Le Bonbon Nuit 26

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Nuit

Novembre 2012 - n째 26



édito Bonne Nuit Non, la soi-disant mort du clubbing parisien n’est pas due à l’absence de lieux adéquats, au manque de folie de ses habitants, au prix exorbitant des boissons dans les clubs ou encore aux plaintes du voisinage. Si j’en crois une enquête, réduite certes, effectuée auprès de mon entourage, elle n’est due qu’à une seule chose, très éloignée de la vie de la capitale : le talent d’écriture des scénaristes des séries US. Je m’explique. Depuis quelque temps, je ne compte plus le nombre d’amis, collègues, connaissances qui refusent d’aller à une soirée parce qu’ils regardent en boucle Girls, Homeland et Game Of Thrones. L’addiction à ces séries, extrêmement réussies, est telle qu’ils préfèrent rester sous leur couette en buvant une tisane et enchaîner les épisodes plutôt que de braver le froid pour aller boire une bière au comptoir d’un établissement moins romanesque. Et je m’inclue dans le lot. Et non, ce n’est pas la vieillesse qui guette, parmi eux il y a aussi de très jeunes gens au sommet de leur forme et sans problèmes financiers. Deux solutions donc pour que les Parisiens (et les Français en général) recommencent à sortir : soit éliminer les scénaristes US en question pour qu’ils arrêtent d’être si bons (trouver leur nom et adresse, accéder à leur maison calfeutrée sur les collines d’Hollywood, bref, c’est pas simple, sans compter la case prison). Soit incorporer un peu des ingrédients de ces séries aux intrigues passionnantes et personnages touchants aux clubs et bars de la capitale. Claire Danes en serveuse bipolaire d’un bar rock qui sert des plats arabes ? Lena Dunham et ses copines sur le dancefloor d’un club indé qui fait aussi des gâteaux à la crème ? Un bar « heroic fantasy » avec chaises en fer, sosies des frères Stark à la porte, boissons rouge sang et dress code médieval ? Chers organisateurs de soirée, on vous laisse méditer ou rencontrer les fameux scénaristes. Violaine Schütz Rédactrice en chef

Rédactrice en chef — Violaine Schütz michael@lebonbon.fr

violaine@lebonbon.fr

| Rédacteur en chef adjoint — Michaël Pécot-Kleiner

| Directeur artistique — Tom Gordonovitch

tom@lebonbon.fr

| Président — Jacques de la Chaise

Photo couverture — Kanye West par Nicola Delorme | Secrétaire de rédaction — Anne-Charlotte Anris Régie publicitaire — regiepub@lebonbon.fr Lionel 06 33 54 65 95 | Contactez-nous — nuit@lebonbon.fr Siret — 510 580 301 00016 | Siège social — 12, rue Lamartine 75009 Paris 1—

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sommaire Le Bonbon Nuit

p. 05

le bon timing

Kanye West

p. 06

Tame Impala

p. 09

Edward Hopper

p. 12

Zombie Zombie

p. 14

la bonne playlist

Rikslyd

p. 18

la bonne cuisine

Vitalic

p. 21

le bon animateur

Mouloud Achour

p. 27

la bonne étoile

les bons psychés

le bon art

le bon groupe

p. 29

trousse de secours

le bon acteur

Pierre Niney

p. 30

la bonne idée

Le prix du Zorba

p. 33

la bonne ombre

Marie-Yveline

p. 36

David Shaw and The Beat

p. 39

Ice-T

p. 42

KaS Product

p. 45

la bonne révélation

le bon livre

le bon retour

p. 48

le bon agenda

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Bonbon Party

Vendredi 16 novembre sur invitation party@lebonbon.fr


le Bon Timing Les événements à ne pas manquer Cinéma expérimental Être rêvé est un film qui tisse le principe des « mathématiques existentielles » à travers les vingt arrondissements de Paris. Celles-ci consistent à dire, dans un langage universel – les mathématiques –, une recherche universelle : la quête du bonheur. Une expérience visuelle et intellectuelle à tenter de toute urgence ! Le 11 novembre à partir de 11h au 104 et le 14 novembre à 21h au palais de Tokyo.

Lana Del Rey en version augmentée On laissera les mauvaises langues gloser à l’infini sur sa bouche et sa plastique (refaite, ok), ici on l’aimera pour toujours, d’amour, pour sa sensibilité et sa noirceur. La réédition de son album, Born To Die, augmentée de huit inédits parfaits, nous donne raison. Lana a plus de talent que ses détracteurs. Born To Die The Paradise Edition disponible le 12 novembre.

French Touch / Graphisme, vidéo, électro À travers plusieurs centaines de flyers, de pochettes de disques, de vidéos, cette expo retrace l’histoire de la french touch, dont la portée internationale a permis à des graphistes tels que les M/M (Paris), H5, La Shampouineuse, Geneviève Gauckler, Alex Courtès, Sophie Toporkoff ou encore Hotspot, de s’imposer et de s’ouvrir à d’autres champs d’application.

Wilfried Roche / DR / Courtès + Daft Art / DR

Jusqu’au 31 mars au musée des Arts décoratifs.

Good night Twilight Bon débarras. La saga de vampires à l’eau de rose clôt son dernier chapitre. Après la naissance de sa fille, Bella s’adapte peu à peu à sa nouvelle vie de vampire avec le soutien d’Edward. Mais les Volturi déclarent la guerre à la famille Cullen, se sentant menacés par cette naissance. Pendant ce temps, Robert Pattinson et Kristen Stewart recollent les morceaux dans la vraie vie. Le 14 novembre sur les écrans. 5—

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la bonne étoile ® Violaine Schütz Ω Fabien

Kanye West

DIX choses que vous ne savez pas sur le rappeur

Alors qu’il sort une compilation avec des artistes de son label G.O.O.D Music, intitulée Cruel Summer, dix infos sur l’une des personnalités les plus influentes de la musique actuelle. 1 - Le père de Kanye, Ray West, a fait partie des Black Panthers. Dans les années 1960 et 1970, il s’est battu pour les droits des Afro-Américains et s’est érigé contre le racisme. Il est devenu ensuite l’un des premiers photo-journalistes noirs à percer. 2 - Avant de se faire connaître en solo, Kanye a produit dans les années 2000 les albums de Jay-Z, Alicia Keys, Scarface et Mary J.Blige et était très respecté de ses pairs. 3 - Le 23 octobre 2002, le rappeur a subi un grave accident de voiture, fracturant sa mâchoire à trois endroits. Cela a changé sa vie et inspiré un de ses meilleurs morceaux, Through the Wire, dans lequel il chante : « Je m’excuse pour ma voix mec, si c’est pas clair du tout… Ils m’ont clôturé la bouche pendant je ne sais combien de temps, le docteur a dit quelque chose comme six semaines. » 4 - À cause de son moyen métrage grandiloquent, Runaway, Kanye a souvent été rapproché par des internautes chevronnés de la secte des Illuminatis. 5 - Avec son quatrième album, 808s and Heartbreak, Kanye a cassé l’image du rappeur gros dur (et lancé la mode de l’auto-tune) avec des paroles sensibles d’amoureux brisé (le disque parle entiè6—

rement de son ex-petite amie, Alexis Phifer) et des sonorités proches du R’n’B et de la pop des années 1980. 6 - Bête de mode, le producteur a lancé sa ligne de vêtements en 2011, saluée par les professionnels. Il a récemment humilié sa petite amie, Kim Kardashian, lors d’un épisode du show de télé-réalité de cette dernière en jetant tous ses vêtements jugés trop vulgaires et pas assez hype. 7 - Très amoureux de sa copine, l’Américain n’a pas lésiné sur les moyens pour satisfaire la belle Kim. Le mois dernier, il a dépensé un million de dollars pour fêter les 32 ans de la bimbo pour un séjour sur une île privée et des cadeaux. 8 - Pour son tube Stronger, Kanye West a avoué s’être inspiré de Nietzsche, citant la maxime : « Ce qui ne tue pas rend plus fort. » 9 - Kanye a ouvert un restaurant de burgers à Chicago en 2008… fermé en 2011. Le snack devait ouvrir dix autres succursales et devenir une chaîne puissante, mais n’en a eu que deux. 10 - La chanson Niggas in Paris, jouée lors des concerts de Jay-Z et Kanye, raconte la vie des deux rappeurs nouveaux riches dans la capitale française : « Si vous aviez échappé à ce que j’ai échappé, vous seriez vous aussi à Paris en train de déconner. » What else ? Kanye West — G.O.O.D. Music Cruel Summer Def Jam

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Les bons psychés ® Raphaël Breuil Ω Maciek Pozoga

TAME IMPALA pas besoin d’acide

Tame Impala, c’est le groupe tendance que le tout-

tionniste pour le mixer vous-même. C’était une exi-

Facebook partage en ce moment. Quelques heures

gence de votre maison de disque ?

avant leur date au Bataclan, nous avons interviewé

Je ne pouvais pas le mixer moi-même, je ne suis pas assez bon… J’aurais peut-être pu, mais… À vrai dire, j’étais super fan de son travail. Ce n’est pas aussi formel qu’on peut le penser. À l’époque du premier album, on a proposé Dave Fridman à la maison de disque, qui nous a dit qu’elle allait essayer. Dave est très demandé et ne travaille que sur des projets qui lui tiennent à cœur. Alors quand il a donné son accord pour mixer le disque, on était sur le cul. Ensuite, le label m’a demandé si je voulais utiliser quelqu’un d’autre pour Lonerism, je lui ai dit que non, je voulais Fridman à nouveau. C’est le meilleur ingé-son du monde. Je trouve que le travail accompli sur le premier album est génial. Pourquoi changer ?

Kevin Parker, guitariste principal, chanteur et compositeur. Mais de là à parler de leader… Une conversation avec un chic type, pas trop prise de tête, c’est le cas de le dire. Quelles sont les meilleures conditions pour écouter ce nouvel album ?

Tu dois écouter ça très fort, au casque en descendant… cette rue, là (il désigne le boulevard Voltaire, visible depuis un minuscule tour bus). C’est votre deuxième collaboration avec Dave Fridman, l’ingé-son star des années 2000, qui a collaboré avec les Flamming Lips, Mercury Rev ou plus récemment MGMT pour ne citer qu’eux. Combien vous a-t-il facturé le mixage de l’album ?

Pourquoi avoir choisi ce titre, Lonerism ? Vous êtes

(rires) Je ne sais pas du tout. Ce n’est pas moi qui ai géré tout ça, bien entendu.

fan de MMORPG ? (Lonerism en anglais est un néologisme employé pour décrire le fait de passer beaucoup de temps sur un ordinateur en compagnie

En lisant des interviews, votre biographie, et en

d’amis virtuels ou imaginaires, ndlr)

écoutant votre musique, on sent que vous avez un

Non, c’est juste une manière de décrire un peu le style de vie d’un solitaire. J’aime parcourir des villes, seul, à écouter de la musique. C’est ce que j’ai voulu transmettre avec ce deuxième album.

univers bien à vous, une approche de la musique propre, pourquoi faire appel à Dave Fridman une seconde fois ? Les autres membres de Tame Impala pensent que vous êtes assez talentueux et perfec9—

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Tame Impala

“J’allais tout le temps dans ce bar vers Bastille, un truc qui s’appelle le Motel. je connais tous les gens qui y bossent, à force ils m’offrent tout le temps des verres.”

Vous intitulez vos chansons ou titres d’albums Solitude in bliss, Innerspeaker, Lonerism… bref beaucoup d’allusions à la solitude. Vous aimez vraiment faire partie d’un groupe ? Ou vous préféreriez être tout seul chez vous à écouter l’album sous acide ?

Heu… j’aime être dans un groupe… Tame Impala n’est qu’une partie de ma personnalité. La plus grosse partie de ma personnalité, mais il y en a d’autres. J’aime beaucoup jouer des morceaux informels avec des amis, faire des jams sessions, mais j’aime aussi faire partie de ce groupe. La solitude n’est qu’un thème de prédilection, la musique pour moi se joue à plusieurs. L’interaction est très importante. Où est le reste du groupe d’ailleurs ?

Ils sont dans leurs « loges » (de toutes petites couchettes dans le bus, ndlr) en train de regarder Pulp Fiction, je crois… Je ne sais pas trop ce qu’ils font en fait. (rires) Ça vous plaît d’avoir une image de groupe à écouter sous acide, ou encore de rock pour fumeur de joints ?

Ouais je m’en fous. Ça ne veut pas forcément dire que l’on doit consommer ces drogues pour apprécier la musique. Au contraire, cela permet de simuler l’effet des drogues. Ça te fait penser à ce que tu as ressenti la dernière fois que tu t’es défoncé. Et ça c’est cool. T’as trouvé du bon matos en Europe ?

L’herbe de Paris est chelou, elle a un goût différent. Le reste je ne sais plus trop, je ne me rappelle que de la beuh de Paris. Tout le monde parle de vous à Paris, les magazines, les radios, vous êtes un peu la nouvelle tendance hispter. Vous êtes plutôt flippés pour le concert de ce soir ou au contraire cela vous excite que l’on vous attende au tournant ?

Non au contraire, on est vraiment excités, on adore jouer sur scène, c’est toujours très excitant. 10 —

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Tame Impala C’est le deuxième concert de la nouvelle tournée et on est vraiment très contents.

En 2000, Radiohead choque tout le monde en sortant Kid A, passant du brit rock 90’s à un style clairement plus électro. Si vous deviez un jour casser votre style

Que penses-tu du public parisien ?

et changer vos règles d’écriture pour sortir un album

Les gens peuvent sembler un peu froids au premier abord, mais après une petite chauffe, tout se passe vraiment bien. Si je suis suffisamment bourré, tout ira bien.

complètement différent, ça serait quel style ?

Vous adorez Paris, apparemment vous y avez passé

Un album de techno ! Je n’en écoute pas beaucoup mais j’aime l’idée. J’aime bien la musique électronique ou la dance… (un instant de réflexion) ou alors un album de hip-hop, ça me branche aussi pas mal le hip-hop. Un des deux.

pas mal de temps. Vous dites que vous considérez la ville comme votre seconde maison. Ma question est :

Qu’est-ce que vous allez faire après le concert ? Un

pourquoi donc ?

after-party ou vous allez vous coucher ?

Le Velib’…

On est super jet-laggés là je pense qu’on va aller se coucher. Demain on enchaîne sur un autre concert, c’est le début de la tournée, donc on va commencer doucement. Après tout dépend de ce qu’on a en réserve…

Ok… Et c’est tout ? Développe un peu. Qu’est-ce que tu faisais ? Où tu sortais ?

J’ai vécu à Paris pendant six mois, j’ai déménagé en juillet dernier. C’est tellement différent de Perth (sa ville natale, en Australie), j’y ai passé un moment génial. Je n’ai pas eu la chance de découvrir la vie nocturne malheureusement, car je n’ai pas beaucoup d’amis ici, j’ai juste ma petite amie et des serveurs. Je suis plus un pilier de bar qu’un clubber… Mais j’allais tout le temps dans ce bar vers Bastille, un truc qui s’appelle Le Motel. C’est génial, je connais tous les gens qui y bossent, à force ils m’offrent tout le temps des verres. Souvent, je me réveille le matin après une soirée là-bas sans trop savoir comment je suis rentré chez moi. En tout cas, j’aime beaucoup cette ville et j’adorerais y retourner dans le futur… Et après la tournée, quels sont tes projets ? Tu restes concentré sur Tame Impala ?

Ouais, on se marre bien pour l’instant. On vient de commencer cette nouvelle tournée, après on va rentrer un peu chez nous et puis on va vite retourner en studio. Histoire de faire deux ou trois conneries et voir ce qu’il se passe.

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Tame Impala Lonerism Modular ≥ www.tameimpala.com

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le bon art ® Marine Goutal Ω Edward Hopper — Office at Night (1940)

Edward Hopper peintre de la nuit moderne

Jusqu’au mois de janvier, les murs du Grand Palais seront ornés d’une centaine de toiles du maître. Véritable machine à remonter le temps, l’univers poétique d’Hopper se nourrit de rencontres et d’aliénations, ces deux visages de l’Amérique, captés de jour comme de nuit.

Comme pour mieux s’affirmer, l’œuvre d’Edward Hopper s’est bâtie sur les contraires. Peinture jouissant d’une popularité sans pareille, comme en attestent les multiples recyclages culturels qu’elle engendre (illustrations en première de couverture de livre, citations dans les Simpsons), cette production reste en même temps hermétique. Elle se dérobe en permanence à la catégorisation. Héritière de la tradition de la peinture réaliste américaine du XIXe siècle, elle descend aussi des avant-gardes radicales que le jeune Hopper découvre à Paris, lors de ses voyages continentaux, dans les années 1900. De la même manière, on assimile l’œuvre d’Hopper aux grands espaces américains et au mythe fondateur de l’Amérique : la conquête spatiale, dont il n’a de cesse de capter la luminosité éclatante. C’est la lumière de la Nouvelle-Angleterre qu’il préfère, et c’est celle-là qui resplendit dans ses toiles et les titres qui les accompagnent. C’est le cas de Early Sunday ou de Summer Interior, évocations ensoleillées de 12 —

scènes de la vie domestique radieuse et du bonheur conjugal. Leur construction franche qui progresse par aplats de beige, jaune et blanc marque la rétine et la mémoire de leur présence éblouissante qu’on en oublierait presque que Hopper, c’est aussi le peintre de la nuit moderne. Edward est en effet le roi du New York by night. Le professeur Robert Henri lui a enseigné la représentation des scènes réalistes de la vie urbaine, un principe qu’il applique consciencieusement, en dépeignant autant les vues de ville de jour que de nuit. Il devient, très vite, un as du cruising. Il dérive et déambule dans les rues de la Grosse Pomme pour regarder et croquer quelques motifs, comme ses modèles de toujours, les impressionnistes. C’est d’ailleurs pour décrire ce nouveau type de pratique, sur le motif, que Baudelaire devait parler du peintre de la vie moderne en 1863. Du Soir bleu aux Noctambules

Dès 1907, avec la toile Soir bleu, dont le style doit tout aux œuvres de Picasso période Saltimbanques, Hopper explore l’univers poétique de la nuit, dans la veine qu’il déploiera tout au long de sa vie quand il évoque cette dernière : celle de la mélancolie. Dans un bar crépusculaire se déploie une allégorie de la fête impossible. Celle-ci, figurée par une tablée composée entre autres tristes Nuit


sires, d’un clown lunaire, d’une serveuse (prostituée ?) grimée, de quelques clients anonymes, démontre à quel point la soirée est vouée à l’ennui. C’est sur le même type de paradoxe, l’impossible harmonie nocturne, que reposent le célébrissime Nighthawks (les Noctambules) et Les Oiseaux de nuit, peint en 1942. Et c’est en portant le regard au-delà des parois de verre du Phillies, archétype du diner américain, que le spectateur accède à cette authentique tranche de vie. Spot électrique qui illumine le trottoir, rendant la nuit moins sombre, le bar est traité plastiquement, d’une façon dynamique, qui l’éloigne de la morosité du cabaret fin de siècle de Soir bleu. Pourtant, un demi-siècle a beau séparer les deux toiles, Hopper dénonce les accrocs, les résistances, et les échecs 13 —

de la modernité, dont la publicité lui vendait les bienfaits, sans succès. Poupées de cire immobiles, les quatre personnages du bar, dont la sublime blonde peinte d’après les traits de la femme de l’artiste, composent une assemblée figée dans un silence de plomb, que même les effets de l’alcool environnant ne sauraient briser. Icône américaine, la toile l’est avant tout pour sa capacité à donner une image au sens complexe, où l’imaginaire de la nuit – ses promesses de rencontres – côtoie les limites du rêve américain. Exposition Edward Hopper au Grand Palais, Galeries nationales jusqu’au 28 janvier 2013.

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le bon groupe ® Irina Aupetit-Ionesco Ω Gilbert Cohen

zombie zombie Encore debout

Encore un bel élan créatif de la part d’Étienne Jau-

Vos autres projets respectifs nourrissent-ils Zombie

met et de Cosmic Neman. Le duo, jamais à court

Zombie ?

d’inspiration, publie avec Rituels d’un nouveau

E. : Oui bien sûr ! Notamment sur la façon que nous avons de nous organiser sur scène. En ce qui me concerne, j’ai voulu enregistrer nos disques comme lorsqu’on les joue en live. Nous sommes des instrumentistes avant d’être des compositeurs et c’est ça qui nous a nourris avant tout. Neman a beaucoup d’expérience grâce à Herman Düne qui a beaucoup servi à Zombie Zombie, ne serait-ce que sur l’identité visuelle, et au niveau de nos tournées. N. : Je crois que nous faisions une musique qui est assez différente de celle que nous faisons maintenant. Nous avons une culture assez rock à la base et nous avons l’habitude de jouer des instruments. C’est ça qui fait notre identité et, effectivement, elle se nourrit aussi de nos projets respectifs.

monde, un disque moins bruitiste et plus accessible qu’auparavant. Explications. Comment votre association a-t-elle débuté ?

Étienne : Nous répétions tous les deux sur des projets différents à Mains d’Œuvres. De mon côté, je jouais sur mes synthés et mon saxo pour accompagner un groupe et Neman, lui, répétait après nous. Il m’a proposé de mélanger la batterie et les synthétiseurs, ce qui tombait bien car j’aime énormément les groupes des années 1980 qui ont expérimenté ça, le mix acoustique/analogique. Notre premier concert s’est déroulé dans la cave du Pop In (105, rue Amelot dans le 11e), et à l’époque nous n’avions même pas de nom. Après cela, les choses se sont enchaînées. Ce qui est évident, c’est que notre duo était avant tout une démarche liée au plaisir. Neman : Ça, c’est la légende… La vérité est que nous nous sommes connus sur Facebook. (rires) Pour être un peu plus précis sur notre rencontre artistique, il faut savoir qu’Étienne partageait le studio dans lequel je bossais avec David pour Herman Düne et surtout, c’était notre ingénieur du son. 15 —

Pourquoi avoir choisi un titre français pour votre dernier album ?

E. : ça interpelle tout le monde car de prime abord, ça peut passer pour un slogan, un manifeste, mais ce qui nous a intéressé, c’était plus l’image et ce que ça évoquait. N. : Il y a une référence à des disques d’artistes français comme Richard Pinhas et Pierre Henry, qui ont toujours eu des titres très poétiques et Nuit


Zombie Zombie

“Nous avons pensé aux artistes de la scène française des années 1970, en tous cas, à leurs démarches et à leur état d’esprit.”

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« philosophiques ». Il y avait une envie d’appartenir à cette culture de la musique française qui, à mon avis, n’est pas assez mise en avant. Ce sont des gens qui sont très importants, mais pourtant tout le monde a toujours tendance à se tourner vers la musique anglo-saxonne. C’était un clin d’œil à ces disques français qui comptent pour nous ! Concernant la signification du titre, nous avions envie de nous placer comme des explorateurs dans le nouveau monde de notre musique. Tout ce qu’on aime, c’est créer une sorte de transe lorsqu’on joue, ça fait donc appel aux « rituels ». Rituels d’un nouveau monde a des sonorités très tribales, aviez-vous besoin d’un retour aux sources ?

E. : Les sources universelles, oui, mais ce ne sont pas directement les nôtres. Nous avons fait une tournée en Amérique du Sud où beaucoup de choses étaient axées sur les percussions et la rythmique. La musique de danse nous intéressait beaucoup dans son aspect percussif. Nous avons donc invité un ami, Flop (Francisco Lopez, ndlr) à venir faire des percussions avec nous sur notre album. Nous voulions bousculer nos automatismes. N. : Flop est venu jouer des instruments brésiliens comme le pandeiro ou la cuica. On lui doit la touche « exotique » de l’album. Quelles ont été vos influences pour cet album ?

E. : Nous avons pensé aux artistes de la scène française des années 1970, en tous cas, à leurs démarches et à leur état d’esprit. Des gens comme Lard Free, Heldon avec Richard Pinhas et plein de choses des années 1980 comme la musique de Bernard Szajner qui n’a jamais été rééditée et dont je suis complètement fan. N. : L’utilisation du saxo d’Étienne peut rappeler Gilbert Artman ou Urban Sax qui sont des gens qu’on aime beaucoup et nous avons envie de le signifier. Nous avons fait une reprise de Sun Ra (Rocket #9, ndlr) car il a son univers fait de jazz, Nuit


Zombie Zombie de racines africaines et de pop. Il avait d’ailleurs son propre label, Saturn Records dans les années 1950, pour sortir ses disques. Il nous a vraiment beaucoup inspirés. Pourquoi posez-vous vos voix aussi peu souvent sur votre musique ?

E. : On la pousse quand même un petit peu… Nous avons fait une reprise de Dream Baby Dream de Suicide, The Beach de New Order, nous avons un morceau que nous allons faire sur scène qui s’appelle Nothing To Say. C’est un bon exercice. N. : Écrire des chansons, c’est très différent que de composer de la musique. Le format de notre musique est assez différent du format pop, trois minutes trente, couplet/refrain. On aime beaucoup ça mais, pour écrire une belle chanson pop, il faut en avoir écrit beaucoup auparavant avant d’en sortir une bonne.

Paris les lieux où tu peux aller et te dire que ça sera bien à chaque fois. Dans des villes comme New York, Londres ou Berlin, tu as toujours des endroits où aller n’importe quand et tu sais que ça sera bien. Le seul endroit où je me sens chez moi, c’est le café en bas de mon appart : L’Autobus. J’y suis tous les matins pour mon café et j’y passe parfois le soir. Il ne s’y passe rien de spécial, mais c’est ça qui est bien aussi. E. : Je vais dans un bar qui s’appelle l’Hôtel du Nord dans le 18e. Il y a tous les poivrots du quartier et je m’y sens bien car c’est le seul bar qui n’a pas été envahi par les bobos.

Le dernier titre du disque, Black Paradise, est-il le lieu où nous arrivons après avoir passé tous les rituels ?

E. : Haha ! Peut-être ! N. : Pour la petite histoire, nous avons trouvé ce nom car Étienne avait fait un atelier avec des enfants et l’un d’entre eux avait sorti ça. E. : Nos titres viennent après la création des morceaux. C’est troublant mais nous n’établissons pas de concept ou de partition avant de jouer. Nous prenons conscience des influences après. Les noms des titres viennent donc à ce moment. N. : En l’occurrence sur le morceau Rocket #9, nous avons pensé à un passage du documentaire Joyful Noise de Robert Mugge, où tu vois Sun Ra qui est devant la Maison-Blanche et qui dit : « If there is a White House, they should have a black house. »

Zombie Zombie Rituels d’un nouveau monde Versatile ≥ www.myspace.com/therealzombiezombie — Leurs adresses : — Extérieur Quai 5, rue d’Alsace 75010 Paris 01 40 35 73 79 —

En parlant de lieux « magiques », avez-vous des

Hôtel du Nord

endroits de prédilection à Paris ?

18, rue Véron 75018 Paris

N. : J’aime bien aller à Extérieur Quai vers trois heures du matin à la gare de l’Est. Ça manque à

01 46 06 40 99

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la bonne playlist Ω Anthony Lycett

Rikslyd Cette Norvégienne sort un

Ghost Town DJ’s - My Boo (BALAM ACAB Remix)

premier album physique,

L’original sorti en 1996 n’est pas aussi bon, mais ce remix l’amène à un tout autre niveau.

Ecotone, d’électro minimale matinée de hip-hop et de sons tropicaux sur le label français qui

Yellow Magic Orchestra - Firecracker

monte, Tsumani-Addiction. C’est

Une computer pop song orientale ! Cette chanson japonaise date de 1978 mais elle reste fun à jouer en soirée.

aussi une DJette, connue sous le nom de Diis Paradiis, qui nous livre ici sa playlist du moment.

Orbital - Walk Now…

Orbital est une référence importante de la techno 90’s et n’a pas tant vieilli que ça.

En concert avec le label TsunamiAddiction le 10 novembre au Centre Pompidou.

Chateaubriant - That’s Real

http://rikslyd.blogspot.com

Je ne sais pas grand-chose de Chateaubriant, à part qu’il est dans mes amis Facebook et qu’il vient de Strasbourg mais il fait de la très bonne musique pour les clubs. John Maus - Matter Of Fact

« Pussy is not a matter of fact. » Rikslyd - Oslo

C’est un morceau que j’ai écrit en hommage à la deep house, présent sur mon album, Ecotone. Magnetic Man - I Need Air (Digital Soundboy Remix)

Ce remix a une énergie incroyable et me donne la chair de poule à chaque fois. Active Child - Hanging On

La beauté pure, parfait pour une soirée d’automne pluvieuse. Loney Dear - Ignorant Boy, Beautiful Girl

Une chanson magnifique de 2004. Brian Eno - Just Another Day

« One day, we will put it all behind, We’ll say, that was just another time, We’ll say, that was just another day on Earth. »

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La bonne idée ® MPK Ω Bertrand Delous

LE PRIX DU ZORBA Le meilleur prix littéraire du monde, bordel !

Au Bonbon Nuit, on aime la littérature et le bar du

Pourquoi avoir choisi ce repaire de noctambules

Zorba. Alors, quand ces deux amours un peu dange-

drogués qu’est le Zorba ?

reux se réunissent pour devenir le prix littéraire le

Parce que le Zorba, c’est un bar déglingué et crade, et parce qu’il y a du crade et du déglingué dans la littérature. Franchement, quel genre de littérature est soutenu par les médias aujourd’hui ? Ils traitent presque tous à 80 % de romans chiantissimes sur « ma ménopause », « mes règles douloureuses », « le magnifique tableau de la mort de mon père », etc. Et puis, on a envie de faire se rencontrer un certain public qui sort beaucoup et ne lit jamais, avec des auteurs un peu tarés. Ça nous faisait marrer de se dire qu’on allait brandir des livres et non des bières pendant les afters du Zorba. Peut-être que c’est aussi une mission pédagogique. (rires)

plus destroy du pays, on se roule par terre, on remercie les dieux et on exulte. On a bu des verres avec Côme Martin-Karl, l’un des instigateurs de ce coup de pied dans la fourmilière. Côme, d’où t’es venue cette idée absolument géniale de faire ce prix du Zorba ? D’ailleurs, n’est-ce pas plutôt une sorte de contre-prix littéraire ?

C’est exactement ça, le prix du Zorba est un contre-prix littéraire ! En fait, cela vient d’une blague avec un pote. On parlait des prix littéraires qui sont tous chiants et super vieillots, et on s’est tapés une sorte de délire en se disant que la littérature pouvait devenir quelque chose d’un peu moins coincée du cul. Bizarrement, la littérature est l’un des arts qui est resté dans les oubliettes, contrairement à la musique, au graphisme, la danse, etc. Alors que la littérature, c’est hyper excitant. On a donc cherché un moyen de réveiller cette belle endormie qui est aujourd’hui confinée dans des bars relous rive gauche comme Le Flore, Les Deux Magots, etc.

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Comment avez-vous fait votre sélection ?

De manière complètement bordélique. J’ai regardé les avant-programmes de la rentrée littéraire, je n’avais donc pas les bouquins en main, je me suis seulement basé sur les titres, les maisons d’édition et les pitchs. J’ai fait à partir de là une présélection de quinze bouquins, et d’une manière complètement unilatérale et antidémocratique, j’en ai retenu cinq en fonction de mon intuition. Ensuite, j’ai eu quelques difficultés pour obtenir Nuit


Le prix du Zorba

“L’idée est de mêler à la fois des gens de la nuit, parce que le prix est décerné à 6 du mat’, et des gens qui bossent dans la littérature. Je voulais confronter ces deux univers.” 22 —

physiquement les bouquins par les éditeurs, parce que certains en avaient réellement rien à branler du prix du Zorba. Pour te dire la vérité, à l’heure où tu écriras l’article, la sélection sera encore provisoire et risque de changer. Certains bouquins ont été virés après avoir été effectivement lus, car je les trouvais trop pourris ou parce que la presse en avait déjà trop parlé. Et puis les membres du jury peuvent aussi compléter la liste selon leur bon vouloir. Comme je te disais tout à l’heure, c’est un beau bordel ! Ah oui, et puis il y a un livre que j’aurais aimé avoir dans la liste, mais sa sortie est toujours repoussée, c’est Capitaine Fuck, un livre qui parle d’un type dépressif qui fume des menthols dans l’espace. J’aimerais faire ici un petit clin d’œil à son auteur, Philippe Tagli, qui a l’air d’être un mec vraiment cool. As-tu un petit message à transmettre à Frédéric Beigbeder, le créateur du prix de Flore ?

Déjà, tout le monde dit que c’est quelqu’un de très sympa, donc je n’ai aucune antipathie envers lui. Je pense que je lui rendrai hommage parce que sans lui, on aurait peut-être pas eu l’idée de monter ce prix. Au fond, sa démarche était un peu la même que la mienne… Si je l’avais en face de moi, je lui dirais : « J’espère que le Zorba, ce sera le prix de Flore réussi. » Et si un jour il te proposait d’être membre du jury ?

Ah non, sa place n’est vraiment pas ici. Il est trop institutionnalisé rive gauche ce mec. En parlant du jury, tu peux un peu nous le présenter ?

L’idée, c’était de mêler à la fois des gens de la nuit, parce que le prix est décerné à six heures du matin, et des gens qui bossent dans la littérature. Je voulais vraiment confronter ces deux univers qui sont aujourd’hui complètement hermétiques, alors qu’il n’y a aucune raison qu’ils le soient. Pour te citer des noms, il y a Ivan Smagghe, Pipi de Frêche, Roman Charbon, le cofondateur du prix Nuit


Le prix du Zorba qui bosse pour Vogue, Philippe Azoury du Nouvel Obs, Pierre Siankowski et Géraldine Sarratia des Inrocks… Et puis tu remarqueras que sur notre Tumblr, on a vraiment présenté notre jury comme on présente des DJ avec leur label. Ça symbolise bien notre volonté de mettre la grammaire du clubbing au service de la littérature. On est très fan d’Ivan Smagghe à la rédac. Comment s’est-il impliqué comme membre de ce jury ?

Ivan tient un blog avec Philippe Azoury qui s’appelle Discipline in Disorder, qui est une espèce de truc intello et littéraire, c’est un mec très lettré en fait, un vrai lettré du clubbing. Pour moi, il représente vraiment le pont qu’on veut faire entre ces deux mondes. Il s’est vraiment impliqué à fond, c’était d’ailleurs lui le membre le plus studieux de la bande, puisqu’il me rendait toujours en premier ses fiches de lecture et qu’il me réclamait les bouquins en avance. Entre nous, je peux quand même te dire qu’hormis Ivan, il y a une belle brochette de branleurs dans le jury…

c’est un milieu de crevards, il faut bien le dire. Par contre, j’ai peu d’espoirs qu’il ou elle soit là, car les écrivains ne se lèvent jamais avant midi. Il y aura deux DJ pour mettre du son toute la matinée, et comme ce sera juste après La Trou au Biche à la Java, il risque d’y avoir plein de créatures déglingos qui viendront danser avec nous dans la bonne humeur. Comme l’encre aura coulé sur les pages, le maquillage des travelos coulera sur les joues. C’est beau, non ? Qu’est-ce qu’on peut te souhaiter ?

Plein d’embrouilles avec les maisons d’édition. Le Bonbon Nuit pourra faire partie du jury l’année prochaine ?

À mort ! Inch’Allah ! Qu’il y ait un prix 2013 !

Comment vont se passer les délibérations ?

Les délibérations ne se passeront pas le soir même. On essaiera de faire un dîner tous ensemble dans un appartement que l’on me prêtera pour l’occasion. Je n’ai pas encore décidé des modalités de vote, il y aura sans doute plusieurs tours, et j’espère vraiment qu’on va tous s’engueuler comme du poisson pourri. Et puis on fera l’amour tous ensemble avec les livres.

Le prix du Zorba ≥ Le 11 novembre au Zorba à 6 heures du mat’. After DJ sets : Fakemannequin (Mort aux jeunes ) & Samuel (Palace Rangers). — 137, rue du Faubourg- du-Temple 75010

On pourra aussi vous soudoyer ?

Complètement ! On est ouverts à toute forme de pot-de-vin, que ce soit de la drogue ou de l’alcool.

Sélection provisoire : Anne Lenner, Ça va trop vite, Le Dilettante Joy Sorman, Comme une bête, Gallimard

Bon, et à six heures du mat’, comment tout ça va se

Éric Chevillard, L’Auteur et moi, éditions de Minuit

dérouler ?

Nathalie Quintane, Crâne chaud, POL

Hé bien, on remettra au gagnant ou à la gagnante un chèque géant en carton de 500 euros, ce qui est une somme dans le milieu de l’édition, parce que

Claire Guezengar, Soins intensifs dandy, Léo Scheer/

23 —

Laureli

Nuit


Paris La Nuit  Emmanuel Romeuf www.emmanuelromeuf.fr



26 —

Nuit


le bon animateur ® Violaine Schütz Ω C+/Lahache

Mouloud Achour barrez-vous !

Animateur, journaliste, musicien et scénariste, Mouloud a imprimé son style décalé, ses idées et son humour sur le petit écran. Récemment, l’un des

de Canal Plus et je mélange un peu tout ce que j’aime aujourd’hui, de l’actu pure à la culture dans le Grand Journal.

chroniqueurs les plus sympathiques du PAF a lancé un appel aux jeunes de France pour se barrer. Il n’en fallait pas plus pour que nous, on ait envie de l’interviewer.

Quel genre d’ado étais-tu ? Le même que maintenant je crois. J’ai pas trop changé de délire, juste de vie. Enfin, si, j’arrive à parler à des gens sans rougir désormais.

Comment ça va ? Que faisais-tu la nuit dernière ?

J’ai caressé mes chats Phoenix et Saori, puis j’ai joué à Super Street Fighter IV pour bosser mon Ryu, et ensuite je me suis endormi devant un épisode de Louie.

Qu’est-ce qui a motivé ton appel dans Libé, intitulé Jeunes de France, votre salut est ailleurs : barrezvous ! et cosigné avec Félix Marquardt et Mokless dans lequel tu dénonçais les conditions de vie de la jeunesse en France ?

Comment décrirais-tu tes nouvelles interventions au Grand Journal ? Quel en est le principe ?

Un puzzle de mots et de pensées, et une autre façon de délivrer de l’information, où l’on imagine des formes un peu neuves, et où l’on s’éclate. Comment es-tu arrivé à la télé, quel a été ton parcours ?

J’ai milité au Mouvement de l’immigration et des banlieues, fait de la radio sur Fréquence Paris Plurielle (106.3), Générations, écrit pas mal de temps chez Radikal, monté un label de musique avec La Caution, fait des documentaires pour Lundi Investigation sur Canal Plus, puis un jour j’ai vu une annonce à la télé, j’ai envoyé ma cassette et on a fini sur MTV avec China. Je suis revenu à mes amours politiques dans la matinale 27 —

La démotivation de mes amis, l’immobilisme ambiant, et la vitalité que dégage la scène électronique française, qui voyage dans le monde entier. Gesaffelstein, Surkin, Para One, Bobmo ou Kavinski m’ont ouvert les yeux. Quand on parle avec quelqu’un comme Brodinsky, qui est un mec empli de pureté, on a envie de se barrer pour mieux revenir. C’est l’idée du « barrez-vous », une invitation au voyage et à la découverte pour venir insuffler du vent frais ici. Que s’est-il passé exactement avec Le Pen à la suite de ce billet ?

C’est à lui qu’il faut demander. Mais je suis fier d’avoir été clashé et nommé par ce monsieur. C’est mieux qu’un Oscar.

Nuit


Mouloud Achour On va un peu parler « nuit »… Quel est ton meilleur souvenir de soirée ?

Tokyo, un karaoké en août 2010, une nuit magique avec un mec magique que j’aime et que j’aimerai jusqu’à mon dernier souffle.

Dans quel quartier habites-tu ? Dans le 11e, parce que je suis près de mes magasins de jeux vidéos préférés et que les copains ne sont pas très loin. Aimes-tu vivre ici ?

Ton premier souvenir de soirée ?

Un truc du genre « retourne dans ta cité, vous êtes pas sur la liste ». La plus belle rencontre faite la nuit ?

Je crois que je me suis rencontré la nuit, j’ai parfois réussi à combattre ma timidité, mais c’est dur quand revient le jour. J’y ai aussi rencontré une fille géniale, on n’est plus ensemble, mais on peut rencontrer des filles bien la nuit. Y’a pas que de mauvaises filles. Ton pire souvenir de club ?

On ne garde jamais de bons souvenirs d’un club, on garde toujours des conneries, des gens, des bêtises faites. Je n’accumule jamais les rancœurs ou les plans pourris. Je n’arrive à me souvenir que du bon.

Oui, comme j’ai aimé vivre à Noisy-le-Sec. à chaque fois que je voyage, Paris me rappelle, et c’est vraiment magique. Mais paradoxalement, Paris n’est pas une source d’inspiration. C’est un lieu d’accomplissement, la ville qui m’a vraiment inspiré, c’est Noisy, le plus grand vivier de fous au monde. Et la nuit à Paris, tu en penses quoi ?

J’aime bien rester chez moi, et sortir voir les copains quand ils jouent, sinon j’en pense pas grand-chose. Les gens qui théorisent sur la nuit devraient peut-être simplement se contenter de ne pas sortir et de rentrer. Ils sont restés dehors trop longtemps. Un truc contre la gueule de bois ?

Ne pas sortir.

Un rituel avant de sortir ?

Ton endroit préféré à Paris ? Dans le monde ?

Ne pas oublier mes clefs, c’est la seule chose à laquelle je pense. Et aussi nourrir mes chats.

C’est chez moi. Faut venir chez moi pour voir, écouter la musique et les histoires.

Que mixes-tu quand tu passes des disques ?

Derniers CD achetés ?

Je ne passe pas des disques, je mixe, je joue, j’évite l’imposture. Ça va du hip-hop que j’aime à l’électro que j’aime, ou de vieux trucs de bledards, tant que les gens dansent. Les kifs perso ou les trucs hyper spé, c’est pour les amis à la maison.

Les albums d’Oxmo Puccino, Mai Lan et Breakbot.

Quelle est la meilleure musique d’après toi pour

Quels sont tes projets ?

faire la fête ?

On écrit un film avec mon compère Karim Boukercha, inspiré de ce qu’on a vu en suivant Gesaffelstein et Brodinski en tournée cet été. C’est une comédie qui se passe dans ce monde fascinant, et ça arrive bientôt.

La musique sur laquelle les filles dansent bien, ça fait tout passer tant qu’elles répondent présentes.

28 —

Tes Parisiens préférés ?

Ceux qui sourient.

Nuit


trousse de secours Ouvert toute la nuit ! Pharmacies de garde

Épicerie Shell

Chez Tina

84, av. des Champs-Élysées 8e

6, boulevard Raspail 7e

1, rue Lepic 18e

≥ 01 45 62 02 41

≥ 7/7 — 24/24

d≥j jusqu'à 4h30 / v≥s jusqu'à 7h

6, place de Clichy 9 e

Minimarket fruits et légumes

Boulangerie Salem

≥ 01 48 74 65 18

11, boulevard de Clichy 9 e

20, boulevard de Clichy 18e ≥ 7/7 — 24/24

6, place Félix-Éboué 12

≥ 7/7 — jusqu'à 7h

≥ 01 43 43 19 03

Alimentation 8 à Huit

Livraison médicaments 24/24

151, rue de la Convention 15e

Fleuristes

≥ 01 42 42 42 50

≥ 7/7 — 24/24

Chez Violette, au Pot de fer fleuri

Supérette 77

78, rue Monge 5e

Urgences

77, boulevard Barbès 18e

≥ 01 45 35 17 42

SOS dépression

≥ mardi au dimanche jusqu'à 5h

Relais Fleury

e

≥ 08 92 70 12 38

114, rue Caulaincourt 18e

Urgences psychiatrie

Resto

Se déplace sur région parisienne

L’Endroit, 67, place du Docteur-

≥ 01 46 06 63 97

≥ 01 40 47 04 47

Félix-Lobligeois 17e 01 42 29 50 00

Carwash

Drogue, alcool, tabac info service

≥ tlj de 11h à 1h, jeudi, vendredi,

Paris Autolavage 7/7 — 24/24

≥ 0800 23 13 13 / 01 70 23 13 13

samedi de 10h à 5h

Porte de Clichy 17e

Livraison sextoys

Tabac

Shopping

Commande en ligne

Tabac du Châtelet

Virgin Megastore

www.sweet-delivery.fr/

4, rue Saint-Denis 1er

52, av. des Champs-Élysées 8e

≥ 7/7 — jusqu'à 6h

≥ 7/7 — jusqu'à 3h

≥ jusqu'à minuit

Tabac Saint-Paul

Librairie Boulinier

Livraison alcool + food

127, rue Saint-Antoine 4e

20, boulevard Saint-Michel 6 e

Nemo 01 47 03 33 84

≥ 7/7 — jusqu'à minuit

v≥l jusqu'à 00h, m≥j jusqu'à 23h

≥ 7/7 — jusqu'à 6h

Le Pigalle

Faim de Nuit 01 43 44 04 88

22, boulevard de Clichy 18e

Kiosques à journaux 24/24

≥ 7/7 — jusqu'à 7h

≥ vendredi et samedi jusqu'à 5h

38, av. des Champs-Élysées 8e

Allô Hector 01 43 07 70 70

16, boulevard de la Madeleine 8e

≥ 7/7 — jusqu'à 6h

Poste de nuit

2, boulevard Montmartre 9 e

Apéritissimo 01 48 74 34 66

52, rue du Louvre 1er M° Louvre-

Place de Clichy 18e

≥ 7/7 — jusqu'à 4h

Rivoli / Étienne-Marcel

Allô Glaçons

Boulangeries

53, rue de la Harpe 5e

01 46 75 05 05 ≥ 7/7 — 24/24

Snac Time

≥ 01 44 07 38 89

97, boulevard Saint-Germain 6 e

20, rue du Fg-Saint-Antoine 12e

Épiceries

≥ 7/7 — 24/24

≥ 01 43 40 03 00

L'Épicerie de nuit

Boulangerie-pâtisserie

Internet 24/24

35, rue Claude-Bernard 5e

99, avenue de Clichy 17e

Envoyez-nous vos bons plans

≥ vendredi et samedi jusqu'à 3h30

≥ 7/7 — 24/24

ouverts la nuit : nuit@lebonbon.fr

29 —

Nuit


le bon acteur ® Violaine Schütz Ω Lisa Lesourd

Pierre Niney Comme un frère

en interview.

faire une sorte de « stage accéléré » de potes. Personne n’aurait imaginé que cela prendrait aussi bien, ni nous, ni le réalisateur, ni personne. J’ai rarement autant ri en 72 heures, et j’ai surtout de grands souvenirs de Aix-en-Provence by night qui nous ont définitivement soudés !

Qu’est-ce qui vous a plu dans ce rôle que vous tenez

Vous sentez-vous à l’aise dans le registre de la

dans Comme des frères ?

comédie ?

Il s’agit d’un vrai rôle de « jeune » mais sans jamais tomber pour autant dans le cliché du genre. Maxime est un personnage qui fait rire, qui parle avec sincérité et qui touche aussi de par son histoire et sa réelle sensibilité. Il a 20 ans, il est spontané, curieux, drôle, car il aborde la vie avec un émerveillement et un premier degré à toute épreuve. Il a une énergie très communicative et propre à la jeunesse mais aussi une grande maturité, assez hors norme pour un mec de son âge. Cette sorte d’intelligence instinctive des choses est fondamentale dans le film car elle rend crédible son amitié improbable avec Eli, auteur de 30 ans et Boris, businessman de 40.

Je suis un grand fan de l’art subtil de faire rire. Je suis évidemment un admirateur éperdu de de Funès et Benoît Poelvoorde, de Jim Carrey et Jonah Hill pour les Américains. Mais le roi actuel reste pour moi l’Anglais Ricky Gervais, qui associe une réelle observation profonde du genre humain à un culot des plus rares. J’ai toujours de l’admiration pour les gens qui se donnent vraiment du mal pour faire rire les autres. La série des OSS 117 témoigne de cette envie de créer quelque chose de nouveau avec aussi un réel souci esthétique. J’adore donc ce registre mais je n’ai pas du tout envie de me limiter à cela. D’autant plus que ma génération arrive avec des idées de films de plus en plus hétérogènes, qui mélangent les tons, en se souciant moins de la catégorie et du genre. Comme des frères a l’avantage de n’être pas qu’une comédie, le film a une vraie puissance comique mais c’est aussi un film élégant, réellement touchant et qui parle de sujets profonds et chers à Hugo, le réalisateur.

Après LOL et J’aime regarder les filles, le jeune Pierre Niney crève l’écran dans la comédie Comme des frères d’Hugo Gélin, aux côtés de FrançoisXavier Demaison et Nicolas Duvauchelle. Dans les salles obscures le 21 novembre et ici et maintenant,

Des anecdotes de tournage ?

Nous nous sommes retrouvés avec Nicolas et Francois-Xavier dans le sud de la France, un mois avant de commencer le tournage, pour 30 —

Nuit


Préférez-vous le théâtre ou le cinéma ? En quoi c’est différent de jouer pour l’un ou pour l’autre ?

Je n’ai pas de préférence, je suis réellement content d’avoir fait mes premières armes au théâtre, car cela m’a donné une réelle technique et des notions concrètes de ce qu’est ce métier. Le cinéma est un art beaucoup plus jeune et un outil absolument fascinant qui me passionne tout autant que les planches. Après six mois de tournée d’une pièce, j’ai hâte de courir sur un plateau de cinéma, et vice versa. Les deux sont réellement complémentaires pour moi et j’espère continuer à pouvoir passer de l’un à l’autre comme un Ian McKellen qui passe de Gandalf à Beckett dans la même année. Je trouve ça super. Vous avez commencé très tôt (11 ans), comment avez-vous été propulsé dans ce monde-là ?

Les choses se sont enchaînées de façon relativement cohérente, étape après étape. J’ai commencé par une formation au Cours Florent, puis au Conservatoire national de Paris. En parallèle, j’ai joué plus d’une dizaine de rôles secondaires 31 —

dans des longs métrages, et j’ai donc eu le temps de découvrir ce métier et d’être sûr de mon désir. La rencontre avec mon agent, qui m’a repéré alors que je jouais ma pièce de fin d’année au lycée, est un événement important dans mon parcours qui a naturellement accéléré beaucoup de choses. Quel est l’acteur avec lequel vous rêveriez de tourner, et le réalisateur ?

Di Caprio, pour le voir travailler de près et tenter de comprendre la bête. James Gray, pour la beauté simple avec laquelle il raconte les histoires. Quels endroits aimez-vous à Paris ?

J’adore les jardins du palais Royal, je m’y balade souvent pour apprendre mes textes. Je vais souvent au Breakfast In America, rue des Écoles, le wrap est juste dingue. Comme des frères sur les écrans le 21 novembre. Un chapeau de paille d’Italie jusqu’au 7 janvier à la Comédie-Francaise.

Nuit


32 —

Nuit


La bonne cuisine ® MPK Ω Vincent Arbelet

VITALIC Lasagnes et Mojito

Pascal Arbez-Nicolas aka Vitalic, c’est un peu le

Ce n’est pas un disque fait pour les vieux nostal-

grand frère qui nous a fait découvrir la moiteur

giques, quoi…

des clubs début 2000. Créateur démoniaque de

Oui, c’est sûr que les vieux nostalgiques des raves ne vont pas aimer cet album, parce que c’est beaucoup trop chanté, on est sur un terrain qui n’est plus le leur. Ce n’est pas un disque qui est tourné vers le passé, j’ai pris des bribes de cette musique, et je les ai mélangées à de la disco ou à des textures électro. Il y a bien deux ou trois sons « hoover » qui se réfèrent à cet époque, mais c’est tout.

quelques-uns des plus beaux hymnes de la décennie précédente, il revient distiller sa science du dancefloor avec Rave Age, troisième album qui risque de surprendre son monde. Le titre de ton album semble évoquer directement les raves des années 1990. Et toi, comment as-tu vécu cette époque ? Quel genre de raveur étais-tu ?

J’ai connu cette époque en effet, j’étais plutôt un raveur « good boy » et je n’aimais pas trop les gros rassemblements. Je préférais plutôt les petits évènements entre potes, genre 300-400 personnes avec un son un peu crade. Je t’avoue aussi que c’est quelque chose qui m’a vite fatigué. Fin 2000 le phénomène était mort, on y jouait qu’une techno pauvre et répétitive qui n’avait pas beaucoup d’intérêt. Alors après oui, on peut voir un lien entre cet album et les raves parce que j’utilise certaines sonorités de cette époque, mais je pense que les références s’arrêtent là… Le titre Rave Age m’est surtout venu comme ça… Il ne faut pas y voir une volonté de revival de ce mouvement musical. Et puis, il y a une dimension du mot « rave » qui signifie en anglais « délirer », c’est plutôt dans ce sens qu’il faut comprendre le titre de l’album. 33 —

Comment ton expérience de DJ plutôt récente (depuis 2009) a influencé l’écriture de cet album ?

Je ne me prétends surtout pas DJ, parce que je fais plutôt des sélections, je pousse des disques en fait. Je fais ça d’une manière très légère. C’est vrai que le fait d’être derrière les platines m’a redonné l’envie de faire quelque chose de plus dancefloor et de plus festif. Flashmob (son album précédent, ndlr) avait un côté plus posé. Tu dis que ce disque est différent des deux premiers, qu’on y trouve une volonté d’être plus pop…

Ce n’est pas moi qui dit ça, mais Stéphane Alf Briat (avec qui il s’est occupé de mixer l’album, ndlr). En même temps, selon les personnes, certaines diront que l’album est pop, ou bien qu’il est très sombre, ou très techno… Même le mot Nuit


Vitalic

“Ça fait longtemps que la techno n’est plus subversive” « pop » est difficile à définir, tout dépend de ce que l’on met derrière. Après oui, mon album est constitué de morceaux avec un format chanson, avec des couplets et des refrains… Peut-être que l’on peut dire « pop » dans ce cas-là, même si je n’utiliserais pas ce mot. En restant sur le concept de « pop », c’est une forte tendance actuelle de « popiser » la techno. Ne croistu pas que cette dernière perde son pouvoir subver-

En parlant de voix, il y a beaucoup de featuring sur Rave Age. Tu peux nous parler un peu de Joe Reeves, qui chante sur Next I Am Ready et Fade Away. C’est l’ancien chanteur de Shit Disco, c’est bien ça ?

Oui, c’est bien ça. Je ne l’ai jamais rencontré physiquement mais ça fait très longtemps qu’on discute par mail. Après la sortie du premier album de Shit Disco, je lui ai envoyé un mail de groupie et j’ai eu une réponse… Ça doit être sympa de recevoir un mail de groupie de Vitalic !

Oui, je fais ma groupie des fois. Là, je suis à fond sur Pachanga Boys. Pour revenir à Joe Reeves, je lui ai écrit et ça a collé assez vite. Je ne lui ai rien proposé sur Flashmob, et puis je me suis souvenu qu’il fallait tenter l’expérience ensemble, et puis on a bossé sur Next I Am Ready. Ensuite, au fil de nos discussions, il s’est mis sur Fade Away, qui à la base devait simplement être une instru. Sans rien me demander, il a posé sa voix dessus et me l’a renvoyé, et du coup, il m’a dit que ce morceau était de la pure pop et qu’il fallait garder sa version. Ce que j’ai fait.

sif et rentre définitivement dans le rang ?

Ça fait très longtemps que la techno n’est plus subversive. On est dans l’époque du DJ sexy, même dans l’underground, où il faut être bien sapé et prôner l’hédonisme. C’est un mouvement qui n’a plus de grandes revendications, tout cela est mort en 1995 avec la fin de la techno de Chicago et de Detroit. En soi, il n’y a plus tellement de message, à part « je m’amuse et je picole », j’ai cette impression-là, après peut-être que je me trompe. Par exemple, j’adore aller à Berlin et au Berghain, et au final, même la techno du Berghain est implicitement commerciale dans son underground… Elle utilise des recettes dont il ne faut pas s’éloigner, et ce club, malgré tous ses aspects positifs, ressemble des fois à une usine à touristes. Je crois réellement qu’il y a un business derrière tout cet underground calculé. 34 —

Justement, Fade Away, c’est un peu le morceau le plus kitch de Rave Age…

Ça dépend comment on le prend ! Dans mes compos, il y a toujours pas mal de trucs un peu kitchs et nostalgiques à la Jean-Michel Jarre. Mais c’est toujours du kitch assumé ! Tu as passé pas mal de temps dans le Sud. Comment tu définirais la nuit méditerranéenne par rapport à la nuit parisienne ?

C’est vrai qu’à l’époque de l’écriture de l’album, j’étais souvent en Italie. Là-bas, il y a ce son-là un peu 90’s, ce qui m’a sans doute inspiré pour Rave Age. Il y a une vie nocturne à Rome qu’on ne soupçonne pas, du mardi au dimanche, c’est du non-stop et il y a beaucoup de choix. Ils sont assez techno, ils écoutent des choses assez craspouilles, Nuit


Vitalic faciles, voire un peu pouet-pouet. En même temps, ils écoutent aussi des choses très pointues. Il paraît que les Italiens aiment bien la kétamine…

Dans certains endroits oui, on en trouve pas mal ! (rires) J’ai pu constater que ça tournait beaucoup dans les squats. Il y a d’ailleurs beaucoup plus de squats à Rome qu’à Paris. Le Forte Predestino par exemple, c’est un immense squat où il y a plein de soirées et deux festivals par an avec 8 000 personnes… C’est quelque chose qui est complètement admis par la population, et qui fait partie du paysage romain. La dernière piste de Rave Age est issue de la B.O. du film The Legend of Kaspar Hauser avec Vincent Gallo. On peut en savoir un peu plus sur ce long métrage ?

Il est sorti en Angleterre début octobre, mais je ne crois pas qu’il y ait quelque chose de prévu pour la France. Comme l’annonce le titre, ce film raconte la vie de Kaspar Hauser, un jeune homme qu’on retrouve sur une plage sans mémoire, et qui doit faire sa place dans un village qui ne l’accepte pas. Ce film soulève le problème de la religion, de l’identité, et Davide Manuli (le réalisateur, ndlr) a également une obsession sur le DJing, puisque le film se termine par une très longue rave avec seulement trois participants. Ce long métrage est vraiment très très perché, il n’y a pas d’espacetemps, on ne sait pas où l’on est, ni combien de temps ça dure… Voilà, j’ai fait la B.O. de ce film, et pour l’album, j’ai repris l’un des titres du film qui s’appelait Angoisse, je l’ai retravaillé et je l’ai placé à la fin de mon disque.

Et s’il correspondait à un alcool, ce serait lequel ?

On reste sur l’idée du bordel, je pense à un mojito, tu sais quand ça fait une soupe avec le sucre, les feuilles de menthe, etc. D’ailleurs en soirée, c’est quoi l’alcool que tu préfères ?

J’aime bien la vodka quand même, ça me donne un bon coup de fouet quand je suis fatigué avant de passer sur scène, ça me détend. C’est un peu crado, mais j’aime bien la mélanger avec du coca. Si on va à Dijon, tu nous conseilles de sortir où ?

Ben déjà chez moi, si tu veux bien venir manger des lasagnes et boire des mojitos. (rires) Pour le clubbing malheureusement, Dijon n’est pas dans une grande période, c’est un peu moribond. Quand je veux clubber, je prends un TGV et je file à Paris ou à Lyon. La dernière bonne soirée dont tu es rentré à quatre pattes, c’était quand ?

À Nîmes, début octobre. J’y ai fait le filage public de mon nouveau live à La Paloma, et ensuite, des potes espagnols ont loué un appart pour l’aftershow privé. C’était du grand n’importe quoi. Tu peux nous donner ton remède contre les grosses gueules de bois ?

Manger un truc léger du style raclette ou fondue bourguignonne. Sinon, s’envoyer des huîtres !

Il paraît que tu es un grand amateur de bouffe. Quel plat correspondrait le mieux à ton album ?

Les lasagnes ! Parce que mon album est quand même un bon bordel, il y a pas mal de trucs dedans, avec des couches et des mélanges pas possibles. Donc ouais, un plat de lasagnes un peu expérimental. 35 —

Vitalic Rave Age Citizen ≥ www.vitalic.org

Nuit


la bonne ombre ® Manon Troppo

marieyveline la sage-femme était un homme

J’aime prendre le train comme personne. C’est-àdire que j’aime prendre le train comme personne n’aime prendre le train et que j’aime le train comme je n’aimerai jamais prendre personne.

J’aime vraiment ça. L’odeur des sièges, la barre pour se tenir aux toilettes, les rideaux que personne n’a eu l’idée d’améliorer depuis vingt ans et le réveil en sursaut provoqué par l’ouverture d’une porte qui laisse passer le chuintement métallique des roues. Même les contrôleurs, je les aime. Je les aime comme on aime une conseillère d’orientation : avec mépris mais heureuse de la preuve furtive que quelque chose se passe et que la vie avance. ça roule. Quand je prends le train, alors je quitte Paris, et ça veut dire que je vais bientôt revenir. C’est le secret des voyages : l’importance qu’on donne au départ, s’il n’est pas définitif ou forcé, est la plus belle preuve d’amour qu’on puisse donner au retour. J’aime les gares de Paris, aussi. Et pas seulement par extension. Ce soir-là, moi, c’était gare de l’Est que je me pointais. Un ami rentrait d’un weekend à Strasbourg en fin de soirée. Je m’étais bien évidemment portée volontaire pour l’accueillir au bout du quai. Comme de par hasard, le train de 23 h 05 était annoncé avec un retard de quarante minutes. Je me réfugiais dans un rade, pas loin, l’Extérieur Quai. Je m’accoude au bar quand tout à coup, un jeune homme sorti d’un chapeau s’assied à côté de moi et me prend par l’épaule comme si nous avions ren36 —

dez-vous et comme si nous attendions ce rendezvous depuis une bonne dizaine d’années. Amical, le bonhomme, très amical. Je pense « heu… » mais ne moufte pas encore. L’uniforme, j’imagine, m’empêche de m’inquiéter complètement. - Enfin ! lâche-t-il après un long silence, enfin une femme avec qui célébrer ! Le voisinage est en effet masculin, mais ça n’est pas là un argument vraiment fait pour me rassurer. Cette fois, je pense et dis : - Heu. Heu, quoi ? - Je ne peux célébrer la vie qu’avec une femme. Vous êtes une femme, vous donnez la vie, non ? Et c’est exactement ce que je viens de faire. - Heu. Je voudrais pas me répéter mais, heu : QUOI ? - Hé oui, les pompiers savent aussi faire ça. C’est rare mais ça arrive. Le pompier en question s’appelle Aurélien et vient de terminer son service en le concluant par un accouchement express, pressé et hasardeux. Je n’ai pas la folie des grands honneurs, mais il semble pêcher le compliment avec tellement d’espoir que j’abdique. - Félicitations, donc ! C’était votre premier ? - Le premier était, je l’espère, le dernier. ça vous ennuie si je vous raconte ? Dans le bar personne ne parle et tout le monde s’est donc mis à l’écouter, et avec attention. - Moi, je ne sais pas mais je crois que les autres veulent savoir. Et le patron d’acquiescer en nous servant 2 bières. Nuit


Marie-Yveline - Elle a juste appelé parce qu’elle se sentait mal, comme si elle avait l’utérus dilaté comme mon foie, là. Il pointe son verre de whisky, et ok, je vois ce qu’il veut dire mais je suis pas sûre qu’on puisse dire d’un foie qu’il se dilate. Passons. Le patron, qui veut apparemment sauter 45 minutes du film pour arriver directement à la scène d’action et fermer boutique, intervient autoritairement : - Bon, et donc ? - J’avais tout bien fait, le médecin allait arriver dans une dizaine de minutes, je sortais les serviettes du micro-ondes… - Les serviettes dans le micro-ondes ? - On les mouille et on les met à réchauffer. C’est une ambiance chaude et humide mais surtout stérile pour le nouveau-né. - Bon, et donc ? répète le patron avide de mélo. - Il avait les yeux et les doigts collés… - Mais là, vous avez réussi ! - J’ai réussi. - Vous êtes heureux ? - Je suis heureux. Et fier. - Je suis fière de vous aussi. - Mouais moi aussi, lance le patron en repartant en coulisses, semblant ne pas en penser un mot, visiblement déçu par le peu de sang et de larmes que l’anecdote lui avait offerts. - Il va s’appeler comme moi. Étonnée que le hasard fasse si bien les choses, je fais la tête de celle qui est étonnée que le hasard fasse si bien les choses. - La mère, avant que je parte, m’a demandé comment j’aimerais qu’il s’appelle. Je savais pas quoi répondre. Je tremblais de partout. - Alors elle vous a demandé comment vous vous appeliez. - Voilà. - Classe. - Elle est venue le lendemain à la caserne pour que tout le monde le connaisse. C’était... pfiouh ! - Vous trembliez de partout. - Voilà. 37 —

- C’est une jolie histoire. - Je sais pas. - Si, c’est une très jolie histoire, assurément ! dis-je en cherchant du soutien chez les rares spectateurs qui ont réussi à retenir leur attention jusque-là sans sombrer dans leur pinte. - Tout le monde s’en fout des jolies petites histoires isolées comme ça, vous savez. - Pas moi. Je suis très heureuse que vous me l’ayez racontée. - Vraiment ? - Je suis très heureuse que vous me l’ayez racontée et je la raconterai à mon tour. Dans un magazine même ! - T’es sérieuse? - On ne peut plus. - On ne peut plus quoi ? - On ne peut plus sérieuse. - On ne peut plus être sérieuse ? - Non. Je. Oui, sérieusement, je la raconterai dans un magazine. - Ça serait un grand honneur. Comment pourrais-je vous le rendre ? - Vous me vouvoyez ou tu me tutoies ? - Vous savez ce que je vais faire ? La prochaine fois que je donne la vie, si on me demande comment j’aimerais qu’il s’appelle, je répondrai ton prénom. C’était le pire honneur qu’on pouvait me rendre puisque je suis super unique et que pas touche à mon prénom mais, comme 23 h 45 sonnaient, je n’avais pas le temps d’argumenter. Juste celui d’être chafouine. - Je dois y aller. - Vous devez me dire comment vous vous appelez ! - Marie-Yveline. Sur le quai, me remémorant le regard hagard du pompier face à ma réponse, et devant la certitude qu’il tiendrait sa promesse, je me disais qu’une gosse, un jour, allait se faire méchamment foutre de sa gueule à l’école à cause de son prénom. Et qu’elle se vengerait en devenant incroyablement géniale. Ça m’a fait sourire. Et, pour un dimanche pluvieux d’octobre à minuit gare de l’Est, franchement, c’était déjà pas mal. Nuit


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La bonne révélation ® MPK Ω Lucien Perochon

DAVID SHAW & THE BEAT Beauté toxique

Mancunien de naissance, Parisien d’adoption, David Shaw (ex-Siskid) pourrait bien synthétiser ce qui se fait de mieux dans la culture de ces deux villes. So It Goes, son premier album aux accents pop 80’s,

musicaux, je n’ai pas développé mon oreille en mettant le rock dans une case, et la techno dans l’autre. Je ne veux surtout pas avoir le syndrome du « Je viens de là ».

délivre avec ses dix titres un joli bouquet de fleurs vénéneuses dont le poison enivre autant qu’il hyp-

Tu es donc désormais David Shaw. Mais David Shaw

notise.

and the Beat. D’où te vient cette obsession pour le rythme ?

On t’a connu t’appelant Siskid. Ça fait quoi de récupérer son nom propre ?

Mes productions techno sous Siskid commençaient un petit peu à s’essouffler, j’en avais fait un peu le tour, il fallait que je reparte vers quelque chose de nouveau. J’avais vraiment envie d’autre chose, et de sortir de ce schéma typiquement club, sans obligatoirement passer par une espèce de « coming out » pop. Cela correspond aussi à une nouvelle identité artistique, même si au final, tu as toujours été attiré par le mélange des genres…

Oui, mais je ne revendique rien, et surtout pas mes influences rock. C’est une petite nuance, mais elle a son importance, j’aime autant l’électronique que le rock, toute la musique que j’écoute a toujours été un mélange des deux. En allant plus loin dans mon raisonnement, je dirais même que je ne fais aucune différenciation entre ces deux styles 39 —

J’aime voir les corps danser, leur état à la fin de la nuit, j’aime l’idée de la transe au sens propre du terme, son côté « bayou », comme dans la scène du film Angel Heart, où ils sont tous en train de danser autour du feu complètement possédés. Quand tu transposes ça dans un club, ou dans un festival, ce sont vraiment des choses qui me parlent et qui m’obsèdent. Le beat, qu’il soit rock, hip-hop, ou techno, englobe et permet ces états de transe. Ensuite j’ai rajouté « and the Beat » à mon nom parce que David Shaw, c’est pas très bandant tout seul. Shaw est un nom très commun en Angleterre, un peu moins que Smith, mais c’est assez bateau quand même. Est-ce que tu penses que cette attirance que tu as pour le rythme vient de tes origines indiennes (David a grandi à Manchester, et son père est d’origine indienne, ndlr) ?

Exactement ! Je ne sais pas d’où tu tiens ça ! Nuit


David Shaw and The Beat

“J’aime voir les corps danser, […] j’aime l’idée de la transe au sens propre du terme, son côté « bayou ».”

Tu as été musicien du groupe Blackstrobe (guitare, basse et clavier) aux côtés d’Ivan Smagghe et d’Arnaud Rebotini. Tu as des nouvelles de Smagghe ?

Arnaud, je suis toujours en contact avec lui, Ivan, j’ai de ses nouvelles de temps en temps. J’’ai eu un super mail de sa part par rapport à l’album, ce qui m’a beaucoup touché. Et je lui dois énormément, parce qu’il m’a permis de mixer l’album dans son studio à Londres. Tu peux nous parler du tatouage que tu as sur l’avant-bras gauche ?

(Il remonte sa manche) C’est un réglage de rail de 707 que j’avais noté au stylo Bic sur mon bras quand que je bossais aux studios Mains d’œuvres. Ma copine de l’époque avait vu ces traits et avait aimé la dynamique, elle m’avait alors suggéré de me les faire tatouer. J’en ai d’autres, je suis très tatouages un peu cons, j’aime bien les petits dessins enfantins ou les trucs de taulard. Pour le petit coup de pub, je vais chez une excellente tatoueuse à Lyon qui s’appelle Dodie. Finders Keepers, Like Swans, Single Serving ou Infected sont des chansons qui traitent des amours désenchantées… Où vas-tu chercher ce sentiment de « Je t’aime moi non plus » et des amours venimeuses ? Tu es malheureux en amour ?

Quand j’étais gosse, ma mère écoutait de la pop de son époque, tandis que mon père passait beaucoup de disques de musique indienne. J’ai été très tôt éduqué aux sonorités des cithares et des tablas. C’est quelque chose qui m’a vraiment formé. À quoi ressemblerait le « beat » de la nuit ?

À quelque chose de lent, pas parce que c’est une mode qui apparemment est en train de revenir, mais parce que ça te permet de danser plus longtemps. Et plus tu restes proche du rythme cardiaque, plus la sensualité et la transe sont rendues possibles. 40 —

Non, je n’ai jamais vraiment eu de soucis… Encore une fois, mon obsession - tu remarqueras que je suis un garçon très obsessionnel - c’est la complexité des rapports humains, c’est là où je puise une partie de mon inspiration. Tu te rends compte qu’il y a des schémas beaux et tragiques qui reviennent souvent en amour, que tu vis personnellement ou que tu apprends d’autres personnes… Par exemple, une chanson comme Single Serving Friend traite des rencontres d’un soir, exprime des choses très fortes alors que ce type de relation paraît superficielle : des vies se croisent, c’est complètement éphémère, et cela peut être malgré tout super intense. Nuit


David Shaw and The Beat Comment as-tu écrit Transe in Mexico ? C’est vrai que tu l’as conçu très vite au Point Éphémère sur un mix de Maurizio Rebolledo ?

Oui, je lui avais demandé en 2010 de faire un remix de Guns Stubs. Et on avait fait une release party de cet EP au Point Éphémère. Après mon live, forcément, j’ai lâché un peu de lest (il se racle la gorge), et pendant que Rebolledo faisait son mix, j’ai eu une espèce d’hallucination auditive, j’ai entendu une mélodie qui m’a vraiment fait triper. Du coup, j’ai couru dans les backstages pour chantonner cette mélodie devant le magnéto de mon téléphone, histoire d’en garder une trace. Quelques jours après, j’enregistrais cet air toxique en studio, j’étais content car ce morceau s’est écrit assez vite, je bosse d’habitude beaucoup plus lentement. Tes références sont nombreuses sur cet album. Tu peux nous en citer quelques-unes pour situer ta musique à nos lecteurs.

Je me rends compte que plus je vieillis, plus je reviens vers des choses qui m’ont marqué quand j’étais jeune, comme Prince, INXS, Initials B.B. de Gainsbourg, Wire… Mais aussi Nitzer Ebb, Nine Inch Nails, The Orb, Aphex Twin. Mes références sont vraiment un mélange de tout ça en fait. À un autre niveau, je suis aussi un fan d’AC/DC pour le groove, qui finalement est un groove de blues. Sans pour autant rentrer dans le truc « Oui, alors moi, mes racines c’est le blues, etc. » Je n’aime pas simplifier ou unifier les choses, je préfère la pluralité. So It Goes est le titre de l’album et du dernier mor-

du générique de ce show télé m’a inspiré pour composer cette piste. Et puis « So it goes », c’est aussi une expression qui veut dire : « Ainsi vont les choses », « C’est parti ! », « Press play », c’est pour cette raison que j’ai appelé l’album de la sorte. C’était pour dire : « Voilà ce que j’ai fait, et voilà ce que ça donne. » Quelles sont les différences entre la nuit mancunienne et la nuit parisienne ?

On boit dix fois plus là-bas qu’ici, c’est indéniable ! À Paris, ça râle sans doute beaucoup plus, mais je pense que l’on est plus ouverts sur les influences musicales étrangères, il y a moins cette fierté du « made in England ». Tu es Manchester City ou Manchester United ?

City, maid, City ! Mais en même temps je m’en balance complètement, je dis ça parce que mes cousins sont City, et si je dis United, je me fais étriper ! (rires) Les lieux où tu aimes flâner à Paris la nuit ?

Il y a des chiottes que j’ai vachement aimés récemment, mais je ne me rappelle plus où ils se situent. C’est un peu mon problème, j’ai des soucis de mémoire la nuit… Ton alcool préféré ?

La téquila ! J’adore la téquila paf. Gamin, je me prenais aussi des cuites avec des pintes de cidre. Ton remède contre la gueule de bois ?

Une bonne grosse bière, avec un gros burger ou un petit déjeuner anglais bien gras.

ceau y figurant. Je crois qu’il y a une sorte de clin d’œil derrière cette expression...

Par nostalgie, je regardais souvent à une époque des extraits sur YouTube de So It Goes, une émission de Tony Wilson sur Granada Television entre 1976 et 1977. C’était un peu le Top of the Pops de l’époque, mais en plus quali. Du coup, le début 41 —

David Shaw and The Beat So It Goes/Her Majesty’s Ship ≥ http://soundcloud.com/davidshawmusic

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le bon livre ® Violaine Schütz Ω Steve Vaccariello

ice-t

Sous la glace, le feu

Ice-T, rappeur devenu inspecteur de police sur les écrans avec New York, unité spéciale raconte son passé de gangster dans un livre aussi haletant qu’un épisode de la série culte, diffusée sur TF1. Ice, Ice, baby !

Les téléspectateurs connaissent le visage de Tracy Marrow alias Ice-T car il incarne depuis des années l’un des personnages les plus attachants de la série américaine à succès New York, unité spéciale, l’inspecteur Fin Tutuola. Mais Ice a été avant cela un rappeur important. Et encore avant ça, un gansgter, un vrai, presque comme ceux qu’il pourchasse aujourd’hui à l’écran. Dans son autobiographie qui sort en France ce mois-ci, il revient, dans un langage cru et sans détours, sur sa carrière de voyou et ses débuts difficiles dans la vie. L’enfance est malheureuse : Ice est orphelin (« l’absence d’amour nourrit la rage » écrit-il), et grandit dans une famille d’accueil. Ado, il pratiquait la breakdance autant que le crime (tirer des sachets d’herbe, voler des autoradios) dans le quartier mal famé de South Central à Los Angeles, s’associant aux affaires des gangs locaux (il faisait partie du gang des Crips). En gros, l’idée c’était « marche ou crève », devenir un caïd, pour ne pas se faire trouer la peau par une balle. Il trouve une forme d’amour dans la fraternité du gang des Crips. « C’est la nature humaine. On a toujours eu des armées, des équipes et des bandes. » Inspiré par Iceberg Slim (un truand, auteur de livres et de poèmes), il se donne le surnom d’Ice-T. Il s’engage ensuite pendant quatre années au sein 42 —

de la 25e division d’infanterie de l’armée américaine. Pendant sa dernière année à l’armée, il apprend à mettre des vinyles sur une platine. Quand il revient à L.A. fin 70, il commence à faire du rap et au début des années 80, sur les conseils de son entourage, enregistre ses premiers singles. Il s’imposera vite comme un personnage important dans le milieu du rap West Coast et inventera quasiment à lui tout seul le gangsta rap. Sa carrière dans le crime prend alors, aussi, de l’ampleur. Il applique ce qu’il a appris à l’armée (discipline, frustration, organisation, gestion de mission), au sein de la célèbre division « Éclair des tropiques », dans la rue pour dévaliser des coffres-forts dans des coups en bande lentement préparés à l’avance. Un accident de voiture dans lequel il frôle la mort le convaincra de mettre fin à la vie de caïd pour se consacrer à autre chose. Il tournera dans une cinquantaine de films, jouera dans sa propre série de télé-réalité avec sa femme aux formes plantureuses (Ice loves Coco) et atteindra un degré de notoriété rarement égalé pour un ancien bad boy. Celui qui résume son histoire ainsi : « Ma vie a été une grande histoire/ Dans une guerre absolue/ Doisje faire le bien ? Dois-je faire le mal ?/ Faire la paix ou devenir dingue ? » a appliqué l’un de ces textes de chansons qui imposent le respect : « Il ne s’agit pas de monter le plus haut possible/ Il s’agit de pouvoir reculer si c’est nécessaire. » Ice, Mémoires de ma vie de gangster et de ma rédemption - Ice-T et Douglas Century G3J éditeur

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le bon retour ® Pierig Leray Ω DR

KAS PRODUCT L’avant-garde synthétique

Souvent décrit comme le précurseur de l’électro clash, KaS Product avait certainement de l’avance sur son temps. À partir d’énormes synthétiseurs achetés à prix d’or, Spatsz et Mona, dans une ambiance froide post-choc pétrolier, ont réussi à combiner l’héritage punk à l’avant-garde électronique. Trente ans après, c’est le label Ici d’ailleurs qui réédite leurs deux premiers albums Try Out et By Pass avec une tournée française à la clé. Rencontre

départ, notre musique était purement expérimentale et c’est au bout de deux ans que KaS Product est né, quand on a rajouté la guitare. M. : Je me rappelle que dans cette cave la première fois, il s’était foutu de ma gueule quand j’ai commencé à chanter car j’avais encore des tics de chanteuse de jazz et ça ne collait pas vraiment à sa démarche post-punk. Mais au final, on s’est trouvés très vite.

tout en douceur, entre Perrier et cafés crèmes au Crowne Plazza de République.

Un an après, vous êtes en première partie de Marquis de Sade, comment s’est passée la tournée ?

Comment s’est passée votre rencontre au début des années 1980 et la découverte du synthétiseur ?

Mona : Un ami à moi qui jouait du saxophone m’a invitée chez Spatsz que je ne connaissais pas du tout. Je me suis retrouvée dans la cave d’une petite maison avec des synthés partout, c’est la première fois que je voyais ça. Et on a fait beaucoup de bruit... Spatsz : C’était deux ans avant KaS Product, je revenais d’Amérique du Sud où j’étais parti bosser pour me payer un synthétiseur. Et à l’époque, ça coûtait bien un an de salaire.

M. : Après deux 45 tours relayés surtout dans la presse étrangère, Take Me Tonight a commencé à passer dans des boîtes de Rennes et Hervé Bordier, le créateur des Transmusicales et le manageur de Marquis de Sade à l’époque, nous a contactés. On avait fait que deux ou trois dates, c’était donc un vrai défi. D’autant plus que rien n’était financé, on devait se débrouiller avec notre voiture, nos propres moyens. Votre dernier album Ego Eye sort en 1986. Deux ans après vous vous séparez avant un retour en force dans les années 2000. Comment avez-vous vécu ces

Pourquoi cette fascination pour le synthé ?

années dans l’ombre du grunge notamment ?

S. : Je jouais de la basse dans un groupe et je n’étais pas satisfait du son. Je cherchais l’originalité. Au

S. : On a continué à travailler sur des maquettes sans l’idée de sortir un nouvel album. Ça ne s’est

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KaS Product

“Le rock s’est institutionnalisé et ça pèse. Ça peut tuer la créativité. Le mieux est d’être dans l’inconfort. Et aujourd’hui, il n’y a plus d’inconfort donc moins de créativité.” 46 —

jamais vraiment arrêté. On faisait chacun des choses éloignées de KaS Product. Moi, j’ai travaillé dans la musique de film, Mona avait ses projets en solo. M. : J’ai travaillé avec Fréderic Lagnau, compositeur attitré de l’Opéra d’Évreux, un pianiste virtuose qui s’est lancé avec moi dans le sampler. Mais c’était incasable dans le milieu musical de l’époque donc rien n’est sorti. Mais je me suis vraiment nourrie de cette rencontre. Puis viennent les années 2000 avec So Young But So Cold et Des jeunes gens modernes, des compilations qui reprennent chacun de vos titres. Comment expliquez-vous ce retour ?

S. : Il y a eu l’avènement de l’informatique musicale début 2000. Et les gens ont utilisé des émulations de synthétiseurs. C’est devenu une mode alors que nous à l’époque, on n’utilisait pas de séquenceurs, et on faisait tout manuellement. Cette période a été un vrai retour à l’électro. The Hacker nous cite d’ailleurs en référence pour remixer l’un de nos titres début 2000. M. : C’est fun de revenir après tout ce temps, chanter des morceaux que l’on a écrits à 20 ans et se retrouver devant un public multigénérationnel. Moi, je suis attristé par la période actuelle qui est tombée dans de l’électro facile, les gamins ne réfléchissent plus, n’ont plus de culture musicale. Qu’en pensez-vous ?

M. : Oui, il n’y a plus de recherche, plus de questionnement. C’est une mode et la musique est une consommation. S. : Aujourd’hui, il y a des gens qui te mâchent le boulot, on retrouve des albums de loops, ils piochent dedans et créent du rythme sans créativité. C’est le phénomène actuel, c’est très faible au niveau créatif. Tout s’uniformise. Avant c’était un risque de travailler avec des loops, maintenant on en retrouve partout.

Nuit


KaS Product Vous avez fait quelques lives de temps en temps,

Y a-t-il de la dérision et de l’humour dans votre

aux Eurockéennes notamment. Avec la réédition

musique ? Est-ce que vous ressassez, retravaillez le

de ces albums, vous vous lancez dans une véritable

son du passé pour en rire ensuite ?

tournée. Ça correspond à une vraie envie de remon-

S. : Tout à fait, mais c’est une analyse a posteriori. Quand on l’a fait, on n’a jamais pensé ça une seconde. Il y a une attitude de détachement, de recul par rapport à notre musique.

ter sur scène ?

M. : On est super heureux de le faire. C’est un vrai choix de notre part. S. : Et il y avait une vraie demande depuis des années, pas particulièrement en France, mais dans toute l’Europe. On n’a jamais pu accepter les propositions pour diverses raisons et notamment le fait que Mona habite aux États-Unis. On a refait un concert à Nancy l’année dernière, ça nous a permis de nous tester. Ça s’est si bien passé que l’on a décidé d’organiser une tournée. La demande est là et les dates sont tombées facilement. Mais chose surprenante, il y a aussi une vraie demande en Amérique du Sud par exemple. M. : J’aime que la musique transcende les âges. Et des jeunes qui connaissent nos paroles par cœur, c’est dingue. Le mélange que l’on a retrouvé notamment à Mars Attack à Marseille, c’est génial. Et quelle est la véritable motivation de cette réédition ?

S. : Il y a déjà eu deux rééditions en 1995 et 2005. Tout a été vendu et il n’y a pas eu de réimpression. On a cherché un peu et le label Ici d’Ailleurs nous a contactés. En plus des deux CD, on a souhaité rééditer en vinyle avec un maxi 45 tours et des bonus tracks. Et enfin des versions numériques, ce qui n’existait pas encore, excepté sur le Peer To Peer, mais là-dessus on s’en fout et on n’a aucun jugement par rapport à ça. La musique est faite pour être véhiculée alors que ce soit par ce moyenlà ou par un autre c’est très bien. On ne peut pas raisonner par et pour l’argent quand on crée de la musique. On n’a jamais fonctionné comme ça.

Aujourd’hui, cette distance et ce recul manquent justement par rapport à la musique, non ?

S. : Oui, je pense. On travaille avec la nouvelle génération et les gens se prennent énormément au sérieux. (rires) Ce n’est pas pour dire « c’était mieux avant » mais c’était quand même plus cool dans les années 1980. Tout est normalisé. Le rock s’est institutionnalisé et ça pèse. Ça peut tuer la créativité. Le mieux est d’être dans l’inconfort. Et aujourd’hui, il n’y a plus d’inconfort donc moins de créativité. Si vous pouvez me citer une œuvre culturelle qui vous a marqués plus qu’une autre ?

M. : Eraserhead de David Lynch, que l’on a découvert à New York dans un petit cinéma à l’époque où l’on enregistrait le second album. Ça nous a vraiment touchés.

KaS Product ≥ www.kasproduct.com Réédition de Try Out et By Pass (Ici d’Ailleurs), leurs deux premiers albums. — Avec une tournée française et notamment un concert à la Machine du Moulin Rouge le 14 novembre avec le groupe Von Magnet. — Merci à Germain Hezard.

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le bon agenda La sélection de ParisLaNuit.fr Vendredi 02/11 23h La Machine du Moulin Rouge 15 €

Vendredi 16/11 20h Le Wanderlust Gratuit

≥ Wide Style #14 : Dj Vadim & Nosaj Thing

≥ David Caretta, Scratch Massive et Prince 85

23h

Le Social Club 13 €

23h30

00h

Le Nouveau Casino 10 €

≥ MESS : Riva Starr, Olibusta, Mathieu 1000000 &

≥ The Burn Weekender Day 1 avec Dusty Kid

Shandor Posch

Le Rex 15 €

≥ Automatik Spécial Definitive Recordings avec

00h

John Acquaviva

≥ Pachanga Boys “We Are Really Sorry” Release

Le Rex 12 €

Party Samedi 03/11 23h La Villette Enchantée Gratuit Dimanche 18/11 22h Le Rex 10 €

≥ Gouru invite David Shaw 00h

≥ Cockorico, Ich Bin Cocko! avec Todd Terje

Le Rex 15 €

≥ Correspondant avec Andrew Weatherall Vendredi 23 /11 23h La Machine du Moulin Rouge 22 € Mardi 6 /11

19h30

La Machine du Moulin Rouge 25 €

≥ Flying Lotus Live Video & Thundercat

≥ Jeff Mills (All Night Long) : Axis Records 20th Birthday Party 23h

La Bellevilloise 15 €

Mercredi 07/11 23h Le Social Club Gratuit

≥ 1 Night 4 Labels

≥ Stendhal Syndrome avec Bakermat

00h

Le Rex 12 €

≥ Casa Nostra avec Agoria Jeudi 08/11 20h La Machine du Moulin Rouge 30 € Samedi 24/11 20h La Bellevilloise 30 €

≥ Chinese Man and Friends

≥ Shuggie Otis Vendredi 09/11 19h Le Glazart 15 €

23h

≥ Low Leaf

≥ Free Your Funk : Dj Pone, Crazy B et DJ Need (BNN)

23h30

Le Showcase 12 €

23h30

≥ Herzblut Vs Systematic avec Stephan Bodzin Samedi 10/11

Le Showcase 12 €

≥ Secretsundaze Feat. Giles Smith And James 00h

00h

La Bellevilloise 12 €

Le Rex 12 €

≥ Transsektoral Release Party avec Jimmy Edgar

Le Nouveau Casino 14 €

≥ Sound Pelligrino Thermal Team Plays Hip Hop All Jeudi 29/11 18h Galerie 12Mail Gratuit

Night Long

≥ Vernissage Susumu Mukai - Animas Dimanche 11/11 00h Le Rex 15 € Vendredi 30 /11 23h La Machine du Moulin Rouge 15 €

≥ Ostgut Ton présente Marcel Dettmann

≥ Coffee & Marmelade#1 avec Skudge Jeudi 15/11 20h Le Point Éphémère 17 €

00h

≥ The Soft Moon

≥ Astroclub // We Want To Rave On avec Derrick May

20h

Le Rex 12 €

La Bellevilloise 19 € Samedi 01/12 00h Le Nouveau Casino 12 €

≥ Joey Badass ft. Pro Era

≥ Paris La Nuit Party Vendredi 16/11 23h30 Lieu Secret 13 € Envoyez votre prog à : emmanuel@parislanuit.fr

≥ Bon Esprit #2 avec Rebotini et Maelstrom

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www.agnesb.fr



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