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3. Mise en place d’une mixité sociale

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Introduction

Introduction

3 Mise en place d’une mixité sociale 33

Une mixité sociale et inter-générationnelle

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Kraftwerk visait à intégrer une mixité sociale au sein du projet avec des profils très variés. La parité hommes/femmes est devenue une réalité avec 52% de femmes et 48% d’hommes en 2005 34 . Le projet accueille un grand pourcentage d’étrangers, 33%. Cependant, on relève une difficulté vis à vis des familles étrangères à s’intégrer au sein de la communauté.

On remarque qu’un fort pourcentage des habitants a suivi des études supérieures 35 . En effet, on peut compter une proportion de 17% de statuts précaires contre 51% de statuts intermédiaires et 32% de statuts élevés. Kraftwerk qui promeut une mixité sociale, est en réalité majoritairement habité par une classe sociale élevée. Des moyens ont été mis en place afin de participer à l’intégration des immigrés et des ménages précaires. L’envie de créer une véritable mixité sociale au sein de l’unité de vie existe. Les fondateurs de Kraftwerk ne veulent pas d’une communauté d’élite. Ils souhaitent accueillir des chômeurs, des migrants ou des bas salaires. Pour ce faire, ils comptent mettre en place quelques outils : un fonds de soutien pour financer les loyers des personnes à faibles revenus, des consultations juridiques, de la documentation accessible à tous, un système de garde d’enfants et un service de traduction simultanée pendant les assemblées pour les personnes étrangères 36 .

Le système économique peut s’avérer être un frein à la mixité sociale. En cause, la part sociale dont il faut s’acquitter pour accéder à la location d’un appartement. Pour les ménages les plus précaires celle-ci est un véritable obstacle. Pour le Lavoir du Buisson Saint-Louis, 11 familles avaient fait appel à un prêt sur l’accession à la propriété. L’État, en proposant un prêt à taux zéro ou un prêt social pour atténuer le frein économique.

Le projet Diwan a été mené par un groupe d’artistes et d’architectes qui souhaitait concevoir leur propre espace de vie avec un atelier de travail. Le projet prône la possibilité d’une mixité sociale. Toutefois, les habitants de cette communauté

33 La mixité sociale est à la fois un état : la cohabitation sur un même territoire de groupes sociaux aux caractéristiques diverses, et un processus : le fait de faciliter la cohabitation sur un même territoire de groupes divers par l’âge, la nationalité, le statut professionnel, les revenus afin d’avoir une répartition plus équilibrée des populations. Prise par l’un ou l’autre de ces aspects la notion reste imprécise et soulève débats et polémiques. Elle peut ainsi être mise en valeur et justifier d’importantes dispositions des politiques du logement et dans le même temps être accusée d’accentuer la ségrégation sociale et ethnique. <http://base.d-p-h.info/fr/fiches/dph/fiche-dph-7296.html> 34 Ibid, p.79. 35 29% contre 17% pour la moyenne suisse. Ibid, p.80. 36 Ibid, p.53.

appartiennent à la même classe sociale. La plupart du temps, on conçoit son logement et on y vit pour toujours.

« Ce qu’il faut voir c’est que la mixité existe sous différentes formes. Il y a la mixité sociale entre des populations de classes foncières différentes mais il existe une mixité entre des populations qui viennent pour des raisons très différentes. Et au fond celle-là, on n’y réfléchit pas mais elle est fondamentale. Il y a des gens isolés, des gens âgés, qui ont besoin de sociabilité qu’ils n’ont pas ailleurs, il y en a c’est une ex-croissance de leur pratique, un prolongement de ce processus, des jeunes, des vieux, des cultures différentes. C’est une mixité culturelle, une mixité d’usages, une mixité psychologique, pour nous c’est important. » Xavier Point

La mixité des âges au sein de Kraftwerk est un vrai défi. Celle-ci n’est pas encore totalement présente 37 même si la répartition des types de ménages est équilibrée 38 . Kratfwerk 1 s’est formé dans un contexte de crise de logement qui a permis la réussite du projet. La situation n’est pas la même aujourd’hui. Les projets participatifs sont portés par des classes moyennes qui veulent vivre cette expérience. C’est pourquoi, en France, pour attirer d’autres classes sociales, l’argument financier peut être un atout.

L’habitat participatif s’adresse à un public restreint. Comment étendre sa diffusion ?

L’habitat ne peut être participatif que s’il est constitué d’un collectif solidaire de citoyens. Le partage de valeurs culturelles est souvent lié au partage d’une situation sociale. Il est essentiel à la réussite d’un projet d’habitat participatif 39 . Cette dynamique est donc possible si elle est générée par les habitants concernés ainsi que la société dans son ensemble (valeurs de solidarité).

Si l’habitat participatif représente une formidable innovation sociale en permettant aux habitants de s’impliquer dans la conception et la gestion de leur logement, il reste aujourd’hui un accès au logement privilégié, pour des classes impliquées dans le combat. En effet, ce modèle a du mal à étendre son spectre de diffusion, en particulier, avec les plus touchés par la question du mal logement. C’est pour cela que la Fondation de France, tente par une étude, de comprendre et de distinguer les projets d’habitat participatif qui risqueraient d’exclure les citoyens

37 En 2005, 25% des habitants avaient moins de 17 ans, 12% avaient entre 18 et 29 ans, 29% avaient entre 30 et 39 ans, 21% entre 40 et 49 ans, et 12% avaient plus de 50 ans. Ibid, p.79. 38 En 2005, 25% de personnes seuls, 16% de couples, 31% de familles et 25% de personnes en colocations. Ibid, p.79. 39 LABIT ANNE, BRESSON SABRINA, L’habitat participatif face au défi de la mixité sociale, étude réalisée pour la Fondation de France, Volume 1 - Rapport final Janvier 2017.

les plus fragiles et de ne pas tenir leur promesse de mixité sociale. 40 Au-delà, la Fondation s’interroge aussi sur la capacité de l’habitat participatif à être accessible aux publics les plus fragiles et donc sur son caractère de la mixité sociale.

La demande des habitants des quartiers populaires est simplement de ne pas être enfermés en tant que “pauvres”. La réponse par la mixité sociale et la diversification de l’habitat est une formalisation de cette demande par l’appareil administratif 41 .

Le logement social a pour but de favoriser cette mixité sociale par une hétérogénéité des classes sur le territoire. Cependant, cela crée un enfermement social au sein de l’immeuble. L’habitat participatif pousse la limite encore plus loin en voulant favoriser une mixité au sein même de l’habitat. Le projet Nouveau Centenaire regroupe une même et unique population (même culture, même classe sociale). Il ne répond pas à la problématique de la mixité sociale. Il s’apparente aux projets portés par les bailleurs sociaux et reste dans une logique de zonage. Bien que la mixité sociale, soit au coeur du sujet, sa mise en place n’est pour le moment pas encore aboutie. Comme nous avons pu le voir, les coopératives d’habitants regroupent souvent des personnes de mêmes classes sociales. Plus les personnes se renouvellent plus la dynamique reste présente au sein de la coopérative. L’organisation d’activités au sein de la communauté permet de tisser un lien avec la ville et de faire participer des personnes extérieures au sein du projet. Mais le repli de la communauté sur elle-même est un risque à prendre en compte par la diminution des interactions avec l’extérieur. Qui plus est, il existe un risque d’individualisme au sein de la communauté. Il est important de tisser des liens avec la ville tout comme avec la population interne.

Pour ce qui est de la mixité inter-générationelle, l’habitat participatif peut avoir un rôle social important. Les retraités sont souvent mis de côté ou délaissés. Leur redonner une place au sein d’une communauté serait une occasion de leur retrouver un rôle au sein de la société. Quel sens a la concentration des personnes âgées entre elles, dans des établissements dits d’hébergements ? 42 Le pays compte aujourd’hui plus de 577 000 personnes hébergées dans ce type de structure. L’habitat participatif est une manière de remettre en question cette « ghettoïsation ».

On peut s’interroger sur la faisabilité du projet à une échelle plus large dans le but de le rendre plus accessible. On cherche aujourd’hui à « construire plus, mieux et

40 Ibid, p.4. 41 Site du dialogues, propositions, histoires pour une citoyenneté mondiale. <http://base.d-p-h.info/fr/dossiers/ index.html> 42 BÉGUIN FRANÇOIS, « Comment la France maltraite ses vieux », le Monde, 16 mai 2018.

moins cher » 43 , cela passe par le questionnement du rôle des différents acteurs mais aussi par les types de projets proposés.

L’histoire du projet du Lavoir du Buisson Saint-Louis s’est fondé sur des valeurs communes portant sur les enfants, le rapport homme/femme, la religion, l’engagement politique, la culture patrimoniale, etc. Le groupe est aussi homogène du point de vue des catégories sociales et professionnelles de ses membres, de leurs centres d’intérêt, mais surtout de leurs capacités financières en tant que futurs propriétaires. 44 Les familles sont vieillissantes; la question de l’adaptation du logement se pose. Certains changements ont été pris en considération par l’architecte lors de la conception du projet avec des espaces modulables (départ des enfants, divorce, décès, etc). Les enfants du Lavoir reviennent étant attachés au lieu. Des liens forts se sont créés. Toutefois, le renouvèlement dans un objectif d’habitat coopératif s’essouffle.

« Il ne faut pas voir la mixité sociale comme mettre des pauvres avec des riches mais comment on met des gens différents ensemble et comment ils s’observent; mettre en avant et en valeur la complexité. Ces projets on doit les penser complexes et on doit accepter leur complexité. Le plus dur c’est d’accepter que les habitants soient complexes, qu’ils ne se comportent pas comme des clients justement. » Xavier Point

19. Situation des différentes opérations Kraftwerk à Zurich.

18. Kraftwerk 2, circulation.

43 Projet de la loi ELAN, 2018. 44 BIAU VÉRONIQUE, D’ORAZIO ANNE , IOSA IOANA, NEZ HÉLOÏSE, Habitat en autopromotion, étude de 6 cas franciliens, Ministère de l’Ecologie, du Développement Durable et de l’Energie, Ministère de l’Egalité des territoires et du Logement, 25 septembre 2012.

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