Nuit
Mai 2012 - n째 21
édito Bonne Nuit Pour 1 euro et 70 centimes, je peux me faire tous les films que je veux. Non pas que je te télécharge comme un taré ou que je me fasse faire des pipes par un sombre patron de salle obscure. Non, mon plan à moi est beaucoup plus simple : il suffit de rentrer de soirée au petit matin et de prendre le premier métro, le samedi, de préférence. Assis sur le skaï des strapontins, les oreilles encore bourdonnantes à cause des infra-basses, je laisse tranquillement mon imagination partir en vrille. Tenez, ce petit groupe de clubbers en re-descente d’ecsta, là, à côté de moi, leurs traits sont terreux, leurs mâchoires font des saltos et ils ont le regard vide. Eh bien mon esprit malade ne peut s’empêcher de faire un rapprochement entre eux et les zombies de Roméro, de Wright, de Rodriguez ou de Jackson, enfin je ne sais plus, c’est tellement à la mode les zombies ces derniers temps. Les portes s’ouvrent, ils dégagent et sont remplacés par un attroupement de caillera qui braillent… Vous vous souvenez des Gremlins ? Quatre sièges plus loin, un vieux goth’ tout chauve baille et mate ses dents pourries dans le reflet de la vitre. Inutile de chercher pendant des heures, sur ce coup, c’est bel et bien le Nosferatu* de Murnau qui me montre sa bouche. Et puis il y a les ouvriers saouls qui parlent en russe avec leurs gueules d’acteurs tarkovskiens, les flics en civil qui se la jouent Bad Lieutenant, les travelos divinement Pink Famingo et les schizos sortis tout droit d’un délire de Cronenberg… Bref, tout un festival de mecs canés qui ne me fait pas regretter un seul instant le Festival de Cannes, fil pourtant quasi-conducteur de ce joli numéro de mai. Michaël Pécot-Kleiner Rédacteur en chef adjoint * Oui, oui, je sais, les vampires n’ont pas de reflets.
Rédactrice en chef — Violaine Schütz michael@lebonbon.fr
violaine@lebonbon.fr
| Rédacteur en chef adjoint — Michaël Pécot-Kleiner
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Photo couverture — Nora Arnezeder par Nicola Delorme | Secrétaire de rédaction — Annabelle Ruchat Régie publicitaire — regiepub@lebonbon.fr Lionel 06 33 54 65 95 | Contactez-nous — nuit@lebonbon.fr Siret — 510 580 301 00016 | Siège social — 31 bis, rue Victor-Massé, 75009 Paris 1—
Nuit
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sommaire Le Bonbon Nuit
Nora Arnezeder
p. 07
Elisabeth Quin
p. 11
Irène Jacob
p. 15
Simian Mobile Disco
p. 17
I:Cube
p. 21
Crusaders
p.25
Miike Snow
p. 27
Le B018
p. 31
Light Asylum
p. 33
la bonne ombre
Le Corbeau Blanc
p. 35
la bonne sœur
Alysson Paradis
p. 39
Le Cabaret Organique
p. 43
Jef Barbara
p.44
la bonne comédienne
la bonne parole
les bons choix
le bon duo
le bon producteur
paris la nuit
le bon album
le bon club
le bon concept
le bon art
la bonne playlist
p.45
trousse de secours
bonbon party
Bus Palladium
p. 47
p.48
le bon agenda
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Nuit
le Bon Timing Les événements à ne pas manquer Dave Aju release party Le Circus Company Club célèbre la sortie de Heirlooms le nouvel album de Dave Aju. Son premier opus annonçait déjà la couleur de son style unique. Il revient en force avec un album encore plus abouti, entre pop, hip-hop, house d’une musicalité éblouissante. Il sera accompagné du mythique Pépé Bradock, du canadien Vincent Lemieux et de Sety, manager du label. Le 5 mai à partir de minuit au Rex Club.
Enfer ou Ciel Né en 1939 à New York, le photographe Joel Peter Witkin est à l’apogée de sa carrière. Le vaste répertoire de références qui soutient sa recherche plastique trouve sa cohérence à travers deux thèmes fondateurs, l’Éros et le Sacré. Ses premiers travaux font appel aux vedettes d’un freak show. Son œuvre montre des modèles peu communs, engagés au fil de ses rencontres. Jusqu’au 7 juillet. BNF-Site Richelieu
Villette Sonique Superbe programmation pour Villette Sonique, « entre metal expérimental, hip hop à tête chercheuse, électronique futuriste et pop aventureuse » comme le dit le dossier de presse. Chris & Cosey, Girls, MF Doom, Shabazz Palaces, Melvins, Soft Moon ou encore Peaking Light seront de la party. Du 25 au 30 mai 2012 à la Grande Halle, Cabaret Sauvage, Trabendo et Cité de la musique
Le festival de Cannes Même de Paris, on suivra de près le festival (sur Canal+,dans la presse et dans l’émission d’Elisabeth Quin, Cinéquin sur Paris Première). Avec cette DR / DR / DR / DR
année, sur le tapis ou sur les écrans : Zac Efron, Kristen Stewart, Tim Roth, Bérénice Béjo, Resnais, Carax, Haneke, Wes Anderson et bien d’autres. Action ! Du 16 au 27 mai à Cannes
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la bonne comédienne ® Manon Troppo Ω Pascal Victor
Nora Arnezeder Nora l’exploratrice
à peine suis-je rentrée dans la loge de Mlle Arnezeder au théâtre Marigny, que déjà, ses deux adorables cabots taille miniature m’accueillent en jappant. Nora me présente Milou et Zelda, ses « deux amours », qui s’octroieront une petite sieste pendant l’interview, parce qu’eux aussi, comme leur maîtresse, vont monter sur scène dans un peu plus d’une heure.
Depuis le 17 avril, Nora interprète une jeune provinciale délurée pas très finaude dans Après tout, si ça marche, création inspirée du scénario de Woody Allen, Whatever Works. Un personnage comique sur les planches d’un grand théâtre parisien à 2 minutes des Champs Elysées… L’exercice n’est pas des plus faciles pour une première expérience sur scène, mais Nora a relevé le défi. Elle commence par dire qu’elle n’a « pas de mots » pour exprimer ce qu’elle ressent, et puis, pendant 10 minutes, elle explique à quel point le challenge était aussi difficile que satisfaisant. «Je vais au théâtre avec ma mère depuis que je suis toute petite, j’ai toujours adoré ça et j’ai longtemps été partagée entre la peur de ne pas être à la hauteur et l’envie d’y arriver. Quand le metteur en scène Daniel Benoin m’a proposé le rôle, j’ai failli refuser à la dernière minute tellement j’étais effrayée. Mais après un mois au théâtre de Nice et maintenant ici à Paris, il n’y a pas eu un seul soir où j’ai regretté de me lancer là-dedans. » 7—
Les comédiennes habituées au grand écran sont souvent attendues au tournant quand elles osent s’essayer à la sacro-sainte scène. Et nombre d’entre elles finissent par retourner vers le cinéma, considéré comme moins éprouvant. « Je n’ai pas de préférence entre le cinéma et le théâtre, mais oui, c’est vrai que sur un tournage, tu es plus rassurée. Quand le réalisateur te dit « Clap, c’est dans la boîte », tu ne te poses plus de questions, tu lui fais confiance. Au théâtre, tu t’interroges sans cesse, tu te remets toujours en question. » Ce qui ne veut pas dire qu’elle n’y trouve pas son plaisir. « J’ai l’impression de réellement apprendre le métier de comédienne, justement, en ce moment. Je suis dans le doute permanent, mais ce n’est pas un frein, ça me fait progresser, c’est très motivant. » Pourtant, le métier de comédienne, elle semble l’avoir déjà pas trop mal assimilé. Après un rôle remarqué dans Faubourg 36 en 2008, les propositions n’ont pas tari : aujourd’hui à l’affiche d’un film aux côtés de Denzel Washington, Sécurité Rapprochée et 3 autres longs qui débarqueront courant 2012. Maniac, un thriller horreur d’Alexandre Aja avec Elijah Wood qu’elle décrit comme « le rêve de ma vie puisque j’adore les films d’horreur. » Ce que le jour doit à la nuit, d’Alexandre Arcady, une histoire d’amour impossible entre un Algérien et une Française de 1930 à 1960. Nuit
Nora Arnezeder
“j’ai pas l’impression de me tuer au travail, au contraire, j’ai l’impression d’avoir de la chance” Et The Words, de Brian Klugman et Lee Sternthal ; un film chorale qui a déjà été acheté à Sundance. On peut dire qu’elle ne chôme pas, la Nora. Et, d’ailleurs, elle n’a presque pas assez d’heures dans une seule journée pour mener à bien tous ses projets. Son album, par exemple. Je vous entends déjà marmonner « Pouah, encore une actrice qui chante ! », alors que toutes les conditions semblent réunies pour que ça ne sonne pas comme un énième recueil fourre-tout d’un joli minois sans voix qu’on réserve aux ascenseurs et, parfois, dans notre grande mansuétude, aux salles de bains. Premièrement parce que c’est une envie qu’elle a depuis longtemps et qu’actrice ou pas, elle 8—
l’aurait menée à bien. Le travail est d’ailleurs déjà très avancé. « J’ai 10 chansons. J’en veux 13, c’est mon chiffre porte-bonheur ; mais comme je m’y consacre entièrement, je le mets un peu en off et je repartirai travailler après la pièce. » Deuxièmement parce qu’elle a son groupe de musiciens, en Louisiane, avec qui elle ne cesse d’apprendre. « Ils sont touche-à-tout, c’est un plaisir de découvrir des styles et des instruments improbables à leurs côtés. » Troisièmement parce qu’elle n’est pas seulement interprète, elle compose et écrit ses textes. « En Anglais, ça sonne mieux pour moi et aussi peut-être pour toucher vraiment mon père quand il entendra mes morceaux. » Enfin parce qu’elle aime toutes sortes de musiques et tient à rester hétéroclite. « J’ai beaucoup de mal à définir cet album parce que je ne pense pas qu’il rentre dans un registre précis. Ne tombons pas dans le cliché des « musiciens de la Louisiane », c’est autre chose : j’aime la musique classique, le hip-hop, l’électro, donc je mélange tout ça et j’en fais mon univers. » Si cette définition volontairement vague ne nous permet pas de deviner à quoi ressemblera l’EP, on sait déjà, en revanche, quel grain de voix elle a. Dans Faubourg 36, Nora interprétait 6 titres de la bande originale, et l’un d’eux, Faubourg Paname avait été nommé dans la catégorie « Meilleure Chanson » des Oscars 2010. Ce qui ne lui a pas tellement tourné la tête, d’ailleurs. « ça ne me concerne pas vraiment, j’étais contente pour l’équipe, je l’ai vu comme un cadeau pour le film et pour Reinhardt Wagner et Franck Thomas (compositeur et parolier) mais je l’ai pas pris personnellement. C’est pas de moi, c’est l’oeuvre de deux autres personnes. » Quant à ceux qui n’auraient pas vu le film, ils l’auront certainement entendue sans le savoir dans le spot publicitaire pour le parfum Idylle où elle entonne Singing in the Rain. Ah parce que je ne vous avais pas dit ? Oui, à 22 ans, Nora ajoute « égérie Guerlain » à la liste de son palmarès. Nuit
Nora Arnezeder Quand je vous disais qu’il n’y avait pas assez d’heures dans une journée pour une increvable pareille. ça m’échappe tout naturellement et je lui demande si elle trouve le temps de respirer. Ce qui la fait éclater de rire. « Je suis restée pas mal de temps sans travailler, aujourd’hui on me propose des choses intéressantes, je ne peux pas refuser. Y’a toujours des périodes de creux dans une carrière d’actrice, ça ne peut pas durer éternellement, donc je veux rater aucune opportunité, j’en profite. Et je me consacre à fond à chacun de mes projets. » Increvable, mais studieuse. Et humble : « Et puis, quand même, faut pas exagérer, je fais peut-être beaucoup de choses, mais c’est une passion, j’ai pas l’impression de me tuer au travail, au contraire, j’ai l’impression d’avoir de la chance ! » Comme j’aime le demander à ceux et celles qui vivent 4 vies dans une, je me renseigne sur ce qui l’aide à tenir le rythme. « Je remercie la Vitamine C et ça aussi, tu connais ? » Elle me tend un spray, et, devant mon silence, m’ordonne « Ouvre la bouche ! ». Quelques pschitts plus tard du Spray Rescue aux fleurs de Bach qui réconforte et rassure, j’admets que c’est agréable et que je ne manquerai pas de le préciser dans le papier. « Oh, non, ça fait un peu la caricature de la comédienne avec ses trucs bio, non ? ». J’objecte qu’assez peu de comédiennes ordonnent à une journaliste d’ouvrir la bouche pour lui faire goûter son remède anti-stress, et je n’ose pas ajouter que la caricature de la comédienne voudrait qu’elle m’ait proposé une vitamine bien plus illégale que ça. La comédienne parisienne, en tout cas.
de stress. Mais aujourd’hui, je m’y suis faite. J’apprends à être heureuse où que je sois. Je me suis créé mon petit cocon et j’en suis très heureuse. » C’est également au sein de son petit cocon qu’elle festoie, le soir. L’agitation et les faux-semblants la mettant plutôt mal à l’aise, elle privilégie les soirées chez elle, entre amis. « Quand je peux - et en ce moment, avec la pièce, c’est difficile - je fais des fêtes à la maison, c’est une de mes grandes passions. J’invite tous mes potes, on fait de la musique, on chante. Le contexte fait qu’on est tous plus naturels, je trouve. Et puis, quand je fais la fête chez moi, je culpabilise moins le lendemain, je suis moins cafardeuse. » Est ce à dire qu’elle n’a pas son petit QG ici-bas ? À cette question, ce n’est plus la pro à l’agenda ministériel qui répond, mais une gosse surexcitée : « J’adore le karaoké à Clichy, c’est trop sympa. Toi aussi t’aimes bien ? Non mais attends, c’est génial, cet endroit, hein ? ». C’est d’ailleurs le mot de la fin, ce qu’elle veut dire aux Parisiens : « Donnons nous rendez-vous au karaoké Place Clichy, faisons l’amour et chantons ! » Je ne suis pas certaine qu’elle sache combien elle risque d’être prise au mot…
Après tout, si ça marche... ≥ Au Théâtre Marigny du 17 avril au 23 juin
Mais Nora n’est pas plus parisienne que ça. Toute petite, elle a quitté la capitale avec sa famille et a vécu à Aix-en-Provence pendant dix ans, puis, à Bali pendant un an et elle est rentrée au bercail vers 2011. Elle a donc découvert sa ville natale comme une étrangère. « Au début, j’ai vraiment eu du mal. Tellement que j’en avais des plaques rouges 9—
— Et en ce moment sur les écrans dans Sécurité Rapprochée. Bientôt à l’affiche dans Maniac d’Alexandre Aja, Ce que le jour doit à la nuit d’Alexandre Arcady et The Words de Brian Klugman et Lee Sternthal.
Nuit
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la bonne parole ® Michaël Pécot-Kleiner Ω Karl Lagerfeld
ÉLISABETH QUIN l’indolence érudite
Forcément, nous sommes tous tombés un jour platoniquement amoureux d’Élisabeth Quin : que ce
bobine de fils dans les mains… ou ailleurs. Disons que mon rapport au cinéma est plus indolent.
soit pour son élégance ou son intelligence, elle est indéniablement l’une des personnalités les plus
Avec votre emploi du temps ultra chargé, irez-vous
stimulantes du paysage audio-visuel français. Mois
sur la Croisette cette année ?
de mai et actu oblige, le Bonbon Nuit s’est tourné
Oui, quatre jours. Je vais passer un gros week-end là-bas. Je vais descendre avec ma petite caméra, pour Cinéquin, et essayer de faire quelques interviews.
vers elle pour qu’elle nous parle de son festival de Cannes. Silence, ça tourne. Élisabeth Quin, pour notre plus grand plaisir, on ne
Quelle sera votre journée-type ?
vous a jamais autant vue à la télé. Vous animez quo-
C’est la première fois de ma vie depuis vingt ans que je ne serai pas à l’antenne le soir. Cannes, jusqu’à présent, c’était tous les jours fournir une émission de 10 minutes, donc des journées de sportif-maso qui démarrent à 5h30 du mat’, projo à 8 heures, deuxième projo, interviews, plateau, tournage de l’émission, ensuite encore un film, encore un dernier film et après au lit sur les rotules. Cette année, j’y vais un peu angoissée en me disant « Putain, Cannes en quasi-vacances, ça va ressembler à quoi ? » Eh bien, vu que j’accuse l’âge de mes artères, je vais me coucher à 11 heures tous les soirs, et voir des films sans devoir délivrer de commentaires immédiats.
tidiennement depuis janvier 28 minutes sur Arte, une émission qui marie actualité, culture et savoir. On vous connaît aussi et surtout pour votre culture encyclopédique du cinéma, que vous avez mise à l’œuvre dans de nombreux programmes (dont Cinéquin, actuellement sur Paris Première.) Combien de films visionnez-vous par semaine ?
J’en vois de moins en moins, mais là, c’est conjoncturel. Je travaille tellement sur 28 minutes que je n’ai pas le temps, pour des raisons concrètes, d’aller aux projos ou sur des tournages. Quand vous dites cinéphile encyclopédique, c’est faux, je ne suis pas de cette caste de gens qui sont les vrais cinéphiles et pour qui c’est une vocation, une névrose, un mode de vie… Il y a des personnes qui aiment le cinéma, et qui mourront avec une 11 —
Quelles sont vos meilleurs souvenirs de soirées à Cannes ? Nuit
Elisabeth Quin
“la nuit, ce sont les néons des premiers films de Wong Kar-Waï” Il y en a deux. La première était une soirée complètement démentielle pour le film Underground, à l’époque où les soirées n’étaient pas sponsorisées, n’étaient pas dans cet inceste avec le monde marchand. C’était du grand n’importe quoi sur une plage… Il y avait des dingos balkaniques de Kusturica qui avaient agrégé autour d’eux des musiciens, qui ont commencé à tous se foutre sur la gueule à 3 heures du matin dans le sable. Je me souviens de Carole Bouquet, allongée, qui regardait ce spectacle souverainement amusée, avec des hommes aux gueules de bellâtres latino-américains qui la protégeaient en faisant rempart de leurs corps pour ne pas que quelque chose arrive à Dame Carole… C’était de l’alcool, des étincelles, de la baston, on a peut-être même dû voir vaguement la lumière passer sur une arme blanche… Et la deuxième, c’était une soirée au caviar et à la vodka pour le film Bouge pas, meurs et ressuscite de Vital Kanevski il y a vingt ans. Je vous parle d’une époque où tout coulait à flot, c’est-à-dire la camaraderie, l’innocence, l’amusement, l’alcool… et surtout pas ce côté retour sur investissement obligatoire du « je te fais une fête et je te la sponsorise mais il faut qu’il y ait des photographes, que les 12 —
gens boivent devant la marque ciblée et que ce soit dans la presse le lendemain. » Tout cela est devenu une énorme entreprise à générer des retombées médiatiques, le poison que l’on déteste, et avec lequel nous sommes pourtant tous plus ou moins complices. Voilà, la parenthèse « vieux con » est refermée (rires). Vu que je suis face à une spécialiste, vous pouvez me faire un pronostic pour la sélection ?
Mais je crois qu’il y a eu une fuite ! (ndlr : Il y eut effectivement une fuite qui a été démentie dans un premier temps, mais qui s’avèrerait être vraie. Rappelons que cette interview a été faite le 14 avril.) Il paraîtrait que cela viendrait d’un mec qui bosse au service Internet du festival et il est possible que la sélection ait changé après cette histoire… Le grand étonnement est que Terrence Malick après sa bouse ait eu le temps de refaire un film. Je suis curieuse de la présence des Cronenberg père et fils. Est-ce qu’il y aura Léos Carax ? Je ne l’ai pas vu dans la fuite, mais il a fait un film qui semble incroyable avec Denis Lavant, son acteur fétiche. Le grand événement, c’est Jacques Audiard. Jacques Audiard qui offre un rôle à Marion Cotillard, il y a comme un choc des cultures qui nous interroge, et en plus, je crois qu’elle est bien, ce qui me rend doublement perplexe. Quoi d’autres ? Il y aura surement des films coréens, chinois, japonais… S’il pouvait y avoir pendant les jours où je descends beaucoup de films asiatiques, je serais contente. Ah, et puis il y aura Nanni Moretti, un artiste qui mettra un peu de légèreté à tout cela. Vous avez une passion pour les Vanités, ces crânes décharnés qui hantent l’histoire de l’art européenne. Vous avez par ailleurs écrit deux livres sur ce sujet, vous en avez dégagé une éthique du Carpe Diem et de la jouissance de l’instant présent. Quelle film correspondrait le mieux à l’esthétique des Vanités ?
Bizarrement, et il est pas du tout dans le genre Nuit
Elisabeth Quin Carpe Diem, c’est même le contraire, ce serait un film de Sokourov. L’Arche russe, réalisé à l’Hermitage de Saint-Petersbourg. C’est un long plan séquence absolument admirable, où le temps s’écoule à mesure que les participants du bal apparaissent et disparaissent… Alors ça, c’est exactement (elle répète ce mot trois fois) au cœur de cette idée-là. À la fois on ne filme que des morts, on ne raconte que des histoires mortes, et il y a cette espèce de lumière des étoiles mortes qui arrive jusqu’à vous, qui est déjà révolue, mais qui vous touche de sa grâce et de sa beauté. Je pense me tromper mais n’est-ce pas Sokourov qui a réalisé Khroustaliov, ma voiture ?
Non, Khroustaliov, c’est l’œuvre d’Alexei Guerman, un génie absolu. Pour moi ce film a été l’un des grands chocs de Cannes. Le cinéma russe est tout de même un grand art dont on ne parle que très peu, il ne crée malheureusement pas un immense engouement… Dans le même genre, il y avait eu aussi un film chinois qui était incroyable et qui s’appelait Les démons à ma porte. C’était également un choc esthétique lié à un événement historique, la guerre sino-japonaise, traité sur un mode totalement débridé, totalement fou furieux. Ce sont des films où il y a un avant et un après. Les démons à ma porte, c’est mon conseil de l’année, et pourtant ce film date d’il y a plus de dix ans. Quels sont vos films préférés ayant pour thème la nuit ?
Je ne peux m’empêcher de penser à Millénium Mambo de Hou Hsiao Hsien, à ces errances nocturnes, les errances de cette fille dans la nuit des clubs… Pour moi, la nuit en termes de rapport entre la lumière et l’ombre, de l’image en général, c’est l’Asie, ce sont les néons des premiers films de Wong Kar-Waï à Hong-Kong… La nuit, ce peut être dans une voiture aussi, comme le film de Nuri Bilge Ceylan, Il était une fois en Anatolie, qui était à Cannes l’année dernière et qui est un 13 —
chef-d’œuvre indiscutable, qui dure deux heures et quelques et qui se déroule intégralement pour la première heure et demi de nuit. Il y a une bagnole qui circule dans les champs, sur une route en Anatolie, avec un médecin, un flic, un suspect, et deux braves types d’un commissariat, qui cherchent à repérer l’endroit où le meurtrier présumé aurait enterré un cadavre. Ils sillonnent les routes, avec juste des phares, ils descendent de la voiture, ils cherchent, ils ne trouvent pas, ils ne se souviennent plus, ils vont dans des fermes, ils boivent un coup, ils voient soudain un visage de fille qui est une sorte de Madone, ils remontent dans la voiture… C’est l’épuisement total. Et en même temps, au fur et à mesure de cet épuisement, se noue une relation entre les individus, c’est totalement prodigieux. Ça du coup, oui, c’est un summum ! Quand vous sortez à Paris, vous allez où ?
Je sortais il y a trente ans de cela. J’allais aux Bains, au Palace, au Privilège. Et puis j’allais dans des endroits que la décence m’interdit de nommer (sourire malicieux). Mais je ne sors plus du tout, je suis trop fatiguée. Sortir, il faut le faire bien ou ne pas le faire du tout. J’ai connu des professionnels de la nuit pour qui la sortie s’envisageait sans limite. Tout était cul par-dessus tête, il n’y avait pas de responsabilité, pas de question de travail le lendemain, ni d’enfant. La nuit était un ruban de miel et de souffre, et quand on s’y engageait, cela pouvait durer plusieurs jours… Maintenant, la vie est saccadée, la vie est arrêtée, il y a des petits barrages comme l’école le lendemain matin, le boulot, le livre à lire, mais ce sont des petits barrages qui fabriquent de l’électricité vitale. 28 minutes ≥ sur Arte, du lundi au vendredi à 20h05 Cinéquin ≥ sur Paris Première, le mercredi à 20h20
Nuit
les bons choix de ® Violaine Schütz Ω Sonia Sieff
Irène Jacob à la belle étoile
Superbe actrice, Irène Jacob, nous a marqué au
Une actrice ?
cinéma chez Louis Malle, Jacques Rivette, Wenders ou encore Paul Auster. Elle restera aussi à jamais
Kate Winslet, en ce moment sur les écrans dans la version 3D de Titanic.
l’héroïne de La Double Vie de Véronique de Krzysz-
Un réalisateur ?
tof Kieslowski, rôle pour lequel elle obtiendra le prix
Charlie Chaplin.
d’interprétation féminine à Cannes, à 24 ans et celle
Une pièce de théâtre/spectacle ?
de Rouge, le dernier volet de Trois Couleurs, la trilogie culte du même réalisateur. Sa dernière aven-
Le Costume de Peter Brook, joué au théâtre des Bouffes du Nord jusqu’au 5 mai.
ture, à côté du grand écran et du théâtre, un très bel
Une expo ?
album, Je sais nager, composé avec son frère Francis Jacob, guitariste de jazz et sorti en 2011. à l’occa-
Modigliani et Soutine à la Pinacothèque jusqu’en septembre à Paris.
sion de la publication américaine du disque et d’une
Un auteur ?
tournée là-bas, on en a profité pour lui demander ce
Plusieurs : Romain Gary, Modiano, Balzac, Cyrulnic.
qu’elle aimait, pour mieux cerner son univers.
Un lieu / une bonne adresse à Paris ? Un film ?
Le marché d’Aligre.
La Strada de Fellini.
Une émission télé ?
Un DVD ?
Téléchat.
Aujourd’hui c’est Ferrier de l’humoriste Julie Ferrier ou Oss 117 avec Dujardin.
Un créateur?
Une chanson ?
Votre nuit idéale?
Le tube Marcia Baila des Rita Mitsouko.
à la belle étoile.
Un disque ?
Vos projets?
Elle Fitzgerald sings Cole Porter.
Des films en France cet été. Avant je serais sûrement à Cannes, et là je fais mes valises pour partir faire une tournée de concerts sur la côte est des états-Unis pour la sortie du disque là-bas.
Un acteur ?
Jean-Louis Trintignant (avec qui Irène a tourné dans Trois Couleurs : Rouge, ndlr). 14 —
Carven, la marque de Guillaume Henry.
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Nuit
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Nuit
le bon duo ® Thibaut Victor Ω Kate Moross
SIMIAN MOBILE DISCO Toujours nos amis
Jusqu’ici, le duo formé par James Ford et Jas Shaw
On sent quelques regrets. Quel a été votre plus
était hanté. Hanté par un premier succès auquel ils
grande erreur jusqu’ici ?
ne devaient pas grand chose : en 2006, Justice res-
James Ford : Pour moi, la plus importante est d’avoir laissé autant de morceaux dans l’album précédent. On aurait du enlever trois ou quatre tracks vocales au profit de morceaux instrumentaux pour avoir un album plus équilibré. Sélectionner les morceaux et leur ordre dans l’album est presque la chose la plus importante en réalité.
sort son remix d’un morceau de leur groupe d’origine, Simian, et crée le tube We are your friends. Les deux comparses poursuivent leur carrière avec deux albums Attack Decay Sustain Release (2007) et Temporary Pleasure (2009) dont beaucoup ne retiendront que le tube Hustler et son clip racoleur. Le groupe revient aujourd’hui avec le justement intitulé Unpatterns, premier album libéré de ses
Une erreur que vous n’avez pas commise sur Unpat-
fantômes et recentré sur les motifs personnels du
terns?
duo, jusqu’à les faire exploser en hymnes house ou
James Ford : Cette fois-ci, on s’est laissé le temps entre le moment où l’on terminait les chansons et celui où l’on faisait la sélection. Parce que si vous revenez sur un morceau et que vous n’êtes plus aussi excités en le réécoutant…
obsessions weird. Rencontre. Votre nouvel album est celui du recentrage et de l’introspection… James Ford :
Oui c’est vrai. L’album est certainement le plus représentatif de nos goûts et de notre personnalité. Dans le précédent, avec toute cette guest-list, on ne pouvait pas faire autrement que d’avoir une succession de personnalités différentes sur l’album. On a voulu faire en sorte que cette fois-ci ce soit vraiment le nôtre. L’utilisation des voix a été essentielle. Elles n’ont plus un rôle majeur mais sont incorporées dans la musique, comme une texture ou une boucle. 17 —
Justement, puisque vous êtes aussi Dj, qu’est-ce qui vous excite? Jas Shaw :
En tant que DJ, c’est la tension que vous créez sur la piste en passant des morceaux qui ne sont pas évidents pour le public, lorsque vous prenez le risque de le perdre. Troubler le public et le rattraper au moment où il risque de décrocher. James Ford : L’idée est d’arriver à faire danser les gens sur une musique qu’ils ne connaissent pas ! Nuit
Simian Mobile Disco
“L’album n’est qu’une multiplication d’erreurs!” Et c’est aussi souvent la meilleure manière de vider
d’un motif simple et le modifier, le moduler et le distordre. Tout d’un coup quelque chose de très simple devient très compliqué, chaotique. Jas Shaw : Sinon, rien à voir mais j’ai aussi une question. On peut sortir où à Paris ? Bonne question. Jas Shaw : Oui parce que la dernière fois on est allé
au Social Club… Maintenant, il y a le club de David Lynch au sous-sol si vous aimez les cocktails… James Ford :
Mais on ne recherche pas vraiment des cocktails ! (rires) Ce que je ne comprends pas c’est qu’avec une scène électro aussi importante vous n’ayiez pas de gros clubs comme à Berlin. Ou comme à Londres avec la Fabric et tous ces trucs de raves !
la salle… James Ford : La seule fois on l’on a vidé une salle c’était lors de notre premier Dj set à la Fabric à Londres. On était habitué à jouer de la musique psyché, très 60’s. Et on a réussi à vider totalement le dancefloor… Jas Shaw : Eh oui, on a vidé la Fabric ! (rires) James Ford : Ouais ! Et je me souviens qu’on s’est dit « Merde. Peut-être qu’on devrait faire en sorte que les gens continuent à danser ». On n’y avait jamais pensé avant. On dirait que vous aimez faire des erreurs. à écou-
Si je comprends bien, on doit sortir à Londres. Mais où ? Jas Shaw :
On fait les Dj tous les week-ends. Du coup on choisit les soirées en fonction des autres personnes bookées pour voir nos potes Dj ! James Ford : Les gros clubs comme la Fabric sont toujours intéressants. Mais on traîne surtout dans des trucs undergrounds comme les raves organisées dans des hangars à Hackney Jas Shaw : Back to basics ! James Ford : On adore aller dans des raves ! L’Angleterre est très douée pour en organiser.
ter l’album, on a même l’impression que c’est votre manière de travailler. James Ford :
L’album n’est qu’une multiplication d’erreurs ! Ce que nous aimons, c’est brancher les machines et voir ce qui se passe, faire évoluer les choses vers des résultats que nous n’attendions pas. Par essence, ce sont toujours des erreurs ou tout au moins des accidents qui font un morceau. Jas Shaw (en riant) : De grosses erreurs ! James Ford : Cela concerne aussi bien notre musique que l’aspect visuel. Nous aimons partir 18 —
Simian Mobile Disco — Unpatterns Wichita Recordings / Pias ≥ Sortie le 14 mai
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le bon producteur ® Michaël Pécot-Kleiner Ω DR
I:CUBE
La géométrie du dance floor
Dans le petit monde magique de la musique électronique, il existe encore des gens discrets pour qui le son n’est pas une histoire de packaging ou de marketing. Nicolas Chaix aka I:Cube boxe bien évidemment dans cette catégorie : producteur réservé mais
C’était un petit sampler de Casio, le SK-1 avec 0,5 secondes de mémoire et un clavier tout pourri. Avec ce petit jouet, je pouvais passer des heures à sampler ma voix, des bouts de radio et faire des boucles.
respecté, pilier du label Versatile et inlassable défricheur de découvertes sonores, cet ours aux épaules
Ton wikipédia dit que tu as 29 ans, c’est une grosse
carrées nous gratifie enfin de son cinquième album
connerie, non ?
au concept novateur, ‘M’ Mégamix.
(rires) Oui, ça doit être un faute de frappe ! J’en ai 37.
Tu es un mec réputé secret, on ne te connaît pas très bien en fait. Jeune tu étais qui et tu faisais quoi ?
Une question me turlupine. Ton nom I:Cube, tu le
J’ai grandi dans le 14e. Ado, j’étais du style solitaire avec l’idée un peu romantique que la musique était mon échappatoire. Je ne sais pas si je rentrais dans la catégorie nerd mais y’avait un peu de ça. Ce goût pour la solitude m’a sans doute servi pour la musique plus tard.
sors d’où ?
Comment as-tu fait ton éducation musicale ?
Essentiellement par la radio parce que je n’avais pas de disques à la maison. J’accrochais sur des sons new wave comme Art of Noise ou des trucs plus bizarres qui passaient sur Nova ou France Culture. Après, j’ai commencé à faire de la musique en bricolant des machines rudimentaires.
C’est un peu une boulette, c’était pas fait exprès. Début 90, j’avais un délire avec des potes, on voulait faire un petit collectif et il fallait que je trouve un nom. J’ai pris celui-là et maintenant le problème, c’est que je ne peux plus le changer. Ça fait un peu Ice Cube, mais bon c’est trop tard. Il n’y a aucune association profonde dans ce nom. J’ai fait une espèce de tentative typographique avec les deux points mais la feinte n’est pas du plus bel effet. Imaginons qu’il y ait un cataclysme et que tu sois obligé de te planquer sous terre pendant dix ans. Quels disques tu emporterais ?
Les musiciens ont toujours un souvenir ému de leur première machine. Pour toi, c’était laquelle ? 21 —
Y’aurait d’abord un coffret, histoire de tricher. Le coffret de Steve Reich A nonesuch retrospective, Nuit
I:Cube parce que c’est une musique où tu peux revenir souvent, à des moments différents de ta vie et c’est très contemplatif. Ensuite sans doute un livre audio ou une pièce dramatique enregistrée, parce que si t’es seul, t’as besoin de voix. Allez l’Ubu Roi d’Alfred Jarry. Après sans doute un mix de house. J’opterais pour Hot Mix 5, un groupe de DJ qui officiait sur une radio appelée WBMX au début des années 80.
ça dure. Et puis la façon dont les gens écoutent de la house n’a rien à voir avec l’écoute d’un album à la maison. Tu fais partie des inclassables même si tu es très marqué Versatile. Tu as échappé aux différents courants qui ont traversé l’électro parisienne. Ni french touch versaillaise, ni issu de la vague dark minimale ou électro-clash du Pulp, ni de celle du Rex/Katapult, ni de la néo french touch. Cette position te per-
Il y a un style musical que tu exècres actuellement ?
met-t-elle d’être indémodable ?
Il y a des choses qui me laissent indifférent ou que je ne comprends pas.
Disons que ces différents courants étaient des zones qui s’interconnectaient parfois. C’est aussi un peu le style du label que de mettre un pied dans ces zones et un autre ailleurs. Peut-être que cette position explique la longévité de Versatile, car du coup on est moins rattaché à une époque et ça nous permet de conserver une certaine fraîcheur, sans vouloir jouer les avant-gardistes ou les incompris. C’est ni opportuniste ni calculateur, on a toujours été entre deux. Alors oui, c’est bien et c’est pas bien parce qu’au final on est moins identifié et marketable. Mais bon, on s’en fout un peu de ça…
Tu as des noms ?
Aïe, je vais me faire des ennemis. Il y a une radio qui s’appellent Radio Néo qui passent pas mal de trucs que « je ne comprends pas », comme du ska festif, du jazz manouche, du rock gavroche… J’ai beaucoup de mal avec ce genre de musique ! Tu disais dans une de tes interviews que le format album musique électronique est mort. Tu peux développer ?
J’aimerais même dire qu’il n’a jamais vraiment existé, parce que cette musique à la base, quand je te parle de house, c’est essentiellement une musique de tracks qui peuvent durer dix minutes. En fait la notion d’album, c’était plus à un moment donné pour qu’un artiste puisse dépasser un peu ce truc là, pour être plus accessible peut-être. En soi, lorsqu’on écoute un album entier composé de tracks longs, ça me laisse dubitatif. C’est un format qui se prête plus à la compilation ou au mix. À la limite, c’est peut-être dans des mix que la musique électronique s’exprime le mieux car c’est un assemblage de titres faits par quelqu’un d’autre. Et au pire, cette musique est une musique de maxis jetables et éphémères, ça peut-être très bien aussi parce qu’elle n’a pas la prétention de l’album. Le problème avec le format album, c’est que ça se la joue un peu, faut que ça reste, faut que 22 —
Venons-en à ton nouvel album-mixtape-concept. ‘M’ Mégamix, c’est une référence un peu kitch aux compilations des radios grand public des 90’s ?
Il y a un peu de ça en effet. Mégamix, c’est super ringardos comme nom. Je ne voulais pas trop me prendre au sérieux. En plus c’est pas vraiment mixé, les morceaux s’enchaînent les uns les autres comme une sélecta à l’ancienne. Est-il vrai que c’est toi qui a fait le visu ? Qu’est-ce que t’as voulu exprimer ? Tu as fait ça avec Photoshop et Illustrator ?
Oui c’est moi. Il y a beaucoup de choses sur cette pochette et je l’ai réalisée avec des techniques composites (rires). Le principe c’est qu’il y a des scans de pochettes de vinyles que j’ai à la maison, des symboles cabalistiques qui renvoient à des Nuit
I:Cube choses belles… Y’a un véritable effort mais ça ne se voit pas ! Mais si, mais si, on la trouve très belle ta pochette ! Tes trucs cabalistiques il veulent dire quoi ?
Ah, je ne vais pas te le dire. Il y a aussi des ondes sonores car je trouvais l’idée pas mal. Enfin voilà, c’est un peu Lego, un peu simple, mais c’est quelque chose de personnel. Ce n’est ni lisse ni passe-partout. Tu as composé cet album qu’avec des titres inédits. Ont-ils été créés spécifiquement pour l’album, en vue de les enchaîner les uns les autres, ou as-tu fait un mélange de nouveautés et d’anciens morceaux dans les tiroirs ?
C’est surtout un mélange, oui. Il y avait plein de tracks que j’avais accumulés et dont je voulais faire quelque choses mais je ne savais pas sous quel format j’allais les présenter. Je ne voulais pas répéter ce qui avait déjà été fait, et comme je te l’ai dit tout à l’heure, le format traditionnel album pour la musique électronique ne fait plus sens. Un jour, j’ai tout condensé et je l’ai envoyé à l’arrache à Gilb’r (ndlr : boss de Versatile et son acolyte sur Château Flight), avec écrit Mégamix dessus. Ce nom cristallise un peu tout ça, et l’idée de présenter le L.P sous cette forme est venue de là. Bien sûr, après, j’ai retravaillé beaucoup de morceaux pour fignoler l’album. 22 morceaux pour 54 mn. Les morceaux sont forcément très courts. Quel est le parti-pris ?
Pas 54 mn mais 55 mn 55s, c’est encore cabalistique ! (rires). Ben ça rejoint l’idée des skits (ndlr : sketchs très courts sur les mixtape hip-hop ). La durée maximum est de 3 minutes et la minimum de 20 secondes. Ça pousse l’oreille à vouloir poursuivre l’écoute. Le fait que j’aurais aimé étirer certains de mes morceaux a fait un peu partie de ma prise de tête. Pour des versions plus longues, il y a déjà un maxi qui est sorti (Lucifer En Disco23 —
thèque), il y en aura un prochain qui va sortir avec 3 tracks (Yourock, Popular electronics et In Alfa), donc jouable en club. Après il y aura peut-être un autre maxi encore. Je sais qu’il y a des tracks que j’aimerais avoir plus longs. As-tu voulu retracer une histoire choisie de la musique électronique avec cet album. Si oui, laquelle ?
C’est vrai qu’il y a beaucoup de références. J’espère que ça ne sonne pas trop nostalgique ou exercice de style. C’est peut-être une mise au point personnelle mais j’ai essayé de faire un pont entre les influences passées et aujourd’hui. Voilà, c’est un peu le concept… J’ai voulu synthétiser de la disco, de l’italo, même un peu de variet’ naïve et cheesy à des sons plus deep, plus électronique weird. Mais clairement, le gros des courants représentés se situe entre les années 70 et 90, je le revendique. Qu’est-ce que tu penses justement du courant nudisco qui est très en vogue depuis quelques années ?
Ce qui est bizarre c’est qu’il y avait déjà eu un courant nu-disco fin 90 avec The Idjut Boys, entre autres. Il y avait des choses vachement bien mais ça s’est un peu dilué je trouve. Maintenant, pour être franc, j’ai l’impression que c’est devenu une formule. Moi, ça me fait penser à du trip-hop ou à de la transe au ralentie, avec des arpégiattors comme gadgets. C’est vachement mou. À l’époque, quand ils faisaient des trips cosmiques, il y avait vraiment un sens derrière et pas seulement une histoire d’imagerie. Ton programme à venir ?
Je vais essayer d’emmener tout ça en live, il y aura des dj sets aussi. Et on va sans doute bientôt rebosser sur Château Flight avec Gilb’r. I:Cube — ‘M’ Mégamix Versatile ≥ Disponible le 7 mai
Nuit
The Night Rider  Kevin Lucbert crusaders-drawings.tumblr.com
Thunderstruck  Edouard Baribeaud crusaders-drawings.tumblr.com
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le bon album ® Michaël Pécot-Kleiner Ω Jörgen Ringstrand
MIIKE SNOW Belle poudreuse
Les gars de Miike Snow aiment les films gores mais
Vous connaissez un peu le cinéma underground
ne portent pas de rangers, n’ont pas le cheveux gras
japonais ?
et ne mangent pas leurs guitares. Non, les gars de
Andrew : On est complètement fans ! Je viens juste de mater Tetsuo The Iron Man de Shinya Matsumoto, c’est un putain de chef-d’oeuvre !
Miike Snow arborent un insolent teint frais et fabriquent une éléctro-pop émotionnelle qui risque de plaire au plus grand nombre. Malgré cet aspect propret, les trois gars de Miike Snow sont tout de même
Avant de former Miike Snow, Christian et Pontus,
légèrement fêlés… Extraits.
vous bossiez déjà en duo. Vous avez notamment fait la prod’ de noms ronflants comme Madonna, Kylie
Il paraît que le nom de votre groupe est un hommage
Minogue, Miss Dynamite, Britney Spears (ndlr : Toxic,
à Takashi Miike. C’est vrai cette histoire ?
c’est eux). Vous avez une petite anecdote marrante
Christian :
Oui et non. Disons qu’au début, on avait déjà décidé de s’appeler Mike Snow avec un seul « i ». C’est seulement par la suite qu’on a changé l’orthographe de « Mike » en « Miike » pour faire référence à Takashi. Pontus : L’hommage s’est fait dans un second temps en effet. On adore ce que fait ce type. Quels sont ses films qui vous ont marqués ? Andrew : Il y en a pas mal. Là, tout de suite, je peux te citer les plus connus comme Visitor Q ou Ichi The Killer. Pontus : Arf, j’adore le moment dans Ichi The Killer où le mec se coupe la langue. Christian : J’ai un petit faible pour Audition et Sukiyaki Western Tango, un western bien destroy avec Quentin Tarantino. 27 —
sur Brit’ ? Promis, on ne dira rien à personne ! Pontus :
Je me souviens d’une fois où Britney a voulu faire un tour dans un peep show à Hambourg. Christian : On a dû sortir de l’hôtel et l’accompagner sans ses gardes du corps. Une fois dans le peep show, elle s’est foutue à poil et a commencé à danser, comme ça, devant nous. Et on est arrivé carrément à la bourre pour son concert. Il y avait un peu près 15 000 personnes qui l’attendaient. On reste dans les films d’horreur, un peu là… Christian : Britney est complètement folle, ce n’est pas une légende. Pontus : Je dirais qu’elle est décalée malgré elle. Elle veut faire des choses en pensant que c’est fun, mais elle ne se rend pas compte des conséquences. Nuit
Miike Snow
“On boit souvent en tournée. On picole pour se réveiller le matin et s’endormir le soir. Et aussi des fois sur scène.” Andrew, tu viens de New York, Christian et Pontus
Waves. Tu peux nous en parler ? Andrew : J’ai fait des installations sonores pour mon ami photographe Sebastien Mlynarski. Son travail vidéo traitait de la mer et des vagues, et on a exposé ça au New Museum à New York. C’est le genre d’expérience que j’ai envie de renouveler. Ton nom de famille est Wyatt. Dis nous la vérité, tu es le fils caché de Robert Wyatt, non ? Andrew : (rires) Oh non, je n’ai pas du tout sa capacité à faire des chansons aussi cool. C’est quelqu’un que j’écoute et que je respecte depuis de nombreuses années. Tu dis ça aussi à cause de ma voix ? Parce qu’elle est un peu haute et fragile ? On peut y voir quelques similitudes en effet. Andrew :
Ma voix est comme ça parce que je suis « high » et fragile, tout simplement (rires)
Happy to You est votre second album. C’est de l’électro-pop, un genre musical un peu fourretout très en vogue en ce moment. Vous vous sentez appartenir à ce courant qui fait tant d’émules aujourd’hui ? Andrew : Basiquement, on fait vraiment ce que l’on a envie de faire sans regarder autour de nous. Je sais que l’on prend toujours des choses à droite, à gauche, que l’on ne produit jamais rien à partir de rien. Plutôt que d’émulation, je préfère parler de dialogue entre les groupes d’électro pop…
de Suède. Il y a un fossé culturel parfois entre vous ? Andrew : Pas vraiment, je trouve que l’on est assez similaires. Christian : Andrew parle même quelques mots de suédois. Andrew : Oui, quelques mots seulement, ce n’est pas terrible terrible. Je préfère parler français.
J’aimerais en venir maintenant à vos 3 clips et qui sont à mon sens aussi réussis que votre L.P. Ces 3 clips forment un petit court-métrage et pourtant, les 3 morceaux qu’ils illustrent (Padding out, Devil’s Work, The Wave) ne se suivent pas chronologiquement dans l’album. En quoi ces 3 titres sont-ils connectés ?
Andrew, toi aussi avant Miike Snow tu as travaillé avec pas mal de monde (ndlr : Carl Barat, Mark Ronson, Dragons of Zinth, Bruno Mars, Coco Sumner…) Tu étais aussi sur un projet artistique nommé 28 —
Pontus : Disons qu’ils sont connectés symboliquement, mais pas d’une manière narrative. Ce qui nous intéresse, c’est de créer quelque chose d’irrationnel, comme dans un rêve, avec des transitions Nuit
Miike Snow abruptes et illogiques. Andrew : Je veux écrire et chanter ce que je ne peux pas raconter. Ça paraît un peu paradoxal, un peu complexe, mais c’est vraiment un point important pour nous.
qui dirige les mots qui vont lui correspondre. De toute façon dans Miike Snow, ce seront toujours les mélodies et non les paroles qui joueront un rôle de premier plan. Vous êtes amateurs de littérature française ?
D’ailleurs, à qui les doit-on ces clips ?
Andrew : Je
Andrew :
Pontus :
Le mec s’appelle Andreas Nilsson, c’est un grand fan de science-fiction bizarre. Tu vois, dans un certain sens, on y revient à Takashi Miike.
suis très fan de Cocteau et de Proust. Oula, la littérature française, c’est tellement vaste…
Et Paris, vous connaissez un peu ? Le personnage principal est une sorte de Michael
Andrew : Oui, j’ai
vécu ici à une époque.
Jackson atrophié évoluant dans une ambiance quelque peu apocalyptique. Est-ce un clin d’oeil au
Quand tu sortais, tu allais où ?
King de la pop ? Une mise en garde contre les travers
Andrew :
de notre monde actuel ? Pontus : On peut vraiment y voir ce que l’on veut, chacun à sa propre interprétation. Ce peut être Michael Jackson où la fin de notre civilisation, tout dépend de la sensibilité du spectateur. Je crois qu’il y a quelques fragments de cela, mais tu sais, on ne veut donner de leçon morale à personne, l’importance était surtout d’ordre esthétique. Il n’y a pas de message politique ou de critique contre quelque chose. Ces clips renvoient plutôt à un ensemble de sensations, toujours comme dans un rêve. On a fait ça aussi pour le fun.
J’avais mes habitudes au Baron. Je suis allé au Silencio il y a peu. Si je me souviens bien, c’était le soir du réveillon de Noël et je dansais seul avec une femme de 75 ans. C’était un grand moment (rires). J’aimais bien aussi aller boire des verres au bar du Ritz, mais je crois qu’il va bientôt fermer à cause des rénovation, c’est bien ça ? Sinon, il m’arrivait aussi de faire du patin à glace la nuit.
Quand vous décidez de vous mettre une mine, vous faites quoi ?
aucune cohérence narrative.
boit souvent en tournée. On picole pour se réveiller le matin et s’endormir le soir. Et aussi des fois sur scènes. En fait, on boit quand même pas mal en tournée.
Pontus : Non, aucune. Prends ça comme un voyage.
Vous avez un cocktail de prédilection ?
Donc l’album dans sa globailité n’a également
Christian : On
Christian : Notre
must, c’est la vodka redbull.
Mais un voyage qui mène où ? Andrew : (il chantonne) « A journey to nowhere, a journey to nowhere… »
Vous avez un remède contre la gueule de bois ? Christian : Sérieusement ?
Ne jamais s’arrêter !
Vous avez une technique particulière pour écrire les paroles de vos chansons, genre écriture automatique ?
Miike Snow — Happy to You Columbia
Andrew : Non, pas de technique particulière. C’est
≥ En concert le 23 mai à la Gaîté Lyrique
avant tout la mélodie qui est directrice, c’est elle 29 —
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le bon club ® Violaine Schütz Ω Bernard Khoury
Le B018 Dansons sous les bombes
Qui n’est jamais allé au B018 à Beyrouth n’a jamais clubbé. Au-delà de la simple virée en boîte, c’est une
dans les recoins, dans l’anonymat hypnotique de la boîte de nuit.
expérience totale qui se vit à fond. Récit d’une nuit. Pulsions de vie
C’est au milieu de nulle part. On y va en voiture, en taxi, ça prend du temps, puis on arrive sur une sorte de zone désaffectée qui a été rasée. Le quartier s’appelle la Quarantaine, ça veut tout dire. C’est à cet endroit aussi qu’on mettait les personnes contaminées pour éviter les risques d’épidémie. Ce lieu fut investi par des déplacés de guerre (environ 20 000 en 1975) et en janvier 76, à la suite d’une attaque pendant la guerre civile, la quarantaine fut entièrement détruite. En 2012, en arrivant sur les lieux, on se demande bien où se trouve le club et si on ne s’est pas trompé d’adresse. En fait, le B018 s’immisce sous terre, dans un bunker en sous-sol (désigné par le génial Bernard Khoury) dont l’entrée est gardée par deux cerbères colossaux. On y va à 3h du mat car le B018, ouvert depuis 2006 est un lieu d’after. On amadoue les videurs puis on descend les escaliers et là, le choc. Une atmosphère noire et blanche macabre et envoûtante. Un homme nous glisse à l’oreille pendant qu’on descend sous terre : « Tout ce qui se passe au B018 reste au B018 ». « Le B018, ajoute-t-il, c’est là que les gays au Liban flirtent et que le Moyen-Orient s’encanaille », aspirés par la noirceur souterraine et les effluves de BPM. On croise des couples récents qui se roulent des pelles 30 —
Il faut dire que le lieu prête à tous les excès. Très sombre (on distingue à peine le visage des clubbers), on voit tout juste les serveurs sapés en infirmiers, le sol en pierre grise, les décors en bois, du velours rouge, et des guéridons en marbre blanc veiné. Dans ces viscères, on danse pendant des heures sur des banquettes en forme de cercueils de bois, comme si il n’y avait pas de lendemain, sur de la minimal mixée par un DJ aux faux airs de Ben Laden (barbe longue et tee shirt). On boit beaucoup de vodka. Et au bout de plusieurs heures de danse exaltée, le toit s’ouvre sur le ciel, on lève alors les bras sous les étoiles, en respirant enfin. Il règne dans cet endroit quelque chose de très fort, une ambiance : « dansons sous les bombes ». On sent que la guerre et la mort ont rôdé ici il y a peu, et que des pulsions de vie se déchaînent sur le dancefloor. On ressent dans cet antre un peu la même liberté qu’à Berlin, poussée à son paroxysme. Son rituel d’ouverture semble être une métaphore du quotidien par temps de guerre : se montrer expose au danger alors vivons cachés. La jeunesse branchée de Beyrouth vient aujourd’hui oublier. Parce que la nuit, c’est fait pour ça, oublier. ≥ www.b018.com Nuit
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Nuit
le bon concept ® Marie Prieux Ω DR
LIGHT ASYLUM Sentier lumineux
New-wave, gospel, post-punk synthétique, qu’importent les mots : chez Light Asylum, groove et mélancolie sont omniprésents, nous prennent aux
manière immuable. Shannon et moi nous retrouvons, posons nos idées sur la table, et parfois, nous sommes plutôt d’humeur punk, ou dance music…
tripes. Et si, avec certains, échanger relève du défi, avec eux les langues se délient, digressent parfois.
Bruno, quels sont tes outils de prédilection ?
Shannon et Bruno nous parlent de leur rencontre, de foi, d’espoir, et de leur vision du monde.
B : J’utilise une Korg Electribe, des drums machines, un sampler SP 404, et deux pédales.
Bruno, tu aimes la house, sortir en club, tandis que
Shannon tu t’occupes des paroles ?
toi, Shannon, tu as eu un groupe de punk et appré-
Shannon :
cie cette mouvance. Qu’est-ce qui vous a rapproché, tous deux ? Bruno : Nous nous sommes rencontrés en 2007, en
tournée, et nous sommes rendu compte que nous avions finalement les mêmes influences : punk, house, freestyle, new wave, synth pop… Tellement de points communs, que nous avons décidé de travailler ensemble, deux ans plus tard. Nous avons commencé à écrire des morceaux, afin de remanier ces différents styles, à notre manière. Avoir les mêmes références dans autant d’univers musicaux paraît presque impensable ! B : En fait, nous avons chacun notre background, mais exploitons cette complémentarité pour créer un environnement qui nous est propre. Les ambiances nous lient plus que les artistes en euxmêmes. Notre vision des choses est telle que rien ne se catégorise, aucun son n’est déterminé de 33 —
Pour ce nouvel album, nous avons travaillé ensemble, fifty fifty. Nous écrivons, composons la musique en binome. Parfois, nous allons simplement au studio, et discutons : « Salut ! Comment était ta journée ? As-tu passé une bonne semaine ? » Et de là, tout se fait naturellement, le processus est enclenché.
Light Asylum était pourtant un projet solo, au départ. S : Oui ! J’ai commencé en chantant pour de mul-
tiples producteurs, connaissances, amis. J’offrais ma voix à d’autres groupes. Puis j’ai senti qu’il était temps d’avoir le mien. A cet instant, il ne s’agissait plus de désirer, espérer, mais il a fallu tout mettre en œuvre pour concrétiser ce dessein. Ce qui n’est pas forcément facile. C’est pour cela que je suis partie à New York, à l’époque. Analyser ce que je voulais, ou comprendre comment parvenir à toucher un public m’a pris énormément de temps. C’était une sorte de réflexion, et de remise Nuit
Light Asylum
“Notre musique est chaque jour conditionnée par la poussée d’énergie, la vague de ressentis que provoque en nous Brooklyn.”
34 —
en question … Vocaliser pour les autres m’a éclairée sur ce que j’aspirais à construire, ou non. Cette expérience a fondé ce qui est aujourd’hui devenu un duo. Tu vis maintenant à Brooklyn. Cette ville influencet-elle vos sons? S : Absolument… Notre musique est chaque jour conditionnée par la poussée d’énergie, la vague de ressentis que provoque en nous Brooklyn. Son environnement est partout dans nos productions. Il a des conséquences directes sur nos émotions. Le dynamisme de nos tracks est le résultat de ce que nous avons vécu, de notre quotidien. Le lieu où nous résidons y occupe donc une place fondamentale. Du côté de l’Hexagone, des artistes vous tiennent-ils particulièrement à cœur ? S : Nous sommes de grands fans de Unison, Daft Punk, et de ce chanteur des seventies… Mais comment s’appelle-t-il ? J’ai oublié. (elle chante) Si tu le retrouves, n’oublie pas de me transmettre son nom ! (ils rient) B : Et Brigitte Bardot ! S : Aussi ! Comme Serge Gainsbourg, Jane Birkin, et Catherine Deneuve dans ses comédies musicales. Je peux continuer à t’en citer pendant un moment. Toutes époques et genres confondus ! S
: Les artistes américains ne sont d’ailleurs pas négligeables. J’adore Joséphine Baker, par exemple. Et un tas de jazzmen qui ont migré en France. à leur époque, ils étaient persécutés, discriminés. Il ne faisait pas bon d’être Afro-Américain aux états-Unis. Ici, à Paris, ils étaient bien plus respectés pour leur travail. Alors ils ont quitté leur pays … J’ai beaucoup de respect pour eux.
Nuit
Light Asylum Shannon, ta voix est grave, et d’une puissance déroutante. La prépares-tu, avant un concert ? S : Pas vraiment… Je fume. Et je bois, de la téquila, ou de la vodka (rires).
qu’un besoin de changement est évident. Que le public se réveille est nécessaire, il doit croire en l’évolution. Il s’agit d’espoir. Comparable à l’excitation d’un enfant lorsqu’il réalise qu’il peut faire des choix, par lui-même.
Elle est d’ailleurs souvent comparée au gospel. Une sorte de gospel d’un nouveau genre, électronique. Tu
Ce processus passe également par les live, et leur
sembles pourtant loin de tout dogme religieux.
énergie.
S :
S : Quand les gens viennent nous voir, il faut qu’ils dansent, s’abandonnent, soient dans un état extatique, profond …Qu’ils bougent, se lâchent, et se disent « Wow » ! C’est pour cela que je suis ici !’ (elle mime). Nous répétons énormément, dès que nous le pouvons. Nous essayons d’être professionnels, tout en restant libres, incontrôlables ! Et nous sommes avant tout naturels, pour que le public se sente près de nous, dans notre ‘voyage’ (elle le dit en français, et rit).
Je souhaite en effet m’éloigner de toutes ces croyances… Le chant est le moyen d’expression que j’ai choisi pour y parvenir. Petite, je n’aimais pas qu’on m’emmène à l’église. Cela m’insupportait. Je pense que les communautés sont bénéfiques aux peuples, elles leur permettent de trouver certains repères. Mais choisir sa voie, se connaître est très délicat. Pour moi, le christianisme est juste une institution, qui contrôle les masses. Quand je suis devenue adolescente, j’ai naturellement grandi contre ces choses-là, bien qu’on ait tenté de me les imposer. L’expérience que j’ai de la religion a formé mon opinion, et a développé mes sens artistiques. J’ai simplement traduit ce ras-le-bol dans la musique. J’ai le devoir de partager mon vécu, et de le transmettre à travers mes chansons.
Ce ras-le-bol est-il aussi présent dans les sonorités
Le travail de votre album était-il finalement différent de celui de vos précédentes sorties ? B : Non, pas vraiment. Il s’agit plutôt d’une continuité. Mais avec plus d’entrée en matière, car l’EP est plus court. Le LP est plus abouti, plus dense, mais dans la même veine. S : Nous voulions de nouveau provoquer un impact !
que les paroles ? S : Oui, dans les deux. C’est une performance, complète. Une méditation. A chaque fois que nous nous produisons, je me confronte à moimême. C’est un mouvement perpétuel. Et, tu sais, tous ceux qui écrivent des chansons parlent d’amour, de peurs, de résolutions…
Êtes-vous aussi sombres que votre musique ? S : Oui ! Totalement !
(ils rient)
Quel message voulez-vous transmettre, au-delà de toute notion de religion ? S :
Celui du pouvoir, et de la liberté d’être en mesure de changer le monde. Nous désirons rendre les gens vivants par la musique. Les rendre lucides, qu’ils voient la société telle qu’elle est. Ils doivent réaliser qu’elle est souvent sombre, et 35 —
Light Asylum — In Tension Mexican Summer ≥ Disponible
Nuit
la bonne ombre ® Manon Troppo
le corbeau blanc un silence qui voulait dire beaucoup
Parce que travailler chez soi tous les jours finit par rendre insupportable chaque centimètre carré de son nid douillet, il faut parfois reprendre ses bonnes vieilles habitudes d’étudiante et migrer dans un bar proche. C’est ce que je m’apprêtais à faire ce jour-là quand une averse que seul le mois d’avril sait nous servir, s’abattait sur moi comme la colère de Dieu sur le pêcheur. Je rentrais donc dans le premier rade à disposition. Le Corbeau Blanc, avenue Parmentier, avait déjà attiré mon attention. Pas pour sa beauté ou sa terrasse, ces deux qualités étant quasi inexistantes, mais pour son nom. « Le Corbeau Blanc », tout de même, je me demandais d’où ça pouvait bien venir et s’il y avait une explication derrière ou si le patron avait simplement perdu un pari et honoré son gage. Avant de mener cette indispensable enquête, je m’inquiétais de savoir si je pouvais m’installer dans un coin, près d’une prise, avec mon ordinateur. Le patron m’invite à le suivre, m’installe à une table pour quatre, écarte la chaise et dispose même ma veste sur le dossier avec une prévenance habituellement réservée à la reine d’Angleterre. - C’est pas souvent qu’on vient travailler ici. C’est un honneur. J’vais vous baisser un peu la musique. 36 —
C’était donc ça. Gênée, j’essaie de changer de sujet en causant superficie et clientèle : - J’ai pas besoin d’une table pour quatre, vous savez. Ca bloque la place de trois clients. Son éclat de rire me fait comprendre que j’ai dit une bêtise grosse comme moi mais je ne devine pas laquelle. - Vous savez, ici, les gens, c’est au comptoir qu’ils se mettent, m’explique-t-il en désignant les piliers de bar. Effectivement, les quelques dix clients présents sont tous debout, tous accoudés, tous seuls, tous à la bière. L’un d’eux m’intrigue plus que les autres. Légèrement voûté, il ne lève jamais les yeux et ne regarde rien d’autre que sa bière. Qu’il vide en deux gorgées, comme un ogre. Et qu’il recommande d’un tour de main auquel le barman semble être très habitué. Bien qu’un léger sourire, quasiment imperceptible, ne quitte jamais son visage, il respire la tristesse. N’importe qui d’un tant soit peu humain donnerait tout pour lui faire un câlin et lui promettre que tout va bien se passer. Même si c’est pas vrai. Il faut que je décroche de ce type et que j’essaie de travailler un peu mais j’y arrive pas. Il doit sentir Nuit
que je l’observe puisqu’en passant à côté de moi pour aller aux toilettes, il me tapote l’épaule, sans me regarder, et me dit très bas « Je vous félicite, il faut travailler dur de nos jours, c’est tout ce qu’il nous reste, le travail. Le travail et les jeunes filles comme vous. C’est tout ce qu’il nous reste. » En quelques mots, ce type a balancé toute la peine du monde dans mes oreilles et je pourrais éclater en sanglots dans la seconde si les illuminés du bar ne me surveillaient pas régulièrement. Quand il repasse, je prie pour qu’il ne me parle pas à nouveau. Sans quoi, c’est sûr, je me pendrais sur le champ. Pourtant, toujours en me tapotant l’épaule, il dit, toujours extrêmement bas : « Je vous offre une bière, d’accord. » sans point d’interrogation. Quand la bière arrive à ma table, je me sens obligée de déserter mon Perrier-citron et mon ordi pour aller 37 —
la boire en territoire « houblon », à la gauche de mon hôte, au comptoir, comme tout le monde. Jusqu’à minuit, on est restés comme ça, à se tenir compagnie sans se parler. J’avais le sentiment que nous étions l’humanité à nous seuls. Quand j’ai enfin décidé de partir, il m’a dit, sans me regarder, en me tapotant l’épaule : « Je vous aurai oubliée demain, c’est ça que je fais dans la vie, essayer de tout oublier, mais je vous en prie, si vous me revoyez un jour, revenez vous asseoir à côté de moi. » Je hochais la tête et partais à toute allure pour cacher mes yeux mouillés sous la pluie. En franchissant la porte, sous les saluts scandés par la clientèle, je pensais « En fait c’est lui, le corbeau blanc, c’est lui. » Le problème avec les oiseaux de nuits, c’est qu’on sait jamais où les dénicher pendant la journée. Nuit
38 —
Nuit
la bonne sœur ® Nicolas George Ω Benoît Pétré
Alysson Paradis Ange rock
Entre le théâtre, le ciné et la musique, Alysson Para-
Ton autre actu, c’est aussi le grand écran, avec un
dis fourmille de projets… Celle que l’on présente
film un peu sur la musique rock !
trop souvent comme la « sœur de… » aime faire val-
Oui, il va sortir cet été ! Cela s’appelle « Riot on Redchurch Street », un film sur le rock anglais : ça se passe dans un quartier de Londres, sur fond de tensions entre la génération « bobo-cool » et la communauté religieuse dans un quartier musulman. En toile de fond, on y décrit l’ascension d’un groupe de rock et moi je joue le rôle d’une chanteuse prénommée Astrid Angel. D’ailleurs, de vrais groupes jouent dans le film, comme par exemple Johnny Borrell de Razorlight. En tout cas c’est sans doute le film dont je suis la plus fière !
ser les étiquettes pour se lancer dans des projets décalés et souvent rock’n’roll. Rencontre avec une fille de son temps. On vient de te voir au théâtre dans la pièce Salle des Profs à l’Archipel à Paris… Heureuse de retrouver les planches ?
Oui ! C’est une comédie à sketchs sur la vie d’un collège relatée par trois professeurs… Il y a la prof stricte jouée par Audrey Garcia, le prof de sport cool interprété par Yannick Mazzilli, et moi je campe la jeune prof qui vient d’arriver. C’est rigolo on a un public éclectique dont beaucoup d’ados et de profs ! Et en plus, il faut le dire, les profs qui viennent sont souvent dissipés et qu’est ce qu’ils bavardent dans la salle ! C’est étonnant de te retrouver dans ce type de projet.
Au début j’étais un peu sceptique. Mais j’y joue avec deux de mes amis donc j’avais envie de le faire et puis, on me propose rarement de jouer des choses drôles donc ça changeait un peu ! Après, jouer au théâtre dans Paris, c’est toujours un peu difficile : ça évolue chaque soir en fonction du public et de sa réaction. Et ça, c’est souvent déstabilisant ! 39 —
Il semble que le tournage a été un peu rock’n’roll justement.
En fait, on a tourné durant les émeutes en Angleterre l’an dernier. Donc automatiquement, c’était très particulier. C’était une drôle d’expérience, ça cramait autour de nous, on a dû s’enfermer dans un bar car il y avait des pilleurs qui voulaient entrer… Mais bon, d’une manière générale, je trouvais que les médias français en faisaient beaucoup : moi je ne me suis jamais sentie en danger. Toi même, tu avais un groupe de rock quand tu étais ado…
Oui je jouais de la basse dans un groupe. Mais en fait j’ai toujours été passionnée par la musique ! Nuit
Alysson Paradis J’aime le rock, mais j’ai surtout une culture jazz et j’aime les classiques de la Motown. Du bon Elvis aussi. Par contre, je ne suis vraiment pas fan de la nouvelle scène française des chanteurs à texte comme Grégoire, Bénabar… A part Benjamin Biolay. En fait, il faut que la musique me transcende un peu : j’aime les grandes envolées qui t’emportent. J’écoute beaucoup l’album de mon amoureux en ce moment, un mélange de pop et de hip-hop : ça s’appelle Zuzoom ! Sinon, j’aime beaucoup les groupes Edward Sharpe & the Magnetic Zeros ainsi que Nightmare & The Cats ! Tu as l’air un peu en décalage avec ce qu’écoute ta génération !
Non, je ne pense pas mais par exemple, je n’écoute pas la radio. Au bout d’une heure tu as déjà entendu 10 fois Shakira… Sérieux, ça gonfle. Les Victoires de la Musique, cette année, ça m’a saoulée aussi. Si on se creuse un peu, il y a des choses sympas à faire mais on ne prend pas suffisamment de risques en France. En Angleterre, il y a toujours un milliard de groupes. Mais c’est beaucoup plus compliqué de percer en France. Je trouve aussi que, lorsqu’un artiste fait un titre ou deux qui fonctionne, on le déclare trop vite comme la nouvelle star. Sérieusement, comment tu fais pour te solidifier quand tu es rapidement mis sur le devant de la scène ?
branché. Par exemple, je n’aime pas le Baron pour son côté hype. Et tout le monde parle du Silencio comme le nouveau lieu où il faut être : eh bien, je n’y suis jamais allé. Alors, à quelles adresses peut-on avoir une chance de t’apercevoir ?
J’aime bien le 114 rue Oberkampf, parce qu’il y a toujours des groupes rock un peu décalés qui y jouent. Côté resto, j’adore la Pizzetta, avenue Trudaine dans le 9e ou alors le resto japonais Nanashi, rue Charlot dans le Marais, où ils font d’excellents bentos et de très bons thés. Sinon, je suis souvent Chez Jeannette dans le 10e : j’aime l’ambiance de ce lieu entre bar de quartier le matin et endroit branché le soir… Sinon, j’adore le Petit Théâtre de Paris : je rêve d’y jouer ! Autres lieux que je trouve fascinants : le Grand et le Petit Palais. Tu ne cours pas les soirées people ?
Non, je n’ai pas envie d’aller dans telle ou telle soirée juste pour y aller ! Je m’y rends uniquement parce que j’aime le thème, parce que c’est pour une marque que j’aime ou que ce sont des amis qui organisent… Mais je ne cours pas après la presse people. Je ne suis pas une bonne cliente pour elle ! Et puis, pas sûr qu’un réalisateur te propose un rôle parce que tu apparais dans les pages Nuit de Voici… Les paroles prononcées la nuit voient-elles le jour,
On t’a souvent vu passer des disques en soirée…
selon toi ?
C’est quelque chose qui te plaît ?
Cela fait longtemps que je ne crois plus à cette phrase ! (rires)
Ouais j’aime ça ! Mais je ne me considère pas comme DJette toutefois… Je fais juste une sélection de chansons qui me plaisent. Je faisais déjà ça quand j’étais jeune en soirée ou en boum. Même en famille, on se fait des battle d’Ipod ! J’aime surtout passer du Stevie Wonder et les Black Keys.
Pour finir, quelle est la question que les journalistes te posent le plus souvent et qui commence à t’agacer ?
« Alors, il est gentil Johnny Depp ? » (rires) Et donc il est gentil Johnny ?
Oui, il est adorable. C’est un beau-frère au top !
Tu es un oiseau de nuit ou pas ?
Pas vraiment… Je n’aime pas quand c’est trop 40 —
Nuit
le bon art Communiqué ® Bruno Jamin Ω Nobuyoshi Araki - Kaori 50 x 60 - 2004
Le Cabaret Organique Du 15 mai au 6 juin le collectif d’artistes Nyctalopes lance Le Cabaret Organique et propose pour cette première édition trois semaines d’expo, dont trois soirées live les samedis 19, 26 mai et 2 juin. L’expo : Déployés sur deux étages, 40 artistes - Joel-
Peter Witkin, Ray Caesar, Jan Saudek, Nobuyoshi Araki, Shu Lea Cheang, C215,… - sont invités à se réunir autour du thème du corps féminin, et à le décliner à travers un parcours découpé en 6 zones : la chair, le sexe, la mort, l’esprit, le temps, le virtuel. Les lives : Les 3 samedis soirs de l’exposition sont animés par des musiciens, danseurs et performers de tous horizons : Julie Atlas Muz, la Compagnie Ariadone, Lydia Lunch, Nelisiwe Xaba, ainsi que la performance de Velocity Chyaldd sur le plaisir féminin… Ces samedis live sont présentés par Isadora Gamberetti, maîtresse de cérémonie pour l’occasion, et DJ Son Of A Pitch. Manifeste des Nyctalopes
Fondé en 2010 dans un contexte de lissage martelant, de prohibition feutrée, de peurs intestines, ce collectif alternatif pluridisciplinaire regroupe des créateurs de toutes inspirations, de tout art, de tous horizons. Leurs créations sont par essence organiques. Elles plongent dans les chairs, dans les trous et leurs miasmes, creusant les corps tel l’orpailleur extrait, tamise, pioche et recommence : avec acharnement, patience et compulsif espoir du Saint Graal. Leurs créations sont libres. Elles ont échappé à une subversion adoubée et à une censure sourde, rampante, hype. Ce sont, à notre 42 —
ère, les Bruts de l’Art. Nyctalopes, ils s’efforcent de percevoir le monde dans la pénombre nauséabonde d’un XXIe siècle aveugle, atonique et lifté jusqu’à l’anus. Performances, arts visuels et de la scène, littérature s’y entremêlent sans complaisance, contrainte et imposture d’usage. Visible pour la première fois après deux ans de gestation, Le Cabaret Organique abrite une mosaïque de corps. Le corps, tel un thermoscope de l’époque, un transmetteur qui recueille et transmet le monde, sans filtre, et qui semble être le seul à ne pas mentir dans cette inhumaine comédie. Autant de corps que d’œuvres d’artistes vivants et réunis par les Nyctalopes. Plasticiens, artistes numériques, performers, illustrateurs, écrivains, photographes, danseurs, musiciens, street artistes, cinéastes, stylistes déclinent le corps féminin dans une ruche urbaine et primitive aux alcôves luminescentes. Les Nyctalopes composent et donnent vie, de toutes ces créations assemblées, à un Golem Femelle. Entre parcours initiatique et chocs rétiniens, le visiteur pénètre de tout son corps le kaléidoscope de chairs, la matrice originelle.
Le Cabaret Organique ≥ Du 15 mai au 6 juin, du dimanche au vendredi de 11h à 21h : entrée 5 € (tarif réduit 3 €) Les samedis de 19h à 2h du matin : entrée 29 € 16, passage Choiseul – Paris 2e Réservations sur www.nyctalopes.net
Nuit
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Nuit
la bonne playlist Ω Conta
Jef Barbara
Miami Sound Machine - Conga
Gloria Estefan doit être la reine de la latin pop fusion. Elle englobe selon moi tout ce qu’il y a de plus sincère, dynamique et jovial dans la pop américaine. Monyaka - Go Deh Yaka (Go To The Top)
Ce morceau dancehall reggae est lustré d’un vernis post-disco efficace. Lionel Richie - All Night Long (All Night)
Mon enfance. Il y avait le disque de Lionel Richie à la maison. Hello en était le titre fétiche de ma mère. Quant à moi, j’ai toujours préféré All Night Long. Billy Ocean - Caribbean Queen (No More Love On The Run)
Qu’est-il arrivé à Billy Ocean? Wham! - Blue (Armed With Love)
B-side du single Club Tropicana de Wham!, paru en 83. Le Chamfort français qui vient
Sade - Paradise
de sortir un superbe album mi
Rien à dire. J’adore Sade.
électro-mi chanson chez Tricatel (Contamination) s’est inspiré des
Rebbie Jackson - Centipede
stations balnéaires tropicales
Les paroles de cette chanson sont assez drôles. J’ai sélectionné le morceau car il évoque la pensée du vidéoclip, qui selon moi reste un monument kitch de son époque.
pour nous délivrer cette playlist qui sent bon l’été. Son mix s’intitule Tropiques synthétiques ou le Club Med imparfait.
Talking Heads - Once In A Lifetime
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C’est le moment rafraîchissant du mix, non pas uniquement à cause du texte de David Byrne mais beaucoup en raison du son «aquatique» qu’on entend en loop tout au long de la pièce.
www.myspace.com/jefbarbara
Carly Simon - Why
La chanson qui a inspiré le thème de cette playlist, soit la décadence tropico-touristique. Washed Out - Feel It All Around
Afin de rester sur un registre eighties, j’aurais bien voulu mettre la version originale, celle du chanteur italien Gary Low, mais j’ai fini par céder car la voix de Ernest Greene est plus belle et mieux traitée.
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Nuit
trousse de secours Ouvert toute la nuit ! Pharmacies de garde
Épicerie Shell
Chez Tina
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≥ 01 46 06 63 97
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≥ Vendredi et samedi jusqu'à 5h
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Allô Hector 01 43 07 70 70
16, boulevard de la Madeleine 8e
≥ 7/7 — jusqu'à 6h
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2, boulevard Montmartre 9 e
Apéritissimo 01 48 74 34 66
52, rue du Louvre 1er M° Louvre-
Place de Clichy 18e
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01 46 75 05 05 ≥ 7/7 — 24/24
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97, boulevard Saint-Germain 6 e
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Boulangerie pâtisserie
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Nuit
Bonbon Party | Tous les vendredis au Bus Palladium â„Ś Antoine Garnier / Face 2 Bus
le bon agenda La sélection de ParisLaNuit.fr Jeudi 03/05 19h30 Le Trabendo 22 €
Samedi 19/05 21h Le Bus Palladium 5 €
≥ Ghostpoet + Micachu And The Shapes
≥ Niki Demiller + Lady Chevrotine + La Classe
21h
Le Bus Palladium 5 €
23h
≥ Missils Airlines + Madame Monsieur
La Bellevilloise 12 €
≥ Free Your Funk x Beats & Rhymes avec Cool Connexion, Häzel, Union
Vendredi 04/05 21h Le Bus Palladium 5 € Mardi 22/05 20h Le Trianon 32 €
≥ Zulu + Arthur Ribo + La Dingue 23h
≥ Theophilus London & Live Band
Social Club
≥ Cameroscope w/ Skream, Kill Frenzy, Sam Tiba 23h30
Mercredi 23/05 20h Le Petit Bain 20 €
La Rotonde10 €
≥ Star Wax Hip Hop Party avec Supernatural, Imani
≥ Socalled & Boogie Balagan
(The Pharcyde)… 00h
Jeudi 24/05 21h Le Bus Palladium 5 €
Nouveau Casino 10 €
≥ Grill avec Solo, Maelstrom, Ed Isar, Chef
≥ Lou Marco + Kinski Elevator + Glass Petals
Samedi 05/05 23h Le Cabaret Sauvage 23 €
≥ Face To Face avec Agoria & The Hacker
≥ MME w/ Benoit & Sergio, Tale Of Us, Slow Hands,
23h
Le Loup, Jozif
≥Pelican Fly avec Lol Boys, Dubble Dutch
23h30
23h55
Le Rex Club 12 €
Le Social Club Gratuit
Le Point Ephémère 13 €
≥Kill The DJ avec Ivan Smagghe, Chloé, Rebolledo
Vendredi 25/05 20h La Maroquinerie ≥ Django Django
Lundi 07/05 23h La Bellevilloise 12 €
21h
≥A DJ For President avec Boombass, DJ Feadz & Irfane
Le Bus Palladium 5 €
≥ Jess King + Grimm + Red Clubs 23h
Le Trabendo
≥ Villette Sonique avec Canblaster, Redinho… Jeudi 10/05 20h La Bellevilloise 27 € Samedi 26/05 23h Le Trabendo 18,80 €
≥General Elektriks & Congo Punq 20h30
≥ Villette Sonique avecJohn Talabot, Chris & Cosey,
Olympia 38 €
George Isakidis, Ital
≥Amon Tobin Vendredi 11/05 18h Le Petit Bain 10 €
Dimanche 27/05 23h Le Social Club
≥ Pop In Fifteen avec Zombie Zombie - Rob My Life
≥ Marble Party avec Para One, Surkin et Bobmo
Is Acid - Peter & Villeneuve, Luz, Hush Puppies, Autour De Lucie, Lisa Li-Lund
Mardi 29/05 19h30 Le Trabendo 18,80 € ≥ Villette Sonique avec Peaking Lights, Julia Holter,
Samedi 12/05 23h La Bellevilloise 14,80 €
Dirty Three
≥ Excuse My French Missill Release Party Mardi 05/06 La Cigale 18h30 29 € Vendredi 18/05
23h
≥ Hanni El Khatib,The Virgins et The Dough Rollers
La Machine 18 €
≥ Sunset Club avec Surkin, Klaxons DJ Set, Sunset Envoyez votre prog à : emmanuel@parislanuit.fr
DJ’s
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Nuit
03/05
MISSILS AIRLINES + MADAME MONSIEUR + JULIA CINNA 04/05 21H ZULU + ARTHUR RIBO + LA DINGUE 00H Soirée Bonbon 05/05 21H ULMANN KARAROCKÉ 10/05 21H THE BURNIN JACKS + LE SPARK + BOUTON ROUGE by TIM BARGEOT 11/05 21H MR D. AND THE FANGS + JOSEPHINE STREET 12/05 21H MOTION OF HIPS + CHARLIE L + GASPARD ROYANT 21H
16/05 17/05 18/05 19/05 24/05 25/05 26/05 31/05
APRIL WAS A PASSENGER + WOLFPACK BEARTRACK LITTLE SISTER + DISCO MOJO CLUB + LOST VOLTAIR 21H KAMI + VELOCITY BIRD + FROGS IN FIRE 21H NIKI DEMILLER + LADY CHEVROTINE + LA CLASSE 21H LOU MARCO + KINSKI ELEVATOR + GLASS PETALS 21H JESS KING + GRIMM + RED CLUBS 21H CATHEDRALE + WASTED WASTED + D’AUSTERLITZ 21H THE ELECTRONIC CONSPIRACY 21H
21H