Le Bonbon Nuit - 96

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Été 2019 - n° 96 - www.lebonbon.fr



ÉTÉ 2019

C’est marrant, la nuit, les choses ont une autre temporalité. Les minutes, selon les circonstances, passent plus vite, ou au contraire, sont complètement figées. Exemples cons : tu te mets en état de transe devant les caissons de basse, hop, en un clin d’œil, tu t’es pris 20 heures dans les dents sans t’en rendre compte. Idem lorsque tu te lances dans des grandes discussions avec tes potes philosophes de backstage, ça ressemble toujours à une séquence des Gremlins en mode accéléré. Dans le cas inverse, je te donne un autre exemple, qui, j’en suis sûr, va te parler. Il y a de fortes chances pour qu’en soirée, il t’arrive d’envoyer des textos à des mecs qui livrent des pizzas. Ouais, le genre de mec avec qui tu dis : « T’es dans le coin, il me faut une grosse pizza, bien pleine de farine » et le mec te répond « dispo, fil moi adress + code ». T’es content, tu lui demandes quand est-ce qu’il débarque, et là, il te dit 30 min. C’est à cet instant précis que tu vas vivre une expérience inédite de dilatation temporelle, car ces mecs vivent dans un autre espace-temps. Dans cette dimension parallèle, tout est en gros multiplié par 3, tes 30 minutes, tu peux te les mettre où je pense, elles feront en réalité 90. Évite de pleurer, vois le truc autrement. À l’intérieur de cette temporalité, l’être humain vit en moyenne 246 ans et il faut 30 minutes pour se cuire un œuf. L’amour dure 9 ans, un coït 21 minutes, un orgasme 40 secondes. Tes vacances estivales de travailleur précaire durent 3 mois et un pet peut s’étaler facile sur 30 secondes. Rien que pour ça, quand le mec arrivera à la bourre en arguant qu’il y avait plein de circulation, remercie-le de t’avoir fait découvrir un nouveau monde. De toute façon, à partir de ce moment-là, le temps reprendra ses droits, et comme toujours, la nuit sera encore trop courte.

N°96

MPK


LICENCES : 1109052 ET 1109055 – RCS PARIS : 448 253 344


SÔRA, POSITIVE AVANT TOUT 15. VISITE NOCTURNE PARIS LA NUIT EN MUSIQUE 19. SORTIE ROCK EN SEINE 21. MUSIQUE MAXENSS, TROUBADOUR 27. SORTIE LOLLAPALOOZA PARIS 29. CINÉMA CLAIR OBSCUR, L’ÉDITO CINÉMA 31. MODE LA DISTILLERIE DE MANON, MADOS INFEKCIJA 37. GONZO UNE NUIT EN ENFER, ACTE I 41. MUSIQUE LALA &CE, ARTISTE AVANT-GARDISTE CONFISEUR JACQUES DE LA CHAISE RÉDACTEUR EN CHEF LUCAS JAVELLE DESIGN RÉPUBLIQUE STUDIO CARACTÈRE DE TITRAGE NIRVANA PAR RAPHAËL VERONA, ALTIPLANO GRAPHISTES CLÉMENT TREMBLOT, MARGOT ROBERT COUVERTURE SÔRA PAR NAÏS BESSAIH CHEZ ADONIS FLEURS RÉDACTION MANON MERRIENJOLY, PIERIG LERAY, LISA BELKEBLA, JACQUES SIMONIAN SR LOUIS HAEFFNER RÉGIE CULTURE FANNY LEBIZAY, ANTOINE KODIO RÉGIE PUB BENJAMIN ALAZARD, LIONEL PONSIN LE BONBON 15, RUE DU DELTA, 75009 PARIS SIRET 510 580 301 00040

SOMMAIRE

7. MUSIQUE

IMPRIMÉ EN FRANCE



LÉGENDES VIVANTES

Ils ne sont pas beaux, ils ne sont pas tout frais et ils n’ont peut-être pas toutes leurs dents… mais on s’en fout. On vous parle de Kraftwerk, là. On vous parle de ceux sans qui vous n’écouteriez pas de la techno jusqu’à midi, les pupilles éclatées dans votre warehouse du samedi. Donc on arrête les before à la gnôle et on va voir leur concert en 3D. Si vous avez l’anniversaire de votre grand-mère, ce n’est pas grave : il y en aura trois. Kraftwerk 3-D @Philharmonie de Paris 11-12-13 juillet

OHÉ DU BATEAU !

Une chouette croisière, destination paradis, pour un lopin de terre au bord du canal Saint-Denis fort sympathique. De la teuf, des jeux, du ping-pong, de la bière, un château gonflable, un stand de fripes, des flash tattoos, du soleil, nous peut-être… La liste est longue, y compris celle des collectifs qui animeront le bassin de la Maltournée. Ça risque d’être difficile à vivre pour ceux qui bossent le lundi. Mais franchement, la Kermesse Électronique, ça fait rêver. La Kermesse Électronique @Saint-Denis 20-21 juillet

BON TIMING

CECI N’EST PAS DU ROCK

Enfin… pas que. Rock en Seine, c’est tellement plus que son nom. C’est un festival d’anthologie, des programmations qui cassent les barrières des genres, des légendes (oui, aussi)… On ne connaît pas beaucoup de festivals qui alignent The Cure, Major Lazer, Jorja Smith et Foals. On ne connaît pas beaucoup de festivals qui arrivent à booker Aphex Twin non plus – seule date en France depuis 2011, on tient à le signaler, et probablement jusqu’en 2023. T’attends quoi ? Rock en Seine @Domaine national de Saint-Cloud 23-25 août



MUSIQUE

Sôra, positive avant tout TEXTE : PHOTOS : LIEU :

7

LUCAS JAVELLE NAÏS BESSAIH ADONIS FLEURS


8/9 JEANNE ADDED MUSIQUE

Elle est jeune, elle est dynamique et surtout autodidacte. Mais elle n’est pas toute seule. Sôra,

c’est un projet à deux, consolidé par la sortie de l’EP Number One en 2018, bien reçu par les critiques et le public. Une ôde à la soul, au R’n’B d’antan, en passant par le rap et l’électro-pop. Un savant mélange de styles que Julia maîtrise depuis son plus jeune âge ; une passion de la musique transmise par son père aujourd’hui disparu. Pas encore passés par la case album avec son compère Clément, ça ne saurait tarder. On se devait alors de les attraper au vol, pour connaître un peu plus Sôra et sa virtuosité qui casse les codes du genre.


LE BONBON : Pour ceux qui ne connaissent

pas, qui est Sôra ? SÔRA : Sôra, c’est mon nom d’artiste. Maintenant, ça représente le duo qu’on a formé avec Clément, mon producteur-ingé son. Ça veut dire “oiseau chantant qui prend son envol”en amérindien. Je l’ai choisi parce que je trouvais ça super poétique et super efficace – avoir un petit mot qui veut dire plein de choses en même temps. Ça doit faire deux-trois ans maintenant.

pas, c’est bien d’être guidé – je le suis quand même, bien sûr. J’aime beaucoup composer, j’aime bien être dans ma chambre et faire de la production moi-même. Toucher à tout.

L.B. Pourquoi écrire en anglais ? S. Tout simplement parce que mes

ambitions sont un peu “larges” et j’ai vraiment envie d’attaquer l’international, d’essayer de toucher un maximum de gens. La langue française est très belle, mais elle ne colle pas forcément avec le style et la musique que j’ai choisis.

L.B. Et pour ceux qui connaissent, qui est S.

Julia ? Julia a plus de facettes que Sôra, je pense. C’est quelqu’un qui aime beaucoup de styles, se nourrir de choses différentes, faire de la musique… Mais qui ne se résume pas qu’à ça.

L.B. Tu es chanteuse, compositrice, musiS.

cienne… À quel point es-tu autodidacte ? J'ai commencé le chant seule. Pour le reste, j’ai eu un appui d’enseignement. J’ai étudié un peu le piano, j’avais des cours quand j’étais plus jeune. Et quand j’ai voulu arrêter mes études pour me mettre à la musique à 100 %, là effectivement je suis rentrée dans une école de musique pendant un an. J’ai fait les auditions de conservatoires municipaux à la fin de l’année, ce qui m’a permis d’acquérir une expérience musicale plus large. Et là je viens juste de commencer la batterie. Ça va nous permettre d’élargir le champ des possibles en live, faire des petits échanges de drums… J’ai un peu mon noyau, ma bulle. Je bosse de mon côté avant de proposer des choses à Clément.

L.B. C’est important de savoir tout faire ? S.

D’avoir le contrôle sur tout ? Si on a une idée claire de ce qu’on a envie de faire, oui. Quand on ne sait

L.B. Si je te dis IAMDDB, tu me réponds ? S. J’ai pas mal écouté sa musique. C’est

quelqu’une de très en vogue, belle, qui chante bien… Elle a de bonnes idées, elle est aussi un peu hybride dans son style donc ça ne m’étonne pas.

L.B. Ses influences sont multiples, comme les S.

tiennes. C’est important ce côté hybride dans la musique ? Je suis complètement partisane de cela. Parce que quand on regarde le passé, on avait des styles vachement cloisonnés : du rock, c’était du rock… Les choses étaient assez carrées. On a pas mal creusé là-dedans et je pense qu’aujourd’hui, il faut laisser place à tout ce qu’on a pu prendre et mélanger à tout ce qu’on a envie d’apporter de neuf. La nouveauté passe par les mélanges, l’hybride entre ce que tu connais et ce que tu es.

L.B. Comment tu te détaches de l’étiquette S.

de “R’n’B moderne” que tu t’es toi-même collée ? J’essaye de ne pas me mettre de barrière, parce que pour moi la musique n’en a pas. Je compose tout en me disant que je ne veux pas que la musique soit trop facile, trop simple. J’essaye de pousser la technique, de



“J’évite de n’avoir qu’une ligne de conduite, que ce soit dans la composition ou l’écriture. Je creuse dans ce que j’aime.”


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faire en sorte que tout soit correct. Je mélange des textures, c’est très important. J’évite de n’avoir qu’une ligne de conduite, que ce soit dans la composition ou l’écriture. Je creuse dans ce que j’aime.

L.B. Elle était optimiste comment ? S. Elle nous a donné de la force. Elle

nous a toujours beaucoup écoutés, elle a toujours voulu savoir ce qui se passe dans nos têtes, dans nos cœurs. « Pour tout problème, il y a des solutions. Il y a plus de solutions que de problèmes dans la vie. Il faut se bouger les fesses. » On a vraiment pu compter sur elle, et c’est super.

L.B. Ça se reflète dans ton EP Number

JEANNE ADDED

S.

One. Quatre morceaux qui ne se ressemblent pas tant que ça, si ce n’est la voix. C’était de l’expérimentation ou tu savais pertinemment où tu allais ? C’était un peu les deux, pour être honnête. Quand on commence un projet, on a beaucoup d’idées – ou pas, d’ailleurs… (Rires) Pour nous, les idées fusent. On avait envie de montrer à quel point les genres de musique que j’écoute sont variés, et donc forcément ma musique suit ce schéma-là.

S.

L.B. Comment tu fais en tant que jeune S.

artiste aujourd’hui pour te démarquer des autres ? Juste la joie de vivre et l’optimisme. La foi en les choses, ça me porte pas mal, et j’essaye de la transmettre. Il n’y a pas tant d’artistes que ça qui essayent de transmettre des messages positifs aussi forts. C’est le petit plus sur lequel j’aime bien appuyer. En termes de musique, on essaye de se démarquer par la précision du son ; Clément est très pointilleux, précis et perfectionniste.

L.B. Tu parles d’une musique optimiste. Plus S.

MUSIQUE

L.B. Ton père disparu, c’est quelque chose qui

engageante qu’engagée alors ? Je préfère me raccrocher au meilleur, essayer de tirer des leçons de ce que je vis et en partager les solutions. Ma mère était tellement comme ça, avec mon frère et moi, que j’ai besoin de le transmettre aussi. C’est dit de façon subtile, parce que je n’ai aucune prétention, mais j’essaye toujours de rester positive.

se reflète dans ta musique ? Comment tu l’exprimes ? Avec des textes, comme “Sakura”. C’est une chanson qui m’a complètement été inspirée par cette perte. Ça parle du cycle de la vie, du deuil… C’est assez libérateur de pouvoir s’exprimer de manière subtile, à travers un peu de poésie. Ça m’a permis de sortir des émotions fortes, et ça m’a donné vachement de force aussi sur scène. Quand on est dans sa musique et qu’on pense aux choses, qu’on perd son père… On se demande s’il est là, s’il nous regarde, s’il est fier.

L.B. Tu penses que ta musique aurait été S.

différente sans ça ? Déjà, il y aurait des chansons qui n’existeraient pas. J’aurais peutêtre mis plus de temps à me mettre dedans à fond. Ça reste des hypothèses, mais je pense que ça a joué un petit peu. Mais de toute façon, mon père a passé tellement de temps avec moi à écouter de la musique… Il était complètement mélomane. J’ai envie de faire briller tout ça dans ce que je fais.

L.B. Il écoutait quoi ? S. Plein de choses, plein de styles diffé-

rents. Il écoutait aussi bien U2 que les Jackson 5 ou Madonna… Il m’a donné le goût de la variété des genres et des styles, et pouvoir apprécier tout tant que ça te parle et que ça te touche.


envie de continuer le projet à deux avec Clément. Ça venait solidifier notre confiance. Mais mes ambitions, oui, sont trop hautes pour me contenter que de ça. (Rires) En streaming, l’EP a bien marché, donc on est quand même très satisfaits. On a juste envie de passer la troisième.

L.B. Tu ressens quoi quand tu entends tes S.

propres morceaux passer quelque part ? Ça m’est déjà arrivé parce que des potes en avaient passés. C’est toujours marrant, parce qu’ils chantent tous. Il y a toujours quelque chose de convivial. Mais pour l’instant, jamais en dehors du cadre amical. Après, personnellement à l’écoute, ça dépend… Il y a des morceaux dont je ne me lasse pas, je suis contente qu’ils soient aboutis et qu’ils me donnent envie de chanter. Puis d’autres moins ; je n’en peux plus de les entendre. (Rires)

L.B. La musique, c’était déjà évident quand tu L.B. En 2018 tu disais que l’album devait S.

arriver bientôt. On est en 2019 ? Ça avance. (Rires) Le problème, c’est qu’on est obligés d’attendre. On a des deadlines, des plans de sortie à bien suivre… Je ne peux pas toujours faire ce que je veux ! Pas mal de choses ont été enregistrées, mais on va d’abord passer par un deuxième EP. Ça arrive courant de la nouvelle année. Je ne préfère pas trop en parler, parce que j’aimerais bien que ça sorte demain, mais ça ne marche pas comme ça. On va d’abord faire ce qu’on peut.

L.B. Ton EP, est-ce déjà un accomplissement ? S.

Ou tu attends l’album pour vraiment être satisfaite ? Quand l’EP est sorti, j’étais quand même soulagée. C’est juste venu confirmer le fait qu’on avait vraiment

S.

étais petite ? J’ai eu pas mal de volontés, mais chanteuse revenait très souvent. Les enfants changent toujours ; mon frère choisissait un métier différent chaque jour. J’étais un peu pareille pendant une époque, mais très vite je savais que je voulais être chanteuse. Malheureusement ça m’a pris la tête : je trouvais ça un peu trop utopique de bosser dans la musique. Je me voyais n’avoir aucune chance de réussir ou même juste de bien chanter ; une vision assez pessimiste. C’est bizarre, parce que ça ne vient pas de ma mère pour le coup. J’ai dû perdre confiance à un moment. Aujourd’hui tout va bien.

SÔRA – NUMBER ONE COLLIGENCE RECORDS DÉJÀ DISPONIBLE


VISITE NOCTURNE

en musique

T

LUCAS JAVELLE

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Paris la nuitÂ


Y a-t-il plus beau que Paris la nuit ? Ce spectacle ahurissant d’une capitale qui s’éteint au coucher du soleil avant de devenir la Ville Lumière. On y déambule facilement, on se laisse porter par le vent, les bruits de la rue, les enseignes lumineuses… Et la musique. Si elle est omniprésente dans les rues de notre belle ville, elle n’est jamais autant célébrée que le 21 juin. Pour le jour le plus long de l’année, c’est une visite nocturne bien courte que nous sommes allés faire dans tout Paris.


16 / 17 PARIS LA NUIT VISITE NOCTURNE

19H02. Heure sacrée au bureau, puisqu’elle sonne l’heure de notre liberté. Les plus téméraires continueront encore. Pas nous. On a rendez-vous avec la musique, qui ne nous aura pas attendus pour commencer à résonner à tous les coins de rue. On enquille vite une bière, à peine sortis. Une autre. La légende raconte que si l’on se souvient de sa Fête de la musique, c’est qu’elle n’était pas aussi réussie qu’on le prétend. On s’empressera de le vérifier. Le soleil, loin de se coucher, nous accompagne tranquillement ; il ne fera pas aussi chaud que les semaines qui suivent. Lentement mais sûrement, on se dirige vers les ButtesChaumont. Déjà l’ambiance du métro nous fait ressentir l’atmosphère si particulière propre à ce jour de l’année : un sentiment de liberté totale, de joie et de partage.

20H23. Il nous en aura fallu du temps pour arriver ; les Buttes ont la réputation d’achever tout fêtard non averti. Tels de fiers punks à chiens, on déambule sur le chemin, une canette à la main. Ça gueule, ça rigole, l’ambiance est chaude et nous ne sommes que cinq. Au détour d’une rue, on se goure de trajet. Un beau cul de sac comme on en voit rarement, à l’américaine, avec son petit rond-point pour faire demi-tour et ses résidences à 2 000 balles le mois, CDI obligatoire. Paris nous fascine, mais la soirée nous fera vite oublier ses injustices. C’est aussi ça la force de la musique : casser la réalité pour créer la sienne. Pas besoin de festival à paillettes et de techno schlag pour le savoir. En terrasse, on se prélasse devant un groupe de jazz ou un chanteur guitare à la main. 20H47. Enfin arrivés au point de rencontre. On n’y retrouvera finalement personne, nos compagnons de soirée bien décidés à rester dans leur repère : le Pavillon Puebla. Là où Pain Surprises a décidé de fêter la musique, on assiste à un spectacle digne de la ligne 13. Les deux terrasses sont blindées, les gens se bousculent dans les escaliers et une queue

aussi longue que celle de Rocco se presse devant le lieu. Autour, les pelouses sont infestées à n’en plus voir le vert ; difficile d’y trouver un mètre carré d’herbe pour s’asseoir. On se retranchera plus bas, tels des campeurs fiers d’avoir trouvé le bon coin pour y planter leur tente. L’image prend tout son sens ici puisqu’on y restera un bon moment – pour ne pas dire la moitié de la nuit. Le seul souci, c’est qu’on n’appréciera pas autant la musique. D’un côté, le Puebla crache ses watts jusqu’à nos oreilles – sans nous déplaire. De l’autre, rien. Pas une guitare, pas une enceinte. La Fête de la musique est en mode vibreur.

21H45. Une heure après s’être installés, le soleil s’éteint. Ce qu’on ignore sur le moment s’avérera fatal plus tard : la sécurité du parc siffle dans tous les sens, pour prévenir de la fermeture des Buttes. Du haut de la nôtre, les gens observent la scène sans trop d’intérêt. La musique continue de faire rage sur la terrasse du Puebla, l’alcool continue de monter au cerveau. Rien ne laisse penser que le parc peut fermer, d’autant que la petite fête au-dessus de nos têtes est censée continuer passé minuit. La nuit commence, nos esprits sont embrumés. Toutes nos décisions sont désormais lourdes de conséquences, mais rien ne nous arrête. 23H17. On en veut pour preuve notre cher collègue, une pinte de trop dans la gueule, qui commence à sauter partout et crier plus fort qu’un chameau. L’animal est inarrêtable et prend exemple sur l’un de ses semblables qui s’amuse à dévaler la pente en galipettes. Son premier essai sera le dernier, atterrissage forcé sur le visage à deux mètres de la barrière. Le malheureux va bien, qu’on se rassure. Mieux, en tout cas. On pense qu’il entend encore aujourd’hui les carillons de sa descente en enfer, en do mineur. 00H15. Force est de constater qu’une heure après, on se fait chier. Non pas


parce que notre petite compagnie est peu engageante, mais surtout parce que l’ambiance stagne, les gens s’en vont et la musique finit par tourner en rond. Pendant ce temps, notre cervelle se noie dans un brouillard d’alcool, notre langue fourche à chaque mot. Avant de perdre tout espoir de voir la soirée continuer, on se hâte vers la sortie.

00H45. Une demi-heure. On aura déambulé une [censuré] de demi-heure pour trouver la sortie. On entend encore les coups de sifflet de la responsable du parc plus tôt, on s’en bouffe les doigts. Le meilleur dans cette histoire ? La seule sortie ouverte est celle à 50 mètres de là où on s’était posés. Une vérité dont on ne prendra connaissance qu’après avoir fait tout le tour des Buttes, l’ébriété comme seule guide. La faim nous saisit. Paris attendra, direction les États-Unis. Là aussi, on partage l’ambiance avec les autres zombies affamés. Chants, cris, rires et exaspération : les premiers pour nous, le dernier pour les responsables de notre bonne pitance. 01H32. On se souviendra précisément de

cette heure-ci, dernier regard clair sauvé du flou de l’alcool en direction de notre téléphone. On avait un seul objectif après s’être rempli la panse : retrouver d’autres compatriotes du côté de Laumière. Motivés par un vent d’adrénaline, on tente la traversée à pied, nos verres vides. Si l’alcool est à consommer avec modération, on aurait pourtant dû s’en payer une bonne tranche de plus. Et si l’histoire s’arrête ainsi, c’est parce qu’elle ne nous aura pas rappelés le lendemain matin pour nous la raconter. On nous l’avait dit : s’oublier un soir de Fête de la musique est la meilleure façon de la finir. On entend pourtant encore les rythmes de la rue, les sirènes, la techno, bien plus présente que jamais, des troquets aux espaces verts, tout le monde est DJ… Paris brille. On oublie que, dans une semaine, on ne l’aimera plus. Mais que la semaine d’après, si. Et que la visite n’est jamais finie.


SORTIE

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Rock en Seine


Il y a seize ans, le domaine national de Saint-Cloud accueillait un festival “timide” de 22 000 spectateurs, avec quelques “petits” artistes du moment : Massive Attack, Morcheeba, Keziah Jones, PJ Harvey… Une franche réussite.

Dès sa deuxième édition, Rock en Seine s’étale sur deux jours, invite deux fois plus d’artistes et continue de faire trembler la réserve naturelle aux Portes de Paris et vibrer le public. De rock, il garde l’esprit, sans pour autant en avoir la direction artistique – même si des légendes du genre viendront y jouer année après année. Une quinzaine d’années après, Rock en Seine est plus fort que jamais. Tellement fort qu’il se positionne là où personne n’a réussi : inviter un artiste comme Aphex Twin, pionnier de la musique électronique, alors que ce dernier ne se produit quasiment jamais sur scène – sa dernière fois à Paris, c’était en 2011. Côté rock, d’autres pionniers : The Cure. Si la musique de l’un est aux antipodes de celle des autres, l’association des deux en têtes d’affiche séduit et prouve l’expertise du festival : artistes comme public lui font confiance. Rock en Seine, c’est désormais près de 120 000 festivaliers attendus, cinq scènes, des expositions, une mini-scène pour les plus jeunes… En bref, un véritable pôle culturel annuel, avec même son camping pour inviter les plus téméraires à vivre l’expérience à 200 %. En plein air, au

cœur d’un jardin authentique, le public se déhanche et profite d’un été en musique bien mérité. Du 23 au 25 août, une fois de plus, les watts feront rage sur le domaine national de Saint-Cloud. Et ça tombe bien, car Rock en Seine a prévu de bien belles surprises. En plus des deux monuments cités plus haut, tous les genres seront représentés, du R’n’B de la jeune et talentueuse Jorja Smith au pop-rock alternatif de Balthazar. Et bien d’autres : Foals, Major Lazer, Alpha Wann, Kompromat, Jeanne Added, Jungle, Tommy Genesis, Bagarre, Weval, Two Door Cinema Club… Tout ce beau gratin nous met l’eau à la bouche, et ça ne s’arrête pas là. Les performances y seront uniques, tout comme l’ambiance. On aura donc hâte d’être à Rock en Seine. Pour l’esprit rock, pour les artistes, pour l’univers et pour la joie et le partage. ROCK EN SEINE DOMAINE NATIONAL DE SAINT-CLOUD 23-25 AOÛT ROCKENSEINE.COM


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MUSIQUE

Maxenss T P

LUCAS JAVELLE NAÏS BESSAIH

troubadour des temps modernes

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22 / 23 MUSIQUE

MAXENSS

« Nique ta mère, fils de pute, la chatte de la con de ta mère la pute. » C’est avec cette marée d’insultes qu’il s’est fait connaître. Une vidéo sobrement intitulée “Démonétisation” à la dizaine de millions de vues, véritable pied de nez à YouTube qui refuse de rémunérer les vidéos con-tenant des propos grossiers ou choquants. Maxence Laperouse, a.k.a Maxenss ou Maxou le zozo,

casse les codes du net et de la musique en une simple vidéo, née d’un délire en une heure. Presque trois ans plus tard, il n’a pas changé ; ses délires sont devenus son métier et chanter, sa passion. Après une expérience forte avec ses compères du groupe VSO, il souhaite désormais faire son bout de chemin seul et sort un premier EP.


L.B. Combien de personnalités a Maxence ? M. Une ! Pourquoi il y en aurait d’autres ?

pas exprès. Je pense que ça va avec mon ambition d’assumer ma folie et ne pas me fixer de barrière. Et ne pas me laisser juger par les gens qui me considèrent bizarre.

L.B. Entre Maxenss, Maxou le zozo et tous ces M.

petits personnages que tu incarnes sur les réseaux sociaux… Au final, il n’y en a quand même qu’une seule… Ça ne sert à rien de cacher la vérité ! (Rires)

L.B. Qu’est-ce qui t’a inspiré à faire toutes M.

L.B. Sur ta chaîne YouTube, ta description M.

c’est : « Je chante. » C’est comme ça que tu expliques aux gens ce que tu fais ? Oui… J’aurais pu la compléter en disant : « Je chante, je joue la comédie, je m’amuse, je fais du ski de temps en temps… » J’ai toujours fait ce qui me faisait kiffer, et c’était plus simple de le définir comme ça. Je n’ai pas envie que les gens me collent une étiquette, que ça soit youtuber, chanteur, déconneur…

L.B. C’est un rêve d’enfant qui s’accomplit, M.

tu chantais déjà tout petit ? Oui ! Après, je ne me pensais pas prédestiné à ça. À la toute base, je voulais être humoriste ; je faisais des petits spectacles dans la cour. Avec mon frère on faisait des petits sketchs vocaux où on s’amusait à parodier des émissions de radio. Le chant est venu un peu plus tard, par hasard, en option musique au lycée. Il manquait un chanteur pour quelqu’un, je m’y suis essayé et j’ai adoré. C’est devenu une vraie passion.

L.B. Ton travail aujourd’hui, c’est tes délires M.

d’enfance. Disons qu’enfant, j’ai toujours eu cette ambiguïté – on me l’a toujours gentiment reproché. Les gens qui ne me connaissent pas disent toujours : « Je ne sais jamais si tu es sérieux… On n’arrive jamais à te cerner. ». J’ai toujours aimé cultiver ça. Je n’en connais pas l’origine, je ne le fais

ces choses ? C’est bateau mais… la vie ? (Rires) Les épreuves, le quotidien qui m’atteint et dont j’ai envie de parler…

L.B. Et d’un point de vue artistique ? M. Je suis un gros fan du groupe

Defftones, nu metal ; j’ai baigné là-dedans quand j’étais petit. Beaucoup Nirvana aussi, je suis très inspiré par le côté un peu grunge des choses, hors cadre. Après je vais te citer un mec que tout le monde cite, mais je suis un grand fan de Jim Carrey, pour toute sa carrière, tout ce qu’il est et tout ce qu’il incarne.

L.B. D’où viennent toutes ces idées que tu M.

façonnes à l’image, en musique ou même dans ton comportement ? (Il hésite.) C’est si dur de répondre à ça. Ça vient de mon cerveau et de ma manière de contextualiser. Tout ce que j’ai fait depuis le début vient d’idées spontanées que je travaille. Il y a des jours je vais y arriver, d’autres non. Un peu comme cette interview. Un peu comme quand on m’arrête dans la rue : parfois je peux être hypersensible et un peu bizarre et froid, ou alors accueillir la personne en lui faisant un gros câlin et comme si c’était le meilleur pote de ma vie. C’est un truc un peu indomptable.

L.B. Tu as du mal à gérer ce nouveau succès ? M. Ça dépend. C’est bizarre, parce que c’est un truc que tu ne peux pas préparer. Tu ne peux pas te dire : « Un jour, si je suis connu, je fais ci, je


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fais ça… » Déjà parce que c’est très bizarre de se poser la question. Et surtout, quand ça arrive – même si personnellement c’est venu assez vite –, tu ne t’en rends pas compte. Mais on finit par prendre “l’habitude”, on arrive à dompter le truc. Quand on vient me voir dans la rue, je peux le vivre un peu violemment. Ce n’est pas que je n’aime pas les gens, c’est surtout que je suis de base une personne vachement introvertie – malgré les apparences. Un peu comme un chat, tu ne sais jamais si je veux des caresses ou non.

L.B. C’est ton animal totem ? M. Mon entourage dit souvent que je

MAXENSS

suis plutôt un labrador. Parce que je saute partout et que j’ai tout le temps le sourire. Je ne sais pas trop quoi en penser… Je me reconnais aussi dans la personnalité du chat. Ce côté un peu indomptable et assez spontané. Mais n’hésitez pas à venir me solliciter dans la rue, c’est toujours un plaisir de rencontrer des gens et de parler. Ça me rappelle tous les jours que si je suis là, c’est parce qu’il y en a qui veulent me voir.

L.B. Ta musique est assez inqualifiable,

M.

tu la décris toi-même comme une « pop décomplexée ». Qu’est-ce qui fait de ta musique de la musique ? Ça s’écoute avec des écouteurs ou des enceintes et c’est généré à partir d’instruments ou d’ordinateurs.

L.B. Tu perçois qu’on puisse t’écouter plus

MUSIQUE

M.

pour le délire que la musicalité ? Je comprends. C’est logique, vis-àvis de tout ce que j’ai déjà sorti et vis-à-vis des styles que je propose et que j’ai envie de proposer. Les gens qui m’écoutent, c’est peut-être plus pour moi que pour le genre, mais je trouve ça cool. On est plus habitués à

ce que les gens fassent plein de trucs, à l’heure des Billie Eilish ou Hubert Lenoir. Se libérer comme ça et libérer un peu la musique. Ne pas forcément avoir toujours cette volonté de remplir des cases.

L.B. Tu as l’air d’une personne pas sérieuse M.

du tout… Pourtant ce que tu fais est hyper sérieux. Comment tu l’expliques ? Je ne l’explique pas. (Rires) C’est à la fois un plaisir de ne pas être sérieux et en même temps une défense. (Il réfléchit, sans conviction.) Je ne sais pas…

L.B. Ne pas être sérieux, c’était le travail M.

parfait pour toi ? Carrément ! C’est le travail parfait pour tout le monde, je pense. C’est trop bien. C’est ne pas oublier sa part d’enfance et pouvoir continuer à tout lâcher comme quand on était gosse et qu’on ne se préoccupait de rien. Tout en gardant quand même ses responsabilités de vie en société.

L.B. Comment tu expliques à tes parents ce M.

que tu fais aujourd’hui ? Ouf… (Il soupire.) Alors là, compliqué. La définition que j’aime bien donner en général, même quand les gens me le demandent, c’est que je suis un troubadour. Je divertis. Je procure des émotions. J’essaye de manier comme je peux les arcs que j’essaye de maîtriser. Après, c’est un peu dur pour eux de comprendre tout ce qui est réseaux sociaux et le fait de gagner de l’argent via ces médias – c’est aussi compliqué à expliquer. En tout cas, ils ont l’air d’avoir compris que je vivais juste les trucs que j’ai envie de vivre, et surtout que j’arrive à en vivre.


L.B. Ton passage à La France a un M.

L.B. On t’avait découvert aux Recettes

M.

Pompettes, aujourd’hui tu fais l’émission Crac-Crac. Le point commun, c’est Monsieur Poulpe. On a une chouette relation – on s’est encore eus au téléphone tout à l’heure. Je lui dois pas mal. C’est lui qui m’a mis un pied dans la télévision. On a ce projet super cool avec Crac-Crac, dans lequel je suis troubadour, justement. On s’entend bien. À la toute base, il cherchait un invité pour les Recettes Pompettes, il avait beaucoup aimé “Démonétisation” et souhaitait que je vienne la faire. Au final, il m’a proposé également l’émission sur Canal. On entretient une relation assez cool, et j’espère que plus tard on multipliera les projets ensemble.

incroyable talent, ça t’a apporté aussi ? Oui, clairement. Pour évoquer un peu ça – je ne me suis jamais vraiment expliqué là-dessus –, c’est la production qui voulait que je vienne faire une chanson. Le jury n’était pas au courant, les équipes non plus ; seule la prod’ savait que je venais faire cette blague. Je suis venu comme un candidat normal, je n’ai pas été payé. Honnêtement, ça ne m’intéressait pas. Par contre, mon rêve d’enfant, c’était de venir troller cette émission. C’est même pour ça que j’ai voulu créer un personnage avec un accent un peu lunaire. J’ai insisté pour garder mon prénom, je ne voulais pas qu’on croit que j’étais un acteur pour éviter les embrouilles. Je ne voulais pas non plus que les gens pensent que je l’ai fait pour réussir à la télé… Ce qu’on ne voit pas au montage, c’est que les quatre jurés – avant l’affaire Gilbert Rozon – m’avaient dit oui. J’ai refusé de faire la suite parce que j’étais simplement venu faire ma vanne. Je ne regrette pas de l’avoir fait, parce que oui, ça m’a apporté : je me suis fait repérer par une agence de comédiens. Ça a été un gros buzz. Ça m’a amené plus de visibilité et des opportunités de carrière. Et je me suis bien marré.

L.B. Entre tes passages sur le net, à la

M.

télé et ce que tu fais en général, le point commun, c’est chanter pour faire rire. Quelque part, il n’y aurait pas un filon à exploiter pour faire un one-man-music-show ? Ah, c’est pas bête ! À l’heure actuelle, je souhaite surtout faire des chansons un peu plus perso et lever un peu plus ce masque de Maxou le zozo. Pourquoi pas, un jour. Je te donnerai une petite part sur l’idée, si je suis amené à faire ça. (Rires)


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Des années durant, les Français, amoureux de la fête folle, jalousaient les Américains d’avoir dans leur pays l’un des festivals les plus pointus de ce monde. Puis vint le tour d’envier les Brésiliens, et les Argentins. Peut-être même les Allemands. Mais 2017 sonna, et Lollapalooza débarqua dans notre belle capitale. Justice pour la France. Musique pour tous. Et longue vie au…

FESTIVAL

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LISA BELKEBLA


Lollapalooza Paris Red Hot Chilli Peppers, Sonic Youth, Ramones, The Prodigy, Snoop Dogg... comment le monde pourrait-il nous en vouloir d’avoir longtemps été envieux des festivaliers d’ici et d’ailleurs (mais surtout d’ailleurs) ? Oui, car le Lollapalooza, c’est en quelque sorte le défilé annuel des plus grands artistes qu’on a tous rêvé de voir se produire sur scène. Heureusement pour nous, le festival itinérant a décidé de poser ses bagages du côté de l’hippodrome ParisLongchamp, et cette année, il revient pour une troisième année consécutive les samedi 20 et dimanche 21 juillet.

Il serait pourtant bien peu gratifiant de ne résumer le Lollapalooza qu’à la musique, tant l’univers construit autour du festival se veut immersif et accompli. Si l’évènement festif nous met du bonheur plein les oreilles, il nous en glissera aussi une délicieuse pincée sur le bout de la langue pour satisfaire nos papilles gustatives, avec son line-up alléchant de “Lolla Chef ” : Jean Imbert, Christophe Adam, Yann Couvreur ou encore Denny Imbroisi... la crème de la crème des chefs cuisiniers sera présente pour nous remplir la panse dans un espace dédié à l’art culinaire. Elle est pas belle la France ?

Un rendez-vous musical placé sous le signe de l’éclectisme, et dont la programmation n’est pas décevante pour un sou. Parmi les plus attendus, puisqu’il faut bien faire notre petite sélection made in Bonbon Nuit, on retiendra notamment The Strokes, de retour pour un concert en France qui nous faisait fantasmer depuis belle lurette. On citera également Twenty One Pilots, Orelsan, Ben Harper & The Innocent Criminals mais aussi Nekfeu, Jain, IAM, Bad Bunny et The 1975. Voilà. Rien à dire de plus. Chers Américains : Cheeeh !

Mais le festival ne s’arrête pas en si bon chemin et proposera bien d’autres animations, à l’instar du “Kidzapalooza” pour satisfaire les petits et “Lolla Planète”, un espace dédié au développement durable et à la sensibilisation aux problématiques environnementales Et ça, on ne peut que l’apprécier. Lolla : bravo !

LOLLAPALOOZA FESTIVAL DU 20 AU 21 JUILLET 2019 HIPPODROME PARISLONGCHAMP LOLLAPARIS.COM


28 / 29 CINÉMA

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PIERIG LERAY

Clair obscur, l’édito cinéma


C’est l’été, les corps qui se dénudent dans une pudeur volatilisée par l’UV… Ça dégouline, le doigt qui se glisse dans une aisselle trempée, l’odeur marine d’un slip trop serré… Il fait chaud, affalé dans un canapé-lit qui te déglingue un dos fragilisé par une sédentarité à faire pâlir le tétra’ voisin de palier et son fauteuil qui grince, mais qui berce avec volupté ta sieste dominicale. Ta télé est allumée, hypnotisée par les routes escarpées du Tour de France et l’odeur du goudron brûlé, tes yeux vacillent, et t’abandonnent dans une rêverie fellinienne. Des formes géométriques disproportionnées et ces premières paires de seins caressées, les couleurs stroboscopiques d’un cinéma en plein air, la rotation ininterrompue d’une langue abrasive dans une bouche baveuse et ton nez qui respire pour la toute première fois l’odeur du foutre tiédi par l’effet de serre d’une tente de bord de mer. Retour à la réalité, il est 17 heures, et ton dimanche est déjà bien niqué. Ta meuf te tanne pour bouger au château de Chantilly ou à la ferme bio du Plessy, mais quel merdier. Alors tu te dis que t’abrutir devant Netflix et son portfolio d’idiocrates sans cravate t’élèvera un peu de ton esprit vaporeux. Et tu te persuades que Black Mirror est toujours à la hauteur, que Dark c’est du Orwell contemporain et que le documentaire sur l’intelligence artificielle répond avec brio au 20 ans de Matrix. Eh bien tu te trompes. Et le misérabilisme de ta petite vie hideuse ne s’en sortira pas tant que ton cul sera scotché à ce canapé-lit, que les roues de ton voisin continueront de grincer et ton abonnement Netflix de te sucer. Quand j’apprends avec un dégoût certain que Netflix tente de s’accaparer les droits du fabuleux J’ai perdu mon corps de Jérémy Clapin, film d’animation grandiose et révélation du dernier festival de Cannes,

comment peut-on s’empêcher de hurler une colère qui n’a finalement aucun poids dans ce désert aride consumériste. Priver les salles de cinéma de recevoir du cinéma, quelle drôle d’invention moderne. Prenez Kev Adams et Dany Boon, capturez Ontoniente et Dubosc, mais laissez le cinéma indépendant tranquille. Par pitié, même l’extraordinaire Paul Thomas Anderson s’est fait enculer par le N rouge et noir. Et quand Refn s’extasie du streaming, on ne peut que se raccrocher au vieux loup de mer Tarantino qui rêve d’un cinéma unique en 8 mm. Ne faut-il pas alors baisser les armes ? S’effondrer dans ce vieux canapé-lit, et ne plus bouger. Avaler de l’image, suer sans dégouliner sur son voisin, péter avec lourdeur sans tenter la discrétion du silencieux, bouffer son BK Delivroue et jouir d’un plaisir solitaire, égoïste, où le seul partage restera un screen-shot du dernier plan pour ta storie Instachiasse ? C’est l’été, et la canicule qui délivrera peut-être ta grand-mère t’oblige à t’isoler. Pourquoi ne pas choisir Danny Boyle et Yesterday (sortie le 3 juillet) a.k.a “best pitch ever” ? Tu te réveilles, et il n’y a que toi qui connaisses les Beatles. Du coup, tu pompes toutes leurs ziks et tu deviens une mégastar. Trip mégalomaniaque de sieste d’été, assurément. Le nouveau film de Luc Besson ? Non je déconne, t’inflige pas ça (Anna, sortie le 10 juillet), écouter Jean Reno jouant la voix de Mufasa dans Le Roi Lion version Favreau (sortie le 17 juillet) ? Mais pourquoi pas. Sinon, cours voir le dernier Tarantino, Once upon a time in Hollywood, (sortie le 14 août) et Zahia dans le film de Zlotowski Une fille facile, un revival des Valseuses magistralement mis en scène. Ou pas. Mais alors par pitié, va prendre une douche.


STYLE

Mados Infekcija le virus de la mode T

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MANON MERRIEN-JOLY


Le Bonbon s’octroie un tour de l’Europe de l’Est et se met à la recherche des designers qui imaginent ce que les Parisiens porteront demain. On a demandé des tuyaux à Sandra Straukaite, designer de mode, mais surtout co-fondatrice et directrice artistique du festival lituanien Mados Infekcija (“Virus de la mode”) qui réunit chaque année les créateurs lituaniens les plus barrés de leur espèce.


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MADOS INFEKTIJA

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“Le festival est ouvert à tous, et pas seulement le trio acheteurs, presse et gens de la mode, et c’est cela qui nous différencie des événements mode de l’Ouest, accessibles uniquement sur invitation.”

LE BONBON : C’est quoi Mados Infekcija ? Un festival ? Une fashion week ?

SANDRA STRAUKAITE : On a lancé

Mados Infekcija qu’on appelle aussi “Fashion Infection” en 1999 : le but, c’est d’affirmer une liberté idéologique et de toujours chercher des talents audacieux, mais pas représentatifs du glamour commercial. Le festival est ouvert à tous, et pas seulement le trio acheteurs, presse et gens de la mode, et c’est ça qui nous différencie des événements mode de l’Ouest, accessibles uniquement sur invitation. Depuis, j’ai l’impression que c’est devenu un vrai phénomène culturel plus qu’un simple événement, parce qu’on attire finalement des scénographes, des photographes, des DJ’s, des musiciens, des artistes qui font de la vidéo, du design graphique, en plus des créateurs de mode.

L.B. Comment c’est né ? S.S. C’est parti d’une idée simple ; on était

un groupe de jeunes designers, on ne voulait pas payer pour participer à la fashion week locale, où l’on pouvait défiler seulement si on avait de l’argent. On s’est efforcés de créer un festival plus libre, de meilleure qualité et où la mode était envisagée comme de l’art.

L.B. Comment vous choisissez les artistes qui participent à Mados Infekcija ?

S.S. Il y a deux façons de montrer une

collection au festival. D’un côté, les designers invités, que l’on choisit pour leur audace et leur créativité d’abord, et de l’autre, ce qu’on appelle “Injection”, une compétition internationale. On l’a lancée il y a dix ans, c’est une plateforme pour


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les étudiants autant que pour les professionnels, et sans âge limite, qui permet d’accéder au festival. C’est comme ça qu’on fait grandir notre communauté. Ceux qui sont importants pour nous, ce ne sont pas ceux qui parlent fort mais ceux qui ont toujours quelque chose à dire. On n’a aucune envie de montrer des marques pleines de paillettes, de glamour, on s’intéresse plutôt aux bizarreries – à tout ce qui est étrange – qui ne reçoivent pas toujours la visibilité qu’ils méritent sur le moment.

L.B. Comment vous préparez le festival, chaque année ?

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MADOS INFEKTIJA

S.S. Depuis le début, “Fashion Infection”

s’est toujours tenu au Centre d’Art Contemporain de Vilnius. Du coup, c’était de plus en plus compliqué de réinventer la scénographie pour un même espace et le rendre différent. C’est pour ça qu’on a lancé l’idée d’un thème particulier chaque année. En 2019, c’était “on ne jette pas” : on a abordé l’idée du zéro déchet dans son ensemble, de sorte à éviter de gaspiller des matériaux donc, mais aussi du temps et des idées. L’année dernière, le thème était l’uniforme. Côté scénographies, on a préparé des installations très variées, d’un hommage au Bauhaus jusqu’au changement climatique, en passant par Twin Peaks. En 2020, le Centre d’Art Contemporain sera fermé pour travaux donc on va être obligés de chercher un nouveau lieu. Ca va être surtout le gros challenge, parce qu’à Vilnius, il n’y a pas d’espaces aussi grands pour ce genre d’événements.

L.B. Quelles évolutions vous constatez en 20 ans d’existence ?

S.S. Les changements sont inévitables. Au

début, les designers étaient des maximalistes très voraces, qui se levaient pour leurs idées. Aujourd’hui, tu peux créer un T-shirt et te qualifier de designer de mode. Les standards de qualité du festival ont énormément augmenté mais la communauté des jeunes designers me semble de moins en moins occupée... On reçoit beaucoup de compliments, et les meilleurs feedbacks nous viennent de créateurs non lituaniens. Tout le monde est surpris du professionnalisme d’une équipe qui ne vient pas de Paris, mais de Lituanie.

L.B. Justement, y a-t-il des jeunes designers lituaniens que vous souhaiteriez faire découvrir en France ?

S.S. Akvile Jancauskaite et son label

DuBistFantastisch (un mélange de sous-culture punk, minimalisme aggressif et une esthétique garage, ndlr), Inga Skripka (qui conçoit des sortes d’uniformes champêtres avantgardistes, ndlr) et Leonsenberg (un duo adepte de la superposition et du mix de motifs, ndlr).

L.B. Vous vivez où, en Lituanie ? Vous pouvez nous parler un peu de la vie, là-bas ?

S.S. Personnellement, j’habite à Vilnius,

la capitale. La résurrection du plus vieux marché local est devenue un phénomène culturel et social, donc c’est à voir absolument. Ah oui, et si vous passez, goûtez les meilleurs cocktails de la ville au Youngs’ Club. Et sur le plan artistique, le Kazys Varnelis House-Museum est un diamant brut, pas vraiment connu mais hyper impressionnant.

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UNE NUIT

EN ENFER ACTE I

Kevin est pessimiste, imbu de sa personne, détestable et con. Il n’aime pas faire la fête la nuit parce que c’est un con. Il va vivre la pire.

T P

ROBERT DE LA CHAPELLE DIDIER ROGER


« T’as pas un taz ? » Ça commence. J’ai pas foutu un pied au milieu de la salle que ce vieux déglingué vient m’emmerder. Comme d’habitude. À croire que c’est écrit sur ma gueule “fournisseur de schlags”. Non, mon pote. J’ai pas de taz. Je prends pas de cette merde. D’ailleurs tu devrais éviter toi aussi, vu ta tronche là tout de suite. C’est ça, retourne d’où tu viens, à essayer de comprendre comment faire marcher ton corps alors qu’il a clairement déposé sa dém’. Je savais que j’aurais pas dû accepter, putain. Tout ça, c’est la faute de l’autre tocard. Toujours bon à m’entraîner dans les vieux plans, lui. Il se ramène avec sa petite gueule d’ange, il fait les yeux doux en te disant : « Non mais c’est la soirée de l’année, viens merde ! J’te jure y aura de la meuf, j’te paye ce que tu veux à boire… Si ça te plaît pas t’es chez toi en dix minutes. » Le problème, c’est que ça me plaît pas. Mais il s’en fout, il veut de la compagnie, il a besoin qu’on lui tienne la main. C’est Benjamin. C’est un peu un autiste parfois. J’ai rien contre les autistes, mais lui, c’est particulier. J’arrive pas vraiment à me souvenir de la fois où on est devenus potes. J’ai souvent l’impression qu’on ne l’est pas vraiment, mais qu’à force de traîner ensemble, on s’y fait. V’là que je finis par me retrouver dans ce bordel. Tiens, le petit bonhomme de tout à l’heure a pas l’air dans son assiette. Il est tellement courbé, on dirait Quasimodo dans le son. J’hésite un coup, je vais vers le bar. On me bouscule, j’ai de la bière sur mes pompes. J’entends pas « pardon », mais dans le doute je dirais que c’est probablement parce que le couillon qui sait pas se tenir

n’a rien dit. Au comptoir, j’ai l’air bien trop blasé et la serveuse bien trop mignonne pour tenter quoi que ce soit. On me sert une pinte à douze balles, parce que sinon c’est pas drôle. Oui, je sais, ça va. J’ai l’air d’un vieux ou d’un gros con comme ça ; souvent les deux. J’ai perdu le sens de la fête quand celle-ci est devenue un prétexte pour plein d’autres choses. Les gens ne s’amusent plus, ils consomment leur divertissement. C’est d’une tristesse. Et c’est moi le vieux con… Ou le gros con, tu choisis… Une tape sur l’épaule. Benjamin. « Bah alors, tu te touches ? - Elle est fraîche la petite au bar… - Ouais ben c’est pas avec la gueule que tu fais que tu vas t’en sortir. Tu veux pas venir t’ambiancer un peu ? - Je fais que ça, m’ambiancer. L’ambiance est partout. Tu veux pas plutôt qu’on se barre ? - Tu veux pas arrêter de faire la meuf ? Il m’a saoulé. J’en peux plus. J’essaye de me barrer, je percute quelqu’un. Un peu plus de bière sur mes pompes. - Hola ! Doucement quand même ! - Désolé. - Ah pardon j’avais pas vu ta gueule, c’est moi qui m’excuse. Ah ouais, la claque. Le gars cherche. - Pardon ? - Non mais arrête de t’excuser, c’est pas ça qui va arranger les choses. T’as vu ta gueule au moins avant de venir ici ? -… - Non parce qu’ici on vient se la coller et s’éclater, pas enterrer mémé. Faut sourire un peu dans la vie, merde ! Quoi, t’as renversé un peu de bière ? Mais on s’en bat les…


GONZO

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Deuxième claque. Revers du droit direct dans le crâne. Et le mec n’a pas bougé. Je fais peut-être souvent le malin à croire tout savoir, mais lui il m’a couché rien qu’avec ses paroles. - Bon écoute, j’ai pas l’habitude d’aider les cassos, mais j’aime pas non plus avoir un suicide sur la conscience. Et maintenant que je t’ai vu, j’ai peur que ça arrive… - Non mais j’ai pas du tout l’intention de… - Non mais ferme-la, je t’ai pas demandé ton avis. J’te propose mon aide. Avec moi, tu verras, t’oublieras pas de sourire. Pour commencer, une power beer. Ça sera déjà mieux que ta vieille pinte de blanche dégueu. Je comprends rien. J’ai beau chercher, pas moyen. Et bizarrement, ça m’excite. Pour une fois qu’il ne se passe pas la même routine pourrie des soirées en boîte. Il m’intéresse, le gaillard. Avec sa dégaine de vieux briscard, grosses bottines et bonnet vissé sur la tête. Un hipster de cinquante balais. Presque ridicule. Et on parle de ma gueule ? T’as pas vu la tienne, poto ! - C’est une blonde tout ce qu’il y a de plus banale, avec un petit shot de tequila au fond. Ça donne du goût et des couleurs. Par contre ça fait autant pisser. Allez, cul sec ! Une gorgée passe de travers. Je passe pour un gland. - C’est pas grave, bonhomme. Ce qui compte, c’est que t’essayes. Que tu réussisses, j’m’en occupe. Un vieux jean troué, porté trop bas. Un t-shirt terne qui a sûrement vécu plus d’aventures qu’un vétéran. Le mec me parle de réussite et il incarne l’échec. Mais il y a un truc. Je saurais pas dire quoi, mais ça m’intrigue. Ça me rend curieux. Et j’aime pas ma curiosité, parce que le peu de fois où j’ai essayé de la satisfaire, je me suis retrouvé dans la merde. Sauf que c’est plus fort que moi.

- Bon en vrai ce soir, c’est pas la folie. Bouge pas, j’dois appeler quelqu’un. Quand j’reviens, t’arrêtes de faire la gueule et tu te prépares parce qu’on va sûrement décaler. Bonne chance pour me faire aller où que ce soit. J’en ai déjà vu bien assez, j’préfère encore rentrer tranquille. Je profite qu’il se barre pour chercher l’autre fumier. Il a dû se tirer vite fait quand la grande perche m’a pris sous le bras. Impossible de le trouver. J’ai comme un vague pressentiment bien nul. Le genre de vieux goût amer que tu chasses avec un chewing-gum : ça règle pas le problème à la source, mais tu t’en contentes. J’y suis, là, en plein dedans. Je rumine le truc. Au moment de me rendre compte de ma connerie, je vois le grand taré revenir et tourner la tête dans tous les sens. Un chien fou qui cherche son nonosse. Merde, il m’a vu. Ses yeux dans les miens, j’en ai un frisson électrique. Une sueur froide. Il sourit, comme un con. Comme un con dont l’unique but est de foutre en l’air ta vie sans le savoir. Merde, il arrive. - Tu cherches ta mère ? J’te rassure, elle vient plus depuis un moment. - Tu sais dire que des trucs de connard en fait. - C’est marrant que tu dises ça parce que j’suis plutôt un mec sympa d’après les gens qui me connaissent. - Et si j’ai pas envie de te connaître ? - Ah mais ça, fallait prévoir avant, mon gars. En tout cas… Son sourire s’étire. Je suis foutu. - … j’ai une bonne nouvelle pour toi ! Manu est rentré. C’est pas que je m’en fous royal, mais pas loin. Une bonne nouvelle ? Sûrement pour lui. Pour moi, c’est la première d’une longue série de mauvaises.


MUSIQUE

LALA &CE :: rappeuse avantgardiste 40 T P

JACQUES SIMONIAN NAÏS BESSAIH



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À l’occasion de la troisième édition du festival parisien Loud & Proud, qui cette année encore questionne la représentation et la visibilité des femmes et des minorités sexuelles dans la culture, nous avons rencontré la rimeuse dont tout le monde parle : Lala &ce.

Affublée d’une tenue réalisée en collaboration avec une maison nipponne, fleurissant des mêmes pétales de rose que l’artwork de son nouveau disque, Le son d’après, la Lyonnaise s’est ouverte à nous. De sa musique partagée entre des ambiances planantes et parfois plus brumeuses à SoundCloud en passant par un voyage entre la capitale des Gaules et Londres, laissez-nous vous présenter une jeune femme moderne.


LE BONBON : Ça fait deux semaines que ta

mixtape est sortie, quels morceaux se sont distingués ? LOLA &CE : Franchement il y a de tout ! J’ai organisé un sondage sur Instagram et ils ont tous été cités. Je pense quand même que les gens ont vraiment kiffé “Amen” et “Cell Off”. J’ai reçu beaucoup de retours aussi sur le feat avec Jorrdee et Retro X.

L.B. Jorrdee vient de Lyon, la ville où tu as

grandi. Pendant ta jeunesse, tu as toujours été cernée par la musique. Celle de Côte d’Ivoire avec ta mère… L.&. Là-bas, il y a deux mouvements importants. Tu as le coupé-décalé qui est calibré pour les boîtes, et le zouglou, beaucoup plus lyrique. Mais ce qu’elle aimait, c’était plus des chansons de son village, quelque chose en dehors de ces deux catégories. Il n’y a pas trop d’instruments, sauf des percu’, et ce sont souvent des femmes qui chantent.

L.B. Ton père écoutait, lui, les grands inter-

prètes français et tes frères kiffaient le rap américain. Qu’est-ce que tu as pioché dans tout ça ? L.&. J’imagine que j’ai pris une variété de goûts qui se ressentent dans ce que j’écoute. C’est quelque chose d’assez inconscient, c’est en moi, et ça influence clairement ma musique !

L.B. Justement, comment tu en es arrivé à te lancer ?

L.&. J’ai toujours su que je voulais le faire

et que j’allais le faire, bien avant de l’avoir fait. Comme je suis très obsessionnelle – je peux écouter 20 fois de suite le même morceau –, je connaissais par cœur plein de chansons. Un jour, j’ai juste téléchargé un logiciel sur Internet et c’était parti ! C’était à Lyon, je devais avoir 15 ans.

L.B. Tu as rapidement rencontré Jorrdee. L.&. Oui. On avait un ami en commun,

et un jour où je traînais chez lui, j’ai entendu des sons de Jorrdee. Je l’ai trouvé chaud. Puis il nous a présentés. Je lui ai fait écouter un de mes trucs, et ça a tout de suite matché.

L.B. C’est lui qui t’a mis en contact avec le 667 ?

L.&. Oui, avec Freeze Corleone d’abord.

Mais récemment, j’ai quitté le groupe.

L.B. En plus de morceaux solo, tu as sorti pas

mal de collaborations avec les gars du collectif. Mais tout s’est accéléré avec “Bright”. L.&. On peut dire ça. C’est à ce momentlà que la presse a parlé de moi. Ils racontaient que j’étais la meilleure rappeuse, des trucs dans le genre. C’était assez fort ! J’ai quand même attendu pas mal de temps pour ressortir d’autres chansons. J’habitais à Londres, je poursuivais mes études. Je savais très bien que je voulais faire de la musique, mais je ne me sentais pas encore prête… J’ai obtenu mon diplôme, et après, c’était tout bon.

L.B. Avant ta mixtape, tu as publié un EP sur

SoundCloud. C’est étonnant que tu aies choisi cette plateforme. Ce site reste plutôt prisé des artistes, pas forcément du grand public. L.&. C’est vrai. Ça m’a permis de rencontrer des producteurs, comme Rolla, qui vient aussi de Lyon. On est devenus bons potes, on se comprend bien, on crée beaucoup de sons ensemble. Il a posé quelques prods sur le projet, celle de “Cell Off”, “Early Bird (Intro)”, “Serena (Botcho)”…

L.B. Les morceaux que tu cites représentent bien l’ambiance du disque, avec ce côté plus planant et cet autre plus trap. Au milieu de ça, ton flow reste très


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mystique, presque crypté.

L.&. Sur mon SoundCloud, il y avait déjà

plein de sons tripants. C’est ce que je préfère faire. La diversité des prods fait un peu ma force. J’arrive à prendre différents styles, même si le genre de base reste le même. Et mon niveau ne baisse pas. J’ai aussi essayé des morceaux plus summer, comme “Touch” ou “Wet (Drippin’)”. Pour le moment j’aime bien mixer ces ambiances. On verra pour la suite. Je garde quelques titres plus différents en stock, dont un truc un peu EDM dans l’idée.

LALA &CE

L.B. L’attitude que tu adoptes, autant dans

le visuel que dans le propos, s’affranchit des tendances du rap américain qu’on représente souvent via Lil’ Kim ou Cardi B. Elle se rapproche plus d’artistes anglaises comme Little Simz, Lava La Rue, ou encore Flohio, que tu connais… L.&. Le plus important là-dedans, c’est que toutes les meufs dont tu parles sont hyper naturelles : elles sont simplement elles-mêmes. J’imagine que pour Lil’ Kim c’était pareil, elle devait sûrement montrer sa personnalité ! Ce que je trouve relou, c’est qu’en France par exemple, des gens qui ne connaissent rien de ces milieux copient leur attitude, uniquement parce que c’est à la mode.

L.B. Tu ne calcules pas trop tout ça, pour simplement montrer qui tu es ?

L.&. Oui. Bizarrement, je trouve que c’est

plus facile d’être honnête et de proposer quelque chose d’authentique que de se cacher derrière une tendance.

MUSIQUE

L.B. Ton déménagement à Londres y a joué un rôle ?

L.&. Lyon devenait assez pesant, probablement à cause de ma sexualité et de la famille aussi… J’étudiais tout en sachant que je voulais faire de

la musique. Je ne voyais pas trop comment l’amener, alors j’ai pris la tangente via Erasmus. Ça m’a ouvert l’esprit sur plein de trucs. Je me suis découverte un peu plus. Je conseille à tout le monde de bouger, mais de revenir quand même. L’idée n’est pas de couper les ponts.

L.B. Tu trouves qu’ici on se prend encore trop la tête ?

L.&. Par rapport à Londres, c’est sûr !

Après il y a d’autres villes où ça doit être plus compliqué ; chacun son rythme… Mais ouais, on a du chemin à parcourir avec ça. Les gens ont une tendance à te regarder dans la rue quand tu es habillée d’une certaine manière, ou quand ils t’identifient à un certain genre… Le pire, c’est que tu ne perçois aucune émotion dans leurs yeux… Ils te fixent, juste comme ça. Là-bas, tu n’as pas ça du tout ! Les gens s’en foutent.

L.B. Avec les nouvelles générations, tu as l’impression que les choses bougent ?

L.&. Ouais, grave, je le ressens. Et ça com-

mence pour moi avec mes grandsfrères, sœurs. Ils comprennent peu à peu ce que je fais. À un moment ils pensaient que… je ne sais pas… je partais en couille quoi ! Nos aînés ont une façon différente de voir la vie, ils veulent que tu décroches un travail, que tu construises une famille… Je crois que c’est la société qui leur a appris, surtout pour nos parents. Pour nos générations, c’est totalement autre chose. On préfère entreprendre des choses qu’on aime, quitte à avoir moins. Tout le monde n’est pas comme ça, mais tend à l’être.

L.B. Parlons de ton morceau “Wet

(Drippin’)”. Dans le clip, tu vis une romance avec une autre femme noire. Une journaliste d’Antidote relevait que


c’était quelque chose qu’on ne voyait pas souvent dans le rap… L.&. Pourtant ça existe. Ce n’est pas du tout rare dans la vie.

L.B. Tu y avais prêté attention ? L.&. Non, pas quand on a tourné le clip.

C’est vraiment elle qui m’en a fait prendre conscience. Moi, je vois ça tout le temps en fait. Il faut montrer des choses qui existent, avec lesquelles on n’est pas forcément familier. Ça ouvre un peu, et ça s’écarte des schémas traditionnels. Même s’ils ne sont pas mauvais, c’est important de réaliser qu’il y en a d’autres qui existent.

L.B. Ces générations s’inscrivent plus dans cette mentalité.

L.&. Il y a quand même un formatage. Sûrement à cause des réseaux

sociaux. C’est un peu à double sens : même si tu as une espèce de nouvelle liberté d’un côté, tu as totalement son inverse aussi… Mais le problème, c’est surtout que tout le monde essaye de pomper ce truc de marginal, donc par définition, il perd son sens, et ça ne fonctionne plus.

LALA &CE LE SON D’APRÈS (A4WARD) — 28 JUILLET AU MIDI FESTIVAL (HYÈRES) — 25 SEPTEMBRE AU FLOW (LILLE)


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VENDREDI 5 JUILLET 18h Hôtel de Ville Fnac Live Paris 18h Hippodrome d’Auteuil 24 € Jockey Disque : Fatboy Slim 21h LaPlage de Glazart 11 € PWFM Summerclub n°2 00h Bus Palladium Bonbon Party, invits sur lebonbon.fr SAMEDI 6 JUILLET 14h Musée du Quai Branly Festival Hip Hop Collections 15h Gif-sur-Yvette 25 € Vryche Sur Yvette Festival 00h Rex Club 14 € Pont Neuf "3615 Disco" Party JEUDI 11 JUILLET 19h La Station 35 € Garage MU Festival #4 21h Philharmonie de Paris Kraftwerk 3-D Concert

AGENDA

VENDREDI 12 JUILLET 21h LaPlage de Glazart 18 € PlageBPM w/ Onur Özer… 22h La Clairière 30 € Todd Terje, S3A, The Reflex 23h La Java 8 € Imported w/ Fantastic Man… 00h Bus Palladium Bonbon Party, invits sur lebonbon.fr

Time Has Changed w/ Anja Schneider… 00h Bus Palladium Bonbon Party, invits sur lebonbon.fr SAMEDI 20 JUILLET 13h Hippodrome de Longchamp 80 € Lollapalooza Festival 14h Le Barboteur 12 € La Kermesse Electronique 16h Le Kilowatt 37 € Rituel Days 2019 VENDREDI 26 JUILLET 20h LaPlage de Glazart 12 € Thunder Festival 2019 23h Le Gambetta Club 5 € Poule & The Gang #2 w/ Maxime Iko 00h Bus Palladium Bonbon Party, invits sur lebonbon.fr SAMEDI 27 JUILLET 14h La Prairie du canal 11 € Make It Deep – Open Air 15h Mona Bismarck 15 € L’été Free Your Funk w/ DJ AMIR… 16h La Station 14 € 75021 #3: Low Jack, Walton, Betty… JEUDI 1 AOÛT 23h NF-34 11 € Acid Night : Jacid0rex • Axel Picodot • Miss Djax

SAMEDI 13 JUILLET 14h La Prairie du canal 12 € Cracki x La Sauge open air #3 20h Les Docks de Paris 25 € Atomic 2019 by BNK, Exil… 00h La Rotonde 15€ Le Bateau Sarcus à la Rotonde

VENDREDI 2 AOÛT 00h Bus Palladium Bonbon Party, invits sur lebonbon.fr

VENDREDI 19 JUILLET 19h La Station 10 € Hydrozbeul Circus #3 22h NODD Club 12 € Maricas in paris w/ tINI… 23h NF-34 12 €

JEUDI 8 AOÛT 19h La Station – Gare des Mines 37 € Qui Embrouille Qui Festival #3

MERCREDI 7 AOÛT 19h Safari Boat 16 € La croisière ¡Sauvage?


VENDREDI 9 AOÛT 00h Bus Palladium Bonbon Party, invits sur lebonbon.fr

DIMANCHE 25 AOÛT 12h Jockey Disque 25 € Piknic Électronik PAR #6 : Dure Vie Day

JEUDI 15 AOÛT 19h Jardin21 Les Nuits Tropiks ~ Jardin21 // Open Air à La Villette VENDREDI 16 AOÛT 23h La Bellevilloise Do You 80s ? La Boum années 80 00h Bus Palladium Bonbon Party, invits sur lebonbon.fr

VENDREDI 30 AOÛT 23h Badaboum 15 € Badaboum invite Leon Vynehall 00h Bus Palladium Bonbon Party, invits sur lebonbon.fr

VENDREDI 23 AOÛT 14h Domaine National de Saint-Cloud Festival Rock en Seine 2019 00h Bus Palladium Bonbon Party, invits sur lebonbon.fr

SAMEDI 31 AOÛT 20h Grande Halle de La Villette 30 € Festival Jazz à la Villette : Ghost-Note / Kenny Garrett Quintet…


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HIPPODROME PARISLONGCHAMP

S A M E D I 2 0 J U I Ll ET

TWENTY ØNE PILØTS • MARTIN GARRIX

ORELSAN • IAM • TASH SULTANA • JAIN PERRY FARRELL’S KIND HEAVEN ORCHESTRA KUNGS • JADEN SMITH • L.E.J • SKIP THE USE KODALINE • KAYZO • GETTER • METRIC

ALISON WONDERLAND • GRYFFIN • GUS DAPPERTON DYNORO • KRISTINA BAZAN • 4B B2B AAZAR • GHALI BARNY FLETCHER • THE PRINCE KARMA

D I M A N C H E 2 1 J U I Ll ET INNOCENT THE STROKES • MIG ⁄ OS • BEN HARPER & THECRIMINALS BAD BUNNY • NEKFEU • THE 1975 ERIC PRYDZ • ROMEO ELVIS • BIFFY CLYRO • MØ

$UICIDEBOY$ • CARAVAN PALACE • CLEAN BANDIT JONAS BLUE • SHAME • S.PRI NOIR • LOUD LUXURY GUD VIBRATIONS vs SLUGZ MUSIC (NGHTMRE, SLANDER & SNAILS) HABSTRAKT • SVDDEN DEATH B2B MUST DIE! CAMELIA JORDANA • JUDAH & THE LION • K?D KOVACS • KLYMVX

INFOS & TICKETS : LollaParis.com JOIN US :


* Desperados Mojito est une bière aromatisée Téquila, Menthe, Citron vert.

L’ABUS D’ALCOOL EST DANGEREUX POUR L A SANTÉ. À CONSOMMER AVEC MODÉR ATION.


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