Le Bonbon Nuit 51

Page 1

Mars 2015 - n째 51 - lebonbon.fr



EDITO Purée, qu'est-ce que je donnerais pas pour devenir parano. C'est vrai quoi, ça doit être vachement sympa d'être parano, tu dois pas te faire chier une seule minute, toujours occupé à savoir qui va te la faire à l'envers, ou mieux, te la fourrer bien profond. Et puis être parano, ça doit te simplifier la vie : plus la peine de comprendre le comment ou le pourquoi des choses, non, on résume tout à des complots, c'est quand même un gain de temps carrément appréciable. La nuit, quand je me trimballe de zinc en zinc et que les gueules s'ouvrent, je croise de plus en plus de ces chanceux. Et qu'est-ce qu'ils assurent ! Ils ont tout mieux compris que tout le monde et ils ne sèchent sur aucune question. Putain, c'est la grande classe ! Tiens, par exemple, la tuerie de Charlie Hebdo ? Va pas chercher plus loin mec, c'est un complot américano-sioniste. Le 11 septembre ? Complot américanosioniste, évidemment. La gastro-entérite ? À ton avis. Complot américano-sioniste. Le crash d'OVNI de Roswell ? T'as pas encore compris ou quoi ? Complot américano-sioniste avec, petite originalité, participation des Illuminati et du lobby homosexuel. Tes chiottes sont bouchées ? T'as perdu ta carte bleue parce que t'étais trop bourré ? La meuf d'à côté t'a mis une grosse disquette ? Ta coke est frelatée ?... Alors ? Alors ? Ça y est, t'as pigé le truc ? Bon, attention quand même, la sagesse ultime ne vient pas comme ça, faut de l'entrainement. On ne peut d'ailleurs que te conseiller d'aller parfaire ton catéchisme sur les sites de « la dissidence française. » Et quand enfin, tu verras partout des agents du Mossad ou de la CIA de mèche avec la mafia gay, alors seulement, oui seulement, tu auras gagné tes galons de « grand persécuté ». Ouais. Ça doit quand même être vachement bien d'être parano... MPK

1


OURS

RÉDACTEUR EN CHEF Michaël Pécot-Kleiner DIRECTEUR ARTISTIQUE Tom Gordonovitch DIRECTEUR DE LA PUBLICATION Jacques de la Chaise COUVERTURE HPG par Constantin Mashinskiy SECRÉTAIRE DE RÉDACTION Louis Haeffner RÉGIE PUBLICITAIRE regiepub@lebonbon.fr 06 33 54 65 95 CONTACTEZ-NOUS nuit@lebonbon.fr SIRET 510 580 301 00032 SIÈGE SOCIAL 12, rue Lamartine Paris 9


SOMMAIRE

p. 7 CINÉMA Pierre Niney p. 13 SOCIÉTÉ Typologie d'afters p. 19 LITTÉRATURE Les mots de minuit p. 25 À LA UNE HPG p. 31 PLAYLIST Torb p. 33 LOOKS DE NUIT Barrere & Simon p. 35 HUMOUR Professeur Rollin



HOTSPOTS

— LA KLEPTO CHAP V — Un Dj espagnol (Carreno is lb) qui vient tout juste de signer chez Correspondant, deux Dj résidents de haute-volée (Nicol & Marion), des lumières noires, de la peinture phosphorescente, des grosses performances collectives, des paillettes... À coup sûr, vous serez chatteux ce vendredi 13. Vendredi 13 mars au Social Club — TOTAL ECLIPSE OF THE HEART — Magie, magie, il fera presque nuit dans la matinée du vendredi 20 mars parce que la lune cachera le soleil, on appelle ça une éclipse. D'après Mac Lesggy d'E=M6, le meilleur endroit pour l'observer se trouve à Torshavn, capitale des Îles Féroé. Ok, on se donne rendez-vous là-bas les gars. Vendredi 20 mars au-dessus de ta tête — INRATABLE — Après son immense succès londonien, l’exposition David Bowie is… est présentée dans une version légèrement remaniée à Paris pour l’ouverture de la Philharmonie de Paris. Sois maudit sur plus de 20 générations si tu décides de snober cette rétrospective sur ce génie intersidéral. Vraiment. En mars à la Philharmonie de Paris — GRRRRR — Venez vous prélasser devant une bonne bière dès 19h et un set de Dj Meanz dans le bar le plus cocorico de Paris. Ce mois-ci, on vous propose un atelier tout en astrologie. Les plus courageux d'entre-vous pourront connaître leur avenir grâce à Michelle Mazilly. Grrrrr Before #6 - Au Coq O Rico 115, rue Saint-Maur - 11e - 26 mars à 19h 5


6


CINÉMA T

GAËL LE BELLEGO P DR

PIERRE NINEY — AVĒ CÆSAR Ce soir, il ne porte pas de smoking. Nous sommes au Klay, hôtel chébran du 2e, près d'une porte automatique fofolle (s'ouvre-se ferme au moindre coup de vent) à J-1 de la cérémonie des César. Pas par calcul, juste par flair : puisque notre YSL décrochera le lendemain son trophée du meilleur acteur

devant Gaspard Ulliel et les autres. Ce n'est pas pour ça qu'on le voit. Mais pour Un Homme idéal, thriller diabolique où un jeune écrivain raté tombe sur le manuscrit d'un mort, qu'il décide de signer de son nom. Le point de départ d'une spirale monstrueuse. Et de notre interview arrosée au Coca Zéro. 7


“CE FILM RENOUE AVEC LA PERVERSITÉ SOLAIRE DE PLEIN SOLEIL, LA PISCINE, OU MÊME DE CERTAINS HITCHCOCK.”

8


C'est l'histoire d'un homme qui vole une identité. Comme un acteur finalement… Le parallèle est évident, mais s'arrête là. L'acteur entre dans la peau des autres, sans forcément chercher à se fuir. Mathieu, mon personnage, veut quitter son mal-être, sa condition sociale. Cruellement, ce film raconte que tu ne peux pas te trahir indéfiniment, la vérité te rattrape toujours.

On m'avait déjà posé la question pour Virginie Efira (sur 20 ans d'écart). Impossible de répondre ! Sur le moment, quand tu joues, tu ne penses pas en ces termes. Bon après, je suis hétéro, donc en principe, je devrais te répondre Ana, mais euh…

Qu'est-ce qui t'a séduit dans cette histoire ? Son venin ? Son fatalisme ? Sa noirceur. Et on est loin des poncifs du thriller français sombre, où le héros porte un cuir et deale des armes sur un dock. Le film renoue plutôt avec la perversité solaire de Plein soleil, La Piscine, ou même de certains Hitchcock. J'ai aimé la sensualité de l'été mélangée à l'horreur, de la haute bourgeoisie au crapuleux. Un chaud-froid permanent.

Ta petite amie (l'actrice australienne Natasha Andrews) appuie sur « avance rapide » durant tes scènes charnelles ? Nooon ! Elle est actrice, donc elle sait que ce sont des scènes difficiles, exigeantes, qu'on joue rarement par kiff.

Qu'est-ce qui fait courir Mathieu ? Le sens de la survie. Il est un animal traqué, qui s'est mis lui-même dans le piège. Ton personnage est comme Casimir : un monstre gentil… (sourire) Malgré son arrivisme, ses mensonges, il fallait qu'il puisse plaire au public. Qu'on se projette à minima dans sa spirale. J'adore quand le mal se glisse dans la normalité sans crier gare, et la transforme en cauchemar. Comme dans Harry, un ami qui vous veut du bien. Quelle émotion fut la plus dure à jouer ? La nervosité, induite par ce contraste : avoir commis le pire, et se retrouver à une scène de déjeuner bourgeoise, polie, anodine. J'intériorise, ou je montre mon malaise ? Savant dosage… Qui est la personne la plus dure à embrasser : ici Ana Girardot, ou Guillaume Gallienne dans YSL ?

Tu peux répondre par une joke, hein… Ah, désolé, je suis très premier degré parfois !

Au début d'Un Homme idéal, tu t'entraines à répondre aux journalistes. Tu t'es déjà auto-interviewé pour de vrai ? Sincèrement non. J'ai joué plein de conneries devant mon miroir, je parle seul toute la journée, notamment sur mon scooter. Mais jamais d'auto-interview. Quel est l'adjectif le plus juste que tu lis sur toi dans la presse ? Dur comme question… Tous mes potes le savent, je suis nul en auto-analyse. Mais s'il faut répondre, j'imagine que « curieux » et « impatient » me décrivent bien. Et le plus ridicule ? (Il hésite) Ça sort quand le Bonbon ? Bon alors je peux te le dire : j'ai lu une fois que Bertrand Bonello (le réalisateur du Saint Laurent concurrent) avait dit dans une interview que j'avais bâclé la préparation de mon rôle. Voilà le plus ridicule. Et le plus désobligeant. Tu as déjà eu le complexe d'imposture dans ton métier ? Je ne l'ai pas eu car j'ai commencé tôt, accumulant les petits rôles au théâtre ou au cinéma. L'imposture sera vécue plus facilement par 9


des acteurs qui ont la chance (et la malchance) d'accéder tôt à la notoriété. Je n'ai pas commis de hold-up, j'ai eu le temps de progresser. Ça dérègle l'ego d'être une star ? Ça tend à ça, parce que c'est un métier où tout va vite, tu peux prendre de mauvaises habitudes. On s'occupe beaucoup de toi, tu es infantilisé… Qu'est-ce que tu fais pour te dégonfler le melon ? Le théâtre replace le travail au centre de tout. Sinon, je joue au basket deux fois par semaine sur des playgrounds où je rencontre des gens que je ne connais pas. Il faut savoir sortir de son microcosme. Tu es toujours le plus jeune pensionnaire de la Comédie Française ? Oui, toujours. Tes films sont vécus comme des infidélités, par les vieux sociétaires grincheux ? Dans une troupe, il y en a toujours quelquesuns pour voir le cinéma d'un mauvais œil. Mais en majorité, ils sont bienveillants, considérant que le cinéma apporte de l'air dans une carrière. Tu regardais les César, petit ? Oui, dès mes 12 ans. J'avais déjà envie d'être avec eux. La consanguinité, le côté auto-congratulation, ça ne te gêne pas ? Tu ne fais pas ce métier pour être aux César. Mais quand t'es dans la salle, tu te prends au jeu, évidemment. À moins vraiment d'être un triste sire. Un César, c'est un peu comme un diplôme qui remplit le CV… Pas vraiment. Quand tu sais que DiCaprio n'a jamais eu d'Oscar ! C'est plutôt un moment, 10

dans l'air du temps, face à d'autres films, où on te dit bravo. Bravo, ça fait toujours plaisir. Dans quelle mesure Yves Saint Laurent a bouleversé ta vie ? C'est mon premier film dramatique. Ça m'a ouvert un champ des possibles. Depuis, j'ai la chance de recevoir des scénarios différents. Je suis très gâté aujourd'hui. Tu reçois aussi des cartons de la Fashion Week ? Carrément ! Mais je préfère faire un film que d'aller aux défilés, même si certains créateurs m'intéressent. Je ne serai jamais un habitué des frontrows, ce n'est pas mon univers. La mode est encore plus impitoyable que le cinéma. C'est un peu le tourbillon de la vie, quand même. Tu n'as que 25 ans… Oui, mais je n'ai pas l'impression d'être un singe savant. Un Macaulay Culkin… On ne te le souhaite pas… (rires) Encore une fois, le fait d'avoir commencé tôt, par des petits rôles, ça change tout. J'ai dû faire dix longs métrages avant mon premier rôle dans J'aime regarder les filles. Aujourd'hui, tu peux encore vivre librement, aller où tu veux ? De plus en plus, on me demande un autographe ou une photo. Tu sens les regards sur toi. Mais les gens sont gentils, donc ça ne change pas vraiment ta vie. J'achète mon pain tranquille. Bon après, j'ai peut-être moins tendance à aller faire mes courses au Bon Marché un samedi aprèm… Jamais croisé un stalker ? Pas encore. J'ai eu un seul vrai flip : un jour, je suis allé acheter des sous-vêtements-chaussettes chez Celio. Sur Twitter, quatre minutes plus tard, je me suis retrouvé en photo de dos,


rayon slip. Cool. En workaholic, tu te trouves des battements, des moments off ? Je fais en sorte de ne quasi jamais en avoir. Quand je ne tourne pas, j'écris. Quand je n'écris pas, je pense à des projets. Si tu t'arrêtes, tu tombes ? Je ne tombe pas mais je suis triste. Mon travail se confond tant avec ma passion, que sans passion, je me fais vite chier. Tu es un oiseau de nuit ? Oui. Mon père, prof ’ de cinéma, écrivait la nuit. J'ai pris le pli.

Tu ne sors jamais ? Ah si, j'adore ! Mes lieux : dans le quartier Pigalle, le Mansart et le Carmen. Le Bus Palladium quand un bon pote mixe. Le Beef Club dans le 1er aussi, très sympa. J'aime faire la fête. Un projet pour bientôt ? Je vais jouer dans l'adaptation de La Promesse de l'aube de Romain Gary, avec Audrey Tautou. Et une grosse casserole dans ta carrière, déjà ? Le film Nos 18 ans. Je suis horrible, infâme. J'ai un tout petit rôle, mais je me suis débrouillé pour le foirer. Je l'ai revu, ça m'a déprimé pendant une semaine.

Un homme idéal, de Yann Gozlan, avec Pierre Niney, Ana Girardot. Sortie le 18 mars. 11


SOCIÉTÉ T

CYRIELLE DEBRUN P ALEXANDRE MIRAUT KOROBOV

TYPOLOGIE DE LA FAUNE EN AFTER

Quand le club vous régurgite sur la chaussée, que le dealer et le Dj vous laissent mort de faim, la sélection naturelle élimine les plus faibles et envoie les autres en after. Voici les 12

espèces dominantes qui peuplent la dernière dimension, derrière les stores baissés d'un appart' hospitalier.


LE DEALER Vous ne connaissez pas son vrai nom, mais son surnom est mnémotechnique et américain. Rien à voir avec votre dealer, qui lui ne répond jamais, et qui, quand il répond, vous vend une sorte de poudre cassante et amphétaminique, qui vous broie les muscles du visage et vous laisse suintant de frustration toutes les vingt minutes. Non, ce mec-là, vous le rencontrez dans les fêtes les plus sales et aux heures les plus tardives. C’est un connaisseur, un docteur, un vrai fou de son produit ; ce qui, pour un commercial, serait source de succès et de reconnaissance ; mais qui pour un dealer, représente sa descente fulgurante aux enfers

et au trou. Inutile de prendre son numéro, c’est un mec qui disparaît. Ce matin, il est là, et c’est une chance dont il faut jouir le plus longtemps possible. Il a les mâchoires plus serrées que les vôtres, les yeux injectés de sang et de folie violente, et passera la matinée à offrir frénétiquement des lignes monstrueuses aux gens qu’il aime bien, choisis arbitrairement par son cerveau malade. Il est plutôt de bonne compagnie, parce que ses anecdotes à tiroirs tissées de conneries paranoïaques et ses tics de langage vous prouvent que vous n’êtes pas encore cocaïnomane.

13


LE DJ

L’ADOLESCENTE

C’est souvent le propriétaire des lieux. Quand c’est un inconnu, un mec que la drogue a fait oublier que demain est un autre jour, et qui a eu la grandeur d’âme de prêter asile aux hiboux, c’est délicat. Il a tous les droits sur la musique. YouTube, SoundCloud et Ableton n’ont eu de cesse de faire proliférer les genres, les styles et les fines nuances qui rendent la musique électronique aussi riche et insondable que sa sœur Internet. Il est donc peu probable que vous ayez vraiment les mêmes goûts que cet inconnu, or ce qu’il va choisir influera directement sur les effets de votre drogue et sur votre heure de départ. Quand c’est un ami, vous êtes en terre sainte. Il va passer sa matinée à travailler les transitions entre les onglets et les chutes de ses aventures de festival, ou debout, sautillant et autiste, arrondi au-dessus de ses platines, n’interrompant son set de cinq heures que pour reprendre des forces chimiques et du whisky coca. Plus les heures passent, moins il est facile de lui faire passer un morceau. Son prénom est devenu une ritournelle à deux syllabes, que votre bouche pâteuse répète en litanie, jusqu’à ce qu’il se tourne vers vous et réponde : « Attends, je mets juste celle-là ». Mais sans lui, qui sait ce qui peut arriver. Y'a même un mec qui a mis de la schranz, une fois.

Elle est jeune, très jeune. Le mec qui l’a invitée n’a aucune morale, aucun sens de l’éthique. Elle est si jolie. Ses joues laiteuses sont teintées de rose, ses bras sont potelés et elle ne croise pas les jambes, assise en jupe en face de vous. C’est d’être si jolie qui la rend si obscène. Parce qu’elle est venue d’elle-même, personne ne l’a forcée, personne ne la séquestre. Elle veut de la drogue. Elle parle comme une pute. Elle se penche sur les genoux de son voisin pour prendre ce qu’on lui offre avec son billet roulé de 5€. Hors de question qu’elle rentre chez elle, t’es pas son reup, gars. Ses cheveux blonds prennent la lumière blafarde de 9h du matin. Elle aime les câlins. Son protecteur, c’est un mec qui lui donne assez d’attention et de cocaïne pour ne pas qu’elle boude ni qu’elle s’ennuie. Elle est capricieuse. Vous avez envie de lui faire un peu mal. Non, vous avez envie d’avoir sept ans de moins et de l’emmener au cinéma. Non. Vous voulez venir à gros bouillons sur ses joues rondes, ses cheveux dans la main, ou non, vous voulez la protéger des prédateurs qui lui tendent des pièges sur le chemin de l’âge adulte. Mais qu’elle arrête avec cette voix d’enfant, ou quelque chose va se passer entre vos deux ventricules. Elle est si jolie.

14


LE PLAN CUL

LE POTE

Elle n’est pas spécialement belle, mais elle n’est pas laide. Elle n’est pas spécialement votre genre, et vous n’auriez pas spécialement essayé de la draguer. Elle est plutôt drôle, un peu cinglée. Elle a de gros seins. Elle boit, beaucoup, tape, beaucoup, parle, beaucoup. Elle fait plus vieille que son âge, et c’est probablement elle qui fait tourner le Poppers. Elle sait calibrer, entre éclats de rire qui attirent l’attention, conversations intimes et œillades prononcées. Elle se déplace assez souvent, jamais loin. Avec la drogue, son comportement est moins subtil, elle exagère, elle en fait trop. Elle veut chahuter les âmes, lire dans les mains, connaître votre enfance, montrer ses seins. Elle veut que quelqu’un la réconforte. Vous, par exemple. Elle vous regarde en souriant vicieusement, d’un air un peu las. Vous ne savez pas trop si vous voulez débander dans son appartement du 11e, quand vous rentrerez à midi et que le soleil éclairera ses yeux fatigués et sa bouche sèche. Mais elle en veut, quand même, vous pourriez former un beau couple de papillons froissés par la lumière, des vampires fous qui mourront avec ce dimanche dans une odeur de sexe et de tabac froid.

C’est le seul mec que vous connaissez dans cet appart'. Ce n’est pas votre meilleur ami, mais c’est celui qui vous comprend le mieux. Quand les autres désertent en Über à quatre heures du matin, lui reste, sans sourciller, et propose de racheter de la drogue. Tant qu’il est là, rien de pire ne peut arriver. C’est votre associé, celui qui marche avec vous tant qu’il y a du business, votre témoin de saccage. Vous gardez un œil sur lui, sur sa consommation et ses interlocuteurs, pour que votre état soit toujours égal au sien. D’ailleurs, vous préparez toujours les traces en nombre pair, et veillez à ce qu’il ait sa part. Avec lui, vous êtes toujours sincère, parce que vous ne voyez pas comment lui pourrait vous juger. L’existence de ce mec est une bénédiction, un talisman contre la pointe de culpabilité qui vous gêne quand vous regardez l’heure, un remède à la sensation de solitude qui vous étreindra pendant les trois prochains jours, et votre référent dans cette vie parallèle où tout est plus simple, plus intense et plus brut.

15


SONDAGE

SONDAGE Tous les vendredis à 18h, Damien Raclot-Dauliac et les acteurs de la nuit parisienne font des heures sup' pour vous donner la clé des clubs de la capitale sur radiomarais.fm

Établissements Machine ZigZag Social Rex Pigallion Yoyo

Votants 170 132 120 109 49 28

LE PIRE FUMOIR Décidément, vous continuez à ne pas aimer les volutes goudronnées en provenance du fumoir-placard à balai de la Machine. Écoutez, on vous propose un truc : on fait une grosse pétition, comme ça il réaménage le truc, et enfin, on aura un nouveau bouc émissaire sur lequel jeter nos mégots. Ça vous tente ? 16

Établissements Rex Showcase Zig Zag Concrete Tunnel Wanderlust

Votants 122 96 85 65 62 39

LE MEILLEUR PHYSIO Eh oui, Thierry du Rex continue sa course en tête depuis le mois dernier mais il commence à sévèrement se faire talonner par le physio du Showcase. Le suspense est à son comble : sera-t-il toujours le Dieu des portes blindées au mois d'avril ? Vos votes serviront de verdict, entre gloire ou déchéance. La vie est vraiment cruelle, parfois.


NOCTURNE Retrouvez les résultats du sondage de la nuit parisienne tous les 3e vendredis du mois dans l'émission Le Bureau

Établissements Concrete Zig Zag Showcase Rex Tunnel Java

Votants 151 102 89 81 55 25

MEILLEUR SPOT POUR PÉCHO Ça y est, après une lutte acharnée, Concrete vient de prendre la première place. Apparemment, il est plus facile pour vous de chasser quand vos proies n'ont pas dormi de la nuit, ont dansé jusqu'à épuisement et picolé jusqu'à plus soif. Stratégie comme les autres, mais on vous comprend. Oui oui, on vous comprend.

Établissements Rex Zig Zag Concrete Machine Tunnel Badaboum

Votants 252 89 74 62 60 45

MEILLEUR SOUDSYSTEM Avec plus de 252 voix, le soundsystem D&B AUDIOTECHNIK éclate une nouvelle fois tout sur son passage et ne laisse que des miettes aux concurrents. Il est vraiment performant, ce D&B AUDIOTECHNIK, hein ? Et puis tiens, on remarquera l'entrée du Tunnel à la 6e place. Un futur grand prétendant au trône  ?

17


18


LITTÉRATURE T

TARA LENNART

LES MOTS DE MINUIT

Blanche comme une page, la nuit s’inscrit aux abonnés absents. Pas de marchand de sable à l’horizon ni de pilules magiques pour baver dans les bras de Morphée.

Ne cherchez plus, lisez. Et dans votre lit, c’est encore mieux ! Vous aurez une bonne raison de ne pas dormir…

19


Dictionnaire de littérature à l’usage des snobs Que vous souhaitiez briller en société ou enrichir votre culture, ce dictionnaire est un must-have absolu. Il y a de l’indé, de l’incontournable, du vital, du nécessaire, écrit par un vrai connaisseur pas docte, juste érudit. Conseil d’ami : si vous n’êtes pas riche, pensez à braquer une certaine Liliane B. ou à renouveler votre carte de bibliothèque. Vous en aurez besoin ! Éditions Le Mot et le Reste Moi, Cheeta Imaginez si Kenneth Anger, réalisateur culte et auteur de Hollywood Babylone (véritable recueil de bruits de couloirs d’Hollywood) avait été un singe ? Dans cette autobiographie décalée, Cheeta parle de son statut de star, mais balance avec humour sur ses confrères humains. La presse people devrait engager des singes. Éditions Le Nouvel Attila Le Chinois du XIVe de Melvin Van Peebles Qui n’a pas raconté sa vie, accoudé à un comptoir enfumé (ah la belle époque !), un peu saoul et trop loquace sur les bords ? Ce petit recueil de nouvelles, à la fois drôles, très bien vues et touchantes, va rappeler des souvenirs aux plus aguerris des piliers de bar de South Pigalle. Éditions Wombat

20

Les Quais de Chicago de Stuart Dybek Les Américains possèdent un sens inné de la nouvelle. Saisir l’instant, le détail dans une situation apparemment banale et quotidienne et les faire ressortir magnifiés, immortalisés. Enfant de Chicago, Stuart Dybek vous emmène en quelques lignes dans une ville que vous n’aurez plus envie de quitter. Éditions Finitude AAARG Derrière ce cri, cette onomatopée de peur ou de surprise (ou de guerre) : une superbe fort touffue revue de « culture à la masse » sur près de 200 pages. BD majoritairement, nouvelles et articles, un peu. Le tout Made In France et avec un sacré niveau graphique! http://www.aaarg.fr Diapsalmata de Soren Kirkegaard Oiseaux nocturnes, vous pourrez vous confier au « silence de la nuit » grâce à ce magnifique recueil d’aphorismes et réflexions sur la vie, l’amour et leur sens, écrit par un danois tourmenté et en quête de « Vérité ». Si vous ne la trouvez pas en lisant ce petit livre, vous pourrez le laisser dépasser de votre poche et justifier votre air torturé à 3 heures du matin après trop de verres. Éditions Allia


Melvin Van Peebles

Le Chinois du XIVe Café Préface d’André Hardellet Illustrations de Topor

Wombat

STUART DYBEK LES QUAIS DE CHICAGO

FINITUDE

21


NUIT & CINÉMA T

NICOLAS MAGENHAM

LA MORT AUX TROUSSES Dans la célèbre scène du champ de maïs de La Mort aux trousses (1959), Alfred Hitchcock prouve qu’il est un insoumis méconnu de l’Histoire du cinéma. Écrire un papier sur la nuit et le cinéma, cela peut être aussi, pourquoi pas, écrire sur une scène de jour qui aurait pu/dû être une scène de nuit. Lorsque, dans La Mort aux trousses, Roger Thornhill (Cary Grant) doit se rendre à un rendez-vous mystérieux qui s’avère être un traquenard, Hitchcock conçoit la scène en choisissant le contrepied du cliché du film policier. Il ne prend pas seulement des libertés avec les conventions, il les tord complètement, comme il l’expliquera plus tard à François Truffaut : « J'ai voulu réagir contre un vieux cliché. […] Qu'est-ce qui se pratique habituellement  ? Une nuit noire à un carrefour étroit de la ville. La victime attend, debout dans le halo d'un 22

réverbère. Le pavé est encore mouillé par une pluie récente. Un gros plan d'un chat noir courant furtivement le long d'un mur. Un plan d'une fenêtre avec, à la dérobée, le visage de quelqu'un tirant le rideau pour regarder au-dehors. L'approche lente d'une limousine noire, etc. Je me suis demandé : quel serait le contraire de cette scène ? Une plaine déserte en plein soleil, ni musique, ni chat noir, ni visage mystérieux derrière les fenêtres ! » En passant de la nuit au jour, Hitchcock joue sur l’effet de surprise et veut provoquer le malaise chez le spectateur. Imaginons par exemple une fête parisienne qui aurait lieu en plein jour, à ciel ouvert comme dans un cabaret berlinois en ruine en 1945, dans la chaleur étouffante et sous le soleil aveuglant d’un mois de juillet. Ce serait, pour un zombie de la nuit, la définition même du cauchemar. Hitchcock veut donc instaurer le malaise, mais, plus encore,


montrer qu’il est un contrebandier du 7e art. Si l’on considère le cinéma comme une religion – avec ses réalisateurs prophètes ou hérétiques, et ses acteurs icônes – on irait ici jusqu’à classer Hitchcock parmi les hérétiques (même si, telle une divinité protéiforme, il peut être aussi, dans d’autres cas, un prophète et une icône). Lorsqu’il parle de « vieux cliché », c’est un euphémisme pour signifier « dogme », en l’occurrence celui de l’esthétique du film noir classique hollywoodien. En refusant le dogme de « l’extérieur nuit » pour choisir à la place la dissidence de « l’extérieur jour », Hitchcock prouve qu’il est un insoumis. Et il montre également qu’il est un héritier des surréalistes. Le décor de cette scène rappelle certaines toiles célèbres de Dali (lequel avait d’ailleurs conçu la séquence du rêve de Spellbound en 1945), et Hitchcock disait souvent son admiration pour Luis Buñuel – « son

metteur en scène préféré après [lui] », plaisantait-il. Derrière son immuable costume noir de bourgeois et son humour gentiment malicieux et inoffensif, Hitchcock avait au fond la même insolence que les surréalistes, une insolence qui témoignait d’un refus de l’avilissement et de la soumission à la crétinisation des masses. Par l’audace de ses récits et de sa mise en scène, par ses blasphèmes envers l’orthodoxie du cinéma, il montrait sa croyance « en cette lueur que le surréalisme cherche à déceler au fond de nous » (André Breton). Cary Grant n’aurait pu être ébloui par la lumière pâle d’un réverbère sur le pavé mouillé. Mais il l’est par un soleil de plomb qu’aucun arbre ne peut cacher, un soleil qui lui permettra de voir clairement l’avion sulfateur qui l’attaquera ensuite. Et c’est sans doute cette lumière/lueur salvatrice qu’espèrent voir naître les surréalistes et tous les artistes insolents.

23


24


À LA UNE T

JULIEN BOUISSET P AUDE GUERRUCCI

HPG — TRACASSÉ DU PÉRINÉE Hervé-Pierre Gustave n’était pas prédestiné à devenir hardeur. Pas même à arriver à la tête d’un business florissant grâce à ses coups de reins et à contribuer à l’avant-garde du

cinéma traditionnel français (Il n’y a pas de rapport sexuel, Les mouvements du bassin, Fils de). Non. Qui aurait cru qu’il faille, un jour, coucher pour réussir ? 25


Quelle a été ta première rencontre avec le sexe ? C'est un peu la frustration et la rage qui m'ont amené au sexe. Quand je prenais ma douche, je me suis vite rendu compte que je n'avais pas de poils sur le corps, contrairement à mes camarades. À l'école, on se moquait de moi. Du coup, pour décompresser, je prenais des magazines X et j'allais me masturber au fond des bois. Un jour, même, je m'étais allongé dans une grosse benne à ordures où étaient déposés plein de livres. Je me suis masturbé pendant un long moment, à la belle étoile, en prenant des magazines porno qui gisaient autour de moi. C'était magnifique. Mais j'étais seul, une fois encore, alors que tout le monde se pavanait de sortir avec des copines. À l'école, les gens arrivaient à draguer. Pas moi. Mais je me disais, que tel Rocky Balboa, un jour, je reviendrais. Et cela n'a pas loupé. Avant de débuter ta carrière de hardeur, tu écumais les peep shows parisiens de la rue Saint-Denis. Là, tu découvres ce qui deviendra, plus tard, ta vocation… En réalité, à l'époque, je n'avais pas beaucoup d'argent. Je mettais ce qu'il fallait de pièces dans les cabines pour faire démarrer le show. Je me suis très vite rendu compte que j'arrivais à me masturber deux fois, au lieu d'une. N'étant pas un intello et ayant quelques compétences physiques, je me suis dit qu'il y avait certainement un sillon à creuser dans cette voie. Alors, je suis devenu gigolo. Après, il faut rajouter à cela mon côté associable et le fait d'avoir raté mes études pour expliquer ce que je suis devenu : un hardeur. Chemin faisant, tu accumules des dizaines de partenaires à l'écran. Le public commence à poser ses yeux sur toi et les premières critiques commencent à fuser. Il semblerait qu'HPG soit un manipulateur…

26

En tant que producteur-acteur de films porno, si tu es un mec bien, je t’assure, tu fais autre chose. Aujourd'hui j'ai 48 ans et il m’arrive de coucher avec des filles de 20 ans. Alors je suis un type sympa, certes, mais tant que je ne couche pas avec ta fille ou ta mère. J'ai des limites, mais l'éthique il vaut quand même mieux s’asseoir dessus dans ce milieu. Je suis finalement comme n'importe quel patron qui a un ascendant social sur ses employés. À un moment donné, qu'il soit de gauche ou non, il est obligé de zapper une certaine forme d'éthique pour avancer. Dans toutes tes productions X, tu laisses une large place au « off », comme le prouve le film Il n’y a pas de rapport sexuel sorti en 2012. L’acte sexuel, en tant que tel, n’est-il pas si important ? Ce qui m'intéresse dans les scènes X, c'est « l'avant » et « l'après ». Voir quelqu'un que tu ne connais pas qui va se déshabiller, s'oublier et ensuite partir comme si de rien n’était est formidable. Voilà pourquoi j'aime laisser tourner la caméra, depuis toujours. Le plus excitant et le plus intéressant, c'est quand les gens ne savent pas quand ils doivent tourner. J'ai toujours travaillé sur le « off », inconsciemment quand j'étais hardeur et consciemment depuis que je fais des films traditionnels. Là est la vérité. Le porno reste-t-il encore de l'art avec Internet ? Pour moi, maintenant, c'est devenu un business. Quand je tourne une scène avec une fille, je pense à ce qu'il va y avoir après. Je suis content de faire un acte cinématographique, car je ne fais pas de différence entre le cinéma traditionnel et celui classé X. Finalement, diriger Éric Cantona ou une actrice porno, pour moi, c'est la même chose : je leur parle exactement pareil.


“FINALEMENT, DIRIGER ÉRIC CANTONA OU UNE ACTRICE PORNO, POUR MOI, C'EST LA MÊME CHOSE : JE LEUR PARLE EXACTEMENT PAREIL.”

27


28


Est-ce compliqué de financer tes projets traditionnels ? Je choisis des sujets difficiles à porter. Je dois donc m'occuper activement de la manière de trouver les fonds pour faire le film. On ne va jamais venir à moi pour financer mes projets. Ces films comme Les Mouvements du bassin ou Fils de, j'arrive donc à les financer grâce à mes activités dans le porno. Je travaille depuis un bon moment avec Capricci Films, qui m'aide beaucoup. On est en coproduction sur tout ce que je fais. Cela ne pourrait pas être autrement car le cinéma est un sport de riche. Souvent, il y a du copinage et les grosses industries font des films entre eux. On ne peut pas rivaliser avec cela. Fils de…, ton dernier film, évoque le choix cornélien qu’un homme doit faire : soit continuer sa vie de réalisateur nombriliste et solitaire, soit affronter une vie de famille. Est-ce une manière d’appréhender la réaction de tes enfants quand ils seront en âge de comprendre ce que tu fais dans la vie ? Il ne faut pas le voir comme cela. Dans ce film, les gens doivent se demander ce qui est de l'ordre du documentaire ou de la fiction. Sur ce sujet, le père et la mère que nous sommes avec Gwenaëlle Baïd en parleront le moment donné à nos enfants. Cela se fera naturellement. Le travail ne nous définit pas en tant qu'Homme. C'est ce que tu es au quotidien qui est le plus important. Par contre, la vraie question que je me pose, c'est qu'est-ce que je ferais si ma fille m'annonçait qu'elle souhaitait devenir hardeuse. J'aurais beaucoup de mal car la place d'une femme dans cette industrie est très difficile. Sauf si elle est comme moi : dans le business et aux commandes de tout. Mais je préfèrerais que ce métier ne soit pas héréditaire… Le chanteur Christophe a signé les bandes originales de tes films Fils de… et Les mouvements du bassin. La musique

est-elle importante, pour toi, au quotidien ? Ce qui est important, c'est Christophe. Dans Les mouvements du bassin, il a su donner au film certaines significations de scènes qui n'étaient pas prévues au départ. Le travail est simple et performant avec lui. Après, j'écoute beaucoup de rock quand j'écris des scénarios, comme AC/DC, Motörhead ou les Rolling Stones. Que des drogués, finalement… Est-ce que cela veut dire que tu drogues encore, toi aussi ? Cela m'arrive encore, dans des moments de détente. Cela me permet de dire aux personnes que je les aime bien, dans les bars par exemple, et de discuter avec eux. Alors que j'en ai rien à faire, habituellement. Je travaille beaucoup et je vis dans une espèce de cellule qui me déconnecte du monde extérieur. Donc deux fois par mois, le samedi comme les beaufs, je fais quelques excès pour rentrer vers 5h, avec une belle gueule de bois. Par contre je n’ai pas de lieux fixes et ceci pour une seule et unique raison : je suis souvent lamentable et j'ai honte de retourner sur les lieux du crime. Qui seras-tu dans 20 ans ? J’ai 48 ans. Je serai, je l’espère, en accord avec mon physique et ma maturité intellectuelle. Alors je ferai certainement moins de productions, mais avec toujours autant d'intensité. De toutes les façons, y’a pire comme métier, n’estce pas ? Mais si l'industrie du porno se dégrade trop rapidement, si mes films ne marchent pas dans le milieu traditionnel, je deviendrai peutêtre un looser… Non, je me battrai pour ma famille !

— www.hpgnet.com

29


PLAYLIST P

LIVE

TORB

Un grondement sourd, des câbles, des filtres, des boîtes à rythme, enchevêtrés. Torb est né au cœur du Motorbass Recording Studio, où ils fabriquent des synthétiseurs analogiques pour les coller sur un son originel, restituant la moiteur des années rave sans états d'âme. Une techno volcanique et hypnotique, jouée live de préférence. Branche dissidente de la 30

rue des Martyrs, Torb s'active dans l'ombre de ses machines élaborées sur-mesure depuis un premier EP, Mars Premier. En 2014, la magie opère sur un nouveau 2 titres : Fathom et Fever. Enfin, le mois dernier est sorti l'EP TTOO1, sur Synchrophone. On attend avec impatience la suite.


Caspar Pound House (Farfipsicokaya Remix) Francesco Farfa: le son, la vie, la rave. Ziet-O' The Sheltering Sky 1994 F.Farfa & Joy Kitikonti, mélodie à l'italienne. Motorbass Home À part dans les teufs, on est jamais aussi bien qu'à la maison. Metro Dade The Andor Voyage La nappe dans toute sa splendeur. Robotman Do Da Doo (Plastikman's Acid House Remix) Techno Anthem ! Underground Resistance Jupiter Jazz Un magnifique morceau d'UR, good vibes only ! Essit muzique Essit muzique Pur moment d'acid techno. Robert Hood Minus La techno minimale par un maître en la matière. Paperclip People Throw Le souvenir d'un très bon moment passé dans une soirée. Damon Wild Avion 4h du mat' dans un grand hangar, parfait !

31


LOOKS DE NUIT CRAME P BARRERE&SIMON RENO H+M.U. ANTOINE WAUQUIER T

S

CHIRURGIE — PLASTIQUE

Les perles, la fourrure, les cheveux d'or, c'est une chose. Mais il n'y a pas de vraie beauté sans un passage chez le Dr Edouard. Dix rendez-vous au cabinet, douze journées passées sur la table d'opération, et voilà Vegane transformée. Toujours plus de boobs ! Toujours 32

plus de lèvres ! Un peu moins de fesses ! Vegane est heureuse. Muito obrigada, doutor ! — House Of Moda Le 28 mars à minuit à la Java, 5/10€ houseofmoda.tumblr.com


33


34


HUMOUR T

MPK P MAXIME LEYVASTRE

PROFESSEUR ROLLIN — L'HUMOUR ET LA NORME

Voilà maintenant plus de 30 ans qu'avec son éloquence de faux-vrai prof' de fac, François Rollin distille un humour absurde, cultivé et sophistiqué. À l'occasion de son

nouveau spectacle Le Professeur Rollin se rebiffe, nous lui avons un peu tenu la jambe et fait disserter sur le rire, cette pratique si risquée par les temps qui courent… 35


“JE SUIS UN PEU FATIGUÉ DU STAND-UP COMMUNAUTAIRE QUI RACONTE TOUJOURS LA MÊME HISTOIRE.”

36


François Rollin, pour vous, l'humour, c'est quoi ? Pour moi, l'humour, c'est une façon de penser autrement que « tout droit », une manière de regarder le monde et ses difficultés différemment. L'humour est un second degré du regard. C'est pour cela que l'on dit que l'humour est un outil de communication très important car il permet de faire passer des idées d'une manière plus légère et dédramatisée. En quoi l'absurde est-il risible ? L'absurde est risible parce qu'il se décale du réel. Ce qui n'est pas drôle, c'est le réel. Il n'y a aucune rupture en lui, aucune fracture. Le rire ne vient que lorsqu'il y a cette rupture ou cette fracture. L'absurde est un des registres dans lesquels on crée une cassure par rapport à cette réalité. Mais finalement, le réel n'est-il pas absurde en lui-même ? Non. Il est quelque fois tordu, dramatique… Même quand il est effroyablement douloureux, on a les pieds collés à la réalité. L'absurde, quant à lui, vous emmène dans un autre monde. C'est une façon d'échapper au poids des choses et de la monotonie du quotidien. Y a-t-il une spécificité de l'humour français ? Je ne connais pas assez bien l'humour planétaire pour caractériser précisément l'humour français, mais je pense que sa principale singularité est le calembour. Le Français est le champion du jeu de mots, et au passage, ce n'est pas du tout mon genre d'humour. En tout cas, ce qui me rassure,

c'est que l'humour a quelque chose d'universel. Les échanges que j'ai eus avec des humoristes de pays lointains m'ont montré qu'on se comprenait tout de suite : nous avions la même façon de ne pas avoir la même façon de regarder l'existence. Votre spectacle se nomme donc Le Professeur Rollin se rebiffe et l'on comprend en y assistant que c'est contre la bien-pensance que vous vous rebiffez. Mais la bien-pensance est un terme fourre-tout, on est toujours le bien-pensant d'un autre. Alors pour vous, cette bien-pensance, c'est quoi ? Pour moi, c'est vraiment cette posture qui consiste à prendre comme pré-requis la pensée de l'autre comme radicalement suspecte : « moi je pense bien, mais toi, tu es suspect par rapport à ma bonne pensée. » Du coup, ce genre de raisonnement esquive le débat et vous range de suite dans le « mauvais côté »… et rend également un nombre de sujets interdits comme l'immigration, l'homophobie, etc. Au final, ces sujets sont récupérés par le FN, il est là le drame. Actuellement, qui sont les tenants de cette bien-pensance ? France Inter, Télérama, Libé, Les chroniqueurs de Ruquier… Ces derniers, par exemple, sont toujours du « bon côté ». Face à Michel Onfray par exemple, ils étaient deux à se défouler sur lui, alors qu'ils n'ont pas le vingtième de son intelligence… (cf l'émission On n'est pas couché du 17 janvier dernier, ndlr)

37


Il y a un autre grand professeur qui s'est illustré dans la connerie en France, c'est le Professeur Choron. Quel rapport entretenez-vous avec le personnage et son humour ? Ben, je suis très copain avec Michelle Bernier, sa fille. Lui, je l'ai croisé une fois ou deux, comme ça. Choron incarnait vraiment l'esprit Hara-Kiri, c'était un vieil anar' qui revendiquait le droit d'être déconnant et potache. On en a fait tout à coup des idéologues de l'humour, mais non, Choron, il voulait juste qu'on le fasse pas chier et qu'il ait le droit de faire le con. Comme il disait, il faisait dans le « bête et méchant », et c'était très bien comme ça. La récupération politique du drame de Charlie Hebdo, le fait de transformer ce magazine potache en symbole ultime de la liberté d'expression, cela ne vous a-t-il pas dérangé ? Oui, enfin bon, entre ça et ceux qui applaudissent la boucherie de Charlie, j'ai choisi mon camp… Existe-t-il un rire officiel ? Pas vraiment, parce que le pouvoir ne se mêle pas directement de ça. Ce qui existe, c'est un comique « langue de bois ». La langue de bois, c'est la langue qui ne change rien au réel, et qui agit comme une mécanique de moquerie ironique sans fond. C'est juste une soupape qui permet de rigoler pour décompresser, du genre « Hollande est gros, etc. » Ça n'embête personne, ça ne change rien, c'est consensuel. Y a-t-il des jeunes comiques qui ne vous font pas rire du tout ?

38

Disons qu'il y a surtout des registres qui m'attirent moins : je suis un peu fatigué du stand-up communautaire qui raconte toujours la même histoire. De toute façon, ce genre est en train de s'essouffler de luimême et ceux qui font ça avec talent ne tarderont pas à changer de style à l'avenir. Plus largement, qu'est-ce qui ne vous fait pas rire ? J'ai l'impression que c'est à peu près comme tout le monde : je ne suis pas tenté de rire des drames et des souffrances d'autrui. On ne peut donc pas rire de tout… C'est plus compliqué que ça. Si on ne peut pas rire de tout, on ne peut rire de rien. Benoît Delépine a dit un jour : « on ne peut rire QUE de tout » et je trouve ça très juste. Le rire étant une expression de la liberté, il ne doit pas y avoir de digues ou de barrières. Si quelqu'un peut, comme certains anciens déportés, rire des camps de la mort parce que ça lui fait du bien, il n'y a rien à redire. Par contre, si ce rire est narquois, moqueur, et rentre dans des considérations négationnistes juste pour faire chier et créer du buzz, on rentre dans un registre qui manque de sincérité. Votre remède contre la gueule de bois ? Je suis partisan de positiver la gueule de bois. Elle fait pleinement partie de l'aventure de la cuite. Le Professeur Rollin se rebiffe Théatre de l'Européen 5, rue Biot 75017 Jusqu'au 29 mars.


39


CINÉMA T

PIERIG LERAY

Y’A QUOI AU CINÉ ? 1 mois, 4 films, 4 avis. Le problème ? On ne les a pas vus. Critiques abusives et totalement infondées des meilleurs/pires films du mois.

Inherent Vice de P.T. Anderson Sortie le 4 mars Mais bien évidemment que Joaquin Phoenix en rouflaquettes, le funk des années 60, la photographie andersonienne, des répliques du bouquin de Pynchon et Benicio del Toro dans le tas, ça fait bander. Mais trop c’est trop. L’humilité (The Master), le darkisde (There Will Be Blood), et même le génie (Magnolia) sont absents. Trop beau pour être vrai.

40

Crosswind de Martti Helde Sortie le 11 mars Les premiers films ont cette naïveté immaculée que l’on ne retrouve plus jamais dans une carrière, ce désir sincère et parfois pesant de bien faire ; ici, un noir et blanc archi léché, du ralenti mélancholiesque, et une histoire oubliée (déportation en Estonie, Seconde Guerre mondiale). La mise en scène nouvelle de correspondances écrites donne cette impression de jamais vu.


300 hommes de A. Dalbis & E. Gras Sortie le 25 mars Un refuge de nuit à Marseille, 300 marginaux en détresse, 300 lits et une simple nuit d’hiver pour un documentaire du réel qui – sans fausse bien-pensance – rappelle que la honte et la violence sociale ne sont pas toujours dans l’exceptionnel, elles se nourrissent généralement dans le quotidien d’une ville qui s’endort. Poignant.

Big Eyes de Tim Burton Sortie le 18 mars Tim Burton descend de son trône gothique et sacrément emmerdant pour nous refiler la fameuse usurpation de Walter Keane, un Rocancourt brillant qui s’attribue les peintures de sa meuf. Christopher Waltz enchaîne les mauvais choix (Zero Theorem !) et s’enlise dans cette comédie même pas dramatique et même pas comique. Finalement vide, comme les yeux croutesques des toiles de Margaret.

Mais aussi : Chappie de N. Blomkamp le 4 mars, les gars, un robot qui chiale, c’est Schwarzi dans Terminator et personne d’autre (0/5), Lazarus Effect de VD. Gelb le 11 mars, pour forcément voir le black se faire bouffer en premier par les zombies (1/5), Hacker de M. Mann, sortie le 18 mars, un méchant geek contre un gentil geek, ça fait des combats de calculettes même pas chiants (3/5), Diversion de G. Ficarra, sortie le 25 mars, mattez-moi cette affiche et ce bouc vomitif de Will Smith, immonde (0/5). 41


LABEL DU MOIS

42


ÆTERNUM

Æternum music est un jeune label parisien exclusivement vinyles piloté depuis 2012 par Lowris, Dj parisien et résident des soirées Concrete, et sa femme Jen. Une troisième personne, et pas des moindres, participe au projet, Raphaël Garnier en tant que graphiste. L'idée du label est de sortir des tracks coup de cœur ; musique électronique allant de la minimale à la house sans jamais vraiment s'arrêter sur un style précis. Tout se fait au feeling, et finit sur un joli support, le vinyle, avec des artworks qui poussent l'objet encore un cran audessus. — fb.com/aeternum.music

43


COCKTAIL T

ROGER DE LILLE P JACOB KHRIST

ABSINTHE COCKTAIL Alors alors alors, on a réussi à trouver l'amour avec le Jack Rose du mois dernier ? Non ? Moi non plus. Au programme ce mois-ci, la folie les amis. Mars est en effet le mois des fous. « Fou comme un lièvre de mars » dit même le proverbe. Il s'agirait en effet de la saison des amours pour la bestiole. Moi j'ai fini par piger que mes seuls amours étaient les délicats breuvages que je partageais avec vous dans l'espace réduit que sont ces deux pages représentant mon bar journalistique. Qui dit folie dit absinthe. Logique implacable, personne pour me contredire. Voyons donc ce qu'on a cette fois-ci. L'absinthe cocktail a été inventé à la suite de l'interdiction de ladite boisson, en France notamment. Finie la fée verte, place à l'anisette. Donc, 4 centilitres d'anisette, qu'il s'agisse de Ricard, de Pernod ou d'un pastis m'importe en réalité peu. Ajoutez à ça quelques gouttes d'angostura bitter et 3 centilitres de jus d'orange. Shakez le tout, servez dans un verre à Martini sans aucune décoration. Ça passe aussi très bien dans un petit ballon. Pour le coup, c'est anisé comme affaire. « Il faudrait être fou pour boire ce truc » m'a-t-on même dit lors de la préparation. Et c'est sûr qu'il faut s'y faire. Le premier dosage que j'ai expérimenté contenait 5 centilitres d'anisette contre deux de jus d'orange, mais ça relève 44

du presque imbuvable. Presque parce qu'il fut bu. Et passé ce fort goût de pastis qui monopolise presque la totalité du spectre gustatif, on peut commencer à apprécier la subtilité toute relative du breuvage. Relative parce que c'est quand même un truc de bourrin, même si l'angostura et le côté orangé apportent une richesse certaine. Ce cocktail pourrait très bien revenir à la mode pour un peu qu'un barman hype décide de le remettre à la carte à un prix prohibitif. Et ne niez pas, c'est déjà arrivé. Alors que faire niveau variantes ? Là pour le coup c'est assez riche. C'est un cocktail à l'anisette, donc forcément toute la gamme classique des perroquets, mauresques, tomates, pélicans ou encore mazout y passe. Si aucun de ces noms ne vous évoque quelque chose, je vous invite à vous rendre dans le bistrot de quartier le plus proche de chez vous. Pas le bar hype au tartare à 23 euros hein, plutôt le PMU où vous achetez vos clopes. Parce que le cocktail n'est pas toujours servi dans de beaux verres à 22 euros l'unité mais fait également partie de cette belle tradition française. Celle qui fait du bistrot un vrai vecteur de lien social et sert son kir avec du Bourgogne aligoté et seulement avec de la crème de cassis. [Merci au Pigalle Country Club]


45


LES NUITS “IMPOSSIBLE” fb

46

JACOB KHRIST


WEATHER WINTER

47


AGENDA

VENDREDI 6 MARS — 23h45 Yoyo 20€ Trentemoller Dj set Trentemoller

JEUDI 19 MARS — 00h00 La Java 5€ Jeudi Minuit D.K, Geena, Nico Motte

SAMEDI 7 MARS — 00h00 Rex Club 12/15€ Ideal Juice Premiesku, Dorian Paic, Djebali

VENDREDI 20 MARS — 00h00 Batofar 10/14€ Currywürst Spring D-Haze, Luger, Axelle Roch, Medeew

DIMANCHE 8 MARS — 07h à 2h Concrete 20€ Dixon, Henrik Schwarz, Lil Tony, Axel From Tokyo

SAMEDI 21 MARS — 23h30 Showcase 12/ 20€ Louisahh JoeFarr, Dave Clarke, Louisahh

VENDREDI 13 MARS — 23h30 Badaboum 15€ Les Tontons Diggers, Superpitcher, Marco Dos Santos

VENDREDI 26 MARS — 00h00 Rex Club 12/15€ Deeply Rooted Jonas Kopp, Dj Deep, Roman Poncet

SAMEDI 14 MARS — 23h30 Zig Zag 15 / 20€ Time Has Changed Sebo K, Oxia, Timid Boy, Marwann Saab

SAMEDI 27 MARS — 23h30 Zig Zag 15/20€ Meant Chloé, Fairmont, Remain

DIMANCHE 15 MARS — 7h à 3h Concrete 20€ Get Perlonized Akufen, Sonja Moonear, Cabanne, Sammy Dee, Zip

DIMANCHE 28 MARS — 00h00 Rex Club 12/15€ P.U.R.E. Dj Pierre B2B François K

48




Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.