pdf> and Figure 2 3). Although this gap has shrunk, in 2011 reduction in the rural population until the 1990s, with the EU-15 was still more urban (75%) than the EU-13 both cities and towns and suburbs gaining population (60%). Since then the EU-15 population share in cities (Figure 2.4). Over the past twenty years, however, as has remained remarkably stable over this period. This in most EU-13 countries, the speed of urbanisation implies that almost all of the growth of the population has decreased in Poland and the population shares share in urban areas occurred in towns and suburbs. remained rather similar. In the EU-13, the population share in cities increased Spain is quite representative of the EU-15 substantially from 25% in 1961 to 35% in 1991, where it urbanisation trend. Urbanisation accelerated up until remained untill’examen 2011. In contrast, the EU-13 population the 1990s, which the shares havederemained À présent, des modèles de croissance entreafter les différentes tailles villes, permettra share in towns and suburbs increased continuously, relatively stable (Figure 2.5). Austria, on the other hand, d’observer le26%, positionnement des petites villes au sein d’un inprocessus urbaine from 23% to between 1961 and 1991. is more of an outlier the EU-15. Itde has croissance a large and

Le modèle de Pareto et la sélection hiérarchique de Pumain D., Bretagnolle A., Rozenblat C. (1999)

international. Afin d’étudier ces phénomènes de croissance ou de décroissance, de nombreuses études en sciences sociales se sont appuyées sur le modèle de Gibrat (1931). Ce modèle, Figure 2.2. Population by degree of urbanisation in the EU-15, 1961-2011

Share of population, in %

62   Une ville est considérée ici comme une unité locale administrative (LAU) où la majorité de la population vit dans un centre urbain d’au moins 50 000 habitants. <ec.europa.eu/eurostat/web/cities/spatial-units> ; site consulté le 4 janvier 2021. 63   Municipalités où 50% de la population vit dans des agglomérations urbaines et où il ne s’agit pas d’une ville, comme on l’utilise dans le degré d’urbanisation. <ec.europa.eu/eurostat/web/cities/spatial-units> ; site consulté le 4 janvier 2021. 64   L’UE-28 : Autriche, Belgique, Bulgarie, Croatie, Chypre, République tchèque, Danemark, Estonie, Finlande, France, Cities Portugal, Roumanie, Allemagne, Grèce, Hongrie, Irlande, Italie, Lettonie, Lituanie, Luxembourg, Malte, Pays-Bas, Pologne, Towns and Suburbs Slovaquie, Slovénie, Espagne, Suède et le Royaume-Uni. Rural Areas 65   Municipalités où plus de 50% de la population vit dans une cellule de la grille rurale, comme on l’utilise dans le degré d’urbanisation. <ec.europa.eu/eurostat/web/cities/spatial-units> ; site consulté le 4 janvier 2021. Source: Eurostat and DG REGIO calculations

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The State of European Cities 2016 | 37


5. La trajectoire des villes européennes (1600-2000)

6. La trajectoire des villes européennes (1800-2000)

également connu sous le nom de la loi des effets proportionnels, s’énonce ainsi : « pour une entreprise donnée, la croissance (mesurée en chiffre d’affaires, en emploi ou tout autre variable reflétant la taille) est indépendante de la taille initiale »66. Ainsi, il prévoyait un accroissement de la hiérarchisation du système des villes sur la base d’un calcul de la population des villes, suivant leur taille initiale et des taux moyens de croissance67. Toutefois, les inégalités entre les tailles de villes sont bien plus fortes que prévues par le modèle de Gibrat. Les auteures Bretagnolle et al., considèrent le modèle de Pareto plus fidèle pour représenter l’évolution démographique des villes européennes. Les auteurs constatent une accentuation de la hiérarchisation du système des villes68. Elles nomment ce phénomène sélection hiérarchique, définit comme « la combinaison du processus de diffusion hiérarchique des innovations et du processus de simplification par le bas des hiérarchies urbaines lié à la rétraction de l’espace-temps »69. Cette formule complexe souligne l’idée que cette sélection hiérarchique est profitable aux grandes villes et leur accorde une probabilité plus forte de renforcer leur poids tandis que les petites villes ont plus de chance de s’amenuiser70. Finalement, l’étude de ces différents groupes de villes classées selon leur taille démographique, offre une cartographique de ces données chiffrées, apportant une information supplémentaire, celle de la sélection géographique (carte 7)71. Cette croissance ou décroissance se spatialise et permet de lier ce phénomène socio-économique à l’évolution urbaine des villes. Selon les auteures, les quatre catégories de villes à forte croissance relative suivent un schéma centrepériphérie. Celui-ci débute en Angleterre, puis dans les villes des bassins miniers allemands et belges dans la deuxième moitié du XIXe siècle et dans la deuxième moitié du XXe siècle, dans les villes européennes plus au sud et centre-orientales72.

66   Bouchard M-J, Rousselière DM. (2016), La loi de Gibrat s’applique-t-elle à l’économie sociale ? Université de Québec, Montréal, p. 2, disponible sur <www.sfer.asso.fr/source/jrss2016-papers/jrss2016_rousseliere.pdf> ; site consulté le 4 janvier 2021. 67  Ibid, p. 114. 68   Pumain D., Bretagnolle A., Rozenblat C. (1999), « Croissance et sélection dans le système des villes européennes (16002000), Travaux de l’Institut de Géographique de Reims, 101-104, p. 118, disponible sur <persee.fr/doc/tigr_0048-7163_1999_ num_26_101_1388> ; site consulté le 20 décembre 2020. 69   Ibid, p. 118. 70   Ibid, p. 122. 71   Ibid, p. 123. 72   Ibid, p. 123.

28


7. Évolution des villes européennes de 1000 à 1990

Pumain D., Bretagnolle A., Rozenblat C. (1999), « La trajectoire des villes européennes (1600-2000) dans « Croissance et sélection dans le système des villes européennes (1600-2000), Travaux de l’Institut de Géographique de Reims, p. 125-126, disponible sur <persee.fr/doc/tigr_0048-7163_1999_ num_26_101_1388> ; site consulté le 28 décembre 2020.

Pumain D., Bretagnolle A., Rozenblat C. (1999), « Évolution des villes européennes de 1000 à 1990 (taille maximale constante) » in « Croissance et sélection dans le système des villes européennes (1600-2000), Travaux de l’Institut de Géographique de Reims, p. 115, disponible sur <persee.fr/doc/tigr_0048-7163_1999_ num_26_101_1388> ; site consulté le 28 décembre 2020.

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Ces résultats amènent à interroger la connexion entre la taille de ces villes et leur potentiel. Pour ce faire, Pumain D., Bretagnolle A., Rozenblat C. décident de créer un modèle des potentiels d’échanges (ou d’interactions) qui « repose sur des hypothèses simples pour estimer la position relative des villes dans l’espace des échanges, en fonction de la population des villes et de la distance qui les sépare »73. Ce modèle tend à donner une image des dynamiques urbaines plus juste que celles émises précédemment. Leur hypothèse est la suivante : « le volume d’échanges théoriques entre deux villes est proportionnel à leur population et inversement proportionnel à la distance les séparant »74. Par cette formule traduit mathématiquement par la fonction puissance, les géographes réussissent à lier la démographie des villes aux potentialités d’échanges.

8. Potentiels relatifs (en %) les plus importants entre 1200 et 1990

Pumain D., Bretagnolle A., Rozenblat C. (1999), « Potentiels relatifs (en %) les plus importants entre 1200 et 1990 » in « Croissance et sélection dans le système des villes européennes (1600-2000), Travaux de l’Institut de Géographique de Reims, p. 128, disponible sur <persee.fr/doc/tigr_00487163_1999_num_26_101_1388> ; site consulté le 28 décembre 2020.

Ces résultats mettent en lumière un système de villes en constante adaptation, au vu des transformations mais aussi des évolutions des acteurs et des ressources locales. De cette manière, les géographes justifient l’idée qu’une sélection hiérarchique associée à la « diffusion hiérarchique des innovations et à la rétraction de l’espace-temps, donne aux grandes villes une probabilité plus forte de renforcer leur poids tandis que les petites ont toute chance d’en perdre »75. L’évolution de l’urbanité européenne ne semble pas jouer en faveur des petites villes. Pourtant, avant le XVIIIe siècle, peu de villes possédaient plus de 10 000 habitants76. Entre 1700 et 1800, les petites villes se sont même révélées être bien plus dynamiques que les grandes77. La croissance urbaine européenne fut relativement lente, toutefois, une fois la croissance lancée, celle-ci fut fulgurante jusqu’en 1950, traduite par une forte progression démographique urbaine européenne. Puis, la période 1970 – 1980 se caractérise par un « déclin relatif des plus grandes villes, où la croissance s’est reportée en périphérie selon un processus de périurbanisation »78. Par la suite, le rayonnement économique des grandes villes gagne en importance, grâce à l’attractivité des 73   74   75   76   77   78

Ibid, p. 126. Ibid, p. 126. Ibid, p. 132. Ibid, p. 9. Ibid, citant Bairoch (1985), De Vries (1984) p. 117. Ibid, p. 177.

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nombreuses entreprises présentes sur leurs territoires, aux innovations industrielles ainsi qu’au développement des modes de transports qui accélèrent la rapidité des échanges. Il n’est donc pas possible de parler d’un modèle de croissance urbaine constant à travers le temps. Le rapport entre la croissance démographique et les mutations économiques est donc primordial pour comprendre l’évolution de la petite ville et les fonctions qui lui sont associées.

La méthodologie utilisée Pumain D., et al., au sein de leur analyse sur la croissance des villes européennes entre 1600 et 2000, font l’hypothèse selon laquelle « la taille démographique garde une signification comparable d’un bout à l’autre du continent »79 de sorte à pouvoir homogénéiser les informations sur l’ensemble du continent. Il est important de noter que les données ont été calculées selon le cadre spatial de l’agglomération et non selon les découpages administratifs en unités locales. Il serait impossible de faire une analyse comparative des villes européennes selon leur définition administrative en raison de leurs différences morphologiques et institutionnelles dans toute l’Europe80. Il est vrai que l’aire administrative de la ville, en tant que limite territoriale, diffère largement de l’aire urbaine. Les combinaisons de la collection des données socio-économiques associées à une unité urbaine administrative correspondent en réalité à une grande variété de morphologies incomparables81. Par exemple, en France, chaque aire urbaine correspond à une unité administrative (cas 1, fig 9) mais une unité administrative peut à elle seule regrouper une aire urbaine majeure avec d’autres petites aires moins importantes (cas 2, fig 9). Enfin, la périurbanisation est aussi une complication à ne pas sous-estimer. Sur le schéma (fig 10), la zone grise représente l’expansion de la tâche urbaine. Ce phénomène important en France et en Allemagne, a engendré un processus de réforme administrative afin de répondre à ces métamorphoses urbaines ; notamment avec le statut de l’intercommunalité. Une petite ville proche d’une aire métropolitaine pourrait être comptée comme faisant partie de l’agglomération si l’étude utilise comme paramètre la tâche urbaine – c’est le cas de l’étude Gourdon, Bretagnolle, Guérois et Pavard (2019). 10. Dynamiques des établissements (noyau bleu et expansion) et relation avec l’unité administrative/ la municipalité (carré noir) 100 %

9. Trois types de relations entre l’unité administrative (carré noir) et l’urbain (cercle bleu)

Petites aires Moyennes aires Grandes aires

Atkinson R., Hamdouch A., Servillo L. (2017), “Small and Medieum-Sized Towns in Europe: Conceptual, Methodological and Policy Issues: Small and Medium-Sized Towns in Europe”, Tijdschrift voor Economische en Sociale Geografie, p. 7.

Petites aires Moyennes aires Grandes aires

Intérompu

Enrayé

Durable

Continu

79   Pumain D., Bretagnolle A., Rozenblat C. (1999), op. cit. p. 107. 100 % 80   Atkinson R., Hamdouch A., Servillo L. (2017), “Small and Medieum-Sized Towns in Europe: Conceptual, Methodological and Policy Issues: Small and Medium-Sized Towns in Europe”, Tijdschrift voor Economische en Sociale Geografie, p. 5, disponible sur <www.researchgate.net/publication/314108384_Small_and_Medium-Sized_Towns_in_Europe_Conceptual_ 50 % Methodological_and_Policy_Issues_SMALL_AND_MEDIUM-SIZED_TOWNS_IN_EUROPE> ; site consulté le 21 février 2021. 81  Ibid, p. 5. 0%

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Stabilité relative ou croissace

Etat fédéral Bund

Länder

Intérompu

Enrayé

Durable

0%

Continu

50 %


Cette étude participe au phénomène de déclin relatif des petites villes, mesuré par l’indice de concentration de Pareto82. Selon Pumain D., et al., la taille des villes est liée au processus de croissance, traduisant une hiérarchie urbaine. La cartographie des évolutions démographiques semble être une méthode adéquate pour observer géographiquement l’évolution des villes en termes de poids démographique. Ces différents modèles montrent que le développement rapide des grandes agglomérations, par l’arrivée de l’industrialisation, a fortement ralenti, à l’inverse, le développement des petites villes.

L’approche morphologique de Gourdon, Bretagnolle, Guérois et Pavard (2019) La petite ville française se situe dans un entre-deux, à la lisière entre le rural et l’urbain. C’est pour cette raison qu’on la classe souvent selon deux types d’urbanités. D’un côté, il y a les petites villes intégrées à des logiques de fonctionnement d’agglomération. Il peut s’agir de petites villes dites « banlieues », dépendantes du tissu urbain métropolitain ou encore de petites villes périurbaines – souvent d’anciens bourgs rattrapés par l’urbanisation sans continuité du bâti83. De l’autre côté, il y a les petites villes isolées, centres de bassins de vie qui polarisent des territoires plus ou moins élargis84 et sont davantage associées au monde rural. Cette classification entre en concordance avec l’étude de Gourdon, Bretagnolle, Guérois et Pavard (2019) sur la comparaison des trajectoires démographiques à l’échelle européenne entre 1961 et 2011. Ces travaux invitent à examiner l’implantation morphologique de la petite ville à l’échelle du territoire national. Les auteurs ont fait appel à une base de données harmonisée entre 27 pays d’Europe, permettant de représenter la répartition et l’évolution de ces petites villes européennes. Malgré l’absence des diversités nationales dans le traitement des données, elle permet de « comparer, à une date donnée, le nombre, la surface et la population de villes définies de manière homogène d’un pays à un autre »85. Cette étude se construit à partir de la base de données de l’Agence Européenne de l’Environnement à partir des images CORINE Land Cover86 (Urban Morphological Zones87, EEA 82   Ibid, citant H. Mackinder (1902), p. 118. 83   Mainet H. (2011), « Les petites villes françaises en quête d’identité. Ambiguïté du positionnement ou image tactiquement combinée ? », Mots. Les langages du politique, 97, p. 78, mis en ligne le 8 mars 2012, disponible sur <journals.openedition.org/ mots/20514> ; consulté le 16 décembre 2020. 84   Ibid, p. 79. 85   Gourdon P., Bretagnolle A., Guérois M. et Pavard A., (2019) « Des petites villes davantage touchées par la décroissance ? Comparaison des trajectoires démographiques à l’échelle européenne (1961-2011) », Belgeo, p. 3, mis en ligne le 20 juin 2019, disponible sur <www.researchgate.net/publication/334427405> ; site consulté le 19 décembre 2020. 86   La base de données CORINE Land Cover (CLC) est produite sur 39 États européens, dans le cadre du programme européen de surveillance des terres de Copernicus. Elle est un inventaire biophysique de l’occupation des sols et de son évolution selon une nomenclature en 44 postes. Cet inventaire est produit par interprétation visuelle d’images satellite. L’échelle de production est le 1/100 000. CLC permet de cartographier des unités homogènes d’occupation des sols d’une surface minimale de 10 hectares pour les surfaces construites et de 25 ha pour les autres. Cette base de données a été initiée en 1985. Les millésimes 1990, 2000, 2006, 2012 et 2018 ont été réalisés. Disponible sur <www.eea.europa.eu/publications/COR0-landcover> ; site consulté le 5 février 2021. 87   Les UMZ ont été définies en 2004 par l’agence européenne de l’environnement à partir des images satellitaires. Ces zones urbaines morphologiques ont été délimitées à partir des zones définies comme tissu urbain, zones commerciales et industrielles, zones vertes urbaines, ports, aéroports, équipements de sport et de loisirs et infrastructures routières et ferroviaires. Les zones urbanisées et éloignées de moins de 200 mètres sont agrégées entre elles pour former une agglomération. Cette base de données a ensuite été enrichie pour permettre d’attribuer un nom et les données statistiques disponibles par unités administratives locales (local administrative units). Elle est la plus fine des échelles de collecte des données à l’échelle européenne. Desjardins X., Estèbe P. (2011), Les villes petites et moyennes dans la représentation et les stratégies d’aménagement territorial, éclairages anglais, allemands et italiens sur le cas français, PUCA, La Défense, p. 19.

32


6

11. Comparaison des différentes conceptualisation et des critères Table 1. Comparison of different conceptualisations and related criteria. Term

Definition

Distinctive characteristics

Morphological approach

Urban settlement

Built up area (area with urban physical characteristics) of a minimum population size

Concentration of buildings (distinction from open spaces) and population (above minimal threshold)

Administrative approach

Urban municipality

Settlement with urban administrative status

Functional Approach

Urban centre/urban core

Urban settlement (municipality) with concentration of jobs, services and other urban functions

Local government with urban administrative duties and responsibilities and territory / boundary containing urban settlements Role of centre for region due to concentration of jobs and other urban functions attracting commuters and visitors

Urban functional region

Larger area with functional relationship with one or more urban cores

Source: authors.

Gravitational area of jobs, services and other functions located in urban core(s)

Criteria Compact build-up area Distance between settlements and buildings Population Density of urbanised area Local government administrative functions Historical attribution

Population Jobs Other urban functions Commuting Centrality Access to jobs and services Home-work commuting Home-service commuting

LORIS SERVILLO, ROB ATKINSON & ABDELILLAH HAMDOUCH

C 2017 Royal Dutch Geographical Society KNAG V

2004) et par le JCR de la Commission Européenne (Population Density Grid, Gallego 2010). Cette base s’intéresse aux agglomérations morphologiques de plus de 10 000 habitants en 2000. Elle a plus récemment été couplée à une base de données sur les populations de 1961 à 2011 (Historical Population Database, Gloersen and Lüer 2013). Cet ajout de données a pour particularité de prendre en compte les unités élémentaires des agglomérations (LAUE88 ou LAU1, selon les pays) comme faisant partie de l’agrégat urbain, à une certaine date, si leur population totale dépasse 1 000 habitants et si elles sont contiguës pour former un ensemble de plus de 10 000 habitants89. Ces premiers résultats restent toutefois incomplets. « Une localisation à l’extérieur d’une aire urbaine n’est pas forcément synonyme d’isolement et de faible dynamisme économique »90. Ce constat amène à prendre en compte de nouveaux paramètres ; le taux d’urbanisation, la densité de population et un rayon de deux heures de transport depuis la plus grande ville de la maille, permettant de faire un aller-retour dans une même journée. Cette nouvelle base de données associe donc formes urbaines et données sur la population. Elle délimite clairement des aires urbaines avec un seuil démographique minimum. Les résultats indiquent que les petites villes sont légèrement surreprésentées dans les régions métropolitaine mais ne sont pas associées au rural non métropolitain. Les régions rurales isolées connaissent un déficit de très petites villes91. L’évolution des petites villes sur 50 ans, indique qu’elles sont sujettes à la décroissance, tout comme le sont les grandes villes. Ainsi, le critère de la taille ne peut être à lui seul un facteur explicatif.

Atkinson R., Hamdouch A., Servillo L. (2017), “Comparison of different conceptualisations and related criteria” dans “Small and Medieum-Sized Towns in Europe: Conceptual, Methodological and Policy Issues: Small and Medium-Sized Towns in Europe”, Tijdschrift voor Economische en Sociale Geografie, p. 6.

88   Le système d’unité administratives locales (LAU), est développé par Eurostat pour répondre à la demande de statistiques au niveau local. Les LAU sont compatibles avec les NUTS (Nomenclature des unités territoriales statistiques), système hiérarchique de découpage du territoire économique de l’UE et du Royaume Uni qui sert de référence pour la collecte des statistiques régionales, pour les analyses socio-économiques des régions et la définition des politiques régionales de l’UE. Ces LAU sont les éléments constitutifs des NUTS et comprennent les municipalités et les communes de l’Union européenne. <ec.europa.eu/eurostat/fr/web/ nuts/background> ; <ec.europa.eu/eurostat/fr/web/nuts/local-administrative-units> ; site consulté le 5 février 2021. 89   Gourdon P., Bretagnolle A., Guérois M. et Pavard A., (2019) citant Guérois et al., 2019, op. cit. p. 4. 90   Ibid, p. 6-7. 91   Ibid, p. 8.

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La typologie urbain-rural de Bretagnolle A. Guérois M. Pavard A. (2019) Bretagnolle A. Guérois M. Pavard A. (2019) ont ensuite tenté de représenter les typologies urbaines et rurales selon une approche différente, inspirée du projet SPEPS (Union européenne, 2001), dans le but d’analyser les tendances actuelles des régions sous l’influence des grandes métropoles. La méthode utilisée prend en compte des unités spatiales de tailles comparables entre différents pays en sélectionnant une unité de référence locale pour chaque pays parmi trois possibilités : NUTS2, NUTS3 ou même LAU1 pour l’Irlande92. Selon ce calcul, le taux d’urbanisation européen atteint 58%, ce qui paraît à première vue assez peu. Ce chiffre s’explique par le refus d’intégrer les villes en dessous de 10 000 habitants mais aussi par l’évaluation de la population par sa forme morphologique et non ajustée aux limites administratives93. Les chiffres du tableau 13 représentent donc les mêmes chiffres après l’ajustement des UMZ aux limites administratives. En conséquence, la population réajustée aux UMZ devient plus importante tout comme la part des petites villes européennes. L’hétérogénéité des aires urbaines est mieux retranscrite et confirme la présence dominante des petites villes en Europe. D’après ces chiffres, les petites villes représentent 73% du territoire en France, contre 78% du territoire en Allemagne. 12. Zones morphologiques urbanisées par pays en 2001

13. Petites villes et agglomérations (UMZ réajustées) par pays en 2001

Bretagnolle A. Guérois M. Pavard A. (2019), « European Small Cities and Towns : A Territorial Contextualization of Vulnerable Demographic Situations (1981-2011) », Revue d’Économie Régionale & Urbaine, p. 648-649.

92   Ibid, p. 653. 93   Bretagnolle A. Guérois M. Pavard A. (2019), « European Small Cities and Towns : A Territorial Contextualization of Vulnerable Demographic Situations (1981-2011)», Revue d’Économie Régionale & Urbaine, p. 647 disponible sur : <wwwcairn-info.docelec-u-paris2.idm.oclc.org/revue-d-economie-regionale-et-urbaine-2019-4-page-643.htm> ; site consulté le 5 février 2021.

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14. Zones morphologiques urbaines de plus de 10 000 habitants en 2001, par surface

Bretagnolle A. Guérois M. Pavard A. (2019), « European Small Cities and Towns : A Territorial Contextualization of Vulnerable Demographic Situations (1981-2011) », Revue d’Économie Régionale & Urbaine, p. 650.

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15. Typologie urbaine-rurale basée sur des indicateurs à plusieurs niveaux

Bretagnolle A. Guérois M. Pavard A. (2019), « European Small Cities and Towns : A Territorial Contextualization of Vulnerable Demographic Situations (1981-2011) », Revue d’Économie Régionale & Urbaine, p. 656.

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La carte exprime sept typologies urbaines et rurales – trois catégories à dominante rurale et quatre à dominante urbaine. « L’analyse du croisement entre la typologie du peuplement et la hiérarchie urbaine montre qu’il n’y a pas de spécificité particulière dans la répartition des petites villes, ni même des très petites villes »94. Les résultats indiquent que les petites villes sont majoritairement présentes au sein des trois catégories d’agglomérations rurales (33% petites villes, 29% villes moyennes et grandes). Elles sont également surreprésentées dans les régions métropolitaines, tandis qu’elles sont de moins en moins nombreuses plus l’isolement rural s’accentue95. D’après cette étude, on ne peut donc pas particulièrement associer les petites villes au monde rural ou à l’urbain ; la petite ville est un objet complexe. L’Allemagne et la France font parties des pays européens ayant les plus fortes concentrations de petites villes. Toutefois, le nombre de petites villes n’est pas corrélé au nombre total de villes dans le pays96. Les petites villes allemandes représentent 79% des villes allemandes contre 69% pour la France. Si l’on s’intéresse à présent aux limites de cette méthode, nous pouvons constater que certains paramètres sont manquants. L’étude ne rend pas compte des petites villes en dessous du seuil des 10 000 habitants. Les auteurs différencient alors les agglomérations dites petites (25 000 à 50 000 habitants) et très petites (10 000 à 25 000 habitants). Enfin, l’intégration des petites aires urbaines à l’agrégat urbain, causée par leur proximité spatiale, a pour conséquence la sous-estimation de la population des petites villes affectées par l’étalement urbain. Les auteurs sont conscients que ces résultats sont incomplets c’est pourquoi ils rajouteront le paramètre de la hiérarchie urbaine par la suite. Nous reviendrons à cette analyse des trajectoires démographiques un plus loin, lorsque nous nous intéressons aux trajectoires du déclin urbain.

La normalisation du seuil minimum de 10 000 habitants Pourquoi cette étude s’intéresse-t-elle seulement aux villes possédant une population supérieure au seuil minimum de 10 000 habitants ? Les auteurs se sont appuyés sur l’études des UMZ créée par l’Agence Européenne de l’Environnement (EEA) en 2002. Le seuil de 10 000 habitants des UMZ semble avoir été fixé arbitrairement afin « d’être capable d’étudier les petites et moyennes villes »97. L’UE a par la suite lancé un programme de recherche appliquée pour développer une meilleure connaissance des territoires européens, cofinancé par le FEDER et les pays participants au programme (les vingt-huit États-membres de l’UE ainsi que l’Islande, le Liechtenstein, la Norvège et la Suisse). Le projet ESPON combine ainsi différentes bases de données : les UMZ, les UMA et les FUAs. Les UMZ restent la base de données avec le seuil de population le plus bas, en comparaison avec celle des aires urbaines fonctionnes (FUAs) développée par l’OCDE et la Commission Européenne. La densité de population et les trajets domicile-travail sont les paramètres clés de cette base de données. Une FUA correspond donc à une ville dense ou une aire périphérique dans laquelle le marché du travail est fortement intégré à la ville (OCDE 2012). L’objectif de cette approche fonctionnelle des aires urbaines était la création d’une harmonisation entre les 94   Gourdon P., Bretagnolle A., Guérois M. et Pavard A. (2019) citant Guérois et al., 2019, op. cit. p. 8. 95   Il existe 262 petites villes sur 386 dans les régions rurales éloignées (68% du total), 524 petites villes sur 685 dans les régions rurales avec des petites et moyennes villes (76% du total) et 185 petites villes sur 207 dans les aires rurales sous influence métropolitaine (89% du total). Bretagnolle A. Guérois M. Pavard A. (2019), op. cit. p. 655. 96   Ibid, p. 5. 97   ESPON 2013 Database Dictionary of Spatial Units, publié le 19 décembre 2014, disponible sur <database.espon.eu/db2/ jsf/DicoSpatialUnits/DicoSpatialUnits_html/ch02s02.html> ; site consulté le 5 février 2021.

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définitions des villes et de leurs aires d’influence pour faciliter une comparaison internationale et une étude des politiques liées au développement urbain98. Toutefois, cette analyse fonctionnelle exclut automatiquement les petites villes et communes rurales, avec son seuil minimal de 20 000 habitants. Enfin, la base de données des UMA (Morphologie Urban Areas) créées en 2007, a été mise à jour en 2011 par l’Institut de gestion de l’environnement et d’aménagement du territoire (IGEAT) afin de l’associer aux morphologies de la base de données des FUAs. La sélection des UMA s’applique aux municipalités les plus denses, plus précisément sur la sélection des municipalités (LAU2) dont la densité de population est supérieure à 650 hab/km2. La deuxième règle fixe un seuil minimal de population à 20 000 habitants afin d’uniquement comptabiliser les municipalités dites avec un « réel caractère urbain ». Encore une fois, les petites villes sont exclues de ce classement, étant davantage rattachées au monde rural.

Le projet TOWN, premier seuil démographique inférieur à 20 000 habitants En 2014, le rapport final du projet TOWN, Small and medium sized towns in their functional territorial context99 est publié. Ce projet développé par le programme ESPON, mandaté par la CE, a également identifié les villes de petites et moyennes tailles à travers l’Europe dans le but d’illustrer leurs rôles et fonctions au sein des contextes territoriaux variés. Elles sont identifiées par leur spatialité à travers une grille de densité de population de 1 km2, prenant en compte les critères de densité, contiguïté et de démographie. La définition de petite ville comprend ici les villes ayant une population entre 5 000 et 25 000 habitants. Le projet TOWN est à ce jour l’unique étude prenant en compte les villes en dessous du seuil des 10 000 habitants, à cette échelle.

16. SMST typologies basées sur trois classes de populations

Servillo L., Atkinson R. Smith I., Russo A., Sykora L., Demanière C., Hamdouch A. (2014), « TOWN SMST settlements, ESPON space” in TOWN Small and medium sized towns in their functional territorial context, Final report, ESPON, Luxembourg, p. 9-10 disponible sur <https://www.espon.eu/sites/default/ files/attachments/TOWN_Inception_report_ July_2012.pdf> ; site consulté le 5 février 2021.

98   Dijkstra L. Poelman H. Veneri P. (2019), The EU-OECD definition of a functional urban area, OECD, EU, disponible sur <read.oecd-ilibrary.org/urban-rural-and-regional-development/the-eu-oecd-definition-of-a-functional-urban-area_ d58cb34d-en#page5>; site consulté le 4 février 2021. 99   Servillo L., Atkinson R. Smith I., Russo A., Sykora L., Demanière C. (2012), TOWN Small and medium sized towns in their functional territorial context, ESPON, Union Européenne, disponible sur <www.espon.eu/sites/default/files/attachments/ TOWN_Inception_report_July_2012.pdf> ; site consulté le 4 février 2021.

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17. Typologies des régions urbaines comprenant trois catégories de petites et moyennes villes (SMTs) selon les tranches de population et les grappes urbaines à haute densité

km

Servillo L., Atkinson R. Smith I., Russo A., Sykora L., Demanière C., Hamdouch A. (2014), « TOWN SMST settlements, ESPON space” in TOWN Small and medium sized towns in their functional territorial context, Final report, ESPON, Luxembourg, p. 9-10 disponible sur <https://www.espon.eu/sites/default/files/attachments/ TOWN_Inception_report_July_2012.pdf> ; site consulté le 5 février 2021.

Map 1 Typology of urban regions including three categories of SMTs by population Map 1 Typology of urban regions including three categories

of SMTs by population

ranges and high density urban clusters. Map 1 Typology of and urban regions three categories of SMTs by population ranges high densityincluding urban clusters. ranges and high density urban clusters.

ESPON 2013

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Le nombre d’habitants et la densité sont les deux paramètres à la base de ce calcul. On ne rattache pas un caractère urbain ou rural à cette classification, c’est-à-dire que les formes urbaines ne sont pas un paramètre dans ce calcul. À la différence de la carte précédente qui qualifiait les aires urbaines selon une catégorie, on obtient ici un dessin plus précis. Au sein d’une même région, nous sommes capables de comprendre la forme urbaine sous-jacente aux données numériques. Par exemple, les régions métropolitaines d’Allemagne de l’Ouest et les alentours de l’Ile-de-France, qualifiés de régions à forte densité urbaine (carte 17) n’ont en fait pas la même valeur. La densité allemande n’est proportionnellement pas la même qu’en France. Cette carte est plus lisible quant aux différents contextes nationaux. Toutefois, la répartition de la population à une échelle plus rapprochée deviendrait insuffisamment précise. Une carte à une échelle plus fine, 1 ha par exemple, permettrait de représenter une cartographie plus détaillée mais pourrait porter atteinte à la vie privée (dans des zones de faible densité notamment)100. À l’échelle européenne, nous avons vu que la densité peut être calculée en fonction des classes d’occupation du sol (Corine Land Cover) mais aussi en combinaison avec des données de luminosité artificielle du ciel nocturne101. Le taux d’imperméabilisation des sols obtenu par images satellitaires peut aussi être associé à la densité, avec pour hypothèse que la population est localisée là où il y a des terrains imperméables102. 18. Typologies des régions urbaines comprenant trois catégories de petites et moyennes villes (SMTs) selon les tranches de population et les grappes urbaines à haute densité

Map 1 Typology of urban regions including three categories of SMTs by population ranges and high density urban clusters.

ESPON 2013

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Source : EPSON.

Il s’agit de la seule carte produite à cette échelle avec un seuil de population de 5 000 habitants. 100   Ibid, p. 38. 101  Ibid, citant Briggs et al., 2007, p. 39. 102   Ibid, citant Cornet et al., 2012 ; Crols et al., 2017.

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Méthodologies des calculs de densité La méthode des densités générales ou brutes

Intérompu

Enrayé

Durable

Continu

Le calcul de la densité soulève une certaine controverse. Dans cette analyse, la densité est calculée d’après la répartition de la population sur une grille de 1 km2 toutefois les méthodes d’expression des densités peuvent varier. Il existe la méthode des densités générales ou brutes 100 % consistant à tout simplement diviser la population totale par la superficie totale de la commune. Cette représentation des données démographiques est la plus courante. Elle permet d’avoir une idée de la répartition du peuplement sur l’ensemble 50du% pays. Cependant, cette représentation est étroitement liée au découpage des unités territoriales utilisées ce qui a pour inconvénient de ne pas représenter les inégalités de distribution de la population pour deux mêmes surfaces103. Les 0% limites administratives peuvent bien souvent effacer ou ne pas prendre en compte Stabilité desrelative limites ou croissace 104 naturelles ou artificielles traduisant un phénomène géographique réel . Comme l’illustre très Petites aires Moyennes aires bien la figure (19) le découpage affecte fortement la valeurGrandes deaires l’indicateur calculé. 19. Problème de l’unité de surface modifiable

Hallot E., Grippa T. Stephenne N. Wolff E. (2019), « Modifiable Area Unit Problem » in « Cartographie détaillée de la densité de population : comparaison de méthodes dasymétriques », Dynamiques régionales, n°8, p.38 Etat fédéral Bund

La méthode des densités rapportées et la méthode des surfaces résidentielles Länder pensant obtenir un résultat plus juste. La Par la suite, des scientifiques ont détaillé cette méthode, méthode des densités rapportées aux surfaces rectifiées utilise la même méthode précédente en défalquant les surfaces des espaces habités. Quant à la méthode des surfaces résidentielles ( Districtsnon gouvernementaux ) Regierungsbezirke et les densités correspondantes, elle s’obtient sur le même modèle mais en défalquant cette foisci de la superficie urbaine294 les Arrondissements surfaces couvertes par les voies ferrées, les canaux, les grandes (Land-) Kreise 105 artères, les bâtiments à usage . Toutefois (Communautés de exclusivement industriel, administratif ou religieux Villescommunes) Villes-Etats Gemeinde-verbände 11 092 arrondissements ces représentations sont jugées approximatives et insuffisantes – l’interprétation devenant trop Stadtstaaten Kreisfreie Villes floue. (Communes et bourgs) Städte Gemeinden Gemeinden

103   Biraben J-N, Duhourcau F. (1974), « La mesure de la population dans l’espace », Population, 29-1, p. 114, disponible sur <www.persee.fr/doc/pop_0032-4663_1974_num_29_1_16188> ; site consulté le 9 janvier 2021. 104   Hallot E., Grippa T. Stephenne N. Wolff E. (2019), citant Foster (1985) dans « Cartographie détaillée de la densité de population : comparaison de méthodes dasymétriques », Dynamiques régionales, n°8, p. 37, disponible sur <www.cairn.info/ revue-dynamiques-regionales-2019-2-page-35.htm#no3> ; site consulté le 9 janvier 2021. 105   Prodan, Dupart, (1968), Recherche méthodologique sur le calcul des densités urbaines, Atelier Parisien d’Urbanisme, p. 5, disponible sur <50ans.apur.org/data/b4s3_home/fiche/75/02_calcul_densites_urbaines_apint14_6dbd8.pdf> ; site consulté le 9 janvier 2021.

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La mesure de la concentration Une autre méthode empruntée aux économistes, intitulée la mesure de la concentration et développée par Gini, a tenté de mesurer les inégalités de répartition de la population par un indice unique106. D’autres chercheurs sur la base de ce modèle ont tenté d’affiner la méthode (Wright (1937), Hoover (1941)). Cependant, selon Biraben et Duhourcau il est difficile d’interpréter les variations de ces indices qui ont finalement peu de signification.

La méthode de la mesure de l’espacement Cette méthode est, quant à elle, empruntée à l’écologie végétale. Cette méthodologie a inspiré de nombreux chercheurs dans des domaines variés avant d’attirer l’attention des démographes pour mesurer la distribution de la population. J.A Barnes et A.H Robinson ont publié en 1940 une carte des distances linéaires, où la mesure de l’espacement de l’habitat dans les régions rurales peu peuplées, est basée sur cette nouvelle méthode107, permettant de développer une formule reliant la distance moyenne à la densité. Une autre méthode intitulée la mesure des fréquences spatiales, se rapproche de la méthode précédente mais s’appuie sur la fréquence des établissements par unité de surface et non la distance108.

Le quotient de densité économique Enfin, une des commissions préparatoires du Congrès mondial de la population réunie à Rome en 1954, sous les auspices de l’ONU et l’Union internationale pour l’étude scientifique de la population avait pour mission d’étudier les moyens d’exprimer, par une formule arithmétique, la densité économique de population109. Apparaît alors la difficulté de représenter la diversité des situations locales et régionales suivant les données numériques utilisables. Une méthode appliquée aux pays d’économie sous-développée est proposée en confrontant le nombre de rations alimentaires exigé pour la satisfaction des besoins de la population et le nombre de rations alimentaires assuré par la production actuelle110. Les échanges de ces produits de consommation ne peuvent être établis que par l’intermédiaire de leur conversion en unités monétaires et non en nombre de calories. Cependant, ce quotient concentre de nombreuses incertitudes dont les prélèvements effectués par le secteur tertiaire, les dépenses d’investissement et la répartition réelle des revenus de la production. Pierre George affirme que l’on peut tout de même retenir le recours aux quotients de densité économique comme élément de première approximation des rapports entre effectifs humains et production, dans des régions rurales d’économies peu différenciées où il est possible de convertir en valeur la totalité des produits de l’exploitation et d’appliquer une notion de

106   Biraben J-N, Duhourcau F. (1974), op. cit. p. 115. 107   Ibid, p. 118. 108   Ibid, p. 121. 109   George P. (1953), « Sur un projet de calcul de la densité économique de population », Bulletin de l’Association de Géographes Français, 237-238, p. 142, disponible sur <www.persee.fr/doc/bagf_0004-5322_1953_num_30_237_7424> ; site consulté le 10 janvier 2021. 110   Ibid, p. 142.

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budget-type moyen111. Cette méthode devient inutilisable pour des régions industrielles dont le modèle économique diffère des régions rurales. Il existe donc un nombre important de méthodes de calcul de la densité de population. Chacune possède des critères très variés et des limites méthodologiques. Par conséquent, il devient évident que la logique du chiffre ne pourrait représenter à elle-seule la diversité démographique des petites villes.

L’étude de la croissance des petites et moyennes villes européennes entre 1961 et 2011, par Desjardins X., Estèbe P. (2011) L’étude menée par Desjardins X., Estèbe P. (2011), axée sur les petites et moyennes villes, s’appuie sur la base de données constituée par Anne Bretagnolle, Marianne Guérois et leurs collègues. Les auteurs ont étudié l’évolution de la croissance des villes dans plusieurs pays européens de 1961 à 2011. Les villes sont classées en fonction de différents seuils de population ; la plus petite catégorie de villes comprend entre 10 000 et 30 000 habitants. En observant la situation générale en France, la période comprise entre 1961 à 1981 marque une croissance démographique importante sur l’ensemble du territoire – aucune distinction entre petites et grandes villes. C’est après 1981 que l’on observe une évolution plus hétérogène avec notamment une décroissance de la population dans les petites et moyennes villes. Cette décroissance touche majoritairement les petites villes à partir de 1991, avec une concentration au nord du pays et dans la diagonale du vide. Le début des années 2000 accélère la perte d’habitants dans de nombreuses petites villes. De manière générale, elles connaissent une perte constante d’habitants même s’il existe des différences selon leur localisation géographique. Pour le cas de l’Allemagne, les différentes cartes depuis 1961 font en effet apparaître plusieurs situations112. L’Allemagne de l’Est est marquée par le déclin démographique d’un nombre important de petites villes. La situation n’est toutefois pas absolue. Depuis 2000, des petites villes regagnent des habitants autour de Berlin, de Leipzig et de Dresde. Des régions anciennement industrialisées de l’Ouest, la Sarre et la Ruhr notamment, sont aussi marquées depuis les années 1970 par le déclin de très nombreuses villes. Durant les années 2000, un déclin de la population des petites villes, jusque dans les périphéries rurales de régions dynamiques comme le Bade-Wurtemberg et la Bavière est observé. L’Allemagne des petites villes perd aussi des habitants, expliqué en partie par des vagues de migration importantes et brèves113.

111   Ibid, p. 144. 112   Desjardins X., Estèbe P. (2011), op. cit. p. 30. 113   Ibid, p. 27.

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20. Petites villes dans le système urbain

Desjardins X., Estèbe P. (2011), « Petites villes dans le système urbain » in Les villes petites et moyennes dans la représentation et les stratégies d’aménagement territorial, éclairages anglais, allemands et italiens sur le cas français, PUCA, La Défense, p. 36.

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La situation française met en exergue la forte présence de petites villes isolées, c’està-dire situées à plus de 50 kilomètres d’une ville de 100 000 habitants. La France en compte 78 contre 60 en Allemagne114. Cela représente 24% des villes de moins de 100 000 habitants en France soit 8% de l’autre côté du Rhin. L’Allemagne étant un territoire plus dense et plus urbanisé, la configuration urbaine des petites villes au sein de la structure territoriale diffère de la France. Les petites villes allemandes en croissance démographique bénéficient finalement de la proximité métropolitaine tandis que les petites villes en déclin relatif sont les plus éloignées des grandes villes. Desjardins X. et Estèbe P. constatent que les petites villes isolées n’ont pas gagné d’habitants depuis 1981 en France. La situation est similaire en Allemagne, où les petites villes isolées perdent des habitants depuis 1980. Toutefois, les petites villes autour des grandes agglomérations perdent elles aussi des habitants (baisse toutefois moins importante). Des deux côtés du Rhin, les auteurs observent une augmentation de population dans la strate des villes comprises entre [10 000 - 30 000] habitants et [30 000 - 50 000], plus rapide que celle du reste du pays115 : - De +38% et de + 50% en France ; - De +19% et de +20% en Allemagne. Finalement, l’évolution de ces petites villes est-elle liée à leur proximité avec les grandes villes ? En termes de démographie, d’après les deux auteurs, les courtes distances entre grandes et petites villes seraient bénéfiques pour ces dernières. « La proximité d’une grande ville semble prémunir contre un trop fort déclin »116. Ces études mettent en lumière les situations variées des petites villes en France comme en Allemagne. Toutefois, elles se concentrent sur une définition traditionnelle de la petite ville (limite physique urbaine et un seuil de population) et arrivent donc à une classification en termes de taille. De ce fait, elles calquent le modèle des grandes agglomérations sur la situation des petites villes117.

La géographie questionne la définition de la petite ville L’analyse morphologique est majoritairement adoptée lorsqu’il s’agit d’étudier les petites et moyennes villes à l’échelle européenne mais semble réductrice dans sa description. L’approche du géographe Jacques Levy a produit un mode de représentation nouveau, sur la base de cartogrammes, pour relier des typologies de territoires et le nombre d’habitants. En suivant ce raisonnement, le constat serait de dire que la France est pratiquement totalement urbanisée. Le rapport proportionnel entre type de territoire et démographie démontre des territoires ruraux très peu peuplés. Jacques Levy remet en question les statistiques de l’Insee qui selon lui minimisent la part de l’urbain sur le territoire. Selon lui, une grande partie des espaces périurbains, c’est-à-dire en périphérie des aires urbaines, sont qualifiés de ruraux de manière injustifiée118. La France n’est plus un espace agricole ponctué de villes mais ressemble plus à un réseau d’aires urbaines. Partant de ce constat, la petite ville devient beaucoup moins complexe dans sa définition puisqu’elle est automatiquement associée au monde urbain. 114   115   116   117   118

Desjardins X., Estèbe P. (2011), op. cit. p. 37. Desjardins X., Estèbe P. (2011), op. cit. p. 23. Ibid, p. 38. Ibid, p. 3. Lévy J. (2012), « Choix de société », Espaces et sociétés, 148-129, p. 202.

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21. La France des pays locaux

Chôros (Thibault Romany, Ogier Maitre, Jacques Lévy), 2014

Desjardins et Estèbe affirment une position à l’opposé ; la France est un pays très rural. 29,6 millions de français (45% de la population totale) contre 26,6 millions d’allemands (33% de la population totale) vivent hors des zones urbaines de plus de 10 000 habitants. Selon eux les français sont plus concentrés dans les villes de plus de 100 000 habitants et 500 000 habitants119. L’utilisation de mêmes données démographiques et géographiques ne conduisent pas nécessairement à la même interprétation. Toutefois, il est indéniable que les petites villes situées près des grandes agglomérations gagnent des habitants depuis les années 1980 en France comme en Allemagne120. Le système métropolitain prend une importance majeure dans l’organisation et la hiérarchie territoriale. Ce chapitre fait le constat que les travaux des géographes sur les petites villes européennes restent rares. Les seuils de densité de population sont toujours très haut, excluant les petites aires urbaines de moins de 10 000 habitants. Cette absence d’études géographiques sur la petite ville s’explique par un manque de données statistiques à cette échelle. Les résultats des travaux étudiés ne sont alors que partiels. Les petites villes inférieures à 10 000 habitants bénéficientelles aussi du dynamisme des régions métropolitaines ? Deviennent-elles des déserts urbains comme l’annoncent les discours du déclin urbain ? Les géographes ne répondent pas à la question et n’ont pas localisé, pour le moment, les territoires où les petites villes se développent ou se trouvent dans une situation de déclin.

119   Desjardins X., Estèbe P. (2011), op. cit. p. 21. 120   Desjardins X., Estèbe P. (2011), op. cit. p. 42.

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Géographie Géographie de l’évolution de l’évolution démographique démographique des villesdes petites villesetpetites moyennes et moyennes en Franceen France 22. Géographie de l’évolution démographique des villes petites et moyennes en France 1961-1971 1961-1971

1981-1991

Figure 5 – Évolution de la population des agglomérations de plus de 10 000 habitants entre 1961 et 2011 en France FigureFigure 5 – Évolution 5 – Évolution de la population de la population des agglomérations des agglomérations de plusdedeplus 10 000 de 10habitants 000 habitants 1991-2001 entre 1961 entreet1961 2011et en2011 France en France

1961 — 1971

1971 — 1981

1991-2001 1991-2001

Au coursAudescours années des 1960, annéesles1960, villesles gagnent villes gagnent presque presque toutes des toutes habitants, des habitants, dans un dans un Figure 5 – Évolution de la population des agglomérations de plus de 10 000 habitants contextecontexte d’augmentation d’augmentation généralegénérale deentre la population la enpopulation du pays.du Quelques pays. Quelques villes perdent villes perdent 1961de et 2011 France néanmoins néanmoins des habitants. des habitants. Ce sont des Ce sont villesdes minières villes minières ou industrielles ou industrielles : Bruay-la-Buissière, : Bruay-la-Buissière, 1981-1991 1991-2001 Carmaux,Carmaux, Villerupt,Villerupt, Joeuf, Montceau-les-Mines. Joeuf, Montceau-les-Mines. Dans les Dans années les1970, années un 1970, nombre un plus nombre im- plus important de portant villes est de villes en déclin, est enprincipalement déclin, principalement dans le Nord-est dans le Nord-est de la France, de lamais France, aussimais sur aussi sur les rebords les du rebords Massifducentral. Massif Au central. coursAu descours années des1980, années une1980, autreune région autreapparaît région apparaît mar- marquée parquée des dynamiques par des dynamiques de déclindedémographique déclin démographique des petites desvilles petites : levilles Bassin: leparisien Bassin parisien (Flers, Lisieux, (Flers, Vire, Lisieux, Epernay, Vire, Epernay, Romilly-sur-Seine, Romilly-sur-Seine, …). Beaucoup …). Beaucoup de ces villes de ces ontvilles accueilli ont accueilli des usines desà l’époque usines à l’époque de la décentralisation de la décentralisation industrielle, industrielle, entre 1950 entre et 1970. 1950Cette et 1970. géograCette géographie restephie relativement reste relativement stable austable cours au descours années des1990 années et 2000. 1990 et Les2000. villesLes en croissance villes en croissance situent selesituent long delelalong Seine, de ladeSeine, la Loire, de du la Loire, Rhin, du Rhin, Rhône duetRhône de la Garonne. et de la Garonne. En dehorsEn dehors 1981se— 1991 1991— 2001 de ces vallées, de cesd’assez vallées,larges d’assezespaces larges sont espaces marqués sont marqués par une certaine par une certaine langueurlangueur démogra-démogra2001-2011 phique :phique le Massif : leCentral, Massif les Central, bordures les bordures extérieures extérieures du Bassinduparisien Bassin et, parisien toujours, et, toujours, les les anciens anciensindustriels bassins industriels et miniersetde miniers Lorraine de Lorraine et de Nord-Pas-de-Calais. et de Nord-Pas-de-Calais. 2001-2011 2001-2011 bassins Villes petites et moyennes et aménagement territorial

Villes petites et moyennes et aménagement territorial

1981-1991 1981-1991

28

1971-1981 1971-1981

2001-2011

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2001— 2011 29

Desjardins X., Estèbe P. (2011), « Géographie de l’évolution démographique des villes petites et moyennes en France » in Les villes petites et moyennes dans la représentation et les stratégies d’aménagement territorial, éclairages anglais, allemands et italiens sur le cas français, PUCA, La Défense, p. 28-29.

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29 29

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Géographie Géographie de l’évolution de l’évolution démographique démographique des villes despetites villes petites et moyennes et moyennes en Allemagne en Allemagne 23. Géographie de l’évolution démographique des villes petites et moyennes en Allemagne 1961-1971 1961-1971

1971-1981 1971-1981

Figure 6 – Évolution de la population des agglomérations de plus de 10 000 habitants entre 1961 et 2011 en Allemagne Figure 6 –Figure Évolution 6 – Évolution de la population de la population des agglomérations des agglomérations de plus dede10plus 000de habitants 10 000 habitants 1981-1991

1961 — 1971

1981-1991 1981-1991

1991-2001 entre 1961entre et 2011 1961 enetAllemagne 2011 en 1971 Allemagne — 1981 1991-2001 1991-2001 Figure 5 – Évolution de la population des agglomérations de plus de 10 000 habitants entre 1961 et 2011 en France

Villes petites et moyennes et aménagement territorial

Villes petites et moyennes et aménagement territorial

1981-1991

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1991-2001

L’évolution L’évolution démographique démographique de l’Allemagne de l’Allemagne ne se résume ne se résume pas, loinpas, de là, loinà de unelà,opposition à une opposition ǯ ǯ Ǥ ơ± ͕͚͕͝ ơ Á ǯ ǯ Ǥ ơ± ͕͚͕͝ ơ Á situations situations : : •L’Allemagne •L’Allemagne orientaleorientale est marquée est marquée par le déclin par ledémographique déclin démographique de très de nombreuses très nombreuses petites petites villes. Lavilles. situation La situation n’est toutefois n’est toutefois pas absolue. pas absolue. Depuis Depuis 2000, des 2000, petites des petites villes villes sont ensont croissance en croissance autour de autour Berlin, dede Berlin, Leipzig de Leipzig et de Dresde et de Dresde ; ; •Des régions •Des régions anciennement anciennement industrialisées industrialisées de l’Ouest, de l’Ouest, la SarrelaetSarre la Ruhr et lanotamment, Ruhr notamment, marquées marquées depuis les depuis années les années 1970 par1970 de très par nombreuses de très nombreuses villes envilles déclinen; déclin ;

1981 —•Au 1991 2001 •Au cours des cours années des années 2000, un2000, déclinundedéclin la population de la population de 1991— petites de villes, petites jusque villes, dans jusque lesdans les 2001-2011 périphéries périphéries rurales de rurales régions de régions dynamiques dynamiques commecomme le Bade-Wurtemberg le Bade-Wurtemberg et la Bavière. et la Bavière. 2001-2011 2001-2011

2001-2011

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2001— 2011

Source : Tradeve Database 2015 Desjardins X., Estèbe P. (2011), « Géographie de l’évolution démographique des 31 villes petites et moyennes en Allemagne » in Les villes petites et moyennes dans Sourceanglais, : Tradeve SourceDatabase : Tradeve2015 Database 2015 la représentation et les stratégies d’aménagement territorial, éclairages 31 allemands et italiens sur le cas français, PUCA, La Défense, p. 30-31.

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1.2. CARACTÉRISTIQUES GÉOGRAPHIQUES ET FONCTIONNELLES DES PETITES VILLES FRANÇAISES ET ALLEMANDES Les petites villes françaises ou la définition de l’urbain Les propos de Le Gléau J-P., Pumain D., Saint-Julien T. (1996) résument très bien les approches possibles dans la définition d’une agglomération : « Les villes européennes, marquées par une histoire commune, se sont développées pour la plupart selon un modèle de croissance concentrique à partir d’un centre ancien. Les définitions retenues pour les agglomérations sont cependant différentes d’un pays à l’autre. Il existe deux approches complémentaires pour de telles définitions : l’une s’attache aux relations économiques entre le noyau urbain et son environnement et définit les « sphères d’influence » des villes. L’autre concerne la définition du milieu urbain en termes de densité du bâti : elle délimite des unités urbaines elles-mêmes susceptibles de se regrouper en conurbations »121. Cette idée introduit le concept général de ce chapitre, afin de détailler les caractéristiques géographies et fonctionnelles de la petite ville française.

La définition démographique Au XVIIIe siècle, les bourgs étaient associés à la catégorie inférieure des villes ; ils étaient régis comme les petites villes, recevaient les mêmes administrateurs et leurs habitants étaient soumis aux mêmes charges. La définition actuelle de la ville est apparue en 1790, proposée par Jean-Nicolas Démeunier dans un discours sur les municipalités de canton dont l’Assemblée vota l’impression : (article 2) « Toute communauté qui, indépendamment des hameaux et écarts aura une population d’au moins 2 000 âmes sera réputée ville ; les lieux qui, avec une population inférieure à ce taux, ont porté jusqu’à présent le nom de villes ne seront plus considérés comme telles dans l’ordre municipal »122. Nous retrouvons dans cette définition, les critères de niveau minimum de population et la notion d’agglomération, qui définissent la notion d’urbanité actuelle. Toutefois, ce seuil est souvent remis en question et contesté. L’INSEE lui-même, dans des études portant sur les petites villes retient souvent la limite de 3 000 habitants. Les géographes retiennent plus fréquemment le seuil des 5 000 habitants123. Les variations démographiques et le processus de périurbanisation font que ce seuil d’urbanité fixé par l’INSEE à 2 000 habitants ne correspond plus à une réalité démographique. Aujourd’hui, ce seuil correspond souvent à un gros bourg, à un chef-lieu de 121   Le Gléau J-P., Pumain D., Saint-Julien T. (1996), « Villes d’Europe : à chaque pays sa définition », Économie et statistique, n°294-295, mai 1996. Regard socioéconomique sur la structuration de la ville. pp. 9-23, disponible sur <persee.fr/ doc/estat_0336-1454_1996_num_294_1_6079> ; site consulté le 20 décembre 2020. 122   Ibid, p. 68. 123   Mainet H., « Qu’est-ce qu’une petite ville ? Réflexions à partir d’études de cas », Bulletin de l’Association de Géographes Français, 2008, pp. 13-22, disponible sur <www.persee.fr/doc/bagf_0004-5322_2008_num_85_1_2593> ; site consulté le 20 décembre 2020.

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canton, ayant conservé un rôle d’animation de l’espace rural qui l’entoure ; les fonctions qu’il assure ne sont manifestement pas de type urbain124. Il n’y a qu’en France qu’une telle commune est classée parmi les unités urbaines. Malgré les observations précédentes, on se rend compte que la démographie ne suffit pas à définir une petite ville. La petite ville n’a d’ailleurs pas (ou plus) de réalité statistique officielle – la notion de petite ville n’existe pas pour l’INSEE. Le territoire est découpé selon un zonage en aires urbaines (ZAU). Les petites unités urbaines ainsi que les communes rurales sont associées au monde rural (communes n’appartenant pas à une unité urbaine, les autres communes sont dites urbaines). L’unité urbaine est la plus petite unité caractérisée par une zone bâtie d’au moins 2 000 habitants125. Si l’unité urbaine s’étend sur plusieurs communes, l’ensemble de ces communes forme une agglomération multi-communale ou une agglomération urbaine. L’aire urbaine se décline sous trois autres formes, prenant en compte la concentration d’emplois et non la démographie : · Le pôle urbain, offrant au moins 10 000 emplois et qui n’est pas situé dans la couronne d’un autre pôle urbain ; · Les couronnes périurbaines, recouvrant l’ensemble des communes ou unités urbaines dont au moins 40% des actifs résidents travaillent dans le pôle ou dans les communes attirées par celui-ci ; · Les communes multi-polarisées, dont au moins 40% des actifs occupés résidents travaillent dans plusieurs grandes aires urbaines. De nombreux chercheurs différencient la petite ville selon trois typologies en fonction de leur localisation par rapport aux grandes villes. Il existe les petites villes dites « intégrées » à des logiques de fonctionnement d’agglomérations plus grandes. Soit les petites villes banlieues, dépendantes du tissu urbain métropolitain, soit les petites villes périurbaines — souvent d’anciens bourgs rattrapés par l’urbanisation sans continuité du bâti. Enfin, une autre catégorie regroupe les petites villes dites isolées ; centres de bassins de vie qui polarisent des territoires plus ou moins élargis. La petite ville comme charnière entre le monde rural et l’urbain, invite à questionner le seuil pour passer d’une petite ville à une ville moyenne. Les variations sont nombreuses, allant de 20 000, 25 000 habitants (études de l’INSEE ; Laborie, 2007 ; Edouard, 2007) à 40 000 ou 50 000 habitants (Santamaria, 2000). La définition la plus commune à la fois chez les chercheurs et les collectivités locales, définit une ville moyenne par une démographie comprise entre 20 000 et 100 000 habitants.

La définition fonctionnelle Si l’on dépasse le paramètre démographique, les petites villes rassemblent trois éléments fondamentaux qui la distinguent du bourg ; elles sont des « unités de production-résidenceservices »126 mais diffèrent de la grande ville par « l’impossibilité d’y réaliser de véritables

124   Le Gléau J.P., Pumain D., (1996), op. cit. p. 22. 125   Une zone bâtie est constituée par des constructions avoisinantes formant un ensemble tel qu’aucune ne soit séparée de la plus proche de plus de 200 mètres. 126   Mainet H. (2008) citant Laborie (1997) dans « Qu’est-ce qu’une petite ville ? Réflexions à partir d’études de cas », Bulletin de l’Association de Géographes Français, 85-1, pp.13-22, p. 16, disponible sur <www.persee.fr/doc/bagf_0004-5322_2008_ num_85_1_2593> ; site consulté le 20 décembre 2020.

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économies d’agglomération »127. La petite ville a d’autres attraits engendrés par sa taille qui font d’elle un atout pour ceux qui souhaiteraient vivre « à la campagne » tout en bénéficiant des avantages de la ville. Contrairement au bourg, la petite ville concentre des équipements tertiaires (commerces et services), des surfaces commerciales (petites ou grandes) ainsi que des services privés. Ces éléments d’urbanité font d’elle une ville. La définition de la petite ville peut également varier dans la conception de son aménagement et de son urbanisme. Certains diront qu’ils souhaitent retrouver les attraits de l’aménagement urbain de la moyenne ou de la grande ville tels que les trottoirs ou le mobilier urbain. Tandis que d’autres distingueront très clairement la petite ville par sa proximité avec le monde rural et son rapport à la nature. Le trottoir ne sera donc pas la forme urbaine privilégiée car la petite ville doit se composer d’un aménagement urbain qui diffère de la grande ville. En reprenant les propos de Jacques Levy, toutes les morphologies urbaines s’apparentent à de l’urbanité, il ne faudrait donc pas en omettre certaines à cause de leur proximité ou de leur éloignement avec l’aire métropolitaine. Selon lui, les habitants font le choix du type d’urbanité dans laquelle ils souhaitent vivre ; dense, peu dense, riche en services, proche de la nature. Ainsi, pour quelles raisons un habitant ferait le choix de vivre dans une petite ville plutôt que dans une grande ? Puisque c’est un choix et non la conséquence d’un modèle économique, la petite ville doit inévitablement avoir des atouts que la grande n’a pas. Si tel est le cas, alors il semble juste de différencier l’aménagement, l’urbanisme et les fonctions entre la petite et la grande ville. Reprenons l’exemple du trottoir, élément urbain majeur de la grande ville. Il peut sembler logique de ne pas intégrer le trottoir à la petite ville car la circulation, le danger lié à l’automobile n’est pas le même. Les distances et le rapport au temps ne sont nullement comparable aux grandes agglomérations. Les usages liés à la vie économique et sociale diffèrent également. La question des sociabilités dans la petite ville a peu été traitée alors qu’elles sont caractéristiques de son mode d’habiter128. Ce dernier se rapproche sûrement plus de la vie de village que de l’anonymat de la grande ville. Nous avions énoncé le concept de edge cities un peu plus tôt ; formes urbaines à l’origine de nouveaux modes de vie. Cette notion s’applique aux petites villes dites en périphérie des grandes agglomérations. Elles marquent une nouvelle limite de l’urbain et grâce à leur ressources propres, elles peuvent s’adapter à cette organisation territoriale. Ainsi, la qualité de la petite ville ne réside pas uniquement dans sa taille mais aussi dans son aptitude organisationnelle et productive. Monique Poulot affirme que le rural en périurbain signe « le retour de l’agriculture dans la ville, la reconnaissance de sa pertinence au sein d’imbrications inédites entre villes et campagnes […], l’agriculture est appelée à inventer de nouvelles relations socio-spatiales avec la ville »129. On ne parlera plus d’urbanisation mais de ruralisation de la ville dans ce cas-ci130. Jean Viard fait également l’hypothèse que l’agriculture peut redevenir une solution aux problèmes de la France et du monde131. Ces idées se rapprochent plus de la définition originelle de la petite ville – une urbanité appartenant à la ruralité.

127   Ibid, p. 16. 128  Ibid, p. 17. 129   Ibid. 130   Poulot M. (2015), « Être ou ne pas être rural… ou quand le rural se décline en ville comme à la campagne », Pour, n°228, pp.69-76, disponible sur <www.cairn.info/revue-pour-2015-4-page-69.htm> ; site consulté le 11 janvier 2021. 131   Viard J. (2010), Lettre aux paysans et autres sur un monde durable, Éditions de l’aube, Paris, p. 35.

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Les petites villes tiennent également le rôle de centres régionaux, c’est-à-dire qu’elles desservent en biens et services la population du territoire environnant132. Leur densité de population est déterminante puisqu’elle est liée au nombre et à la variété des équipements et services qui leurs sont attribués. La petite ville a donc un rôle à jouer à son échelle locale. « La petite ville étend son influence à la communauté agricole organisée en hameaux ou en petits villages. Elle sert de lien entre le monde agricole et la ville moyenne133 ». C’est la raison pour laquelle les limites administratives jouent un rôle important dans les relations socio-économiques interterritoriales. « Sa zone d’influence dépendra de sa position géographique par rapport aux autres villes à caractère régional, de la densité du tissu urbain régional, du développement de son secteur tertiaire, et du réseau routier régional »134. Selon Robert Desmarais (1984), le niveau hiérarchique n’est qu’une résultante historique et par conséquent, le rôle de la petite ville demeure agricole135. Pourtant, ce n’est pas du tout la réalité actuelle de la petite ville qui montre une forte dépendance industrielle. Elle répond à l’influence de centres extérieurs plus importants, régulant son modèle économique et le nombre d’emplois. La localisation de la petite ville peut être un atout dans son organisation économique mais aussi un obstacle dans l’affirmation de son identité territoriale. La réelle fonction de la petite ville réside à l’échelle locale avec son rôle de desserte. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle on différencie les petites villes par leur intégration aux tissus urbains. Les données démographiques sont un bon départ dans la définition de la petite ville puisqu’elles sont corrélées à la situation économique et aux fonctions locales. Magalie Talandier et Valérie Jousseaume ont réalisé une étude très intéressante afin de questionner les centralités quotidiennes de la population françaises, en dehors de la seule mobilité domicile-travail. Leurs travaux ont permis d’étudier la place que jouent les différents échelons urbains ou les simples communes rurales et d’en analyser l’impact sur le développement des territoires136. Les auteures examinent les déplacements quotidiens dans les petites villes, bourgscentres et campagnes à travers l’offre de biens et services – c’est-à-dire la matérialisation de cette centralité des quotidiens malgré leur temporalité diffuse et éclatée137. Cette étude est particulièrement intéressante car elle définit la petite ville d’une manière tout à fait différente des études précédentes basées sur des données démographiques, mais en s’intéressant cette fois-ci aux fonctionnalités et usages des petites villes. Les chercheuses font trois constats importants. Tout d’abord, en termes de densité d’équipements quotidiens, il n’existe pas de différences significatives entre l’urbain et le rural, entre les grandes villes et les bourgs. Pour la diversité de l’offre du quotidien, les villes ont tout de même un rôle bien plus structurant que le rural. Toutefois, il est surprenant de constater que les petites villes et les gros bourgs-centres (3 000 à 20 000 habitants) offrent une diversité de choix en matière de centralité des quotidiens, équivalente à celle des villes moyennes et des grandes villes. Les petites

132   Desmarais R. (1984), « Considérations sur les notions de petite ville et de ville moyenne », Cahiers de géographie du Québec, 28-75, Université de Laval, Québec, disponible sur <www.erudit.org/fr/revues/cgq/1984-v28-n75-cgq2647/021667ar/> ; site consulté le 21 décembre 2020. 133   Desmarais R. (1984), op. cit. p. 357. 134   Desmarais R. (1984), op. cit. p. 359. 135   Desmarais R. (1984), op. cit. p. 359. 136   Talandier M., Jousseaume V. (2013), « Les équipements du quotidien en France : un facteur d’attractivité résidentielle et de développement pour les territoires », Norois, 226, p. 8, disponible sur : <journals.openedition.org/norois/4525> ; site consulté le 11 janvier 2021. 137  Ibid, p. 9.

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villes structurent donc réellement les trajectoires des habitants138. Ce point est particulièrement important car il contredit le discours de la croissance mono-orientée vers les grandes métropoles. Les territoires possèdent un grand nombre de ressources à exploiter. Il s’agit ici de penser en termes de complémentarité plus qu’en termes de concurrence entre grandes et petites villes. Le deuxième résultat appuie l’idée que l’offre de centralité des quotidiens est corrélée à la population présente sur le territoire (touristes ou actifs), qui détermine les mécanismes de consommation et de circulation de richesses (relation moins nette pour les moyennes et grandes villes)139. Enfin, le troisième résultat montre que la diversité de l’offre satisfaisant les besoins les plus banals, est un facteur d’attractivité résidentielle et donc de captation de revenus. Cette offre de centralités des quotidiens s’avère être un facteur important du développement des territoires en général et des petites villes, bourgs-centres et des campagnes en particulier. Cette étude nous apporte donc une information manquante aux travaux géographiques à l’échelle européenne, celle de la structuration du territoire et de l’espace. Les petites villes sont aujourd’hui un facteur d’attractivité résidentielle notamment par la présence d’équipements et de commerces. Elles deviennent vitales pour le développement des territoires et remettent en question les politiques actuelles sur la re-densification des grandes métropoles. Talandier M., Jousseaume V. ont judicieusement constaté que les mobilités quotidiennes des Français sont complexes mais aussi peu connues. Peu d’ouvrages s’intéressent aux mobilités quotidiennes à cette échelle locale. Ce manque d’information concourt à la méconnaissance des petites villes françaises mais également à une désinformation de l’organisation territoriale dans son ensemble ; la petite ville étant un échelon important. Ces observations invitent inévitablement à questionner les politiques publiques sur ces territoires, dans le but de comprendre le lien entre les discours qui animent ces petites villes et l’action publique qui en résulte.

138   Ibid, p. 19. 139   Ibid, p. 19.

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Les petites villes allemandes vecteur d’une organisation administrative

24. L’Allemagne aux quatre vents Riquet P. (1997) « L’Allemagne aux quatre vents » dans « Géographie hasardée d’une Allemagne incertaine », L’information géographique, volume 61, n°2, p. 53.

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Il n’a pas été facile de documenter cette partie étant donné la rareté des ouvrages et des articles en français sur ce sujet. Les informations concernant l’organisation fonctionnelle de l’Allemagne proviennent pour la plus grande partie du livre de René Lebeau L’Allemagne fédérale : géographie économique (1989), publié au moment de la réunification de l’Allemagne. Nous ne pouvons pas parler de la géographie de la petite ville allemande sans mentionner l’histoire difficile de son pays. La République Fédérale d’Allemagne (RFA) s’est inscrite sur la carte de l’Europe entre 1945 et 1949 suite au IIIe Reich hitlérien. Elle est l’un des plus jeunes États d’Europe. Il ne faut pas oublier qu’elle fut au départ une construction dite provisoire, directement issue de l’effondrement et de l’occupation de son territoire par trois puissances occidentales140. Les territoires étaient à l’époque découpés en dix Länder, auxquels s’ajoutait le Land de Berlin (Ouest) ; ledit découpage résultant d’un partage politique entre nations. Cette configuration initiale a finalement accentué les grandes inégalités territoriales et démographiques et les disparités de ressources. La centralisation sérieuse durant la période nazie puis la chute du Mur de Berlin a également fortement influencé l’organisation du territoire. La RFA couvre 248 630 km2 et comptait 83 millions d’habitants en 2019 – elle est comparable à la superficie de la Grande-Bretagne (244 000 km2) et à celle de l’Italie (301 000 km2). C’est un pays bien plus dense que la France comme nous avons pu le constater. La configuration territoriale de l’Allemagne avant 1989 était peu commune : une bande de terre longue et étroite, sur une longueur de 875 km du Nord au Sud pour une largeur de seulement 225 km. Des géographes ont démontré que « la forme compacte, massive, d’un État maximise la proximité des groupes humains, leur permet de partager davantage leurs influences respectives, alors qu’au contraire, dans les États allongés, la trop grande longueur des communications […] laisse toujours un bout de territoire en dehors du rayonnement des grands pôles économiques »141. Cet étirement vertical fut un facteur de morcellement physique du pays selon René Lebeau. En ajoutant à cela le caractère hétéroclite des différents Länder, le territoire allemand était fortement propice aux inégalités territoriales. La compréhension de l’organisation administrative et institutionnelle de la RFA et les relations entre les différents échelons sont fondamentales pour saisir le fonctionnement du pays. Le terme de « mille-feuille » ou de Blätterteig en allemand, est souvent utilisé pour qualifier le système administratif français mais il pourrait tout autant être appliqué au système allemand. L’organisation allemande repose sur la répartition des compétences (législatives, administratives, judiciaires), entre à la fois la Fédération (Bund), les États fédérés (Länder) et les collectivités territoriales (Kreise, Gemeinden).

140   Lebeau R. (1989), L’Allemagne fédérale : géographie économique, Masson, Paris, p. 17. 141   Lebeau R. (1989), op. cit. p. 21.

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25. Organisation administrative de l’Allemagne

Etat fédéral Bund

Länder

( Districts gouvernementaux ) Regierungsbezirke

294 Arrondissements (Land-) Kreise (Communautés de communes) Gemeinde-verbände (Communes et bourgs) Gemeinden

Villesarrondissements Kreisfreie Städte

11 092 Villes Gemeinden

Villes-Etats Stadtstaaten

Euro Institut (2018), « Organisation administrative de l’Allemagne » in Le système politico-administratif de l’Allemagne, L’exemple du Bade-Wurtemberg, Kehl, Allemagne, p. 8, disponible sur <www.euroinstitut.org/fileadmin/user_upload/01_ News/2018/SPA-Allemagne_2018_BW.pdf> ; site consulté le 15 février 2021.

L’État fédéral est défini traditionnellement comme un État composé d’autres États fédérés ou Länder. Il réalise ainsi une véritable division verticale du pouvoir. De ce fait, la notion de fédéralisme vient se heurter aux travaux d’un certain nombre de penseurs qui se sont efforcés de rechercher un équilibre entre gouvernement national et autorités locales, entre État central et communautés de base, entre intégration et autonomie, unité et diversité, liberté et autonomie142. Ainsi, l’idéologie fédéraliste varie selon différents courants de pensées ; certains ont privilégié l’unité au détriment des diversités originelles, mettant l’accent sur le besoin de coopération alors que d’autres ont considéré que le fédéralisme était le moyen idéal d’assurer l’épanouissement des communautés de base et de détruire l’État-nation. La Cour constitutionnelle allemande déclare que « le propre de l’État fédéral est que la fédération et les États fédérés possèdent la qualité étatique. Cela signifie en toute hypothèse que tant la fédération que les États fédérés possèdent chacun sa propre Constitution déterminée par eux-mêmes »143. Cela offre une grande autonomie et une diversité entre les Länder. En effet, le principe d’autonomie signifie que les États fédérés disposent d’une sphère de compétences propres dans laquelle l’État fédéral ne peut s’immiscer. Contrairement à la France, aucun pouvoir hiérarchique, aucune tutelle ne peut s’exercer du niveau supérieur vers le niveau inférieur. Le domaine de compétence des États fédérés est garanti par la Constitution, avec comme conséquence l’interdiction faite au Gouvernement et au Parlement fédéral d’y porter atteinte144. C’est ce qui différencie les collectivités déférées des collectivités décentralisées, composantes d’un État unitaire comme la France. Ainsi, en haut de la pyramide se positionnent les Länder, États au pouvoir autonome. Ils sont 142   Favoreu L. et al., Droit constitutionnel, Dalloz, 2010, p. 438. 143   Ibid, p. 445. 144   Ibid, p. 450.

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représentés au niveau fédéral par une Chambre spéciale, le Conseil Fédéral (Bundesrat). Il se compose de représentants des gouvernements des Länder, proportionnel à la population de ceuxci. Le Conseil fédéral doit approuver les lois au sujet des intérêts des Länder. Chaque Land est subdivisé en un certain nombre de « circonscriptions gouvernementales » appelées Regierungsbezirke – environ de la taille d’un département français. C’est un échelon administratif intermédiaire entre le Land et les collectivités locales. La gouvernance des Regierungsbezirke est généralement assurée par une assemblée délibérante (Bezirkstag) élue en même temps que le Landtag (assemblée parlementaire unicamérale d’un Land). Les Regierungsbezirke sont elles-mêmes divisées en arrondissements ou Kreise dont le rôle est fondamental car ils jouissent du principe de Selbstverwaltung, c’est-à-dire du pouvoir de s’administrer librement eux-mêmes. Il existe deux sortes de Kreise : · Les arrondissements ruraux (Landkreise) de la dimension d’un canton français et de la typologie urbaine de celle des villages entourés de hameaux. Ils sont administrés par un Conseil (Kreistag) présidé par un Landrat, équivalent du sous-préfet français à ceciprès qu’il est élu. À la différence des villages français, cet échelon administratif dispose de certains pouvoirs délégués par l’administration du Land pour accomplir des tâches d’intérêt général qui relèvent normalement de cet État régional. Ces villages et petites villes ont un rôle beaucoup plus important qu’en France et ont un pour décisionnel plus indépendant. · Les villes indépendantes des arrondissements (Kreisfreies-städte) : elles représentent la circonscription territoriale de base pour les villes (excédant 2 000 habitants). Elles sont administrées par un conseil municipal élu (Stadtrat), organe de l’exécutif. Le découpage ne s’arrête pas ici puisque les Kreise sont ensuite subdivisées en communes rurales (Landgemeinden), base du système administratif en zone rurale. Pour les villes, ce système comporte un degré de moins, l’échelon de base étant les Kreisfreie Städte. Ces communes reçoivent des moyens financiers en conséquence. Les communes sont donc incitées à développer une certaine attractivité par des activités économiques ou la construction d’équipements. Ce système permet aux populations de se sentir plus proche du processus démocratique et de développer une action publique plus proche des réalités quotidiennes. L’Allemagne n’a pas défini l’urbain par un seuil de population communale. Elle définit la ville par un statut administratif particulier — la notion d’urbain est introduite dans l’appellation des unités d’administrations par décision administrative ou législative. La RFA identifie administrativement des territoires urbains et des territoires qui ne le sont pas. « Toutes ces appellations définies par la loi enregistrent autant l’état des rapports de force politiques entre l’État et les villes à un moment donné, que l’importance et l’extension du monde urbain. Elles ne peuvent rendre compte de ce dernier, qui par définition se modifie, alors que les qualités d’une trame administrative reposent sur sa stabilité. »145 La commune est la plus petite division (Gemeinden). Le caractère décentralisé de la RFA offre une autonomie communale et une multifonctionnalité substantielle (Kommunale Selbstverwaltung), garanties par la Loi fondamentale fédérale (Grundgesetz) de 1949 et par les constitutions des Länder. En outre, grâce à leur ampleur fonctionnelle, leur importance

145   Le Gléau J.P., Pumain D. (1996), « Villes d’Europe : à chaque pays sa définition », Économie et Statistique, pp. 9-23, disponible sur <persee.fr/doc/estat_0336-1454_1996_num_294_1_6079> ; site consulté le 20 décembre 2020.

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opérationnelle et leur influence politique, les communes et les arrondissements peuvent facilement être considérés, comme un troisième niveau dans le système intergouvernemental146. Cependant, selon la doctrine constitutionnelle, les communes et les arrondissements forment des composantes intégrées des Länder et de leur administration, et sont donc loin d’être constitutionnellement reconnus comme formant un niveau en soi. Par conséquent, les collectivités locales se trouvent, sur de nombreux aspects, soumises au pouvoir et au contrôle des Länder. Ceux-ci, par exemple, possèdent la compétence législative relative au statut des collectivités locales, y compris leur structure territoriale147. Dans les années 1960, les Länder ont connu des réformes communales. Dans le cas du Land de Rhénanie du Nord-Westphalie, le nombre de communes a été réduit, à travers des fusions massives de 82%148. Pour le reste des Länder, les communes même de petite taille n’ont pas connu de fusion. Ils ont plutôt adopté une structure intercommunale qui, d’un point de vue fonctionnel et institutionnel ressemble aux établissements publics de coopération intercommunale français (EPCI). Déjà au Moyen-Âge, il existait des différences entre la partie orientale et occidentale du pays ; les origines urbaines de l’Allemagne de l’Ouest étaient romaines et médiévales à l’Est. Selon les travaux de H. Ammann, il existait à cette époque une vingtaine de grandes villes (10 000 à 35 000 habitants). Les villes moyennes comprises entre 2 000 et 10 000 étaient environ 200 et la majorité de petites villes ayant moins de 2 000 habitants n’étaient en réalité que des villages149. C’est à l’époque de la Renaissance que les villes allemandes commencent à connaitre un grand succès150. Malgré un ralentissement dans cette croissance, l’industrialisation au XIXe siècle redonnera vie aux petites villes anciennes et provoquera la formation de nouvelles cités dans les régions minières. Ce basculement est significatif, puisqu’à partir de ce moment, l’Allemagne devient un pays d’urbains, malgré la « vitalité de ses campagnes ». Un grand nombre d’ouvriers paysans attachés à leurs villages, préféraient trouver du travail sur place ou se déplacer chaque jour dans une ville voisine pour conserver leur qualité de vie151. Le Bundesinstitut für Bau-, Stadt- und Raumforschung (BBSR) définit aujourd’hui la ville selon la définition suivante : si une commune au sein d’un groupe de communes ou une commune seule compte au moins 5 000 habitants ou a au moins une fonction centrale de base avec une sous-fonction moyenne centrale, elle est considérée comme ville. Les villes sont définies en

146   Wollmann H. (2017), « Les réformes du système local dans les länder allemands : entre communes fusionnées et intercommunalité », Revue française d’administration publique, pp. 313-326, disponible sur <www.cairn.info/revue-francaised-administration-publique-2017-2-page-313.htm > ; site consulté le 22 février 2021. 147   La doctrine constitutionnelle qui considère les collectivités locales comme une composante de l’administration des Länder est bien reflétée dans la terminologie traditionnelle selon laquelle il est question d’« auto-administration » (Kommunale Selbstverwaltung) ce qui la distingue clairement de la notion et terminologie anglo-saxonne de local self-government. Wollmann H. (2017). 148   En France, la fusion de communes en une seule a été permise et encadrée par trois textes législatifs successifs : la loi Marcellin du 16 juillet 1971, qui crée le statut de commune associée, mais qui a été relativement peu utilisée ; l’article 21 de la loi no 2010-1563 du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales, qui remplace la disposition de 1971 et crée le statut de commune nouvelle ; la loi no 2015-292 du 16 mars 2015 relative à l’amélioration du régime de la commune nouvelle, pour des communes fortes et vivantes doit faciliter la création de communes nouvelles en instaurant un pacte financier qui garantit pendant trois ans le niveau des dotations de l’État aux communes fusionnant en 2015 ou 2016. Disponible sur <wikipedia.org/ wiki/Fusion_de_communes_en_France> ; site consulté le 20 décembre 2020. 149   Dollinger P. (1970), « Les recherches de démographie historique sur les villes allemandes au Moyen Âge », Actes des congrès de la Société des historiens médiévistes de l’enseignement supérieur public, 1, p. 115, disponible sur : <www.persee.fr/ doc/shmes_1261-9078_1972_act_1_1_1181> ; site consulté le 11 janvier 2021. 150   Claval P. (1972), « La grande ville allemande », Annales de géographie, 447, p. 538, disponible sur : <www.persee.fr/doc/ geo_0003-4010_1972_num_81_447_18798> ; site consulté le 11 janvier 2021. 151   Ibid, p. 538.

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Allemagne par deux critères (démographique et fonctionnel)152. En découlent les définitions suivantes : · Grande ville (Großstadt) : La plus grande commune d’un groupe de communes ou une commune seule comptant au moins 100 000 habitants. Ces villes ont généralement une fonction super-centrale avec au moins une fonction moyenne-centrale. · Ville moyenne (Mittelstadt) : Une commune d’un groupe de communes ou une commune seule comptant entre 20 000 à 100 000 habitants et ayant au moins une fonction centrale supérieure. · Petite ville (Kleinstadt) : Une commune d’un groupe de communes ou une commune seule comptant au moins 5 000 habitants ou ayant au moins une sous-fonction centrale. · Municipalité rurale (Landgemeinde) : Une commune d’un groupe de communes ou une commune seule comptant moins de 5 000 habitants et n’ayant pas de fonction centralelocale importante. Selon les auteurs Porsche et Milbert (2018), cette définition se conforme à la réflexion de Walter Christaller autour des lieux centraux153. Suivant ce positionnement, il existe aujourd’hui 2 106 petites villes en Allemagne, ce qui représente 24,2 millions d’habitants, soit 29% de l’ensemble des habitants — presque autant que dans les 79 grandes villes allemandes. Si l’on s’intéresse à la superficie des petites villes, elles représentent la forme urbaine prédominante. Actuellement, la totalité des petites villes recouvrent une surface de 163 000 km2 ce qui représente 45% du territoire total du pays et 24,3 millions d’habitants soit 30% des allemands vivent dans des petites villes154 contre 26,1 millions (31%) dans une grande ville155. Comme en France, les petites villes allemandes sont très diverses c’est pourquoi il est important de différencier leur localisation sur le territoire fédéral. En effet, les 925 petites villes périphériques rencontrent des problématiques différentes des 1 187 petites villes proche des grandes métropoles (l’accès au marché du travail par exemple). Elles sont très présentes dans l’espace du quotidien mais constituent une sorte de

152   « Hat eine Gemeinde innerhalb eines Gemeindeverbands oder die Einheitsgemeinde selbst mindestens 5.000 Einwohner oder mindestens grundzentrale Funktion mit mittelzentraler Teilfunktion, gilt diese als „Stadt» » Porsche. L, Milbert. A. (2018), Kleinstädte in Deutschland: Ein Überblick, Informationen zur Raumentwicklung, BBSR, disponible sur <www.bbsr.bund.de/ BBSR/DE/veroeffentlichungen/izr/2018/6/Inhalt/downloads/einfuehrung.pdf?__blob=publicationFile&v=1> ; site consulté le 20 décembre 2020. 153   Dans un article publié dans la Revue Géographique de l’Est en 1966, Paul Claval résume la théorie des lieux centraux de Christaller en deux points. Premièrement, il s’agit d’une théorie de la localisation des activités d’échange. Pour fournir aux populations les biens et services dont ils ne disposent pas, une série de centres se développe. Il devrait alors exister autant de réseaux de lieux centraux que de types de produits ou de services échangés, car chacun s’écoule jusqu’à une certaine distance du lieu central. La théorie des lieux centraux suppose donc qu’il existe des seuils en dessous desquels les échangeurs préfèrent choisir une localisation déjà existante que de créer un nouveau réseau de lieux d’échanges. Enfin, la théorie établit une hiérarchie régulière entre les lieux centraux et leurs aires de marchés. Par exemple, un commerçant s’installera dans un lieu central existant plutôt que dans une nouvelle localisation. Ainsi les villes s’ordonnent suivant une hiérarchie régulière en fonction de leur rôle et de la surface qu’elles desservent. Disponible sur <www.persee.fr/doc/rgest_0035-3213_1966_num_6_1_1959> ; site consulté le 9 janvier 2021. 154   Bundesministerium des Innern, für Bau und Heimat (2018), Kleinstädte in Deutschland Urbanität. Vielfalt. Perspektiven. Hintergrundinformationen zum Kongress, Berlin, p. 3, disponible sur <www.kleinstaedteindeutschland.de/> ; site consulté le 10 janvier 2021. 155   Oberlé C. (2020), « Les mutations du centre invisible : les villes petites et moyennes et leurs stratégies de transformation », Allemagne d’aujourd’hui, n° 234, pp. 83-96, disponible sur <www.cairn.info/revue-allemagne-d-aujourd-hui-2020-4-page-83. html> ; site consulté le 11 janvier 2021.

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« centre invisible »156. C’est-à-dire que dans les représentations collectives, la petite ville ne se rapporte à aucune conception. Un exode urbain important a eu lieu au XIXe siècle suivit d’une seconde vague après la seconde guerre mondiale vers 1975. Ainsi la population des communes rurales (moins de 2 000 habitants) est passée de 62% en 1871 à 18% en 1970. Au même moment, les grandes villes de plus de 100 000 habitants sont passées de trois à un total de 60 et leur population d’une à 20 millions157. Les autorités publiques ont alors décidé d’appuyer les déplacements pendulaires entre le domicile et le lieu de travail afin de maintenir un certain seuil de population dans les régions rurales et lutter contre les migrations vers les grandes villes. Cependant, les petites et moyennes villes allemandes ont connu une croissance démographique dans les années 1990 (notamment provoquée par l’immigration) qui a facilité leur développement. D’après René Lebeau, ces villes bénéficiaient au XXe siècle du rayonnement des grandes agglomérations en perte d’habitants et des ruraux qui venaient s’y installer. Cette croissance a pris fin entre 2002 et 2004 et marque le début d’une période dite de déclin pour ces petites villes158. Nous retrouvons un schéma similaire à celui de la France, c’est-à-dire que les petites villes proches des grands centres urbains connaissent davantage les effets de la croissance par rapport aux petites villes périphériques. Par exemple, il est plus difficile de trouver un emploi en périphérie lointaine plutôt que proche des centres urbains. Selon le Bundesministerium des Innern, für Bau und Heimat (BMI), plus la ville est petite, plus la difficulté à trouver un emploi est grande159. Les travailleurs compensent alors ce manque d’emplois sur leur lieu de résidence en se déplaçant dans les villes voisines, c’est pourquoi les chiffres d’emplois ne sont pas forcément révélateurs KLEINSTÄDTE IN DEUTSCHLAND – URBANITÄT. VIELFALT. // 26. UND 27. JUNI 2018 des réalités économiques locales. LesPERSPEKTIVEN. graphiques montrent qu’un nombre important de petites KLEINSTÄDTE IN DEUTSCHLAND – URBANITÄT. VIELFALT. PERSPEKTIVEN. // 26. UND 27. JUNI 2018 villes représentent des lieux résidentiels et des localisations importantes pour les entreprises. Taux de chômage %

10 % 10 8 6 4

8 6 4 6,1

2

2 6,1 0

8,2 8,2

6,3 6,3

Arbeitsplatzbesatz 2016 Arbeitsplatzbesatz Beschäftigte je 100 erwerbsfähige2016 Einwohner Beschäftigte je 100 erwerbsfähige Einwohner 80 80 70 70 60 60 50 50 40 40 30 30 46,9 63,0 33,2 72,0 4,5 20 58,1 4,0 46,9 63,0 33,2 72,0 4,5 20 58,1 4,0 10 10 0 Petites Zones Niveau Bund Grandes KleinLandGroß- Moy. Mittel- Petites Klein- Zones Land0 villes rurales Fed. villes villes villes rurales

Niveau Grandes Moy. Bund Groß- MittelFed. villes villes insgesamt städte Mittelstädte städte gemeinden Bund GroßKleinLandinsgesamt städte städte städte gemeinden

0

Taux de chômage

Taux d’emplois

Arbeitslosenquote* 2016 Arbeitslosenquote* 2016

insgesamt städte Mittelstädte Kleinstädte gemeinden Bund GroßLandinsgesamt städte städte städte gemeinden

% %10

Taux d’emplois

Arbeitslosenquote* 2016 Arbeitslosenquote* 2016

Arbeitsplatzbesatz 2016

Arbeitsplatzbesatz 2016 Beschäftigte je 100 erwerbsfähige Einwohner Beschäftigte je 100 erwerbsfähige Einwohner 80

10

80 70 70 60 8 60 50 6 50 6 40 40 4 30 4 30 10,0 60,2 5,4 60,5 4,3 3,9 46,7 20 47,8 7,5 2 3,9 3,2 4,3 3,7 5,4 4,3 10,0 39,7 60,5 43,7 60,2 45,8 20 47,8 38,6 46,7 7,5 4,3 3,2 3,7 43,7 2 45,8 39,7 38,6 10 10 0 0 sehr sehr sehr sehr 0 0 zentral peripher Très zentral peripher 8

Très Périphéries zentral Centrales sehr zentral peripher centrales zentral größere Kleinstädte größere Kleinstädte

Grandes villes

peripher zentral Très sehr sehr centrales peripher zentral kleine Kleinstädte kleine Kleinstädte

éloignées

Centrales

zentral

Périphéries

peripher

Très peripher sehr éloignées peripher

Petites villes

Abbildung 12: Arbeitsmarkt in Kleinstädten nach Lage Abbildung 11: Arbeitsmarkt nach Stadt- und Gemeindetyp Abbildung 12: Arbeitsmarkt in Kleinstädten nach petites Lage Abbildung 11: Arbeitsmarkt nach Stadtundtype Gemeindetyp 26. Marché du travail par de ville 27. Marché du travail dans les * Die Erwerbspersonen auf Gemeindeebene werden von dervilles BA nicht par * Die Erwerbspersonen auf Gemeindeebene werden von der BA nicht * Die Erwerbspersonen auf Gemeindeebene werden BA nicht * ausgewiesen; Die Erwerbspersonen auf Gemeindeebene werden von der BA nicht localisation ausgewiesen; Schätzung der Erwerbspersonen übervon dieder kreisspezifische Schätzung der Erwerbspersonen über die kreisspezifische ausgewiesen; der Erwerbspersonen über die kreisspezifische ausgewiesen; der Erwerbspersonen über die kreisspezifische ErwerbsquoteSchätzung und Gemeindebevölkerung im erwerbsfähigen Alter als Basis ErwerbsquoteSchätzung und Gemeindebevölkerung im erwerbsfähigen Alter als Basis Erwerbsquote und Gemeindebevölkerung im erwerbsfähigen Alter als Basis Erwerbsquote und Gemeindebevölkerung im erwerbsfähigen Alter als Basis für die Arbeitslosenquote; Quelle: Arbeitslosenund Beschäftigtenstatistik für die Arbeitslosenquote; Quelle: Arbeitslosenund Beschäftigtenstatistik dieBA, Arbeitslosenquote; Quelle: Arbeitslosen- und Beschäftigtenstatistik für dieBA, Arbeitslosenquote; Quelle: Beschäftigtenstatistik Bundesministerium des ArbeitslosenInnern, fürundBau und Heimat (2018), für “Arbeitsmark der Laufende nach Raumbeobachtung der Laufende Raumbeobachtung der BA, in Laufende Raumbeobachtung derStadtBA, Laufende Raumbeobachtung und Gemeindetyp” et “Arbeitsmark in Kleinstädten nach Lage” Kleinstädte

in Deutschland Urbanität. Vielfalt. Perspektiven. Hintergrundinformationen zum Kongress, Berlin, p. 8. startet die Bundesregierung die „Initiative Kleinstädte in Der Wachstumsdruck der Großstädte und Agglomerationen startet die Bundesregierung die „Initiative Kleinstädte in Der Wachstumsdruck der Großstädte und Agglomerationen Deutschland“. In 2019 wird der Bericht zur „Lage und Zukunft wirkt sich dagegen häufig auch auf die Kleinstädte in zentraler Deutschland“. In 2019 wird der Bericht zur „Lage und Zukunft wirkt sich dagegen häufig auch auf die Kleinstädte in zentraler der Kleinstädte in Deutschland“ umfassende Statistiken und Lage aus. Das Forschungsprojekt „Lage und Zukunft der Kleinder Kleinstädte in Deutschland“ umfassende Statistiken und Lage aus. Das Forschungsprojekt „Lage und Zukunft der KleinEntwicklungstrends der Kleinstädte sowie den Stand der Resstädte in Deutschland – Bestandsaufnahme zur Situation der 156  in Ibid, p. 84. Entwicklungstrends der Kleinstädte sowie den Stand der Resstädte Deutschland – Bestandsaufnahme zur Situation der sortforschung und der Städtebauförderung präsentieren. Kleinstädte in zentralen Lagen“ untersucht einerseits die mög157  Lebeau R. (1989), op. cit. p. 44. einerseits die mögsortforschung und der Städtebauförderung präsentieren. Kleinstädte in zentralen Lagen“ untersucht lichen Entwicklungspfade der Kleinstädte in zentralen Lagen 158   Entwicklungspfade Ibid, p. 5. lichen der Kleinstädte in zentralen Lagen sowie Handlungsstrategien, die eigene Entwicklung zu steuern 159   Ibid, p. 7. sowie Handlungsstrategien, die eigene Entwicklung zu steuern und die Stadtstruktur zu gestalten. und die Stadtstruktur zu gestalten. Ansprechpartner Die hier vorgestellten Statistiken belegen die hohe Bedeutung Die hier vorgestellten Statistiken belegen die hohe Bedeutung 60 Ansprechpartner Bundesinstitut für Bau-, Stadt- und Raumforschung (BBSR) der Kleinstädte als Wohn- und Wirtschaftsstandorte in DeutschBundesinstitut für Bau-, Stadt-und undRaumbeobachtung Raumforschung (BBSR) der Kleinstädte als Wohn- und Wirtschaftsstandorte in DeutschReferat I 6 – Stadt-, Umweltland. Der Vielfältigkeit der Kleinstädte und ihren unterschiedReferat I 6 – Stadt-, Umwelt- und Raumbeobachtung


Les petites villes en périphérie des grandes aires urbaines sont indispensables pour garantir des bonnes conditions de vie dans les régions rurales et autres régions urbaines. En effet, selon le projet de recherche ExWoSt – initié par le BMI pour le logement expérimental et le développement urbain – plus de 900 petites villes en périphérie possèdent d’importantes fonctions pour les besoins d’environ 10 million d’habitants160 – à la fois pour vivre, travailler, avoir accès aux services, à la culture, à l’éducation et pour les espaces de rencontre. Elles participent à la qualité de vie de ces territoires et sont donc aussi importantes que les grands pôles urbains. L’Allemagne a pour particularité d’avoir un système productif largement réparti sur le territoire et la « politique d’investissement n’a pas établi de fortes discriminations selon la taille des villes »161. Les réseaux de communication sont particulièrement développés. Les équipements d’éducation supérieure sont également présents sur le territoire et pas uniquement concentrés dans la capitale contrairement à la France. L’Allemagne compte donc un « dense semis de villes moyennes et petites dont l’importance est significative dans le système éducatif ou dans l’économie »162. Toutefois, les petites villes perdent des habitants depuis le milieu des années 2000. L’histoire de l’Allemagne fédérale, a fortement chamboulé l’équilibre du territoire et celui des petites villes, aujourd’hui à la recherche de leur identité. Avant la réunification, les migrations du Nord vers le Sud du pays avaient démarré un déséquilibre territorial. Ces mouvements de population s’expliquent par les mutations économiques de l’époque. Les réfugiés des États agricoles du Nord sont descendus dans le Sud pour trouver de nouveaux emplois dans les régions industrielles. La majorité des nouvelles entreprises se sont installées dans les petites villes peu industrialisées, pour l’accessibilité de leurs sites d’implantation et leur proximité avec les centres de recherche universitaire. Le bilan de ces mouvements de populations sur plusieurs dizaines d’années reste malgré tout favorable à la croissance des grandes agglomérations. Le départ des populations jeunes et l’arrivée de personnes âgées ont davantage appauvri les campagnes allemandes163. Malgré ce phénomène de désertification, nous retrouvons très peu le phénomène des petites villes rurales isolées, typique du modèle français. Les régions densément peuplées s’étendent sur les deux tiers du pays164. Finalement, ces observations soulignent un contexte institutionnel des petites villes en Allemagne plus stable que le contexte géographique. L’organisation territoriale est imbriquée avec la consolidation du contexte institutionnel. La stabilité institutionnelle du pays réside dans la délimitation des Länder inchangée jusqu’alors. Le contexte géographique se caractérise par l’aspect polycéphale de l’Allemagne, avec un développement important de l’armature urbaine. En France et outre-Rhin, les géographies de la petite ville véhiculent dans l’ensemble l’idée d’un déclin urbain. Ce troisième chapitre, propose d’examiner les origines de ce déclin urbain afin de comprendre ses représentations dans l’espace.

160   Ibid, p. 9. 161   Dumont G-F. (2020), « Le contexte géographique et institutionnel des villes en Allemagne : quelles mutations ? », Allemagne d’aujourd’hui, n°234, p. 99, disponible sur <www.cairn.info/revue-allemagne-d-aujourd-hui-2020-4-page-97.htm> ; site consulté le 4 février 2021. 162   Ibid, p. 100. 163   Lebeau R. (1989), op. cit. p. 48. 164   Ibid, p. 49.

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1.3. LES ORIGINES DU DÉCLIN URBAIN Les villes en décroissance ou la notion de schrumpfende Städte L’Allemagne connait un développement constant avec une société économique prospère et équilibrée jusqu’au milieu des années 1960165. Ce développement se traduit par un processus d’urbanisation et une croissance économique considérable avec un grand nombre d’emplois. Toutefois, cette croissance s’essouffle progressivement à partir des années 1970. La fin des villes en croissance marque le début des villes dites en décroissance166. Dans leur article, Hans-Peter Gatzweiler et Antonia Milbert citent les résultats d’une étude réalisée en 2003 par l’Office fédéral de la construction et de l’aménagement du territoire (Bundesamt für Bauwesen und Raumordnung, BBR) pour la période 1997-2001167. Cette étude stipule que la croissance, la stagnation et le rétrécissement des villes sont inégalement répartis sur l’ensemble du territoire. Les schrumpfende Städte se concentrent à l’Est du pays tandis que les villes croissantes se situent majoritairement à l’Ouest. Les petites et moyennes villes sont les plus touchées par ce rétrécissement à l’Est tandis que les villes en croissance se trouvent dans l’arrière-pays berlinois et dans le bassin de certaines grandes villes (Dresde, Leipzig, Magdebourg, Rostock). Les régions de l’Ouest les plus touchées par une perte démographique sont la région de la Ruhr, de la Sarre et de la Haute-Franconie. Les schrumpfende Städte sont caractérisées par une perte d’emplois importante et constante. L’explication réside dans les changements économiques liés à l’industrialisation. De plus, ce rétrécissement marque une perte importante du nombre d’habitants, en raison de la migration sélective, c’est-à-dire la migration de population plus jeune et plus qualifiée, à la recherche d’un travail. Cette jeune population quitte souvent les petites et moyennes villes pour les grands bassins de vie. Le réaménagement urbain à l’Est comme à l’Ouest est devenu un moteur de développement sur l’ensemble du territoire au sein des politiques publiques. H.P Gatzweiler et A. Milbert ont poursuivi cette étude sur les villes en décroissances sur la période allant de 2002 à 2007, sur la base des mêmes indicateurs utilisés par l’Institut fédéral de recherche sur la construction (BBSR). Une ville allemande est classée en croissance ou décroissance selon les six critères suivants : · Évolution de la population en pourcentage des cinq dernières années environ ; · Migration nette totale pour 1 000 habitants (moyenne sur trois ans) ; · Évolution de l’emploi en pourcentage des cinq dernières années environ ; · Taux de chômage (moyenne sur deux ans) ; · Puissance fiscale réelle en euros par habitant (moyenne sur deux ans) ; · Pouvoir d’achat en euros par habitant. Ces critères se fondent sur l’hypothèse d’un phénomène systémique avec des relations circulaires 165   Gatzweiler H., Milbert A. (2009), “Schrumpfende Staedte wachsen und wchsende Staedte schrumpfen”, Referateblatt zur Raumentwicklung; Sonderheft: Thematische Literaturanalysen, Bundesforschungsanstalt für Landeskunde und Raumordnung, Bonn, p. 443, disponible sur <www.bbsr.bund.de/BBSR/DE/veroeffentlichungen/izr/2009/7/Inhalt/DL_GatzweilerMilbert. pdf?__blob=publicationFile&v=1> ; site consulté le 5 janvier 2021. 166   Ibid, p. 443. 167  Ibid, p. 443.

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entre les différents indicateurs168 – c’est-à-dire que les critères sont corrélés entre eux. Selon les auteurs, ces indicateurs sont assez stables dans le temps selon la comparaison entre les périodes 1997-2001 et 2002-2007169. Une ville est donc considérée en déclin lorsqu’elle se situe dans le quintile inférieur pour chacun des indicateurs individuels – elle appartient à la classe des 20% de municipalités qui se trouvent à l’extrémité inférieure de l’échelle de classement. Hans-Peter Gatzweiler, Antonia Milbert: Schrumpfende Städte wachsen und wachsende Städte schrumpfen

446



28. Villes et municipalités allemandes en décroissance et en Abbildung 2 croissance entre 2002 etGemeinden 2007 in Deutschland – 2002 bis 2007 Schrumpfende und wachsende Städte und

Kiel Rostock

Schwerin

Hamburg

Szczecin Bremen

Berlin Amsterdam

Hannover

Magdeburg

Potsdam

Bielefeld

Essen

Cottbus Halle/S.

Dortmund

Düsseldorf

Leipzig

Kassel Erfurt

Köln

Chemnitz

Dresden

Bonn Liège

Wiesbaden Frankfurt/M.

Praha

Mainz Luxembourg Nürnberg

Mannheim

Saarbrücken

Stuttgart

Strasbourg

München

Freiburg i.Br.

Zürich

100 km

Innsbruck

Villes etund municipalités en croissance en décroissance Schrumpfende wachsende Städteouund Gemeinden

Häufigkeit der Städte und Gemeinden

En déclin stark total schrumpfend

Villes et types communes Stadtund de Gemeindetyp

En plein

schrumpfend stabil

wachsend

stark essor wachsend

800 700 Zeitraum

600

1997-2001

500

2002-2007

400

© BBR Bonn 2009

Ulm

Grande ville Großstädte Ville moyenne Mittelstädte Petite ville Kleinstädte Zone ruraleGemeinden Ländliche Type de structure Siedlungsstruktureller d’implantation de la région Regionstyp Zone d’agglomération Agglomerationsraum

Zone urbaniséeRaum Verstädterter

Betrachtete Strukturindikatoren: Bevölkerungsentwicklung 2002-2007 Gesamtwanderungssaldo 2005/06/07 Arbeitsplatzentwicklung 2002-2007 Arbeitslosenquote 2006/07 Realsteuerkraft 2006/07 Kaufkraft 2007

Zone rurale Raum Ländlicher

300 200 100 0

6 5 4 3 2 1 0 Anzahl Indikatoren im untersten Quintil

1 2 3 4 5 6 Anzahl Indikatoren im obersten Quintil

Datenbasis: Laufende Raumbeobachtung des BBSR Geometrische Grundlage: BKG, Gemeindeverbände, 31.12.2007

Gatzweiler H., Milbert A. (2009), « Villes et municipalités allemandes en décroissance et en croissance entre 2002 et 2007» in Schrumpfende Staedte wachsen und wchsende Staedte schrumpfen, Referateblatt zur Raumentwicklung; Sonderheft: Thematische Literaturanalysen, Bundesforschungsanstalt für Landeskunde und Raumordnung, Bonn, p. 446. 168   Ibid, p. 444. 169   Seuls des changements mineurs peuvent être observés dans les relations corrélatives : La corrélation positive entre le développement démographique et la migration nette a perdu de son caractère unique, passant de 0,91 à un coefficient de corrélation de 0,78, car le solde naturel en tant que moteur du développement démographique est devenu plus important que la migration dans un passé récent. La corrélation négative entre le développement de la population et le chômage est passée de 0,46 à 0,56, confirmant l’importance du chômage comme moteur de la circularité négative du développement urbain. La corrélation positive entre l’évolution de la population et le pouvoir d’achat est passée de 0,18 à 0,37, c’est-à-dire que la corrélation supposée entre la diminution et la perte du pouvoir d’achat ou la croissance et le gain de pouvoir d’achat est plus évidente.

64


Informationen zur Raumentwicklung Heft 7.2009

447

29. Évolution des tendances au rétrécissement et à la croissance des villes et des municipalités en Allemagne Abbildung 3 Veränderungen bezüglich Schrumpfungs- und Wachstumstendenzen von Städten und Gemeinden in Deutschland

Kiel Rostock

Schwerin

Hamburg

Szczecin Bremen

Berlin Amsterdam

Hannover

Magdeburg

Potsdam

Bielefeld

Essen

Cottbus Halle/S.

Dortmund

Düsseldorf

Leipzig

Kassel Erfurt

Köln

Chemnitz

Dresden

Bonn Liège

Wiesbaden Frankfurt/M.

Praha

Mainz Luxembourg Nürnberg

Mannheim

Saarbrücken

Stuttgart

Strasbourg

München

Freiburg i.Br.

100 km

Zürich

Innsbruck

Changementin deder classification les périodes 1997-20011997-2001 et 2002-2007 Veränderung Einstufungentre zwischen den Zeiträumen und 2002-07

3 2

© BBR Bonn 2009

Ulm

Villes et types de communes Stadtund Gemeindetyp Grande ville Großstädte

Ville moyenne Mittelstädte Petite ville Kleinstädte Zone rurale Ländliche Gemeinden

Verschlechterung Les niveaux um Stufen d’aggravation

1

Type de structure Siedlungsstruktureller d’implantation de la région Regionstyp Agglomerationsraum Zone d’agglomération

Zone urbaniséeRaum Verstädterter Zone rurale Raum Ländlicher

unverändert inchangé 1 2 3

Datenbasis: Laufende Raumbeobachtung des BBSR Geometrische Grundlage: BKG, Gemeindeverbände, 31.12.2007

Les niveaux Verbesserung um Stufen d’amélioration

Gatzweiler H., Milbert A. (2009), « Évolution des tendances au rétrécissement et à la croissance des villes et des municipalités en Allemagne (Veränderungen bezüglich Schrumpfungs- und Wachstrumstendenzen von Städten und Gemeinden in Deutschland) » in Schrumpfende Staedte wachsen und wchsende Staedte schrumpfen”, Referateblatt zur Raumentwicklung; Sonderheft: Thematische Literaturanalysen, Bundesforschungsanstalt für Landeskunde und Raumordnung, Bonn, 443-55 pp., p. 447.

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Même si une vision manichéenne de la situation socio-économique allemande Est-Ouest serait inexacte, plus d’une ville sur d’eux à l’Est décroissent (31% de la population touchée) tandis que seulement 1% des municipalités à l’Ouest sont touchées par une forte diminution (0,2% de la population touchée). Toutefois, il ne faudrait pas omettre que 30% des villes occidentales connaissent un déclin relatif. Les anciennes régions industrielles charbonnières de l’Ouest ne sont plus les seules victimes de ce bouleversement économique. On peut également observer un déclin urbain le long de l’ancienne frontière intérieure allemande dans la région bavaroise notamment. La croissance occidentale n’est toutefois plus généralisée comme elle le fut. Enfin, les auteurs affirment qu’à l’Est toutes les municipalités sont soumises au déclin, exceptées les grandes villes – environ 40% des petites et moyennes villes et 60% des municipalités rurales sont en forte diminution170. Les résultats de cette étude aboutissent à l’élaboration de la carte 30. La première souligne la répartition des villes en déclin ou en croissance selon leur taille et le type d’urbanité dans laquelle elles se trouvent. Elle met en évidence le déclin flagrant à l’Est et des couleurs plus mélangées à l’Ouest. La deuxième carte liée au tableau 2 nous intéresse particulièrement car elle montre les probabilités de trajectoire de ces villes entre 1997 et 2007. Le bilan général montre que les trajectoires du déclin dépendent de la situation initiale, du type et de la taille de la ville. Ces résultats appuient l’idée qu’il existe plusieurs discours du déclin et que toutes les petites villes allemandes ne sont pas en déclin. D’après les auteurs, il est probable que les trois quarts de ces villes continuent à faire partie de la même catégorie six ans plus tard. Tandis que les villes actuellement en croissance ont plus de chances de stagner ou de décroître mis à part les grandes et moyennes villes qui sont des exceptions. Pour les villes initialement en fort rétrécissement, elles ont peu de chances de freiner cette décroissance tandis que celles qui connaissaient un déclin plus minime sont plus propices à un changement de situation positif comme négatif. Finalement, les probabilités d’évolution ne sont pas les mêmes pour les petites et les grandes villes. Les petites villes et les communautés rurales sont beaucoup plus enclines au déclin et une classe très instable se forme par des villes en transition entre la croissance et le rétrécissement. Également, les schrumpfende Städte ne se situent pas seulement dans les zones dites en déclin, c’est-à-dire les territoires composés de communes rurales. De nombreuses villes en périphérie des métropoles et villes moyennes ont pendant longtemps bénéficié du rayonnement des grandes villes pour leur propre développement. Toutefois ce processus de périurbanisation semble connaître des limites au développement des petites villes, comme le montre l’apparition de schrumpfende Städte dans des territoires dits en croissance. L’Est du pays connait une certaine stabilisation depuis ces dernières années. Les villes en rétrécissement en Allemagne sont donc majoritairement victimes des changements économiques et structurels au cours du XXe siècle. Le décroissance démographique est une résultante du déclin de l’industrialisation. Les auteurs postulent que les perspectives de développement des municipalités à moyen terme peuvent être déterminées par deux indicateurs : le développement du secteur des services et la disponibilité de jeunes bien formés et flexibles171. Ces deux indicateurs sont liés entre eux. L’augmentation du nombre de personnes employées dans le secteur des services est principalement due à l’arrivée de jeunes adultes qualifiés âgés de 20 à 40 ans dans les grandes villes. La corrélation de ces deux indicateurs s’illustre par la carte et le schéma suivant et les probabilités de développement 170   Ibid, p. 445. 171   Ibid, p. 452.

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résultantes sur la carte 30. Ainsi, les tendances de l’emploi dans le secteur des services de 1997 à 2007 et le développement attendu à moyen-terme de la population jeune et employable (âgée entre 20 et de 40 ans) conduiront au possible potentiel des petites villes172. La majorité des villes qui connaîtront un développement positif sont les grandes et moyennes villes. Les petites villes connaîtront une croissance mitigée : les petites villes rurales ont peu de chance de se développer contrairement à celles situées en périphérie des grandes villes de l’Ouest. Toutefois, les petites communes rurales semblent être davantage enclines à un développement positif. Hans-Peter Gatzweiler, Antonia Milbert: Schrumpfende Städte wachsen und wachsende Städte schrumpfen

454

30. Potentiel de développement à moyen terme des villes et des municipalités Abbildung 8 en Allemagne Mittelfristige Entwicklungspotenziale von Städten und Gemeinden in Deutschland

Kiel Rostock

Schwerin

Hamburg

Szczecin Bremen

Berlin Amsterdam

Hannover

Magdeburg

Potsdam

Bielefeld

Essen

Cottbus Halle/S.

Dortmund

Düsseldorf

Leipzig

Kassel Erfurt

Köln

Chemnitz

Dresden

Bonn Liège

Wiesbaden Frankfurt/M.

Praha

Mainz Luxembourg Nürnberg

Mannheim

Stuttgart

Strasbourg

Ulm

München

Freiburg i.Br.

100 km

Mittelfristige Le potentiel deEntwicklungspotenziale développement à moyen von Städten Gemeinden* terme desund villes et des municipalités

Très mauvais sehr schlecht Plutôt mauvais eher schlecht Moyen mittel Plutôt bon eher gut Très bon sehr gut

Zürich

© BBR Bonn 2009

Saarbrücken

Innsbruck

Villes etund types de communes StadtGemeindetyp Großstädte

Type de structure Siedlungsstruktureller d’implantation de la région Regionstyp

Mittelstädte

Agglomerationsraum

Kleinstädte Ländliche Gemeinden

Verstädterter Raum Ländlicher Raum

* Mittelfristige Entwicklung der 20- bis unter 40-Jährigen 2006-2025 und Trend der Arbeitsplätze im Dienstleistuungssektor 1999-2007 Datenbasis: Laufende Raumbeobachtung des BBSR Geometrische Grundlage: BKG, Gemeindeverbände, 31.12.2007

Gatzweiler H., Milbert A. (2009), « Potentiel de développement à moyen terme des villes et des municipalités en Allemagne (Mitterlfristige Entwicklungspotenziale von Städten und Gemeinden in Deutschland) » in Schrumpfende Staedte wachsen und wchsende Staedte schrumpfen, Referateblatt zur Raumentwicklung; Sonderheft: Thematische Literaturanalysen, Bundesforschungsanstalt für Landeskunde und Raumordnung, Bonn, p. 454.

172   Ibid, p. 455. Ces tendances sont décrites avec une ligne de régression ajustée pour chaque ville et municipalité et sont incluses dans l’analyse via les coefficients de régression standardisés. Par conséquent, au-delà des différences est-ouest attendues, il existe également de grandes différences dans les petites zones urbaines.

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Utilisation du terme Schrumpfende ou « rétrécissement » Le terme de Schrumpfende n’est pas officiellement utilisé par les politiques puisqu’il est connoté négativement. Certains pensent que l’utilisation de ce terme pourrait dégrader la frontière existante entre les « deux Allemagne » tandis que d’autres pensent qu’il faudrait au contraire parler ouvertement de cette réalité173. Le terme de rétrécissement est généralement associé à un déclin constant de population174. Ce processus a des effets dans les secteurs variés du développement urbain et régional et provoque des réactions chez les acteurs concernés. Selon Müller B. (1936), les Schrumpfende Stätden peuvent très bien être liées à la croissance économique et ne doivent donc pas être considérées sans réflexion comme synonyme de déclin urbain, démographique et social d’une région. À l’opposé, l’auteur cite Wood (1994) qui associe le rétrécissement des villes à un processus multidimensionnel et à une restructuration de la population et de l’économie en période de crise et donc de la structure urbaine en conséquence. Le rétrécissement des villes indique donc un besoin d’actions pour changer la structure sociale. Müller B. s’intéresse lui aussi aux évolutions démographiques comme critère du déclin. Sur les cartes produites par Siedentop et al (2002), nous constatons que le déclin et la croissance démographique sont finalement très proches géographiquement entre 1990 et 1999. L’auteur affirme que le déclin démographique s’explique initialement par le solde naturel de la population et non par l’émigration. 31. Croissance (gauche) et rétrécissement (droite) des municipalités en Allemagne (1990-1999)

Müller B. (1936), “Croissance et rétrécissement des municipalités en Allemagne (1990-1999)” (Wachsende und schrumpfende Gemeinden in Deutschland (1990-1999)) in “Regionalentwicklung unter Schrumpfungsbedingungen, Regional development in conditions of shrinkage”, Raumforschung und Raumordnung I Spatial Research and Planning, Volume 61, 1-2, Sciendo, Germany, 28-42 pp., p. 31, publié en ligne le 31 Janvier 2003

173   Müller B. (1936), “Regionalentwicklung unter Schrumpfungsbedingungen, Regional development in conditions of shrinkage”, Raumforschung und Raumordnung I Spatial Research and Planning, Volume 61, 1-2, Sciendo, Germany, p. 28, publié en ligne le 31 Janvier 2003, disponible sur <content.sciendo.com/view/journals/rara/61/1-2/article-p28.xml> ; site consulté le 6 janvier 2021. 174   Müller B. (1936), citant Winkel (2001), op. cit. p. 30.

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Les prévisions émises par le plan régional 2015 du BBR montraient que les villes majeures à l’Est comme à l’Ouest du pays allaient rétrécir tandis que les agglomérations rurales allaient grandir. Pour les villes moyennes, le plan régional prévoyait de nombreux enjeux à venir dans leur développement175. Quant au devenir des villes et agglomérations à faible densité avec une population en déclin, leur aménagement s’avère être problématique, concernant le prix des infrastructures notamment. 32. Superposition des aires à faible densité de population (1996) et des tendances au rétrécissement

Müller B. (1936), “Superposition des aires à faible densité de population (1996) et des tendances au rétrécissement” (Oberlagerung von Gebieten mit geringer Siedlungsdichte (1996) und Schrumpfungstendenzen (1996-1999)) in “Regionalentwicklung unter Schrumpfungsbedingungen, Regional development in conditions of shrinkage”, Raumforschung und Raumordnung I Spatial Research and Planning, Volume 61, 1-2, Sciendo, Germany, 28-42 pp., p. 34, publié en ligne le 31 Janvier 2003. 175   Ibid, p. 32.

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Tout compte fait, le problème des « villes rétrécissantes » n’est pas uniquement lié à la taille des villes, même si elle est restée un critère de développement urbain pendant longtemps. Les situations sont ambivalentes mais soulignent un groupement de villes particulièrement fragile aux mouvances économiques et sociales, situé dans des régions instables. Les petites communes rurales semblent être promises à un nouveau dynamisme et mettent au défi les logiques d’aménagement et d’urbanisme de l’État fédéral. Cathy Chatel (2011) définit l’urbanisation comme l’augmentation de la population urbaine, contenue dans les limites de l’espace urbain. La population urbaine augmente lorsque la population totale augmente et par une ponction de la population rurale qui devient urbaine, soit par migration, soit par la progression de l’espace urbain au détriment de l’espace rural et l’adjonction de la population de cet espace nouvellement urbanisé. Par conséquent, la population urbaine baisse lorsque la population totale baisse et quand la population contenue dans les villes migre176. À l’avenir, si les prédictions démographiques se confirment et que les villages et communes rurales tendent à gagner des habitants, pourrionsnous parler de désurbanisation ? Ce que nous appelons déclin urbain aujourd’hui peut s’attendre à changer de visage demain.

176   Chatel C. (2011) « Une mesure du déclin démographique des villes allemandes de 1820 à 2010 », Villes rétrécissantes en Allemagne, vol 86/2, Géocarrefour, p. 81, disponible sur <journals.openedition.org/geocarrefour/8295> ; site consulté le 13 janvier 2021.

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Les processus de métropolisation et la petite ville La thématique des schrumpfende Städte est apparue au début des années 2000 en Allemagne suite à la désindustrialisation des villes. La France a peu abordé la problématique des villes dites en décroissance, contrairement à de nombreux pays européens et à l’Amérique du Nord177. Wolf M. et al., expliquent cette absence d’intérêt par la question du déclin démographique moins prégnante en France, du fait d’un taux de natalité supérieur à la moyenne européenne. Toutefois, le déclin existe bien sur le territoire français comme le montrera l’analyse des différents discours dans le chapitre suivant. La « décroissance urbaine est l’objet en France d’un processus silencieux »178. Le déclin urbain préoccupe davantage les élus locaux, confrontés aux effets récurrents de la décroissance démographique ou économique sur leur territoire179. Les discours à l’échelle locale et régionale véhiculent une situation quelque peu différente de celle des acteurs locaux ; plus alarmiste avec des effets flagrants sur les conditions de vie des habitants. Wolff M. et al., après l’examen de travaux des divisions régionales de l’Insee, montrent que certains écrits reflètent les enjeux de la décroissance urbaine dans plusieurs régions françaises (Insee Champagne-Ardenne, 2005 ; INSEE, 2010). À une échelle plus locale, il n’est pas sans difficultés d’observer des politiques urbaines dans certaines communes que l’on pourrait qualifier de politiques « antidécroissance »180. Finalement, on peut observer une rupture flagrante entre la réalité locale et régionale de la décroissance urbaine et le discours national l’omettant totalement. Que signifie ce décalage si grand entre les décideurs politique d’un même d’un pays ? Quels enjeux incitent le gouvernement français à ne pas mentionner et à ne pas s’exprimer sur ce sujet face au cri d’alerte des petites communes ? L’étude de Guérin-Pace (1993) sur l’évolution des villes françaises depuis 1830 met en lumière une évolution croissante d’une grande partie des villes françaises tandis que les quelques villes en décroissance se situaient majoritairement en périphérie des grandes villes. C’est seulement à partir des années 1960 que les villes en décroissance se sont concentrées dans les anciennes régions industrielles181. D’après les travaux de Paulus (2005)182, 38 des 354 aires urbaines françaises ont connu un déclin absolu depuis 1954. Le principal facteur de ce déclin aurait été la spécialisation économique – en conséquence 43% des petites villes (moins de 10 000 habitants) ont perdu des habitants entre 1975 et 1999. Malgré l’apparition récente de travaux sur la problématique des villes en décroissance, ce terrain de recherche reste très limité en France (CunninghamSabot et Fol, 2007). Mais surtout, cette question est contrainte aux zones dites rurales et régions industrielles ou encore à des quartiers en crise. Ce positionnement semble être propre à la France. Couch et al. (2010) dans un article comparant les politiques de régénération urbaine en France, en Angleterre et en Allemagne, analysent le cas français sur la base de la politique de la ville et 177   Wolff M., Fol S., Roth H., Cunningham-Sabot E. (2013), « Shrinking Cities, villes en décroissance : mesure du phénomène en France », Cybergeo, disponible sur <journals.openedition.org/cybergeo/26136> ; site consulté le 15 janvier 2021. 178   Ibid, citant Cunningham-Sabot et Fol (2009). 179   Ibid. 180   Ibid, citant Nonnu-Davadie (2010, 2011) ; Rouault (2011) 181   Ibid. 182   Ernst M., Paulus P-P. (2005), “Neurobiology of decision making: a selective review from a neurocognitive and clinical perspective”, Biol Psychiatry, 58, pp. 597-604, disponible sur <www.biologicalpsychiatryjournal.com/article/S00063223(05)00710-9/fulltext> ; site consulté le 15 février 2021.

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de la régénération des quartiers, tandis que pour les cas allemands et anglais, ce sont la totalité des villes en déclin qui font l’objet de ces politiques183. Il n’existe donc pas seulement un retrait des politiques à l’échelle nationale vis-à-vis du processus des villes en déclin mais également un faible intérêt académique. Le déclin urbain en France est relatif si nous le comparons aux situations des pays européens. Les différents discours varient selon les méthodologies employées. La décroissance de certaines villes est négligée au regard d’une croissance démographique continue en France. Toutefois, si l’on s’intéresse aux villes en décroissance, la plupart correspondent à des aires de petites tailles : les trois-quarts (74%) des 69 aires urbaines en décroissance ont moins de 50 000 habitants et les cas les plus sérieux (- 0,5% et au-delà) concernent exclusivement des aires urbaines de petite taille184. Le déclin urbain des petites villes s’exprime en balancier par rapport au développement des grandes villes pour de nombreux auteurs. C’est-à-dire que la décroissance s’oppose au modèle économique propice au développement des grandes villes. L’accélération des distances parcourues et l’amélioration des moyens de transports favorisent l’extension de l’aire d’influence des grandes villes, permettant ainsi aux petites villes aux alentours de bénéficier de ce rayonnement économique (Guérin-Pace et Pumain, 1990). Une relation d’interdépendance se met alors en place entre ces deux entités urbaines. Les grandes villes renforcent également leur position « aux dépens des petites et moyennes villes qui paraissent condamnées au mieux à la stagnation et au pire au déclin » (Pumain, 1999). Contrairement à l’Allemagne où le solde naturel est prégnant dans la décroissance des villes et les phénomènes migratoires secondaires, les migrations entres petites et grandes villes ont des effets plus importants sur le territoire français, « la perte d’attractivité résidentielle des villes explique l’essentiel des processus de décroissance urbaine »185. Wolff M. et al., décrivent la décroissance urbaine comme un phénomène restreint en France « dans la mesure où elle ne concerne qu’une part limitée des villes et de la population urbaine ». Cependant, leur conclusion s’appuie uniquement sur l’étude de l’évolution des soldes naturels et migratoires des aires urbaines à partir de 50 000 habitants. Force est de constater un manque de données sur la situation passée et actuelle des petites villes. 33. Évolution des soldes naturels et migratoires (1968-2007)

Wolff M., Fol S., Roth H., CunninghamSabot E. (2013), « Évolution des soldes naturels et migratoires (1968-2007) », in « Shrinking Cities, villes en décroissance : mesure du phénomène en France », 183   Wolff M., Fol S., Roth H., Cunningham-Sabot E. (2013), op. cit. 184   Ibid. 185   Ibid.

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Une autre étude menée par N. Cauchi-Duval, F. Cornuau et M. Rudolph sur la décroissance urbaine en France observe un déclin plus important dans les aires urbaines de petite taille. Deux tiers des aires urbaines en décroissance sont des petites aires tandis qu’elles représentent moins de la moitié des aires urbaines en croissance ou relativement stables (fig 34). Ce constat se base sur la définition de la petite aire de l’INSEE ; c’est-à-dire un ensemble de communes, d’un seul tenant et sans enclave, constitué par un pôle de 1 500 à 5 000 emplois et par des communes rurales ou unités urbaines dont au moins 40% de la population résidente ayant un emploi travaille dans le pôle ou dans des communes attirées par celui-ci186.

34. Taille des aires urbaines selon les profils de déclin

100 %

Intérompu

Enrayé

Continu

0%

Durable

50 %

Stabilité relative ou croissace

N. Cauchi-Duval, F. Cornuau et M. Rudolph (2017), « Taille des aires urbaines selon les profils de déclin » dans « La décroissance urbaine en France : les effets cumulatifs du déclin », Métropolitiques, disponible sur <metropolitiques.eu/La-decroissanceurbaine-en-France-les-effets-cumulatifsdu-declin.html > ; site consulté le 3 février 2021.

Petites aires Moyennes aires Grandes aires

La fracture territoriale, à l’origine d’un déficit d’intégration territoriale des petites villes est également soulevée par les chercheurs. Même si les petites aires urbaines sont bien intégrées au système urbain de proximité (Berroir et al. 2017), elles semblent « moins bien connectées aux relations transversales inter-systèmes, souvent multipolaires, qui composent l’armature métropolitaine »187. Pour ces raisons, le déclin des petites aires urbaines est plus important lorsqu’elles sont éloignées des espaces métropolitains. Dans les aires urbaines en déclin, la population active de 25 à 54 ans a baissé de 3,3%188. Cette réduction du nombre d’actifs occupés n’est pas homogène dans l’ensemble des aires urbaines en déclin, elle oscille entre -1,8% dans les villes en déclin durable et -6% à -7% environ dans les autres zones en déclin. En ce qui concerne le taux de chômage, il a augmenté dans tous types d’aires urbaines mais devient évidemment plus dangereux dans les aires déjà en déclin. Selon les auteurs, les emplois stagnent dans l’ensemble des aires urbaines en déclin (+0,3%) tandis Etatque fédéral seules les aires urbaines en déclin durable « se démarquent grâce à une moindre baisse de Bund l’emploi de fabrication et une hausse plus importante des emplois dans l’administration et dans

Länder

186   Insee, Base des aires urbaines 2010, publié le 21 octobre 2020, disponible sur <www.insee.fr/fr/information/2115011> ; site consulté le 3 février 2021. 187   Wolff M., Fol S., Roth H., Cunningham-Sabot E. (2013), op. cit. 188   N. Cauchi-Duval, F. Cornuau et M. Rudolph (2017), « La décroissance urbaine en France : les effets cumulatifs du s gouvernementaux ) déclin », Métropolitiques, disponible sur <metropolitiques.eu/La-decroissance-urbaine-en-France-les-effets-cumulatifs-dungsbezirke declin.html> ; site consulté le 3 février 2021.

dissements se

11 092

Villes-

Villes-Etats

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les services de gestion aux entreprises »189. La géographie des territoires est à prendre en compte pour comprendre ces chiffres. Les explications se trouvent principalement dans la recomposition des lieux d’emplois, notamment industriels, depuis les années 1980 et 1990, entre les centres et les périphéries190. Le schéma le plus courant se caractérise par une augmentation d’emplois dans les aires urbaines en déclin durable dans les couronnes périurbaines et non dans les centres urbains. La France comme l’Allemagne ont été touchées par des vagues importantes de désindustrialisation qui ont fortement bouleversé ces aires urbaines aujourd’hui dites en déclin. « Ainsi, les aires urbaines en décroissance se caractérisent par la faiblesse de leur économie présentielle – qui regroupe des activités telles que les services domestiques ou le commerce de détail ayant vocation à répondre à la demande locale (Davezies 2009 ; Talandier 2013) – qui s’explique, entre autres, par une plus grande difficulté à attirer ceux qui sont considérés comme les moteurs de cette économie : touristes, retraités ou encore étudiants. »191 La fécondité de la France, parmi les plus élevées des pays européens (Mazuy et al. 2013), a permis de réfréner le phénomène de décroissance urbaine grâce à une composante naturelle positive. En effet, cette forme de vieillissement « de l’entre-deux » tend à contrebalancer les effets du déclin. Ce processus peut s’observer sur l’ensemble des aires urbaines en déclin mais il est particulièrement visible au sein des aires urbaines en « déclin durable » (figure 35) où le taux d’accroissement naturel a chuté de 5,1 ‰ en 1990 à 2,3 ‰ en 2011.192 35. Taux brut de natalité et de mortalité selon les différents profils d’aires urbaines N. Cauchi-Duval, F. Cornuau et M. Rudolph (2017), « Taux brut de natalité et de mortalité selon les différents profils d aires urbaines », Métropolitiques, disponible sur <metropolitiques.eu/Ladecroissance-urbaine-en-France-les-effetscumulatifs-du-declin.html > ; site consulté le 3 février 2021.

Cette première partie sur les géographies de la petite ville souligne une absence flagrante d’informations sur ce sujet et par la suite très peu d’études scientifiques. Il est difficile à l’heure actuelle d’établir une vue d’ensemble de la situation géographique des petites villes en France et en Allemagne. C’est pourquoi, après l’étude de ces données statistiques et géographiques, débute l’analyse des discours du déclin urbain sur la petite ville, au sein de cette deuxième partie de ce mémoire. Quels sont les récits du déclin ? Sous quelles formes émergent-ils mais surtout, par qui sont-ils véhiculés ? Les récits du déclin urbain se dégageront en donnant la parole à ceux qui habitent, conçoivent, visitent et gouvernent les espaces de la petite ville.

189   190   191   192

Ibid. Ibid citant Girard (2014). Ibid. Ibid.

74


75


76


2

LES RÉCITS DU DÉCLIN URBAIN DE PART ET D’AUTRE DU RHIN

2.1. LA MÉTROPOLISATION OU LA PETITE ALLEMAGNE Le déclin démographique – perte de population Les affirmations sont unanimes, les petites villes perdent des habitants chaque année, du moins les petites villes isolées, éloignées de l’influence et du dynamisme d’une grande agglomération voisine. La CE parle de « dépeuplement des petites villes »193 à l’origine de problématiques au niveau local. Malgré une augmentation de la population européenne, passant de 402,6 millions d’habitants à 502,5 millions entre 1960 et 2011 (Eurostat), les rapports de la CE mettent l’accent sur les différentes situations de croissance démographique sur l’ensemble du continent. En effet, le processus d’urbanisation ne saurait être homogène entre les villes européennes. Dans son analyse, le rapport de la CE identifie une Europe du Nord caractérisée par un réseau de petites villes amplifiant les relations de proximité tandis que l’Europe occidentale connaît un processus plus contrasté, oscillant entre croissance et déclin démographique non négligeable. La CE entrevoit donc la petite ville comme partie prenante d’un système européen et doit s’atteler à un défi complexe, celui de la diversité de ces petites aires urbaines. Pendant longtemps, les décideurs urbains ont associé la trajectoire d’évolution des villes avec l’idée d’une croissance démographique constante – comme un moteur de développement urbain. Des phénomènes de « crise urbaine » ont commencé à apparaître, prenant des trajectoires de plus en plus longues dans le temps. Le discours d’un accident, d’un aléa ou d’une crise est donc passé à celui des villes dites en déclin, « villes rétrécissantes », shrinking cities, ou Schrumpfende Städte. Certains acteurs ont même cherché un sens caché à ces épisodes de déclin, évoquant les « villes phénix », capable de renaître de leurs cendres194. Même si le phénomène a pendant longtemps touché les grandes villes, victimes de la désindustrialisation, le processus est tout aussi intense pour les petites villes. La recherche scientifique sur les territoires des petites villes ou « la France éloignée des grandes villes » était encore très maigre avant 2010, au même moment où le sujet intéressait peu les médias français. Aujourd’hui, la discussion s’opère entre « ceux qui partent » et « ceux qui restent »195. Le discours du déclin démographique des petites villes est véhiculé par la presse, les écrits scientifiques mais aussi par les élus, les politiques et les études statistiques.

193   Commission européenne (2012), La petite ville européenne en 2050, p. 3, disponible sur <cor.europa.eu/en/engage/ studies/Documents/petite-ville-europeenne-2050.pdf> ; site consulté le 10 février 2021. 194   Florentin D., « Bienvenue dans le laboratoire des villes décroissantes », The conversation, publié le 23 janvier 2019, disponible sur <theconversation.com/bienvenue-dans-le-laboratoire-des-villes-decroissantes-110245> ; site consulté le 10 février 2021. 195   Coquard B. (2019), Ceux qui restent, faire sa vie dans les campagnes en déclin, Éditions La Découverte, p. 216.

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36. Saïmonn/Flickr, CC BY-NC-ND dans « Plongée dans le quotidien des campagnes en déclin », The conversation, publié le 16 octobre 2019.

37. Source : dpa Günther C., « Schrumpfende Städte, Abriss und Leerstand », Deutshlandfunk Nova, publié le 26 février 2018.

De l’autre côté du Rhin, la perte importante d’habitants dans les petites villes allemandes rend l’atmosphère bien plus sombre et plus calme. Plus personne ne veut y vivre et encore moins s’y installer par manque d’attractivité. Les petites villes décroissent et les élus locaux se battent pour chaque habitant. Les maisons se vident peu à peu de leurs habitants. La petite ville d’Altena en Rhénanie-du-Nord-Westphalie avec ses 18 500 habitants voit ses immeubles d’habitation abandonnés. Le scénario d’une rue entièrement désertée puis le démantèlement des infrastructures (éclairage public, lignes d’alimentation) semble irréel, tel un film de sciencefiction. Pourtant, lorsqu’on lit la une des journaux, ces récits de la catastrophe urbaine sont récurrents. La perte d’habitants est l’élément déclencheur d’un déclin sans mesure, à l’Ouest comme à l’Est du pays. La ville de Finsterwalde (Brandebourg) est passée de 24 000 à 17 000 habitants depuis la réunification du pays196. Les municipalités sont conscientes de ce phénomène et développent

196   Günther C., « Schrumpfende Städte, Abriss und Leerstand », Deutshlandfunk Nova, publié le 26 février 2018, disponible sur <www.deutschlandfunknova.de/beitrag/leerstand-und-abriss-schrumpfende-staedte> ; site consulté le 1er février 2021.

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des contre-mesures : prime d’emménagement, rénovation de bâtiments anciens, Internet rapide, terrains de jeux, galeries et zones sportives. La formule « Das Sterben einer Stadt am äußersten Rand »197 qui signifie « la mort des villes » font les gros titres. La chaîne de télévision d’information privée allemande Welt, publie le 29 août 2015 un article sur « la mort » de la ville de Guben à la frontière avec la Pologne. L’utilisation des termes de « cadavres », « saigner », « morts » exprime la violence de la situation. Le discours n’est pas celui d’un déclin mais littéralement d’une mort lente dans d’atroces conditions sans même la promesse d’une renaissance. Face à ce discours d’un déclin démographique catastrophique, l’association allemande Caritas198 a mis en place une campagne de communication pour alerter des effets entrainés par le déclin démographique dans les zones rurales. Selon l’association, les zones rurales et urbaines étant étroitement imbriquées en Allemagne, les solutions résident uniquement au sein de la coopération. Ils ont donc intitulé leur campagne nationale lancée en 2015 « Stadt-LandZukunft » qui peut être traduit par « Urbain-Rural-Futur ». Aucune campagne de communication de la sorte n’a été mise en place en France.

38. Source : Christian Schoppe dans, «Weniger, älter und bunter», Caritas Allemagne, publié 17 mars 2016

Traduction : Dans le pays, les gens donnent encore des coups de pied honnêtes. Même si le onze ne joue qu’avec cinq joueurs. Cette illustration appui le déséquilibre territorial entre les communes rurales et les grandes villes. C’est une critique ouverte des actions prises par le gouvernement fédéral allemand qui a fait le choix du développement des grandes métropoles. Caritas dénonce l’injustice territoriale à l’origine d’inégalités sociales. 197   Rentzsch F., « Das Sterben einer Stadt am äußersten Rand », Welt, publié le 29 août 2015, disponible sur : <www.welt. de/politik/deutschland/article145410935/Das-Sterben-einer-Stadt-am-aeussersten-Rand.html> ; site consulté le 1er février 2021. 198   Caritas est l’une des six plus grandes associations allemandes pour le bien-être. Elle regroupe 25 000 équipements et services gérés par 6 200 agences de l’association et rassemble 13 millions de volontaires. L’association vient en aide aux sansabris, aux migrants, aux personnes psychologiquement fragiles ou avec un handicap, aux familles monoparentales, etc. Elle intervient sur les questions politiques et sociales et participe donc aux débats politiques du pays. Elle offre également une aide juridique et fait la promotion d’une législation et d’une politique pour l’égalité sociale et exerce donc une pression importante sur les actions politiques prises par l’État fédéral mais aussi à l’échelle européenne. L’association possède un rôle majeur en Allemagne. En France, Caritas est également présente sous le nom de Secours Catholique-Caritas France, créée en 1901 et reconnue d’utilité publique depuis 1962. Elle perçoit des fonds privés mais aussi publics. <www.secours-catholique.org/> , <www.caritas.de/startseite> ; sites consultés le 10 février 2021.

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À l’inverse de son voisin outre-Rhin, la presse française adopte un discours bien moins alarmiste sur la situation. Bien que le solde naturel ait diminué ces dernières années d’après l’Insee, il reste positif. La France est le deuxième pays le plus peuplé de l’Union européenne avec ses 67 millions d’habitants derrière l’Allemagne (83 millions d’habitants)199. en milliers 950

850

Naissances 750

1964 650

2019

Solde naturel

1976

550

Décès 450 57

19

65

19

73

19

81

19

89

19

97

19

05

20

13

20

39. INSEE, « Évolution du nombre de naissances, de décès et du solde naturel depuis 1957 » dans Bilan démographique 2018, publié le 14 janvier 2020.

Les journaux vantent l’essor démographique des petites villes périurbaines depuis les années 2000. Ces petites villes seraient même plus dynamiques que les grandes. Les communes de moins de 5 000 habitants, même si elles n’abritent que 40% de la population, représentent 70% de la croissance démographique200. Il s’agit ici des petites villes ou communes rurales sous l’influence d’un grand pôle urbain. Toutes les petites communes ne bénéficient pas de l’activité économique et des services d’une grande agglomération. L’INSEE souligne la croissance démographique beaucoup plus faible dans les petites aires urbaines éloignées des pôles urbains201. Celles qui affichaient une progression de 0,3% par an entre 2006 et 2011 sont passées à une perte de 0,2% de population entre 2011 et 2016202. Les grandes villes perdent elles aussi des habitants, parmi les 100 métropoles les plus peuplées, 40 voient leur population progresser moins vite qu’entre 1990 et 2009. Certaines passent même d’une situation de croissance démographique à une décroissance203. Les villes croissantes comprises entre 21 000 et 18 500 habitants sont donc les gagnantes à l’heure actuelle204. Finalement, les situations françaises et allemandes sont quelque peu similaires, avec une forte 199  INSEE, Bilan démographique 2018, publié le 14 janvier 2020, disponible sur <www.insee.fr/fr/ statistiques/4281618?sommaire=1912926> ; site consulté le 2 février 2021. 200   Pech M-E, « Démographie : l’essor des petites communes », Le Figaro, publié le 1er janvier 2013, disponible sur <www. lefigaro.fr/actualite-france/2013/01/01/01016-20130101ARTFIG00163-demographie-l-essor-des-petites-communes.php> ; site consulté le 2 février 2021. 201   Ibid. 202   Vincendon S., « Démographie des territoires : ceux qui gagnent et ceux qui perdent », Libération, publié le 27 décembre 2018, disponible sur <www.liberation.fr/france/2018/12/27/demographie-des-territoires-ceux-qui-gagnent-et-ceux-quiperdent_1699918/> ; site consulté le 2 février 2021. 203   Cossardaux J. « Population : la part des grandes villes baisse », Les Echos, publié le 3 janvier 2017, disponible sur <www. lesechos.fr/2017/01/population-la-part-des-grandes-villes-baisse-158537> ; site consulté le 2 février 2020. 204   Ibid.

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décroissance démographique dans les petites villes ne bénéficiant pas de l’influence économique d’un grand pôle urbain. En France le phénomène d’attractivité des petites villes périurbaines s’accélère depuis plusieurs années. La crise liée à la pandémie de la Covid-19 a même accentué ce processus en amenant à bousculer l’opposition vieillissante entre villes et campagnes205. Le destin des petites villes pourrait être chamboulé par la crise sanitaire comme nous avons pu l’observer dans la presse. Malgré une situation ressemblante, les discours ne résonnent pas de la même manière des deux côtés du Rhin. La campagne française montre moins de signes de fatigue au regard des villages allemands qui semblent être à bout de souffle. Toutefois, le discours n’est pas uniquement pessimiste, en effet si le dépeuplement des petites villes « est encadré, il offre également une série de réponses tout à fait acceptables au regard d’enjeux globaux (climat, énergie…) »206. La CE déclare qu’il faut nuancer les enjeux majeurs en fonction du « processus de métropolisation qui détermine notamment les flux démographiques et les dynamiques qui les accompagnent »207.

40. Michel R. « Population : les petites communes attirent plus d’habitants », Gomet, publié le 15 janvier 2020, disponible sur <up-magazine.info/societe/ territoires/56536-les-petites-villes-et-lesgros-villages-sont-lavenir//> ; site consulté le 2 février 2021.

41. Brugvin T. « Les petites villes et les gros villages sont l’avenir », Up, publié le 20 mai 2020, disponible sur <up-magazine. info/societe/territoires/56536-les-petitesvilles-et-les-gros-villages-sont-lavenir//> ; site consulté le 2 février 2021.

205   Pelleteret L., Simon P., « Covid-19 : la fin du clivage ville-campagne ? », Les Échos, 4 juin 2020, disponible sur <www.lesechos.fr/idees-debats/cercle/opinion-covid-19-la-fin-du-clivage-ville-campagne-1208294> ; site consulté le 2 février 2021. 206   Commission européenne (2012), op.cit. p. 3. 207   Ibid, p. 3.

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Le déclin démographique – migrations et vieillissement de la population Les migrations internes sont l’une des racines du déclin démographique qui frappe les petites villes allemandes et françaises. Arrivés à l’âge adulte, beaucoup de jeunes décident, ou se retrouvent dans l’obligation, de quitter leur petite commune natale soit pour poursuivre leurs études ou trouver un travail. Ces migrations sont en effet principalement dues à des raisons économiques. D’après le géographe allemand Gerhard Henkel, « l’exode rural et la mort des villages menacent la démocratie » en Allemagne208. Malgré des améliorations flagrantes du cadre de vie dans ces villages, la plupart d’entre eux ont perdu des emplois, des entreprises et des infrastructures. Il devient difficile de parler du déclin démographique lié aux migrations de population sans mentionner le déclin économique, commercial et celui des services. La presse allemande et française commente ouvertement les migrations et le vieillissement de la population mais ces discours sont davantage véhiculés par les élus et les politiques outre-Rhin.

42. Schmidt T. « Un nouvel atlas allemand montre un exode rural croissant (Neueur DetuschlandAtals belegt zunehmende Landflucht) », Osnabrücker Zeitung, publié le 10 août 2020, disponible sur <www.noz.de/deutschland-welt/ politik/artikel/2089755/neuer-deutschland-atlasbelegt-zunehmende-landflucht> ; site consulté le 11 février 2021.

Le phénomène de l’exode rural existe toujours en Allemagne. Les grandes agglomérations allemandes continuent de gagner des habitants depuis 150 ans à la fois dans les régions en croissance et dans celles en rétrécissement. Ce phénomène s’est même accentué depuis les années 2000 d’après un article de Wohnglück209. ­De ce fait, tant les grandes villes comme les régions d’émigration sont en plein essor. « Les différences entre la ville et la campagne deviennent de plus en plus grandes » écrit une journaliste du Handelsblatt210. Au sein de ce cercle vicieux, les 208   « Neuf bonnes raisons de sauver les villages », Deutschland.de, publié le 8 août 2018, disponible sur <www.deutschland. de/fr/topic/culture/lexode-rural-en-allemagne-neuf-bonnes-raisons-de-sauver-les-villages> ; site consulté le 10 février 2021. 209  Dorothée Schmid E. « Exode rural : le nombre de population rurale au plus bas (Landflucht : Zahl der Landbevölkerung auf Rekordtief) », Wohnglück, publié le 1er mai 2020, disponible sur <wohnglueck.de/artikel/landflucht-deutschlandstatistik-35792> ; site consulté le 11 février 2021. 210   Kersting S. « Les Allemands sont attirés par les grandes villes – avec des conséquences drastiques pour les régions rurales (Die Deutschen zieht es in die Großstädte – mit drastischen Folgen für ländliche Regionen), Handelsbaltt, publié le 8 août 2018, disponible sur <www.handelsblatt.com/politik/deutschland/serie-agenda-2020-die-deutschen-zieht-es-in-die-grossstaedte-mitdrastischen-folgen-fuer-laendliche-regionen/22892086.html?ticket=ST-4533590-5S2xj7uaiIHDUKE9EnIC-ap6> ; site consulté le 11 février 2021.

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campagnes perdent leur attractivité et l’émigration s’accentue. Toutefois, un sondage réalisé en 2018 indique que seulement 21% des allemands préfèrent vivre dans une grande ville tandis que 78% préfèrent vivre dans un village ou une petite ville211. La réalité de la situation ne correspond pas aux aspirations des habitants des grandes villes. Si les petites villes étaient plus attractives en termes de services, d’emplois et de qualité de vie, le désir de vivre à la campagne pourrait devenir une réalité en Allemagne. De plus, les petites villes rurales bénéficient très peu du dynamisme économique des grandes agglomérations.

43. Dorothée Schmid E. « Exode rural : le nombre de population rurale au plus bas (Landflucht : Zahl der Landbevölkerung auf Rekordtief) », Wohnglück, publié le 1er mai 2020, disponible sur <wohnglueck.de/artikel/landflucht-deutschland-statistik-35792> ; site consulté le 11 février 2021.

Pour contrer à la fois le vieillissement de la population mais également les migrations internes au pays, l’Allemagne a décidé d’ouvrir ses frontières aux migrants afin de contrebalancer son déficit démographique. Les experts ont prévu un déclin important de population d’ici 2060, le pays s’est alors emparé de la question des migrants pour contrer un problème national. L’arrivée de nouvelles populations a permis de ralentir ce déclin – la population allemande ne diminue plus depuis plusieurs années. Ces nouvelles arrivées sont à la fois un regain de population mais aussi de population jeune, permettant ainsi d’augmenter le chiffre des travailleurs allemands. Ainsi, nous pouvons trouver des articles datant de 2017 acclamant l’arrêt du « rétrécissement » de l’Allemagne. La politique allemande s’est ainsi emparée du déclin démographique de cette manière depuis ces dernières années. Les Nations Unies soutiennent l’idée que les migrations peuvent venir en aide aux pays victimes d’un déclin démographique et du vieillissement de leur population. L’organisation internationale conseille ouvertement à la France, l’Allemagne, l’Italie, le Japon, la République de la Corée, la Russie, le Royaume Uni et les États-Unis – pays qualifiés de pays à faible fertilité – de considérer le remplacement de leur population par les migrations externes212. 211   Assman D. « Ville, campagne, évadez-vous ! (Stadt, Land, FLucht!) », Friedrich Naumann Stiftung, publié le 22 août 2019, disponible sur <www.freiheit.org/de/deutschland/stadt-land-flucht> ; site consulté le 11 février 2021. 212   United Nations (2001), « Replacement Migration: Is It a Solution do Declining and Ageing Populations?”, Deparmtent of Economics and Social Affairs, disponible sur <www.un.org/en/development/desa/population/publications/ageing/replacement-

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Selon la CE, la stratégie de l’arrivée massive de migrants pour contrer le déclin démographique ne semble pas encore être plausible. La plupart d’entre eux s’installe dans les grandes et moyennes villes tandis que les petites villes accueillent des habitants des communes proches, attirés par l’offre de logements plus abordable que celle dans la grande ville voisine213. Toutefois, l’ouverture des frontières de l’Allemagne en 2015 a permis au pays de stopper le déclin de sa population214. Le pays a misé sur l’immigration pour contrer le vieillissement de sa population ; « l’afflux net prévisible de 260 000 immigrés par an devrait permettre au pays de stabiliser à 82,3 millions le nombre de ses habitants en 2035 »215. Avant de faire de l’immigration la solution clé des Schrumpfende Städte et repeupler les petites villes, l’Allemagne devra d’abord gérer d’autres problèmes liés à la natalité et au développement inégal de son territoire. Malgré l’arrivée de migrants, les petites villes allemandes doivent tout de même faire face à une perte massive de population – causée par la disparition de certains et le départ d’autres. Beaucoup de jeunes décident de partir en sachant d’ores et déjà qu’ils ne reviendront jamais s’installer dans leur petite ville natale. En Allemagne de l’Est, plus d’un million d’appartements étaient vacants en 2003, entrainant une spirale inarrêtable : les espaces publics deviennent déserts, les infrastructures s’écroulent et les villes perdent leur qualité de vie.

45. Fuchs R. « L’Allemagne le rétrécit pas (Germany is not shrinking) », DW, publié le 4 février 2017, disponible sur <www.dw.com/en/germany-is-not-shrinking/a-37415327> ; site consulté le 2 février 2021.

44. Renaud N. « L’afflux de réfugiés aide à enrayer le déclin de la population allemande (Refugee influx helps halt declin in Germany’s population) », The Guardian, publié le 6 janvier 2016, disponible sur <www.theguardian.com/news/ datablog/2016/jan/06/refugee-influx-helps-halt-decline-ingermanys-population> ; site consulté le 2 février 2021.

La France est elle aussi une terre d’accueil pour beaucoup d’immigrés et d’étrangers mais elle n’a pas adopté la même stratégie que l’Allemagne en raison d’un discours du déclin

migration.asp> ; site consulté le 11 février 2021. 213   Commission européenne (2012), op.cit. p. 8. 214   Renaud N. « L’Allemagne face à de nouveaux défis démographiques », Les Echos, publié le 7 avril 2019, disponible sur <www.lesechos.fr/monde/europe/lallemagne-face-a-de-nouveaux-defis-demographiques-1007286> ; site consulté le 2 février 2021. 215   Renaud N. « L’Allemagne face à de nouveaux défis démographiques », Les Echos, publié le 7 avril 2019, disponible sur <www.lesechos.fr/monde/europe/lallemagne-face-a-de-nouveaux-defis-demographiques-1007286> ; site consulté le 2 février 2021.

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Les trajectoires migratoires internes en Allemagne entre les différentes régions géographiques 45. Sander N., Migrations internes en Allemagne, University de Groningen. Disponible sur download.gsb.bund.de/BIB/ global_flow/VID%20WP%20Visualising%20Migration%20 Flow%20Data%20with%20Circular%20Plots.pdf

Grande ville

Petite ville

Périphérie de la grande ville

Périphérie de la petite ville

Zone rurale (1)

Zone rurale (2)

Zone rurale (3)

Les graphiques représentent les migrations entre les différentes aires urbaines, répertoriées sur la carte, selon les tranches d’âges. Les tracés bleus représentent les migrations des populatiosn des petites villes. Les migrations des petites villes vers les grandes villes sont les plus importantes, surtout pour la classe 18 - 29 ans. Les petites villes attirent également des populations des zones rurales alentours, tandis que leur périphérie connait également une croissance à partir de 2010.

1995 : 1-65 +

1995 : 18 - 29

1995 : 30 - 49

2010 : 1 - 65 +

2010 : 30 - 49

2010 : 18 - 29

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démographique moins prégnant dans les petites villes Françaises216. Concernant la localisation territoriale des immigrés en France, la géographe Julie Fromentin souligne deux résultats. Tout d’abord, la place du périurbain est un espace de relocalisation des immigrés en France. Ce phénomène des migrations résidentielles des villes vers les espaces périurbains pour l’accession à la propriété en maison individuelle et donc aussi pour le cas pour les populations immigrées. Enfin, en ce qui concerne les espaces ruraux isolés, les dynamiques migratoires sont différentes, marquées par une prédominance d’arrivées directes de l’étranger. Les petites villes et les campagnes périurbaines des grandes agglomérations sont caractérisées par une surreprésentation des migrations internes.217 Toutefois, depuis quelques années mais surtout depuis la pandémie de la Covid-19, le discours de l’exode rural semble s’être inversé en France. À la lecture de la presse, l’exode rural serait devenu le nouveau modèle adopté par les populations. Les campagnes regagnent des habitants. Pour la première fois, le discours du déclin des campagnes semble connaître un nouveau tournant. Le phénomène n’est pourtant pas nouveau, chaque année 100 000 citadins rejoignent la compagne ou les zones périurbaines mais la tendance s’est accentuée. « L’aspiration à la nature, l’attrait de la maison individuelle et surtout un compromis prix du logement-coût du transport est favorable à l’éloignement des centres »218. Une enquête de l’Institut français d’opinion publique (Ifop), dévoilée en octobre 2018 annonçait que pour 81% des Français « vivre à la campagne représente la vie idéale, qu’ils y travaillent ou non »219 et seulement 19% aspirent à une vie totalement urbaine. Toutefois, l’installation de ces habitants en milieu rural est avant tout conditionnée par la présence de services publics (70% des citations), suivi d’une offre d’emplois et de transports suffisante (62% et 54% des citations). Les aspirations des allemands et des français pour la « campagne » sont similaires. Ces chiffres sont à la hausse, en 2008 65% des Français préféraient vivre à la campagne selon un sondage réalisé par l’institut TNS Sofres pour le ministère du Logement et de la ville220 Un autre phénomène présent persiste depuis un demi-siècle, celui du changement de la région parisienne passant de la région la plus attractive à la moins attractive en termes de solde migratoire interne. Plus spécifiquement, depuis cinq ans, Paris perd des habitants mais sa périphérie en gagne, d’après une étude de l’Insee sur l’aire d’attractivité des villes publiée en octobre 2020221. « Le solde naturel entre les naissances et les décès est plutôt stable mais le déficit migratoire s’est creusé : dans la période récente, l’écart entre le nombre de personnes qui ont quitté la capitale et celles qui y sont arrivées a augmenté », indique Marie-Pierre de Bellefon, responsable du pôle 216   En 2019, 6,7 millions d’immigrés vivaient en France soit 9,9% de la population totale, selon les chiffres de l’Insee. Disponible sur < ww.insee.fr/fr/statistiques/3633212#> ; site consulté le 2 février 2021. 217   Fromentin J. « Des migrations comme les autres ? Les migrations internes des immigrés dans les campagnes françaises (2011-2015) », Espaces, Populations, Sociétés, disponible sur <journals.openedition.org/eps/8992> ; site consulté le 11 février 2021. 218   Lerondeau M. « Le développement du télétravail prépare-t-il un exode urbain ? », La Fabrique de la Cité, publié le 16 octobre 2020, disponible sur <www.lafabriquedelacite.com/publications/le-developpement-du-teletravail-prepare-t-il-un-exodeurbain/> ; site consulté le 11 février 2021. 219   Ifop, « Territoires ruraux : perceptions et réalités de vie », sondage, publié le 9 octobre 2018, disponible sur <www.ifop. com/publication/territoires-ruraux-perceptions-et-realites-de-vie/> ; site consulté le 11 février 2021. 220   « 65% des Français préfèrent vivre à la campagne », L’Obs, publié le 4 septembre 2008, disponible sur <www.nouvelobs. com/societe/20080904.OBS0068/65-des-francais-preferent-vivre-a-la-campagne.html> ; site consulté le 11 février 2021. 221   De Bellefon M-P. Eusebio P. Roest J. Pégaz-Blanc O. Warnod R. « En France, neuf personnes sur dix vivent dans l’aire d’attraction d’une ville », Insee, n°211, publié le 21 octobre 2020, disponible sur <www.insee.fr/fr/statistiques/4806694> ; site consulté le 11 février 2021.

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45. Cocquet M. « Exode urbain : la vie en vert », Le Point, publié le 16 juin 2020, disponible sur <www.lepoint.fr/societe/exode-urbain-lavie-en-vert-13-06-2020-2379657_23.php> ; site consulté le 2 février 2021.

analyse territoriale de l’INSEE222. Les données de 2017 montrent que les Parisiens déménagent très peu hors de la région parisienne et viennent s’installer en petite couronne, grande couronne, voire dans l’Oise, le Loiret ou l’Eure-et-Loir où les maisons avec jardin sont plus abordables. Toutefois, beaucoup d’entre eux continuent de travailler à Paris ou à proximité. Si Paris intramuros perd 11 000 habitants par an, l’Île-de-France, en revanche, en gagne 55 000 sur la même période (2012-2017). « Il y a certes plus de départs de la région parisienne que d’arrivées, mais le solde naturel, donc les naissances, compense le déficit migratoire »223. Au cours de ces dernières années, les petites villes de la région parisienne ont gagné des habitants. Elles connaissent désormais un récit plus optimiste ainsi qu’un regain de popularité grâce à l’arrivée de familles ou de travailleurs motivés par la recherche de logements et par le désir de la « ville à la campagne ». Le vieillissement de la population est un autre défi auquel doivent faire face les petites villes, régulièrement délaissées par les jeunes mais qui attirent davantage les retraités224. En Allemagne, l’immigration a permis de réduire cette obsolescence, toutefois, les habitants continuent de vieillir – même si les arrivées amoindrissent ces chiffres. Les migrations et le vieillissement de la population accompagnent ensemble le rétrécissement des petites villes.

222   Cazi E. « Paris perd des habitants au profit de sa périphérie », Le Monde, publié le 27 octobre 2020, disponible sur <www.lemonde.fr/economie/article/2020/10/27/paris-perd-des-habitants-au-profit-de-sa-peripherie_6057522_3234.html> ; site consulté le 11 février 2021. 223   Ibid. 224   Commission européenne (2012), op.cit. p. 7.

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46. Géographie du vieillissement en France

Observatoire des territoires, Géographie du vieillissement en France, publié en 2017, disponible sur <www.observatoiredes-territoires.gouv.fr/visiotheque/2017-vieillissement-geographie-du-vieillissement-en-france> ; site consulté le 17 février 2021.

Guben compte aujourd’hui environ 20 000 habitants avec une population vieillissante - l’âge médian passera de 55,6 à 62,8 ans d’ici 2030. La ville comptait deux fois plus d’habitants au milieu des années 1980. Cette désertification s’exprime spatialement par un quart des appartements de la société immobilière régionale vides et 1 300 appartements démolis. Le centre historique de la ville a disparu, envahi par la Pologne après la guerre. La ville a aujourd’hui peu d’espoir pour son avenir, elle voit disparaitre son patrimoine historique sous ses yeux, balayé par les machines de démolition. Le maire, Fred Mahro (Christlich Demokratische Union), met en œuvre tous les moyens pour faire revenir des habitants et ainsi raviver la flamme de sa ville. Les réseaux sociaux sont sa nouvelle arme pour rester en contact avec les « personnes perdues ». L’arrivée de 145 réfugiés, majoritairement syriens, donne espoir à l’élu local. Tous les moyens sont bons pour inverser la courbe de la décroissance démographique. Ces méthodes pour faire « rajeunir » la population des aires urbaines dites en déclin ne sont pas propres à Guben suite à l’annonce d’un déclin démographique considérable d’ici 2060 – le pays estime une perte de douze millions de personnes selon les prévisions de l’Office fédéral de la statistique225. Les États tentent de solliciter les villages et campagnes pour accueillir des migrants et ainsi réduire les tensions exercées sur les territoires urbains. Malgré les incitations des pouvoirs publics, c’est aux communes rurales qu’il appartient de relever le défi de la cohabitation entre les nouveaux arrivants et les habitants déjà présents226. 225   Fank-Landkammer B., « Weniger, älter und bunter », Caritas Allemagne, publié 17 mars 2016, disponible sur <www. caritas.de/magazin/kampagne/stadt-land-zukunft/kampagne/hintergrund/> ; site consulté le 1er février 2020. 226   Courtecuisse C., « L’accueil des migrants en milieu rural ; une « orientation directive » pour combler les discontinuités territoriales ? », Hypothèses, publié le 25 juin 2018, disponible sur <discontinu.hypotheses.org/laccueil-des-migrants-en-milieurural-une-orientation-directive-pour-combler-les-discontinuites-territoriales> ; site consulté le 3 février 2021.

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47. Taux de vieillissement en Allemagne, au niveau du district, en 2017

48. Amin Akhtar, « Un bâtiment préfabriqué à Guben, Branenburg, à la frontière avec la Polande » in « Das Sterben einer Stadt am äußersten Rand », Welt, publié le 29 août 2015

publié en 2017, disponible sur www.bib.bund. de/DE/Fakten/Fakt/B67-Altenquotient-Kreise.

49. Amin Akhtar, « Un bâtiment préfabriqué à Guben, Branenburg, à la frontière avec la Polande » in « Das Sterben einer Stadt am äußersten Rand », Welt, publié le 29 août 2015

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Le déclin démographique – l’isolement L’isolement des personnes âgées est l’une des résultantes du déclin démographique. Avec 41 millions d’européens qui se sentent en permanence seuls, la solitude reste un sujet tabou – beaucoup d’entre eux trouvent cela embarrassant227. C’est pourquoi le sujet est peu abordé par les politiques contrairement aux études statistiques à l’échelle nationale, aux écrits scientifiques et aux articles de presse. La difficulté à caractériser et à quantifier ce sentiment de solitude rend le phénomène difficile à mesurer. Dans un article de Katapult intitulé « Die Unsichtbaren » (l’invisible)228, la journaliste Eva Pasch différencie la solitude du fait d’être seul. En effet, le décompte des interactions sociales et de leur fréquence n’est pas suffisant pour mesurer la solitude puisque certains se sentent seuls malgré un grand nombre d’interactions sociales. En ce qui concerne l’Allemagne, huit millions d’allemands se sentent souvent ou tout le temps seuls, d’après une étude récente réalisée par l’Institut pour l’Économie Allemande. Ce chiffre a augmenté en comparaison de l’étude menée en 2013, particulièrement chez les jeunes adultes. Le lien entre la solitude et la localisation sur le territoire devient intéressante. La région, la municipalité ainsi que le quartier ont une influence sur ce ressenti. Une équipe formée par des universitaires des Universités de Bochum, Mannheim et Cambridge ont mis en avant ces résultats dans une étude où ils déterminent et examinent la distribution régionale de la solitude en Allemagne229. Le sentiment de solitude et donc l’isolement est plus prégnant dans les régions isolées, il en est de même pour les résidences situées à plus de 20 minutes à pied d’un parc public ou d’un lieu de sociabilités. Toutefois, la densité de population d’une région – et donc le nombre d’interactions sociales – n’influe pas sur ces chiffres. Les régions où l’isolement se propage correspondent tout de même aux régions où le vieillissement de la population est le plus important et aux « villes rétrécissantes ». 50. La solitude en Allemagne

51. La croissance et le rétrécissement

Pasch E. « La solitude en Allemagne (Einsamkeit in Deutschland) », Katapult, publié le 27 août 2020, disponible sur <katapult-magazin.de/de/artikel/artikel/ fulltext/die-unsichtbaren/> ; site consulté le 10 février 2021.

51. Müller B. (1936), “Croissance et rétrécissement des municipalités en Allemagne (1990-1999)”, op. cit.

227   Pasch E. “Die Unsichtbaren”, Katapult, publié le 27 août 2020, disponible sur <katapult-magazin.de/de/artikel/artikel/ fulltext/die-unsichtbaren/> ; site consulté le 10 février 2021. 228   Ibid. 229   Buecker S., Ebert T. et al. (2020), “In a Lonely Place: Investigating Regional Differences in Loneliness”, Sage journals, publié le 10 avril 2020.

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En France, l’isolement concerne particulièrement les personnes âgées souvent dans l’incapacité de conduire un véhicule. Cet isolement spatial est donc corrélé au vieillissement de la population. Les périphéries des grandes villes et les petites villes, soumises à des enjeux de vieillissement rapide, seront bientôt liées à « un urbanisme inadapté à une population âgée »230. Sur ces territoires, la densité du bâti est souvent faible et les services souvent loin ce qui rend les distances difficiles à parcourir pour les personnes âgées, et amplifie leur isolement. « La solitude des personnes âgées est plus grande dans les petites villes et les quartiers ‘sensibles’ »231 ou encore « les plus de 60 ans se sentent plus seuls dans les quartiers et les petites villes »232 écrit Le Parisien en 2019. L’article commence par souligner les inégalités territoriales, « selon l’endroit où l’on vit, on n’est pas égaux devant la solitude quand on vieillit ». L’article s’appuie sur une étude menée par l’association les Petits Frères des Pauvres auprès d’un échantillon représentatif de 1 503 personnes âgées de 60 ans et plus. D’après cette étude, 31% de ces personnes se trouvent dans les petites agglomérations de 2 000 à 20 000 habitants233. En zone rurale, même si les solidarités sont fortes, le manque de services du quotidien et de transports renforce l’isolement. La chercheuse Isabelle Mallon, qui s’intéresse au vieillissement et aux dimensions spatiales de la vie sociale utilise l’expression de « rétrécissement des sociabilités avec l’avancée en âge » pour parler de l’isolement relationnel234. Depuis ces dix dernières années, la recherche sur l’ampleur du vieillissement et la nécessité d’adapter les espaces territoriaux aux personnes âgées s’est développée. Toutefois, ces travaux se réalisent surtout « sous le prisme du vieillissement et accordent peu de place à l’isolement et à ses impacts sur notre société »235.

52. AFP/Olivier Morin dans « Les plus de 60 ans se sentent plus seuls dans les quartiers et les petites villes », Le Parisien, publié le 29 septembre 2019.

230   De Lepasse B. (2018), Le vieillissement de la population et ses enjeux, Fiche d’analyse de l’Observatoire des territoires, Observatoires des territoires, cget, disponible sur <www.cnisam.fr/IMG/pdf/fiche-ot-vieillissement_population_170118.pdf> ; site consulté le 10 février 2021. 231   « La solitude des personnes âgées plus grande dans les petites villes et les quartiers ‘sensibles’ », 20 Minutes, publié le 29 septembre 2019, disponible sur <www.20minutes.fr/societe/2615875-20190929-solitude-personnes-agees-plus-grande-petitesvilles-quartiers-sensibles> ; site consulté le 10 février 2021. 232   J. Cl., « Les plus de 60 ans se sentent plus seuls dans les quartiers et les petites villes », Le Parisien, publié le 29 septembre 2019, disponible sur <www.leparisien.fr/societe/les-plus-de-60-ans-se-sentent-plus-seuls-dans-les-quartiers-et-les-petitesvilles-29-09-2019-8162211.php> ; site consulté le 10 février 2021. 233   « Milieu rural ou urbain : contre l’isolement des personnes âgées dans les territoires », Petits Frères des Pauvres, publié le 29 septembre 2019, disponible sur <www.petitsfreresdespauvres.fr/informer/prises-de-positions/milieu-rural-ou-urbain-contrel-isolement-des-personnes-agees-dans-les-territoires> ; site consulté le 10 février 2021. 234   Solitude et isolement des personnes âgées en France, quels liens avec les territoires ? (2019), Rapport petits frères des pauvres, p. 14, disponible sur <www.petitsfreresdespauvres.fr/media/987/download/2019_09_29_solitude_isolement_ personnes_agees_territoires_PFP_BD-def.pdf?v=1&inline=1> ; site consulté le 10 février 2021. 235   Ibid, p. 16.

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La crise liée au Covid-19 et les mesures restrictives qui l’accompagnent ont accentué l’isolement. Une étude menée suite au déconfinement montre que l’isolement des personnes âgées n’est pas le même sur tout le territoire mais surtout que « les principales démarches répondant à Carte 1 - Indicateur de prédisposition territoriale aux situations d'isolement des pe cet enjeu se sont déployées de manière hétérogène, mettant à nu des zones de fragilité alors qu’il conviendrait d’y répondre de manière permanente et équitable »236. Les zones les plus touchées sont les régions Centre-Val de Loire, de la Bourgogne-Franche-Comté et de la NouvelleAquitaine ainsi que les quartiers prioritaires de la politique de la ville. La pandémie n’a donc fait qu’accentuer la situation déjà présente auparavant. L’étude montre que les services venant en aide aux personnes isolées sont moins présents sur les territoires des intercommunalités rurales et périurbaines éloignées. Les petites villes et communes rurales, c’est-à-dire là où l’isolement Carte 1 - Indicateur de prédisposition territoriale aux situations d'isolement des personnes âgées (domicile) est le plus important, bénéficient de moins d’aides de la part de l’État. Le discours de l’isolement ne fait que s’accentuer dans les « villes rétrécissantes ».

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55. Indicateur de prédisposition territoriale aux situations d’isolement des personnes âgées

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54. Couverture nationale des L’indicateur des prédispositions aux situations d’isolement des personnes âgées oscille janvier 2018, l’indica entre 1 et 10. Calculé pour l’ensemble des intercommunalités au 1 démarches de lutte contre s’appuie sur les variables suivantes (selon le poids statistique accordé) : le pourcen l’isolement des personnes âgéesteur tage de personnes de 65 et plus vivant seules (Insee 2017) ; le score de fragilité socio-éco Méthodologie

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nomique des retraités (CARSAT 2018) ; l’indicateur d’éloignement familial (Blanchet 2017) ; le pourcentage de retraités récemment installés (Insee 2017) ; le pourcentage de personnes de 65 ans et plus résidant dans une commune dépourvue de commerces alimentaires et de bureau/relais de poste (Insee 2017) ; le niveau de couverture 4G des intercommunalités (ARCEP 2018). L’indicateur est produit selon la méthode d’analyse hiérarchique multicritères développée par le mathématicien Thomas Saaty (1980). Cette méthode se décompose en cinq temps : la sélection des variables décisives dans le processus observé ; la hiérarchisation (à l’aide d’un coefficient octroyant un poids plus important au fait de vivre seul et au score de fragilité socio-économique des retraités) ; la discrétisation (en 8 classes et selon l’écart-type) des distributions statistiques (pour chaque variable et en fonction des intercommunalités) ; la pondération (en fonction du coefficient déterminé lors de la deuxième phase) ; l’agrégation (addition des coeffi cients pour aboutir à un indicateur qui oscille entre 1 et 10).

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236   Blanchet M., Knapp-Ziller N., Artaud E., Berrut G. (2020), L’isolement des personnes âgées à l’heure du déconfinement, Quelles perspectives territoriales ? Gérontopôle, Région Pays de la Loire, p. 4, disponible sur <www.pays-de-la-loire.ars.sante. fr/system/files/2020-05/Gerontopole%20-%20Isolement%20PA%20deconfinement.pdf> ; site consulté le 10 février 2021.

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L’indicateur des prédispositions aux situations entre 1 et 10. Calculé pour l’ensemble des inte teur s’appuie sur les variables suivantes (selon tage de personnes de 65 et plus vivant seules (I nomique des retraités (CARSAT 2018) ; l’ind 2017) ; le pourcentage de retraités récemment personnes de 65 ans et plus résidant dans un alimentaires et de bureau/relais de poste (Inse intercommunalités (ARCEP 2018). L’indicateur hiérarchique multicritères développée par le m méthode se décompose en cinq temps : la processus observé ; la hiérarchisation (à l’aide important au fait de vivre seul et au score de f la discrétisation (en 8 classes et selon l’écartchaque variable et en fonction des intercomm coefficient déterminé lors de la deuxième p cients pour aboutir à un indicateur qui oscille e


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de" Intercommunalités où l’indicateur de prédispositions aux situations d’isolement est supérieur à 6 et dépourvues de démarches MonaLisa, RFVAA et de Chartes de solidarité avec les aînés

Blanchet M., Knapp-Ziller N., Artaud E., Berrut G. (2020), L’isolement des personnes âgées à l’heure du déconfinement, Quelles perspectives territoriales ? Gérontopôle, Région Pays de la Loire, p. 8-9-11.

54. Source : Christian Schoppe dans, Weniger, älter und bunter, “Caritas Allemagne”, publié 17 mars 2016

Traduction : Voici l’idylle à la maison. Mais sinon, plus personne.

Une autre affiche de la campagne de Caritas montre la photographie d’une maisonnette qui symbolise « l’idylle du village », la douce vie à la campagne. Toutefois, la silhouette courbée d’un homme âgé illustre la désertion du village par ses habitants et laisse un goût amer. Dans chacune de ces affiches – réparties entre les différents chapitres de cette – le slogan s’articule entre un début de phrase positif puis son contrepied beaucoup moins favorable. Dans les esprits, la chaumière au milieu du village incarne la nostalgie de la campagne, les vacances à la ferme, le weekend chez les grands-parents mais ce récit fantasmé prend fin par une réalité beaucoup plus rude. La campagne de Caritas, par cette illustration met le doigt sur la perte importante de population qui touche les campagnes allemandes mais aussi sur le vieillissement et l’isolement de « ceux qui restent ».

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Le déclin des services Nous avons pu observer que la diminution ou l’absence de services accentue fortement l’isolement des personnes âgées dans les petites villes en rétrécissement et peut également entrainer le départ d’une population plus jeune. Encore une fois, les affiches de Caritas sonnent juste. Le manque de transports publics sur les territoires ruraux accentue l’isolement des villages et petites communes. Dominique Dhumaux, vice-président de l’Association des maires ruraux de France disait en juillet 2019 que « le milieu rural finance 30% de la politique du transport, or, ce milieu n’utilise jamais les transports publics car il n’a pas d’alternative à la voiture »237. L’étude menée par l’Autorité de la qualité de service dans les transports (AQST) livre des conclusions similaires aux déclarations de l’élu. En partant du postulat que toutes les communes ne se trouvant pas dans un milieu urbain sont considérées comme étant dans une zone rurale et en se basant sur les offres de transports publics existant en France, en Espagne et en Allemagne, « l’étude montre le retard de notre pays sur ses voisins, surtout pour les petits déplacements »238. Les élus dénoncent la pauvreté des réseaux de transports publics sur ces territoires, ce qui entraîne le départ des populations jeunes pour d’autres villes mieux équipées. Les résultats de l’étude montrent que pour « rejoindre une ville située à moins de 50 km d’une zone rurale par un autre moyen de transport que la voiture est un défi. Sur cette distance, la part du réseau avec une offre de transport en commun est de 50 %, dont seulement 20 % par voie ferrée selon l’étude »239. Même si l’affiche de Caritas fait état du même problème en Allemagne, la situation est difficilement comparable – en zone rurale, la navette passe en moyenne quatre fois plus outreRhin. Sans voiture, rejoindre les petites villes françaises situées en couronne d’agglomération s’avère être un parcours du combattant. Il faut souvent prendre plusieurs moyens de transports sur des durées très longues. La chaine de télévision LCI en septembre 2018 porte un regard encore plus critique sur la situation avec son titre « Transports en commun : la galère dans les petites villes ». Le désintérêt que portent les pouvoirs publics sur les services de transports en commun dans les petites agglomérations sont à l’origine de leur état défectueux clame le journaliste240.

55. Christian Schoppe dans, Weniger, älter

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“Caritas

Allemagne”, publié 17 mars 2016.

Traduction : Si vous aimez la terre, vous ne pouvez pas y échapper. Du moins pas en bus.

237   Albert F. “Zones rurales. Sans voiture, rejoindre la ville est un véritable casse-tête », Ouest France, publié le 9 août 2019, disponible sur <www.ouest-france.fr/societe/zones-rurales-sans-voiture-rejoindre-la-ville-est-un-veritable-cassetete-6474384/> ; site consulté le 10 février 2021. 238   Ibid. 239   Ibid. 240   « Transports en commun : la galère dans les petites villes », LCI, publié le 23 septembre 2018, disponible sur <www.lci.fr/ social/transports-en-commun-la-galere-dans-les-petites-villes-2099302.html> ; site consulté le 10 février 2021.

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Les élus des petites villes, au sein d’associations, se battent pour la survie de leurs petites villes. Que ce soit l’Association des Petites Villes de France (APVF)241, l’Association des circonscriptions communales allemandes (Deutscher Landkreistag, DLT)242, la Fédération allemande des villes et des communes (Deutscher Städte- und gemeindebung, DStGB)243 ou encore la Confédération des Petites Villes de l’Union Européenne (Confederation of Town and Municipalities of Europe, CTME)244, toutes se battent pour conserver, augmenter les moyens financiers et les fonctions des petites villes. Le réseau européen des petites villes a créé l’APVF en novembre 2007 suites aux premières rencontres européennes des petites villes à Bordeaux. L’Association s’est construite sur le récit du déclin afin d’apporter des réponses à l’échelle européenne. Ce réseau est devenu un interlocuteur légitime pour faire valoir les valeurs de ces territoires. Les réseaux des petites villes françaises et allemandes sont partenaires de cette union. À travers différents communiqués de presse, l’Association critique la diminution des moyens financiers depuis 2009 dédiés au développement des petites villes. Dans le domaine de la santé, la fermeture de près de 200 blocs opératoires situés principalement dans les petites villes a causé une forte concentration et le regroupement des structures hospitalières245. L’examen des communiqués de presse de l’APVF permet de comprendre l’évolution la situation des petites villes depuis sa création. En 2009, elle rappelait l’importance d’une politique de cohésion européenne multi-niveaux qui implique les institutions européennes, les États, les régions et les villes. Elle critiquait fortement le projet sur la réforme du budget communautaire publié par la CE. « Ce texte néglige la réalité du développement territorial, et demande à la Commission européenne une réorientation de sa stratégie budgétaire. La compétitivité régionale, articulée dans la stratégie de Lisbonne, ne peut être une excuse pour réduire la politique de cohésion européenne à une politique de redistribution destinée uniquement aux régions désavantagées. Les petites villes, en tant que base arrière de la compétitivité, doivent être appuyées dans leur stratégie de développement et de cohésion territoriale et à cette fin, l’APVF souhaite que le budget de l’Union Européenne ne néglige pas la dimension infranationale246». Concernant l’action de l’État, l’APVF s’inquiète depuis plusieurs années de l’absence de politiques volontaristes d’aménagement du territoire et de l’aggravation de la fracture territoriale247. Le 241   L’APVF existe depuis 1990, formée par les représentants des petites villes de 2 500 à 25 000 habitants, pour promouvoir leur rôle spécifique dans l’aménagement du territoire. L’association compte aujourd’hui près de 1 200 adhérents, présents dans tous les départements de France métropolitaine et d’outre-mer. L’association est reconnue au niveau national permettant de faire reconnaitre le poids des petites villes sur la scène politique. <www.apvf.asso.fr/lapvf/a-propos-de-lapvf/> ; site consulté le 3 février 2021. 242   La DLT est une union formée par 294 circonscriptions au niveau fédéral. Elle représente trois quarts des autorités municipales, environ 96% du territoire et 55 millions d’habitants, c’est-à-dire 68% de la population allemande. L’association défend les intérêts des circonscriptions communales allemandes envers la Fédération et les Länder. Elle conseille le Bundestag et le Bundesrat en matière législative et favorise la communication entre les circonscriptions. <www.landkreistag.de/> ; site consulté le 3 février 2021. 243   La DStGB établit le contact avec le Bundestag, le gouvernement fédéral ou le Parlement européen. Plus de 11 000 villes et communes sont représentées au sein de cette fédération. <www.dstgb.de/dstgb/Homepage//> ; site consulté le 3 février 2021. 244   Créée en 2007, La Confédération des Petites villes de l’Union européenne regroupe les villes et municipalités de 5 États membres (France, Allemagne, Italie, Roumanie, Hongrie). Elle représente plus de 130 millions de citoyens dans plus de 25 000 communes. La confédération tente d’apporter des éléments de réponses pour l’avenir des petites villes à l’échelle européenne. <www.apvf.asso.fr/lapvf/la-confederation-des-petites-villes-de-lunion-europeenne/> ; site consulté le 3 février 2021. 245   APVF, Communiqué de Presse disponible sur <www.apvf.asso.fr/communique_presse/communique-de-presse-7/> ; site consulté le 5 février 2021. 246   APVF, Communiqué de Presse disponible sur <www.apvf.asso.fr/communique_presse/communique-de-presse-6/> ; site consulté le 5 février 2021. 247   L’association souhaite que ce changement de nom se traduise très concrètement par une redéfinition des priorités de

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déclin se caractérise également par le retrait des acteurs et une désertification des actions de l’État comme nous avons pu le voir. L’association constate qu’après les restructurations hospitalières, la réforme de la carte militaire, le redéploiement des effectifs de police et de gendarmerie, que le mot « réforme » signifie « suppression » ou « disparition » de services publics dans les petites villes.248

56. « Secours Catholique – Campagne Municipales 2020 » ; <www.catherineguare.com/book> ; site consulté le 10 février 2021.

57. Christian Schoppe dans, « Weniger, älter und bunter », Caritas Allemagne, publié 17 mars 2016. Traduction : Le stress est loin d’ici. Tout comme le médecin le plus proche.

Le Secours Catholique-Caritas France a également développé une campagne pour les municipales de 2020. Une de leur affiche met l’accent sur le besoin de développer les services publics à la « campagne » afin de sensibiliser le grand public à cette problématique. Le manque de médecins et de services de santé est l’un des symptômes du déclin des services dans les petites villes en France comme en Allemagne. Les médecins ont de plus en plus de mal à trouver un successeur, notamment par le manque d’infrastructures sur ces territoires en déclin – les campagnes et petites villes ne sont pas assez attractives. La situation est assez importante puisque la moitié des médecins dans la région de la côte Nord de l’Allemagne seront à la retraite dans les années à venir, se faisant l’écho de cette situation, les acteurs politiques, les associations d’élus et la presse soulèvent davantage la question du déclin des services, notamment par le biais de campagnes de communication.

l’action de l’État dans les territoires. La cohésion territoriale, le soutien aux territoires les plus fragiles et la présence et l’accès aux services publics doivent être désormais des objectifs clairement affichés au-delà de toutes les actions visant à soutenir la compétitivité, telles que définies par la stratégie de Lisbonne. APVF, Communiqué de Presse disponible sur <www.apvf.asso.fr/ communique_presse/communique-de-presse-3/> ; site consulté le 5 février 2021. 248   APVF, Communiqué de Presse disponible sur <www.apvf.asso.fr/communique_presse/communique-de-presse-13/>/> ; site consulté le 5 février 2021.

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58. Nombre d’habitants par omnipraticien en France

« Nombre d’habitants par omnipraticien », Kel quartier, publié le 24 novembre 2011, disponible sur <www. lequotidiendumedecin.fr/ archives/deserts-medicaux-lacarte-de-france-des-medecins> ; site consulté le 17 février 2021.

59. Médecins généralistes par habitant en Allemagne

« Médecins généralistes par habitant (Hausärzte je Einwohner) », KVB, disponible sur <www.landatlas.de/ wohnen/ambulanteaerzte.html> ; site consulté le 17 février 2021. Médecin à domicile par habitant Moins de 54,6 médecins 54,6 - 58,9 58,9 - 62,4 62,4 - 66,3 66,3 et plus

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Le déclin de la ruralité dans les discours du politique Le déclin du monde rural a débuté avec l’industrialisation de l’économie agraire. La reconversion de l’industrie a transformé les pratiques sociales autour de la terre avec la mécanisation puis la professionnalisation progressive de l’agriculture. Le fossé entre les pratiques ouvrières et agricoles a métamorphosé les paysages ruraux. Le déclin se matérialise par les anciens corps de fermes inhabités et les coopératives agricoles laissées à l’abandon. Le discours du politique sur le déclin du monde rural existe depuis les années 1950 en France – avec un contexte national différent de celui d’aujourd’hui. En 1958, le discours sur l’aménagement du territoire n’opposait pas les petites villes dites périphériques aux grands centres urbains mais la capitale parisienne au reste du territoire, mettant en lumière un déséquilibre flagrant dans la répartition des richesses de la population de l’époque. Nous retrouvons régulièrement les propos employés par JeanFrançois Gravier dans son livre intitulé Le désert français. À ce moment, le discours du politique désigne la « mort lente » d’une campagne désertée par ses habitants partis pour la grande ville. La rupture traditionnelle entre ville et campagne est à son apogée. Dans un entretien dirigé par Pierre Sabbagh le 13 novembre 1958, Pierre Sudreau, ministre de la construction utilise un vocabulaire assez violent pour caractériser le déclin de la campagne avec ses villes qui s’hypertrophient249. Il désigne les villages comme des « zones de mort lente »250. Le déclin des villages s’explique par la surpuissance de Paris. La France est « un pays avec une tête trop lourde pour un corps débile »251 dit-il en parlant de la désertification intellectuelle vers Paris. Il existe un complexe d’infériorité entre ces territoires. Chaque village devient un pays sans avenir et sans espoir pour ses habitants. C’est par le discours alarmiste d’un pays malade, toutefois caractérisé par une croissance remarquable de sa jeune population, que le gouvernement partage ses inquiétudes sur le sort des campagnes. La CE dans un rapport sur la petite ville européenne a imaginé trois scénarios pour la petite ville européenne isolée et son environnement en 2050. Même s’il ne s’agit ici que de scénarios et non d’une réalité fatale, la CE partage son regard sur la situation actuelle et à venir des petites aires européennes. Le premier scénario est celui d’un déclin inéluctable. Un écart de compétitivité se creuse entre l’Union Européenne, les États-Unis à moyen terme et avec la Chine à long terme. Ce schéma multipolaire a de fortes répercussions sur l’organisation de l’Europe, avec notamment un vieillissement démographique sans réponse, engendrant une instabilité économique. La dépendance énergétique ne fait que s’accroitre. Le modèle économique à grande échelle accentue l’échelle plus locale, la fracture entre l’intérieur des régions et sa périphérie industrielle, rurale et résidentielle252. C’est alors que les petites villes entrent dans un cercle infernal de déclin sans issue – vieillissement de la population, perte d’habitants, disparition des services publics et des investissements privés. Les commerces et entreprises privées ferment les unes après les autres, affaiblissant la valeur des biens immobiliers. Seules les petites villes entourées d’une zone rurale dynamique, organisées autour d’une industrie innovante ou ayant une situation géographique exceptionnelle, celles ayant misées sur une économie résidentielle

249   Ina, Entretien avec Pierre Sudreau, ministre de la construction : l’aménagement du territoire, Radiodiffusion télévision française, 33’, 13 novembre 1958, disponible sur <ina.fr/video/CPF86635168/entretien-avec-pierre-sudreau-ministre-de-laconstruction-l-amenagement-du-territoire-video.html> ; site consulté le 18 janvier 2021. 250   Ibid. 251   Ibid. 252   Commission européenne, citant Guilluy (2011), op. cit. p. 28.

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ou présentielle résisteront jusqu’en 2030253 - grâce aux financements de la politique de cohésion européenne. Toutefois, la faillite des systèmes de retraite en 2050 annonce une Europe vieillissante et mourante. Le deuxième scénario n’est pas plus optimiste concernant le devenir des petites villes. La décroissance économique de l’Europe, accompagnée de l’insécurité mondiale (causée par le développement du terrorisme) annonce un déclin progressif. De ce fait, l’influence politique de l’UE diminue, tout comme ses moyens d’actions pour lutter contre les problèmes sociaux. Uniquement les petites villes proches d’une des rares régions dynamiques, ou disposant d’une ressource, d’un patrimoine ou d’une situation géographique exceptionnels pourraient s’en sortir. Toutefois, la majorité d’entre elles devront faire face à des enjeux économiques engendrés par l’instabilité mondiale et perdront la maîtrise de leurs services publics. Les défis qu’elles connaissent aujourd’hui seront d’autant plus prononcés. Le dernier scénario se déroule dans un monde où la sécurité mondiale est devenue réalité, la loi est respectée. Les petites villes pourraient alors envisager un développement économique stable malgré un vieillissement de la population. Les financements publics permettraient leur autonomie pour le traitement des déchets et le recyclage des eaux usées. Les emplois qualifiés augmenteraient tandis que les emplois peu qualifiés diminueraient permettant aux petites villes de former cette main d’œuvre qualifiée. La stabilité de l’UE permettra de clarifier le système de gouvernance jusqu’au niveau local. Ces trois scénarios laissent en fin de compte peu d’espoir aux petites villes qui semblent être les plus sensibles aux changements et à l’instabilité économique mondiale. Les deux premiers scénarios sont ceux d’un déclin absolu, vouant la petite ville à disparaître. Seul le troisième scénario idéaliste – difficile à envisager dans un avenir proche – promet un avenir paisible aux petites villes. La petite ville et les récits du déclin sont encore liés à l’avenir.

L’État propose un discours différent de celui des partisans de la petite ville. Nous allons à présent examiner les discours des ministres de l’aménagement du territoire au sein des différents gouvernements de la Ve République pour comprendre la trajectoire du déclin du monde rural dans le discours du politique. Pierre Sudreau dans son entretien du 13 novembre 1958 explique le rôle de l’aménagement du territoire et donne ses objectifs au peuple français : diminuer le contraste dramatique entre le village, « zone de mort lente », et la concentration Parisienne et tenter de rénover et de mieux répartir sur notre sol les ressources humaines, matérielles et financières. « C’est donner ses chances à chaque communauté locale pour enrichir la nation » dit Jean-François Gravier. La France est malade, selon le ministre, « chaque village devient un pays sans avenir et sans espoir pour ses habitants »254. Ces fractures territoriales se traduisaient par un complexe d’infériorité entre les paysans et les ouvriers dans leur banlieue. Le déclin des campagnes est une cicatrice profonde qui demande un soutien important de l’État. Charles Pasqua sous Mitterrand (1981-1995) au Sénat, le 18 mai 1993, dans la politique du gouvernement en matière d’aménagement du territoire traite du problème de la désertification des campagnes. Le problème continuera d’être abordé au sein de l’action politique sous Jacques Chirac (1995-2007). Nicolas Sarkozy, dans un discours en décembre 2005, s’inquiète des zones 253   Ibid, citant Davezies (2008), p. 28. 254   Ina, Entretien avec Pierre Sudreau, ministre de la construction : l’aménagement du territoire, Radiodiffusion télévision française, 33’, 13 novembre 1958, disponible sur <ina.fr/video/CPF86635168/entretien-avec-pierre-sudreau-ministre-de-laconstruction-l-amenagement-du-territoire-video.html> ; site consulté le 2 février 2021.

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rurales périurbaines qui pourraient devenir « les cités de demain »255. Il faut selon lui rompre avec les schémas du passé pour offrir de nouvelles possibilités à ces territoires. Depuis 2011, plusieurs mécanismes se sont mis en place afin d’établir une péréquation plus juste et plus efficace des ressources entre collectivités territoriales. Il existe toujours en France l’idéologie de l’égalité des territoires et la volonté de renforcer la solidarité entre les territoires par les finances publiques. Nicolas Sarkozy s’exprime sur les territoires ruraux un peu plus tôt dans l’année 2005. Selon le ministre, « certains territoires ruraux ne cessent depuis quelques années de regagner en population et en activité. A l’inverse, d’autres continuent à perdre des habitants et des emplois, et vivent désormais dans l’angoisse de la désertification et de l’isolement »256. Il ne s’agit pas d’une fatalité, c’est pourquoi l’aménagement du territoire c’est deux choses selon lui : donner à tous les territoires et à ceux qui y vivent les moyens de réussir à se développer et garantir la justice entre les territoires – la République doit leur offrir l’égalité des chances. Le terme de déclin n’est pas ouvertement employé malgré le constat d’une désertification. Le ministre admet tout de même un déclin concernant l’offre des services publics dans les communes dites rurales (services postaux, accès aux soins, transports, éducation). Jamais l’idée de décroissance n’apparaît dans les propos du ministre – en termes économiques, on parlera d’une « évolution des emplois » pour ne pas dire une montée du privé et la disparition des emplois publics. Finalement, ces territoires sont loin d’être qualifiés comme en déclin par le gouvernement puisque l’exode rural est terminé depuis bientôt quinze ans : entre 1990 et 1999, 410 000 personnes se sont installées dans ces communes rurales non périurbaines dont 110 000 personnes dans des communes isolées. « Cela prouve que vos territoires ont une attractivité certaine ». Le discours est donc beaucoup plus mitigé que celui des années 1950 – il s’agit plus ici d’un handicap. En ce qui concerne les élus locaux, le déclin est présent – ils en ressentent fortement les effets sur le développement de leur territoire. Les petites villes et bourgs-centres gravitant autour d’une petite industrie locale ont vu cesser leur activité suite à la délocalisation de l’entreprise communale. Les élus des petites communes rurales se sentent impuissants. Cette décroissance des campagnes – tendance mondiale – donne l’impression d’une indifférence générale. Certains espèrent des coopérations et des actions solidaires tandis que d’autres voient une issue de secours avec la construction de nouvelles infrastructures de transports257. L’opposition ville-campagne a longtemps porté préjudice aux territoires ruraux pensés en marge. On parlait même de « l’homme des campagnes relié au monde par le téléphone, par la presse, l’homme des campagnes est un homme comme les autres et peut se déplacer grâce à la voiture »258. Avec un tel discours, il n’est pas surprenant que les campagnes soient encore aujourd’hui les moins développées. Dans son ouvrage La revanche des villages, Éric Charmes dénonce l’opposition entre la richesse des villes et la pauvreté des campagnes dans le discours des politiques. Il cite les propos 255   Vie publique, « Déclaration de M. Nicolas Sarkozy, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire, sur l’aménagement des villes et des quartiers et sur ses propositions pour prévenir la délinquance, Paris le 9 décembre 2005 », 27 février 2008, disponible sur < https://www.vie-publique.fr/discours/159855-declaration-de-m-nicolas-sarkozy-ministre-delinterieur-et-de-lamena> ; site consulté le 18 janvier 2021. 256   Ministre de l’intérieur, « Les services publics en milieu rural », 20 juin 2005, disponible sur <interieur.gouv.fr/Archives/ Archives-ministres-de-l-Interieur/Archives-de-Nicolas-Sarkozy-2005-2007/Interventions/30.06.2005-Les-services-publics-enmilieu-rural> ; site consulté le 18 janvier 2021. 257   Interview Yvon Beruchon, maire de la Chapelle Saint Ursin (18). 258   Ina, Entretien avec Pierre Sudreau, ministre de la construction : l’aménagement du territoire, Radiodiffusion télévision française, 33’, 13 novembre 1958, disponible sur <ina.fr/video/CPF86635168/entretien-avec-pierre-sudreau-ministre-de-laconstruction-l-amenagement-du-territoire-video.html> ; site consulté le 18 janvier 2021.

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d’un élu de centre droit (qui exerce des responsabilités importantes dans des associations de maires, 7 juin 2017) pour illustrer ses propos : « Il y a urgence aujourd’hui à faire de la ruralité une priorité de l’action publique et un sujet central du débat public. Si nous ne voulons pas voir s’agrandir le clivage entre la “France du haut” et la “France du bas”, entre les villes gagnantes de la mondialisation et les territoires ruraux qui souvent la subissent »259. On retrouve cette image de l’opposition entre la France des villes et la France des campagnes qui selon Éric Charmes est très éloignée de la réalité. Ce décalage entre le discours et les observations a malencontreusement des répercussions sur la compréhension des véritables inégalités territoriales. « Après un exode rural qui a laissé les campagnes exsangues au profit des villes, la périurbanisation offre une revanche aux villages »260. Le déclin de la ruralité semble être davantage douloureux en France dans les discours des élus et politiques.

Le discours du déclin économique et des emplois des campagnes Le discours du déclin économique des petites villes à l’échelle européenne est moins fataliste. La performance économique au sens du traité de Lisbonne, c’est-à-dire basée sur la croissance du PIB local, PIB par habitant et par le taux d’emploi, ne semble pas liée à la taille des villes261. Les villes de moins de 100 000 habitants – considérées comme petites villes à cette échelle – connaissent une croissance de leur PIB supérieure à celle des villes dites moyennes (10 000 à 250 000 habitants). La CE affirme ainsi que la performance économique des petites villes ne semble pas être liée à leur taille mais plutôt aux caractéristiques de leur tissu productif, le dynamisme économique de la région et la proximité avec une ville elle-même dynamique262. Lors de la première moitié du XXe siècle, les petites villes sont progressivement passées d’une croissance liée aux activités agricoles, à un développement lié à l’industrie, aux transports et à l’administration. Jusque dans les années 1980 la croissance reposait sur la production de masse et les économies d’échelle avant que les usines se déplacent vers la périphérie. Les petites villes ne disposant d’aucune infrastructure et d’économie d’échelle, peuvent plus facilement « dynamiser leur croissance grâce à une spécialisation » affirme la CE263. Toutefois, ce développement n’est pas la norme. La désindustrialisation a fortement affecté les petites villes qui n’ont pas su se reconvertir dans d’autres domaines, avec des infrastructures non adaptées et vieillissantes. La spécialisation économique de certaines petites villes a annoncé leur « mort lente ». À présent, les petites villes en déclin connaissent des difficultés pour attirer de nouveaux investisseurs et de nouvelles entreprises. Depuis quelques années, nous parlons d’une « Allemagne à deux vitesses » tandis que la France traverse elle aussi de « multiples lignes de fracture à chaque échelle »264. Les écarts des niveaux de vie des Français tendent à s’accentuer depuis les années 1990 – avec des inégalités 259   Charmes E. « La revanche des villages », La vie des idées, publié le 24 octobre 2021, disponible sur <laviedesidees.fr/ La-revanche-des-villages.html> ; site consulté le 10 février 2021. 260   Ibid. 261   Commission européenne (2012), op. cit. p. 9. 262   Commission européenne (2012), op. cit. p. 9. 263   Ibid, citant Commission européenne, 2007a, p. 9. 264   Luyssen J. « Carte des disparités socio-économiques » dans « La France et l’Allemagne, terres d’inégalités, Libération, publié le 2 février 2020, disponible sur <www.liberation.fr/planete/2020/02/02/la-france-et-l-allemagne-terres-dinegalites_1774580/> ; site consulté le 11 février 2021.

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de revenus importantes (l’écart entre les revenus les plus riches et les plus pauvres est passé à 6,5 entre 1998 et 2012, ie un écart de 53 000 euros). Outre-Rhin, le discours oppose des gagnants, les régions riches (le Sud et l’Ouest), et des perdants, des régions pauvres (Nord et Est). La carte des disparités socio-économiques en Allemagne ne s’est pas adoucie après la chute du Mur. Le déclin des emplois touche significativement les régions en rétrécissement comme le montre la carte. En Allemagne la campagne représente 90% de la superficie du pays et plus de 50% de la création de valeur a lieu à la campagne – un nombre important d’entreprises leaders mondiaux ont leur siège dans les villages et les petites villes. De plus, c’est à la campagne que se trouvent la production agricole ainsi que les matières premières telles que l’eau, le bois et les énergies renouvelables. C’est pourquoi, mis à part la présence de quelques villes moyennes, le développement économique des régions rurales repose sur les épaules des petites villes265. Carte des disparités socio-économiques

Grandes et moyennes villes dynamiques présentant un risque d’exclusion Périphérie et régions rurales riches Noyau dur de l’Allemagne Régions rurales en proie à une longue crise structurelle Régions urbaines traversant un changement structurel profond Villes-Etats de Berlin, Hambourg et Brême (absence de données relatives au nuances communales)

Luyssen J. « Carte des disparités socio-économiques » in « La France et l’Allemagne, terres d’inégalités, Libération, publié le 2 février 2020, disponible sur <www.liberation.fr/planete/2020/02/02/la-france-et-l-allemagne-terres-d-inegalites_1774580/> ; site consulté le 11 février 2021.

265   Herfert G. (2007), « Campagnes et villes face au déclin démographique de l’Allemagne orientale : de nouveaux enjeux pour l’aménagement du territoire », Revue d’études comparatives Est-Ouest, 38-3, p. 38, disponible sur <www.persee.fr/doc/ receo_0338-0599_2007_num_38_3_1845> ; site consulté le 3 février 2021.

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Le déclin commercial et du centre-ville Comme nous avons pu le voir, en France comme en Allemagne la désertification des centresbourgs et centres-villes sont un fléau presque normalisé. Suite à une perte importante de population, les centres se vident des petits commerces de proximité, des artisans et d’activités. L’idée de « shrinkage as a new potential » saluée par les politiques, les journalistes et les urbanistes en Allemagne, implique l’idée que le « rétrécissement » résulte en un nouveau corps urbain, une ville compacte, représentant l’idéal du développement urbain européen266. Tous pensaient que ce « rétrécissement » marquerait la fin de l’étalement urbain. La réalité s’est avérée être à l’opposé de ces espérances. Le processus de la conquête de la périphérie s’est accéléré avec une construction massive de centres commerciaux et de nouvelles résidences. Nous retrouvons un développement similaire à la ville américaine de Detroit depuis les années 1950 où 80% de sa population vit désormais dans la banlieue, en dehors des limites de la ville – tandis que le centre de la ville est en friche. Le phénomène bien moins impressionnant à l’échelle d’une petite ville n’est pas moins inquiétant. Dans un rapport de l’Institut allemand de l’économie (Das Institut der deutschen Wirtschaft), des experts se prononcent contre le maintien en vie artificiel de communes en déclin par la construction de nouvelles zones à leur périphérie267. La mauvaise utilisation du financement du développement urbain est désignée responsable de l’augmentation du taux de vacance dans certains centres-villes. Le déclin économique des centres s’accompagne bien entendu de problèmes sociaux depuis que la vacance entraine une spirale décroissante au terme de laquelle « des quartiers ou des villages entiers ne valent guère la peine d’être habités » s’exprime l’Institut de l’économie allemande (der deutschen Wirtschaft (IW) Köln)268. Selon Steffen Kröhnert, spécialiste des inégalités spatiales et démographiques en Allemagne, « le phénomène [de déclin économique en Allemagne] est plus récent que dans des pays comme la France, à cause, notamment, d’un tissu plus dense de petites entreprises sur les territoires, mais qui a pris, ces vingt dernières années, une dimension spectaculaire, et pas seulement à l’Est »269. Le déclin économique des petites villes allemandes est directement lié à la désindustrialisation du pays, à la périurbanisation, aux transformations du post-socialisme et au vieillissement de la population. La population de l’ancienne ville industrielle du district de Prignitz an der Elbe, en Allemagne de l’Est, a presque diminué de moitié après 1990 passant à 19 000 habitants – cela représente la disparition de 7 500 emplois, la ville se bat aujourd’hui pour son existence. Il faut du temps pour accepter l’idée du déclin et encore plus de temps pour l’exprimer et la partager. « C’est toujours plus facile d’observer et de parler de la situation dans les pays voisins » écrit la journaliste Sabine Pollak dans un article du Der Standard270, en parlant des villes allemandes. L’œuvre de l’architecte et théoricien allemand Philipp Oswalt271 a inspiré les 266   Oswalt, P. (2005), Shrinking Cities, Volume 1, Hajte Cantz Verlag, Ostfildern-Ruit, Allemagne, p. 13. 267   “IW Köln rät schrumpfenden Gemeinden im Zweifel zum Abriss”, Wirtshaft, publié le 23 juin 2019, disponible sur <wirtschaft.com/iw-koeln-raet-schrumpfenden-gemeinden-im-zweifel-zum-abriss/> ; site consulté le 1er février 2020. 268  Ibid. 269   Wieder T. « L’Allemagne aussi fait face au défi des fractures territoriales », Le Monde, publié le 29 février 2020, disponible sur <www.lemonde.fr/economie/article/2020/03/03/l-allemagne-au-defi-des-fractures-territoriales_6031621_3234.html> ; site consulté le 2 février 2020. 270   Pollak S., “Städte und Dörfer schrumpfen – und wir müssen etwas dagegen tun !”, Der Standard, publié le 14 novembre 2018, disponible sur <www.derstandard.de/story/2000090848112/staedte-und-doerfer-schrumpfen-und-wir-muessen-etwasdagegen-tun> ; site consulté le 1er février 2020. 271   Philipp Oswalt est un architecte allemand. Depuis 2002, il dirige le projet Shrinking Cities International Research qui réunit des architectes, des universitaires et des chercheurs autour de la réflexion du développement des villes en déclin comme

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pays frontaliers. La publication de deux volumes intitulés Shrinking Cities en 2004 et 2005, sont le résultat d’un projet de recherche international mené sur plusieurs années, démarré dans les anciens territoires de l’Est de l’Allemagne. L’architecte présentait à l’époque le déclin non pas comme l’exception, mais comme la norme. L’Allemagne est en quelque sorte devenue un modèle du déclin urbain car le problème est très présent et a beaucoup été étudié – ce qui n’est pas encore le cas de la France.

60-61. Oswalt, P. (2005), Shrinking Cities, Volume 1 & 2, Hajte Cantz Verlag, OstfildernRuit, Allemagne.

Détroit, Manchester, Liverpool ou Leipzig. <www.shrinkingcities.com/index.php%3FL=1.html> ; site consulté le 3 février 2020.

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En France, les « villes rétrécissantes » ne sont pas encore entrées dans le langage des politiciens, journalistes et praticiens. Les discours utiliseront davantage l’idée du déclin des centres-villes ou des bourgs-centre mais admettront très peu le déclin de villes entières. Le livre d’Oliver Razemon Comment la France a tué ses villes ? a fait polémique par le constat d’une France aux centres-villes désertés et aux vitrines vides. Le paysage de la petite ville française est devenu similaire dans beaucoup de régions – avec les pancartes des maisons à vendre, les devantures des magasins sans vie, la célèbre rocade entre deux ronds-points pour contourner un noyau vide. Le centre ancien se retrouve dépourvu de toutes formes d’activités suite à l’apparition de grandes surfaces commerciales à sa périphérie. Les commerçants locaux ne survivent pas à cette perte de clientèle et se voient dans l’obligation de fermer leurs magasins. Selon Oliver Razemon, « la désaffection des commerces de centre-ville n’est que le symptôme d’un phénomène plus profond. L’habitat se dégrade, la population stagne, les cadres vont habiter ailleurs, la fiscalité augmente, les propriétaires des pas de porte hésitent à louer272». Les articles de journaux sur la « mort des centres-villes » n’ont cessé de se multiplier depuis les années 2000. Les élus locaux des petites villes sont conscients qu’ils sont les plus touchés par ce phénomène. Le taux de vacance des locaux commerciaux ne cesse de progresser (5,4% en 2000, 8,5% en 2015)273. Sans s’en rendre compte, les commerces de proximité disparaissent peu à peu et sont remplacés par les Carrefour Market, Carrefour City (en ville) ou Contact (en milieu rural), les U express ou Marché U. D’autres tiennent le discours de la « mort des villages » causée par le succès des plateformes de vente en ligne – le e-commerce a fait un bond de 20% entre 2014 et 2015274. Nos modes de vie exacerbés par les vitesses de communication incitent de nombreux consommateurs à acheter leurs livres sur Amazon plutôt que de les commander à la librairie du quartier ; plus simple, plus rapide et parfois moins cher. Pour réussir à survivre, certains petits commerces s’adaptent à la demande et deviennent des relais. Dans ce discours de la décroissance, la baisse du pouvoir d’achat des français est tenue pour responsable. 10% des moins aisés de la population et 5% des Français les plus aisés ont vu leur niveau de vie diminuer entre 2008 et 2016275. D’un autre point de vue, la responsabilité du consommateur est elle aussi questionnée. Le consommateur aurait fait le choix des grands hypermarchés au détriment du petit commerce alimentaire de proximité présent dans les centres-villes. Mais était-ce réellement un choix ? Nous assistons à un appel au secours des commerces des centres-villes. Les unes des journaux sur la dévitalisation de ces centres s’entassent au fil des mois – avec une accélération récente suite au lancement du Grand Débat National face à la crise des gilets jaunes en 2018. L’anxiété des bourgs ruraux et petites villes concernant leur avenir se fait ressentir. Plusieurs thématiques reviennent à la charge dans les discours des acteurs. La première critique est celle d’un délaissement du territoire en dehors des aires métropolitaines. Les représentants de l’AFPV 272   Razemon O., « Au pays des villes mortes », Le Monde, publié le 11 janvier 2016, disponible sur <www.lemonde.fr/blog/ transports/2016/01/11/au-pays-des-villes-mortes/> ; site consulté le 5 février 2021. 273   Bourdin S. (2016), « Le petit commerce est mort, vive le commerce de proximité », The Conversation publié le 3 Octobre 2016, disponible sur <theconversation.com/le-petit-commerce-est-mort-vive-le-commerce-de-proximite-66064> ; site consulté le 17 janvier 2021. 274   Ibid. 275   De Calignon G., « Cette crise du pouvoir d’achat qui couvait depuis dix ans », Les Echos, publié le 13 décembre 2018, disponible sur <www.lesechos.fr/idees-debats/editos-analyses/cette-crise-du-pouvoir-dachat-qui-couvait-depuis-dixans-238606> ; site consulté le 3 février 2021.

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affirment qu’il « existe, depuis trop longtemps, une “France des oubliés”, délaissée par les gouvernements successifs »276. Ce délaissement est présent sur tous les plans ; fermeture des services publics, disparition des petits lignes ferroviaires, inexistence des transports collectifs, dévitalisation des centres-villes et la désertification médicale. De plus, la mort des centres-villes et des centres-bourgs met en cause le développement des zones commerciales en périphérie. Le nombre de commerces de proximités a reculé dans l’ensemble des centres-villes d’après les chiffres de l’Insee même si une simple visite des petites villes permet de faire ce constat à l’œil nu. Le déclin économique de ces villes prend le visage des vitrines des boutiques à l’abandon et de la désertion des ruelles de villages. « C’est dans la France périphérique que ça se passe »277 crient les maires des petites villes. La recentralisation importante du pouvoir est montrée du doigt, avec une diminution des dotations de l’État en baisse chaque année. La crise des gilets jaunes a provoqué la montée de tensions importantes entre les habitants des petites villes, les élus locaux et les associations face aux décisions prises par le gouvernement. Cette crise a enflammé le discours d’une décroissance territoriale sous plusieurs aspects. La mort de ces territoires « en marge » semble s’expliquer par un décalage entre la conception économique territoriale du gouvernement et les réalités des petites communes. Le contraste est si fort entre le développement, l’attractivité des métropoles, la désertion et la paupérisation des villages et des petites villes qu’il paraît difficile de ne pas accuser la métropolisation du pays. Christophe Guilluy avec son livre La France périphérique (2014), a fait polémique par son discours opposant deux France. L’auteur définit les classes populaires à partir d’une approche sociologique mais aussi géographique, basées sur les catégories socio-professionnelles « ouvriers et employés » de l’Insee, les localisant dans ce qu’il appelle la « France périphérique » - la France périurbaine et rurale. Même s’il serait bien trop simpliste d’opposer les métropoles au reste du territoire – ces idées mobilisent la notion de « fracture territoriale ». Le discours des élus traduit très bien le ressenti d’un abandon de leurs villages et petites villes face à la montée d’une compétitivité économique et de la mondialisation. Philipp Oswalt dans son ouvrage Shrinking Cities, décrit avec justesse cette polarisation à la fois spatiale mais aussi sociale. Tout le monde ne bénéficie pas de la croissance et nos sociétés sont de plus en plus divisées entre des « gagnants » et des « perdants ». Le rétrécissement d’un côté nourrit la croissance de l’autre. Ce processus de plus en plus courant n’est pas simplement le revers de la croissance. « La croissance est plutôt remplacée par une dérive des sociétés, où les tendances opposées de la croissance et le rétrécissement peuvent aller de pair »278. La presse, les chercheurs, les politiques se sont emparés de la question du déclin commercial et du centre-ville. La littérature sur cette forme du déclin urbain est l’une des plus riches.

276   Jacob E., « Grand débat national : les maires des petites villes ne veulent plus être ‘délaissés‘ », Le figaro, publié 16 janvier 2019, disponible sur <www.lefigaro.fr/politique/2019/01/16/01002-20190116ARTFIG00209-grand-debat-national-les-mairesdes-petites-villes-ne-veulent-plus-etre-delaisses.php> ; site consulté le 2 février 2021. 277   Ibid. 278   Oswalt, P. (2006), Shrinking Cities, Volume 2, Hajte Cantz Verlag, Ostfildern-Ruit, Allemagne, p. 12.

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62. « Ressusciter les centres-villes, chiche ! » Le Monde, Éditorial, publié le 8 décembre 2017, disponible sur <www.lemonde.fr/idees/article/2017/12/08/ressusciter-les-centres-villeschiche_5226657_3232.html> ; site consulté le 2 février 2021.

63. Badeau K., « Comment les centres commerciaux ont vidé les centres-villes », Les Echos, publié le 7 décembre 2018, disponible sur <www.lesechos.fr/idees-debats/livres/comment-les-centrescommerciaux-ont-vide-les-centres-villes-237111> ; site consulté le 2 février 2021.

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Le déclin des valeurs Dans la définition de l’aménagement du territoire véhiculée par les politiques publiques, la solidarité entre les territoires est primordiale pour garantir l’équilibre harmonieux du développement des territoires, et devient alors le fondement des valeurs de la France. L’abandon de ces territoires est donc directement associé à l’idée d’un déclin des valeurs. Ainsi, l’inaction du gouvernement dans les petites villes porterait directement atteinte aux valeurs de l’aménagement du territoire, résultant en un déclin politique. La France comme l’Allemagne ont connu des évènements sociaux d’importance nationale ces dernières années. Le 17 novembre 2018, des Français manifestaient pour la première fois au Mans (Sarthe) contre la hausse des taxes sur les carburants. Cette réforme a déclenché une colère sans mesure, commençait alors le début de longues protestations. La presse véhicule l’image d’un mouvement rassemblant « les perdants de la mondialisation »279 sans nécessairement partager la même idéologie politique. Une étude réalisée par le collectif Quantité, fin novembre 2018, a étudié 526 questionnaires recueillis auprès des gilets jaunes dans toute la France. Cette étude précisait le profil politique des gilets jaunes, soulignant le poids des personnes ayant refusées de se situer politiquement.

64. Enquête. Les gilets jaunes ont-ils une couleur politique ? L’Humanité, Publié le 19 décembre 2018, disponible sur <www. humanite.fr/enquete-les-gilets-jaunes-ont-ils-une-couleur-politique-665360> ; site consulté le 2 février 2021.

La part importante des personnes se disant « non rattachées à un parti politique » exprime la perte de repères politiques chez les français. La crise des gilets jaunes exprime des protestations face à l’inaction du gouvernement sur certains territoires mais également la réaction d’une perte totale de confiance dans certaines valeurs politiques. Cette crise est la résultante de nombreux 279   Collectif, « Qui sont vraiment les « gilets jaunes » ? Les résultats d’une étude sociologique », Le Monde, publié le 26 janvier 2019, disponible sur <www.lemonde.fr/idees/article/2019/01/26/qui-sont-vraiment-les-gilets-jaunes-les-resultats-d-uneetude-sociologique_5414831_3232.html> ; site consulté le 3 février 2021.

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symptômes d’une fracture sociale inédite en France. Se sont élevés les cris de désespoir d’une partie de la population en totale rupture avec « la France d’en haut », terme utilisé par certains pour désigner les inégalités territoriales. Cette fracture sociale s’est exprimée dans l’espace par des manifestations au niveau des rondspoints et des péages, symbole d’une France périphérique en marge des grands centres urbains décisionnels. « Mesurer le déclin d’un territoire, ce n’est pas seulement regarder les aspects revenu et emploi : c’est identifier les endroits d’où la vie se retire »280, résume Claudia Senik, professeure à Sorbonne Université et à l’École d’économie de Paris. Un groupe de chercheurs a tenté de prendre le pouls des populations. Les chercheurs ont fait l’inventaire, commune par commune, des mobilisations de gilets jaunes entre novembre et décembre 2018. Les symptômes potentiels de mal-être des habitants seraient les suivants : le déclin de l’emploi, la fermeture des équipements publics et privés, la hausse des impôts locaux, la chute des transactions immobilières et la diminution du nombre d’associations dans les communes. Les contestations remettent en cause directement l’action publique et exprime une certaine forme d’injustice. Le discours de M. Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire, lu par M. Christian Estrosi en 2008, ministre délégué à l’aménagement du territoire, utilisait les mots suivants : « Je crois que ceux qui portent un discours misérabiliste sur les campagnes françaises entretiennent une image fausse du monde rural. J’ai pour ma part à la fois de l’optimisme et de l’ambition pour la France rurale. J’ai de l’optimisme parce que l’exode rural appartient à l’histoire du siècle dernier, y compris ici. Parce que chaque année une grande ville s’installe à la campagne : plus de 100 000 habitants choisissent tous les ans de quitter l’espace urbain. J’ai de l’ambition parce qu’une rupture historique arrive avec des technologies nouvelles qui abolissent les distances et le handicap de l’isolement281 ». La population vivant hors des grands centres urbains représente une grande partie de l’électorat français – ce qui explique sûrement sa mention omniprésente dans le discours du politique. Si les territoires ruraux et périphériques ont toujours été mentionnés, le silence concernant leurs difficultés a néanmoins engendré un décalage entre le discours du politique, le vécu des populations et les réalités territoriales.

À L’heure actuelle, la France et l’Allemagne sont divisées par la progression de mouvements politiques extrémistes de droite et de gauche. La préoccupation majeure de l’État fédéral allemand demeure celui de la réunification entre l’Est et l’Ouest – même trente ans après la chute du mur du Berlin. Ces dernières années ont été marquées par une poussée du parti d’extrême droite Alternative pour l’Allemagne (Alternative für Deutschland, AfD), dont « l’enracinement est spectaculaire à l’est de l’ancien rideau de fer »282. En février 2020, l’élection de Thomas Kemmerich, grâce aux voix de l’extrême droite, à la tête du Land de Thuringe avait 280   Tonnelier A., « La Frances des territoires « d’où la vie se retire », Le Monde, publié le 15 janvier 2020, disponible sur <www.lemonde.fr/politique/article/2018/12/15/le-mouvement-des-gilets-jaunes-traduit-un-epuisementdemocratique_5398002_823448.html> ; site consulté le 2 février 2021. 281   Vie publique, « Discours de M. Nicolas Sarkozy, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire, lu par M. Christian Estrosi, ministre délégué à l’aménagement du territoire, sur les alternatives à la route, l’aménagement du territoire et le développement durable, et sur l’aménagement urbain, Paris le 10 octobre 2006 », 27 février 2008, disponible sur <vie-publique. fr/discours/163735-discours-de-m-nicolas-sarkozy-ministre-de-linterieur-et-de-lamenagem> ; site consulté le 18 janvier 2021. 282   Aux élections législatives de 2017, l’AfD a obtenu 21,9% en ex-RDA, soit 11,2 points de plus qu’en ex-Allemagne de l’Ouest. Wieder T., « L’Allemagne aussi fait face au défi des fractures territoriales », Le Monde, publié le 29 février 2020, disponible sur <www.lemonde.fr/economie/article/2020/03/03/l-allemagne-au-defi-des-fractures-territoriales_6031621_3234. html> ; site consulté le 3 février 2021.

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déclenché un incendie politique. Pour la première fois depuis l’après-guerre, des formations de droite, de centre droit et d’extrême droite joignaient leurs voix autour d’un candidat283. Ce séisme en Allemagne mais aussi à l’international avait poussé à la démission du représentant. Les valeurs politiques ont des répercussions majeures pour la cohésion territoriale. La division territoriale en Allemagne n’est pas seulement présente entre l’Est et l’Ouest du pays mais également entre un nord-est paupérisé et sud-ouest riche, entre villes et campagnes, entre métropoles gagnantes et petites villes « rétrécissantes », localités touristiques et localités sans atouts284. Les inégalités peuvent aussi persister au sein d’un même Land. En France, les inégalités territoriales traduites par la disparition des services publics, des difficultés d’accès aux soins, de la destruction des services publics provoquent un sentiment d’abandon sur ces territoires. « La création de fossés infranchissables entre les territoires de notre pays est aujourd’hui une bombe à fragmentation qui menace notre cohésion sociale et nourrit la montée de l’extrême droite »285. Sylvain Tesson et Olivier Razemon jugent nécessaire de briser ce « sentiment de relégation et de dépossession qui s’enracine ». C’est pourquoi ils jugent l’enjeu d’un maillage du territoire par des centres-bourgs revitalisés comme un enjeu politique prioritaire. Jacques Levy associe le vote pour le Front National à ce qu’il nomme le « périurbain », une « zone séparée d’une aire urbaine par une zone non bâtie et sociologiquement par une assez grande homogénéité »286. Dans sa définition, le périurbain prend en compte les communes rurales et les petites villes. Il associe indéniablement le vote d’extrême droite à ces petites aires urbaines. En Allemagne, selon le Berliner Morgenpost, les partis de droite ont toujours eu une part plus élevée des voix dans les communautés rurales de moins de 5 000 habitants que dans les grandes villes de plus de 100 000 habitants. Toutefois, le vote pour l’AfD en 2013 marque un changement – le parti a obtenu une part de vote similaire dans les grandes villes (4%) et dans les zones rurales (4,5%)287. La carte ci-dessous différencie les votes des partis d’extrême droite (NPD, républicains jusqu’en 2006, BfB, DDD, Allemagne, Dierechte, pro Allemagne) et les votes des partis populistes de droite (AfD, républicains de 2006, FWD, offensive D, Pro DM, Schill, référendum).

65. Berliner Morgenpost, « Carte interactive : où l’on vote à droite en Allemagne (Interaktive Karte : Wo in Deutschland rechts gewählt wird) », Hamburger Abendblatt, publié le 23 janvier 2017.

283   « A peine élu avec les voix de l’extrême droite, le dirigeant de la région allemande de Thuringe démission », Le Monde, publié le 6 février 2020, disponible sur <www.lemonde.fr/international/article/2020/02/06/allemagne-elu-avec-les-voix-de-lextreme-droite-le-dirigeant-liberal-de-thuringe-demissionne_6028659_3210.html> ; site consulté le 10 février 2021. 284   Grésillon B., « L’Allemagne désunifiée », Libération, publié le 15 septembre 2017, disponible sur <www.liberation.fr/ debats/2017/09/20/l-allemagne-desunifiee_1597743/> ; site consulté le 3 février 2021. 285   Thierry N., « Les inégalités territoriales menacent notre société et nourrissent l’extrême droite », Huffpost, publié le 1er décembre 2016, disponible sue <www.huffingtonpost.fr/nicolas-thierry/economie-inegalites-territoires-regions-societe-extremedroite_a_21618195/> ; site consulté le 3 février 2021. 286   Cassely J-L. « Front national : à la recherche du vote barbecue », Slate, publié le 30 mai 2012, disponible sur <www.slate. fr/story/56885/vote-barbecue-vote-fn> ; site consulté le 17 février 2021. 287   « Carte interactive : où l’on vote à droite en Allemagne », Hamburger Abendblatt, publié le 23 janvier 2017, disponible sur <www.abendblatt.de/politik/article209366551/Interaktive-Karte-Wo-in-Deutschland-rechts-gewaehlt-wird.html> ; site consulté le 17 février 2021.

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67. Chôros, Epfl, « Les villes résistent à Marine Le Pen », Slate, publié le 30 mai 2012, disponible sur <www.slate.fr/story/56885/ vote-barbecue-vote-fn> ; site consulté le 17 février 2021.

Cette montée des mouvements dits populistes traduit la fragilité de certains territoires de plus en plus dépendants des dépenses publiques en France. Selon Laurent Davezies, « la crise des finances publiques remet en cause ces puissants mécanismes redistributifs, faisant exploser les inégalités territoriales et fracturant le pays »288. Les fractures territoriales conduisent à une fracture démocratique qui peut aboutir à des séismes sociaux. « Le Front national ne s’est jamais aussi bien porté électoralement que depuis 2012 » écrit un article d’Alternatives Économiques, même si la part importante d’abstention tronque quelque peu ces scores.

68. « Évolution du vote FN aux principales élections, en % des inscrits », Alternatives Économiques, disponible sur <www.alternatives-economiques.fr/evolution-vote-fn-aux-principales-electionsinscrits-0110201662884.html> ; site consulté le 10 février 2021. 288   « L’inquiétante fracture territoriale française », Le Point, publié le 9 novembre 2013, disponible sur <www.lepoint.fr/ economie/l-inquietante-fracture-territoriale-francaise-09-11-2013-1753955_28.php> ; site consulté le 3 février 2021.

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Qu’en est-il du déclin des valeurs au sein de la littérature sur la petite ville ? Pour répondre à cette question, nous avons recherché la liste des ouvrages littéraires sur la petite ville à partir de deux mots clés « petites villes » dans la base de données du catalogue de la BNF. Nous avons procédé en deux temps ; sur une première période se déroulant avant les années 2000 et une deuxième période à partir des années 2000. Pour cette première recherche, en parcourant le catalogue de la BNF, nous avons pu trouver un nombre important d’ouvrages. Au XIXe et XXe siècle, les écrivains portaient davantage leur regard sur la vie et les activités de la petite ville, prenant la forme de nouvelles et de romans. La petite ville devient le paysage bucolique d’une vie de village animée, d’histoires d’amour ou de récits incroyables. Les titres de certains romans dénotaient d’ailleurs une certaine forme de fierté et de nostalgie à l’évocation des petites villes. La petite ville construit l’identité des personnes qui l’habitent. L’histoire de ces villes sont des témoignages et participent à l’identité de ces territoires – Ma petite ville289, Une petite ville de Provence290, Une petite ville de Picardie291. La lecture de la liste des ouvrages nous fait voyager dans toute la France, passant d’une région à une autre. Jean-Jacques Rousseau a même écrit un roman épistolaire autour d’une histoire d’amour entre deux habitants d’une petite ville, Lettres de deux amans, habitans d’une petite ville au pied des Alpes, publié aux éditions Amsterdam en 1761292. Certains titres expriment déjà les idées associées à la taille de cette aire urbaine ; le livre de Boppe G. (1961) par exemple, Ma petite ville au grand nom : Bourbon-l’Archambault293 où l’auteur dépeint le portrait de sa petite ville dans l’Allier ou encore L’Arbresle ou La grande histoire d’une petite ville de Broutier D. (1979). Cette fois-ci, en conservant les mêmes termes « petites villes » dans la barre de recherche du catalogue de la BNF mais en modifiant la date de parution aux années 2000, les résultats ne sont pas les mêmes. La recherche devient moins pertinente et les monographies sur les petites villes deviennent rares voire inexistantes. Quelques livres attirent néanmoins notre attention, Une si jolie petite ville (2015) d’André Gobry, portrait de la petite ville de Yenne, commune de Savoie. Il y décrit la souffrance des petites villes et alerte sur leur situation de déclin. Puis vient La carrière de craie (2020) de Jacques Neirynck, l’histoire d’un cadre licencié, dans le contexte d’une petite ville en dépression suite à la délocalisation de la seule entreprise de la ville. La petite ville (2017) d’Éric Chauvier produit le discours d’une déprise démographique et économique. L’histoire sociale des habitants de Saint-Yrieix deviennent comme une carte mentale de la ville. L’ouvrage célèbre de Jean-Pierre Le Goff La fin du village paru en 2012, décrit les mutations de la société française face à une montée de la mondialisation et la culture du village. Cet ouvrage ne participe pas seulement au récit de l’histoire française mais également au déclin des valeurs du passé et le développement d’une nouvelle mentalité – un nouveau type d’individualisme. Nous pouvons donc observer le chavirement du discours sur la beauté du village et celle de la petite ville au destin plus funèbre ou encore « la mort du village ». Le déclin des valeurs associé aux mutations économiques est inévitablement lié à la ruralité. Cette « mort du village » que l’on retrouve dans les romans traduit la disparition du passé et la transformation des paysages de la petite ville. 289   Desajoncs G. (1972), Ma petite ville, La pensée universelle, Paris, 187 p. 290   Enjoubert H. (1929), Une petite ville de Provence. Pertuis, Société française d’imprimerie et de librairie, Paris, 21 p. 291   Blériot P. (1947), Une petite ville de Picardie, R. Carpentier, Montdidier, 394 p. 292   Rousseau J-J. (1761), Lettres de deux amans, habitans d’une petite ville au pied des Alpes, Amsterdam, Paris, 445 p. disponible sur <gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k1040130r/f9.item> ; site consulté le 2 février 2021. 293   Boppe G. (1961), Ma petite ville au grand nom : Bourbon-l’Archambault, A. Janot, Bourbon-l’Archambault, 20 p.

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Pour contrer cette image du déclin, certaines petites villes choisissent de se construire une image qu’elles vont défendre et valoriser. À l’anglaise, certains parlent de city branding pour attirer de nouveaux habitants et touristes. Les valeurs associées à la petite ville sont déterminantes pour l’avenir économique et démographique de celle-ci. Toutefois, Steffen Kröhnert, professeur de sociologie à l’université de Coblence, précise que même « si la prise de conscience existe désormais, les effets concrets sont encore minces » en Allemagne. Le niveau fédéral commence à s’approprier de la question avec l’utilisation du mot Heimat difficile à traduire en français mais qui désigne « la région d’où l’on vient », la « patrie », « le terroir » et englobe les petites villes éloignées des grandes métropoles294 car il désigne un sentiment d’appartenance régional plutôt que national295. On parle aujourd’hui du Ministère fédéral de l’intérieur, de la reconstruction et de la Heimat. Ce changement de nom possède une grande signification non seulement au niveau fédéral mais aussi pour les élus locaux qui se sentent inclus dans le discours.

Le déclin du patrimoine et la vacance de logements Le sujet des « villes rétrécissantes », aujourd’hui abordé ouvertement, est resté tabou pendant longtemps dans les discussions des politiques296. Le journaliste U. Meyer souligne l’utilisation d’euphémismes dans l’usage de certains termes : “déconstruction” pour en réalité parler de démolition en Allemagne de l’Est et « d’augmentation d’un besoin de restructuration » pour parler de reconstruction de quartiers entièrement détruits. La stratégie de la démolition, adoptée depuis le début des années 2000, se veut être un stabilisateur dans l’augmentation des loyers et permettre à l’industrie de l’immobilier de redémarrer. Pour les urbanistes frustrés de la reconversion de leur rôle de bâtisseur en celui de démolisseur, ils voient le « vide » comme une forme de potentialité pour la ville de demain. Mis à part les destructions massives et la désertion des villes, une autre conséquence des Schrumpfende Städte est l’expansion des villes. Mêmes les villes dites mortes continuent à s’agrandir par la construction de nouvelles zones de vie, de zones commerciales, de travail et des nouvelles infrastructures de transports. Alors que presque tous les noyaux urbains diminuent, la plupart des agglomérations continuent leur expansion car la périurbanisation par la construction de maisons individuelles est toujours subventionnée par l’État297. Les petites et moyennes villes devront donc trouver de nouvelles justifications à leur existence si elles ne veulent pas disparaitre. Le changement de taille est associé à un changement d’identité selon U. Meyer. Ces façades qui se vident ne sont pas seulement une perte de population et le signe d’un déclin économique. Elles caractérisent la disparition d’une identité locale, propre à chaque ville, qu’on ne pourra retrouver ailleurs ni réinventer. Réussir à maintenir la vie dans ces petites villes c’est réussir à maintenir en vie leur histoire et prolonger le discours dans notre ère contemporaine. Le déclin urbain dans les petites villes prend la forme, à l’échelle intra-urbaine, d’un processus 294   Wieder T. op. cit. 295   Luyssen J. « Heimat, le terme allemand « bien de chez nous » qui suscite encore la controverse », Libération, publié le 23 mars 2018, disponible sur <www.liberation.fr/planete/2018/03/23/heimat-le-terme-allemand-bien-de-chez-nous-qui-susciteencore-la-controverse_1638378/> ; site consulté le 11 février 2021. 296   Meyer U., « Schrumpfende Städte », Der Tagesspiegel, publié le 15 février 2003, disponible sur <www.tagesspiegel.de/ kultur/schrumpfende-staedte/390030.html> ; site consulté le 1er février 2021. 297   Ibid.

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de dévitalisation du centre lié à la périurbanisation de l’ensemble des activités. Les centres-villes sont touchés par la vacance commerciale et concentrent une quantité importante de logements vacants. À l’occasion d’une conférence de presse, le 10 janvier 2019, la fédération nationale des agents immobiliers (Fnaim) présentait son étude de marché 2017. Même si le constat des ventes est plutôt optimiste, le problème de la vacance s’aggrave. Entre 1999 et 2014, le taux de vacance s’est accru passant de 6,9% à 7,9% ce qui représente 700 000 logements supplémentaires inoccupés et un total de 2,7 millions de logements vacants298. Or comme le montre la carte de la part de logements vacants en France, produite par l’ANAH à partir des données fiscales de Filocom, le taux de vacance n’est pas égal sur l’ensemble du territoire – il est deux fois plus rapide dans les agglomérations de moins de 200 000 habitants. Dans les 269 aires urbaines de moins de 100 000 habitants, il atteint même la moyenne de 8,5% et dépasse 15% dans 115 d’entre elles. Puis au sein même de ces agglomérations, le centre se vide tandis que la périphérie s’accroît. Le Fnaim affirme que généralement « plus une petite zone urbaine est éloignée des métropoles, plus elle affiche une forte hausse du taux de vacance »299. La démographique n’explique pas tout, puisque certaines villes connaissent une hausse de population tout en conservant une vacance importante. Les constructions nouvelles en périphérie des centres urbains seraient donc en partie responsable de l’abandon de parc ancien.

A PLACE DU PARC PRIVÉ DANS L’HABITAT

En % du parc de logements

Part de logements vacants en France et en Allemagne

Part de logements vacants 2011 – AU CANTON

Pontoise Lille

LA PLACE DU PARC PRIVÉ DANS L’HABITAT Amiens

Rouen Saint-Lô

Alençon

Évry

Rennes

Laval

Le Mans

Pontoise Dijon

Bourges

Limoges Angoulême Tulle

Bourg-en-Bresse Beauvais Annecy Caen Saint-LôClermont-Ferrand Lyon Pontoise Évreux Chambéry Bobigny Nanterre Versailles Créteil Saint-Étienne Évry Melun Grenoble Alençon Chartres Rouen

Le Puy-en-Velay Valence Privas Gap Orléans

RennesAurillac Laval

Bordeaux Quimper

VannesCahors

Blois Tours

Montauban Nantes Albi

Auch

Nîmes

Montpellier Toulouse La Roche-sur-Yon

Tarbes

Carcassonne Niort La Rochelle

Foix

Laon

Évry Metz Châlons-en-Champagne Bar-le-Duc Nancy Troyes

Auxerre

Digne-les-Bains Bourges

Nevers Châteauroux Marseille Moulins Toulon

Dijon

Besançon

Bourg-en-Bresse Bastia Annecy Lyon Ajaccio

Clermont-Ferrand

Saint-Étienne Le Puy-en-Velay Valence Privas

Aurillac

Évolution de la 2003 - 2011 – À LA ZONE D’EMPLOI

Cahors

Chambéry Ajaccio Grenoble

Tulle

Bordeaux

Source : Filocom 2011, MEDDE d’après Exploitations statistiques et cartographie réalisées par : Cf.géo 15DGFiP. % et– plus

12 à 15 % 9 à 12 % 6à9% Moins de 6 % Secret statistique part de logements

Gap

Mende

Rodez

Agen

Auch Pau

Digne-les-Bains

Montauban Albi

Mont-de-Marsan

Nîmes

Tarbes

Avignon Nice

Montpellier

Toulouse

Marseille Toulon

Carcassonne

vacants

Colmar

Belfort

Lons-le-Saunier Bastia Mâcon

Limoges

Angoulême Périgueux

Épinal

Nice

Guéret

Perpignan

Melun Strasbourg

Vesoul

Avignon

Poitiers

Bastia

Foix

Bastia Perpignan Ajaccio

Pontoise

Lille Arras

Source : Filocom 2011, MEDDE d’après DGFiP. – Exploitations statistiques et cartographie réalisées par : Cf.géo Amiens Charleville-Mézières

69. ANAH (2014), Mémento de l’habitat privé, p. 8, disponible sur <www.anah.fr/fileadmin/anah/ Mediatheque/Publications/Les_chiffres_cles/anah_ Memento_2014.pdf> site consulté levacants 10 février 2021. Évolution de la part ;de logements 2003 - 2011 – À LA ZONE D’EMPLOI Rouen

Saint-Lô

Alençon

Rennes

Laval

Metz Châlons-en-Champagne Bar-le-Duc Nancy

Pontoise Bobigny Nanterre Versailles Créteil Évry Melun Chartres

Évreux

Troyes

Chaumont

Le Mans

Orléans

Vannes

Auxerre

Tours

Dijon Bourges

Créteil

70. Infoportail Zukunft.Land (2011), « Logements vacants (Leerstehende Wohnungen) », bundesministerium für Erährung und Landwirtschaft, disponible sur <www. landatlas.de/wohnen/leerstand.html> ; site consulté le 14 février 2021. Évry

Melun

Colmar

Belfort

Vesoul

Blois

Angers

Nantes

Versailles

Strasbourg

Épinal

Ajaccio

Bobigny

Nanterre

Laon

Beauvais

Caen

Saint-Brieuc

Quimper

Créteil

Charleville-Mézières

Chaumont

Le Mans Mende

Rodez Angers

Agen Mont-de-Marsan

Versailles

Lons-le-Saunier Amiens Mâcon

Guéret

Bobigny

Nanterre

Arras

Nevers Moulins

Saint-Brieuc Périgueux

Pau

Lille Besançon

Châteauroux Poitiers

Niort La Rochelle

Colmar

Belfort

Vesoul

Tours

La Roche-sur-Yon

Melun Strasbourg

Épinal

Chaumont Auxerre

Blois

Angers

Nantes

15 % et plus 12 à 15 % 9 à 12 % 6à9% Moins de 6 % Secret statistique

Troyes

Orléans

Vannes

En % du parc de logements

Metz Châlons-en-Champagne Bar-le-Duc Nancy

Part de logements vacants 2011 – AU CANTON Quimper

Créteil

Laon

Beauvais

Pontoise Bobigny Nanterre Versailles Créteil Évry Melun Chartres

Saint-Brieuc

Versailles

Charleville-Mézières

Caen Évreux

Bobigny

Nanterre

Arras

Pontoise

Lille Besançon Arras

Nevers

Bobigny

298   Escudié J-N., « Habitat, La vacance des logements progresse dans les villes moyennes et petites », Banque des territoires, publié le 12 janvier 2018, disponible sur <www.banquedesterritoires.fr/la-vacance-des-logements-progresse-dansles-villes-moyennes-et-petites> ; site consulté le 14 février 2021. 299   Ibid. Châteauroux

La Roche-sur-Yon

Poitiers

Mâcon

Guéret

Limoges

Angoulême

Saint-Brieuc Périgueux

10 % et plus 5 à 10 % 2à5% -2 à 2 % -5 à -2 % -10 à -5 % Inférieure à -10 %

Tulle

Bourg-en-B Beauvais Annecy Caen Saint-LôClermont-Ferrand Lyon Pontoise Évreux Chambéry Bobigny Nanterre Versailles Créteil Saint-Étienne Évry Melun Grenoble Alençon Chartres Rouen

RennesAurillac Laval

Bordeaux Quimper

VannesCahors Montauban Nantes Albi

Auch

Foix

Blois Tours Nîmes

Montpellier Toulouse La Roche-sur-Yon

Tarbes

Le Puy-en-Velay Valence Privas Gap Orléans

Le Mans Mende

Rodez Angers

Agen Mont-de-Marsan

Pau

Lons-le-Saunier Amiens

Moulins

Niort La Rochelle

Carcassonne Niort La Rochelle Perpignan

Nanterre

Poitiers

Évry

Metz Châlons-en-Champagne Bar-le-Duc Nancy

Troyes

Nevers Châteauroux Marseille Moulins Toulon

Besançon

Nice

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Lons-le-Saunier Bastia

Mâcon Guéret

Bourg-en-B

Bastia

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Lyon Ajaccio

Colmar

Belfort

Vesoul Dijon

Melun

Strasbourg

Épinal

Chaumont Auxerre

Digne-les-Bains

Limoges

Créteil

Laon

Avignon Bourges

Versailles

Charleville-Mézières


En Allemagne, la part de logements vacants est importante dans les régions en déclin. Les appartements et maisons abandonnés sont devenus une constante dans les bourgs et petites villes des zones rurales. Ce phénomène est à prévoir jusqu’en 2022 selon une étude des taux de vacance menée par la société d’analyse Empirica et le cabinet de conseil immobilier CBRE en 2019. Sur tout le pays, la vacance représente 600 000 appartements (sans compter les habitations privées)300. Dans l’Est du pays, le taux vacance représente 6,1% des appartements (hors Berlin) tandis qu’il est à 2,2 pour cent à l’Ouest. Ce taux très haut s’explique par les migrations internes des habitants vers les grandes villes. Cet abandon des petites villes peut même avoir des conséquences effroyables. La vente d’un hameau en ruines de l’ex-RDA aux enchères à fait la une de la presse internationale en 2017. Le déclin démographique dans ces campagnes a engendré des actions drastiques pour les populations restantes. Les prises de décisions et les actions dans ces petites villes sont parfois tout aussi violentes que le déclin urbain en lui-même.

71. « Un hameau a été mis aux enchères en ex-RDA », lematin.ch, publié le 7 décembre 2017, disponible sur <www.lematin.ch/ story/un-hameau-a-ete-mis-aux-encheres-en-ex-rda-473359049454> ; site consulté le 10 février 2021.

300   Öchsner T. (2019), « En Allemagne, 600 000 appartements sont vides (In Deutschland stehen 600 000 Wohnungen leer) », Süddeutsche Zeitung, publié le 4 décembre 2019, disponible sur <www.sueddeutsche.de/wirtschaft/immobilien-indeutschland-stehen-600-000-wohnungen-leer-1.4707790> ; site consulté le 14 février 2021.

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2.2. LES RÉCITS DU DÉCLIN INTERROGENT LES POLITIQUES PUBLIQUES

Le déclin s’est incarné sous plusieurs formes dans le quotidien des petites villes Françaises et Allemandes et subsiste depuis longtemps dans le discours des journalistes et des élus – même s’il connait des évolutions positives depuis ces dernières années. Ces discours ont façonné l’identité de la petite ville, habitée par le récit d’une décroissance continue. Les « villes rétrécissantes » sont conservées artificiellement vivantes grâce au dynamisme de leur périphérie. Tandis que le discours du déclin permet de maintenir une certaine forme de vie (déclinante), dans le cœur fatigué des petites villes. Ces dernières ne sont pas uniquement synonyme de nostalgie. Elles sont une réalité et abritent des enjeux majeurs pour l’aménagement du territoire. Les géographies des petites villes en France et outre-Rhin ont démontré de l’importance de cet échelon territoriale dans la vie des citoyens. L’intérêt grandissant de la petite ville dans les débats publics témoigne d’un possible avenir pour ces petites aires urbaines. Le déclin urbain inquiète les décideurs politiques et le désir de vivre dans une petite ville s’amplifie. L’hypothèse de ces travaux affirmait que les politiques publiques étaient les reflets des discours sur la petite ville. La multiplication des discussions publiques sur le déclin urbain en Allemagne laisse donc supposer des actions politiques au sein des petites villes. Le sujet reste plus tabou en France même s’il commence à s’élever dans les sphères hautes des décideurs politiques. Les acteurs locaux ont été les premiers à véhiculer les discours du déclin urbain. Repris violemment par les citoyens en 2018, des actions politiques sont ardemment attendues. Ce constat invite à questionner la réponse des politiques face au déclin d’une partie du territoire qui abrite un pourcentage important de la population. Comment les politiques s’emparent-elles de ce discours du déclin urbain et quelles sont les actions menées pour y répondre ? Nous tenterons d’y répondre dans cette troisième partie dédiée aux politiques publiques d’aménagement du territoire et d’urbanisme de la petite ville ; en passant du discours aux politiques mises en œuvre.

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72. Les récits du déclin urbain, comparaison entre la France et l’Allemagne

France

Allemagne

FRANCE

ALLEMAGNE

Le déclin démographique – perte de population

Peu prononcé

Très prononcé

Le déclin démographique – migrations et vieillissement de la population

Prononcé

Très prononcé

Le déclin démographique – l’isolement

Très prononcé

Très prononcé

Le déclin des services

Très prononcé

Prononcé

Le déclin de la ruralité dans les discours du politique

Très prononcé

Peu prononcé

Le discours du déclin économique et des emplois des campagnes

Prononcé

Prononcé

Le déclin commercial et du centreville

Très prononcé

Très prononcé

Le déclin des valeurs

Très prononcé

Très prononcé

Prononcé

Très prononcé

Le déclin du patrimoine et la vacance de logements Source : Léa Pelleteret

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3

LES POLITIQUES PUBLIQUES ET LA PETITE VILLE

3.1. LES CONCEPTIONS INSTITUTIONNELLES DE L’AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE

La naissance du monde moderne (1780-1914)301 a bouleversé le rapport de l’humain au territoire. La fin du XIXe siècle a été marquée par l’industrialisation, avec des effets considérables à l’échelle mondiale, notamment l’essor des métropoles urbaines. Mais il ne faut pas oublier que les premières industries s’étaient initialement développées dans les campagnes — le développement des grandes villes manufacturières n’étant intervenu que par la suite302. Dans cette lignée, le déploiement des réseaux d’électricité a permis d’équiper l’ensemble du territoire français et son usage pour les télécommunications a rompu l’isolement intellectuel et social des zones rurales (J-F. Gravier, 1947). L’arrivée du chemin de fer a par ailleurs permis un développement équilibré et diversifié en Allemagne, tandis qu’en France, il a assuré la domination économique de la bourgeoisie parisienne – un réseau en étoile avec pour origine Paris s’est mis en place, au lieu d’un maillage sur l’ensemble du territoire. La forte concentration française à la fois administrative, financière, économique et démographique devient la « base d’instinct grégaire et d’automatisme administratif » (ibid.). La notion d’aménagement du territoire met en lumière les diverses conceptions spatiales, géographiques, sociales, économiques mais aussi les traditions politiques qui habitent les pays européens. Quand bien même l’aménagement du territoire est sujet au débat, le souci fondamental est à peu près le même partout : promouvoir un développement équilibré du territoire et corriger les disparités entre les régions303. Toutefois, ce sont les politiques d’aménagement du territoire qui différent largement dans leur institutionnalisation et leur mise en œuvre. En Allemagne, les compétences pour l’aménagement du territoire sont attribuées à la fédération par la Loi fondamentale de 1949304, tandis qu’elles s’inscrivent dans Constitution en France et sont réparties entre les collectivités territoriales depuis les lois de décentralisation.

301   Bayly, C.A. (2007), La naissance du monde moderne (1780-1914), Les éditions de l’atelier, Paris, p. 280. 302   Ibid 303   Guder U. (2003), L’aménagement du territoire et la politique régionale en Allemagne, vers une européanisation en douceur ? Notre Europe, p.7, disponible sur <institutdelors.eu/wp-content/uploads/2018/01/ute.pdf> ; site consulté le 6 février 2021. 304   La fédération se vit attribuer une compétence législative concurrente sur le droit foncier (art. 74, al 18) et celle de légiférer par la loi-cadre pour l’aménagement du territoire (art. 75, al. 4). La compétence en droit foncier devrait être interprétée dans le sens d’une compétence pour la réglementation du droit de la planification de l’urbanisme, tandis que le droit de la construction restait dans la compétence des Länder selon un avis de la Cour constitutionnelles fédérale de 1954. David C-H. (1997), « Le droit de l’urbanisme en Allemagne », Annuaire français du droit de l’urbanisme et de l’habitat, p. 4, disponible sur <www.gridauh.fr/ sites/default/files/u440/3eccb06fb73be.pdf > ; site consulté le 23 février 2021.

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Dans un premier temps, nous aborderons les conceptions institutionnelles française et allemande, afin de comprendre leur vision politique large du territoire. Nous procéderons de manière chronologique, en étudiant les possibles changement de positionnement des politiques publiques depuis le milieu du XXe siècle – au moment de l’apparition de l’aménagement du territoire. À l’issue du chapitre précédent, nous avions énoncé le lien entre les différents récits du déclin urbain et les politiques publiques, afin de se demander qu’elles étaient les réponses proposées par le politique à ces récits. Nous y répondrons dans le second volet de cette partie en analysant le passage du récit au politique.

L’aménagement du territoire en France - reflet d’une gouvernance centralisée La notion de « territoire » a été empruntée, définie de nombreuses fois et de manières si variées qu’il devient difficile d’en avoir une représentation claire. Depuis les années 1990, un grand nombre d’acteurs se sont appropriés ce terme. Bien que cela puisse porter à confusion, cette appropriation symbolise un intérêt particulier pour le territoire et son aménagement. Cette notion fait écho aux propos de Jérôme Monnet (1999), selon qui il « n’existe pas de territoire en soi, mais seulement un territoire pour quelqu’un, qui peut être un acteur aussi bien individuel que collectif ». Les caractéristiques du territoire vont bien au-delà de celles associées à l’espace, à l’environnement et aux hommes qui l’habitent. L’utilisation parfois impropre du terme traduit bien la difficulté à nommer cette réalité305. « Le territoire est tout puisqu’il recouvre une complexité qui demeure difficile à saisir, à cerner. Véritable fourre-tout, l’absence de limites précises joue en sa faveur en termes d’aménagement du territoire, à une époque où il ne paraît pas crédible de créer de nouveaux échelons de gestion, mais où malgré tout il s’avère indispensable de créer de nouveaux ‘espaces’ de concertation. Les territoires sont donc là pour pallier une réelle difficulté à comprendre la réalité qui nous entoure. »306 « Il y a de l’espace dans le territoire ». Cette expression imagée employée par Alexandre Moine exprime très bien l’ambiguïté dans l’utilisation de ces termes. Certains auteurs associent très étroitement « espace » et « territoire » par le concept d’appropriation (Brunet, 1992 ; Frémont, 1976), tandis que d’autres désignent le territoire comme la matérialisation de l’étendue d’un pouvoir (Micoud, 2000). Il serait plus juste de dire que le territoire se détermine par une spatialité, sans pour autant le réduire à l’espace. Il repose sur l’alliance entre « espace vécu » et « espace perçu » (Armand Frémont, 1999). Le territoire est en effet une appropriation économique, idéologique et politique de l’espace par des groupes d’individus (Di Méo, 1998) – il est doté de croyances et de représentations. Cette appropriation territoriale s’inscrit dans une limite administrative et implique l’exercice d’une autorité extérieure sur cet espace – l’État. L’étendue du territoire définit alors le champ d’application du pouvoir de l’État, responsable de la gestion 305   Moine A. (2006), « Le territoire comme un système complexe : un concept opératoire pour l’aménagement et la géographie », L’espace géographique, tome 35, Berlin, pp. 115-132, disponible sur <www.cairn.info/revue-espace-geographique-2006-2page-115.htm> ; site consulté le 6 février 2021. 306   Ibid, p. 116.

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d’un espace très clairement délimité. En ce sens, la décentralisation des compétences de l’État vers les régions et les intercommunalités ont engendré de « nouveaux territoires » avec cette reformulation de l’organisation territoriale. La temporalité est également à prendre en compte pour définir le sentiment d’appartenance au territoire, à la fois dans la manière de vivre sur le territoire mais aussi dans les perceptions (locales et globales) qui sont associées à cette temporalité. Selon Alexandre Moine, le territoire est donc avant tout la définition d’un système ; c’est-à-dire une construction intellectuelle mouvante et complexe. Eugène Claudius Petit, dans un communiqué définissant les premières orientations de la politique d’aménagement du territoire en 1950, la définissait de la manière suivante : « [C]’est la recherche, dans le cadre géographique de la France, d’une meilleure répartition des hommes, en fonction des ressources naturelles et des activités économiques. Cette recherche est faite dans la constante préoccupation de donner aux hommes de meilleures conditions d’habitat, de travail, de plus grandes facilités de loisirs et de culture. Cette recherche n’est donc pas faite à des fins strictement économiques, mais bien davantage pour le bien-être et l’épanouissement de la population » 307.

L’État se positionne comme l’organisateur et le modernisateur du territoire français. Le décret d’Eugène Claudius-Petit du 16 mars 1949 à vocation interministérielle coordonne les politiques d’aménagement du territoire et donne naissance à la première administration française ayant en charge de rééquilibrer le territoire face aux enjeux provoqués par les mutations socioéconomiques de l’après-guerre. Suite aux prémices des premières lois, l’aménagement se définit progressivement comme l’action volontaire d’un groupe social pour organiser, voire transformer l’espace dans le but d’engendrer des effets positifs sur la société. Il recouvre un ensemble d’éléments concernant à la fois l’organisation spatiale, la création d’équipements, le développement d’un territoire, la compensation des inégalités spatiales et la protection des patrimoines culturel et naturel308. Les politiques publiques se sont emparées de l’aménagement du territoire, dans l’objectif de corriger les déséquilibres territoriaux. L’aménagement peut alors se comprendre comme l’action, et plus précisément la transformation exercée par l’Homme sur un espace. Le géographe Frédéric Santamaria désigne l’aménagement du territoire par les actions mises en œuvre par les États qui peuvent concerner tout ou une partie du territoire national. Si l’on reprend la définition de l’aménagement énoncée précédemment, le groupe social est ici la collectivité régie par l’État, et l’espace, le territoire national ou une partie du territoire national. L’État exerce une action sur l’ensemble du territoire, traduction d’une conception centralisée. Dans cette logique, la décentralisation politique et juridique des années 1980 en France – avec l’apparition de nouveaux acteurs et la loi-cadre Gaston Defferre de 1982 – déplace l’action de l’État sur le territoire à une échelle infra-étatique. Il s’agit d’un transfert de compétences à une échelle plus locale. Certains observateurs y verront à regret l’adoption d’une position de retrait de l’État. 307   AN F 60 2016, conseil des ministres du 17 mars 1950, et Le Monde du 18 mars 1950. Pour un plan national d’aménagement du territoire, ministère de la Reconstruction et de l’Urbanisme (MRU), Paris, février 1950, 28 p. 308   Santamaria F. (2016), « Origines et fondements de l’aménagement du territoire en France », dans L’aménagement du territoire en France, La documentation Française, Paris, 2016, p. 16.

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Jérôme Monnet donne à son tour une définition de l’aménagement du territoire. Selon lui, « tout aménagement du territoire cherche à satisfaire un ou plusieurs objectifs de celui qui aménage. Dans cette perspective, le territoire apparaît à la fois comme une extériorité physique qui impose certaines conditions et limitations à l’action humaine, et comme un instrument pour réaliser tel ou tel objectif d’un individu ou d’une collectivité. Aménager le territoire, c’est alors chercher à réduire les limitations et à augmenter l’instrumentalisation positive des ressources territoriales »309. Il qualifie le territoire comme un corps physique disposant de limites et comme un instrument, c’est-à-dire capable d’accomplir une tâche. Le territoire devient beaucoup plus actif dans ce processus, par ses ressources et ses capacités. Le territoire n’est pas une donnée objective qu’il suffit de lire, c’est un corps mouvant, changeant, perceptible mais insaisissable. « L’espace est l’idée abstraite de la géométrie ; le territoire en revanche est le résultat de l’expérience, la somme de tous les lieux concrets avec lesquels l’individu est en relation à travers le temps : passé (expériences des lieux remobilisées par la mémoire), présent (l’expérience et l’action immédiates, en ce lieu), futur (projets, anticipations, expectatives). »310 L’aménagement du territoire peut s’appliquer spatialement à différentes échelles, du local à l’international. À l’échelle locale, il peut s’apparenter à l’aménagement d’un centreville, à l’implantation d’un nouvel équipement public ou à l’application d’un programme de rénovation de l’habitat. Toutefois, les compétences en aménagement du territoire se concentrent à l’échelle régionale. En France, elles sont exercées par les collectivités territoriales, disposant de compétences de l’État, suite à la première vague de décentralisation des années 1980. À partir de la fin des années 1980, l’intervention européenne monte en puissance dans l’aide à l’aménagement et au développement des régions de l’Union européenne (Desjardins, 2016). Ainsi, l’État ne devient plus le seul acteur légitime en termes d’aménagement du territoire, et sa mise en œuvre passe alors d’une redistribution de financements et d’équipements à une stratégie de projets portés, en principe, par les collectivités territoriales. Cela offre plus de liberté aux acteurs infranationaux dans l’aménagement de leur territoire. Cependant, l’État reste tout de même l’initiateur des projets d’aménagement sur l’ensemble du territoire. Il conserve un certain nombre de prérogatives en matière d’urbanisme – il peut toujours intervenir directement dans certains territoires et a la possibilité d’élaborer des textes spécifiques pour certains espaces311. Cette intervention étatique se poursuit donc aujourd’hui dans le cadre de l’Union européenne, de manière à ce que les États puissent conserver leurs compétences en matière d’aménagement du territoire. La centralisation est en effet le mot le plus utilisé pour qualifier le système administratif français. L’État centralisé est apparu bien avant la Révolution française et préexiste à l’Empire. L’histoire de l’aménagement du territoire a d’ailleurs été marquée par deux courants de pensées majeurs ; les Jacobins, partisans d’un système centralisé, et à l’inverse, les Girondins qui 309   Monnet J. (1999), Les échelles de la représentation et de l’aménagement du territoire. NATES B., Territorio y cultura: del campo a la ciudad. Últimas tendencias en teoría y método. Memorias del Primer Seminario Internacional sobre Territorio y Cultura. Quito: Abya Yala/ Manizales (Colombia): Alianza Francesa de Manizales/ Universidad de Caldas, Departamento de Antropología y Sociología, 1999, p. 109-141, disponible sur <halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00124392/> ; site consulté le 6 février 2021. 310   Ibid, p. 2. 311   Desjardins X. (2016), « Les instruments politiques de l’aménagement du territoire », dans L’aménagement du territoire en France, La documentation française, Paris, p. 32.

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plaident pour un gouvernement fédéral312. Pour Tocqueville, l’apparition de l’État centralisé a deux sources : « l’effort de pénétration de la royauté dans les provinces, dirigé contre la noblesse ; l’individualisme révolutionnaire qui donne naissance à un régime politique où restent seuls en présence l’État et le citoyen sans la médiation des corps intermédiaires d’une société aristocratique »313. Au milieu du XXe siècle, la centralisation s’incarnait spatialement et territorialement par la concentration de la bureaucratie française à Paris, centre de prise des décisions. Les unités territoriales de l’appareil bureaucratique, symbolisé notamment par la figure du préfet, ne faisaient qu’exécuter les ordres du pouvoir central. La théorie orthodoxe soutient le système d’une administration publique centralisée, avec en haut de la pyramide l’élaboration des règles, l’émission des ordres et les contrôles de conformité, et au niveau de l’administration locale, l’exécution pure et simple de ces règles. Le régime français, avant la première vague de décentralisation de 1983, était en ce sens un régime de déconcentration, « il ne peut y avoir d’acte administratif local sans une délégation d’autorité du centre »314. Dans son ouvrage de 1976, Pierre Grémion questionne le degré exact de la centralisation du système français et interroge la liaison entre le centre et la périphérie. Il soutient l’idée que la centralisation administrative ne supprimait pas tout pouvoir local. Comment mesurer le niveau de (dé)centralisation ? L’OCDE a proposé d’utiliser le critère de la part des dépenses et des recettes publiques gérées à des niveaux infranationaux315. En quinze ans cette part à quasiment augmenté dans tous les pays et elle a progressé de 2,3% en France même si elle connaît une croissance minime en 2001, comparée à ses voisins européens316. Dumois J. précise que la méthode utilisée par l’OCDE peut produire une idée erronée du degré d’autonomie des collectivités infranationales car leur part dans les dépenses et recettes publiques ne représente pas nécessairement leur pouvoir décisionnaire. Le critère des fonds publics reste imparfait, omettant certaines réalités. Toutefois, le système français aujourd’hui décentralisé reste, dans la pratique, relativement centralisé avec des prises de décisions concentrées à l’échelle nationale. Pendant la crise liée à la pandémie de la Covid-19, la presse étrangère a d’ailleurs présenté la France comme un État centralisé fragilisé. La France, malgré un développement de compétences des collectivités territoriales, reste une puissance très centralisée, avec un pouvoir décisionnel concentré à Paris317.

312   De Mathan A. (2018), « Le fédéralisme Girondin. Histoire d’un mythe national », Annales Historiques de la Révolution française, n° 393, pp. 195-206, disponible sur <www.cairn.info/revue-annales-historiques-de-la-revolution-francaise-2018-3page-195.htm#no4 > ; site consulté le 21 juillet 2021. 313   Grémion P. (1976), citant De Tocqueville A. (1856) dans Le pouvoir périphérique : bureaucrates et notables dans le système politique français, Paris, Éditions Seuil, p. 9. 314   Ibid, p.11. 315   Damon J. (2005), « Rubrique La France est-elle très (dé)centralisée ? », Informations sociales, n° 121, p.33, disponible sur <www.cairn.info/revue-informations-sociales-2005-1-page-33.htm> ; site consulté le 8 février 2021. 316   Ibid 317   « Vue de l’étranger. La centralisation française fragilisée par la crise », Courrier international, publié le 30 avril 2021, disponible sur <www.courrierinternational.com/article/vu-de-letranger-la-centralisation-francaise-fragilisee-par-la-crise> ; site consulté le 11 février 2021.

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La recomposition de l’action territoriale et les petites villes en France Nous avons pu examiner la signification de l’expression « aménagement du territoire » et le caractère centralisé de ce dernier en France. Nous allons à présent étudier les grandes étapes de la chronologie des politiques d’aménagement du territoire en France afin d’interroger le positionnement des petites villes au sein de ces politiques. Quelle est la posture actuelle de l’État et quelles en sont les répercussions dans l’aménagement et l’urbanisme des petites villes ?

La posture de « l’État fort » (1960-1970)

La notion d’aménagement du territoire apparait dans les années 1950, en réponse à une France détruite par la Seconde Guerre mondiale. Dans l’urgence, il devient impératif de construire rapidement des logements, des infrastructures pour les transports, l’énergie et l’agriculture318. Par le biais de différentes lois (11 octobre 1940, 12 juillet 1941, 11 octobre 1940, 25 février 1941) relatives à la fois à la reconstruction et l’urbanisme, le gouvernement de Vichy fut le premier à agir — prémices du ministère de la reconstruction et de l’urbanisme créé en 1945 par Raoul Dautry319. Mais la nécessité de l’aménagement du territoire émerge réellement par une prise de conscience des géographes quant au besoin d’assurer une meilleure répartition des industries sur le territoire français320. Commence alors à s’organiser la nouvelle administration en charge de l’aménagement, créée par le Ministère de la reconstruction et de l’urbanisme (MRU) en mars 1949. Sous cette direction naîtra le « plan national d’aménagement du territoire » (1950), qui vise une meilleure répartition des humains en fonction des ressources naturelles et de l’activité économique et la création du Fonds national d’aménagement du territoire. Contrairement à ce que l’on pourrait imaginer, la France est un pays moins densément peuplé que ses voisins européens (la densité française avoisine les 110 habitants par km2). Selon Philippe Estèbe, « nous l’habitons entièrement, à la fois trop et pas assez »321. La mission première des politiques d’aménagement du territoire des années 1950 fut donc celle d’une répartition plus équilibrée de la population sur le territoire.322 Un discours dénonçant l’excessive concentration des hommes et des activités dans

318   Plan économique de Jean Monnet (1946-1950) par le commissariat général du Plan, créée en 1946 à l’initiative de Jean Monnet. 319   Délégation générale à l’équipement, Ministère de la Construction Ile-de-France, « Organismes consultatifs en matière de reconstruction, d’urbanisme et d’aménagement du territoire (1936-1958) », Archives nationales, publié en mars 2017, disponible sur <francearchives.fr/findingaid/7d8aeb07a11f3487c9b617d4b5e1c3bd1eba4bd1> ; site consulté le 17 février 2021. 320   Gravier (Jean-François), Paris et le désert français, Paris, 1947. 321   Estèbe P. (2015), L’égalité des territoires, une passion française, La ville en débat, PUF, Paris, p. 10. 322   À cette époque, le MRU manquait de ressources et de pouvoirs suffisants pour avoir un réel champ d’action. À cela s’est ajouté des problèmes d’organisation au sein même de l’administration. Le ministère de la construction avait confondu urbanisme et aménagement du territoire ; il y avait eu des conflits de compétences entre la direction de l’aménagement du territoire et le Commissariat général au plan, chacun se considérant chargé de formuler les principes de la politique d’aménagement national et régional ; enfin, les ministères techniques, prenant progressivement conscience de ce problème, créèrent des structures pour le prendre en charge. La direction de l’aménagement du territoire ne put organiser la coordination interministérielle et les ministères considérèrent que le Commissariat général, n’avait qu’un rôle de coordonnateur. Le quatrième plan, adopté le 4 août 1962, souligna d’ailleurs la complémentarité entre la planification et l’aménagement du territoire, distinguant les régions qui nécessitaient une politique d’entraînement et celles qui nécessitaient une politique d’accompagnement. De Félice J. (2009), « Une histoire à ma façon : l’aménagement du territoire dans l’enseignement de la géographie », L’information géographique vol. 73, pp. 29-46 <www.cairn.info/revue-l-information-geographique-2009-2-page-29.htm> ; site consulté le 6 février 2021.

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l’agglomération parisienne s’amplifie au milieu du XXe siècle, cette situation étant jugée préjudiciable pour le reste du territoire français323. La domination économique et politique de Paris face au reste de la France a organisé le territoire pendant cette période324. Ce déséquilibre territorial est devenu dans les années 1950 une motivation pour vaincre la puissance de Paris. Dans son ouvrage Paris et le désert français (1947), Jean-François Gravier blâme la domination parisienne mais également la longue tradition française de la centralisation administrative et économique. Ces propos sont repris par le ministère de l’aménagement du territoire en 1958. La souveraineté de Paris était jugée néfaste au développement des autres villes du territoire. Dès le début des années 1960, l’État s’impose comme aménageur du territoire avec pour objectif de développer toutes les grandes villes de France325. Ce déséquilibre territorial et le développement des métropoles feront perdurer l’opposition ville-campagne durant cette période. Selon Frédéric Santamaria, « l’avenir des grandes villes françaises dépend peut-être moins de leur rapport avec Paris que de la dynamique de leurs espaces régionaux et de leur capacité à assurer l’organisation des territoires métropolitains afin de renforcer leur potentiel d’insertion européenne, voire nationale »326. L’auteur souligne la tendance à mettre les grandes villes en compétition, omettant les contextes régionaux. En effet, ce processus de métropolisation ne participe pas au développement des petites villes, dont les potentialités pourraient pourtant contribuer au dynamisme régional.

Création de la Délégation à l’aménagement du territoire et à l’action régionale (DATAR) : villes moyennes et métropoles

Les années 1960 marquent un tournant important, avec la signature du décret de la création de la DATAR le 14 février 1963327. L’État commence progressivement à structurer les réseaux de villes sur l’ensemble du territoire. Le contexte de la politique d’aménagement du territoire des années 1940 permet d’esquisser une conception territoriale axée sur le rôle des villes moyennes. Avec les activités industrielles encore nombreuses sur le territoire français, la stratégie propose le desserrement des activités industrielles vers les cités satellites ou les villes moyennes328. Cette période voit l’apparition d’une politique de réseaux de villes par la DATAR, qui concerne principalement les villes moyennes, afin de promouvoir « ce niveau de la hiérarchie urbaine

323   Santamaria F. (2016), « Origines et fondements de l’aménagement du territoire en France », L’aménagement du territoire en France, La documentation Française, Paris, 2016, pp. 15-24. 324   À partir des années 1930, des plans d’aménagement de la région parisienne ont été élaborés, délaissant l’aménagement des villes voisines. C’est ainsi qu’un schéma directeur d’aménagement et d’urbanisme de la région de Paris (Sdaurp) voit le jour en 1961, sous l’initiative de Paul Delouvrier, délégué général au district de la région de Paris nommé par le Gouvernement. Santamaria F. (2016), « Hiérarchie des villes : Paris, métropoles d’équilibres, villes moyennes et petites », in L’aménagement du territoire en France, La documentation Française, Paris, 2016, p. 135. 325   Santamaria F. (2016), op.cit. p. 131. 326   Ibid, p. 133. 327   Le 14 février 1963, le Général de Gaulle signait le décret de création de DATAR. 328   Le desserrement répond au manque d’espace dans le centre des agglomérations. Il conduit les activités et les populations à se déplacer en périphérie. C’est un mouvement de courte distance (quelques dizaines de kms au maximum), distinct de la décentralisation des activités d’une région vers une autre. Le mouvement a d’abord concerné l’industrie à la recherche de disponibilités foncières à un coût attractif. Le desserrement des activités tertiaires a suivi ultérieurement, centres de recherche, grande distribution, universités ont migré vers les périphéries. Le desserrement peut être favorisé par des politiques volontaristes : en région Île-de-France, les villes nouvelles ont impulsé le desserrement à partir des années 1960. <geoconfluences.ens-lyon.fr/glossaire/desserrement> ; site consulté le 6 février 2021.

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comme élément de structuration urbaine de l’espace français »329. Le rapport de la Commission des villes du VIe plan (mars 1970) affirme la nécessité de « sortir des grilles d’équipement » pour envisager la « qualité » du cadre urbain et la condition de vie des habitants330. C’est alors que les villes moyennes (fixées à moins de 50 000 habitants par l’État) deviennent un nouvel axe de la politique urbaine. Comme le souligne une circulaire de 1971, « Les villes petites et moyennes représentent dans le système urbain français un type d’urbanisation dont l’intérêt, en ce qui concerne le cadre et le mode de vie, la valeur esthétique et l’environnement, est très grand. Dans l’avenir elles devront contribuer au maintien d’un certain équilibre dans le développement de l’urbanisation »331. Cette circulaire et les politiques qu’elle accompagne redonnent de l’espoir aux petites et moyennes villes qui connaissent un nouveau jour. Entre 1973 et 1978, l’État signe 78 contrats de villes moyennes, mais de nombreuses communes élues aux contrats de villes moyennes au milieu des années 1970 perdent des habitants, entre le recensement de 1975 et de 1982. L’État décide alors de geler ces aides jusqu’au retour d’une croissance démographiques dans les années 1990 qui engendrera à la fois une relance de la politique des villes moyennes et simultanément de la recherche géographique (Valdelorge, 2013). La volonté sous-jacente de l’État est de favoriser la libre association de villes désireuses de mettre en commun des moyens et de réaliser des actions communes, afin d’atteindre une taille critique pour affronter la concurrence urbaine. Toutefois, ces réseaux de villes seront peu à peu abandonnés pour cause de résultats décevants en termes de réalisations concrètes332. Parallèlement, la politique des métropoles d’équilibre333 (1963) et la création des communautés urbaines (1966) visent à renforcer l’armature urbaine des régions françaises. Un rapport de 1964 préconise de développer 42 villes importantes hors Paris (villes de plus de 100 000 habitants, autres chefs-lieux de région ou villes universitaires) 334. Ainsi, le classement de ces villes sur la base de leurs équipements tertiaires de quatre types (commerciaux, bancaires, services et culturels) mit en évidence le « grand sous-équipement de la quasi-totalité des villes françaises, face à la suprématie sans contrepoids de Paris »335. Leur effectif tertiaire a permis de distinguer cinq ensembles de villes de niveau différent, afin de définir les villes jouant un rôle de métropoles 329   Santamaria F. (2016), op.cit. p. 141. 330   Valdelorge L. (2013), « Les villes moyennes ont une histoire », L’information géographique vol.77, pages 29 à 44, disponible sur <www.cairn.info/revue-l-information-geographique-2013-3-page-29.htm> ; site consulté le 12 février 2021. 331   Circulaire ministérielle du 30 novembre 1971 relative aux formes d’urbanisation adaptées aux villes moyennes, JORF du 15 décembre 15 décembre 1971. 332   Santamaria F. (2016), op.cit. p. 141. 333   Géographes et aménageurs constatent les déséquilibres du développement du territoire français dès le début des Trente Glorieuses : Paris et le désert français de Jean-François Gravier est publié en 1947. Un rapport des géographes Hautreux et Rochefort (1963) permet à la DATAR d’identifier huit villes (ou villes en réseaux), désignées, à partir de 1964, comme métropoles d’équilibre : Lille-Roubaix-Tourcoing, Nancy-Metz, Strasbourg, Lyon-Grenoble-Saint-Etienne, Marseille, Toulouse, Bordeaux, Nantes-Saint-Nazaire. Par la suite, quatre autres villes furent associées : Rennes, Clermont-Ferrand, Dijon, Nice. Ces métropoles bénéficièrent d’une politique volontariste destinée à équilibrer le poids de Paris, à impulser des processus de développement régional plus autonomes, harmonieux. Elles furent dotées d’équipements, d’investissements publics renforcés. Mais, dès les années 1970, le bilan semblait mitigé et plutôt décevant : la croissance hypertrophique de l’Ile de France ne ralentissait guère et les métropoles d’équilibre gênaient plutôt le développement des villes moyennes de leur système urbain qui, en définitive, connaîtraient parfois une croissance plus rapide. <geoconfluences.ens-lyon.fr/glossaire/metropole-dequilibre> ; site consulté le 12 février 2021. 334   Jean Hautreux, Robert Lecourt, Michel Rochefort (1963) Le niveau supérieur de l’armature urbaine française, ministère de la Construction, rapport pour le Commissariat général du plan d’équipement et de la productivité, commission de l’équipement urbain, groupe I, 60 p., + annexes (20 p.). Jean Hautreux, Michel Rochefort (1964), La fonction régionale dans l’armature urbaine française, ministère de la Construction, 54 p., + annexes (35 p.) 335   Cohen J. (2005), « Métropoles d’équilibre, un géographe face au Politique », Strate, Hors-Série, publié le 17 mai 2005, disponible sur <journals.openedition.org/strates/556> ; site consulté le 8 février 2021.

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régionales. De cette manière, les villes en haut du classement pouvaient être transformées en métropoles d’équilibre. Les investissements publics passaient donc du développement des villes moyennes à celui de huit villes principales : Lyon, Marseille, Bordeaux, Toulouse, Lille, Nancy, Strasbourg et Nantes, et une dizaine de relais afin de renforcer leurs infrastructures, leurs services, ou encore leurs industries. L’État passait donc du discours de la restructuration globale de son territoire à celui d’un développement concentré d’une dizaine de grandes villes à l’échelle du territoire. Pourtant, le bilan des années 1970 reste mitigé avec une croissance incessante de l’Îlede-France. Quant aux métropoles d’équilibre, elles sont devenues un obstacle au développement du système urbain des villes moyennes — qui connaissaient parfois une croissance plus rapide que les métropoles.

Les réponses à la crise économique et le temps de la décentralisation

La crise économique de la fin des années 1970 et du début des années 1980 réoriente les financements destinés aux villes moyennes vers de nouvelles activités industrielles et tertiaires attractives (1976). À la fin des années 1970 apparaissent les débuts de la politique de la ville afin d’orienter les efforts publics vers les morceaux du tissu urbain les plus affectés par les conséquences sociales et économiques des mutations de l’économie française. Les premières villes ciblées par la politique des villes sont caractérisées par une stabilité démographique au début des Trente Glorieuses. Ce choix s’explique par une diminution de l’action publique dans le développement des villes moyennes et donc des moyens financiers336. Les années 1980, sous la présidence de François Mitterrand (premier mandat, 1981-1988), marquent le début de la décentralisation, avec la grande réforme menée par Gaston Defferre. La loi-cadre relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions sera votée le 28 janvier 1982 et promulguée le 2 mars 1982337. S’en suivent plusieurs réformes territoriales afin de renforcer la décentralisation engagée. Pendant le second mandat de François Mitterrand, la loi d’orientation relative à l’administration territoriale de la République du 6 février 1992338 relance la coopération intercommunale ainsi que la démocratie locale et renforce la déconcentration (réformes approfondies par la loi du 4 février 1995 sur l’aménagement et le développement du territoire, et surtout par la loi dite Chevènement du 12 juillet 1999), avec le nouveau statut intercommunal des communautés d’agglomération (CA)339. 336   Vadelorge.L (2013), « Les villes moyennes ont une histoire », l’Information Géographique vol. 77, pp. 29-44, disponible sur <www.cairn.info/revue-l-information-geographique-2013-3-page-29.htm> ; site consulté le 8 février 2021. 337   Complétée par la loi du 22 juillet 1982, elle introduit d’importantes modifications dans l’organisation territoriale du pays, dont les plus notables sont : l’institution du président du conseil général en exécutif de département à la place du préfet ; le remplacement de la tutelle administrative a priori par un contrôle juridictionnel a posteriori ; la création d’une nouvelle juridiction financière, la chambre régionale des comptes, dont l’une des missions est d’assister le préfet en matière de contrôle budgétaire ; la promotion de la région en collectivité territoriale à part entière, dotée d’un conseil élu au suffrage universel ; dans chaque département et région, le représentant de l’État continue d’avoir la charge des intérêts nationaux, du respect des lois, de l’ordre public et du contrôle administratif. Les lois des 7 janvier et 22 juillet 1983 ont modifié la répartition des compétences entre les communes, les départements, les régions et l’État. De 1982 à 1986, 25 lois complétées par environ 200 décrets se succèdent. C’est ce que l’on a appelé l’Acte I de la décentralisation. <www.interieur.gouv.fr/Archives/Archives-desdossiers/2012-Dossiers/La-decentralisation-a-30-ans#> ; site consulté le 8 février 2021. 338   Loi n° 92-125 du 6 février 1992, disponible sur <www.senat.fr/application-des-lois/a89901581.html> ; site consulté le 23 février 2021. 339   Les CA ne concernent pas seulement les grandes villes puisque le seuil de création est fixé à plus de 50 000 habitants dans l’agglomération. Ainsi, à partir des années 2000 un grand nombre de villes obtiennent ce statut, accompagnées de compétences obligatoires (développement économique, aménagement de l’espace, habitat, politique de la ville, transports urbain) et de moyens

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Cette « diminution progressive du rôle de l’État en matière d’aménagement avec la décentralisation et l’internationalisation de l’économie » va accompagner la fin de la posture de l’État « fort »340. La notion d’aménagement du territoire décline. Selon Rémi Lefebre, l’État central est « affaibli par le haut avec la mondialisation et la construction européenne qui redéfinissent et dévaluent la souveraineté économique mais aussi par le bas avec la décentralisation qui a transféré au niveau local des pouvoirs considérables »341. Cette marge de manœuvre budgétaire limitée l’invite à se délester de compétences qu’il ne peut plus véritablement exercer. La décentralisation ayant pour objectif initial de démocratiser le système politique en donnant plus de compétences aux collectivités territoriales, aurait finalement accentué les tendances anciennes d’une gouvernance centralisée, juge l’auteur342. Ainsi, les années 1980 marquées par la première vague de décentralisation, annoncent la fin de la centralité totale de l’État avec également la place prééminente de l’UE dans le financement de politiques d’aménagement régional. Se développent alors des politiques locales d’aménagement du territoire, notamment avec la création de l’intercommunalité. Les premières étapes de la décentralisation française ont finalement contribué à faire des municipalités un échelon particulièrement important pour l’aménagement du territoire en transfert la compétence en matière d’élaboration des documents d’urbanisme depuis l’État vers les communes et leurs groupements343. L’État vient soutenir développement local des collectivités territoriales par différents dispositifs. Créées par la loi Urbanisme et Habitat de 2003 et complétées par la loi « Grenelle II » de 2010344, les orientations d’aménagement et de programmation (OAP) se sont révélées être des outils de planification efficaces et largement plébiscités par les auteurs de plans locaux d’urbanisme (PLU) et PLU intercommunaux (PLUi). La loi n° 95-115 du 4 février 1995, permet à l’État d’élaborer des directives territoriales d’aménagement, induisant la compatibilité des documents mis en œuvre par les communes et leurs groupements (PLU, schéma de cohérence territoriale (SCoT)). Elle devient les directives territoriales d’aménagement et de développement durables en vertu de la loi n°2010-788 du 12 juillet 2010 (dite loi « Grenelle 2 »). En ce qui concerne les grandes opérations d’urbanisme, l’État adopte un cadre légal spécifique, celui des « opérations d’intérêt national » (OIN). Enfin, certaines régions disposent d’une législation spécifique élaborée par le Conseil régional et approuvée par décret en Conseil d’État (compatible avec les lois d’urbanisme)345. financiers renforcés (fiscalité propre). La loi Voynet du 25 juin 1999, relative à l’aménagement et au développement durable, la loi dite «solidarité et renouvellement urbain» du 13 décembre 2000, ainsi que la loi sur la démocratie de proximité du 28 février 2002 complètent ce dispositif de décentralisation. 340   Santamaria F., (2016), op.cit. p. 9. 341   Lefebre R. (2015), op. cit. p. 71. 342   Un des symptômes se retrouve à l’échelle locale des élections municipales. La participation n’a cessé de diminuer depuis les élections municipales de 1983 (21,6 % d’abstention au premier tour). La non-participation se situe en 2014 à un niveau historiquement élevé avec 36,5 % d’abstention au premier tour, soit trois points de plus qu’en 2008, 4 points de plus que 2001, 6 points de plus que 1995. Ibid, p. 71. 343   Desjardins X. (2016), op. cit. p. 32. 344   Légifrance, Loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement, disponible sur <www. legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000022470434/ > ; site consulté le 23 février 2021. 345   En ce qui concerne la place des petites villes, si l’on remonte au fondement de la gouvernance communale en France, la révolution entraîna de profonde réorganisation. C’est à l’État de la IIIe République que revient l’initiative des grandes lois sur les libertés municipales (notamment celles de 1884). Face aux initiatives sociales et politiques des grandes communes, l’État utilise ses préfets sur le terrain, le conseil d’État à Paris, pour limiter l’autonomie des villes et assurer sa prééminence politique, notamment en termes de ressources et d’expertise. Néanmoins, la commune conservée par la révolution demeure un des fondements, parfois mythifié, de la démocratie française, alors que la ville apparaît comme une menace pour la république jacobine (Le Galès, 2003). À la fin du XIXe siècle, la République s’impose sur l’appui des « petites patries » et des communes, cellules de base de la démocratie française, selon l’expression consacrée dans l’imaginaire républicain. Par conséquent, le

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Le positionnement de l’État interrogé

Depuis le début des années 2000, l’aménagement du territoire connait une grande crise en France avec une remise en question des compétences de l’État346. Suite à la décentralisation, certains affirme que l’État s’est désengagé des territoires. « La question n’est pourtant pas celle d’une disparition de l’État dans les questions territoriales mais son inscription dans une gouvernance complexe appelant à une redéfinition des stratégies » écrit Brigitte Fouilland347. Le débat s’articule entre deux idées ; celle d’un État se positionnant comme partenaire des collectivités territoriales et l’autre, celle d’un État qui se défausserait sur les collectivités de sa responsabilité en matière développement local. La gouvernance de l’État s’est orientée vers une logique d’appels à projet, qui s’organise/ articule autour d’une politique de zonages348 et de pôles349. La politique de soutien aux territoires des années 1960 va progressivement laisser la place à une politique encadrée par des règles budgétaires et des objectifs économiques et d’innovation. Cette logique de partenariat entre l’État et les collectivités se développe fortement depuis les années 2000, avec les pôles de compétitivité (2004, 2007, 2011) et les pôles d’excellence rurale (2005) et la création d’agences. Mais comment se situent les enjeux autour des petites villes, dans cette nouvelle politique d’aménagement du territoire ? La loi organique relative aux lois de finances (LOLF) et la Révision générale des politiques publiques (RGPP) en 2007, ont entraîné des coupes budgétaires drastiques. Les premiers à en subir les conséquences sont les petites et moyennes villes. La réforme des cartes hospitalière, judiciaire et militaire ne laissent entrevoir qu’un avenir incertain à ces villes et exprime une forme de retrait de la part de l’État. « Chaque ville doit devenir un lieu de production, et pour cela être un lieu générateur d’attractivité économique et de qualité urbaine, ceci à l’aune des standards internationaux »350. Le territoire s’inscrit dès lors ? dans une logique concurrentielle. L’échelon régional est définitivement promu comme le lieu où s’exerce le pilotage local des politiques publiques de l’État, pour répondre aux défis économiques et sociaux351. Enfin, depuis la conférence des Nations Unies sur l’environnement et le développement de Rio de Janeiro de 1992 (« Sommet Planète Terre »), la « cohésion territoriale » remplace l’expression d’« aménagement du territoire » en France.

cadre communal demeure quasiment inchangé depuis l’Ancien régime. Les fusions de communes n’ont jamais rencontré de francs succès à la différence des autres pays européens. Il en va de même pour les cantons. Depuis 1801 et jusque 2013, les trois cinquièmes des cantons n’ont connu aucune modification territoriale. Il en résulte d’énormes distorsions démographiques, maintes fois soulignées par le Conseil d’État et le Conseil constitutionnel. L’écart entre le canton le moins peuplé et le plus peuplé d’un même département peut ainsi aller de 1 à 47. Lefebre R. (2015), « Le système français est-il réformable ? », Allemagne d’aujourd’hui, n°212, p. 70, disponible sur <www. cairn.info/revue-allemagne-d-aujourd-hui-2015-2-page-70.htm> ; site consulté le 6 février 2021. Desjardins X. (2016), op. cit. p. 34. 346   Scarwell H-J. (2014), « Philippe Subra, Géopolitique de l’aménagement du territoire », Territoire en mouvement, disponible sur <journals.openedition.org/tem/3019> ; site consulté le 11février 2021. 347   Fouilland B. (2009), « De l’aménagement au gouvernement des territoires, où est l’État ? » Revue Projet, n° 310, pp. 1321, disponible sur <www.cairn.info/revue-projet-2009-3-page-13.htm> ; site consulté le 12 février 2021. 348   Le zonage consiste à introduire une discrimination entre territoires en fonction de critères en dessous desquels les financements ne sont pas attribués. 349   La politique de pôles consiste à attribuer à des territoires infranationaux, soit en difficulté, soit d’excellence, des moyens financiers et humains exceptionnels. 350   Fouilland B. (2009), op. cit. 351   Le Clainche M. (2008), « … la révision des politiques publiques : premières annonces », Revue française d’administration publique, n° 125, pp. 197-200, disponible sur <www.cairn.info/revue-francaise-d-administration-publique-2008-1-page-197. htm> ; site consulté le 11 février 2021.

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L’apogée dans le développement des métropoles

Il parait difficile de mentionner le « délaissement » des petites villes sans aborder la croissance des métropoles. Le début des années 2000 a en effet été marqué par un volontarisme inédit des autorités politiques en faveur de l’échelon métropolitain, désormais justifié par la nécessité d’accroître la compétitivité des villes aux échelles européenne et internationale.352 Pour la première fois depuis la création des communautés urbaines en 1966, l’État recourt à l’adoption d’une loi pour créer de nouvelles entités intercommunales à vocation urbaine. À la suite d’autres États, la France est prise dans la vague de réformes institutionnelles qui, depuis plus de vingt ans, visent à préciser et à renforcer le statut des grandes agglomérations en Europe (Jouve, 2005 ; Dubois, 2014). Les métropoles sont de nouveau intégrées aux stratégies d’aménagement dans les travaux de la DATAR depuis le lancement par le CIADT (Comité interministériel de l’aménagement et du développement du territoire) en décembre 2002, d’une Stratégie nationale de renforcement de l’offre métropolitaine de la France en Europe353. La production savante et statistique s’accélère et aboutit en 2009 à la publication d’un rapport stratégique sur l’aménagement du territoire, visant à renforcer les métropoles en priorité354. Les réformes d’aménagement du territoire ont le plus souvent été initiées à l’échelle nationale. Elles introduisent de nouvelles formes de régulations institutionnelles du développement du territoire et de l’administration. Le statut de métropole en France a été créé par la loi du 16 décembre 2010 dans l’objectif de renforcer les territoires, d’affirmer le rôle des grandes agglomérations comme moteurs de la croissance et de l’attractivité du territoire355. La loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles (loi MAPTAM) adoptée en janvier 2014, suivie de la loi portant sur la nouvelle organisation territoriale de la République (dite loi NOTRe) du 7 août 2015356, ont probablement été les plus influentes en introduisant une nouvelle forme de coopération inter-municipale appelée « la métropole »357. On distingue dès lors : · 12 métropoles de « droit commun » (Bordeaux Métropole, Brest Métropole, GrenobleAlpes Métropole, la métropole du Grand Nancy, Nantes Métropole, Nice-Côte d’Azur Métropole, Rennes Métropole, Rouen Normandie Métropole, la métropole européenne de Strasbourg, Toulouse Métropole) ; · 2 métropoles à statut particulier (la métropole du Grand Paris et la métropole d’Aix-

352   Olive M. (2015), « Métropoles en tension. La construction heurtée des espaces politiques métropolitains », Espaces et sociétés, numéro 160-161, p. 136, disponible sur <www.cairn.info/journal-espaces-et-societes-2015-1-page-135.htm> ; site consulté le 11 février 2021. 353   Ibid, p. 139. 354   Diact, Une nouvelle ambition pour l’aménagement du territoire, Paris, La documentation française, 2009. 355   Gouvernement français, « Les métropoles », publié le 15 mai 2017, disponible sur <www.gouvernement.fr/action/lesmetropoles> ; site consulté le 12 février 2021. 356   Loi 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, disponible sur <www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000028526298/> ; Loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, disponible sur <www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000030985460/> ; site consulté le 23 février 2021. 357   La définition donnée par l’article L5217-1 du Code général des collectivités territoriales définit la métropole comme un établissement public de coopération intercommunale (EPCI) qui regroupe plusieurs communes « d’un seul tenant et sans enclave » qui s’associent au sein d’un espace de solidarité pour élaborer et conduire ensemble un projet d’aménagement et de développement économique, écologique, éducatif, culturel et social de leur territoire afin d’en améliorer la compétitivité et la cohésion. Au 1er janvier 2015 peuvent se transformer en métropole, les ensembles de plus de 400 000 habitants dans une aire urbaine de de plus 650 000 habitants. Disponible sur <www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000034116512/ > ; site consulté de 12 février 2021.

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Marseille-Provence) ; · 1 collectivité territoriale à statut particulier dotée des compétences d’une métropole et d’un département (la métropole de Lyon). Le pacte État-Métropoles358 et plus spécifiquement, le Pacte métropolitain d’innovation lie chaque métropole à l’État selon plusieurs thèmes (transition énergétique et environnement, ville intelligente et mobilités, excellence économique et rayonnement international). Il relie également la métropole aux territoires alentours. Les métropoles sont mises au centre des défis économiques, sociaux et environnementaux et désignées comme les « leaders » des territoires proches. Elles s’inscrivent alors dans un double défi ; répondre aux enjeux au sein de leur développement interne et subvenir aux besoins des territoires alentours. Le gouvernement français souhaite que l’intégration de ces territoires dans le cadre d’une gouvernance partagée puisse asseoir une véritable alliance des territoires. La métropole est désignée comme le maillon principal permettant de relier tous les territoires les uns aux autres, des grandes aires urbaines aux espaces ruraux, en passant par les espaces périurbains, dans toute leur variété, des villes moyennes et petites aux bourgs-centres. Il est possible de se demander si le pacte ainsi formulé ne prêche pas par excès d’ambition. En voulant (trop) bien faire, ce pacte a peut-être donné trop de « cartes » aux métropoles et pas assez aux territoires alentours. Les politiques d’aménagement du territoire ont fortement évolué dans leur positionnement depuis leur apparition en France. Davantage axées sur le développement d’aires urbaines de petite et moyenne taille, elles ont peu à peu concentré au sein des métropoles et grandes aires urbaines leurs outils de développement territorial afin d’assurer la concurrence du territoire français à l’international. Face aux grandes métropoles, les communes conservent des pouvoirs non négligeables. Dans le cadre de la loi NOTRe du 7 août 2015, la commune demeure l’unique échelon de collectivité à bénéficier de la clause de compétence générale, ce qui lui permet de répondre à l’ensemble des besoins du quotidien des citoyens. Depuis quelques années, les politiques publiques connaissent un regain d’intérêt pour les petites villes et communautés rurales. Une réponse aux récits du déclin urbain s’est mise en place, aboutissant à la création de plusieurs dispositifs d’actions sur ces territoires. Ceux-ci seront examinés plus en détails par la suite.

358   Le pacte État-Métropoles, signé le 6 juillet 2016, définit une stratégie nationale de développement des métropoles fondée sur l’innovation. Il vise à construire les métropoles de demain et à relever trois défis majeurs : permettre aux métropoles d’affronter la concurrence entre métropoles mondiales ; favoriser leur rôle de locomotive de l’économie nationale ; donner aux métropoles les moyens de répondre aux besoins de leur population. Économiquement fortes, les métropoles sont socialement fragiles. Elles doivent répondre à des enjeux essentiels pour leur équilibre comme la crise du logement, les congestions urbaines, les quartiers sensibles, la paupérisation du milieu étudiant, l’accueil régulier de nouvelles populations. « #PacteÉtatMétropoles : l’innovation au service des territoires », publié le 27 janvier 2017, disponible sur <www.gouvernement.fr/pacteetatmetropoles-linnovation-au-service-des-territoires > ; site consulté le 12 février 2021.

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La Raumordung – l’aménagement du territoire allemand, une conception « du bas vers le haut » La notion de Raumordung, traduit comme aménagement du territoire en Allemagne, n’est définit à aucun moment dans la loi allemande. Elle désigne une planification et une organisation spatiale ayant une vocation de synthèse. En d’autres termes, elle regroupe plusieurs domaines et se réfère toujours à un territoire supérieur à la commune, en général le territoire national ou celui d’un Land359. En fait, la Raumordnung décrit le système organisationnel et de développement d’un espace. Elle a un rôle de coordination et de concertation à la fois vertical et horizontal. Elle ne désigne pas la puissance publique pour la mise en œuvre des opérations d’aménagement, contrairement à la Raumplanung (ou Landesplanung – planification des Länder), qui définit la planification spatiale. L’approche allemande générale de la conception de l’aménagement du territoire se différencie ainsi de l’approche géographique suivie dans la conception française360. La période de l’industrialisation au début du XXe siècle a favorisé une croissance (démographique et économique) importante en Allemagne, notamment dans les grandes agglomérations. L’aménagement du territoire est alors apparu pour répondre aux transformations spatiales engendrées par l’industrialisation. Pour répondre à ces évolutions soudaines, les élus locaux ont dû mettre en place des mécanismes de coordination allant au-delà des limites communales. Des premières formes de coopération intercommunale ont vu le jour dans les grandes agglomérations, sous le nom de « syndicat » (verband)361. Il est intéressant de souligner que cette planification spatiale reposait principalement sur une conception physique – conception qui a longtemps perduré dans l’aménagement du territoire allemand. L’aménagement du territoire s’est développé à l’échelle régionale, bien avant son extension au niveau national, sous le régime national-socialiste (Nazi) à partir de 1935, et avec la création du Bureau Impérial d’aménagement du territoire (Reichsstelle für Raumordnung). La motivation qui a amené à étendre l’aménagement à l’ensemble du territoire allemand fut celle des objectifs militaires poursuivis par les dirigeants nazis, et non celle d’une répartition spatiale équilibrée. Il faut attendre l’après-Guerre pour que le gouvernement allemand réalise l’importance d’une politique coordonnée sur l’ensemble du territoire, notamment pour la construction de logements et d’infrastructures. Les années 1950 marquent un tournant dans l’aménagement du territoire avec l’émergence de nouvelles préoccupations de la part des dirigeants. Tout commence avec l’adoption de la Loi fondamentale du 23 mai 1949. Celle-ci ne donne qu’une compétencecadre à la Fédération en ce domaine, en laissant aux Länder la compétence pour l’organisation et la mise en œuvre. La nécessité d’une meilleure coordination verticale et horizontale apparait et donne naissance à un grand débat à l’échelle du pays. Par opposition à la France, où l’aménagement du territoire devint très tôt une préoccupation nationale, en Allemagne, cette conception généralisée met plus de temps à se mettre en place. C’est seulement dans les années 1960 que les premières lois fédérales sont adoptées362. 359   Guder U. (2003), op. cit. p. 8. 360   Ibid, p. 2. 361   C’est par association volontaire qu’a été créé en 1911 le premier syndicat «fonctionnel» de planification qui a réuni Berlin et les communes de ses environs (Zweckverband Groß-Berlin). En 1920, la région de la Ruhr a suivi l’exemple berlinois en créant le syndicat d’agglomération du district minier de la Ruhr (Siedlungsverband Ruhrkohlenbezirk). Ibid, p. 10. 362   En 1960, la loi fédérale sur la construction a établi un lien juridique entre l’aménagement du territoire et l’urbanisme. Puis,

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Le débat des régions métropolitaines (Metropolregionen) Par la suite, l’aménagement du territoire a connu des évolutions majeures, avec l’élaboration d’un premier programme pour l’ensemble du territoire (BundesraumordnungsprogrammBROP)363. Il aura fallu attendre plus de cinquante ans depuis la création de la RFA pour qu’une planification spatiale inclue à la fois une planification économique et financière au niveau national. Étonnamment, ce programme a été l’unique tentative, à ce jour, d’assurer une coordination horizontale et verticale, intégrant les différentes politiques sectorielles dans un plan fédéral d’aménagement. À partir de 1975, une grave crise de l’aménagement du territoire apparaît, engendrée par la peur d’une approche globale. Les années 1990, avec la réunification des deux Allemagne, redonne une impulsion à l’aménagement du territoire. Comme en France, la création de l’Union européenne et l’approfondissement de la construction européenne qu’elle entraîne vont avoir une influence déterminante sur la politique d’aménagement du territoire allemand, avec l’apparition des notions de développement durable et de cohésion sociale (Nachhaltige Entwicklung, Gesellschaftlicher Zusammenhalt). Sur la scène politique allemande, les régions métropolitaines et leur rôle dans l’économie et le développement social du pays sont une source permanente de débats. En raison de la structure fédérale de l’État, il n’existe pas de régulation des régions métropolitaines à l’échelle nationale. La volonté politique d’établir un échelon métropolitain pour les politiques publiques et la planification à l’échelle nationale a été bien plus forte en France qu’en Allemagne364. Les municipalités, qui ont un pouvoir décisionnel très fort en Allemagne, se sont toujours opposées à la création de nouvelles institutions métropolitaines. Même si plusieurs associations à grande échelle se sont mises en place, la Umlandverband Frankfurt365 (UFV) en 1975 a marqué la fin de la période des réformes métropolitaines en Allemagne avec le début un nouveau localisme au début des années 1990, toujours présent aujourd’hui. L’approche des régions métropolitaines (Metropolregionen) des années 1990, donne le jour à un réseau des régions en 2001, sous le nom d’Initiativkreis Europäische Metropolregionen (IKM) 366. Auparavant, l’aménagement urbain allemand se caractérisait par les notions de centre régional et d’agglomération. Cette initiative a donné l’opportunité à des régions plus petites de

en 1965, la première loi cadre fédérale sur l’aménagement du territoire (Raumordnungsgesetz ROG) a été adoptée. 363   Le programme a été adopté 7 ans plus tard en 1975. 364   Zimmermann.K, Feiertag.P (2017), Governance and territorial regulation of the metropolis in Germany and France, POPSU, p. 5, disponible sur <www.urbanisme-puca.gouv.fr/IMG/pdf/zimmermann_papier_final_popsu_mars2017.pdf > ; site consulté le 11 février 202.1 365   De 1975 à 2001, l’Umlandverband Frankfurt (UVF) a été la principale autorité de coopération intercommunale dans l’agglomération de Francfort-sur-le-Main. Elle a été absorbée par la future association de planification de l’agglomération de Francfort-Rhin-Main et, depuis 2011, par l’association régionale de Francfort-Rhin-Main. L’UVF était une association obligatoire (Mehrzweck-Plichtverband) à buts multiples, c’est-à-dire que les municipalités membres n’ont pas adhéré volontairement, mais ont été obligées de le faire en vertu d’une loi de l’État, et contrairement à une association monothématique à but spécifique, l’UVF avait de nombreuses tâches de planification, de parrainage et de mise en œuvre. Cette coopération intercommunale s’était mise en place sur la base juridique de la loi de la Hesse sur la formation de l’Association régionale de Francfort (UFG) du 11 septembre 1974. <de.wikipedia.org/wiki/Umlandverband_Frankfurt> 366   La Conférence ministérielle sur l’aménagement du territoire Ministerkonferenz für Raumordnung (MKRO) des années 1990 avaient initialement identifié sept grandes agglomérations urbaines d’une importance et d’un rôle exceptionnels dans le système urbain au niveau national et international en tant que régions métropolitaines. Elles les avaient décrites comme « des moteurs de développement social, économique, social et culturel avec une bonne accessibilité au niveau européen et international et un large attrait pour la région environnante ». IKM (2020), À propos d’IKM, disponible sur <deutsche-metropolregionen. webseiten.cc/ueber-ikm/hintergrund/> ; site consulté le 30 janvier 2021.

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s’intégrer au sein d’un réseau important grâce à la coopération. La Conférence ministérielle sur l’aménagement du territoire Ministerkonferenz für Raumordnung (MKRO) en 2006 a joué un rôle significatif dans la reformulation des principes directeurs des actions stratégiques de développement spatial en Allemagne. À l’issue de cette conférence, onze régions métropolitaines ont été définies367 et sont aujourd’hui officiellement réunies dans le groupe d’initiative IKM des régions métropolitaines européennes en Allemagne. Dans la nouvelle version des « Principes directeurs et stratégies pour le développement spatial en Allemagne » en mars 2016, la MKRO a une fois de plus souligné l’importance des régions métropolitaines pour le développement spatial. À l’instar de la France, on ne parle pas ici d’une gouvernance partagée mais de « moteurs de développement » pour définir les territoires métropolitains368. Si l’on observe à présent les principes directeurs et les stratégies d’action du développement spatial en Allemagne (2016), on constate le passage d’une stratégie « d’amélioration » de la compétitivité à un « renforcement » de la compétitivité. Cela tend à donner la possibilité à toutes les régions et sous-régions de se développer de manière durable et compétitive. Dans les approches de développement spatial, de nombreux points sont axés sur le développement et la coopération des régions métropolitaines à une échelle nationale, européenne voire internationale. Toutefois, deux points intéressent le développement des zones dites rurales369 : · Renforcer et utiliser le potentiel des zones rurales et des zones structurellement faibles au sein des zones métropolitaines ; · Conserver sur le long terme et développer les zones rurales en conservant leur diversité, et maintenir les villes et les villages comme des lieux de vie et de travail attrayants. Les régions métropolitaines allemandes ont un périmètre bien plus grand que celui des métropoles françaises, et englobent des territoires dits ruraux. En France, une métropole dans le contexte de la nouvelle loi Maptam désigne une jurisdiction en termes institutionnels et en termes spatiaux, ce que nous appellerions une ville-région en allemand (Regionalstadt ou Regionalkreis). En Allemagne, la métropole est donc utilisée pour décrire de vastes territoires allant bien au-delà des villes-régions sans avoir la qualité d’une jurisdiction. Elle est proche de ce que l’on appelle un pôle métropolitain dans le contexte français370. De manière générale, la démographie est utilisée comme un critère important dans la hiérarchisation urbaine, tandis que l’approche allemande se rapproche de celle de Hans-Heinrich Blotevogel, géographe allemand, qui définit et considère les régions métropolitaines selon des fonctions métropolitaines. Cette approche permet de considérer les petites villes en termes de compétences et de fonctions et non plus seulement en fonction de leur taille.

367   Hamburg, Nordwest, Hannover Braunschweig Göttingen Wolfsburg, Hauptstadtregion Berlin-Brandenburg, Rhein-Ruhr, Mittel-deuschland, Frankfurt Rhein Main, Rhein-Neckar, Nürnberg, Stuttgart, München. 368   L’accent est davantage mis sur ces régions comme les initiateurs de la croissance. Le réseau de régions métropolitaine IKM en Allemagne mis en place en 2001 avait trois objectifs : Formuler les besoins de ces régions auprès de la politique allemande et européenne d’aménagement du territoire ; Améliorer la compétitivité et la capacité d’action des régions métropolitaines à l’échelle régionale, allemande et européenne. Développement ultérieur and mise en place du concept d’un réseau métropolitain efficace en Allemagne. 369   IKM (2020), disponible sur <deutsche-metropolregionen.webseiten.cc/ueber-ikm/hintergrund/> ; site consulté le 30 janvier 2021. 370   Zimmermann. K, Feiertag. P (2017), op.cit. p. 2.

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La commune et la Fédération Allemande

Nous avions vu dans la première partie de ce mémoire que la commune possédait des compétences majeures dans l’administration territoriale allemande. Afin de comprendre la relation entre la commune et les niveaux supérieurs de cette administration, nous allons examiner les principes et règles énoncés par la Loi fondamentale concernant l’aménagement du territoire. Au niveau des Länder, la Loi fondamentale est assez restrictive avec des mesures sécurisantes et permet de restructurer le territoire fédéral : « en vue de permettre aux Länder d’accomplir efficacement les tâches qui leur incombent en fonction de leur dimension et de leur capacité. Ce faisant, on devra tenir compte des particularismes régionaux, des liens historiques et culturels, de l’opportunité économique ainsi que des impératifs de l’aménagement du territoire et du développement régional »371 (article 29 L, complété par les articles 118 et 188a). Pour cette raison, le fusionnement de plusieurs Länder s’est rarement réalisé (fusion des Länder WurttembergBaden, Wurttemberg-Hohenzollern et Pays de Base pour former le Bade-Wurttemberg en 1952372). Si les communes ne font pas l’objet d’un traitement approfondi dans la Loi fondamentale, Herrmann R., a identifié des dispositions où elles sont évoquées373. L’article 28 (2) de la Loi fondamentale374 précise qu’« il doit leur être garanti le droit de régler, sous leur propre responsabilité, toutes les affaires de la communauté locale, dans le cadre des lois », de même pour les groupements de communes. Cette auto-administration comprend aussi les bases de l’autonomie financière. La loi garantit aux communes « des ressources fiscales […] assises sur le potentiel économique et dont les communes peuvent fixer le taux de perception »375. Les communes renforcent leur puissance au sein de trois structures de représentation et de lobbying : le Deutscher Städtetag (Fédération des grandes villes), le Deutscher Landkreistag (Fédération des arrondissements) et le Deutscher Städte-und Gemeindebund (Fédération des petites villes et villages). Ces trois fédérations, ayant un poids important face au gouvernement, se sont à leur tour réunies en une seule et même confédération afin de regrouper les intérêts partagés par l’ensemble des communes376. « La proximité de la gestion communale des habitants, leur implication dans tous les aspects de la vie communautaire, la qualité des services et implication dans tous les aspects de la vie communautaire, la qualité des services et leur efficacité constituent la partition d’une musique de fond partagée par toutes les sensibilité politiques et de la vie associative »377. Au sein de la structure fédérée, chaque niveau a ses compétences avec des variantes d’un Land à l’autre. Comme en France, face à l’État (représenté ici par l’État fédéral et les 16 Länder), les communes affirment leur droit à l’auto-administration par le biais d’une compétence générale (Allzuständigkeit). Les communes allemandes se caractérisent en effet par un pouvoir décisionnel étendu, établi par les réformes des années 1970 et 1990. Les termes du débat autour de la juste 371   Herrmann R. (2015), « Le mille-feuilles allemand », Allemagne d’aujourd’hui, n° 212, p. 100, trad. de l’auteur, disponible sur <www.cairn.info/revue-allemagne-d-aujourd-hui-2015-2-page-98.htm> ; site consulté le 8 février 2021. 372   « Fusion des Länder : un autre débat franco-allemand », Eurojournalist, publié le 29 octobre 2014, disponible sur <eurojournalist.eu/fusion-des-laender-un-autre-debat-franco-allemand/> ; site consulté le 23 février 2021. 373   Herrmann R. (2015), op. cit. p. 101. 374   Article 28 (2), Garantie fédérale relative aux constitutions des Länder, autonomie communale, dans la Loi fondamentale pour la République fédérale d’Allemagne, Deutscher Bundestag, novembre 2012 p. 35, disponible sur <www.bundestag.de/ resource/blob/189762/f0568757877611b2e434039d29a1a822/loi_fondamentale-data.pdf> ; site consulté e 16 février 2021. 375   Ibid, p. 35. 376   Herrmann R. (2015), op. cit. p. 101. 377   Ibid, p. 101.

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taille des communes et arrondissements évoluent également. La démographie et le potentiel économique d’une commune sont devenus des facteurs beaucoup plus important qu’auparavant. Les mutations de ces dernières années liées aux mouvements migratoires internes, mais aussi le déclin de la natalité en Allemagne présent depuis la fin du XXe siècle va accélérer un « nouveau train de restructurations à l’intérieur des Länder » juge Herrmann R. En effet, une accentuation des inégalités territoriales avec leurs disparités économiques, sociales et politiques, est observable depuis les années 2000. Herrmann résume le débat actuel allemand concernant l’aménagement du territoire en deux préoccupations : « [C]omment mieux respecter le principe de connexion qui consiste à affecter aux tâches partagées les dotations suffisantes de l’État fédéral aux Länder et aux communes, et comment adapter aux besoins des uns et des autres les péréquations financières entre niveau fédéral et Länder d’une part et entre Länder entre eux d’autre part »378. À l’inverse de la restructuration du territoire engagée par la France, avec le développement des intercommunalités et le regroupement des régions, l’objectif du territoire fédéral allemand consiste à stabiliser les capacités communales : la commune allemande est avant tout le lieu où se forment les identités379.

L’aménagement du territoire, vision politique du territoire Le géographe Philippe Subra le souligne : « L’aménagement du territoire n’est pas seulement une affaire de spécialistes [mais aussi] une affaire de bon diagnostic et d’opération bien pensées. C’est aussi et tout autant une question politique. C’est-à-dire une affaire de pouvoirs, de rapports de forces, de rivalités entre responsables et forces politiques, d’affrontements entre projets concurrents, entre groupes de pression, où s’expriment les intérêts divergents d’acteurs multiples ; enfin une affaire de citoyens, un objet de débats dans les médias comme sur la place publique »380. Dans cette perspective, Philippe Subra dénonce la représentation trop longtemps technicocentrée de l’aménagement du territoire, présenté comme un ensemble de théories avec comme vocation « l’amélioration des conditions et du cadre de vie des populations ou « une meilleure distribution des activités et des populations »381. Il est vrai que les rapports de forces sous-jacents à l’aménagement sont rarement mentionnés – le rendant lisse, sans conflits entre acteurs et sans divergences des points de vue. L’étude des enjeux géopolitiques autour des stratégies de développement, d’équipement ou encore de l’urbanisation des petites villes n’est apparue que récemment, tout comme leur traduction dans les médias généralistes à l’échelle supra-locale ; or les conflits ont souvent lieu dans les campagnes et dépassent rarement la sphère communale. L’aménagement du territoire reste peu abordé par les géographes, même si le territoire s’est 378   Ibid, p. 103. 379   Ibid, p. 103. 380   Subra P. (2008) « L’aménagement, une question géopolitique ! », Hérodote, n°130, p. 222, disponible sur <www.cairn. info/revue-herodote-2008-3-page-222.htm> ; site consulté le 11 février 2021. 381   Ibid, pp. 229-230.

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révélé être un « facteur décisif des conflits »382. À de nombreuses reprises, de grands projets d’infrastructure (aéroports, gares, centres commerciaux) ont engendré des mouvements de contestation. La crise des gilets jaunes a rassemblé des habitants à travers toute la France autour des ronds-points, et le conflit s’est ancré sur la carte ; impossible d’y répondre sans mentionner le territoire. L’opposition entre des positions de pouvoir territorial ne peut uniquement relever de la technique, car elle est par essence également politique. Étudier les politiques d’aménagement, c’est questionner la notion de l’intérêt général au regard d’intérêts collectifs parfois diffus et divergents. Le but de tout acteur politique est d’exercer un contrôle sur un territoire donné, une forme d’appropriation. Or comme le souligne Philippe Subra, le contrôle est défini par l’usage : « il y a appropriation lorsqu’un acteur peut user de l’espace en fonction de ses besoins et de ses intérêts »383. En définitive, interroger l’existence de politiques publiques ayant pour objet les petites villes doit conduire, au-delà d’une réponse affirmative ou négative, à identifier les enjeux autour de cette question. Quels ont été les arguments pour la création de ces politiques ? Ont-telles été adoptées facilement à l’échelle locale ? Quels ont été les obstacles rencontrés et sont-ils nombreux ? Le conflit entre acteurs naît de deux ou plusieurs projets d’appropriation d’un espace similaire, mais jugés incompatibles par au moins l’un des acteurs. Dans le cadre d’un tel conflit, les acteurs « insatisfaits » dont les intérêts convergent forment souvent des alliances, ou des coalitions de circonstances. Elles sont en fait fondées sur des discours, des représentations conscientes ou inconscientes de ces espaces du vécu. Chaque acteur évolue à son échelle, et analyse les situations en fonction de ses besoins et de sa propre grille de lecture. En découle une vision propre du territoire de ce qu’il doit être, de ce qu’il doit devenir et donc de ce que doit être une « bonne » politique d’aménagement384. Pour cette raison, les décisions politiques, les choix stratégiques ne peuvent être comprises sans appréhender les représentations issues des discours des acteurs. Ce sont ces représentations qui sont étudiées dans nos développements sur les récits du déclin urbain. Nous avons pu constater que le discours du déclin jaillit souvent à une échelle locale du territoire, par ses habitants, ses travailleurs, ses élus locaux et qu’il pouvait s’incarner sous plusieurs formes. Depuis quelques années, les petites villes connaissent un regain d’intérêt à la fois des populations qui les habitent, des politiques qui les gouvernent, des architectes et urbanistes qui les dessinent et mais aussi des chercheurs. Le positionnement favorable de la petite ville au sein des politiques publiques d’aménagement en France et en Allemagne en fait désormais un objet géopolitique significatif. Après avoir étudié le traitement de la petite ville dans le débat public, il s’agit à présent de l’étudier au sein des politiques publiques qui en découlent. « Sans Politique, il n’y aurait pas de ville » écrivent Cathy Chatel et François Moriconi Ebrard. « [L]es villes ont été créées par le Politique, mais le Politique évolue aujourd’hui dans un monde global où la marge de manœuvre des gouvernements devient limitée, face aux impératifs de rentabilité financière, et donc de production de richesse »385. L’économie financière ne sachant produire

382   Ibid, p. 233. 383   Ibid, p.242 384   Ibid, p.244. 385   Chatel C. Moriconi Ebrad F. (2017), “Les petites villes à la recherche de valeur ou de richesse ?” territoire en mouvement, Revue de Géographie et d’Aménagement, Université des Sciences et Technologies de Lille, p.2, disponible sur <journals. openedition.org/tem/3950> ; site consulté le 11 février 2021.

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que de la richesse et des capitaux, concentrée en de rares pôles d’attractivité, la mondialisation fragilise les valeurs, idéologies et concepts véhiculés par la petite ville. Afin d’étudier le positionnement de la petite ville au sein des politiques, il convient d’analyser les liens qui se tissent entre le discours du déclin urbain dont elles sont victimes et l’action publique en France et en Allemagne. Quelles sont les réponses des politiques face au déclin des emplois, à la disparition des services de proximité, au vieillissement de la population ?

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3.2. LES ACTIONS POLITIQUES DANS LA PETITE VILLE L’agenda institutionnel en France L’évolution des pays vers des systèmes plus décentralisés ou régionaux (Espagne, Italie), voire fédéralistes (Belgique) a permis l’accroissement de la contractualisation entre l’État et les collectivités locales. Au moment de la première vague de décentralisation en France, les contrats sont apparus comme une alternative aux pratiques verticales et sectorielles. Sur le plan financier, la contractualisation permet de faire appel aux capacités financières des autres acteurs publics et permet ainsi à l’État de s’alléger. Avant la politique de contractualisation, la démarche de Plan prédominait dans les années 1950 : programmes d’actions régionaux (1955), plans régionaux (1958), tranches régionales du plan en 1966, plans d’aménagement rural en 1967, ou encore plans régionaux de développement économique en 1971, ce afin de corriger les déséquilibres nationaux (Fijalkow, 2009). La conjoncture des années 1973-1981 attire l’attention sur les processus de croissance et de déclin urbain. Cette volonté de soutenir les territoires en difficulté et d’accompagner le développement urbain marque un tournant dans la relation entre l’État et les collectivités locales durant les années 1980. Les premières initiatives s’apparentent davantage à une volonté de territorialisation des politiques de l’État qu’à une véritable amorce de décentralisation. Enfin, les préoccupations budgétaires constituent une motivation importante pour l’État, surtout après le choc pétrolier de 1973386. Dans cette logique, l’aménagement du territoire s’appuie sur la trilogie « un territoire, un pouvoir, un budget » (ibid.). On voit alors se développer les contrats-plans entre l’État et les communautés urbaines (1970), les contrats de villes moyennes (1973), les contrats de pays (1975) et les contrats habitat et vie sociale (1977). Ainsi, la première vague de décentralisation a fourni le cadre pour mettre en place une politique de contractualisation. Le choix du périmètre de ces projets appartient aux acteurs selon des fondements de cohésion géographique, historique, culturelle, économique et sociale. Cette période ne se caractérise pas seulement par une contractualisation des relations institutionnelles mais aussi par une territorialisation des politiques publiques, accompagnée par le développement de l’intercommunalité (ibid.). « L’aspect contractuel prend en compte les interactions, l’aspect territorial prend mieux en compte la complexité »387. La région devient un pilier important dans les négociations entre l’État et les départements et les communes. Les plans État-régions apparaissent avec la loi du 29 juillet 1982 ; ils accompagnent le plan national sur la même durée mais sont élaborés de manière autonome. Les contrats de plan État-région (CPER) sont perçus comme des outils de mise en œuvre et d’articulation du plan national et régional dans le but de « concilier libertés locales et cohérence nationale »388. La politique de contractualisation a connu un nouveau souffle à partir de 2016, avec la mise en 386   Ibid, p. 12. 387   Vandeweeghe F. (2004), « Décentralisation, nouvelle politique contractuelle et avenir des contrats de plan État-Régions, Avis et rapports du conseil économique et social, p. 9, disponible sur <www.lecese.fr/sites/default/files/pdf/Avis/2004/2004_18_ francis_vandeweeghe.pdf > ; site consulté le 17 février 2021. 388   Ibid, p. 12.

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place de contrats de ruralités entre les intercommunalités. Dans cette logique, l’État a commencé à lancer des appels à manifestation d’intérêt sur les territoires de projet, aboutissant à différents dispositifs d’aménagement et d’urbanisme. Cependant, la méthode contractuelle n’aboutit pas forcément à des actions plus efficaces389. Les démarches contractuelles restent difficiles à mettre en œuvre et les acteurs publics ont du mal à se détacher de la méthodologie partenariale verticale. La complexité des projets n’engage pas une souplesse d’action et rallonge souvent l’élaboration du projet. « Le caractère temporel de la contractualisation le rend par définition instable, ce qui perturbe les acteurs »390.

Les petites villes et la contractualisation Les petites communes en France font l’expérience du déclin urbain depuis de nombreuses années. Toutefois, il aura fallu attendre le début des années 2000 pour que le déclin devienne le sujet de débats publics, de consultations, de rencontres et seulement depuis quelques années, il fait l’objet d’allocutions récurrentes des membres du gouvernement. Suite à la reconnaissance de l’existence de certaines formes de déclin urbain, des actions se sont mises en place pour y répondre à l’échelle nationale. Des politiques publiques se sont attelées à répondre aux formes de déclin touchant des aires urbaines identifiées. Tout d’abord, différents dispositifs ont été mis en place. C’est ce qu’illustrent le programme pour les territoires victimes de la désindustrialisation Territoires d’industrie, l’agenda spécial pour les territoires ruraux en difficulté (CPER), ou encore le programme pour la revitalisation des centres-villes des villes moyennes Action Cœur de Ville. Un dispositif développé spécialement pour répondre au déclin des petites villes a été mis en place en 2020 Petites villes de demain. Par ailleurs, des consultations entre l’État, les investisseurs et les collectivités territoriales se sont aussi organisées ; l’action publique s’est aussi déroulée au sein de ces petites villes lors du « Grand débat », sous la présidence d’Emmanuel Macron (2017 - ), avec des déplacements des membres du gouvernement pour dialoguer avec les maires des communes. 1,5 million de personnes ont participé au « Grand débat », en participant à l’une des 10 000 réunions locales et conférences391. Ces initiatives soulignent la naissance (tardive) d’un dialogue au sujet du déclin urbain au cours des années 2000. Il s’agit à présent examiner plus en détail ces différentes actions, afin de comprendre leurs modalités de mise en œuvre, les outils qu’elles convoquent et les résultats obtenus, lorsqu’ils sont connus.

389   Boutet A. (2003), Contractualisation territoriale, capitalisation bibliographique, un mode d’action publique en renouveau permanent ou un outil d’avenir pour l’aménagement ? DATAR, CDU-DGUHC, p. 130, disponible sur <www.cdu.urbanisme. equipement.gouv.fr/IMG/pdf/contractualisation_cle5c268f.pdf> ; site consulté le 25 février 2021. 390   Ibid, p. 131. 391   500 000 contributeurs ont déposé leur contribution sur la plateforme citoyenne. Gaspar R. « Grand débat : le retour en grâce des communes », La Gazette, publié le 14 avril 2019, disponible sur <www.lagazettedescommunes.com/617127/granddebat-le-retour-en-grace-des-communes/ > ; site consulté le 12 février 2021.

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Le Programme National de Requalification des Quartiers Anciens Dégradés (PNRQAD)

En 2009, l’ANRU lance le PNRQAD afin de transformer des quartiers dégradés de centres anciens qui concentrent un grand nombre d’habitat indigne. Cet appel à projet, coordonné entre les collectivités et l’État, vise à réhabiliter 60 000 logements privés – dont au moins 30 000 doivent faire l’objet d’un conventionnement – et à produire 25 000 logements locatifs sociaux et 5 000 places d’hébergement ou logements de transition392. Les quartiers sélectionnés possèdent une qualité ancienne. Il s’agit ici d’assurer d’une valorisation patrimoniale favorisant la mixité sociale, la diversification de l’habitat et l’amélioration énergétique des bâtiments. Les mesures adoptées tentent plus concrètement de combattre l’abandon d’un bâti ancien et insalubre, et partant une certaine forme de déclin du patrimoine et de la vacance des logements. Il est aujourd’hui difficile d’évaluer les résultats de ce dispositif, car aucun questionnaire d’évaluation n’a été développé et les critères de réussite des projets n’ont pas non plus été déterminés393. Il n’existe donc pas de cadre national d’évaluation. En matière de gouvernance, la coordination du projet était assurée par la DHUP du ministère du Logement et de l’Égalité des Territoires, sous la forme d’une réunion bimestrielle. Lors du déroulement du programme, un manque de pilotage stratégique est apparu, doublé d’une absence de vision globale des acteurs nationaux394. Le caractère expérimental de ce dispositif transparait dans sa mise en œuvre jugée maladroite : aucun projet concret n’a été entrepris par les collectivités suite à la signature de leur convention, ce qui souligne le décalage important entre les objectifs affichés du programme national et sa mise en œuvre sur le terrain. Le rapport de décembre 2012 de la MEDDE et de la DHUP dépeint un bilan très mitigé du dispositif, pointant l’absence de diagnostic de l’état des logements préalable à la contractualisation, l’éventuelle inadéquation des moyens accordés aux besoins recensés, l’absence de vision prospective du quartier ou de l’îlot traité dans la ville et l’agglomération concernée, ou encore l’inexistence constatée d’études économiques sur les conditions de mise sur le marché des logements traités.

Programme de soutien expérimental pour revitaliser les centres-bourgs Un nouveau programme de soutien expérimental pour revitaliser les centres-bourgs a été lancé en 2014 pour une durée de six ans. 54 communes de moins de 10 000 habitants ont pu bénéficier de ce programme dans l’objectif de « développer une offre de logements, de commerces, d’équipements et de services adaptée aux besoins des habitants »395. Les centresbourgs dynamiques étaient particulièrement ciblés par ce programme, qui cherchait à conforter leur rôle au sein des campagnes et zones périurbaines396. Les bourgs dans les troisièmes couronnes 392   Decourcelle J-P., Schmit P. (2012), Évaluation du programme national de requalification des quartiers anciens dégradés (PNRQAD), MEDDE, DHUP, p. 11, disponible sur <cgedd.documentation.developpement-durable.gouv.fr/documents/ Affaires-0007340/008332-01_rapport.pdf> ; site consulté le 17 février 2021. 393   Ibid, p. 16. 394   Ibid, p. 18. 395   Revitalisation des centres-bourgs, publié le 6 août 2019, disponible sur : <cohesion-territoires.gouv.fr/revitalisation-descentres-bourgs#> ; site consulté le 8 février 2021. 396   Le programme visait en particulier les bourgs des bassins de vie ruraux ayant un rôle de structuration du territoire et d’organisation de centralités de proximité mais en perte de vitalité avec des enjeux de requalification de l’habitat.

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périurbaines étaient également visés, avec comme enjeu l’attraction de nouvelles populations, des demandes fortes en logements et services et des besoins d’adaptation de l’habitat existant.

Commune lauréate, associée à la communauté de communes ou d'agglomération dont elle fait partie

Desvres Arleux Bohain-enVermandois

PontAudemer

Périers Guingamp

Ham

Sierckles-Bains

Guise

Commercy

Orbec

Lizy-sur-Ourcq

Louvignédu-Désert

Schirmeck Joinville Langres

Pouancé

Giromagny

Montbard

Doué-laFontaine

Avallon

Buzançais Châteaumeillant

St-Maixentl'École

BarbezieuxSaint-Hilaire

St-Éloyles-Mines

St-Yrieixla-Perche

Marvejols Decazeville Lauzerte

Villeneuvede-Marsan

Lavelanet

St-Marcellin Largentière

Guillestre

PontSt-Esprit

Lodève Nay

Thizyles-Bourgs St-Bonnetle-Château

St-Flour

La Réole

Salins-lesBains

Tournus

Montmorillon Ussel

Castellane

Bram Vico

St-Pierre Grand-Bourg

73. Carte des 54 lauréats de l’appel à manifestation d’intérêt centres-bourgs

Maripasoula

Cilaos

Bandraboua

Ministère de la transition écologique, Carte des 54 lauréats de l’appel à manifestation d’intérêt centresbourgs, publié le 7 septembre 2015 (modifié le 21 octobre 2016), disponible sur centres-bourgs. logement.gouv.fr/carte-des-54-laureats-de-l-appel-amanifestation-d-r118.html.

200 km

SOURCES DES DONNÉES : CGET, 2014 ; IGN GÉOFLA, 2015 • RÉALISATION CARTOGRAPHIQUE : CGET, KH, 2014

L’étude pour identifier les causes du déclin des centres-bourgs397 a été publiée rétrospectivement au programme, en 2019398. Ainsi, les causes du déclin des villages, des bourgs et des petites villes ont pu être identifiées et véhiculées, contrairement au programme expérimental PNRQAD. L’objectif de cette étude était de « produire une analyse et de dégager des propositions reproductibles pour appuyer les politiques de revitalisation des centres-villes portées par l’État et les collectivité » résume Paul Delduc, Directeur général de l’aménagement, du logement et de la nature399. Les objectifs de la revitalisation sont précis et énoncés clairement en trois points. Les communes sont incitées à dynamiser l’économie des bassins de vie ruraux et périurbains en développant des activités productives et résidentielles. L’amélioration du cadre de vie des populations doit passer par des logements de qualité et un meilleur accès aux services de proximité. Enfin, l’étalement urbain doit être limité et la transition écologique accompagnée. Afin de répondre à ces enjeux et de proposer un projet concret pour revitaliser ces centresbourgs, différents outils sont mis à la disposition des communes. Le dispositif bénéficie d’une enveloppe dédiée d’un total de 230 millions d’euros sur 6 ans400. Le programme oriente 397   L’étude a été menée par des Architectes-conseils de l’État (ACE) sous le pilotage de la Direction générale de l’aménagement, du logement et de la nature (DGALN), du ministère de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales. 398   Ministère de la transition écologique et solidaire (2019), Du centre-bourg à la ville, réinvestir les territoires, Constats et propositions des Architectes-conseils de l’État, <www.cohesion-territoires.gouv.fr/sites/default/files/2019-11/du_centrebourg_a_la_ville_reinvestir_les%20territoires_juin_2019.pdf> ; site consulté le 13 février 2021. 399   Lettre de Paul Delduc aux ACE, le 9 novembre 2017. Ibid, p. 174. 400   Les crédits du Fond National d’Aménagement et de Développement du Territoire (FNADT) à hauteur de 15 millions d’euros accompagnent les collectivités dans l’élaboration et l’animation de leur projet. Des aides à la pierre à hauteur de 15 millions d’euros sont à disposition pour soutenir l’acquisition, l’amélioration et la création de logements locatifs sociaux et 200 millions d’euros sont mobilisés par l’ANAH pour l’amélioration de l’habitat privé et les territoires ultramarins bénéficient de crédits pour le logement dans le cadre des dispositifs de droit commun qui les concernent. Ces financements viennent en levier des financements mobilisables par les collectivités locales, les opérateurs publics (bailleurs sociaux, EPF, Agences) et le cas

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majoritairement ses outils financiers vers la réhabilitation du parc immobilier et la qualité du logement, avec 93% du budget dédié aux enjeux liés au parc du logement. Il est d’ores et déjà possible d’observer un décalage entre les financements restreints et la liste des objectifs du dispositif plus variés. Les études pré-opérationnelles réalisées se sont surtout axées sur le sujet de l’habitat. Elles étaient obligatoires pour une convention avec l’ANAH. Le volet habitat était donc bien structuré dans le dispositif, à l’inverse d’autres volets d’actions. On retrouve cette tendance dans le recrutement des bureaux d’études, majoritairement axés sur les questions de l’Habitat (30 communes), de l’urbanisme (29 communes) mais peu sur les enjeux liés au commerce (six), au paysage (deux) et à la sociologie (une seule). Or, ces petites communes avaient également peu de moyens techniques et humains pour conduire ces études en interne. S’agissant d’une pratique expérimentale, l’objectif était de développer des montages juridiques et financiers inédits par de nouvelles combinaisons d’outils, voire l’invention de certains d’entre eux401. Le Commissariat général à l’Égalité des territoires (CGET) avait d’ailleurs proposé trois types de démarches territoriales innovantes applicables : · Le territoire pépite, qui s’inscrit dans une valorisation des ressources locales qu’il s’agisse du patrimoine, des ressources naturelles ou d’un savoir-faire artisanal ou industriel. L’objectif était d’affirmer les singularités ou spécificités du territoire afin de renforcer son attractivité. · Le territoire laboratoire, qui expérimente des modèles alternatifs en matière de services, de mobilité, de travail, d’habitat ou de participation. L’objectif était de tester des solutions qui pourraient par la suite être démultipliées et essaimer. · Le territoire coopératif, qui s’appuie sur des coopérations avec d’autres territoires ou des acteurs extérieurs au territoire. L’État reste l’animateur du programme au cœur de ce dispositif expérimental. Pour cette raison, « l’accompagnement des collectivités dans le cadre du montage de leur projet est un engagement essentiel pour assurer l’efficacité de l’expérimentation »402. Cet accompagnement se fait sous la tutelle des services nationaux avec l’organisation de rencontres régulières. Les services déconcentrés de l’État peuvent aussi accompagner les collectivités dans une démarche de revitalisation. Les dispositifs proposés par l’État aux collectivités se présentent comme un accompagnement financier, humain et technique, dans les projets de revitalisation de ces petites villes. La mise en place d’une contractualisation part du postulat que les collectivités possèdent d’ores et déjà des moyens financiers et humains pour conduire ce type de projet. Or, les petites échéant, les fonds européens, les investisseurs privés et d’autres financements de l’État (crédits ministériels, DETR, FISAC). L’État a également mis à disposition des communes les contrats de ville, les contrats de territoires ou de ruralité, les territoires à énergie positive pour la croissance verte (TEPCV) et les plans paysages, permettant ainsi des interventions pour des domaines spécifiques. « Revitalisons notre centres-bourgs », Ministère de la transition écologique, publié le 24 novembre 2015, disponible sur <www.centres-bourgs.logement.gouv.fr/le-financement-a158.html> ; site consulté le 8 février 2021. 401   Cerema, Ministère de la transition écologique (2018), Initiatives, expérimentation et créativité pour revitaliser les centres-bourgs, <www.centres-bourgs.logement.gouv.fr/IMG/pdf/180913-cb_innovation.pdf> ; site consulté le 13 février 2021. 402   « Centres-bourgs – Programme de revitalisation », disponible sur <www.centres-bourgs.logement.gouv.fr/animation-r10. html> ; site consulté le 13 février 2021.

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communes ne sont pas nécessairement équipées pour mener à bien des projets de cette envergure. Le décalage entre les objectifs de l’État et le manque de moyens techniques dans les collectivités remet en question la viabilité de ces dispositifs. Le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (CEREMA)403 a accompagné le programme et a développé des fiches sur les outils développés et les bonnes pratiques, à destination des décideurs et techniciens des collectivités, des partenaires et des services déconcentrés de l’État et des bureaux d’études. La publication Initiatives, expérimentation et créativité pour revitaliser les centres-bourgs du CEREMA, offre des retours d’expériences sur le programme404. Des coopérations se sont établies entre acteurs privés et acteurs publics, des initiatives citoyennes ont pu aboutir à des projets innovants et des ateliers avec des étudiants se sont déroulés dans ces petites villes. Des montages juridiques et financiers inédits ont été montés pour résoudre des situations complexes. Il est en effet plus difficile de trouver des investisseurs institutionnels (publics ou privés) dans les centres-bourgs au regard des risques encouru et de la complexité des opérations. Le financement participatif, l’économie du partage ou encore l’auto-réhabilitation sont des solutions envisageables sur ces territoires où la mutualisation des moyens et des risques doit être prioritaire. Le soutien à l’expérimentation est essentiel pour accompagner le passage à l’action, pour le démarrage d’un projet, l’aménagement temporaire d’un bourg, ou encore soutenir les artisans et commerçants. Ce dispositif expérimental a permis de développer une boîte à outils pour la revitalisation des centres-bourgs. Le bilan reste toutefois mitigé, au vu des difficultés rencontrées concernant les financements et l’ingénierie, la mobilisation des acteurs et les délais et calendrier405. L’évaluation du dispositif de 2017 recommande une meilleure coordination des outils et des actions avec des financements plus généraux, mais aussi une meilleure coordination entre les temps financiers, administratifs et opérationnels. La complexité du projet a pu démotiver certains élus, non formés au dispositif tandis que la gouvernance entre la commune et l’EPCI peut aussi être un obstacle. La contractualisation de projets au cœur des petites villes ne semble pas être aussi évidente que sur le papier tant pour le financement, la coordination et la gouvernance.

Le programme Territoires d’industrie Un programme pour la reconquête industrielle par les territoires a été lancé par le Premier ministre à l’occasion du Conseil national de l’industrie (2018), pour la période entre 2019 et 2022. Les intercommunalités ou groupes d’intercommunalités situés dans les campagnes, les espaces périurbains et les villes petites et moyennes y sont éligibles406. Afin de reconquérir les 148 403   Le CEREMA est un établissement public tourné vers l’appui aux politiques publiques, place sous la double tutelle du ministère de la transition écologique et du ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. <www.cerema.fr/fr/cerema> ; site consulté le 13 février 2021. 404   CEREMA, Initiatives, expérimentation et créativité pour revitaliser les centres-bourgs, disponible sur <www.centresbourgs.logement.gouv.fr/IMG/pdf/180913-cb_innovation.pdf#:~:text=La%20revitalisation%20d’un%20centre,des%20 outils%20et%20du%20projet. > ; site consulté en 25 février 2021. 405   Sites & Cités remarquables (2017), Étude : Le patrimoine dans le dispositif d’appel à manifestation d’intérêt CentresBourgs, p. 15, disponible sur <www.sites-cites.fr/wp-content/uploads/2018/07/2017-Etude-Patrimoines-et-revitalisation-descentres-bourgs-Version-web.pdf> ; site consulté le 17 février 2021. 406   Ce regroupement d’EPCI peut être interdépartemental ou interrégional en raison de ses potentiels et doit présenter une forte identité et un savoir-faire industriel. L’ensemble de leurs acteurs, notamment les entreprises et les collectivités territoriales,

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territoires industriels participants, l’État les sollicite à favoriser leur attractivité et les métiers de l’industrie. Les outils proposés par le dispositif souhaitent faciliter la formation, le recrutement et la mobilité des salariés afin de répondre aux besoins en main d’œuvre des entreprises ou encore accompagner les entreprises et les territoires dans les transitions numérique et écologique. 73. Carte des 146 territoires d’industrie Territoires d’industrie (2020), disponible sur <www.entreprises.gouv.fr/fr/industrie/ politique-industrielle/territoires-dindustrie>

L’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) et la Direction générale des entreprises coordonnent le programme en lien avec des partenaires nationaux (AdCF, Régions de France, France industrie) et les régions sont chargées du pilotage de la démarche au niveau régional. Les acteurs locaux doivent élaborer un plan d’action avec un élu local or la gouvernance du projet se fait concrètement à l’échelle nationale407. Le programme essaye progressivement d’instaurer la coopération intercommunale et entre acteurs, en la rendant obligatoire au sein de ce dispositif ; avec le montage d’un binôme élu local-industriel. Les différents investisseurs proposent des outils financiers différents selon leurs objectifs pour accompagner et créer des entreprises sur ces territoires considérés « fragiles ». Ce dispositif concerne uniquement la création et la revalorisation des emplois. Les résultats actuels sont assez positifs avec 253 projets validés, la création de 5 000 emplois et 69% des projets retenus se situent dans des territoires qualifiés dits « fragiles » (quartiers prioritaires de la politique de la ville, zones de revitalisation rurale, zones d’aide à finalité régionale, villes et intercommunalités du programme Action cœur de ville)408. Ce dispositif tend à développer les industries locales en mettant à disposition des outils d’ingénierie et en accompagnant les acteurs doivent être mobilisés pour le développement de l’industrie. 407   ANCT, Territoires d’industrie – accélérer le développement des territoires à forte dimension industrielle, publié le 2 janvier 2020, disponible sur <agence-cohesion-territoires.gouv.fr/sites/default/files/2020-08/guide_methodologique_v6%281%29.pdf> ; site consulté le 17 février 2021. 408   Poittiée-Sperry P., « Programme « territoires d’industrie » : un rôle clé pour les intercommunalités », AMF, publié le 22 janvier 2021, disponible sur <www.amf.asso.fr/documents-programme-territoires-dindustrie-un-role-cle-pour-lesintercommunalites/40550> ; site consulté le 17 février 2021.

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financièrement et dans la mise en place d’une stratégie industrielle (Banque des territoires, Business France). La décentralisation technique, également appelée décentralisation fonctionnelle ou encore décentralisation par services, consiste au transfert des compétences de l’État vers une personne morale de droit public spécialisée409. L’état d’esprit de la décentralisation s’est accompagné de la création d’établissements publics dotés de fonctions spécifiques sur le territoire. Ces établissements sont aujourd’hui déconcentrés sur l’ensemble des régions françaises, permettant d’être plus proche de l’échelle des petites villes. Avec leur appui, l’État déploie ses différentes politiques sur le territoire. Dans cette logique, au sein de ce dispositif, l’ADEME propose leurs services pour la transition énergétique et écologique. L’agence du numérique soutient les territoires pour les équiper d’un accès au réseau internet. Ou encore la plateforme 1 000 doctorants pour les territoires propose également aux collectivités et à leur groupements une ingénierie sur mesure et dans la durée qui passe par l’embauche d’un doctorant dans leurs services pendant 3 ans. Contrairement au programme centres-bourgs qui visait une revitalisation urbaine, ce dispositif s’intéresse surtout au développement des entreprises sur les territoires industriels. La rénovation et la revitalisation urbaine ne sont pas du tout sollicitées pour apporter des réponses aux enjeux de la reconversion industrielle. À cette étape, le sujet de la revitalisation urbaine des centres-villes et celui de la restructuration économique sont traités séparément. Nous retrouvons d’ailleurs le manque d’une stratégie économique dans les projets de revitalisation des centres-villes. Ce manque de cohésion des techniques et des savoirs manifeste le problème récurrent des politiques publiques ; l’absence de stratégie globale.

Projet Action Cœur de Ville Le programme Action Cœur de Ville cible la revitalisation des centres-villes des villes moyennes ; il ne vise donc pas directement les petites villes. Toutefois, il s’agit d’un programme majeur pour la revitalisation, construit autour du discours des territoires en déclin urbain. Les villes moyennes ont déjà été soutenues financièrement par l’État avec les contrats de villes moyennes auparavant, mais le discours n’est ici pas celui d’un soutien à la croissance mais bien celui d’une « revitalisation », admettant une certaine forme de déclin préalable. Le programme Action Cœur de ville a été annoncé en décembre 2017 par le Premier ministre lors de la seconde Conférence Nationale des Territoires à Cahors et a été engagé dès 2018, piloté par le Ministère de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales. 222 villes sélectionnées ont bénéficié de ce programme d’envergure nationale sous la forme d’une convention-cadre pluriannuelle. Les communes ont alors dû développer un diagnostic, mettre en place une stratégie, un projet et un plan d’actions afin de pouvoir mobiliser les moyens financiers en conséquence410. Le dispositif répond en principe à l’ensemble des aspects du déclin 409   Pierre Tifine (2020), « Droit administratif français – Première Partie – Chapitre 3 – Section 1, Chapitre 3 : L’administration décentralisée - Section 1 : Décentralisation technique », Revue générale du droit, numéro 50918, disponible sur <www. revuegeneraledudroit.eu/?p=50918> ; site consulté le 25 février 2021. 410   Le programme dit vouloir « accompagner les collectivités territoriales dans leur projet de territoire : préparer la transition énergétique et écologique, repenser la densité urbaine, les formes de mobilités, accroître leur attractivité en mettant en valeur les atouts, innovations et pépites locales (patrimoniales, économiques, touristiques, culturels, patrimoniaux, sociaux, sportifs, etc.), repenser les complémentarités et coopérations entre le centre et la périphérie mais aussi les liens avec les territoires ruraux et les grandes agglomération notamment. » Programme action cœur de ville (2019), p. 4, disponible sur <www.cohesion-territoires.

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urbain, invitant les collectivités territoriales à proposer un projet sur l’ensemble des communes. Différents outils sont mobilisés afin de pouvoir mettre en œuvre leurs projets d’urbanisme. 75. Carte des 222 villes parcipantes au programme Action Cœur de Ville

Programme action cœur de ville (2019), disponible sur www.cohesion-territoires. gouv.fr/programme-action-coeur-de-ville

Le programme est financé par l’État et trois partenaires financiers à hauteur de cinq milliards sur cinq ans (2018-2022). Les financements sont supposés être alloués en fonction des besoins exprimés par les collectivités, même si les projets doivent dans la pratique s’accorder aux objectifs des investisseurs411. L’ANAH met à disposition les opérations programmées d’amélioration de l’habitat (OPAH) pour la lutte contre l’habitat indigne412. Elle soutient à la fois les propriétaires, les syndicats de copropriétés part différents types de prêts (prêts HLM, Action Logement en Action cœur de ville) et par une expertise et des animations pour les programmes relatifs à la précarité énergétique et la perte d’autonomie. Tous les dispositifs développés par l’État, en lien avec la rénovation du logement sont mis à disposition (aides aux travaux, montage VIR, DIF, dispositif Denormandie, Pinel, Malraux, Louer abordable). Action Logement et l’ANRU vont également dans ce sens. La Caisse des dépôts, la banque des territoires et l’État offrent un

gouv.fr/programme-action-coeur-de-ville>. 411   L’État intervient par le biais de la Dotation de soutien à l’investissement local dont une partie est réservée dans chaque région à Action Cœur de Ville. La Caisse des dépôts apporte 1 milliard d’euros de fonds propres pour le soutien à l’ingénierie, les démarches d’innovation et de développement de la « smart city » et 700 millions d’euros de prêts Cœur de ville (dans la continuité du « Prêt Renouvellement urbain aménagement »). L’ANAH engage 1,2 milliards d’euros pour l’ingénierie et l’aide aux travaux de réhabilitation, d’amélioration énergétique et d’adaptation des logements et des immeubles. Elle apporte en outre 25 millions d’euros au cofinancement des postes de directeur/chef de projet Action Cœur de Ville. Enfin, Action Logement investit 1,5 milliards d’euros pour faciliter la réhabilitation d’immeubles en centre-ville par des opérateurs du logement social ou des investisseurs privés. 412   La procédure Opah a été créée en 1977. Elle est l’une des premières conventions passées entre une collectivité et l’État.

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soutien financier pour les opérations de requalification urbaine (voiries, réseaux), les opérations de revitalisation économique ou la construction et la réhabilitation d’équipements publics ou le développement d’infrastructures en faveur de la mobilité. Les outils à disposition des acteurs locaux concernant la rénovation de l’habitat sont nombreux. Sans même le formuler, le programme s’attaque principalement à la vacance résidentielle et commerciale ; traduit par la liste des investisseurs publics et des outils convoqués. Action cœur de ville se focalise sur la réhabilitation des logements pour attirer de nouveaux habitants, la requalification des rez-de-chaussée pour faire revenir des commerces, la construction de nouveaux bureaux pour attirer des investisseurs et créer des emplois. Pour conséquence, « dans la plupart des villes retenues, les postures et discours sont encore adossés à une recherche de compétitivité et d’attractivité, sur un modèle métropolitain »413. Le programme passe à côté des enjeux majeurs du déclin de ces villes (vieillissement, étalement urbain, friches commerciales) et ne propose aucuns outils dans ce sens. De plus, comme son nom l’indique, la revitalisation n’avait pour objet que le centre-ville et non sa périphérie. Or, le moteur d’une ville réside dans le « fonctionnement spéculatif de l’urbanisme commercial » permettant d’engendrer à la fois une offre de demande entre le centre et sa périphérie414. L’absence de corrélation entre les géographies de la vacance commerciale et de la vacance résidentielle persiste malgré un taux de locaux commerciaux inoccupés dans les petites et moyennes villes ayant doublé en quinze ans, passant de 6,2% à 12,1% entre 2001 et 2016415. Pascal Madry repère trois erreurs de diagnostic, remettant en question les moyens engagés contre la dévitalisation commerciales des cœurs de villes. Tout d’abord, le dispositif interprète la vacance commerciale comme une conséquence des dynamiques urbaines de métropolisation alors que les métropoles elles-mêmes sont confrontées à des problèmes de vacance commerciale. La vacance commerciale des centres-villes est considérée (à tort) comme un effet de concurrence avec les commerces de périphérie. Ces erreurs de diagnostic aboutissent donc à l’idée que « le développement du commerce serait indissociable de celui des villes et de leur marché de consommation »416. Cependant, le développement de la périphérie des villes montre l’inverse ; les lieux de production ne coïncident plus nécessairement avec les lieux de vente et de consommation. Le programme Action cœur de ville manque d’une stratégie des rapports entre la ville et les commerces. De ce fait, il faudrait réconcilier l’urbanisme avec les sciences économiques417. Le CUEJ de Strasbourg a publié en mai 2020 une enquête sur l’efficacité du programme Action cœur de ville. L’étude démontre que les surfaces commerciales en périphérie ont continué à s’étendre dans 81% des communes bénéficiaires du dispositif418. Une contradiction qui remet en question la philosophie du programme, les outils mis à disposition des communes mais 413   Delpirou A. « Action cœur de ville : une réponse en trompe-l’œil à la crise des villes moyennes ? », Métropolitiques, publié le 28 octobre 2019, disponible sur <metropolitiques.eu/Action-coeur-de-ville-une-reponse-en-trompe-l-oeil-a-la-crisedes-villes.html> ; site consulté le 12 février 2021. 414   Talandier M. « Les villes moyennes, des espaces privilégiés de la consommation locale », Métropolitiques, publié le 19 février 2014, disponible sur <metropolitiques.eu/Les-villes-moyennes-des-espaces.html> ; site consulté le 12 février 2021. 415   Madry P. (2018) « Le nouveau rapport entre ville et commerce et l’impossible réforme des politiques d’urbanisme commercial », Tous urbain, n°21, p.42, disponible sur <www.cairn.info/revue-tous-urbains-2018-1-page-42.htm> ; site consulté le 12 février 2021. 416   Ibid, p. 43. 417   Ibid, p. 47. 418   Arzur N., Berbedj L. Bossard H. et al., «Centre-ville, le cœur n’y est plus», CUEJ de Strasbourg, publié le 29 mai 2020, disponible sur <cuej.info/mini-sites/coeurdeville/> ; site consulté le 1er février 2021.

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aussi la responsabilité des décideurs publics. L’étude du CUEJ a sélectionné 80 communes du programme où plus de 10% des locaux commerciaux du centre-ville étaient vides en 2016419, d’après le rapport sur la revitalisation des centres-villes de l’Inspection générale des finances (IGF) et du Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD)420. 65 des 80 communes les plus touchées par la dévitalisation de leur centre-ville ont étendu leur surface commerciale. Cette contradiction reflète les propos de Jacques Mézard, initiateur du programme et prédécesseur de Jacqueline Gourault, ministre de la Cohésion des territoires. Lui-même à l’initiative d’un programme de revitalisation des centres-villes et donc du commerce de proximité, soutenait un projet de la création d’une zone commerciale de 25 000 m² à Aurillac, plusieurs années auparavant. Jacqueline Gourault, quant à elle, soutient le discours opposant le développement des grandes surfaces en périphérie et le soutien financier du petit commerce et de l’artisanat. L’esprit du programme a finalement été trahi par les décisions des commissions départementales d’aménagement commercial mais surtout par les préfets n’assumant pas leurs prérogatives. Face à ce constat, la question est de savoir si les outils n’ont simplement pas permis d’empêcher ce développement en périphérie ou si les outils convoqués pour le développement des centres-villes n’étaient pas adaptés aux réalités locales. En ce qui concerne l’inaction des préfets face au développement des surfaces commerciales en périphérie, il semblerait qu’ils n’aient pas exploiter les outils en leur possession pour s’opposer à ces projets421. Toutefois, sur les 33 projets refusés par la CDAC depuis 2018, au motif de la contradiction avec le programme, seulement trois recours ont été déposés par un préfet422. La plupart des recours sont menés par des entreprises privées, des associations de commerçants ou des associations citoyennes. Pourtant, les outils des préfets, depuis juillet 2019, ont été renforcés par la loi Élan. Un décret d’application de la loi attribue le droit aux préfets de suspendre les procédures en CDAC des projets voulant s’implanter dans des communes couvertes par Action cœur de ville ou une convention ORT, en dehors du périmètre d’action de ces deux dispositifs. L’État semble inciter les préfets à se saisir de ce nouvel outil en vain. Nous pouvons tout d’abord remettre en question la composition de la CDAC qui s’organise uniquement entre des élus locaux et des personnes qualifiées (associations consommateurs, architectes, urbanistes). Le débat oppose donc très souvent les élus de même avis et les personnes qualifiées (souvent en opposition aux projets). Enfin, les conditions d’utilisation très restreintes de l’outil (arrêté suspensif) des préfets expliquent sûrement son utilisation rare. Toutefois, la possibilité d’un recours, plus facilement applicable, n’est pas pour autant plus utilisé. Il paraît difficile de nier une certaine forme de passivité de la part des préfets. L’absence de la mise en œuvre d’une stratégie adaptée aux différentes situations territoriales est flagrante. Le rapport sur la revitalisation des centres-villes met l’accent sur la nécessité de

419   Pour le recensement des surfaces commerciales, les auteurs ont compilé l’ensemble des Autorisations d’exploitation commerciale (AEC) délivrées par les Commissions départementales d’aménagement commercial (CDAC) en 2018 et 2019, et ont relevé chaque création ou extension de magasin autorisée dans un périmètre de 15 minutes en voiture autour de ces 80 villes. 420   Duhamel P-M., Munch J., Freppel C., Narring P., le Divenah J-P. (2016), « La revitalisation commerciale des centresvilles », Inspection générale des finances, Conseil général de l’environnement et du développement durable, disponible sur <www.economie.gouv.fr/files/files/PDF/Rapport_RevitalisationcentresvillesVdef_octobre2016.pdf> ; site consulté le 12 février 2021. 421   Les représentants de l’États ont la possibilité de déposer un recours devant la CDAC s’ils considèrent qu’un projet commercial menace les actions menées en centre-ville. 422   Duhamel P-M., Munch J., Freppel C., Narring P., le Divenah J-P. (2016), op. cit.

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concevoir un projet politique reposant sur « une action volontariste à toutes les échelles de territoire ». La coordination entre les différentes échelles de gouvernance s’avère être l’un des problèmes majeurs rencontré par le programme Action cœur de ville. Les objectifs de l’État, pour la revitalisation des centres-villes, sont allés à l’encontre des conceptions territoriales de celles des élus locaux. Le manque d’une stratégie sur l’ensemble du territoire existe d’ores et déjà dans le titre du programme Action cœur de ville, considérant ainsi le cœur de la ville comme le lieu stratégique de la réhabilitation, de la restructuration de l’offre de l’habitat et du développement économique et commercial. Il est tout à fait judicieux et cohérent de repenser le cœur des villes abandonné pour leur périphérie mais l’un ne peut aller sans l’autre ; la périphérie existe par la présence d’une centralité. 75. Gouvernance du projet Action Cœur de Ville, selon l’État

Programme action cœur de ville (2019), disponible sur <www.cohesion-territoires.gouv.fr/ programme-action-coeur-de-ville>.

Ce diagramme représente la vision que l’État a du dispositif Action Cœur de Ville, qui va à l’encontre des réalités de la mise en œuvre du programme, c’est-à-dire une vision « du haut vers le bas ». Le dispositif Action Cœur de ville a développé une standardisation dans la revitalisation des moyennes villes423, causée par le manque d’une stratégie globale mais aussi peu d’adaptation aux réalités locales de ces territoires, voués à des enjeux très variés. Les politiques publiques ne peuvent fonctionner si seulement elles sont saisies localement. Nous pouvons donc nous demander si ces actions impulsées au niveau national ne sont pas contradictoires avec celles du développement par le bas (Fijalkow, 2009). Lors du Congrès de 2019 de l’Association des Petites villes de France, le Premier Ministre a annoncé le lancement le 1er octobre 2020 du programme Petites villes de demain exclusivement dédié au développement des petites villes de moins de 20 000 habitants.

423   Delpirou A., ibid.

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Petites villes de demain Le programme vise à accompagner 1 000 binômes commune(s)-intercommunalités pour une durée de 6 ans jusqu’en 2026. Ces petites villes rurales rassemblent 9,3 millions d’habitants soit 14,5% de la population métropolitaine. Le bilan des programmes précédents a influencé la mise en œuvre de ce nouveau dispositif qualifié de solution sur mesure ou cousu-main. Quelles sont les différences avec le programme Action Cœur de Ville dans sa mise en œuvre ? Tout d’abord, une organisation horizontale est promue avec un accompagnement de la part de l’État sur trois piliers : le soutien en ingénierie (subventions et expertises), des financements sur mesures thématiques ciblées et la mise en réseau au sein du Club Petites villes de demain afin de favoriser l’échange d’expériences et le partage de bonnes pratiques entre les acteurs du programme. Les outils financiers sont plus variés et très peu axés sur les enjeux immobiliers mais plus sur le déploiement de services, la reconversion de friches urbaines ou encore l’animation du centre-ville424. Suite à la pandémie de la Covid-19, des outils pour soutenir la situation de l’offre commerciale ont été développés (offre Shop’in). Le commerce de proximité tel que l’artisanat est intégré au projet à la fois par un accompagnement dans le développement de leur entreprise mais aussi par une aide pour réinvestir les lieux abandonnés des centres-villes. Serait-ce les prémisses d’une coordination entre la géographie de la vacance commerciale et de la vacance résidentielle, mais aussi entre la revitalisation urbaine et commerciale ? Les outils convoqués au sein de ce dispositif sont beaucoup plus variés que celui du programme Action cœur de ville et se veulent être à l’écoute des territoires afin d’offrir une aide adaptée aux communes et développer une stratégie complète de revitalisation des petites villes. Toutefois, pour être accompagnées, les petites villes doivent obligatoirement s’associer avec leur intercommunalité. Même si le projet concerne la revitalisation d’un centre-ville, le projet se doit d’être intégré à une échelle supra-locale. L’intensification du dialogue entre le gouvernement et les maires des petites villes en 2019 et les résultats peu convaincants du programme Action cœur de villes expliquent sûrement les évolutions de ce nouveau dispositif. En complément de ces programmes, un nouveau modèle d’accès aux services publics intitulé France Services est en train de se développer sur l’ensemble du territoire, pour favoriser un accès aux services publics. L’offre numérique davantage développée, ces points relais permettront de guider les personnes qui « se sentent éloignées de ces nouveaux outils et qui ont besoin d’être accompagnées »425. Par cette nouvelle formule, l’État développe le retour du service public au cœur des territoires dans le but de permettre un accès à une France Services en moins de 30 minutes. Enfin, un agenda rural s’est développé en parallèle, avec le déploiement des contrats de ruralité. En termes d’offre de services, depuis septembre 2019, de nombreuses mesures ont été mises en œuvre tels que le soutien aux petites lignes ferroviaires, le recrutement de médecins salariés dans les zones sous dotées (notamment rurales) ou encore l’implantation de tiers-lieux culturels426.

424   Petites villes de demain (octobre 2020), disponible sur <www.cohesion-territoires.gouv.fr/sites/default/ files/2020-10/20120_petiteVilleDemain_16Pages_defLight.pdf> ; site consulté le 26 février 2021. 425   Agence nationale de la cohésion des territoires, « France Services, proche de vous au quotidien », Dossier de presse publié en février 2021, p.3, disponible sur <www.cohesion-territoires.gouv.fr/sites/default/files/2021-02/dp_2021-02-France-Services. pdf> ; site consulté le 9 février 2021. 426  « Décryptage de la loi NOTRe », la gazette, publié le 9 septembre 2015, disponible sur <www.lagazettedescommunes. com/391310/decryptage-de-la-loi-notre/> ; site consulté le 18 février 2021.

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76. Répartition des 1 123 France Services (1er janvier 2021)

1123

Source : ANCT 2020 • Réalisation : ANCT pôle ADT - Cartographie12/2020

France services labellisées au 1er janvier 2021

Zoom Île-de-France

Localisation au 11/12/2020 France services localisée à la commune

Dossier de presse France Services _ 12

Agence nationale de la cohésion des territoires, « 1 123 France services labellisées au 1er janvier 2021 » dans « France Services, proche de vous au quotidien », Dossier de presse publié en février 2021, p.12, disponible sur <www.cohesion-territoires.gouv. fr/sites/default/files/2021-02/dp_2021-02-FranceServices.pdf> ; site consulté le 9 février 2021.

Le statut de la petite ville, autrefois écarté des politiques politiques, de nouveau reconnu Les résultats actuels de ces différents dispositifs nationaux illustrent la complexité des enjeux d’aménagement du territoire mais aussi ceux de l’urbanisation des petites villes. Les enjeux étant à la fois multi-scalaires et nombreux, la stratégie « un territoire – une politique » a montré ses limites. Même si la conception dite horizontale des projets promeut une meilleure coordination entre les acteurs, la logique de contractualisation maintient un pilotage vertical. Une sectorisation dans les modes d’interventions persiste compte tenu d’une division des savoirs. Cette rupture empêchant la réalisation d’un diagnostic conforme aux territoires, aboutit à des conceptions territoriales erronées. Ainsi, il est impossible d’engager des actions adaptées aux besoins et aux réalités territoriales. Cette complexité traduit la difficulté des politiques publiques à véhiculer le discours du déclin dans sa globalité. Le problème de la standardisation traduit une méconnaissance géographique, territoriale, et socio-économique du territoire par le politique. Les projets contractuels incarnent exclusivement des initiatives auxquelles les collectivités doivent souscrire et candidater. De ce fait, les actions brèves dans le temps ne peuvent garantir une stratégie durable pour l’urbanisme des petites villes. En outre, les politiques publiques des petites villes, apparues depuis les années 2010, traduisent en filagramme les ambitions de la loi NOTRe du 7 août 2015 (loi n° 2015-991). Les ambitions de la loi portent sur une nouvelle définition des compétences territoriales, axées sur l’accroissement du rôle des régions et le renforcement de l’intercommunalité et l’amélioration de la transparence et de la gestion des collectivités territoriales427. La loi NOTRe nomme la région comme la collectivité territoriale responsable sur son territoire du développement économique, et non plus seulement la collectivité en cheffe de file de cette compétence. La loi modifie la définition légale de la compétence « développement économique » en supprimant l’intérêt communautaire pour les actions de développement économique et les zones d’activité économique. Ainsi, seul le « soutien 427   Ibid.

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aux activités commerciales »428 reste soumis à l’intérêt communautaire. L’intercommunalité se renforce aussi avec le transfert de nouvelles compétences aux communautés de communes et aux CA. Sans surprise, la loi NOTRe a mal été accueillie par les élus locaux, notamment au sujet de la réforme de la carte intercommunale, pilotée par les préfets. Ces fusions administratives n’ont pas pris en compte l’expertise des élus locaux, ni même les réalités territoriales. Un rapport de l’Assemblée nationale consacré à l’évaluation de la loi, démontre qu’elle aurait donné naissance à une organisation plus complexe et plus éloignée des citoyens429. Ces échelles d’action de plus en plus grandes (intercommunalités, régions) ne correspondent plus aux identités des régions. Cette réforme, motivée par des économies d’échelle des dépenses publiques, ont finalement abouti à des dépenses plus importantes en termes de déplacements ou de coordination. En résulte un décalage important entre les limites administratives et les bassins de vie. Finalement, ces dispositifs de revitalisation assoient les nouveaux blocs de compétences des intercommunalités et des régions. Même si l’article 111-3 du Code général des collectivités territoriales précise qu’il ne s’agit pas d’une tutelle d’une collectivité sur l’autre, l’approche incohérente des blocs de compétences, et la suppression de la clause générale de compétence430 des régions et des départements, aboutissent à « des difficultés d’interprétation, source d’insécurité juridique pour les collectivités, placées en situation de concurrence »431. Robert Hertzog, professeur agrégé en droit public et spécialiste en finances publiques, souligne que la complexité de l’action publique rend impossible la définition précise de l’ensemble des missions qui en relèvent. La coopération entre collectivités est une nécessité et aucune compétence ne peut être attribuée à un seul niveau de collectivité432. L’élargissement des compétences confiées aux régions de la loi NOTRe ont abouti à l’effet inverse, « l’affirmation d’un besoin de proximité se traduisant par la revalorisation de la commune et du département ». Cette vive réaction renforce le statut privilégié de la commune dans la démocratie locale, c’est pourquoi, il est nécessaire de réaffirmer que « l’intercommunalité doit reposer sur la coopération entre les communes, et non sur la logique supra-communale que la loi NOTRe a encouragée »433. En définitive, la petite ville se retrouve assez affaiblie par la diminution de ses compétences au profit de l’échelle intercommunale et régionale. Toutefois, les programmes Action Cœur de ville et Petites villes de demain réaffirment la nécessité d’intégrer la petite ville au sein des politiques publiques comme un échelon important et témoignent de son rôle majeur sur le territoire français et dans la vie des citoyens.

428   Ibid. 429   « L’Assemblée nationale publie une évaluation très critique de la loi NOTRe », Vie publique, publié le 21 janvier 2020 <www.vie-publique.fr/en-bref/272838-une-evaluation-tres-critique-de-la-loi-notre-par-lassemblee-nationale> ; site consulté le 18 février 2021. 430   La loi du 5 avril 1884 définit les compétences du conseil municipal. L’article 61 introduit une clause générale de compétence au profit des conseils municipaux pour « les affaires de la communes ». Les délibération réglementaires ne sont donc plus limitativement énumérées mais définies par défaut : lorsqu’une question ne figure pas parmi celles nécessitant une approbation préalable, elle est exécutoire de plein droit. L’article exprime le principe, aujourd’hui constitutionnel, de la libre administration des collectivités locales, étendu en 1982 aux autres collectivités territoriales (départements et régions). Bigot G., Le Yoncourt T. (2014), L’administration française, Politique, droit et société, Tome 2, 1870-1944, LexisNexis, Paris, p. 112. 431  Assemblée nationale, Rapport d’information sur l’évaluation de l‘impact de la loi n°2015-991 du 7 août 2015 relative à la nouvelle organisation territoriale de la République (loi NOTRe), publié le 18 décembre 2019, disponible sur <www.assembleenationale.fr/dyn/docs/RINFANR5L15B2539.raw#_Toc256000022> ; site consulté le 18 février 2021. 432   Ibid. 433   Ibid.

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L’agenda institutionnel en Allemagne Le chapitre précédent avait mis en évidence la complexité du discours du déclin urbain en outre-Rhin. Cette fragilisation socio-économique, ce tournant démographique qui touche l’Allemagne et l’accentuation du phénomène de périurbanisation sont les nouveaux éléments structurels des nouveaux Länder434. En novembre 2000, la commission d’experts «Changement structurel du secteur du logement dans les nouveaux États fédéraux» (Wohnungswirtschaftlicher Strukturwandel in den neuen Länder) avait identifié un taux de vacance de plus d’un million d’appartements. Cet élément avait alors déclenché la première prise de conscience politique du phénomène des « villes rétrécissantes » et de ses conséquences sur le territoire. Cette prise en compte en Allemagne orientale est importante car elle a engendré deux effets majeurs dans l’action politique d’aménagement du territoire : l’émergence d’un espace public de débat large et ouvert sur un sujet jusqu’alors tabou, le rétrécissement, ainsi que la mise en œuvre d’un programme fédéral de renouvellement urbain en Allemagne de l’Est intitulé Stadtumbau Ost. « Ce double effet de reconnaissance et de volonté d’action des acteurs de la politique nationale explique en partie la transformation d’une représentation négative de la Schrumpfung (rétrécissement) en représentation d’un enjeu prospectif, qui se traduit depuis lors par le slogan « Schrumpfung als Chance » c’est-à-dire, «le rétrécissement est une chance» 435. Cette reconnaissance marque le commencement de stratégies politiques à l’échelle fédérale pour tenter de répondre aux enjeux développés par le rétrécissement.

Stadtumbau Ost Le concours fédéral « Stadtumbau Ost – für lebenswerte Städte und attraktives Wohnen » pouvant être traduit par « Réaménagement urbain de l’Est – pour des villes agréables à vivre et une vie attrayante », a été lancé en octobre 2001 par le Ministère fédéral des transports, du secteur de la construction et du logement (Bundesministerium für Verkehr, Bau- und Wohnungswesen, BMV). Le nombre élevé de logements vacants dans les nouveaux États fédéraux – à l’origine de ce concours – en fait une condition préalable essentielle pour participer au programme. Les informations sur le programme qui s’en suivent, sont issues du document rédigé par le BMV, « Der Bundeswettbewerb Stadtumbau Ost 2002 und die Wettbewerbsergebnisse »436. L’objectif premier du programme fut de réduire la trop grande offre de logements et d’accroître l’attractivité des villes. Un total de plus de 2,7 milliards d’euros a été reversé sur la période allant de 2002 à 2009, dont 1,2 milliard d’euros fourni par le gouvernement fédéral seul. 352 municipalités des nouveaux Länder et 10 districts de Berlin ont été sélectionnés par le gouvernement fédéral et les Länder pour participer au concours. Dans l’objectif de développer un concept global d’une durée de huit ans, un diagnostic solide doit être mis en œuvre sur

434   Zepf M., Scherrer F., Verdeil E., Roth H., Gamberini J. (2008), Les services urbains en réseau à l’épreuve des villes rétrécissantes : l’évolution des réseaux d’eau et d’assainissement à Berlin – Bradebourg, Puca, p. 37, disponible sur <halshs. archives-ouvertes.fr/halshs-00435551/document> ; site consulté le 9 février 2021. 435   Ibid, p. 40. 436   Bundesministerium für Verkehr, Bau-und Wohnungswesen (2013), Der Bundeswettbewerb Stadtumbau Ost 2002 und die Wettbewerbsergebnisse, Bonn, disponible sur <www.stadtentwicklung.berlin.de/ nachhaltige-erneuerung/fileadmin/user_upload/Dokumentation/Archiv/Dokumentation_Bundeswettbewerb/Dokumentation_Bundeswettbewerb_Stadtumbau_Ost_2002.pdf> ; site consulté le 9 février 2021.

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l’évolution démographique, l’évolution des ménages ainsi que le développement économique, le marché du travail et les ressources financières de la municipalité – afin de bien identifier les problèmes dans chaque commune.

77. Les villes participants au programme Stadtumbau Ost

Eisenhüttenstadt, Förderprogramm, Stadtumbau Ost, disponible sur <www.eisenhuettenstadt.de/LebenWo h n e n / Wo h n e n - u n d - B a u e n / Stadtentwicklung/Stadtumbau/ F%C3%B6rderprogramm/> ; site consulté le 9 février 2021.

Les outils financiers et juridiques Lorsqu’on regarde la carte des villes participant au concours fédéral Stadtumbau Ost, nous pouvons observer un panel de villes de tailles différentes allant en dessous du seuil des 15 000 habitants et allant jusqu’à plus de 500 000 habitants. Ce programme ne s’adresse donc pas directement aux petites villes mais à toutes les villes d’Allemagne de l’Est, quelle que soit leur taille. Toutefois, les municipalités en dessous de 15 000 habitants représentent tout de même 50% des villes sélectionnées par le programme. Les financements varient en fonction de la taille de la ville : jusqu’à 150 000 euros (jusqu’à 30 000 habitants) ; jusqu’à 175 000 euros (jusqu’à 100 000 habitants) ; jusqu’à 1 125 000 euros (plus de 100 000 habitants). Le dispositif propose un programme de subventions pour les mesures de déconstruction et de modernisation et des subventions pour l’accession à la propriété du bâti ancien au cœur des centres-villes. De plus, il met en place une augmentation de la prime à l’investissement pour inciter la location des immeubles anciens du centre-ville et de certains immeubles classés. Les constructions de nouveaux logements s’orientent vers les terrains disponibles en centre-ville plutôt qu’en périphérie dans le but de diminuer la part des terrains vagues, la vacance locative et développer de nouvelles activités. En parallèle de ces financements de renouvellement urbain, la loi d’aménagement Baugesetz a été renouvelée en conséquence afin d’y intégrer l’objectif du renouvellement urbain comme un enjeu sociétal important (§171 du code de la construction, BauGB). Ce nouveau règlement facilite la mise en place du dispositif grâce à un cadre réglementaire flexible (évitant les 155


procédures bureaucratiques lourdes et des formes de régulations étatiques), une sécurité juridique d’investissement. À cela s’ajoute l’institutionnalisation d’instruments plus ou moins informels tels que le Stadtumbauvertrag (contrat de renouvellement urbain) qui permet aux communes de contracter avec les propriétaires fonciers sur l’annulation du permis de construire, du retrait du droit d’usage ou encore la possibilité d’une occupation temporaire d’une friche437. Un nouvel instrument de planification stratégique, le Integriertes städtebauliches Entwicklungskonzept est prévu au sein de ce nouveau cadre réglementaire afin de développer un « concept de développement urbain durable »438 pour une « ville rétrécissante » mais également de permettre la stabilisation du marché du logement en réduisant le grand nombre de logements vacants. Pendant le concours, les municipalités participantes ont reçu un soutien technique et ont également pu bénéficier d’expertises variées pour le réaménagement urbain (Leitbilder für den Stadtumbau) mais aussi les stratégies de réaménagement urbain pour les anciens et nouveaux quartiers de construction (Stadtumbaustrategien für Altbauquartiere und Neubauquartiere). Le sujet d’adaptation des infrastructures techniques et de transports (Anpassung der technischen Infrastruktur und der Verkehrsinfrastruktur) en faisait aussi partie. Les communes ont également reçu une formation sur la coopération entre villes et régions (Stadtregionale Handlungskooperationen) ; nouveauté par rapport aux dispositifs français. Des ateliers se sont déroulés entre les différents acteurs des municipalités, des sociétés de logement et des associations de professionnels. La première série d’ateliers a eu lieu à Dessau, Riesa et Neustrelitz et la deuxième série d’ateliers a eu lieu dans les villes de Stendal, Iéna et Cottbus. Les résultats des conférences et des discussions ont été publiés sur Internet après les ateliers. À l’issue du concours, une documentation technique a été publiée en septembre 2002, dans laquelle les résultats des expertises ont été présentés plus en détail.

Énoncés de mission, stratégies, mesures Presque toutes les villes ont inclus dans leur projet la revalorisation de leurs centres-villes comme lieu de vie et de travail et l’expansion et la mise en réseau des espaces verts dans leur projet. La destruction des logements vacants en périphérie reste mineure dans la plupart des projets ; la démarche adoptée est plutôt celle de surveiller l’évolution du taux de vacance et d’adapter les destructions en conséquence. Les prévisions du taux de destruction restent inférieures aux espérances du programme visant à déconstruire 300 000 à 400 000 appartements sur un total de 1 million. Les villes semblent tout de même plus préoccupées par la reconversion et revitalisation de leur centre-ville, contrairement au programme qui privilégie la démolition de logements en périphérie. Ainsi, dans la plupart des cas, le parc de logements doit être entretenu et devenir plus attrayant grâce à des mesures de modernisation. Dans l’ensemble, les stratégies présentées dans les dossiers du concours se concentrent sur la réduction de l’excédent de logements tandis que la reconversion des friches industrielles et commerciales ou la déconstruction de l’infrastructure sociale n’ont généralement pas été prises en compte.

437   Zepf M., Scherrer F., Verdeil E., Roth H., Gamberini J. (2008), op. cit. p. 40. 438   Ibid, p. 41.

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Bilan de Stadtumbau Ost Le concours fédéral Stadtumbau Ost est la première mise en œuvre d’un dialogue entre les acteurs sur les problèmes liés aux villes en déclin et a déclenché par la suite des discussions intensives sur le réaménagement urbain entre tous les acteurs - municipalités, sociétés de logement, bureaux de planification, mais aussi le gouvernement fédéral et les gouvernements des États. Toutefois, ce programme a suscité certaines critiques quant à son mode de mise en œuvre et à ses objectifs très restrictifs. Daniel Florentin (2016) affirme que « ce type d’analyses centré sur les questions immobilières rate cependant une partie du paysage et des questionnements liés à la rénovation urbaine »439. D’après cet auteur, les réseaux techniques urbains sont le « moteur invisible » des villes mais ils ne sont pas du tout abordés au sein de ce programme – même si la question des réseaux techniques urbains et son intégration dans les processus de rénovation urbaine a émergé suite à la mise en place du programme Stadtumbau Ost, au sein des processus de rénovation urbaine. Les formes urbaines de l’Allemagne de l’Est incarnent spatialement les discours du déclin. La désindustrialisation et la périurbanisation ont créé des villes perforées440 par les démolitions, avec un étalement urbain important. Le programme Stadtumbau Ost avait pour vocation de rééquilibrer un marché de l’immobilier totalement bousculé par le post-socialisme. Ce programme fut à l’époque très novateur, il se démarquait notamment par une volonté de déconstruire sans reconstruire – allant à l’encontre du modèle classique de la croissance et aux injonctions de la construction441. Ce programme a toutefois été critiqué pour avoir alimenté les inégalités territoriales existantes par deux facteurs. Premièrement, les fonds du programme étaient orientés quasi-exclusivement vers la démolition et les mesures de valorisation s’adressaient majoritairement aux centres-villes - dégradant la perception de la périphérie des villes442. Deuxièmement, les destructions ciblaient presque systématiquement les grands ensembles. Ainsi, dans les esprits, cette stratégie a associé le parc ancien (en périphérie) au parc social (grands ensembles) – alors qu’en réalité le parc social est loin d’être le plus ancien. Ces idées ont donc renforcé les inégalités socio-spatiales au sein des villes, comme peuvent en témoigner la répartition des financements à Magdeburg. 78. La répartition des dépenses par type de dépense et par zone géographique à Magdeburg, 2001-2010

Florentin D. (2016), « La répartition des dépenses par type de dépense et par zone géographique à Magdeburg. 2001-2010 » dans « Les impensés de la rénovation urbaine allemande : l’émergence de la question infrastructurelle dans Stadtumbau Ost », Bulletin de l’association de géographes français, p. 187.

439   Florentin D. (2016), « Les impensés de la rénovation urbaine allemande : l’émergence de la question infrastructurelle dans Stadtumbau Ost », Bulletin de l’association de géographes français, 93-2, pp. 182-200, disponible sur <journals.openedition. org/bagf/869> ; site consulté le 9 février 2021. 440   Ibid, cite Lütke-Daldrup (2003) et Florentin (2008), p. 185. 441   Ibid, p. 185. 442   Ibid, p. 186.

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La coordination entre les interlocuteurs s’est révélée compliquée notamment entre les différents acteurs du logement. Cette faiblesse dans la coordination a également touché les opérateurs techniques, mettant en péril la gestion des infrastructures urbaines. Les démolitions trop systématiques ne répondaient pas forcément aux volontés des municipalités selon Daniel Florentin. Malgré ces aspects contestables, les grands axes de ce programme de renouvellement urbain soulignent l’élaboration d’une véritable expertise en matière de renouvellement urbain dans le contexte de déclin démographique et de vieillissement de la population en Allemagne. Cette expertise a pris la forme d’un partage de connaissances, d’une diffusion massive de l’information, de la création d’un espace public de discussion, de la communication des bonnes pratiques et de la mise en œuvre d’une aide à la décision politique. Ce dispositif permet de rendre compte d’un phénomène très complexe qui « constitue un défi remarquable pour les communes menacées d’être victimes d’un processus de déclin »443. Toutefois, même si les petites villes sont intégrées au programme, l’accent est mis sur les grandes et moyennes villes concernant le taux de vacance de logements. 79. Part des communes selon leur taille par rapport à l’ensemble des communes participantes en 2004

Zepf M., Scherrer F., Verdeil E., Roth H., Gamberini J. (2008), « Part des communes selon leur taille par rapport à l’ensemble des communes participantes en 2004 » in Les services urbains en réseau à l’épreuve des villes rétrécissantes : l’évolution des réseaux d’eau et d’assainissement à Berlin – Bradebourg, Puca, p. 46.

En 2006, une enquête de mi-programme avait été réalisée auprès de 286 villes sur les 352 participantes au programme de Stadumbau Ost. Cette enquête avait pour but d’évaluer les répercussions de ce programme sur l’évolution des « villes rétrécissantes » en Allemagne de l’Est et ainsi adapter les stratégies pour la deuxième période du programme, poursuivie audelà de 2009. L’enquête s’est basée sur un questionnaire détaillé, rempli par 223 communes (80%), et dont 218 réponses ont été retenues pour être analysées. L’enquête portait sur six thèmes sur les sujets de la structure urbaine et du marché du logement ou encore sur les instruments de Stadtumbau Ost. Les municipalités étaient aussi invitées à s’exprimer sur les procédures administratives, l’état des lieux actuels du programme et les perspectives d’évolution. Les résultats révèlent que la majorité des petites villes participe au programme sur de courtes durées, et ce, en se concentrant davantage sur des enjeux locaux, contrairement aux grandes et moyennes villes444. En ce qui concerne les résultats sur le déclin urbain, la décroissance du marché du logement reste continue, influencée par un déclin démographique généralisé et 443   Zepf M., Scherrer F., Verdeil E., Roth H., Gamberini J. (2008), op. cit. p. 43. 444   Zepf M., Scherrer F., Verdeil E., Roth H., Gamberini J. (2008), Les services urbains en réseau à l’épreuve des villes rétrécissantes : l’évolution des réseaux d’eau et d’assainissement à Berlin – Bradebourg, Puca, p. 53, disponible sur <halshs. archives-ouvertes.fr/halshs-00435551/document> ; site consulté le 9 février 2021.

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durable. Il semble donc que la stratégie de la démolition pour stopper le rétrécissement des villes n’ait pas porté les résultats attendus445. De plus, malgré des financements importants, peu de nouvelles fonctions ont été attribuées aux centres-villes qui ont continué leur déclin.

Stadtumbau West Suite à cette première phase, le programme s’est déployé dans la partie occidentale de l’Allemagne à partir de 2004, sous le même nom Stadtumbau West. Toutefois, les résultats et les controverses autour de Stadtumbau Ost ont engendré des adaptations du programme, représentées sur le graphique ci-dessous.

80. Les nouveaux enjeux d’après l’enquête auprès des communes

Zepf M., Scherrer F., Verdeil E., Roth H., Gamberini J. (2008), « Les nouveaux enjeux d’après l’enquête auprès des communes » in Les services urbains en réseau à l’épreuve des villes rétrécissantes : l’évolution des réseaux d’eau et d’assainissement à Berlin – Bradebourg, Puca, p. 57.

La stabilisation du marché du logement et la réduction de la vacance ont perdu de leur importance comparée à la consolidation de l’attractivité du centre-ville. Zepf M., Scherrer F., Verdeil E., Roth H., Gamberini J. (2008) observent un changement de paradigme sur trois niveaux. Au niveau méthodologique l’approche sectorielle et quantitative se transforme en une approche intégrative et complexe ; Au niveau spatial, ils observent un déplacement de la représentation des espaces à problèmes, de la périphérie au centre et progressivement sur l’ensemble des espaces urbains ; Enfin, au niveau heuristique l’interprétation mécanique et causale des phénomènes de déclin démographique se transforme en une interprétation plus systémique et diffuse.

445   Ibid, p. 53.

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Nous allons examiner en détail les caractéristiques et les outils de Stadtumbau West à partir des informations issues du document rédigé par le BMV, « Stadtumbau West – Eine Zwischenbilanz »446. Tout d’abord, en termes d’outils et de financements, les attributions des subventions ont été réajustées en conséquence447. Plus de moyens sont reservés à la qualité, à l’attractivité et à la rénovation (de 3% à 5%). Une différenciation des mesures de destruction (Rückbau) se met en place selon le nombre d’étages de logement (moins de 7 étages et plus de 7 étages) et des mesures pour inciter les investisseurs privés à rénover le parc de logements se développent. Abb. 1.3.2: Kommunen im Programm Stadtumbau West (Stand 2008) 7

81. Les communes participant au programme Stadtumbau West (2010)

Bundesministerium für Verkehr, Bauund Wohnungswesen (2010), Der Bundeswettbewerb Stadtumbau Ost 2002 und die Wettbewerbsergebnisse, Berlin, p. 11, Folgende Stadtgrößenklassen disponible sur <www.stadtentwicklung.berlin. liegen der Auswertung zugrunde: de/nachhaltige-erneuerung/fileadmin/user_ Landgemeinde mit unter 7.500 Einwohnern; Kleinstadt mit 7.500 upload/Publikationen/Bund/Stadtumbau_ bis unter 20.000 Einwohnern; kleine Mittelstadt mit 20.000 bis unter West_Zwischenbilanz_2009.pdf > ; site 50.000 Einwohnern; große Mittelconsulté février 2021. stadt mit 50.000 bisle unter9 100.000 7

Einwohnern; Großstadt mit über 100.000 Einwohnern.

Quelle: Bundestransferstelle Stadtumbau West; Datengrundlage: BMVBS/BBSR

11

Le diagnostic et les actions réalisées se différencient entre les anciens Länder. L’action des Länder du Bade-Wurtemberg, de la Bavière, de la Basse-Saxe et de la Sarre se concentrent sur les communes touchées par les crises économiques structurelles et par le grand nombre de terrains vagues causés par le retrait des militaires. Le développement urbain s’intéresse particulièrement aux mesures de réaménagement urbain des centres-villes et des agglomérations ainsi que la reconversion des friches industrielles. La Rhénanie-Palatinat concentre ses efforts de réaménagement urbain sur les communes ayant des problèmes de reconversion militaire et le Schleswig-Holstein sur les enjeux des centres-villes. En Rhénanie-du-Nord-Westphalie – le 446   Bundesministerium für Verkehr, Bau-und Wohnungswesen (2010), Der Bundeswettbewerb Stadtumbau Ost 2002 und die Wettbewerbsergebnisse, Berlin, disponible sur <www.stadtentwicklung.berlin.de/nachhaltige-erneuerung/fileadmin/user_ upload/Publikationen/Bund/Stadtumbau_West_Zwischenbilanz_2009.pdf > ; site consulté le 9 février 2021. 447   Ibid, p. 58.

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Land le plus peuplé d’Allemagne – l’évolution économique et démographique des anciennes régions industrielles urbaines et rurales sont la priorité. Le Land encourage la revitalisation des centres-villes, des friches industrielles ainsi que la reconversion des grands ensembles de logements. En outre, avec ses projets de réaménagement urbain à Brême et à Bremerhaven, le Land de Brême poursuit une stratégie en matière de logement et d’économie jusqu’en 2007. Berlin compte également deux grands lotissements dans son programme. Les villes-États de Berlin et de Hambourg utilisent par ailleurs les fonds du programme pour la reconversion de sites industriels et ferroviaires abandonnés et pour la réorganisation d’infrastructures sociales. Nous pouvons observer des réponses urbaines plus variées que celles des Länder de l’Est. Dans le montage des opérations, la participation est encouragée, non seulement entre les acteurs publics et privés mais aussi par la participation citoyenne. Dans cette nouvelle version, l’attribution du financement de Stadtumbau West a en effet mis l’accent sur la coopération intercommunale, en particulier entre les petites municipalités et les petites et moyennes villes dans les zones rurales. Avec 24 associations et 101 municipalités participantes (2008), le nombre de démarches de coopération intercommunale s’est élevé dans l’Ouest de l’Allemagne. La majorité des municipalités participantes au programme sont des villages, des petites villes ou des petites villes moyennes en zone rurale. Sur 323 municipalités, 53% sont des petites villes et municipalités rurales ayant moins de 20 000 habitants, 22% ont moins de 50 000 habitants, 11% ont moins de 100 000 habitants et 14% sont des 42 grandes villes de plus 100 000 habitants avec Berlin. Presque toutes les coopérations actuelles sont le fruit du programme – les financements ponctuels de Stadtumbau West ont donc réellement incité les municipalités à coopérer sur le long-terme448.

Bilan de Stadtumbau West Dans l’ensemble, le bilan intermédiaire du programme prouve que l’approche générale du financement de Stadtumbau West répond aux divers besoins de réaménagement urbain des municipalités ouest-allemandes et que les projets ont conduit à une grande qualité conceptuelle du réaménagement urbain dans de nombreuses municipalités. La communication et les échanges d’expériences jouent un rôle important pour les municipalités. Entre 2004 et 2016, 529 municipalités ont pu bénéficier d’une aide financière pour la rénovation urbaine (un total de 947 millions d’euros a été subventionné par le gouvernement fédéral)449. L’évaluation des deux programmes en 2016 a montré la rentabilité et l’efficacité de la variété des financements450. De surcroît, le constat met en lumière des enjeux fonctionnels et 448   Entre 2002 et 2007, les projets ont été financés par des subventions d’un montant de 30 millions d’euros. La définition du cadre, la sélection des projets, leur mise en œuvre et leur suivi sont effectués de la même manière qu’un programme de promotion du développement urbain au niveau fédéral et des États – avec un financement joint entre le gouvernement fédéral et les Länder. Sont éligibles les villes et les municipalités qui demandent un financement au ministère compétent du Land ou à une autorité de financement mandatée. Elles doivent ensuite développer un concept urbain et définir une zone d’intervention dans la ville. Les États fédéraux appliquent chacun des procédures de sélection indépendantes. Les fonds du programme sont directement attribués aux municipalités mais peuvent aussi s’adresser à des propriétaires privés à la recherche d’un financement pour soutenir leur projet. À cette fin, une contribution propre de la commune est requise, pour respecter la répartition du financement entre le gouvernement fédéral, l’État et la commune – chacun donne un tiers du financement (les villes-états ont leurs propres règles). Dans des cas exceptionnels, il est possible de réduire la contribution propre de la commune. 449   Bundesministerium des Innern, für Bau und Heimat (2021), Stadtumbau West, disponible sur <www.staedtebaufoerderung. info/StBauF/DE/Programm/Stadtumbau/StadtumbauWest/stadtumbau_west_node.html> ; site consulté le 9 février 2021. 450   Stadtumbau, <www.staedtebaufoerderung.info/StBauF/DE/Programm/Stadtumbau/stadtumbau_node.html> ; site

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82. Les communes participant au programme Stadtumbau West et Ost (2017)

Dubeaux S. (2017), « Les communes des programmes Stadtumbau Ost et West » in Les utilisation intermédiaires des espaces vacants dans les villes en décroissance, transferts et transférabilité entre l’Allemagne et la France, Université de recherche Paris Sciences et Lettres, soutenue le 2 décembre 2017, disponible sur <docplayer. fr/86457212-Les-utilisations-intermediaires-des-espaces-vacants-dans-les-villes-en-decroissance.html> ; site consulté le 9 février 2021.

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de développements similaires des deux côtés du pays (malgré des causes différentes). C’est la raison pour laquelle en 2017, les deux programmes Est et Ouest ont été fusionnés en un seul programme fédéral sous le nom de « Redéveloppement urbain » (Stadtumbau), avec comme objectifs, la préservation, la production et le renforcement des fonctions de développement urbain et l’adaptation des quartiers urbains selon les besoins liés à l’évolution démographique et à l’évolution économique structurelle. Les centres-villes font l’objet d’un renforcement, avec une préservation du patrimoine. Les friches tendent à être revitalisées temporairement ou durablement. Le démantèlement est adopté pour réduire des pertes fonctionnelles tandis que la conversion et la transformation des bâtiments et structures non utilisés ou sous-utilisés sont à prioriser. Enfin, la conception des structures urbaines doit être conforme aux exigences d’un développement urbain durable et économe en ressources et aux exigences de la protection du climat et de l’adaptation au climat. Le discours véhiculé par ce nouveau programme n’est plus celui d’une Allemagne divisée. La réunification de ce programme montre que l’État fédéral a saisi les enjeux du déclin urbain. Le défi ne réside pas seulement sur une partie du territoire mais dans son ensemble. Depuis quinze ans, nous avons pu observer l’émergence et la généralisation du déclin urbain dans les discours du politique. Toutefois, nous constatons des changements importants dans la posture des politiques publiques ces dernières années, avec une prise en compte de la rénovation urbaine sur la totalité du territoire. Les petites villes allemandes considérées comme un échelon important du déclin urbain font à présent l’objet d’un programme spécifique, développé en parallèle.

Kleinere Städte und Gemeinden – überörtliche Zusammenarbeit und Netzwerke En raison des conséquences de l’évolution démographique et économique, des pertes d’emplois, de l’émigration et du vieillissement de la population, équiper les régions dites rurales en services devient un défi de plus en plus important. Pour répondre à ces formes de déclin, un programme traduit sous le nom de « Petite villes et municipalités – coopération et réseaux supra-locaux » (Kleinere Städte und Gemeinden – überörtliche Zusammenarbeit und Netzwerke) a été développé en 2010 dans toute Allemagne. Ce programme fait partie de l’Initiative pour l’infrastructure rurale (Initiative Ländliche Infrastruktur) lancé par le gouvernement fédéral. Le soutien des villages et petites villes a pour vocation de créer des points d’ancrages sur ces territoires ruraux. Les petites villes et villages des zones rurales peu peuplées et menacées par les migrations et les changements démographique sont particulièrement ciblées. Jusqu’en 2013, 327 mesures avec 989 communes participantes ont reçu des subventions financières. Les financements de l’État Fédéral ont augmenté passant de 18 millions en 2010 à 70 millions d’euros en 2014. L’objectif principal est de soutenir la coopération active entre les municipalités ainsi que les investissements dans l’entretien et le développement des infrastructures municipales. Les propositions sont variées mais doivent favoriser la communication entre les intercommunalités, les acteurs et les relations publiques. L’adaptation des infrastructures aux changements dans la demande (éducation, transports publics, mobilité, santé, infrastructure sociale et technique) est un point important à développer. Contrairement aux programmes Stadtumbau, la stratégie de

consulté le 9 février 2021.

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te und Gemeinden als Standorte der Daseinsvorsoge stärken

développement urbain se fait par le centre avant d’aborder la périphérie – avec une concentration des fonctions et une revitalisation des espaces publics.

Ansatz in der Städtebauförderung tegie im Jahr 2019 fortgeschrieben (vgl. BMI 2019). ch in den Gesamtmaßnahmen anderem wurden die erweiterten FördertatCommederles Unter programmes français, le programme allemand se base sur les principes de bestände der VV Städtebauförderung aufgenomunen. Die Programmziele und Instl’intercommunalité. Le projet doit initialement être pensé à cette échelle afin de venir en aide men. Wichtigste Anpassung ist die Formulierung n Wechselbeziehungen und Maßmmunen in den Bereichen Bildung, villes des Ziels „Attraktive und zukunftsfähige Stadtà des petites qui pourraient manquer deundressources humaines. 56% des mesures sont reiflächen, GemeinbedarfseinrichOrtskerne schaffen“, mit dem der Fokus des Promises en œuvregramms dans für leMaßnahmen cadre dederlaInnenentwicklung coopérationge-intercommunale. En ce qui concerne les zones undheit sind eng miteinander verd’intervention, elles pitel 3). schärftsont wurde.souvent situées dans des centres-villes ou des quartiers à usages mixtes.

1 In der VV Städtebauförderung Plus de la moitié des villes et des municipalités participantes sont desAb-« villes rétrécissantes ». wird ausgeführt: „Die räumliche Umsetzung in den Ländern grenzung kann als SanierungsgeCertains Länder ont également inclus des municipalités stables ou en croissance dans ce biet nach § 142 BauGB, städtebaulicher Entwicklungsbereich nach e Grundlage für die Umsetzung des Wie bei anderen Programmen der Städtebaufördeprogramme. Ils doivent d’ailleurs réussir à mieux intégrer les municipalités particulièrement § 165 BauGB, Erhaltungsgebiet nach einere Städte und Gemeinden“ ist rung liegt die Durchführungsverantwortung für das § 172 BauGB, Maßnahmegebiet nach par l’évolution au sein Les petites villes font donc de § 171b oder § 171e BauGB, Untersuuförderung, die touchées jährlich zwischen Programm beidémographique den Ländern. Das Programm „Klei-du programme. chungsgebiet nach § 141 BauGB ern geschlossenplus wird.en In der VV l’objet nere Städte und Gemeinden“ wurde mit Ausnahme plus de programmes spécifiques en Allemagne et dans ce cas-ci à l’échelle de la oder durch Beschluss der Gemeinde erfolgen. Die Festlegung des geung werden Fördervoraussetzundes Landes Hessen in allen Flächenländern umgesamten Gemeindegebiets als FörderFédération. setzt (vgl. Abbildung 2). In den Stadtstaaten Berlin, gegenstände beschrieben. Zwin-

he Grundlagen

raussetzungen sind die Abgrendergebietes nach den Vorgaben die Erarbeitung eines „unter Bergerinnen und Bürger erstellte[n] stimmte[n] integrierte[n] Entwickin dem Ziele und Maßnahmen im rgestellt sind“ (VV Städtebauför8, Abs. 2). Zu den Fördergegeninvestive Maßnahmen und invesnde Maßnahmen (VV StädtebauArt 8, Abs. 3, Satz 3).

ogrammlaufzeit wurde die VV Städfortwährend weiterentwickelt, um Anforderungen und aktuelle Entberücksichtigen. Als FördertatbeMaßnahmen zur Grün- und Freig sowie zur Barrierearmut/-freiden und Flächen aufgenommen derung von Maßnahmen der Inwurde in der VV Städtebauförchmals explizit benannt und sont. Auch die Förderfähigkeit von eitenden Maßnahmen wurde in auförderung erweitert: die Beteiirkung von Bürgerinnen und Bürnrichtung von Kooperationsmaden als Fördertatbestände 2015 ommen.

VV Städtebauförderung wurden in trategie zum Programm „Kleineemeinden“ aufgegriffen und weit. Die Programmstrategie wurde Ländern und kommunalen Spitabgestimmt und soll allen Proen eine Orientierung bei der Plasierung von städtebaulichen Gen bieten. Sie nennt Programmziebt die Instrumente zur Unterstüteichung. Erstmals 2013 veröffentS 2013), wurde die Programmstra-

gebiet ist nicht zulässig.“ (VV Städ-

Hamburg und Bremen können die communes auf diese Län- rurales tebauförderung 2019 Art 8, Abs. 2) de 83. Les petites villes et les du programme développement urbain DK

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Villes et types de communes Stadt-/Gemeindetyp Ville moyenne Mittelstadt

Région métropolitaine Großstadtregionen

Kleinstadt Petite ville

Les zonesaußerhalb situées en von dehors de la région Gebiete Großstadtregionen

Landgemeinde Communauté rurale interkommunale Maßnahme Mesures intercommunales

Abbildung 2: Städte und Gemeinden im Städtebauförderprogramm (Stand 2019) Quelle: BBSR. Datenbasis: Städtebauförderungsdatenbank des BBSR. Geometrische Grundlage: GemeinBundesinstitut für Bau-, Stadt- und Raumforschun, « Les petites villes et les den, Länder (generalisiert), 31.12.2018 © GeoBasis-DE/BKG communes rurales dans le programme de développement urbain » in Kleinere Städte und Gemeinden – überörtliche Zusammenarbeit und Netzwerke (2020), Bonn, p. 19, disponible sur <www.bbsr.bund.de/BBSR/DE/veroeffentlichungen/ sonderveroeffentlichungen/2020/kleinere-staedte-und-gemeinden-dl.pdf?__ blob=publicationFile&v=4> ; site consulté le 12 février 2021.

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3.3. LA PETITE VILLE, VECTEUR D’UNE CONCEPTION DU TERRITOIRE Le début des années 2000 marque une apparition flagrante des petites villes dans le discours à la fois des politiques, des élus locaux, des journalistes et des habitants. Ces discours véhiculent unanimement les récits d’un déclin fatal mais surtout contagieux entre toutes les petites communes rurales et les petites villes. Associée à plusieurs mouvements sociaux d’envergure nationale, cette montée de la petite ville au cœur des débats publics a alerté les politiques. Dans cet élan, des discussions se sont organisées en France afin d’établir un dialogue entre les déclencheurs de ces récits et les politiques enfin prêts à écouter l’histoire de ces territoires dits en décroissance. Face à l’évidence du déclin urbain, le gouvernement Français a mis en place des actions sur ces territoires mais leur pluralité et leur difficulté de mise en œuvre manifestent une mauvaise compréhension de ce déclin. Le passage des enjeux urbains des petites villes de l’agenda systémique à l’agenda institutionnel – de la perception à la prise en compte – est un processus délicat. Même si les actions dans les petites villes figurent depuis quelques années dans l’agenda institutionnel, l’assimilation et l’énonciation du discours du déclin urbain à l’échelle nationale ne semblent pas encore achevées. Ce tâtonnement politique, accompagné d’un faible intérêt académique s’explique en partie par une méconnaissance de la petite ville. En Allemagne, ce sont les discours mais aussi une étude sur la vacance du parc du logement qui ont alerté l’État Fédéral. Des actions se sont déployées des deux côtés du Rhin mais à des moments différents. L’Allemagne a toujours eu une longueur d’avance, incitant la France à faire de même. Le discours du déclin est resté longtemps tabou mais les instants de crise déclenchent toujours de vives réactions. L’Allemagne a fait le choix de développer un programme en deux temps ; d’abord dans les nouveaux Länder, beaucoup plus instables puis dans les anciens Länder. Ce programme a en quelque sorte conservé le souvenir d’un territoire coupé en deux, malgré la chute du Mur plusieurs années auparavant. L’histoire n’a pas aidé l’Allemagne à se construire ni à se reconstruire. Toutefois, la réunification du programme Stadtumbau West et Ost est une étape importante dans la politique d’aménagement et d’urbanisme de l’État Fédéral Allemand. En France, l’unité territoriale n’a pas empêché une frontière invisible de se creuser entre les grandes aires urbaines et leur périphérie. L’opposition habite depuis longtemps le discours en France ; entre le centre et sa périphérie, la ville et la campagne ou encore les riches et les pauvres. Cet antagonisme dans les politiques publiques d’aménagement et l’urbanisme à la française a fortement porté préjudice au développement des petites villes qui se sont toujours retrouvées « à la traine ». L’intensification du discours du déclin et l’aspiration des populations à habiter dans ces petites villes ont déclenché des actions publiques sur l’ensemble du territoire au cours des années 2010. La ruralité, les territoires industriels, les moyennes villes, les bourgs et les petites villes sont devenus un des enjeux des politiques publiques d’aménagement et d’urbanisme. Toujours à l’échelle nationale, ces programmes identifient et délimitent des territoires selon les formes de déclin. En France et outre-Rhin, les actions n’ont pas eu les résultats attendus. Les enjeux n’avaient pas été assez analysés pour pouvoir mener des actions adaptées. Le dispositif allemand a évolué au cours de ses différentes phases – passant d’une réhabilitation de la périphérie à celle des centresvilles. Le programme Action Cœur de ville s’est lui davantage intéressé à la revitalisation des centres-bourgs, laissant pour compte la périphérie. Les difficultés de gouvernance, des relations 165


entre les acteurs et de la mise en œuvre des outils montrent bien la complexité à répondre aux récits du déclin urbain. Cela traduit également une méconnaissance non seulement de la petite ville mais aussi de son articulation avec l’ensemble du territoire. Au sein d’une démocratie, le discours politique recherche l’approbation afin de créer les conditions pour installer une représentation collective451. L’analyse du discours et de la réception du discours permet de dessiner une idéologie. Le langage exerce une forme de pouvoir. « La parole politique est une symbolique, sociale et historiquement déterminée, pour résoudre ou réduire les conflits de la société ».452 L’espace public a depuis longtemps été théorisé par de nombreux scientifiques. Habermas désignait cet espace comme « l’expression d’un intérêt général partagé pour tous au terme d’une délibération fondée sur des échanges dûment argumentés »453. Tandis que Bourdieu développait une théorie de l’espace social où finalement l’espace public traduisait une hiérarchie sociale. Dans le cadre de ces travaux, la petite ville devient l’espace public non pas d’une classe sociale mais d’une classe territoriale, c’est-à-dire d’une population propre à un territoire, à un espace urbain. L’état économique, social, urbain et architectural de la petite ville retranscrit les conditions de vie sa population ; à ce jour qualifiée comme marge des territoires métropolitains. La petite ville est la manifestation urbaine et territoriale d’une réalité socio-économique. Les mouvements sociaux ayant eu lieu dans ces petites villes sont la démonstration de réclamations au nom d’un intérêt général, ils expriment publiquement une insatisfaction fasse à l’inaction des politiques publiques. La question du débat public se joue aussi dans ces petites villes puisque l’opinion politique ne réside pas seulement dans le langage mais se territorialise et se déploie dans l’espace. Le territoire de la petite ville est devenu le prisme d’observation d’une société à l’aune du processus de métropolisation. La crise des gilets jaunes n’est que l’expression publique de mutations socio-économiques de longue date. La France des ronds-points n’est pas seulement le symbole d’une « France périphérique » mécontente ; elle est l’expression collective d’un mal-être sociétal qui questionne profondément notre démocratie. Les politiques publiques en réponse au déclin urbain de la petite ville existent en France et en Allemagne. La petite ville est devenue un enjeu politique important depuis quelques années, au même moment où l’envie de quitter la grande ville pour « se mettre au vert » se développe en France et où le discours de plus en plus alarmant sur l’état des campagnes apparaît en Allemagne. Les politiques publiques incarnent les discours autour de la petite ville. Même si les actions ne sont pas nécessairement adaptées à ses réalités, elles existent pour répondre aux préoccupations exprimées par les débats publics. Si les politiques publiques se révèlent concluantes alors les récits du déclin urbain s’estomperont en même temps que les petites villes gagneront un nouveau dynamisme. Tandis qu’un dispositif inadapté et n’aboutissant pas aux résultats attendus ne fera qu’entretenir, voire aggraver, le discours du déclin urbain. Les dispositifs encore récents en France et plus expérimentés en Allemagne n’ont pour le moment pas donné de résultats convaincants quant à la revitalisation des petites villes et de leur périphérie. C’est pour cette

451   Dorna A., Georget P. (2007), « Quand le contexte surdétermine le discours politique », Le journal des psychologues, n° 247, pp. 23-28, disponible sur <www.cairn.info/revue-le-journal-des-psychologues-2007-4-page-23.htm> ; site consulté le 12 février 2021. 452   Ibid. 453   Lits M. « L’espace public : concept fondateur de la communication », Hermès, La Revue, n°70, pp. 77-81, disponible sur <www.cairn.info/revue-hermes-la-revue-2014-3-page-77.htm> ; site consulté le 12 février 2021.

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raison que les petites villes françaises et allemandes, malgré leurs potentiels manifestes, n’ont pas encore développé une identité assez robuste pour contrer l’idée du déclin et proposer des modèles alternatifs à l’urbanisation de demain.

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CONCLUSION La densité du tissu urbain en Allemagne attribue à la petite ville des fonctions économiques importantes, exercées à l’échelle du département et la région en France. Les petites villes allemandes et françaises représentent en général un échelon majeur dans le quotidien des citoyens, malgré les discours du déclin urbain dont elles font l’objet. Depuis les années 1990, les chercheurs, les élus et les décideurs publics annoncent la « mort des petites villes » . Si l’on en croit leurs discours, les petites villes éprouveraient des difficultés à résister au déclin urbain depuis le siècle dernier, et sembleraient vouées à disparaître. Pourtant, la petite ville existe toujours et n’est pas vouée à disparaître, ni en France, ni en Allemagne. Les études géographiques du déclin urbain en Allemagne offrent un panorama de l’évolution des petites villes depuis la chute du Mur. Même si certains chercheurs relativisent les contrastes et lignes de tension entre l’Ouest et l’Est du pays, la géographie exprime une situation de déclin plus intense sur le territoire de l’ancienne RDA. Les symptômes y sont ceux d’une perte importante d’habitants, d’une décroissance économique caractérisée par une diminution des emplois et du PIB, et d’une proportion significative de logements vacants. La situation de la partie orientale du pays, plus pauvre et en déclin, semble s’opposer au versant occidental, plus développé et plus riche. En France, les discours adossent davantage les grandes métropoles à la « France périphérique » des villages, des bourgs et des petites villes. La notion de taille est prégnante dans l’Hexagone, tandis que la définition fonctionnelle des centralités urbaines prédomine en Allemagne. Le tissu urbain, davantage développé outre-Rhin, favorise les liaisons entre les petites villes et avec les villes plus grandes, la petite ville isolée n’existant presque pas ; pour cette raison, l’idée d’injustice territoriale entre petites et grandes villes y semble moins présente. L’espace, beaucoup plus dilaté en France, éloigne davantage les petites villes des grandes agglomérations, accentuant les disparités territoriales. Il est possible de différencier les petites villes dites dynamiques, grâce à leur proximité avec un pôle urbain important, et les petites villes isolées dites en décroissance. Les premières gagnent des habitants et sont confrontées à des enjeux soulevés par la croissance démographique, tandis que les secondes perdent des habitants et connaissent un vieillissement plus important de leur population. Ce déclin a pour conséquence une part élevée de logements vacants et une désertification des centres-villes par les commerces de proximité. En France comme en Allemagne, les petites villes bénéficiant du dynamisme d’une grande agglomération à proximité se portent bien mieux. Celles qui ne bénéficient pas d’une telle situation ressentent plus intensément les effets du déclin urbain. Les géographies de la petite ville française et allemande affichent des similitudes, mais leur histoire, leur organisation politico-administrative et leur structure territoriale différentes ont abouti à des contextes différents. Les différences dans les modes d’expression du déclin urbain chez les élus locaux, les décideurs publics, les habitants et les experts ont leur traduction dans les politiques publiques. En ce sens, l’Allemagne fait figure de précurseur par rapport à la France. Si les discours sur le déclin sont restés longtemps tabous, ils sont à présent abordés publiquement par les différents acteurs concernés. La France emprunte peu à peu un chemin similaire, mais il s’agit d’un processus lent : pour évoquer les enjeux du déclin urbain, encore l’État doit-il être prêt à y répondre. Le silence longtemps gardé par les pouvoirs publics français pourrait indiquer une méconnaissance du phénomène, s’il ne s’agissait pas surtout d’un désintérêt à l’égard de ce sujet. Après la chute du 169


Mur, l’Allemagne a connu une grande vague de déclin urbain touchant les petites, les moyennes et les grandes villes. Il était impossible à la Fédération de ne pas s’exprimer sur le sujet, même si le processus a été long. En France, le déclin urbain n’a pas été aussi brutal et s’est installé sur le long terme. La situation étant « moins catastrophique » et plus progressive, les décideurs publics n’ont pas été mis en alerte. Malgré ses manifestations similaires observées de part et d’autre du Rhin, le déclin urbain n’a pas suscité les mêmes réactions et donc les mêmes réponses dans les deux pays. L’Allemagne a développé un programme massif contre le déclin urbain en Allemagne de l’Est. Les démolitions se sont accélérées, comme si le bâti ancien constituait la racine de ce déclin. Or, les causes étaient bien plus profondes, comme l’illustre la diffusion de ce déclin à l’Ouest du pays. Un programme de réponse au déclin urbain s’y est également développé par la suite, sur le même modèle. La réunification des deux programmes en un seul en 2017 a porté un message puissant. Elle marque une volonté de cohésion afin de mettre fin à la fracture territoriale du pays, et avec elle la reconnaissance que ce déclin constitue un enjeu national. Au même moment, un programme pensé pour les petites villes est apparu, marquant le choix de l’Allemagne d’en faire un sujet prioritaire. Depuis les années 2010, la France a développé plusieurs programmes contre le déclin urbain. Les politiques publiques françaises semblent beaucoup plus ciblées, articulées sur plusieurs programmes répondant à des problématiques spécifiques. Ces dispositifs de contractualisation s’adressent à différentes échelles, et à des enjeux particuliers – vacance des logements, décroissance économique, diminution démographique, ou encore déclin commercial. Alors que l’Allemagne semble adopter une approche globale sur un ensemble des villes – même si en pratique, les actions sont assez restreintes –, la France s’adresse à des typologies d’aires urbaines délimitées, réparties sur l’ensemble du territoire. La séparation entre les différents types d’intervention caractérise le manque de vision stratégique. Le traitement isolé des petites villes et des moyennes et grandes villes d’un côté, des enjeux économiques et de la revitalisation des centres-villes de l’autre, traduisent une approche disloquée de ces enjeux en France. Les politiques publiques n’y ont pas encore saisi la dimension des enjeux urbains, pensant à tort que le problème des petites villes doit se résoudre à cette seule échelle. Cette réflexion en « silos » se retrouve également dans l’organisation administrative et la gouvernance publique, marquées par la volonté d’attribuer des compétences spécifiques à un échelon territorial particulier, alors que la coopération entre échelons serait à privilégier. La mise en œuvre d’un programme de soutien au développement des petites villes ne pourra être efficace que si elle s’accompagne d’une structuration des enjeux sur l’ensemble du territoire. Le programme Action cœur de ville a pu expérimenter les effets d’un manque de stratégie globale par l’aboutissement de résultats controversés, remettant en question la posture de l’État. L’Allemagne des Länder pratique davantage la consultation, tandis que la France privilégie la contractualisation. Ces pays ont adopté des positions différentes pour répondre aux enjeux du déclin urbain de leurs petites villes. Leurs réponses reflètent les discours qui jaillissent et se manifestent sur ces territoires, animés par les récits du déclin urbain. Des deux côtés du Rhin, les dispositifs n’ont pas abouti à des résultats convaincants. L’Allemagne pensait résoudre les enjeux du déclin en s’attaquant principalement à la rénovation du parc immobilier, soulignant ainsi une vision trop limitée du problème. En France, la réponse s’est cantonnée à la revitalisation des centres-villes, en passant outre l’ensemble des autres enjeux.

Longtemps, les urbanistes ont pensé pouvoir améliorer la condition humaine, les inégalités 170


sociales et les fractures territoriales en s’interrogeant sur l’organisation de la ville, creuset du récit collectif et des évolutions sociales. Comme le souligne Pierre Merlin, la ville suit donc un ordre qui a été créateur de la société capitaliste. Marx et Engels, considérés comme des préurbanistes, affirment qu’il faudrait supprimer cet ordre et le dépasser en détruisant la ville ; cette vision radicale les amènera à refuser de présenter un projet de ville. À partir des années 1920, les urbanistes progressistes, tels que Charles Fourier et Robert Owen, abandonnent l’utopie pour proposer une pratique plus ancrée dans la réalité. Ils souhaitent modifier l’état de la société par le traitement de l’espace. Beaucoup ont condamné la ville contemporaine, en commençant par les partisans de la Charte d’Athènes (1933). Au regard de notre étude, il est possible de se demander si la vision de l’urbaniste progressiste ne se rapproche pas de l’utopie. Les politiques de revitalisation des petites villes en France et en Allemagne ont proposé en ce sens des projets d’urbanisation et de rénovation urbaine. Mais n’est-il pas présomptueux de penser que l’urbanisme des villes puisse à lui seul vaincre des mouvements socio-économiques d’envergure mondiale ? C’est sûrement la raison pour laquelle le mouvement des « désurbanistes » est né, en prônant une dilution de la ville dans la campagne sur la base d’un système économique et politique décentralisé (M. Okhitovitch, 1930). Il est certes possible de reprocher aux politiques publiques leur difficulté à saisir l’étendue d’un projet d’urbanisme, ainsi que leur accoutumance à dissocier les enjeux économiques de l’urbanisation. Toutefois, les difficultés de gouvernance et de mise en œuvre de ces dispositifs, certes inadaptés, expriment également le sentiment de dépassement des politiques. La petite ville prédomine dans la structure urbaine en France comme en Allemagne. Elle véhicule les discours du déclin urbain parce que les citoyens sont attachés à celles-ci. La consternation face à l’abandon des campagnes et les protestations violentes en réponse à l’inaction de l’État expriment cet attachement à la petite ville. Pourtant, le déclin est aujourd’hui seulement abordé d’un point de vue uniquement capitaliste. La petite ville a perdu son identité, prise dans l’engrenage de la mondialisation. Elle doit paradoxalement participer à un système économique dont elle subit les effets et qui la qualifie de « décroissante ». Au commencement du déclin, beaucoup ont espéré le renouveau de ces petites villes, sans le voir se construire. Aujourd’hui, l’aménagement revient au centre du débat public : les populations des petites villes se sentent à l’écart « du système » mais surtout impuissantes face à une force qui les dépasse. Cet intérêt grandissant pour les enjeux territoriaux mais aussi pour la petite ville nous invite à questionner nos modèles économiques, nos modes d’habiter mais aussi la notion de juste taille. La crise liée à la Covid-19, ainsi que l’aspiration grandissante pour la vie dans les petites villes, pourraient aboutir à une nouvelle organisation sociétale. Le défi est de comprendre comment se constitue l’identité de ces petites villes, et comment la préserver. Ces questionnements sont au cœur de mon projet de fin d’étude (PFE) dans le Sud du département de l’Essonne en région Ilede-France. Comment une petite ville peut-elle proposer une nouvelle organisation économique à son échelle et contrer les effets négatifs d’une non-conformité au système capitaliste actuel ? Comme le remarque E.-F. Schumacher dans son ouvrage Small is Beautiful (1973), l’une des plus tristes erreurs de notre époque a été de croire que le problème de production avait été résolu. Le capital fourni par la nature – utilisé à un rythme alarmant – possède bien plus de valeur qu’on l’admet généralement. Les modèles économiques organisent la société et façonnent l’urbanisme et le fonctionnement des villes. Ils devraient donc être intégrés aux politiques d’aménagement et d’urbanisme – ce qui est rarement le cas. Le Sud de l’Essonne est un territoire caractérisé par sa ruralité et son industrie agricole dynamique. Le passage de l’économie agraire 171


à l’industrialisation des pratiques a pendant longtemps participé de l’identité de ce territoire qui se retrouve désormais dans une instabilité face à la désindustrialisation et au déclin de la ruralité. La petite ville d’Angerville, avec ses près de 4 200 habitants (INSEE, 2015), est située à la lisière du rayonnement parisien, ce qui lui confère un dynamisme particulier avec l’arrivée de nouvelles populations chaque année. Cette croissance démographique a déclenché la construction effrénée de nouveaux lotissements, la disparition progressive des terres agricoles et l’expansion des zones industrielles au nord de la ville. Dans le cadre de ce PFE, il est proposé de repenser les modes de production de la ville d’Angerville et du Sud de l’Essonne et leurs effets sur les sociabilités et mode d’habiter de la petite ville. À l’issue de cette étude, est mise au jour la complexité de la mise en œuvre de politiques publiques dans les petites villes françaises et allemandes, ainsi que leur insuffisance pour répondre au supposé déclin urbain. L’État tente d’adopter la posture de l’accompagnant dans les projets des petites villes, mais ses actions se rapprochent plus de celles d’un tuteur. L’idée de « politiques territorialisées » suppose d’être à l’écoute des réalités locales mais le modèle du « haut vers le bas » reste la norme, gommant la diversité des réalités géographiques. Les institutions donnent peu de signes de confiance envers les petites villes, qui ne sont pas invitées à s’exprimer. Pourtant, des réponses pourraient émerger à l’échelle du local, permettant ainsi aux petites villes de manifester leur identité longtemps brimée par une forme de paternalisme étatique. La petite ville est multiséculaire mais reste encore une réalité urbaine méconnue des scientifiques et des décideurs publics. Sa taille restreinte dans l’espace, conjuguée à sa complexité, éloigne beaucoup d’entre eux. Les scientifiques la qualifient par défaut d’espace périurbain, d’espace rural ou tout simplement l’écartent des discussions. Les aspirations des Français, les évènements sanitaires récents et les enjeux climatiques contemporains apparaissent très éloignés des processus de métropolisation. La petite ville est porteuse d’avenir et mérite d’être considérée, revisitée et intégrée au sein d’un projet sociétal. Il est temps de sortir de discours entièrement axés sur « la croissance » afin de se confronter aux enjeux réels qui mettent en péril nos modèles de société. Le sujet de la petite ville ne s’arrête pas à la France ni à l’Allemagne, mais intéresse l’ensemble des sociétés, qui plus est dans les pays en développement. Des villes d’Afrique, d’Amérique du Sud, d’Asie ou du Pacifique – en pleine explosion démographique – se retrouvent aujourd’hui dans l’impossibilité d’offrir un logement décent aux citoyens venus des campagnes alentours. La ville ne grandit pas assez vite et les campagnes n’offrent pas assez d’opportunités économiques. Pourtant des solutions trouvant leur source dans la coopération ville-campagne peuvent être mises en œuvre. Dans la continuité de cette étude, notre PFE tentera de démontrer qu’une nouvelle organisation sociétale et territoriale à l’échelle de la petite ville peut apporter des réponses concrètes aux enjeux urbains actuels, en proposant des modes d’habiter, de mobilité, de production et de consommation alternatifs aux mécanismes capitalistes qui conditionnent nos modes de vie contemporains.

172


173


TABLE DES MATIÈRES Sommaire Index Remerciement Avant-propos Introduction générale

5 7 9 11 13

1. Géographies des petites villes françaises et allemandes

23

1.1 La petite ville en France et en Allemagne

23 25

Le modèle de Pareto et la sélection hiérarchique de Pumain D., Bretagnolle A., Rozenblat

C. (1999)

L’approche morphologique de Gourdon, Bretagnolle, Guérois et Pavard (2019)

La typologie urbain-rural de Bretagnolle A. Guérois M. Pavard A. (2019)

La normalisation du seuil minimum des 10 000 habitants

Le projet TOWN, premier seuil démographique inférieur 20 000 habitants

Les méthodologies des calculs de densité

L’étude de la croissance des petites et moyennes villes européennes entre 1961 et 2011, par

Desjardins X., Estèbe P. (2011)

1.2. Caractéristiques géographiques et fonctionnelles des petites villes françaises et allemandes

Les petites villes françaises ou la définition de l’urbain

Les petites villes allemandes vecteur d’une organisation administrative

1.3. Les origines du déclin urbain des petites villes

Les villes en décroissance ou la notion de schrumpfende Städte

Les processus de métropolisation et la petite ville

30 32 35 36 39 41

47 47 52 61 61 69

2. Les récits du déclin urbain de part et d’autre du Rhin

74

2.1 La métropolisation ou la petite Allemagne

75 75 80 88 92 96 99 101 106 111

Le déclin démographique – perte de population

Le déclin démographique – migrations et vieillissement de la population

Le déclin démographique – l’isolement

Le déclin des services

Le déclin de la ruralité dans les discours du politique

Le déclin commercial et du centre-ville

Le déclin des valeurs

Le déclin du patrimoine et la vacance de logements

Des récits aux discours : l’action publique en question

2.2. Des récits aux discours : l’action publique en question 174

114


3. Les politiques publiques et la petite ville

117

3.1. Les conceptions institutionnelles de l’aménagement du territoire

117 118 122 130 134

L’aménagement du territoire en France – reflet d’une gouvernance centralisée La recomposition de l’action territoriale et les petites villes en France La Raumordung – l’aménagement du territoire allemand, une conception « du bas vers le haut » L’aménagement du territoire, vision politique du territoire

3.2. Les actions politiques prises en faveur de la petite ville

L’agenda institutionnel en France

Les petites villes et la contractualisation

Le Programme National de Requalification des Quartiers Anciens Dégradés

(PNRQAD)

Programme de soutien expérimental pour revitaliser les centres-bourgs

Le programme Territoires d’industrie

Projet Action Cœur de Ville

Petites villes de demain

L’agenda institutionnel en Allemagne

Stadtumbau Ost

Stadtumbau West

Kleinere Städte und Gemeinden – überörtliche Zusammenarbeit und Netzwerke

137 137 138 139 139 142 144 149 152 152 157 161

3.3. La petite ville, vecteur d’une conception du territoire

163

Conclusion Table des matières Bibliographie

167 172 174

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Tandis que l’attrait de la grande ville s’accentue, la petite ville reste relativement ignorée des décideurs publics, et peu étudiée par les chercheurs. Cette enquête propose une analyse comparative de l’aménagement et de l’urbanisme des petites villes en France et en Allemagne. Malgré une organisation politico-administrative différente et des phénomènes urbains distincts, les deux pays semblent être parvenus à une situation similaire : Le processus de métropolisation en France et la propagation outre-Rhin des schrumpfende Städte ou « villes rétrécissantes » y alimentent les récits du déclin urbain des petites villes. Quelles réponses y apportent les politiques publiques en France et en Allemagne ? En quoi traduisent-elles des visions différentes de la petite ville ? À la lisière entre l’urbanité et la ruralité, les petites villes se trouvent aujourd’hui enfermées dans une image dépassée ne correspondant plus aux réalités territoriales. La petite ville, ponctuellement appréhendée à certaines périodes, va être purement et simplement ignorée de l’aménagement du territoire à partir des années 1990. Les nouvelles aspirations citoyennes marquant le début du XXIe siècle semblent toutefois offrir un nouveau souffle à la petite ville. Ces travaux offrent un examen des politiques publiques de la petite ville de part et d’autre du Rhin, afin d’interroger les modèles d’urbanité qui en découlent.

Mots-clés : petite ville, déclin urbain, villes rétrécissantes, urbanisme, aménagement du territoire, politiques publiques, enquête comparative, France, Allemagne Keywords: small cities, urban decline, shrinking cities, urbanisation, land use planning, public policies, comparative studies, France, Germany

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