L'habitat participatif, une nouvelle conception dans l'aménagement de la ville.

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L’HABITAT PARTICIPATIF, UNE NOUVELLE CONCEPTION DANS L’AMÉNAGEMENT DE LA VILLE.

COMPARAISON

ENTRE UN MODÈLE SUISSE ET LE MODÈLE FRANÇAIS.

Léa Pelleteret L3 - Domaine d’étude : Écologies

École Nationale Supérieure d’Architecture Paris Val de Seine

Unité d’enseignement : Théorie et pratique de la conception architecturale et urbaine

Directeur de rapport de licence : Pascal Terracol


Remerciements

Je remercie Xavier Point qui m’a gentiment reçu au sein de Diwan.

Un grand merci à Jo, Anne-Élisabeth, Marion, Marine, Sylvie, Claude, Cornélia et Célia qui ont accepté de répondre à mes questions.

Et enfin, merci à Pascal Terracol qui a encadré ce travail de recherche.

LÉA PELLETERET

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Sommaire Introduction

LÉA PELLETERET

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1. Un savoir citoyen

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2. Une réponse au mal logement Un moyen plus facile d’accéder au logement Régulation des prix du marché

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3. Mise en place d’une mixité sociale Une mixité sociale et inter-générationnelle L’habitat participatif s’adresse à un public restreint. Comment étendre sa diffusion ?

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Le point de vue des citoyens français sur l’habitat participatif

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4. Aménagement À l’échelle de l’immeuble À l’échelle de la ville

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Conclusion

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Annexe

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Bibliographie

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Crédits

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1. Diwan, le jardin partagé par les différentes familles.

2. Kraftwerk 2, jour de fête.

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Introduction Ces trois années d’étude d’architecture à l’ENSA Paris-Val-de-Seine m’ont permis de me rendre compte de la complexité du métier d’architecte. Cette dernière est portée à travers la pluridisciplinarité et la diversité des enseignements. Gaston Bachelard, dans La poétique de l’espace m’a sensibilisé à la question de l’habiter. Celle-ci est universelle et touche toutes les populations à toutes les époques. En tant qu’architecte, l’un de notre objectif est de penser une nouvelle et une meilleure manière d’habiter, tout en répondant aux conditions politiques, économiques et sociales de notre société actuelle.

La démocratie participative1 tend à se développer ainsi que le rôle des savoirs citoyens au sein de la formation d’une démocratie urbaine2. Cette dernière tente d’allier le point de vue des citoyens aux politiques publiques. L’impact de la prise en compte des données de la société civile, sur les politiques publiques est aujourd’hui remis en question. Le cadre urbain offre des lieux où la réalisation de ces exigences participatives est possible. L’habitat participatif est une manière d’habiter qui tend à se développer dans les années futures.

Les expériences de l’habitat participatif répondent à des problèmes d’urbanisme de la ville qui se répercutent sur nos modes de vie. Nous pouvons questionner le rôle de la politique de la ville. Des contrats de ville sont mis en place entre l’État et le département. Ils s’inscrivent dans une démarche intégrée devant tenir compte des enjeux de développement économique, de développement urbain et de cohésion sociale. Ils fixent le cadre des futurs projets de renouvellement urbain et prévoient l’ensemble des actions à conduire pour favoriser la bonne articulation entre ces projets et le volet social de la politique de la ville3.

La politique de la ville est-elle toujours adaptée aux difficultés actuelles? Les projets citoyens, qui régissent leur propre organisation interne en lien avec la ville, proposent d’autres réponses aux problèmes de mixité sociale et à l’accession au logement. La fragmentation technique et l’isolement social ont été poussés tellement loin que même les ordinateurs n’arrivent plus à fondre, en ensembles vraiment productifs, les atomes sociaux disséminés4. Il nous faut repenser nos manières d’habiter la ville.

La démocratie participative désigne l’ensemble des procédures, instruments et dispositifs qui favorisent l’implication directe des citoyens dans le gouvernement des affaires publiques. RUI SANDRINE, « Démocratie participative », in CASILLO I. avec BARBIER R., BLONDIAUX L., CHATEAURAYNAUD F., FOURNIAU J-M., LEFEBVRE R., NEVEU C. et SALLES D. (dir.), Dictionnaire critique et interdisciplinaire de la participation, Paris, GIS Démocratie et Participation, 2013, ISSN : 2268-5863. URL : <http://www.dicopart.fr/it/dico/democratie-participative>. 2 DEBOULET Agnès et NEZ Héloïse, Savoirs citoyens et démocratie urbaine, Presses universitaires de Rennes, 2013. 3 Site du Ministère de la cohésion des territoires, <http://www.ville.gouv.fr/?l-essentiel-de-la-politique-de-la> 4 BLUM, HOFER & P.M., Kraftwerk 1 construire une vie coopérative durable, édition du Linteau, 2014, p.43. 7 LÉA PELLETERET 1


La perspective comparatiste adoptée à l’égard de deux modèles d’habitat participatif, au sein de deux pays d’Europe, tente de faire comprendre les enjeux actuels, la situation et la place du logement participatif dans la ville. En quoi l’habitat participatif apporte-il une réponse, aux problèmes de l’accession au logement classique et à la mixité sociale, dans l’aménagement de la ville ?

Nous interrogerons donc le modèle Kraftwerk, première coopérative de logement à Zurich qui adopte l’idée de construire sa vie5, ainsi que différents projets français, afin de représenter la diversité de l’habitat participatif sur le territoire et de comprendre son évolution. En effet, ces deux pays possèdent un passé marqué par l’habitat participatif6 même si de 1950 à 1970, la construction des grands ensembles fait passer le mouvement coopératif à l’arrière plan.

Kraftwerk, s’est développé suite au contexte économique de la ville de Zurich au XIXe siècle. Andreas Hofer, Martin Blum et Hans Widmer se sont exprimés à travers un manifeste7 qui prônait un nouveau mode de vie basé sur l’autogestion. Kraftwerk est la mise en pratique de ce manifeste. C’est bien plus qu’un projet de logement, c’est une nouvelle manière de construire sa vie. La révolution industrielle a conduit Zurich a devenir un grand pôle industriel. Dès les années 80, la forte augmentation de la population provoque une pénurie de logement; Kraftwerk est une réponse à ce problème. Elle n’est pas le premier projet de coopérative d’habitants sur le territoire suisse mais elle est le plus ambitieux.

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Le modèle français sera traité à travers différents cas; l’habitat participatif se manifeste sous différentes formes en France. Il peut être l’initiative d’un groupe auto-formé, d’un acteur professionnel ou institutionnel ou il peut être une initiative conjointe.

Nous traiterons du Lavoir du Buisson Saint-Louis, coopérative d’habitants autoformée à Paris. C’est un projet de plus petite envergure. Il a été conçu par les habitants dans les années 1979, à l’initiative d’amis qui souhaitaient mener un projet commun, avec l’aide d’un architecte.

De plus, l’opération Diwan à Montreuil-sous-Bois est un projet mené en autopromotion par un groupe d’artistes et d’architectes qui souhaitent concevoir leur

5

Ibid, p.46. Histoire de l’habitat participatif en Suisse et en France, voir Annexe. 7 BLUM, HOFER & P.M., Kraftwerk 1 construire une vie coopérative durable, éditions du linteau, 2014. 6

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lieu de vie ainsi que des ateliers de travail. Xavier Point8, un des habitants du projet Diwan, est le fondateur du promoteur CPA-CPS qui est à l’origine de divers projets coopératifs telle que l’opération Comme un baobab (CUB) à Montreuil-sous-Bois. Les logements ont été vendus en VEFA (vente en l’état futur d’achèvement). Dans ce cas-ci, les habitants ont élaboré le projet avec Xavier Point (CPA-CPS) et Christian Hackel, de l’atelier d’architecture Méandre (m’cub). De plus, deux logements sociaux acquis par Habitat & Humanisme ont été intégrés au projet. Celui-ci a été construit sur un terrain acheté par la ville en 1976, délaissé car non compatible (trop petit) avec une opération « classique ».

Enfin, Nouveau Centenaire est une résidence sociale, construite pour reloger de manière décente et pérenne les locataires du foyer de la Rue du Centenaire à Montreuil, dans des conditions permettant le maintien de l’organisation collective et solidaire. Les bénéficiaires du projet sont des hommes d’origine Soninké (Mali et Mauritanie). Tous sont célibataires en France et ont la charge de leur famille au pays. Nouveau Centenaire met fin à une situation de mal logement ancienne et le nom choisi par les résidents y rend hommage en mentionnant les deux foyers insalubres précédents : Nouvelle France (1984-1995) et Centenaire (1996-2015)9. Il s’agit ici d’un projet en cogestion. Celui-ci est géré par l’association des résidents « Nouvelle France » et l’association « Pour Loger », en partenariat avec l’Office Public d’Habitat Montreuillois, propriétaire de la résidence. Il lie habitat participatif et résidence sociale.

4. Nouveau Centenaire, Montreuil.

5. Le Lavoir Saint Louis du Buisson,

au centre de Paris, au bas de Belleville, à deux pas de la Place de la République et du Canal SaintMartin.

Graphiste de formation (diplômé de l’ESAG en 1987), photographe et plasticien, Xavier Point a mené dès son arrivée à Montreuil en 2000 un travail photographique sur les chantiers de démolition et de construction du bas Montreuil et notamment sur les métamorphoses urbaines et le (mal)traitement de l’espace public. Sa rencontre l’année suivante avec l’architecte Guy Hayon, à l’origine du projet Diwan, marque le début de son implication dans un projet d’habitat groupé. Il fondera plus tard le promoteur Cpa-Cps (construire pour les autres, construire pour soi-même). <http:// www.cpa-cps.fr> 9 Site du Nouveau Centenaire, <http://www.nouveaucentenaire.fr/>. 9 LÉA PELLETERET 8


6. CUB, conception des logements avec l’aide des habitants.

7. Kraftwerk 1, réunion avec les habitants.

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Un savoir citoyen L’habitat participatif est une expression d’ « expertise citoyenne » 10. Il existe trois catégories de savoirs citoyens; la raison ordinaire (savoir d’usage) ; l’expertise citoyenne (savoirs professionnels) et le savoir politique (savoirs militants). Ils sont en interactions avec les savoirs institutionnels (élus, politiques). Les projets participatifs sont le résultat d’interactions entre ces différents savoirs. Ils fonctionnent grâce à la connaissance et au vécu des usagers. En effet, le savoir d’usage se traduit par une pratique du territoire. Il est donc intéressant de comprendre les pratiques de vie du citoyen afin de comprendre son approche du territoire.

John Dewey11 affirme que les utilisateurs connaissent mieux que quiconque leurs intérêts. Cette idéologie est de plus en plus mise en pratique dans les politiques locales.

La Suisse, État fédéral, est une démocratie dite « semi-directe » 12. La confédération13 est le niveau politique le plus élevé en Suisse, elle est composée de 26 cantons; celui de Zurich est le plus peuplé. Chaque canton14 a sa propre constitution, gouvernement, parlement, tribunaux et police. Elle dispose d'une liberté de décision importante et d'une certaine autonomie. Les instruments de la démocratie directe existent à tous les niveaux : cantonal, fédéral et communal. Le citoyen a une parole plus importante et il peut agir de manière plus rapide, notamment avec l’initiative populaire15. La Suisse fonctionne sur un système très

DEBOULET Agnès et NEZ Héloïse, Savoirs citoyens et démocratie urbaine, Presses universitaires de Rennes, 2013. DEWEY JOHN, The Public and Its Problem, Swallow Press/Ohio University Press Books, Athens, 1954 (1927). 12 La démocratie semi-directe est une combinaison des institutions représentatives et des institutions de la démocratie directe d'après ce que son nom indique. La démocratie semi-directe laisse donc une possibilité au peuple d'exercer directement les compétences attachées à sa souveraineté sur quelques points, c'est-à-dire lors d'un référendum, élément de démocratie par excellence, que la doctrine de la souveraineté populaire préconise d’ailleurs. <http://www.doc-du-juriste.com> 13 Confédération : Association durable d'États qui, pour mieux défendre des intérêts communs, se mettent sous la dépendance d'un organisme central commun sans renoncer à leur autonomie dans d'autres domaines. <http://www.cnrtl.fr/> 14 Les électeurs peuvent voter des projets et des lois et choisir les membres du Conseil municipal, le Gemeinderat, et du Conseil exécutif, le Stadtrat. Le Gemeinderat comprend 125 membres et le Stadtrat 9. Les deux conseils sont élus tous les quatre ans élus par le peuple. <https://www.zuerich.com/fr/visite/informations-sur-zurich/le-systeme-politique> 15 L’initiative populaire permet à un groupe de citoyens, à un parti politique ou à une association de récolter un nombre défini de signatures en faveur d’une proposition et d’obliger les autorités à organiser un référendum sur la question. L’initiative populaire peut être constitutionnelle, c’est-à-dire qu’elle vise à modifier la constitution, ou législatives, c’est-à-dire qu’elle vise à modifier une loi. Elle doit de plus respecter l’unité de matière. Le nombre de signatures nécessaire est de 100 000 en 18 mois au niveau fédéral et varie en fonction des cantons ou des communes pour les autres niveaux. Au niveau fédéral, seule l’initiative constitutionnelle est possible. <http://elections-en-europe.net/institutions/democratie-directe-en-suisse/> 11 LÉA PELLETERET 10 11


différent du système français, État unitaire16. Le citoyen a un rôle central dans la gouvernance du canton. C’est sûrement la raison pour laquelle l’habitat participatif s’est développé beaucoup plus facilement.

En France, la politique de la ville tente d’aider les quartiers défavorisés, économiquement et socialement. Elle souhaite ramener le droit commun (accès aux mêmes services que le reste du territoire), favoriser l’émancipation des habitants et réduire l’endettement. Pour cela, plus de moyens vont être mis en place; une police sera présente au quotidien, des structures contre le décrochage scolaire et une éducation à la citoyenneté vont être adoptés. Le gouvernement prône le réinvestissement dans l’économie des quartiers avec le financement d’une politique sociale par les entreprises17 . Cela, dans le but de réduire une pauvreté et une exclusion sociale toujours présente.

Il me semble que ces projets économiques ainsi que les moyens mis en place ne changeront pas le modèle statutaire dans lequel nous sommes actuellement. La politique de la ville ne propose pas de nouveaux modèles en réelle faveur de la mixité sociale. La mise en place de pratiques spécifiques pour ces quartiers crée une forme de ségrégation. De plus, le développement, principalement économique, de ces quartiers peut promouvoir le phénomène de gentrification18 . Seuls des projets mettant en oeuvre une réelle mixité permettront de répondre aux problèmes actuels. La loi ELAN19 promeut un dialogue de proximité entre tous les acteurs.

On remet souvent en question le savoir citoyen qui est sous-estimé et méprisé. Les collectifs citoyens se développent de plus en plus afin de porter leurs idées vers le haut (bottom-up). Zurich et la France sont deux États démocratiques. Toutefois, les savoirs citoyens en France sont encore peu exploités, à travers le pouvoir décisionnel; même s’il est légitime de convoquer le référent de la citoyenneté pour justifier une construction au nom du bien commun.

LOUIS FAVOREU, PATRICK GAÏA, RICHARD GHEVONTIAN, OTTO PFERSMANN, ANDRÉ ROUX, GUY SCOFFONI, JEANLOUIS MESTRE, Droit constitutionnel, 20e éd., 2018, Dalloz (Paris), p. 514 et s. 17 Politique de la ville, conférence de presse du Président Emmanuelle Macron, 14 novembre 2017 à Tourcoing, France. <https://www.youtube.com/watch?v=xu3nLRZKCPY> 18 Gentrification : le terme vient de l'anglais gentry, bourgeoisie. Il désigne un processus de renouvellement de la composition sociale et démographique d'un quartier au profit de ménages plus aisés. C'est un phénomène qui touche principalement les centres et les péricentres des métropoles. Les programmes de rénovation et de réhabilitation de certains quartiers ou îlots des centres-villes, dont le bâti se trouve ainsi requalifié, provoquent souvent une hausse des prix du foncier, des loyers et favorisent ainsi la concentration de populations des catégories supérieures aux activités fortement liées aux spécialités des métropoles. Ce processus de reconquête résidentielle s'inscrit à l'encontre du délaissement des centres-villes par les populations attirées par les périphéries urbaines. Mais il concerne plutôt les jeunes actifs sans enfants ou les populations plus âgées dont les enfants sont émancipés. Les politiques de rénovation urbaine sont parfois précédées par l'installation, dans des quartiers populaires centraux, de populations aisées pionnières (artistes, dinkies, etc) dont le pouvoir d'achat participe à la hausse des prix. <http://geoconfluences.ens-lyon.fr/glossaire/ gentrification>, octobre 2016. 19 Loi portant sur l’évolution du logement et l’aménagement numérique. 12 LÉA PELLETERET 16


Un système politique avec un pouvoir décisionnel « plus local » permettrait de développer des projets plus proches du citoyen dans le but qu’il s’investisse d’avantage; dans une société où il incarne un rôle majeur.

Nous pouvons nous demander si la politique de la ville20 est adaptée aux enjeux actuels. Un rapport de la Cour des comptes, publié en 2012, souligne que la plupart des objectifs de la politique de la ville n’ont pas été atteints21 . Il signale un enchevêtrement des zonages et une organisation éclatée. Faut-il modifier la politique de la ville ou la supprimer ? Elle tente d’aider les quartiers défavorisés mais le fait de les classer et d’en faire un cas particuliers ne contribuerait-il pas à son isolement ? À travers le modèle de l’habitat participatif, nous traiterons la question de la mixité sociale à travers la pratique du territoire.

Politique de la ville : La politique de la ville est une politique de cohésion urbaine et de solidarité, nationale et locale, envers les quartiers défavorisés et leurs habitants. Elle est conduite par l'Etat, les collectivités territoriales et leurs groupements dans l'objectif commun d'assurer l'égalité entre les territoires, de réduire les écarts de développement entre les quartiers défavorisés et leurs unités urbaines et d'améliorer les conditions de vie de leurs habitants. Elle est mise en œuvre au moyen des contrats de ville prévus à l'article 6, qui intègrent les actions relevant des fonds européens structurels et d'investissement et s'articulent avec les contrats de plan conclus entre l'Etat et la région. Elle mobilise et adapte, en premier lieu, les actions relevant des politiques publiques de droit commun et, lorsque la nature des difficultés le nécessite, met en œuvre les instruments qui lui sont propres. Elle s'inscrit dans une démarche de coconstruction avec les habitants, les associations et les acteurs économiques. <http://www.legifrance> 21 La Cour des comptes publie en 2012, un rapport intitulé « La politique de la ville : une décennie de réformes" <https://www.ccomptes.fr/fr/publications/la-politique-de-la-ville-une-decennie-de-reformes> . 13 LÉA PELLETERET 20


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Une réponse au « mal logement » Un moyen plus facile d’accéder au logement

L’habitat participatif trouve ses origines en France au XIXe siècle. Il s’est fortement développé durant cette période. C’est en 1971 qu’il connaîtra un arrêt brutal suite à la loi Chalandon22. Celle-ci invoque pour motif, la protection des coopérateurs suite à l’échec de plusieurs coopératives pour cause de mauvaise gestion. Suite à cet arrêt brutal, l’habitat participatif connaît une lente renaissance, avec une augmentation du nombre de projet au milieu des années 200023. Pratique marginale, il est une alternative d’accès au logement classique. Son évolution reste douce; principalement en région parisienne. L’exposition « Habiter plus, habiter mieux » au pavillon de l’Arsenal24 met en avant l’évolution du logement vers ces pratiques. « Les futurs voisins et colocataires aspirent à de nouveaux espaces collectifs et liens avec leur quartier et la ville. Ainsi, ils interrogent ensemble tant les notions d’accession, d’habitat, d’usages partagés, que l’architecture même de l’immeuble ».

La mise en place de l’habitat participatif s’effectue majoritairement par des professionnels (promoteurs, bailleurs sociaux). Dans le meilleur cas, le soutien des communes peut porter l’acquisition du foncier et/ou l’accompagnement dans le montage de l’opération, mais va rarement jusqu’à la promotion de l’habitat participatif par la ville elle-même.

En France, l’habitat participatif se manifeste sous 2 formes25 . Il peut prendre la forme d’une coopérative d’habitants qui vise à devenir collectivement propriétaire. Celle-ci remet en question l’accessibilité économique et sociale des logements et sa finalité. Elle se dit être un outil de lutte contre l’exclusion et la spéculation financière. Étant très politisé, ce modèle s’adresse à une très faible partie de la population, et ne peut donc répondre à ses objectifs.

D’autre part, l’habitat participatif peut s’apparenter à l’auto-promotion. Un groupe assume le rôle de maître d’ouvrage pour un groupe de logements qu’il programme, finance, gère et habite. Ce modèle s’apparente à l’habitat groupé Loi adoptée sous le gouvernement de Jacques Chirac. On en comptait 400 en cours, en 2015 contre 200 en 2012 (dont seulement 10 à 20% sont menés à terme). JOUANNAIS ÈVE, L’habitat participatif, pratique marginale ou modèle social ?, Archiscop. 24 « Habiter plus, habiter mieux », exposition au Pavillon de l’Arsenal, avril 2018. Celle-ci expose différents projets de logements en région parisienne. Certains d’entre eux traite de l’économie du partage; cela engendre une architecture tout à fait nouvelle. 25 D’ORAZIO ANNE, « La nébuleuse de l’habitat participatif : radiographie d’une mobilisation », Métropolitiques, 16 janvier 2012. <http://www.metropolitiques.eu/La-nebuleuse-de-l-habitat.html> 14 LÉA PELLETERET 22 23


autogéré. Il permet aux habitant d’être plus impliqués dans leur projet de logement et de devenir propriétaire selon leurs moyens26. Cela donne accès au logement à des familles qui dans un projet classique n’auraient pas les moyens. Il s’agit ici d’un modèle de copropriété plutôt que de coopérative. L’habitat participatif en France peut être généré par une logique top down et une logique bottom up. Ces deux formes sont prévues dans la loi ALUR27 . Malgré cela, l’autopromotion en France semble être un projet dangereux comme Xavier Point peut en témoigner.

La Loi ALUR a permis qu’un tiers puisse intervenir pour d’autre dans les projets d’autopromotion; projet à risque. L’État pour aider les habitants à mis en place une garantie d’achèvement comme pour les promoteurs. Elle ne peut fonctionner car on ne peut se garantir soi-même; elle est faite pour protéger les futurs habitants de la défaillance du maître d’ouvrage or ici, ce sont les habitants le maître d’ouvrage. Comment protéger un groupe d’habitants de lui-même ? La loi ALUR a donc rendu obligatoire la garantie d’achèvement. L’autopromotion devient alors impossible puisqu’aucune structure ne fournit cette garantie.

8. Les habitants du projet CUB. 9. Chantier du projet Diwan. 10. Foyer Rue du Centenaire, une des 16 chambres avec lits fixes. 11. Bar du foyer rue du Centenaire.

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Art. L. 202-4. Les associés sont tenus de répondre aux appels de fonds nécessités par la construction de l’immeuble, en proportion de leurs droits dans le capital. Loi ALUR. 27 Art. L. 200-2. Sans préjudice des autres formes juridiques prévues par la loi, les sociétés d'habitat participatif peuvent se constituer sous la forme de coopératives d'habitants ou de sociétés d'attribution et d'autopromotion, définies aux chapitres Ier et II du présent titre. » Décret n° 2015-1725 du 21 décembre 2015 relatif aux sociétés d'habitat participatif. <https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?> 15 LÉA PELLETERET


« On veut que les gens soient autonomes mais on ne veut pas qu’ils prennent de risques. La seule solution qui était viable c’était de vous laisser monter un projet en autopromotion et prendre des risques. Mais ça se serait retourné vers l’État qui aurait donné la possibilité de se suicider. On n’a pas réussi à dénouer ce noeud là, pour avoir des habitants en sécurité, bien encadrés. C’est la différence entre les pays, en France on est resté sur quelque chose de très dogmatique, on n’a pas réussi à trouver les outils qui permettent une liberté d’entreprise. Quelque chose pour le bien commun mais qui fonctionne pour les personnes qui y vivent, il y a un truc qui ne marche pas. Ca ne risque pas d’avancer très vite sauf pour les professionnels, les promoteurs ou les bailleurs sociaux. Au fond ce sont les professionnels qui tirent les marrons du feu de la loi ALUR et pas les habitants. »

Xavier Point

Le modèle suisse Kraftwerk est ancré dans un contexte politique et économique spécifique. Il est une réponse directe au mal logement28. Le remplacement de l’industrie par le secteur tertiaire laisse de nombreuses friches à la ville. Kraftwerk va s’installer sur ces friches industrielles sur le quartier de Sulzer Escher Wyss. Ce foncier, facile d’accès, va permettre l’extension du projet à grande échelle.

12. L’emplacement du 5e arrondissement

13. Les quartiers est et ouest du 5e arrondissement

Kraftwerk a pour volonté d’agir localement dans une perspective planétaire.

Dès le début des années 80 et jusqu’en dans les années 90, Zürich fait face à une pénurie de logements. Des familles ouvrières, avec peu de moyens, se retrouve dans le besoin de trouver un logement. Une société paysanne s’est trouvée précipitée dans un mode de vie industrielle. La petite ville de Zurich marquée par l’esprit de Zwingli se transforme en région industrielle. Celle-ci est divisée en deux, avec un quartier marqué par les usines et un quartier d’habitations. Zurich s’est développée grâce à l’industrie. Les fabriques s’édifièrent de manière décentralisée, le long des rivières. Ce qui a permis à la Suisse de garder des paysages proche de la nature. BLUM, HOFER&P.M., Kraftwerk 1 construire une vie coopérative durable, édition du Linteau, 2014, p.11 16 LÉA PELLETERET 28


Il veut réunir à nouveau travail et habitat et diminuer les transports. Les fondateurs

de Kraftwerk 1 ont écrit un manifeste29; bien plus qu’un habitat participatif, il est une manière de construire sa vie, un mode de pensée. Kraftwerk par son contexte économique, politique, son rapport à la ville a permis d’offrir un logement a des familles ouvrières avec peu de moyens.

L’habitat participatif est aujourd’hui majoritairement porté par des promoteurs et des bailleurs sociaux. La dimension participative est souvent effacée au cours du temps dans les projets menés par des promoteurs et reste très superficielle. Il existe aujourd’hui très peu de promoteurs coopératifs ayant un réel intérêt pour les projets des habitants. Les promoteurs coopératifs tentent d’articuler cet équilibre entre projet et sécurisation, financement de personnes qui n’ont pas les moyens, et mixité sociale. Le grand problème auquel est confronté l’habitat participatif est l’accès à du foncier raisonnable. La lutte contre les promoteurs semblent insurmontable.

« Les politiques n’arrivent pas à voir l’enjeux qu’on est en train de faire et on n’arrive pas à lutter contre le marché privé. »

Xavier Point

Si l’accès au foncier n’évolue pas d’ici quelques années, cela pourrait causer la disparition de l’habitat participatif.

14. Un Bolo dessiné par Hans Widmer.

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Manifeste inspiré de l’utopie de Bolo’bolo, ouvrage d’Hans Widmer

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Régulation des prix du marché En 1980, l’industrie laisse place au secteur tertiaire dans la ville de Zurich. Les usines se vident et deviennent des terrains désaffectés. Une spéculation financière est mise en place afin de chasser les anciens habitants. Hardstrasser n’est plus une frontière entre habitat et travail mais devient un axe de circulation d’importance nationale. Le phénomène de gentrification apparait. Toutefois, la qualité de vie régresse à cause de la circulation croissante.

15. Escher Wyss, 1581.

16. Escher Wyss, 1930.

Le financement du projet fut possible grâce à différents acteurs. Travailler en partenariat avec des institutions publiques, des entreprises, des particuliers et des fondations pour s’ouvrir sur la ville et enrichir la diversité de la vie au sein de Kraftwerk, telle était l’ambition du manifeste de 199330 . Le système de financement de la coopérative est le suivant. Chaque habitant doit payer des frais d’adhésion afin de devenir coopérateur et de pouvoir bénéficier d’un logement. Ils doivent ensuite fournir un capital qui varie selon la surface du logement. Enfin, chaque habitant doit payer un loyer par mois afin de rembourser ses intérêts et emprunts ainsi que les charges de l’immeuble. En 2015, il fallait compter environ 1500 FS de loyer pour un quatre pièce de 95m2. À Zurich, la même année, les prix pour un appartement de cette taille variaient entre 2000 et 4500 FS et la moyenne s’élevait à 2850 FS31. On peut donc constater un écart de prix très important entre Kraftwerk et le marché classique. Qui plus est, le loyer diminue au fur et à mesure des années.

Si l’on suit la philosophie de Kraftwerk, l’habitat participatif est bien plus qu’un mode d’habiter, c’est un mode de vie; des valeurs entrent en jeu. On pourrait se demander s’il est possible de transposer le modèle de Kraftwerk (coopérative d’habitants) ailleurs et si l’habitat participatif, en France comme en Suisse, peut s’étendre à l’échelle d’un quartier et à l’échelle de la ville ?

Les contextes politiques et économiques suisses et français sont si différents qu’ils serait impossible de transposer le modèle suisse en France. Kraftwerk est en 30 31

POULLAIN ADRIEN, Choisir l’habitat partagé, l’aventure de Kraftwerk, éditions Parenthèses, 2018, p.75 Ibid, p.75.

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quelque sorte un promoteur participatif. Les habitants ne participent pas à la conception de l’ouvrage. Leur visée est l’usage, le dispositif participatif se met en place au moment de l’emménagement.

« On est très loin de ce qu’on propose ici où les gens sont sollicités pour piloter des ateliers avec les architectes, réfléchir sur leur manière de vivre. On est sur quelque chose de très directif en Suisse. »

Xavier Point

Le modèle coopératif en France est tout autre. Très politisé, il s’oppose à la propriété privé. La difficulté est de mixer tous ces modèles différents, le but étant de les utiliser pour des besoins particuliers et de ne pas uniformiser leurs utilisations.

La mise en place de ces différents modèles d’habitat dans les centres villes permettrait de lutter contre la spéculation immobilière, un des problèmes urbains les plus préoccupants. Les projets demandent un apport financier important afin de pouvoir se réaliser, toutefois, les économies dues à l’absence de promoteurs se répercutent sur le budget des opérations et donc, sur le montant des loyers. Par ailleurs, la non-indexation des loyers et le remboursement progressif de l’emprunt bancaire entraînent, eux aussi, une diminution des loyers au cours du temps 32.

« Que ce soit les municipalités ou les habitants, ils ont un modèles qu’ils veulent mettre à tel ou tel endroit et ça ne marche pas pour autant. Il faut prendre les choses dans l’autre sens. Il ne faut pas partir du modèle mais du lieu pour trouver le modèle. » X.Point

17. Les enfants de Diwan.

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Ibid, p.158

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3 Mise en place d’une mixité sociale33 Une mixité sociale et inter-générationnelle Kraftwerk visait à intégrer une mixité sociale au sein du projet avec des profils très variés. La parité hommes/femmes est devenue une réalité avec 52% de femmes et 48% d’hommes en 200534 . Le projet accueille un grand pourcentage d’étrangers, 33%. Cependant, on relève une difficulté vis à vis des familles étrangères à s’intégrer au sein de la communauté.

On remarque qu’un fort pourcentage des habitants a suivi des études supérieures35. En effet, on peut compter une proportion de 17% de statuts précaires contre 51% de statuts intermédiaires et 32% de statuts élevés. Kraftwerk qui promeut une mixité sociale, est en réalité majoritairement habité par une classe sociale élevée. Des moyens ont été mis en place afin de participer à l’intégration des immigrés et des ménages précaires. L’envie de créer une véritable mixité sociale au sein de l’unité de vie existe. Les fondateurs de Kraftwerk ne veulent pas d’une communauté d’élite. Ils souhaitent accueillir des chômeurs, des migrants ou des bas salaires. Pour ce faire, ils comptent mettre en place quelques outils : un fonds de soutien pour financer les loyers des personnes à faibles revenus, des consultations juridiques, de la documentation accessible à tous, un système de garde d’enfants et un service de traduction simultanée pendant les assemblées pour les personnes étrangères36.

Le système économique peut s’avérer être un frein à la mixité sociale. En cause, la part sociale dont il faut s’acquitter pour accéder à la location d’un appartement. Pour les ménages les plus précaires celle-ci est un véritable obstacle. Pour le Lavoir du Buisson Saint-Louis, 11 familles avaient fait appel à un prêt sur l’accession à la propriété. L’État, en proposant un prêt à taux zéro ou un prêt social pour atténuer le frein économique.

Le projet Diwan a été mené par un groupe d’artistes et d’architectes qui souhaitait concevoir leur propre espace de vie avec un atelier de travail. Le projet prône la possibilité d’une mixité sociale. Toutefois, les habitants de cette communauté

La mixité sociale est à la fois un état : la cohabitation sur un même territoire de groupes sociaux aux caractéristiques diverses, et un processus : le fait de faciliter la cohabitation sur un même territoire de groupes divers par l’âge, la nationalité, le statut professionnel, les revenus afin d’avoir une répartition plus équilibrée des populations. Prise par l’un ou l’autre de ces aspects la notion reste imprécise et soulève débats et polémiques. Elle peut ainsi être mise en valeur et justifier d’importantes dispositions des politiques du logement et dans le même temps être accusée d’accentuer la ségrégation sociale et ethnique. <http://base.d-p-h.info/fr/fiches/dph/fiche-dph-7296.html> 34 Ibid, p.79. 35 29% contre 17% pour la moyenne suisse. Ibid, p.80. 36 Ibid, p.53. 20 LÉA PELLETERET 33


appartiennent à la même classe sociale. La plupart du temps, on conçoit son logement et on y vit pour toujours.

« Ce qu’il faut voir c’est que la mixité existe sous différentes formes. Il y a la mixité sociale entre des populations de classes foncières différentes mais il existe une mixité entre des populations qui viennent pour des raisons très différentes. Et au fond celle-là, on n’y réfléchit pas mais elle est fondamentale. Il y a des gens isolés, des gens âgés, qui ont besoin de sociabilité qu’ils n’ont pas ailleurs, il y en a c’est une ex-croissance de leur pratique, un prolongement de ce processus, des jeunes, des vieux, des cultures différentes. C’est une mixité culturelle, une mixité d’usages, une mixité psychologique, pour nous c’est important. » Xavier Point

La mixité des âges au sein de Kraftwerk est un vrai défi. Celle-ci n’est pas encore totalement présente37 même si la répartition des types de ménages est équilibrée38. Kratfwerk 1 s’est formé dans un contexte de crise de logement qui a permis la réussite du projet. La situation n’est pas la même aujourd’hui. Les projets participatifs sont portés par des classes moyennes qui veulent vivre cette expérience. C’est pourquoi, en France, pour attirer d’autres classes sociales, l’argument financier peut être un atout.

L’habitat participatif s’adresse à un public restreint. Comment étendre sa diffusion ? L’habitat ne peut être participatif que s’il est constitué d’un collectif solidaire de citoyens. Le partage de valeurs culturelles est souvent lié au partage d’une situation sociale. Il est essentiel à la réussite d’un projet d’habitat participatif39 . Cette dynamique est donc possible si elle est générée par les habitants concernés ainsi que la société dans son ensemble (valeurs de solidarité).

Si l’habitat participatif représente une formidable innovation sociale en permettant aux habitants de s’impliquer dans la conception et la gestion de leur logement, il reste aujourd’hui un accès au logement privilégié, pour des classes impliquées dans le combat. En effet, ce modèle a du mal à étendre son spectre de diffusion, en particulier, avec les plus touchés par la question du mal logement. C’est pour cela que la Fondation de France, tente par une étude, de comprendre et de distinguer les projets d’habitat participatif qui risqueraient d’exclure les citoyens En 2005, 25% des habitants avaient moins de 17 ans, 12% avaient entre 18 et 29 ans, 29% avaient entre 30 et 39 ans, 21% entre 40 et 49 ans, et 12% avaient plus de 50 ans. Ibid, p.79. 38 En 2005, 25% de personnes seuls, 16% de couples, 31% de familles et 25% de personnes en colocations. Ibid, p.79. 39 LABIT ANNE, BRESSON SABRINA, L’habitat participatif face au défi de la mixité sociale, étude réalisée pour la Fondation de France, Volume 1 - Rapport final Janvier 2017. 21 LÉA PELLETERET 37


les plus fragiles et de ne pas tenir leur promesse de mixité sociale.40 Au-delà, la Fondation s’interroge aussi sur la capacité de l’habitat participatif à être accessible aux publics les plus fragiles et donc sur son caractère de la mixité sociale.

La demande des habitants des quartiers populaires est simplement de ne pas être enfermés en tant que “pauvres”. La réponse par la mixité sociale et la diversification de l’habitat est une formalisation de cette demande par l’appareil administratif41.

Le logement social a pour but de favoriser cette mixité sociale par une hétérogénéité des classes sur le territoire. Cependant, cela crée un enfermement social au sein de l’immeuble. L’habitat participatif pousse la limite encore plus loin en voulant favoriser une mixité au sein même de l’habitat. Le projet Nouveau Centenaire regroupe une même et unique population (même culture, même classe sociale). Il ne répond pas à la problématique de la mixité sociale. Il s’apparente aux projets portés par les bailleurs sociaux et reste dans une logique de zonage.

Bien que la mixité sociale, soit au coeur du sujet, sa mise en place n’est pour le moment pas encore aboutie. Comme nous avons pu le voir, les coopératives d’habitants regroupent souvent des personnes de mêmes classes sociales. Plus les personnes se renouvellent plus la dynamique reste présente au sein de la coopérative. L’organisation d’activités au sein de la communauté permet de tisser un lien avec la ville et de faire participer des personnes extérieures au sein du projet. Mais le repli de la communauté sur elle-même est un risque à prendre en compte par la diminution des interactions avec l’extérieur. Qui plus est, il existe un risque d’individualisme au sein de la communauté. Il est important de tisser des liens avec la ville tout comme avec la population interne.

Pour ce qui est de la mixité inter-générationelle, l’habitat participatif peut avoir un rôle social important. Les retraités sont souvent mis de côté ou délaissés. Leur redonner une place au sein d’une communauté serait une occasion de leur retrouver un rôle au sein de la société. Quel sens a la concentration des personnes âgées entre elles, dans des établissements dits d’hébergements ?42 Le pays compte aujourd’hui plus de 577 000 personnes hébergées dans ce type de structure. L’habitat participatif est une manière de remettre en question cette « ghettoïsation ».

On peut s’interroger sur la faisabilité du projet à une échelle plus large dans le but de le rendre plus accessible. On cherche aujourd’hui à « construire plus, mieux et

Ibid, p.4. Site du dialogues, propositions, histoires pour une citoyenneté mondiale. <http://base.d-p-h.info/fr/dossiers/ index.html> 42 BÉGUIN FRANÇOIS, « Comment la France maltraite ses vieux », le Monde, 16 mai 2018. 22 LÉA PELLETERET 40 41


moins cher »43, cela passe par le questionnement du rôle des différents acteurs mais aussi par les types de projets proposés.

L’histoire du projet du Lavoir du Buisson Saint-Louis s’est fondé sur des valeurs communes portant sur les enfants, le rapport homme/femme, la religion, l’engagement politique, la culture patrimoniale, etc. Le groupe est aussi homogène du point de vue des catégories sociales et professionnelles de ses membres, de leurs centres d’intérêt, mais surtout de leurs capacités financières en tant que futurs propriétaires.44 Les familles sont vieillissantes; la question de l’adaptation du logement se pose. Certains changements ont été pris en considération par l’architecte lors de la conception du projet avec des espaces modulables (départ des enfants, divorce, décès, etc). Les enfants du Lavoir reviennent étant attachés au lieu. Des liens forts se sont créés. Toutefois, le renouvèlement dans un objectif d’habitat coopératif s’essouffle.

« Il ne faut pas voir la mixité sociale comme mettre des pauvres avec des riches mais comment on met des gens différents ensemble et comment ils s’observent; mettre en avant et en valeur la complexité. Ces projets on doit les penser complexes et on doit accepter leur complexité. Le plus dur c’est d’accepter que les habitants soient complexes, qu’ils ne se comportent pas comme des clients justement. » Xavier Point

19. Situation des différentes opérations Kraftwerk à Zurich.

18. Kraftwerk 2, circulation.

Projet de la loi ELAN, 2018. BIAU VÉRONIQUE, D’ORAZIO ANNE , IOSA IOANA, NEZ HÉLOÏSE, Habitat en autopromotion, étude de 6 cas franciliens, Ministère de l’Ecologie, du Développement Durable et de l’Energie, Ministère de l’Egalité des territoires et du Logement, 25 septembre 2012. 23 LÉA PELLETERET 43 44


Le point de vue des citoyens français sur l’habitat participatif45 ‑

• Est-ce que l’accession à la propriété est importante pour toi ?

La notion de propriété semble être importante pour une majorité des personnes interrogée. Elle est un droit, une sécurité matérielle et donne accès à des libertés. Pour certains, elle dépend du montant du loyer et pour d’autres elle n’est pas essentielle car

« l'essentiel n'est pas pour moi la possession de son lieu d'habitation mais plutôt l'usage qu'on en fait en terme de lieu, de relations sociales ».

• Que veut dire "habitat participatif" pour toi ?

Le fait pour un groupe de personnes de concevoir leur(s) espace(s) de vie.

Les termes de partage, vivre ensemble, mise en commun, cohésion de groupe, lieu de vie, s’auto-gérer, reviennent à plusieurs reprises.

• Que penses-tu de l’habitat participatif ?

La plupart pense que l’habitat participatif crée du lien social. Il peut réduire le sentiment d’isolement ou l’empreinte écologique. C’est un partage de valeurs, une alternative intéressante. Il peut permettre de responsabiliser le citoyen. Pour tous, le facteur humain semble être l’enjeu principal. Toutefois, la durée du projet dans le temps semble être un frein pour certain.

• Pourrais-tu vivre dans un habitat participatif (statut de co-propriété) ?

Tous les participants seraient prêt à vivre dans un habitat participatif à condition que leur espace privé soit préservé. Ils apprécieraient des espaces communs où ils pourraient se retrouver entre amis, avec leur famille, pour des activités spécifiques, etc. Cette manière d’habiter permet de créer des liens sociaux plus forts.

« Un groupe soudé a beaucoup de chances de se mobiliser, également pour améliorer ses conditions de vie. »

« Oui à l’habitat participatif mais ça dépend vraiment avec qui ! »

• Investir dans un bien commun, où tout appartient à tout le monde te plairait (mise en commun du terrain, des logements, des équipements) ?

La majorité des participants refuse l’idée de propriété commune. Leurs principales peurs : la perte de leur espace privé, l’idée de tout partager avec des inconnus mais surtout le conflit. Certains sont seulement pour la mise en commun d’équipements mais avec des règles bien définies. La limite entre espace privé et espace public rassure, ils ont besoin de limites définies pour se sentir chez eux.

« Pour moi, cela créerait très vite des conflits, tout simplement car plus le nombre d'usagers augmente, plus les modes de vie diffèrent, plus il y aura de disparités dans le usages. » On peut voir que le statut de coopératives d’habitants n’est pas acquis dans notre société actuelle; il est bien trop fort.

45 Annexe

: le tableau récapitulatif des différentes entretiens.

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« Pour moi le véritable habitat participatif qui va plus loin et qui rompt avec la notion de propriété individuelle, c'est la formule où une communauté d'humains investit dans un vrai projet collectif. C'est à dire que chacun a des parts dans l'habitat total (logements, parties communes, jardins, etc) mais n'est pas propriétaire du logement qu'il occupe.

La taille du logement est d'ailleurs fonction du nombre de personnes constituant la famille, et donc au cours des années, le collectif peut décider des changements dans l'attribution, selon l'évolution de la situation familiale des dits occupants.

Ce qui oblige chacun à se responsabiliser totalement et sur la durée au bon fonctionnement de tous les aspects du lieu collectif (entretien des logements, réparation des installations, usage des parties communes, mode de fonctionnement et règles de vie au sein du lieu...) .

C'est alors une véritable collectivité de vie et pas seulement des parcelles individuelles avec des parties communes.

Et ça, je ne suis pas certain de vouloir y vivre … »

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Claude.

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4

Aménagement À l’échelle de l’immeuble La mixité est un enjeu très grand. Elle a du mal à se mettre en place au sein du projet. On peut donc se demander, quels sont les aménagements spatiaux qui permettent de développer ces mélanges sociaux et culturels.

De nombreuses parties communes existent à Kraftwerk; le bar Pantoffel, la laverie collective, la salle commune et la cuisine collective, la chambre d’amis, l’épicerie, l’atelier de bricolage, la garderie pour enfants. Ces différents équipements rendent service à chacun des habitants et crée une solidarité au sein de l’immeuble. Le plan fonctionne tel une grande colocation. Chacun possède son espace privé composé d’une chambre, d’un bureau et d’une salle d’eau. Ces espaces sont reliés entre eux par des parties communes composées d’une cuisine, d’une salle à manger et d’un salon. Une porosité entre les espaces publics, privé et semi-privés crée la complexité du plan et favorise la rencontre, le dialogue.

Pour répondre aux évolutions de vie, il existe différentes typologies de logements qui peuvent correspondre à des familles, des personnes seules, des colocations, etc. Kraftwerk 1 n’a pas pu mettre en place des logements modulables comme le manifeste le souhaitait. C’est pourquoi, les habitants peuvent changer de logements au sein de l’immeuble si leur situation de vie change. Le roulement entre logements est une manière de partager et de s’emparer de l’espace. Ils ne figent pas les logements dans le temps. Cela permet une plus grande liberté et modularité dans le temps. Dans les versions suivantes, de nouvelles typologie de logements vont se mettre en place. Le Cluster est un ensemble d’unités composées d’une chambre ou deux et d’un sas d’entrée avec une cuisine et salle d’eau. Ces unités sont reliées entre elles par des espaces communs (salon, cuisine, salle à manger). Ainsi, l’isolement comme le partage sont rendus possibles.

20. Kraftwerk 1; axonométrie éclatée du triplextype destiné aux colocations.

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Au Lavoir du Buisson Saint-Louis, plusieurs espaces prévus dès la phase de conception sont mis en commun : une salle collective, des terrasses, une laverie, des caves et parkings, des coursives, des escaliers, etc. Les appartements sont modulables dans le temps et permettent de se diviser en deux parties ; pour un logement étudiant si la famille s’agrandit, pour une location lors du départ d’un enfant.

« Bizarrement, ça ne sert à rien l’espace commun quand on a d’autres types d’espaces; des espaces un peu intermédiaires. Il n’y a pas besoin d’espace commun pour être un projet collectif. Les parties communes ne sont pas tellement classiques dans leur architecture, tout le monde se croise. Ce n’est pas un ascenseur avec un couloir. Tout le monde est assez proche, ça génère une attitude au quotidien. Ce qui était privatif et qui est devenu collectif c’est le jardin juste en bas, on l’a laissé très ouvert sur l’ensemble du collectif plutôt que de le séparer avec du mobilier entre chaque maison. On voulait cloisonner mais on s’est rendu compte que ce n’était pas une bonne idée. D’emblée, on a laissé cet espace ouvert pour que les enfants fassent du vélos, etc. C’est intéressant de voir comment les usages évoluent.

Le problème, c’est que souvent l’habitat participatif, on le résume à des clichés; la buanderie, la salle commune, et qu’au fond, c’est tout sauf ça, l’habitat participatif. C’est vraiment comment on appréhende des choses différentes dans un contexte différent; une autre façon de faire au quotidien plutôt que de répéter un modèle uniforme et recréer une sorte de systématisme, ça reste artificiel. » Xavier Point

21. Les différentes parties communes au sein de Kraftwerk.

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24. Coupe perspective de Kraftwerk.

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À l’échelle du territoire Le projet de Zurich s’empare de différentes questions concernant l’aménagement du territoire. Avec l’arrivée du chemin de fer, le développement des transports (voiture, trains), la proximité entre l’habitat et le lieu de travail devient superflue46 . Durant la deuxième partie du 20e siècle, la population à Zurich n’a cessé d’augmenter47. La ville connait une forte industrialisation qui entraine une expansion phénoménale. Tous les services sont alors transférés dans la périphérie, au-delà de la ceinture des quartiers ouvriers.

Cet étalement urbain a provoqué une coupure entre l’habitat et le lieu de travail. Kraftwerk avait pour volonté de réunir à nouveau ces deux lieux de vie dans un seul et même endroit afin de supprimer l’utilisation de la voiture. Cette conception de l’espace, implique la conception d’unités de vie nommées UPA (Unités de vie, Production, Agriculture). Cela s’inspire du fonctionnement d’un Bolo48 . Cette unité comprend 700 personnes, sa petite taille permet la mise en place de services communs.

Les deux tiers des espaces seraient dédiés au logement et le tiers restant aux activités. Ces dernières prendraient place au rez-de-chaussée ou dans un bâtiment qui ferait écrans aux bruits de la rue 49. Les espaces de travail se trouvent à proximité des logements; ils sont inclus dans le bâtiment ou un peu plus loin. Les UPA veulent tendre vers l’autosuffisance notamment sur le plan alimentaire.

Les bâtiments industriels sont reconvertis pour accueillir les commerces, restaurants, café, etc. Tandis que les UPA sont pensées comme des bâtiments neufs. Cette envie d’autonomie ne veut cependant pas dire tendre vers l’autarcie. Kraftwerk ne veut pas rompre son lien avec la ville. Elle veut employer des habitants ou des riverains pour faire fonctionner le système. L’unité de vie n’est pas seulement dédiée aux habitants. Elle souhaite s’ouvrir aux personnes extérieures que ce soit pour travailler ou utiliser les services collectifs. Le projet souhaite créer un centre de quartier qui accueillerait des entreprises appartenant à Kraftwerk, des coopératives fondées par des membres de l’UPA, des services collectifs destinés à la communauté et à la ville mais également des entreprises privées extérieures50.

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BLUM, HOFER&P.M., Kraftwerk 1 construire une vie coopérative durable, édition du Linteau, 2014, p.19 En 1962 350 000 hab, 1980 420 000 hab. 48 « Bolo’bolo » est un manifeste, publié par un des fondateurs de Kraftwerk en 1983.Il souhaite construire une vie coopérative et durable. C’est un manifeste anticapitaliste et anarchiste. Cet ouvrage posent les prémisses de Kratwerk. Il propose un nouveau modèle de société constitué de Bolos. Un Bolo est une communauté composé de 500 membres. Cette micro société est elle-même divisée en KANA. POULLAIN ADRIEN, Choisir l’habitat partagé, l’aventure de Kratwerk, éditions Parenthèses, 2018, p.37 49 Ibid, p.52. 50 Ibid, p.56 30 LÉA PELLETERET 47


Kraftwerk, souhaite s’ouvrir à la ville afin de ne pas se replier sur elle-même. Elle invite donc les riverains à s’emparer des différents bâtiments. Dans la réalité, cette porosité entre la ville et les UPAs s’est peu réalisée. Les entreprises restent à part dans le projet.

Les habitants apprécient le nombre restreint d’habitants, les liens sont plus forts. C’est pourquoi, si l’on souhaite étendre le projet, il faudrait créer des entités plus petites afin de favoriser la proximité de voisinage tout en créant des liens entre les différentes entités.

Pour le moment, les projets participatifs restent ponctuels dans la ville. L’un des enjeux seraient de penser un plan d’urbanisme qui intègre ce nouveau type d’habitat de sorte qu’il ne soit plus une intervention ponctuelle mais qu’il contribue à la fabrication de la ville. Si son échelle devient plus importante dans le futur, c’est toute l’organisation de la ville qui sera remise en question; la proximité avec le lieu de travail, les commerces, les axes de circulation, etc.

La version suivante, Kraftwerk 4 va s’emparer de cette question en interdisant la possession d’une voiture privée aux locataires. Deux voitures collectives seront mises à disposition; le prix étant compris dans le loyer.

En outre, la conception d’espaces de travail au sein des logements a été expérimenté. La complexité du logement et sa faible modularité, a provoqué l’échec de ce type de logement. Des espaces de travail indépendants, proches de l’habitat semblent être une solution plus envisageable.

Si l’habitat participatif tend à se développer dans nos sociétés futures, l’architecte a un rôle immense à y jouer. À cette heure-ci, où le rôle de l’architecte est mis au second plan par le projet de loi ELAN, la législation n’est pas du côté de l’habitat participatif. « La loi n’est pas un outil financier c’est un enjeu citoyen »51.

La gentrification des quartiers va faire disparaître les classes populaires. La spéculation immobilière va homogénéiser les espaces en favorisant un type unique de commerces, de services et d’activités qui répondent à des besoins uniformes. En France, deux obstacles refrènent un peu ce phénomène : l’encadrement des loyers52 et la création de logements sociaux en ville.

Les projets d’habitats participatifs répondent à des besoins qui évoluent dans le temps. Ils ne figent pas les usages. Ils sont bien plus adaptés aux nouveaux besoins que ceux du marché conventionnel.

DESSUS DENIS, Faisons du logement la grande cause permanente, mai 2018, Ordre des architectes. L'encadrement des loyers consiste à limiter l'évolution du loyer d'un logement (constituant la résidence principale du locataire) lors de sa mise ou remise en location (nouveau locataire), ou lors du renouvellement du bail (même locataire). Cette réglementation concerne uniquement les communes situées en zone tendue. Parmi celles-ci, Paris et Lille font l'objet de règles spécifiques. <https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F1314> 31 LÉA PELLETERET 51 52


Conclusion L’habitat participatif est une nouvelle manière d’habiter. Le partage d’espaces, d’équipements, de valeurs, questionne les fondements de la propriété privée. Les projets sont innovants dans leur fonctionnement comme dans leur forme architecturale. Très développé en Suisse, moins présent en France, l’habitat participatif promet de se développer dans les années futures. Malgré la volonté de se mettre en commun et l’enthousiasme autour de cette pratique, il semblerait que la législation ne soit pas encore prête à aider et encadrer l’habitat participatif.

Pourtant, ce dernier pourrait devenir un moyen d’accession au logement, complémentaire au parc privé et social. Chaque modèle répond à une demande particulière, ils ont tous un but précis. En France, un modèle unique serait impossible. La variété d’accès au logement permet de répondre à une complexité sociale, économique et politique. L’État et les collectivités ne soutiennent pas les projets participatifs pour le moment. Ils n’ont pas encore été reconnus comme une alternative d’accès au logement classique. Certaines aides aux frais d’AMO (Assistance à maîtrise d’ouvrage) ou la réservation de parcelle sont mis en place par des municipalités, mais cela reste rare. Les acteurs financiers, politiques et juridiques devront évoluer, mais le foncier reste le maillon le plus important. L’État sera l’élément déclencheur dans l’expansion de l’habitat participatif en privilégiant du foncier raisonnable.

La Suisse bénéficie d’un cadre politique et financier plus favorable. En effet, de nombreuses aides sont mises en place; prêts hypothécaires accordés par la Confédération pour le financement de la construction, terrains cédés à bas prix par les cantons, etc.

L’habitat participatif est porteur de nombreuses valeurs. Les contraintes politiques et économiques ainsi que sa faible ampleur au sein de l’aménagement de la ville ne lui permettent pas d’être à la hauteur de ses ambitions. Son développement est primordial s’il veut un jour avoir un impact dans l’aménagement de la ville. En Suisse, par son système politique et économique, son développement est beaucoup plus rapide. Cela s’explique par son histoire mais aussi par la superficie du pays, bien inférieure à celle de la France. Le fonctionnement de la France étant différent, il faudra plus de temps et sûrement plus de moyens pour rendre l’habitat participatif plus présent. Cela commencera sûrement par des interventions citoyennes à l’échelle de la commune.

En outre, l’architecte a un rôle primordiale. Sa fonction deviendra peut-être celle d’un médiateur et plus importante dans l’aménagement de la ville. La formation actuelle de l’architecte est à questionner.

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Enfin, la mise en place des ces logements s’inscrit dans une démarche durable. À Paris, le coût du foncier ne permet pas aux familles à bas revenus de s’installer dans le centre de la capitale. Toutes ces longues distances provoquent un étalement urbain à l’origine d’une forte consommation en énergie. Toutes ces problématiques sont liées à des facteurs économiques, politiques mais aussi sociaux, engendrés par la question de l’habiter. Penser une nouvelle manière d’habiter est l’enjeu de demain.

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Annexe Tableau 1 Jo. Enseignant chercheur en droit international.

Célia. Étudiante en droit.

Cor nélia. Adjointe au conseiller Marion. Étudiante en droit. économique et commercial au sein de l’ambassade de Belgique pour la région Flandre.

Claude. Retraité, ancien f

Est-ce que l’accession à la propriété est importante pour toi ?

Non.

L'accès à la propriété me paraît être un droit important.

oui, mais cela dépend du montant Oui. Essentielle en terme de du loyer sentiment de sécurité matérielle et de stabilité.

Pour moi, être propriét dans l'organisation act une certaine sécurité certaine sécurité de t une certaine liberté (e C'est donc important pour moi la possession qu'on en fait en terme

Qu’est-ce que veut dire habitat participatif pour toi ?

Le fait pour un groupe de personnes de concevoir leur(s) espace(s) de vie (logement, jardin etc.) en commun.

À mon sens, l'habitat participatif sous entend le partage d'un édifice avec, d'une part des espaces privés, et d'autre part des espaces communs à tous les habitants dudit édifice (par exemple un potager).

vivre ensemble avec des personnes rencontrées avant et avec lesquelles il a été monté le projet. Il y a 8 ans par une amie qui est sur un projet à Bordeaux en cours d'aboutissement.

Habitat participatif... j’y vois l’idee de mise en commun, de cohésion de groupe, d’entraide entre personnes habitant un même endroit. C’est donc pour moi un lieu de vie différent parce que plus ouvert sur des communs. Sur Arte documentaire.

J'en ai entendu parl intéressé à des form vivre ensemble et à d terme d'énergie et d social).

Que penses-tu de l’habitat participatif ?

Du bien! Ca créée du lien social, surtout dans les villes où on en manque (≠≠ village, campagne etc.) et ça permet d'utiliser au mieux l'espace en mutualisant les coûts.

Je trouve qu'il s'agit d'une très bonne idée, surtout s'il peut aider à réduire le sentiment d'isolement social ou l'empreinte écologique.

c'est sympa, de se trouver avec des personnes avec lesquelles je peux partager les mêmes valeurs.

C’est intéressant dans le monde moderne où il y a une tendance à l´isolement et au repli des individus, Surtout pour certains types de population notamment les personnes âgées souvent isolées, cela peut être stimulant. Mais plus largement je trouve ça positif car invite à repenser la façon de vivre et de cohabiter entre êtres sociaux et toute remise en question/ questionnement d’un modèle et de ses alternatives possibles me semble intéressant.

Pour moi c'est une alt investissement en tem élevé. Car ce sont de compétences multip globale (depuis la réc des futurs habitants, gouvernance, etc). Et vu la durée de l'installation concrète habitants évolue sou permanence les valeu constitue peut-être le communauté autour d famille) est essentiel ensemble. Et ce n'est prend donc la prem volonté de chacun des

Pourrais-tu vivre dans une coopérative d’habitants ?

Oui, je pense. Après ça dépend beaucoup du projet en question.

Oui tant que la partie commune n'empiète pas sur mon espace privé. J'apprécie l'idée de jardins, terrasses ou potagers en communs. J'imagine, par exemple, une bibliothèque-véranda dans laquelle nous pourrions étudier, dessiner, faire une sieste, lire et même partager des repas tout en contemplant la lumière du soir et ses mille nuances. Mais il me faut tout de même un endroit dans lequel me réfugier. Je suis moins intéressée par un habitat participatif qui se rapprocherait de la colocation.

oui, avoir son espace perso et des parties communes à partager ou à utiliser quand on en a besoin permet de vivre dans un espace plus petit et en même temps pouvoir recevoir des amis, de la famille ou organiser une fête ou une réunion. J'ai pu vivre cela dans le 10e à Paris.

Je pense oui mais ça demande un changement de paradigme et une envie de vivre avec les autres qui n’est pas forcément facile, selon ces autres.

Un projet où chacu de sa parcelle (et collectivement) n'e connait déjà. Do facilement car je avec un syndic de c

Investir dans un bien commun, où tout appartient à tout le monde te plairait ?

Ah ça, non, le logement ça va un peu loin, surtout avec des inconnus. Je pensais à des espaces en communs. Bande de communistes!

Non cela fait un kibboutz et j'ai Le "tout appartient à tout le dépasser l'âge et j'ai besoin d'avoir monde" me paraît plus risqué et susceptible de générer des mon espace à moi. conflits sur le long terme, surtout si l'on parle de logement. Je préfère éviter tout futur litige juridique en la matière. J'ai besoin d'un espace privé clairement délimité, tout en jouissant d'espaces communs.

La mise en commun d’équipements je suis pour, pour le reste j’ai une certaine réserve et cela tiendrait aux conditions précises de cet accord et personnes concernées.

Pour moi le véritab et qui rompt avec c'est la formule où dans un vrai proje des parts dans communes, jardins logement qu'il occu NB : la taille du nombre de personn cours des année changements dans situation familiale Ce qui oblige chac sur la durée au bo du lieu collectif (en installations, usag fonctionnement et C'est alors une v seulement des par communes. Et ça, je ne suis pa

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Tableau 1

te en droit.

Claude. Retraité, ancien formateur chez Pages Jaunes.

Anne-Élisabeth. Etudiante en architecture.

Sylvie. Institutrice.

Marine. Étudiante en droit.

e en terme de sécurité matérielle .

Pour moi, être propriétaire de mon lieu d'habitation est important dans l'organisation actuelle de notre société car cela me confère une certaine sécurité pécunière (mon bien reste monnayable), une certaine sécurité de territoire (personne ne peut me déloger) et une certaine liberté (en terme d'aménagement).

C'est donc important mais pas essentiel. Car l'essentiel n'est pas pour moi la possession de son lieu d'habitation mais plutôt l'usage qu'on en fait en terme de lieu de relations sociales.

Pour moi, en tant qu'étudiante, aujourd'hui, je n'y vois aucun intérêt, mais si je considère la question d'un point vue de l'usage, je pense que ça enlève beaucoup de contraintes financières entre autres.

non.

Que ce soit sur le plan de la satisfaction personnelle (source de confort) qu’au niveau patrimonial (bien immobilier à l’actif de son patrimoine + source de revenus potentiels), l’accession à la propriété me parait très importante.

patif... j’y vois l’idee n commun, de groupe, d’entraide nnes habitant un ur moi un lieu de vie que plus ouvert sur mentaire.

J'en ai entendu parler il y a des années lorsque je me suis intéressé à des formules alternatives de consommation, de vivre ensemble et à des modes de construction écologiques (en terme d'énergie et de matériaux, mais aussi en terme de lien social).

Pour moi, l'habitat participatif, c'est lorsqu'un groupe de personnes décide de créer leur lieu de vie, l'organiser socialement financièrement, ils "s'autogèrent" J'ai entendu ce terme pour la première fois lors des cours magistraux d'archi

L’habitat participatif est un habitat ou certains espaces sont partagés comme le jardin, la salle commune, la buanderie ou la cuisine.

L’habitat participatif fait référence à une association de personnes en vue de l’élaboration, de la construction et du financement d’un bien immobilier. Les habitants sont ainsi associés collectivement à la gestion matérielle (entretien) et juridique du bien. J’avais entendu ce terme à la radio mais j’en ai vraiment compris toutes les implications grâce à mes cours cette année.

ant dans le monde y a une tendance à au repli des tout pour certains ation notamment âgées souvent eut être stimulant. ement je trouve ça e à repenser la et de cohabiter ciaux et toute remise uestionnement d’un ses alternatives semble intéressant.

Pour moi c'est une alternative intéressante, mais qui demande un investissement en temps, en énergie et en communication assez élevé. Car ce sont des projets au long cours qui requièrent des compétences multiples quand on veut les investir de façon globale (depuis la récolte des fonds, en passant par la cooptation des futurs habitants, la conception des habitats, le mode de gouvernance, etc). Et vu la durée de ce genre de projet, entre le souhait et l'installation concrète dans les lieux, la communauté des cohabitants évolue souvent, ce qui requiert de ré-actualiser en permanence les valeurs et principes du projet initial. C'est ce qui constitue peut-être le frein le plus important, car la notion de communauté autour de valeurs partagées (je dirais presque de famille) est essentielle pour la pérennité de ce type de vivre ensemble. Et ce n'est pas toujours facile car le facteur humain prend donc la première place, indépendamment de la bonne volonté de chacun des membres.

Je pense que c'est union moyen de responsabiliser le citoyen et qu'il soit plus au fait de ses droits, c'est une micro-société, très intéressant à étudier sur le plan sociologique également.

j'en pense du bien. Je pense que Cela peut être constituer un ça peut convenir à certaines mode alternatif permettant personnes. l’acquisition d’un bien. L’habitat participatif peut inciter la population à investir dans l’immobilier (notamment dans les grandes villes où les prix des logements sont élevés). Acheter et concevoir un projet à plusieurs peut faire moins peur que de se lancer seul et d’investir son seul patrimoine. Par ailleurs, chaque habitant est propriétaire de son logement donc cela confère une certaine part d’autonomie.

mais ça demande un e paradigme et une avec les autres qui ment facile, selon

Un projet où chacun est propriétaire de son logement et de sa parcelle (et avec des parties communes à gérer collectivement) n'est pas éloigné des co-propriétés qu'on connait déjà. Donc oui, je m'y verrai vivre assez facilement car je le vis déjà actuellement (résidence avec un syndic de copropriété).

Oui, je trouverai ça intéressant, oui mais ça dépend vraiment car tout en étant propriétaire, on avec qui. a un autre avantage qui est celui d'avoir un lien social très fort avec les autres habitants, cela peut mener à la création d'association, entre autres... Un groupe soudé à beaucoup de chances de se mobiliser également pour "améliorer ses conditions de vie"

La coopérative d’habitants ne me poserait pas de problème. Néanmoins, il faut prévoir, a priori, un moyen de résoudre les litiges futurs pour éviter toute mésentente au cours du projet.

mmun je suis pour, pour le ertaine réserve et ux conditions t accord et ncernées.

Pour moi le véritable habitat participatif qui va plus loin et qui rompt avec la notion de propriété individuelle, c'est la formule où une communauté d'humain investit dans un vrai projet collectif. C'est à dire que chacun a des parts dans l'habitat total (logements, parties communes, jardins, etc) mais n'est pas propriétaire du logement qu'il occupe. NB : la taille du logement est d'ailleurs fonction du nombre de personnes constituant la famille, et donc au cours des années, le collectif peut décider des changements dans l'attribution, selon l'évolution de la situation familiale des dits occupants. Ce qui oblige chacun à se responsabiliser totalement et sur la durée au bon fonctionnement de tous les aspects du lieu collectif (entretien des logements, réparation des installations, usage des parties communes, mode de fonctionnement et règles de vie au sein du lieu...) . C'est alors une véritable collectivité de vie et pas seulement des parcelles individuelles avec des parties communes. Et ça, je ne suis pas certain de vouloir y vivre ...

Je ne suis pas sûre, car je pense non je n'ai jamais cru au qu'il est important de garder une communisme intimité. Pour moi, cela créerait très vite des conflits, tout simplement car plus le nombre d'usagers augmente, plus les modes de vie diffèrent, plus il y aura de disparités dans le usages. Je pense que c'est compliqué et je doute de ce fonctionnement

Chaque personne doit pouvoir gérer seul et conserver une part d’autonomie sur son propre logement. Que des parties soient communes ne me pose pas de problème, mais, il me semble que certains équipements (exemple : place de parking ou cave) et les logements doivent être attribués individuellement à chaque individu.

LÉA PELLETERET

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Crédits © Academic 15, 16.

Adrien Poullain 12, 13, 19, 20, 21, 22, 23.

Alice Lerebour 24.

Bernard Kohn 5.

Cpa-Cps 1, 6, 8, 9, 17.

Hans Widmer 14.

Katrin Simonett 2.

Kraftwerk 7, 25.

Martin Blum 3.

Michael Egloff 18.

Nouveau centenaire 4, 10, 11.

Léa Pelleteret couverture.

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