Nuit
Mai 2013 - n째 31 - lebonbon.fr
Vendredi 7 juin au Divan du Monde Sur invitation : .fr o n bo n party@leb
édito Bonne Nuit
© Jacob Khrist
Il y a une théorie qui dans toute soirée pourrait être applicable, c’est celle du P.P.V, ou Point de Partance en Vrille. N’avez-vous pas remarqué que toute fête peut se schématiser ainsi : une ou deux heures qui ressemblent à un round d’observation (souvent ennuyeux), une période où les fesses se décoincent, puis un pic de connerie maximale prend subitement le relai et dure jusqu’à l’épuisement des corps. Le P.P.V se situe donc entre la phase 2 (décoinçage de fesses) et la phase 3 (pic de connerie maximale). Ce point est mystérieux, on ne peut pas vraiment connaître les facteurs de son déclenchement. Certains vous diront qu’il est lié à la consommation d’alcool et de drogue, d’autres y verront l’influence de la musique ou des hormones sexuelles. Peut-être un peu des trois. Ou peut-être tout à fait autre chose. Savoir titiller ce point est pour tout ambianceur nocturne (Dj, barman, comique troupier…) une nécessité pour que la nuit soit réussie. L’exciter convenablement garantit à coup sûr un bel orgasme festif. Attention cependant, le P.P.V est certes une source de plaisir intense, mais il peut aussi vous jouer des tours : Vous sortez juste boire une bière, et puis paf, vous vous retrouvez le lendemain à 17h sans avoir dormi en plein after dans un appart’… L’exemple choisi est classique, mais démontre bien la puissance immaîtrisable du P.P.V lorsqu’il est bien stimulé. Et quelque chose me dit qu’au niveau stimulation, notre Point de Partance en Vrille en aura pour son compte en ce mois de mai… MPK Rédacteur en chef adjoint
Rédactrice en chef — Violaine Schütz michael@lebonbon.fr
violaine@lebonbon.fr
| Rédacteur en chef adjoint — Michaël Pécot-Kleiner
| Directeur artistique — Tom Gordonovitch
tom@lebonbon.fr
| Président — Jacques de la Chaise
Photo couverture — Jean-Pierre Mocky par Nicola Delorme | Secrétaire de rédaction — Louis Haeffner Régie publicitaire — regiepub@lebonbon.fr Lionel 06 33 54 65 95 | Contactez-nous — nuit@lebonbon.fr Siret — 510 580 301 00032 | Siège social — 12, rue Lamartine 75009 Paris 1—
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IT’S A NIGHTWEAR STORY Jeudi 23 Mai 22h00 au Dandy Undress code : tenue de nuit pour un appartement de nuit
26 Rue Pierre Fontaine 75009 Paris sur invitation : party@lebonbon.Fr www.up4.fr/nightwear
sommaire Le Bonbon Nuit
Jean-Pierre Mocky
p. 07
David Bowie
p. 11
Les sorties du mois
p. 15
Kenneth Anger
p. 17
Daft Punk
p. 19
Radiomarais
p. 23
Font-Not.Tumblr.com
p. 25
Primal Scream
p. 27
Weather Festival
p. 31
musique
George Issakidis
p. 35
littérature
Simon Reynolds
p. 39
Max Cooper
p.43
Objet Sonore Release Party
p. 45
Orval Carlos Sibelius
p. 47
La sélection de Paris La Nuit
p. 48
rencontre
art
cinéma
musique
web
musique
événement
musique
soirée
playlist
utile
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agenda Les événements à ne pas manquer Jeunesse (et vieillesse) sonique La Villette Sonique revient pour fêter les beaux jours et la bonne musique. On pourra profiter des concerts gratuits qui ont lieu sur les pelouses du Parc de la Villette (cette année, entre autres : Chris Cohen, Dj Harvey, Swans, Caribou) mais aussi payer pour un super concert « en intérieur » au Trabendo, à la Cité de la Musique, au Cabaret Sauvage, à la Grande Halle. Du 23 au 26 mai à la Villette Sonique
Lolita Forever Alors qu’elle sort ce mois-ci son sixième album, un double CD intitulé Love Songs, composé avec Benjamin Biolay, le photographe Pierre Terrasson a rassemblé dans un beau livre ses années lolita, des clichés inédits de la chanteuse/actrice/mannequin à 16 ans. Vanessa Paradis, les années lolita (Premium éditions) Love Songs (Universal Music)
Grolsch Session by Le Bonbon Grolsch et le Bonbon vous donnent rendez-vous à l’Omnibus, pour un apéro festif émaillé de nombreuses surprises. Violaine et Michaël du Bonbon Nuit viendront également passer leurs meilleurs Jeudi 23 mai a l’omnibus de 19h à 23h z üt violaine sch vs. mpk
DR / DR / DR / Till Gerhard, Die andere Seite
13 Place
9 Pigalle - paris
e
disques pour vous accompagner dans une ambiance électrique. Une soirée à noter de toute urgence ! Le 23 mai, de 19h à 23h à L’Omnibus 13, place Pigalle 75009
L’expo trop fraîche by Tic Tac La pastille la plus rafraichissante s’expose à l’Espace W ! 5 artistes et directeurs artistiques créent une exposition collective autour de 4 thèmes : Fresh, Fun, Music et Games. Grems, Monsta, JeanSpezial, Alexandra Bruel et Vainui de Castelbajac rassemblent une quinzaine d’artistes de tous horizons. Be There, Be Fresh ! Espace W - 44, rue Lepic - 18e - Du 14 au 31 mai, 7j/7 5—
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rencontre ® Propos recueillis par MPK Ω DR
Jean-Pierre Mocky L’homme pur
S’entretenir avec Mocky le magnifique, c’est se
Cannes, c’est un peu le festival de l’hypocrisie, en
prendre en pleine face plus de 60 ans d’histoire du
somme…
cinéma. Tour à tour ancien assistant de Fellini et
Moi, ça me fait penser aux Précieuses Ridicules de Molière. Vous avez ce qu’on appelle les « barons de Cannes », comme les frères machin (les frère Dardennes, ndlr), ils ne sont pas méchants, mais ce sont des fayots. Ça me fait chier, parce qu’ils font des films uniquement pour le festival. S’ils veulent parler de trous du cul par exemple, ils ne pourront pas le faire parce que ça ne collera pas avec les codes de cette institution.
de Visconti, réalisateur à succès ayant fait tourner tous les monstres sacrés (Bourvil, Fernandel, Serrault, Deneuve, etc…), homme aux 80 films, aux 700 femmes, père de 17 enfants, Mocky brouille la frontière entre la réalité et le mythe. Mocky est une fiction, Mocky est un drame, Mocky est une comédie. Mocky est une légende. Libre et vivante. Lorsque cet article paraîtra, nous serons en plein festival de Cannes. Ce festival a-t-il encore pour
Parlons maintenant de vous. Votre nouveau film, Le
vous une utilité ?
Mentor, est sorti le mois dernier dans votre cinéma
Je n’aime pas Cannes. D’abord, je n’aime pas les prix parce que pour moi, c’est une discrimination raciale. Le festival, c’est un endroit où l’on baise, où l’on mange, et en fait, tout le monde se fout du cinéma. Ce que je retiens surtout de Cannes, ce sont deux femmes : Françoise Sagan et Ingrid Bergman. Ces deux femmes ont chacune été Présidente du jury. L’année où Ingrid Bergman présidait était celle du 50e anniversaire de la Warner, et on lui avait mis la pression pour qu’elle donne sa voix à un film produit par cette multinationale. Vous savez ce qu’elle a fait ? Elle a pris le train et elle a foutu le camp. Pour à peu près la même histoire, Françoise Sagan s’est tirée aussi. Je suis complètement admiratif de ces femmes qui ne se sont pas laissées acheter.
Le Despérado. Vous y jouez un S.D.F qui prend une
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jeune femme sous son aile. Vous avez également l’envie de tourner prochainement un film avec Reno, Deneuve et Belmondo encore une fois sur le thème des sans-logis. Qu’est-ce qui vous attire autant chez les S.D.F ?
Ce qui me touche, c’est que ce sont des gens qui ont tout perdu, comme les prisonniers, sauf que eux, ils sont en liberté. Il y a chez les S.D.F des gens de toutes les catégories sociales, qui ont été foncièrement malchanceux. Je veux aider ces gens-là, que le jour où je crève, il n’y en ait plus dehors. C’est la même chose avec les Roms. On ne les aime pas ceux-là aussi, pourtant ce ne sont pas des voleurs de poules.
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Jean-Pierre Mocky Vous ressentez une sorte de fraternité avec ces rejetés de la société ?
Ah mais moi, je suis un gitan, ma famille était gitane au départ, je suis d’origine tchétchène. C’est peut-être ça qui m’a donné mon côté frondeur. Les Tchétchènes, ils ont toujours lutté contre l’oppression. Ça me fait penser aux films de mon copain Emir Kusturica, je suis tout à fait comme lui. J’ai vraiment du sang gitan dans les veines. Et comme les gitans, je suis considéré comme un paria dans la profession. On me laisse seul, on m’isole. Il y a d’autres réalisateurs qui sont mis à l’écart comme Boisset. On nous a laissés tomber. Vous avez déjà pensé tout abandonner ?
Oui, une fois, j’en avais vraiment marre de tout, je voulais tout quitter et partir loin d’ici. J’étais place d’Alligre, dans le 12e, et je me suis arrêté chez un épicier arabe pour m’acheter des œufs. Au moment de payer, le gars me regarde et me dit : « Monsieur Mocky, merci pour tout ce que vous avez fait, je vous les offre ces œufs ». Ça a fait un déclic chez moi. C’est con mais c’est comme ça, je me suis dit que je représentais quelque chose pour certaines personnes.
Il y a des fois où vous auriez aimé faire autre chose ? Un autre métier ?
J’aurais aimé être journaliste. Soit reporter de guerre ou journaliste animalier. J’aurais aimé écrire des articles sur les crocodiles et les kangourous.
taine, ils se disent « merde », et ils regardent des types comme moi en se disant que j’ai toujours fait ce que je voulais. Cette chose-là, ça s’appelle la revanche des vaincus. Quelque part, ils se sont perdus. Ils se détestent à travers moi, c’est curieux. Pourtant, vous avez fait et faites encore tourner tous les plus grands acteurs…
Il y a des acteurs avec qui je ne peux pas tourner, comme Vincent Lindon par exemple. Ils ont peur de se griller, mais il y a aussi un autre problème. Certains ont peur de tourner avec moi, parce que j’ai dirigé de très grands acteurs. Il y en a qui ont eu et qui ont des couilles comme Bohringer, Serrault, Bourvil… Mais la plupart se disent qu’ils ne seront pas assez bons pour tourner avec moi, qu’ils auront l’air de cons, ils ont une sorte de complexe d’infériorité. Vu que j’ai dirigé Michel Simon ou Fernandel, ils se disent « Oula, je vais me retrouver sur son plateau, et je risque de me faire humilier. » Tourner avec moi, c’est une épreuve du feu pour eux. Qu’aimeriez-vous que l’on retienne de vous ?
Pas grand chose. Il faudrait surtout qu’il y ait plus de gens qui aiment la liberté. Moi je me sens à l’aise dans mes chaussures. Un jour, un type m’a dit : « Quand tu seras vieux, tu vas te retourner et tu vas regarder ce que tu as fait. » Et moi, quand je me suis retourné, j’ai vu quelques emmerdes, mais surtout beaucoup de jolies choses.
Jean-Pierre Mocky, vous m’avez dit tout l’heure que vous étiez mis à l’écart par la profession. Pourquoi ?
Les gens de l’establishment regrettent de ne pas être aussi libres que moi. Moi, on ne m’a jamais eu jusqu’au trognon, mais eux, ils ferment leurs gueules pour avoir un bon train de vie : voitures de luxe, fourrures, bijoux… Tout ça, on ne peut pas l’avoir en faisant des films libertaires. Ces gens vendent leur âme au diable, c’est presque du Faust. À un moment, quand ils arrivent vers la cinquan8—
Le Mentor Au cinéma le Desperado 23, rue des Écoles 75005 jpierre-mocky.fr
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art ® Violaine Schütz Ω Striped bodysuit design by Kansai Yamamoto Photograph by Masayoshi Sukita + Sukita
david bowie Beau oui comme Bowie
Le V&A de Londres consacre une exposition exceptionnelle à l’une des plus grandes pop stars de tous les temps. David Bowie is compile jusqu’au 11 août costumes de scène, photos et inspirations visuelles de l’homme qui venait d’ailleurs. On y était et on a été bluffé.
« Il faudrait montrer cette expo à des enfants, car elle peut leur donner envie de faire plein de choses différentes. Chanter, jouer d’un instrument, s’habiller follement, dessiner, peindre, jouer la comédie… ». C’est Kevin Cann, biographe de Bowie qui nous le dit. Et il est vrai qu’on a rarement vu exposition aussi vivifiante. Le Victoria and Albert Museum londonien a en effet eu accès aux archives de David Bowie pour présenter la première rétrospective internationale de sa carrière. En la visitant, on se rend compte de l’importance d’un des performers les plus avant-gardistes de la pop culture, et ce à plusieurs niveaux. David Bowie is ne s’attache pas du tout à la vie privée (mystérieuse) du chanteur (à peine voit-on sa cuillère à héroïne de l’époque Diamond Dogs dans une vitrine) mais à son processus créatif et son influence. Icône de la mode, acteur, Bowie a fait de sa vie une œuvre à part entière. Plutôt que d’exploiter un filon ou une formule (comme beaucoup de pop stars actuelles), il n’a cessé de tuer des personnages pour en créer de nouveaux. Quand il descend dans les rues de Londres et voit tous les jeunes Anglais lookés des pieds à la tête en Ziggy Stardust, il suicide cette icône du glam rock, messager humain d’une intelligence extraterrestre cherchant à transmettre à 11 —
l’humanité un message de paix, pour le remplacer par Aladdin Sane. Pour rendre hommage à cette perpétuelle force de réinvention, sur cinq décennies, Victoria Broackes et Geoffrey Marsh, les conservateurs, ont sélectionné plus de 300 objets, rassemblés pour la première fois. On peut ainsi s’arrêter devant des textes de chansons manuscrits, des photographies rares, des extraits de films, décors de scène en miniatures, instruments de musique, partitions et autres curiosités. Sont aussi exposés des costumes originaux (épatants) comme la combinaison Ziggy Stardust (1972) réalisée par Freddie Burretti, les créations de Kansai Yamamoto pour la tournée de Aladdin Sane (1973) et le manteau aux couleurs du drapeau du Royaume-Uni créé par Alexander McQueen pour l’album Earthling (1997). Celui qui proclamait que sa musique devait « ressembler visuellement à la manière dont elle sonne » était le roi du masque, du mime et des métamorphoses. L’aura de Bowie, qui lui-même a puisé son inspiration dans le théâtre, la littérature et les arts plastiques, n’a pas simplement influencé les musiciens, mais aussi l’art, le design et la culture contemporaine. Avec cinquante mille tickets prévendus avant le vernissage (un record), nul doute que l’anticonformisme et la liberté de Bowie feront encore bien des émules. Profitez de 2 entrées pour le prix d’1 sur simple présentation de votre billet Eurostar. Victoria and Albert Museum Cromwell Road - SW7 2RL Londres
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Cinéma ® Pierig Leray Ω DR
Y’a quoi au ciné ? 1 mois, 4 films, 4 avis.
Mud de Jeff Nichols
Le problème ? On ne les a pas
— 5 bonbons
vus. Critiques abusives et tota-
Après la jouissive névrose Take Shelter, le disciple de Malick revient avec le gamin mort de Tree of Life (Tye Sheridan), une nature tueuse dans une discordance générationnelle à faire frémir les pédopsychiatres. Sublime malaise.
lement infondées des meilleurs / pires films du mois à venir.
≥ Sortie le 1er mai Trance de Danny Boyle — 1 bonbon (par pitié)
Encore un de ces réalisateurs surcotés ( Jacques Audiard reste intouchable dans l’exercice). Filmer les bidonvilles et coincer James Franco dans une falaise, c’était déjà la grosse loose, mais quand Boyle s’entête dans un Memento « nolanien » pour beauf (Vincent Cassel), c’est la mort. ≥ Sortie le 8 mai Gatsby le magnifique de Baz Luhrmann — 1 bonbon (par politesse)
Le monsieur « je fais chialer les obèses » du cinéma ’ricain veut taper dans l’oscar avec son Gatsby. Le problème ? Di Caprio et sa gueule d’ange botoxé et une ambiance aseptisée au coca zéro, quid de la débauche des années 20. Le Gatsby de Clayton (Robert Redford) ressort le même jour ; choisissez bien, choisissez vieux. ≥ Sortie le 15 mai Only God forgives de Nicolas Winding Refn — 4 bonbons
« Putain c’est le mec de Drive ! » Non, c’est le mec de Valhalla Rising. Et depuis, la violence dans l’intelligence (ou inversement) ne cesse de nous heurter dans une mise en scène valkyrie sous valium, « tarantinesque » (du début) par moment, gracieuse, tout le temps. ≥ Sortie le 22 mai 15 —
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Cinéma ® Violaine Schütz Ω Mark Berry
Kenneth Anger Hollywood aigre
Kenneth Anger, acteur et surtout réalisateur américain californien culte, est connu pour ses courts métrages mythiques (plus de 40) réalisés dès la fin des années 30 et mêlant surréalisme, occultisme, érotisme et esthétique homo. Mais avant de passer derrière la caméra, ayant cruellement besoin d’argent, le cinéaste trash écrivit un livre, Hollywood Babylone, dans lequel il révèle les ragots d’Holllywood dont il avait eu vent. Ce livre sur l’envers du décor, adulé, rare et précieux est aujourd’hui publié dans son intégralité pour la première fois chez Tristram. Vitriol et strass n’ont jamais fait aussi bon ménage.
C’est une nouvelle inestimable pour les cinéphiles et les amateurs de potins sordides. Publié sous forme d’extraits chez Jean-Jacques Pauvert en 1959, puis sous sa forme définitive aux USA en 1965 et en 1975, Hollywood Babylone de Kenneth Anger vient enfin de paraître dans sa totalité chez Tristram, éditeur français spécialisé dans la contre-culture de qualité (Patti Smith et Lester Bangs ont publié chez eux). On ne pouvait jusque-là lire la chose en entier qu’en anglais et on se la refilait comme un trésor. La rumeur veut que les faits relatés par Anger ne soient pas tous d’une immanquable véracité, mais la force des histoires (racoleuses à souhait) et de l’écriture (fluide et drolatique) valent une lecture quasi religieuse de cette Babylone déconstruite. Car personne mieux 16 —
que ce cinéaste déclaré culte par l’underground (« Scorpio Rising » et « Puce Moment » sont très souvent cités par les artistes branchés) n’a su saisir la face cachée et très sombre d’Hollywood. Derrière les sourires de papier glacé et les robes qui brillent, Kenneth craquelle le vernis des légendes de la « cité des rêves », qui serait en fait plutôt celle du cauchemar. On croise des stars du muet puis des années 50 prises dans des scandales en tous genres : drogues, suicides, assassinats, meurtres étranges, incestes, abus sexuels, mais aussi des maîtres chanteurs, des flics corrompus, des ligues de vertus prêtes à tout, des politiciens véreux et des studios tout puissants pour étouffer les dérapages. Dans un texte vif illustré par de magnifiques photos noir et blanc de célébrités tirées de la collection personnelle d’Anger, l’auteur n’épargne personne (la légende veut que Montgomery Clift aurait demandé à l’un de ses avocats que soit retirée de la version finale une allusion à la taille de son pénis) et révèle de nombreux scoops croustillants comme le goût de Chaplin pour les jeunes filles en fleur. Fatty Arbuckle, Frances Farmer (l’héroïne de Courtney Love), Rudolph Valentino, Gloria Swanson, Clara Bow, Jean Harlow, Robert Mitchum, William Desmond Taylor, Lana Turner, Jayne Mansfield, Charles Chaplin, Errol Flynn, Erich Von Stroheim, Lupe Vélez, ont tous eu des vies tragiques et brisées en plein vol par la machine hollywoodienne. Ces demi-dieux décrits Nuit
par Anger sont sous sa plume des simples mortels pris dans les feux de la rampe, qui se brûlent les ailes avant d’avoir pu atteindre le ciel étoilé de la ville aux lettres néon. à la manière d’un Voici ou d’un Closer croisé avec La Societé du Spectacle de Guy Debord, Anger fait voir à travers ces gossips le déclin d’un empire qui mène au vide actuel. L’évolution historique d’Hollywood, des temps festifs (fêtes orgiaques) à la crise de la fin de l’âge 17 —
d’or au cours des années 1950 jusqu’à la chute des années 1960 (conclusion du livre) apparaît comme une illumination éclairant encore beaucoup le cinéma américain et la presse à scandale contemporaine. La bible des « gossip girls » et boys. Hollywood Babylone de Kenneth Anger Tristram souple, 11.95 €
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musique ® Violaine Schütz Ω David Black
daft punk Passé recomposé
Enfin le retour des Daft Punk ! Mais pas vers le futur. Le duo casqué qui s’affiche en vestes scintillantes sur les nouvelles pubs Saint Laurent sera dans les bacs le 21 mai avec un nouvel album très
folichon. Et il ne faut pas me parler des clubs ! Ces lieux de débauche où la seule attraction se résume à la décoration : des baobabs en plastoc et une pauv’ boule à facette minuscule.
réussi, Random Access Memory (Columbia/Sony) influencé par les 60’s et les 70’s. Treize chansons sur lesquelles on croise des pointures comme Pharrell Williams, Nile Rodgers, Paul Williams, Julian Casablancas, Panda Bear, Giorgio Moroder et DJ Falcon. Ça sonne comme un rêve de gosse qui a réuni tous ses héros, enfin réalisé. Le très disco et vocodé Get Lucky s’annonce déjà comme le tube de l’été. En attendant, on a ressorti un extrait du livre que notre rédac. chef, Violaine Schütz, a consacré aux Français en 2008, dans lequel elle se remémore la première fois qu’elle les a écoutés.
été 1997. Marseille. Les vacances. Je ne sors pas de chez moi, je hais la plage. Et la chaleur. Et ma ville. Cheveux noir corbeau, fringues impossibles, dépression chronique. J’ai 17 ans quoi. Souvent, trop souvent, je me demande : mais qu’est-ce que je fous là ? Heureusement, il y a la musique. Et mon walkman, que je ne quitte jamais. Je suis alors en pleine période indie-rock. Cat Power, les Tindersticks, Nick Cave, PJ Harvey, Joy Division, de joyeux compagnons d’infortune. À part New Order, Björk, Massive Attack, Tricky et Portishead que je vénère et qui trempent un peu dans l’électro, la techno ne m’évoque alors rien de bien 19 —
En fait, avant 97, la dance musique, ça me rappelait surtout des souvenirs que je tentais désespérément d’oublier. Ces boums de collège dans lesquelles j’allais tranquillement m’asseoir dans un coin, entre le punk à chien et la petite grosse à lunettes, incognito. J’attendais alors que ça se passe ou que quelque chose se passe, avec la forte impression de faire potiche à côté des minettes - à Marseille on les appelle les cagoles - se déhanchant dans leurs jeans délavés moulants et les couples à peine formés causant d’amour pour la vie et la mort en échangeant leur salive. Toutes ces fêtes adolescentes ressemblaient trop à la parade de chez Disneyland pour être tolérables. Pour moi, les musiques électroniques restaient à jamais associées à l’ambiance grenadine, cheap-house et Bontempi de ces calvaires sociaux, quand ce n’était pas des images de ces tarés de mon lycée qui écoutaient les compils de dance de M6 et celles des soirées trance-hardcore Thunderdome qui me revenaient à l’esprit. Pour résumer, c’est un euphémisme de dire que je ne suis pas née fluo-kid. Depuis les boums donc, aller dans une fête ou écouter de la dance correspondait pour moi à une Nuit
Daft Punk
“ Je découvrais enfin, sous les effets de ce tube et sans substance psychotrope, les joies du clubbing.” forme de suicide moral. Une telle dictature de la béatitude et du bonheur de façade me rendait physiquement malade : teint pale, yeux vitreux. Et puis il y a eu cette nuit-là, sans sommeil, où j’ai vu des robots bizarroïdes et des danseuses disco danser sur une plateforme sur fond de lumières de juke-box et de sons stroboscopiques. On venait de harceler ma mère, avec ma sœur, pour avoir MTV. Rien que pour ce que j’allais y découvrir, ça valait la peine d’avoir cherché des jours entiers des arguments en béton armé. Vous vous souvenez de la première fois où vous avez écouté le Smells Like Teen Spirit de Nirvana ? Le Crazy In Love de Beyoncé ? Le Billie Jean de Michael Jackson ? Si oui, vous savez de quoi je parle. Cette incapacité à rester immobile, à raisonner ou à rester un minimum connecté au monde réel pour se retrouver 20 —
totalement transporté par le beat. Around The World passait sur MTV. Et l’état comateux de demi-sommeil aidant, le pouvoir du corps sur l’esprit qui m’avait tant passionné chez les philosophes de tout bord que je lisais assidûment, se trouvait ici incarné en sons et images. Une inflammation des sens, un endormissement immédiat de la conscience, une excitation irrémédiable des nerfs, trois minutes d’extase pure. Je découvrais enfin, sous les effets de ce tube et sans substance psychotrope, les joies du clubbing, du vrai, chez moi, devant ma télé. Mes pieds se mirent à trouver une vie propre, et tous mes beaux principes anti-house à vaciller considérablement lorsque je me mis à répéter bêtement « around the world, around the wooorld, na na na na na ». Je ne savais pas encore tout ce qui s’ensuivrait. Mais (en vrac), après Around The World, il y eut : la découverte de l’avantage de pouvoir parler aux garçons tout près de leurs visages à cause des musiques trop fortes, l’oubli de soi total, des séances d’hypnose collective et des émotions ultra-sensorielles persos, des litres de BPM, une carrière de « dance-rock » critique débutée dans le fanzinat, mon amitié avec la Trax Team (devenu le Tsugi Crew), des « raves » éveillées, des nuits entières à effectuer d’improbables « moonwalks » sous les boules à facettes de divers clubs de France et de Navarre, bref la Nuit en technicolor, le Monde qui s’ouvrait à moi… parfois aussi trippant que celui aperçu une nuit de 97 à travers les petits bleeps et les petites lumières du clip d’Around The World.
Extrait de Around The World Daft Punk par Violaine Schütz (2008)
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web ® Rob Alves Ω Xavier Faltot
RADIOMARAIS LIBERTé DES VOIX
Trois illuminés parisiens ressuscitent sur le net l’esprit des radios libres du début des années 80 en métamorphosant un ancien dépôt-vente du Marais. Présentation d’un projet un peu fou par les fonda-
deux l’habitude de croire très fort en notre destinée alors qu’Arnaud lui a plutôt tendance à la forcer. Résultat, nous sommes désormais à la tête d’une société qui tourne déjà après trois mois d’activités.
teurs Xavier Faltot, Arnaud Pinier et Damien RaclotDauliac, tous animés d’un enthousiasme et d’une
Quelles ont été vos sources de motivation ?
détermination à toute épreuve.
Xavier : La volonté d’en découdre avec des radios et télés que l’on n’a plus envie d’écouter ni de regarder. Vu qu’on ne se reconnaît dans aucun de ces médias, pourquoi ne pas monter le nôtre ? Arnaud : On veut monter un média pour faire valoir une culture trop peu exposée ailleurs qui nous est chère et véhiculer un discours engagé. Xavier : Nous avons la volonté de créer notre propre salon des salons où l’on mélangera gens et genres et ainsi se prévaloir d’un club de personnes qui font la ville en agrégeant les réseaux. Elles doivent savoir défendre et agiter leur culture chacune dans leurs domaines : Willaxxx en hip hop, Anne Horel en web, Marco dos Santos pour la nuit et le sexe, la vie LGBT avec les travestis Solange et Lola, Sylvanie de Lutèce et ses incroyables histoires du vieux Paris, etc. Un étranger de passage saura qu’il peut écouter notre radio afin de se tenir au courant des diverses activités diurnes et nocturnes du quartier et ses environs.
Radiomarais est-elle votre première expérience radiophonique ?
Xavier : Non, le projet a muri au cours de deux émissions que nous avons produit durant plusieurs années : La Chambre à Air et D-T-Ox. La première, née de l’envie de faire de la radio dans la rue en été, traitait de thèmes post crash comme « comment rebondir après une cassure ? » La deuxième, « L’émission qui te fait du bien », aborde sans œillères la culture du plaisir, ses excès et des problèmes d’addictions qui en découlent. Comment êtes-vous passés de réaliser des séries d’émissions épisodiques à monter une radio libre sur le web 24/24h ?
Xavier : Lorsqu’Arnaud, chiffres à l’appui, nous a prouvé que c’était possible. Lui, vient de la finance bancaire, un milieu qu’il a abandonné après sept ans d’activités. Il a naturellement pu continuer à manier les chiffres en gérant la structure économique. Exactement ce qu’il nous manquait avec Damien pour contrebalancer notre côté gros travailleur à tendance dilettante. Nous avions tous 22 —
En quoi Radiomarais se démarque des nombreuses autres web radio déjà existantes ?
Xavier : Nous n’avons pas peur de faire face à la voix ! La majorité des web radios alterne musiques Nuit
et jingles, nous, notre objectif est de tenir l’antenne avec de la voix et du contenu. On doit bander. Au début, nous nous sommes un peu inspirés de la passerelle entre le réel et la radio d’East Village où les animateurs sont en vitrines à côté d’un café. Damien : Une de nos forces réside dans nos locaux, Le Chapon Rouge, lieu de vie avec pignon sur rue, nous ne sommes pas qu’un simple flux. Aujourd’hui, se retrouver derrière les platines durant les freestyles des rappeurs dans l’émission de Willaxxx et les voir tilter sur la soi-disant ambigüité d’une « grosse dédicace à Radiomarais ». (Rires.) On raffole de ce genre de chocs de culture, on veut vraiment faire tomber les barrières. Une radio comme Carbone 14 me manque, on pouvait y parler de sexe et de drogues toute la nuit… Et votre modèle économique, pas trop utopique ?
Xavier : Non, fort de notre savoir faire radiophonique, nous vendons des créneaux horaires à des entrepreneurs et partenaires locaux où ils pour23 —
ront imaginer leur web radio personnelle. On veut donner de la voix à la valeur de marques branchées locales. Les filles du Rosa Bonheur ont déjà acheté une émission musicale et les espadrilles Rivieras ont investi dans un programme avec plusieurs émissions tour du monde enregistrées sur place. En fonction du tarif, on fournit techniciens, animateurs, relais en direct sur les réseaux sociaux… Arnaud : Nous sommes fiers de notre business modèle innovant, où l’on change l’approche économique classique en inversant les polarités des valeurs et du sens des actions. Damien : Au lieu de subir des couloirs de publicités insupportables, on souhaite vendre du contenu intelligent à valeur ajoutée aux marques qui représentent Paris. Les gens qui font Paris se doivent d’être chez nous, nous allons devenir la résonance de l’effervescence parisienne à l’étranger. www.radiomarais.fm
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musique ® Mathias Deshour Ω Niall O’brien
Primal Scream Affront de Gauche
Existe-t-il une vie après le génie dans le rock ? Des rescapés du club des 27 peuvent-ils encore avoir de beaux restes, passée la pointeuse ? La carrière des Stones vous dirait que non. Celle de l’écossais Bobby Gillespie et ses Primal Scream, oui. À 50 ans il sort More Light, un dixième album gonflé par la même énergie que celle d’un jeune premier, l’inno-
réveiller et qui psalmodie ses longues réponses comme on parlerait durant son sommeil. Et si nous rencontrons un quinqua traînant ses santiags comme des charentaises, le bonhomme n’est pas devenu patachon pour autant. « IRL » comme dans son nouveau disque (voire toute sa discographie), c’est une colère placide qui l’anime.
cence en moins. Témoin et acteur de 30 ans de rock, le chanteur a plus à nous apprendre sur le sujet
Combat rock
qu’un enchaînement de pages Wikipédia. Et pas que
Ce nouvel album, il l’a composé parce que « nous vivons une époque extrême » et « qu’aucun groupe de la jeune génération ne sait faire refléter ça dans sa musique ». Ok, il ne deviendrait pas un peu reac’ avec l’âge, le garçon ? C’est un tantinet plus complexe que ça. « Que l’on s’entende bien, je ne suis pas du tout dans la critique. Je ne peux pas reprocher directement aux jeunes groupes leur manque de convictions politiques. C’est un constat. Mes chansons critiquent moins qu’elles n’observent le fait que ça n’existe plus. Il y a des tas de nouveaux groupes que je trouve géniaux et je ne peux pas reprocher aux autres de ne pas partager mes convictions. C’est juste qu’autrefois les formations poussaient le public à s’émanciper, le guidaient vers d’autres arts, du cinéma, de la littérature, qui pouvaient l’aider à mieux comprendre la société dans laquelle il vivait. Aujourd’hui, ça n’arrive plus et surtout plus personne ne questionne l’autorité ». « Artiste engagé », à peine lu, le terme vous fait déjà bailler et rassurez-vous, le chanteur n’est pas de ceux-là.
sur la musique.
Il y a deux ans, il célébrait via une tournée mondiale les vingt ans de Screamadelica, œuvre essentielle et pierre angulaire sous-estimée à sa sortie donc devenue culte. L’occasion de dépoussiérer l’album de souvenirs et d’avoir une pensée émue pour les années Creation, l’Hacienda, l’acid house ou l’influence du gourou Alan McGee dans la musique. Mais contrairement à ce que les météos des plages type Pitchfork tenteraient de nous faire croire, Gillespie n’est pas qu’une relique. À croire que chez certains, le rock conserve et Bobbie n’est pas encore bon à envoyer à l’hospice. N’allons pas imaginer que la musique fasse office de Botox non plus. Gillespie porte sa carrière, Madchester et trois décennies de rock sur son visage de Droopy déconfit comme si un acide avalé trente ans auparavant n’était toujours pas passé. Un type en jet lag permanent, incapable de s’endormir ni de se 27 —
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Primal Scream Lutte des classes
Loin des caricatures - voix éraillée par cette société inhumaine, micro comme porte-voix dans une main et étendard dans l’autre - l’homme est simplement nostalgique de cette époque où le peuple pouvait changer les choses. C’est ça d’avoir été adolescent dans les 70’s. « Tu sais, quand tu grandissais à cette époque, tu vivais un vrai tourbillon, on était au sommet de 150 ans de grèves, manifs, luttes sociales, mouvements anarchistes, féministes, beatniks… On plaçait l’émancipation au centre de tout. Et puis quand j’étais jeune, avant d’avoir un groupe, je travaillais dans une usine de métaux et on devait tous adhérer à un syndicat donc on avait tous une implication dans la vie politique. Ça te force à regarder la situation en face, à analyser le monde qui t’entoure. Maintenant tout est fait pour ne pas penser collectivement. Quand j’ai commencé avec le groupe, les mineurs entamaient leur grève. C’était une époque très intense parce que toutes les nuits les grévistes se faisaient attaquer, brutaliser par la police. On ne pouvait pas éviter le sujet dans notre musique ». On l’imagine volontiers, il suffit d’un terme comme « lutte des classes » pour que la conversation dérape dans une longue digression. Et si vous ne tenez pas votre fil comme un chien fou en laisse, vous pouvez très vite vous retrouver avec un Arlette Laguiller en slim. La reine est morte
Hasard des agendas, la veille de notre rencontre, Margaret Thatcher passe l’arme à gauche (et c’est la seule initiative à gauche qu’elle prendra de son vivant). Tout un symbole, l’ennemie commun qui cristallisa une telle haine qu’elle fût féconde pour le rock de l’époque - vient de disparaître. Bob n’est ni triste, ni en liesse : il est lucide. « Tu sais quoi ? Je ne suis même pas heureux. J’aurais espéré qu’elle meurt en 1925. J’aurais voulu que ses parents avortent, quelle soit mort-née. Et puis elle n’est pas morte tu sais ? Elle est toujours là, ses idées sont toujours présentes - John Major puis Tony Blair les ont perpétrées - et elle vit toujours parmi nous au travers 28 —
d’elles ». Elle est toujours là et Bob aussi. Est-ce que ça alimente ce More Light ? C’est un album de lutte ? « Non, la politique n’occupe qu’un tiers de l’album. Après, des problèmes sociaux peuvent occasionner une belle poésie et certains textes sont liés de près ou de loin au contexte actuel. D’un autre côté, je reste lucide : en tant qu’artiste, je suis loin d’être une menace sérieuse pour le pays. Tu deviens une menace pour l’establishment quand tu commences à faire perdre de l’argent au pays. En tant qu’artiste quel pouvoir j’ai ? C’est ce dont ma chanson 2013 parle en fait : le punk est arrivé, on croyait que ça révolutionnerait le monde mais finalement rien n’a changé ». Glam rock
Pour autant, Gillespie continue à croire qu’une « image frappante peut occasionner une réflexion chez l’auditeur » et qu’aujourd’hui encore « une chanson peut changer une vie ». Si la politique est le ciment de More Light, ce n’est pas un disque de propagande. Ce dixième album a la colère d’un Mélanchon mais il reste « acid » et « Madchester AOC » avec l’envergure d’un Primal Scream de stade. Le résultat d’une tournée à présenter Screamadelica dans des lieux immenses, du propre aveu de son auteur. Comme le questionne très justement son leader : « Comment peux-tu être glamour et… en colère à la fois ? C’est ça le problème de la musique trop engagée. Moi, je veux toujours être sexy et provocateur, flashy et glam, c’est ce que le rock & roll doit être et personne ne doit l’oublier ». More Light administre la piqûre de rappel.
More Light (First International/Pias) www.primalscream.net
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événement ® Michael Pécot-Kleiner Ω Guillaume Murat
WEATHER FESTIVAL Paris libéré
Dans 15 ans sans doute, la génération de clubbers
L’ambition du Weather Festival, c’est de monter un
post-2010 se souviendra des Concretes avec nos-
festival à l’échelle européenne. Justement, quelles
talgie et dira à la génération suivante : « Petit, tu ne
sont les festivals européens qui vous bottent le
peux pas comprendre, il fallait y être pour savoir de
plus ?
quoi je te parle… » Pour l’heure, les organisateurs
Il y a peu de festivals qui me plaisent vraiment. Le Time Warp, par exemple, je trouve que c’est trop gros, c’est un peu de l’abattage. Le problème avec les festoches, c’est que c’est souvent beauf, avec un côté foire à la saucisse, à cause du côté grand public. Le festival qui me plait le plus aujourd’hui, c’est l’Amsterdam Dance Event. Pendant une semaine, il y a des teufs partout dans la ville, et les meilleurs labels sont représentés. On s’en est inspiré. J’aime bien aussi le concept du Sonar. Là, clairement, le Weather Festival est sa version française.
derrière cette nouvelle way-to-party ont décidé de mettre les bouchées doubles en orchestrant le Weather Festival, point de rendez-vous sur 3 jours et nuits du gratin de la techno actuelle. Il ne nous en fallait pas plus pour vouloir faire connaissance avec Brice, le D.A de l’équipe. Lors des soirées ou des festivals, ce sont toujours les artistes qui sont mis en avant, et c’est bien normal. Les orgas sont un peu la partie immergée de l’Iceberg, dans le fond, on ne vous connaît pas très bien. Vous pouvez vous présenter rapidement ?
À la base des Concretes, des Twisted et par extension du Weather Festival, il y a 2 groupes de 2 personnes qui se sont réunis. Le premier groupe est composé d’Aurélien et d’Adrien. Aurélien vient de la scène rave, hard tech et compagnie, avec un bon background sur tout ce qui est production, sound system etc. Adrien a monté le label Scandale (le label de Sexy Sushi, ndlr), il a aussi travaillé pour le Triptyque, lui son truc, c’est plus la communication. Le deuxième groupe, c’est Pete et moi. Nous on est plus des teufeurs axés house, clubbing, et moi j’avais l’habitude de sortir une fois par mois à Berlin. Donc je connaissais bien ce milieu. 31 —
Votre plateau est clairement énorme, avec des artistes comme Dettman, Len Faki, Chris Liebing, Nina Kraviz… Cette dernière s’est attiré la moquerie des internautes suite à une vidéo où elle pose dans son bain. Tu en penses quoi ?
C’est de la grosse connerie, je trouve ça ridicule. Pas mal de gens disent qu’elle devrait plus se concentrer sur la musique, c’est plutôt eux qui devraient se concentrer sur la musique. Je trouve que Nina est une super productrice et une bonne Djette. À l’époque où je l’ai connue, elle jouait de la grosse ghetto house, des sons de chicago que maintenant tout le monde joue. Nuit
Weather Festival
“paris était la risée de l’Europe, la tendance est un peu en train de s’inverser.” Il y aura aussi la présence de Dj’s et de producteurs sud-africains. Tu peux nous toucher deux mots sur
considéré à sa juste valeur à Paris, alors qu’à Berlin, c’est une grosse star. Dj Deep, qui gère Deeply Rooted House, n’est pas à sa vraie place en France non plus. Après, il y a le crew Demented, qui ont tous été bookés au Berghain. J’aime bien aussi ce que fait Synchrophone, c’est un label qui a ses propres réseaux de distribution. Qu’est-ce que Paris a, et que les autres villes n’ont pas ?
Paris, c’est la plus belle ville du monde. C’est déjà un gros gros avantage. L’autre avantage est plutôt à double tranchant : ce sont les parisiens. D’un côté ils sont relous parce qu’ils râlent tout le temps, mais en même temps, ils sont super enthousiastes. Je préfère largement l’ambiance de la Concrete que celle du Berghain, où les mecs sont un peu blasés. Les artistes, d’ailleurs, adorent jouer à Paris parce qu’il y a de l’enthousiasme.
cette scène mal connue en Europe ?
J’ai une chance, c’est que le mec qui fait la promotion de cette scène sur toute la planète, hormis en Afrique du Sud, c’est Lionel, le mec qui gère le Djoon. C’est le premier à avoir été là-bas, à promouvoir ces artistes dans le monde entier. C’est un bon ami à moi, et pour définir l’ambiance, il m’a dit : « Les stars de la techno ou de la house là-bas, ils vivent exactement comme 50 cent ou Puff Daddy. Ils sont dans des baraques énormes et leurs clips passent toute la journée à la télé. Même dans les taxis, t’entends de la deep house. » Je connaissais Black Coffee, rapidement. Mieux Culoé de Song. On a creusé cette idée et on a décidé de les faire venir. L’ambition de replacer Paris sur la scène techno internationale nécessite des artistes locaux. Quels
Tu crois qu’on verra un jour des avions de Berlinois venir à Paris ?
C’est déjà fait ! Il y a énormément d’étrangers qui viennent pour les Concretes. On était la risée de l’Europe, maintenant la tendance est un peu inversée. L’avenir de la nuit parisienne est finalement en banlieue, vous en pensez quoi ?
Complètement. C’est aussi l’idée qu’il y a derrière le festival, c’est dire que Paris, c’est le grand Paris maintenant, donc le festival, c’est à Paris, c’est à Montreuil, c’est à Asnières. Paris intra-muros est trop confiné pour des grosses teufs techno. Et la nouvelle génération n’en a plus rien a foutre de passer le périph’ pour aller écouter de la techno.
sont pour vous les artistes français qui ont le plus gros potentiel ?
Il y a un artiste de notre agence qui s’appelle Cabanne. Ce mec-là, c’est un pur génie. Depuis 15 ans, il a tout fait, c’est le premier à avoir ramené Villalobos, à l’avoir signé sur son label. Il a signé Robert Hood également. Je trouve qu’il n’est pas 32 —
Weather Festival Du 17 au 19 mai ≥ www.weatherfestival.fr
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musique ® MPK Ω Kate Fichard
les nuits de
GEORGE ISSAKIDIS Ancienne moitié du duo Micronauts, George Issakidis sort ce mois-ci l’excellent Karezza, un album qui ravira les amateurs de techno haut perchée (petit conseil, écouter bien fort les morceaux Cherry Red
le pouvoir de cette musique, ça a été une véritable révélation. Une méga super claque. Cette musique déclenche quelque chose dans le cerveau qui est tout à fait particulier, c’est presque thérapeutique.
et Shivers pour se déconnecter du réel). On s’est invité chez lui pour qu’il nous parle de ses nuits. Toi qui a étudié l’histoire de l’art, quelle est ton œuvre d’art préférée ayant pour thème la nuit ? (livre, peinture, films…)
La première chose qui me vient à l’esprit, ce sont les films de Gregg Araki. Il a fait beaucoup de films assez nihilistes et barrés comme The Doom Generation ou Totally Fucked Up. J’aime tellement ce qu’il fait qu’on lui avait demandé de faire le clip du morceau The Jag pour Micronauts. Quel est le morceau le plus nocturne sur ton album ?
Sans doute Shivers. C’est le morceau le plus « MDMA » et extasié. Il traduit la meilleure partie de la nuit, lorsque l’on est en plein high, avant que les mâchoires bloquent. (rires) Quelle a été ta première rencontre avec la nuit ? Tu te souviens de tes premières sorties ? Elles ressem-
Tu prenais de l’acide en dansant dessus ?
Plutôt des champignons hallucinogènes, car il y en avait partout là où j’habitais. Les gosses les écrasaient au sol, du coup, 15 jours plus tard, il en repoussait 10 fois plus. Ça nous offrait des capacités d’abstractions nouvelles. La nuit est-elle la mère de tous les vices ?
Malheureusement, la société veut que l’on voit ça comme des vices. Éventuellement, il peut y avoir des excès là-dedans, mais les excès se trouvent partout… Je crois qu’il y a énormément d’expériences valides durant ces moments, des rencontres qui finissent en mariage, des vies qui se transforment, où même, des douleurs qui se soignent. Écouter de la bonne musique, dans des bonnes conditions avec les bonnes personnes, ça permet d’oublier toute la merde de la semaine. C’est une manière saine de se délivrer des micro-dictatures de la vie quotidienne.
blaient à quoi ?
J’ai commencé à sortir à Calgary, dans un club qui s’appelait The Warehouse. Au tout début, il passait Cure, Depeche Mode… Et puis, ils ont commencé à mettre de l’acid house. Là, j’ai découvert 35 —
Danser, ça pourrait remplacer une psychanalyse ?
Je crois que beaucoup de gens vont en psychanalyse justement parce qu’ils n’ont pas cette soupape de sécurité. Pour la majorité des gens, le corps sert Nuit
George Issakidis
“Être uniquement cérébral, c’est se perdre dans un labyrinthe” à déplacer le cerveau, et à pas grand chose de plus. Dans toutes les sociétés premières, la danse était quelque chose de primordial, elle servait à unir les gens. Je pense sincèrement que c’est par le corps, que l’on peut connaître l’univers. Être uniquement cérébral, c’est se perdre dans un labyrinthe.
C’est comme ça qu’il faudrait vivre, il n’y a pas de raison, elle est belle la vie. Les parisiens sont gâtés, mais ils ne savent pas à quel point. On aimerait que tu nous racontes en détail la dernière fois que tu es rentré à 4 pattes chez toi. C’était où, quand, comment ?
Ah ça, ça remonte un peu, car je ne bois plus une goutte. C’était vraiment l’alcool qui me faisait ça, et pas autre chose. L’alcool a vraiment été mon point faible, je faisais carrément des black out. La dernière fois, c’est quand j’étais allé voir mon pote Trevor Jackson quand il jouait au Showcase, ça doit remonter à 4 ans. Je ne sais absolument pas comment je suis rentré. Je suis arrivé chez moi avec des bleus, je suis d’ailleurs étonné de ne m’être jamais rien cassé pendant cette période-là. Es-tu sujet à l’insomnie ? As-tu un remède contre ce mal du siècle ?
Ça m’arrivait beaucoup avant. Beaucoup moins maintenant. Quand ça m’arrive, je profite de ces moments pour faire du yoga.
Toi qui est cosmopolite, qu’est-ce qu’ont les nuits parisiennes que les autres capitales n’ont pas ?
Y-a-t-il une émission radio que tu affectionnes par-
Les horaires. J’étais à Miami il n’y a pas longtemps, j’avais organisé un gros dîner qui s’est terminé à 11 heures du soir. On est sorti après, et la seule boîte qui était sympa fermait à 2 heures. Ce n’est même pas l’heure à laquelle je commence à faire la fête… À Paris, les horaires sont plus souples.
ticulièrement la nuit ?
J’écoute Addictions, sur France Inter. Sinon, honnêtement, j’aime me mettre entre mes deux enceintes et écouter du vinyle. Enfin, on aimerait connaître tes 3 adresses préférées pour sortir à Paris la nuit.
Et inversement ?
Les choses sont en train de changer ici, mais je sortais moins à Paris car je n’arrivais pas à retrouver ce que j’appréciais dans les autres villes d’Europe. À Barcelone par exemple, il y a une sensualité, les gens sont à fond, ils sont juste « open ». À Paris, il y a encore un peu trop de snobisme. Dans les clubs, tous ces masques devraient tomber, c’est l’endroit parfait pour que ça tombe. Voilà, ici, des fois, ça ne se lâche pas assez. Je reviens de Vancouver, cette ville est un véritable baume au cœur. 36 —
À côté de chez moi, il y a un endroit qui fait tapas et bar, l’Avant-Comptoir au 3, carrefour de l’Odéon. C’est excellent. L’endroit où j’ai passé les meilleurs fêtes, c’était au Cabaret Sauvage, pendant les soirées Kill The Dj. Et j’adore mixer au Point FMR, j’y ai retrouvé une ambiance que je connaissais à Paris avant. Karreza (Kill the DJ) Sortie mondial le 13 mai
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r b
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simo n reyn olds
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25 an s rock hip h op
e s i o N *
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Littérature ® Louis Haeffner Ω font-not.tumblr.com & Michel Meeuwissen
Simon Reynolds Pop idole
Enfin sort en France le livre du critique musical culte
Tu adaptes donc ton style pour le plus grand
Simon Reynolds, Bring The Noise. Cet Anglais de 50
nombre ?
ans (au look d’adolescent) est un Dieu pour la plu-
Oui bien sûr, en tant qu’auteur, tu es conscient de ton public. Par exemple quand j’écris pour un journal, j’essaie d’adopter un style sobre et clair, alors que quand j’écris sur mon blog, c’est presque une autre langue, très codée et pleine de références peut-être inaccessibles au plus grand nombre.
part des journalistes et des mélomanes. Ses articles érudits, réflexifs et drôles publiés dans des magazines tels que The Wire, Rolling Stones, Mojo, The New York Times ou The Guardian ont marqué plus d’un esprit. Théoricien hors pair de la musique pop, qui a débuté sa carrière dans l’Angleterre des années 80, alors qu’explosaient des groupes mythiques tels
Est-ce le public qui fait d’un groupe un groupe popu-
que The Cure ou les Smiths, il nous en dit plus sur
laire ?
notre époque, l’écriture, la musique et son futur.
Oui. La pop music, ça veut pas dire grand chose, ça signifie surtout « ce qui se vend ». Par exemple Iron Maiden a eu un titre classé numéro un, alors que leur son n’est pas pop pour un sou. À l’inverse certains groupes qui se sont entourés d’une réelle esthétique pop, avec un son très agréable, n’ont jamais réussi à pénétrer les charts. Le meilleur exemple reste Public Ennemy, qui a fait des hits avec une musique plutôt extrême.
Ton livre Bring The Noise vient de sortir en France. On peut lire sur la quatrième de couverture que tu y reviens sur 30 années de musique pop. Mais est-ce véritablement de pop dont tu parles ?
Pour moi, qui suis anglais, les Smiths et Public Enemy sont par exemple des groupes pop. En tout cas c’est le but de leur musique, toucher le plus grand nombre de personnes possible. La majorité des formations que j’évoque reste dans cette catégorie. Ce n’est pas de la pop dans le sens d’Abba ou des Spice Girls, même si j’adore ces deux groupes (sourires), certes. J’écris sur des groupes qui d’une certaine manière viennent de l’underground, de l’alternatif, pour s’intégrer, à terme, dans le monde de la pop music. C’est ce que j’essaie de faire moi-même, informer, toucher la majorité des gens. 39 —
Que penses-tu de l’état actuel de l’industrie musicale ? Était-ce mieux avant ?
Je ne pense pas qu’on puisse sciemment dire que notre époque est plus excitante que les 60’s par exemple, ou que les 90’s avec l’arrivée du hip hop. Il y a toujours un engouement supérieur quand une tendance débute. Notre époque ne fait qu’accumuler des productions sur quelque chose qui existe déjà. Pour moi, l’écriture journalistique n’a Nuit
Simon Reynolds de sens que quand elle traite des choses émergentes. Et rien n’émerge en ce moment ?
Non, pas vraiment. Le seul truc, c’est le dubstep, qui s’est vite intégré dans la tendance mainstream. Par exemple je trouve ça génial d’entendre un son dubstep dans une chanson de Justin Bieber. C’est excitant parce que ça signifie que la pop, prise dans sa totalité, change. Malgré cela les groupes rétro sont très à la mode, il y a un véritable retour dans le temps, notamment vers le son des années 60, 70 et 80. À quoi est-ce dû ?
C’est une des questions auxquelles j’essaie de répondre dans Bring The Noise. Je pense que les différents styles de musique qui ont émergé ces trente dernières années sont allés aussi loin qu’ils le pouvaient. Je veux dire, les groupes de métal ont fait le plus de bruit qu’ils le pouvaient, les beats de dance ont été aussi fous qu’il était possible de l’imaginer, et peut être que les groupes ne savent plus vraiment vers quoi se diriger. Mais il y a toujours un moyen de faire du neuf. La façon dont les artistes utilisent maintenant l’auto-tune pour modifier leurs voix et le son des instruments en est un bon exemple. Je ne comprends toujours pas pourquoi, au 21ème siècle, on écoute Adele et Amy Winehouse, même si elles sont très talentueuses. Je veux dire on veut du futuriste non ? Les années 60 et 70 furent une époque où la politique avait beaucoup d’importance. Penses-tu qu’elle ait disparu de la scène musicale actuelle ?
On dirait qu’à un certain moment, les gens ont arrêté de croire que la musique pouvait changer les choses. C’est clair que dans les années 60, les chanteurs avaient beaucoup d’influence, et les gens attendaient ces discours dans leurs chansons. Certains groupes, comme les Stones, ont choisi d’avoir un message ambigu, mais poussaient malgré tout à une certaine forme de révolution. Aujourd’hui, ça n’arrive presque plus. Les artistes 40 —
actuels utilisent éventuellement leur notoriété pour faire passer un message en soutenant publiquement des associations, mais leurs chansons ont perdu toute trace de revendication. Beaucoup d’artistes, de dj’s principalement, associent aujourd’hui leur musique à des campagnes de pub. Penses-tu que la musique ait pris une tournure clairement commerciale ?
Je dois dire que j’ai du mal à comprendre. Je comprends qu’on puisse le faire quand on manque d’argent, en plus ça peut être un bon tremplin, mais que des groupes connus le fassent, j’avoue que ça me dépasse. Ça altère complètement le sens de leur musique en plus. Aujourd’hui on découvre des groupes par l’intermédiaire des pubs qu’ils font. J’ai découvert Royksöpp de cette manière. Mais ce n’est pas nouveau, je crois qu’une chanson du Velvet passait dans une pub, une autre des Stooges, je me rappelle aussi d’une pub avec une chanson de Jefferson Airplane… Tu as interviewé beaucoup d’artistes et j’imagine certains d’entre eux plusieurs fois. As-tu développé des rapports amicaux avec certains d’entre eux ?
Non pas vraiment. Si on se croisait dans la rue on parlait, évidemment, et avec plaisir, mais je ne me suis pas fait d’amis avec qui j’aurais traîné en soirées. D’une manière générale je pense qu’il ne vaut mieux pas de toute façon, parce que ton travail est aussi celui d’un critique, et certains artistes ressentent comme une trahison une critique négative si tu es trop proche d’eux, alors que tu ne fais que ton travail. En fait j’ai eu ce problème avec Kim Deal des Pixies, quand elle a créé son groupe The Breeders. Je faisais la chronique de leur album, et il y a cette tradition dans le journalisme musical britannique qui fait que tu dois être objectif, mais également distrayant, marrant. Du coup j’ai fait quelques blagues dans mon article, disant que c’était loin d’être aussi bon que les Pixies, et elle l’a très mal pris.
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Penses-tu contribuer, par le style de tes articles, à la popularité d’un groupe ?
J’essaie en tout cas de mettre dans mes papiers un peu de la musique du groupe dont je traite. Par exemple si j’écris un article sur un groupe punk, mon écriture sera très rythmée, un peu violente, de façon à insinuer dans l’esprit du lecteur un peu de l’ambiance véhiculée par sa musique. La musique peut être très addictive. Quel est le rapport entre la drogue et la musique, selon toi ?
Dans les deux cas, on cherche à s’intoxiquer, à se perdre, à se déconnecter de la réalité. Cela me fait penser à une très belle phrase de Baudelaire : « Il faut être toujours ivre. Pour ne pas sentir l’horrible fardeau du temps qui brise vos épaules, il faut s’enivrer sans trêve. De vin, de poésie ou de vertu, à votre guise. Mais enivrez-vous ! » Je pense aussi forcément à Jim Morrisson, qui nous conseillait d’ap41 —
prendre à oublier. La drogue, comme la musique, permet d’oublier le passé, de ne pas se préoccuper du futur, et de vivre pleinement l’instant présent. Question bonus : quelle est la meilleure chanson des 20 dernières années, selon Simon Reynolds ?
Parce que je suis en France, et parce que vraiment je l’adore, je dirais Digital Love des Daft Punk. On l’écoutait souvent avec mon fils quand il était tout petit (sourire), du coup j’en garde vraiment d’excellents souvenirs.
Bring The Noise, 25 ans de rock et de hip-hop publié Au Diable Vauvert
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musique ® Marie Prieux Ω DR
max cooper douce frappe
Producteur reconnu par ses pairs, Max Cooper est un
Mais ma musique n’est absolument pas dark ! »
personnage discret, complexe et réfléchi. C’est avec aisance qu’il parle de sa musique, en permanence
Pile ou face
conceptualisée. Toujours dans la finesse, affirmée
S’épanouissant également dans l’electronica, Max Cooper se permet plus de libertés, au-delà des règles de composition classique. Ne tombant pourtant pas dans l’expérimentation, il parvient à mettre en exergue une autre facette de sa personnalité, plus complexe, plus intime. Car l’artiste est avant tout un personnage divisé : timide, discret, soucieux, et d’autre part sociable, animé d’une réelle volonté de partage. Il a besoin d’apprivoiser son entourage, de se mettre en confiance, afin d’échanger avec celui-ci lorsqu’il n’est pas derrière ses machines. « Ma mère m’a raconté que lorsque que j’avais deux ou trois ans, elle s’inquiétait. Je ne voulais pas parler aux autres, ou jouer avec eux. J’étais trop réservé ! (rires) » Malgré ses innombrables sorties, le succès et un public fidèle au-delà des frontières, le producteur est habité par cette anxiété, paralysant presque la sortie de son premier album. En préparation depuis plusieurs années, celui-ci devait être fini l’an dernier « Je suis terrifié ! Je souhaite que ce LP soit parfait. Mais je ne veux pas que l’on me colle une étiquette underground ou techno. L’ensemble est un mélange de choses dansantes, d’abstract, de sonorités électroniques… Quelque chose qui me ressemble. Ce pourquoi il est si difficile de le terminer, je pense. Il devrait être prêt au trimestre prochain. » En attendant sortira ce mois-ci l’EP Conditions Two, collection de trois tracks electronica tendres et suprenants, que la voix de Kathrin deBoer sublime.
lorsqu’il compose techno, abstraite dans l’electronica, il se plaît à traduire le flux d’émotions l’envahissant au quotidien.
Il parle vite, les idées se bousculent dans sa tête. Max Cooper, artiste confirmé avec plus d’une cinquantaine d’opus à son actif, se laisse emporter par une vague de surproductivité. De ses classiques, en passant par ses remix d’Extrawelt, Agoria, ou Dominik Euldberg, il ne cesse d’enfanter des idées, qu’elles soient destinées au dancefloor ou au salon. L’artiste prend le temps de penser sa musique, désireux qu’elle soit atemporelle, tournée vers autrui. Il joue avec la matière, la transforme, l’arrange, développant un univers qui lui est propre, emplit d’une certaine mélancolie. Le romantisme du londonien est à son apogée lorsqu’il badine avec les mélodies, puissantes, oniriques, aujourd’hui considérées comme sa marque de fabrique. Il les triture, les fait languir, faisant s’épouser la puissance d’une bassline techno et la douceur des nappes. Telle une frappe résonnant comme une caresse, Max considère avant tout son œuvre comme sensible et joyeuse, loin du qualificatif « dark » lui étant régulièrement attribué. « C’est une question de perspective, chacun voit et entend les choses à sa manière. Je peux comprendre pourquoi certains ressentent une part de tristesse. Elle vient certainement du timbre de mes compositions. 43 —
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Objet Sonore Release Party La Machine du Moulin Rouge Le 23 avril 2013
Š Guillaume Marbeck & Damien Tabourel
la playlist du mois Ω Antoine Lepoutre
Orval Carlos Sibelius
Guru Guru – Round Dance
C’est la musique que je diffuse en fond sonore, les nuits de pleine lune, en regardant des films muets sur Youtube. West of Zanzibar, avec Lon Chaney, est un bon exemple. Quand des scènes de sacrifices humains sont rythmées par des Teutons transis, je me sens parfaitement en harmonie avec l’univers. Le Super Djata Band du Mali – Fongnana Kouma
Hypnose rythmique + pentatonique tentaculaire. Zani Diabate était l’un des plus grands stylistes de la guitare électrique. Il est mort en janvier 2011 à Paris et seul le quotidien Ouest France en a parlé. The Psychedelic Furs – President Gas
Le français discret sort un
Il y a quinze jours que cette chanson s’est installée dans mon cerveau. Elle squatte le canapé et se gave de noix de cajou. Elle ne sort jamais. Je suis quand même propriétaire, j’ai la loi de mon côté. Quels sont mes droits et à qui m’adresser ?
troisième album de pop psychédélique envoûtante, Super
Pat Kelly – Twelfth of never
Forma, chez Clapping Music.
J’affirme : Art Garfunkel et Pat Kelly, jumeaux homozygotes séparés à la naissance ! Physiquement la ressemblance n’est pas troublante, mais le timbre de voix ne trompera personne.
Playlist hors format et chamarrée à son image.
Autechre – jatevee C
Atteint d’une sorte d’Alzheimer numérique, un cyborg italien en fin de vie se remémore ses vacances aux Seychelles. Très vite, il nage en pleine confusion. R.L. Burnside – Pretty woman
Un drôle de morceau disco-blues pour faire danser les culs-de-jatte. This Heat – Not waving
Celestin se fige. En mode alerte. Les oreilles tendues, cherchant vainement du regard la source de son trouble, il décide de s’avancer prudemment vers le haut-parleur. Généralement mon chat se fiche complètement de la musique qui passe. Ce soir, il entend des voix. Sun Kil Moon – Duk Koo Kim
Sur chaque album, Mark Kozelek place quelques chansons à caractère épique dont la durée dépasse gentiment le quart d’heure de politesse. Ici, à 9’05, les arpèges de guitare font du surplace, l’harmonie entre en état de stase et le morceau devient magique. 47 —
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agenda La sélection de ParisLaNuit.fr Dimanche 05/05 17h Le Wanderlust Gratuit
Mercredi 22/05 19h Le Trianon 24,20€
≥ Arthur King, Kazey, Gero, Matt’primeur, Karve et
≥ Deerhunter
Dabaaz Jeudi 23/05 19h30 La Gaité Lyrique 23€ Mardi 07/05
21h
≥ Tricky
Le Nouveau Casino 18,80€
≥ Alunageorge 23h
20h
Le Point Ephemere 14,20€
≥ Chet Faker
Le Social Club 13€
≥ Set It Off W/ Xxyyxx , Slow Magic, BlackbirdblackVendredi 24/05 23h Le Cabaret Sauvage 16€
bird, Giraffage et Beat Culture 00h
≥ Comeme Night w/ Matias Aguayo
Le Nouveau Casino 18€
≥ Free Your Funk w/ Onra (DJ Set) + The Gaslamp
23h30
Killer + Onelight
≥ We Are Modeselektor w/ Modeselektor Live,
La Machine du Moulin Rouge 24€
Siriusmo, Mouse On Mars Live Et Sound Pellegrino Mercredi 08/05 15h Chalet de la porte jaune 35€
Thermal Team Dj Set
≥ Marvellous Island Festival #2 : Jamie Jones, Samedi 25/05 23h La Bellevilloise 15€
Miguel Campbell 23h
≥ DJ Spinna all night long
Le Showcase 12€
≥ Marble W/ Surkin, Para One, Bobmo & Canblaster Dimanche 26/05 19h Grande Halle de la Villette 26€ Jeudi 09/05
19h30
≥ Red Bull Music Academy x Villette Sonique : Tnght
Le Trabendo 18,80€
+ Jackson + Jesse Boykins Iii
≥ Suuns + Valleys + Lucrecia Dalt Dimanche 12/05 19h30 Le Trabendo 18,80€
Lundi 27/05 19h30 La Maroquinerie 16,80€
≥ Death Grips
≥ Beach Fossils
Mardi 14/05 20h Le Cabaret Sauvage 24,70€
Mardi 28/05 19h30 Le Trianon 31,90€
≥ Youngblood Brass Band
≥ CocoRosie
Vendredi 17/05 19h Le Trianon 27,50€
Mecredi 29/05 19h Le Trianon 24,90€
≥ Miss Kittin
≥ Animal Collective + Laurel Halo
Samedi 18/05 12h Espace Paris Est Montreuil 38€
Jeudi 30/05 23h Le Social Club Gratuit
≥ Weather w/ Marcel Dettmann
≥ La Ride W/Ryan Hemsworth - Arthur King…
20h
Cité De La Musique 28,60€
≥ Michael Rother (& Camera) + Zombie Zombie
Vendredi 31 Mai 23h La Machine du Moulin Rouge 26€ ≥ Jeff Mills : Time Tunnel
Dimanche 19/05 23h La Bellevilloise 12€ Lundi 03/06 19h30 Cabaret Sauvage 25,30€
≥ Free Your Funk w/ DJ Pone All Night Long
≥ Toro Y Moi Lundi 20/05 20h30 Casino de Paris 27,50€ Envoyez votre prog à : jessica@parislanuit.fr
≥ Breakbot Live
48 —
Nuit
RICARD S.A. au capital de 54 000 000 € - 4&6 rue Berthelot 13014 Marseille - 303 656 375 RCS Marseille
Paysage né des terres d’Ecosse
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L ’ A B U S D ’ A L C O O L E S T D A N G E R E U X P O U R L A S A N T É. À C O N S O M M E R A V E C M O D É R A T I O N.