Nuit
Juin 2013 - n째 32 - lebonbon.fr
édito Bonne Nuit
© Flavien Prioreau
Bonne nuit… ou plutôt Bonjour… « Ce que le jour doit à la nuit » dit le best-seller de Yasmina Khadra, adapté au cinéma par Alexandre Arcady. On pourrait inverser la formule en un « ce que la nuit doit au jour » pour définir l’état actuel du clubbing parisien. Le mois dernier, trois événements, le Weather Festival, la Villette Sonique et le Marathon électronique se déroulaient en partie la journée. Ce mois-ci c’est le Brunch Bazar qui a également lieu à l’heure du goûter. L’occasion de pratiquer une nouvelle façon de faire la fête. On mange, on discute, on boit (du thé), on drague, on amène les enfants, on repart, on revient, et surtout, on est moins fatigué car ce n’est pas le moment de se coucher. Ouvert à un public plus large (de 7 à 77 ans ou presque), cette façon de clubber ressemble à celle des Anglais qui dès qu’ils sortent du boulot, filent direct au pub (parfois dès 17h). à Berlin et New York aussi, depuis belle lurette, on fait la teuf au soleil dans des lieux pluridisciplinaires. Et pourquoi ne pas carrément prendre l’exemple de la Suède qui avec ses « lunch beat » propose de danser entre midi et deux en avalant un sandwich et une boisson non alcoolisée. L’avenir, plus que jamais, appartient à ceux qui se lèvent tôt. Ou qui zappent la case sieste. Violaine Schütz Rédactrice en chef
Rédactrice en chef — Violaine Schütz michael@lebonbon.fr
violaine@lebonbon.fr
| Rédacteur en chef adjoint — Michaël Pécot-Kleiner
| Directeur artistique — Tom Gordonovitch
tom@lebonbon.fr
| Président — Jacques de la Chaise
Photo couverture — Asia Argento par Flavien Prioreau | Secrétaire de rédaction — Louis Haeffner Régie publicitaire — regiepub@lebonbon.fr Lionel 06 33 54 65 95 | Contactez-nous — nuit@lebonbon.fr Siret — 510 580 301 00032 | Siège social — 12, rue Lamartine 75009 Paris 1—
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Š Marie Guirlet
Vendredi 4 Juillet Divan du Monde - 23h / 6h Sur invitation : party@lebonbon.fr
sommaire Le Bonbon Nuit
Asia Argento
p. 07
Patrick Demarchelier
p. 11
Ezéchiel Pailhès
p. 15
Y’a quoi au ciné ?
p. 19
The Aikiu
p. 21
Behind My Back
p. 25
Hypnolove
p. 27
Anne Van Der Linden
p. 31
Austra
p. 35
société
Wilfred de Bruijn
p. 39
cinéma
Aïssa Maïga
p.43
photos
Grolsch Session
p. 45
Trousse de secours
p. 46
Little Freaky Things
p. 47
La sélection de Paris La Nuit
p. 48
musique
art
musique
cinéma
musique
tumblr
musique
art
musique
santé
playlist
utile
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agen
Les événements à
Ripailles Au restaurant du Wanderlust, chaque année, quatre chefs sont invités à la création d’une carte spécialement adaptée au lieu. Jusqu’au 21 juin, c’est Bertrand Grébaut, graphiste devenu cuisinier par passion (à la tête de l’excellent Septime), qui fait son menu : simple, ultra inventif et bluffant. Menu soir entrée-plat-dessert : 35 euros
- H Entreprise RCS Nanterre 414842062 - * Point de vente éphèmère
Jusqu’au 21 juin au Wanderlust
YSL : Entre couture et culture Un conférencier vous accueillera dans les luxueux salons de la Fondation. Votre guide vous contera mille et une anecdotes en vous présentant plusieurs DR/ DR/ DR/ DR/
croquis originaux sur lesquels vous pourrez lire les
L’ABUS D’ALCOOL EST DANGEREUX POUR LA SANTÉ. À CONSOMMER AVEC MODÉRATION.
annotations du grand couturier à destination de l’atelier. Des modèles emblématiques de haute couture vous seront également dévoilés. Fondation YSL-Pierre Bergé, 5, av. Marceau - 16 e 4—
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nda
à ne pas manquer Stand up Remarqué dans la troupe du Jamel Comedy Club, en première partie des Airnadette et dans la série Bref, le comique Dédo plaisante dans son spectacle solo Prince des Ténèbres sur la représentation du métal, le 93 et les films d’horreur. Quelques moments de son show s’avèrent franchement drôles. Jusqu’à fin juin aux Feux de la Rampe, du jeudi au samedi, dès 21h30, 18 euros l’entrée
Hey ! Modern Art et Pop Culture Le deuxième volet de l’exposition Hey ! veut poursuivre l’entreprise qui est celle d’enregistrer tous ces bruits, ces éclats de voix individuels ou collectifs que la culture dominante a longtemps brouillés, déformés ou ignorés. Ces artistes, que souvent plusieurs générations séparent, ont échappé à l’appauvrissement et à l’assèchement de la modernité rationaliste. Halle St-Pierre, 2, rue Pierre Ronsard - 18e
VENDREDI 7 JUIN 2013 22:30-5:00
INVITATIONS SUR DSP
ENTRÉE RÉSERVÉE AUX PERSONNES MAJEURES ET SUR INVITATION UNIQUEMENT
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musique ® Propos recueillis par Violaine Schütz Ω JB Mondino & Flavien Prioreau
Asia Argento une femme en or
Une filmographie dense, un univers fort (empreint
Comment as-tu rencontré ceux qui ont collaboré sur
de contre-culture), un look rebelle (inspiré par le
ton disque, Total Entropy ?
punk), l’Italienne Asia Argento fascine et impres-
Beaucoup d’entre eux, je les ai rencontrés via les réseaux sociaux. The Legendary Tigerman par exemple, il m’a contactée sur Myspace il y a quelques années. On avait un ami en commun, Mondino, qui a réalisé ma pochette et celle de son disque. Mondino m’avait déjà envoyée sa musique et j’étais obsédée par les one-man bands (hommes-orchestres) comme l’Américain Hasil Adkins (il interprète le rôle d’un joueur d’orgue de barbarie dans le deuxième film d’Asia comme réalisatrice, Le Livre de Jérémie, 2004) ou Hans Adler. Après on a travaillé sur deux morceaux. On a aussi improvisé sur un morceau basé sur un poème de Bukowski. Bukowski, tout le monde l’a lu à 16 ans, alors ça résonne dans nos cœurs. C’est comme le Coca Cola, c’est simple, tout le monde peut comprendre.
sionne. Première femme réalisatrice (si jeune) dans son pays, actrice respectée, Djette, photographe, elle enchante aujourd’hui avec un premier album électro-rock bizarre et envoûtant. Rencontre. Quand as-tu commencé à chanter ?
à 17 ans, j’étais dans un groupe de punk-rock italien, Kids Sparkle Fun. Sinon je chante vraiment depuis 12 ans (elle en a 37, ndr). Ma voix sort très grave, mais j’ai trouvé comment m’en servir seulement il y a trois ans. J’ai trouvé plusieurs voix en fait, dont une qui peut aller dans les aigus, très haut. Ce qui m’intéresse dans la musique, ce sont les mélodies mais surtout écrire les textes, qui sont comme de la poésie, renfermant un message. Mes chansons comportent un début et une fin. Je m’en fous de la voix en fait, je ne suis pas Beyoncé. Je ne suis pas une chanteuse, mais une poètesse. J’aime chanter des petites histoires comme faire de petits films. La musique c’est des visions, c’est ce que je vois. C’est comme ça que j’écris les textes des chansons, après avoir écouté les instruments. Pour les morceaux avec mon ex, le chanteur italien Morgan (le père de sa fille, Anna Lou), j’ai aussi composé avec lui la musique. Il m’a laissée faire, m’a accordée ce plaisir. On faisait tout ensemble, c’était une histoire magnifique. 7—
Vas-tu donner des concerts ?
J’en fais un après-demain au Silencio, entourée de Morgan, Archigram (le groupe d’Antipop, qui est mon ex), Toog et The Legendary Tigerman. Je vais commencer par réciter un poème : Les neuf portes de ton corps de Guillaume Apollinaire. Il ne faudra pas danser, ou alors en restant assis, danser dans sa tête. Le live sera suivi d’un Dj set des musiques les plus bizarres jamais entendues. Ça fait 15 jours que je le prépare. Nuit
Asia Argento L’un d’eux s’intitule My Stomach Is The Most Violent
Tu as tourné dans le deuxième film de Fanny Ardant,
Of All Of Italy, tu peux nous en expliquer les paroles ?
Cadences Obstinées, qui sortira en décembre. C’était
Ça parle de mon rapport avec l’Italie, car l’estomac, c’est le deuxième cerveau. Je garde tout à l’intérieur, et c’est très violent ce que je ressens. Impossible pour moi d’agir sur un coup de tête. Je réfléchis tout le temps, beaucoup trop, c’est pour ça que je ne dors que 4 ou 5 heures par nuit.
comment ?
D’où vient le titre de ton album, Total Entropy ?
Tu dis que ton prochain film s’appelle L’incomprise,
De la chanson The Interimlovers d’Einstürzende Neubauten, dont je m’étais déjà inspirée pour mon premier film en tant que réalisatrice, Scarlet Diva. J’avais fait plusieurs radio shows à New York, en Angleterre puis à Rome, qui portaient aussi ce nom.
c’est ce que tu ressens aujourd’hui ?
Tu en es où de ton métier d’actrice ?
J’ai des enfants. Alors faire l’actrice, c’est comme aller travailler à la banque. Je fais de l’art tous les jours de mon côté, dans ma vie quotidienne. Mais j’ai aussi la possibilité de faire beaucoup d’autres choses. Je passe des disques dans des soirées, pour beaucoup d’argent même dans des discothèques de merde avec personne qui bouge car je mets de la musique bizarre (rires). Tourner des films comme actrice, ce n’est pas ce que je veux faire dans la vie.
Elle m’a beaucoup appris sur l’esthétique des acteurs, sur la fluidité, sur comment bouger comme s’il s’agissait de danser. Je suis très honorée d’avoir tourné avec elle. Et c’était la troisième fois que je tournais avec Depardieu, que j’adore.
Dans mon pays, je n’ai pas toujours été bien comprise. C’est un rapport d’amour/haine entre eux et moi, je suis leur fantasme mais en même temps ils me trouvent un peu « too much ». En France, même les choses les plus extrêmes, les gens en rigolaient avec moi et acceptaient. J’étais incomprise, et je me sens toujours incomprise, mais moins. Quand cinq ou dix personnes dans le monde sont comme toi, tu n’es plus seule. En tout cas, la vraie Asia est de retour. Encore plus Asia, avec une énorme bite rouge et chaude. Qu’est-ce que tu écoutes en ce moment ?
Le rappeur américain Kendrick Lamar. Avec ma fille qui est à fond sur le rap (des trucs bien comme The Pharcyde mais aussi des choses merdiques comme Nicky Minaj) on l’écoute tout le temps. J’aimerais écrire des chansons comme lui.
Es-tu en train de tourner un nouveau film en tant que réalisatrice ? Tournes-tu dedans ?
Un artiste à découvrir ?
Oui, je m’apprête à réaliser un nouveau film qui s’appelle L’incomprise mais je ne joue pas dedans. Basta ! Comme je suis en train de disparaître dans mon corps (Asia est très mince quand on la rencontre, ndr) je veux aussi disparaître dans le cinéma. Je n’ai pas besoin de beaucoup d’argent pour vivre. Dans l’idéal et dans le futur, je ferai des films comme réalisatrice, de la musique et seulement quelques films en tant qu’actrice s’ils m’apprennent quelque chose.
Le directeur de la photo allemand Fred Kelemen. Il m’a donné beaucoup d’idées pour un courtmétrage que je viens de tourner pour la France, en noir et blanc, avec un collectif qui s’appelle Women Stories. C’est un hommage. Allez voir son travail, c’est très beau ! Ta devise ?
« Make art every day ». Total Entropy (Nuun Records / La Baleine)
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art ® Violaine Schütz Ω Patrick Demarchelier
Patrick Demarchelier L’objet du désir
Jamais exposition n’aura aussi bien porté son nom. Le grand photographe de mode français Patrick Demarchelier expose sous le titre Desire quelques uns de ses plus beaux clichés de nu à la A. Galerie, jusqu’à la fin du mois de juillet. L’été sera chaud.
Créée en 2009, la A. Galerie s’est déjà faite remarquer en exposant Martin Schoeller, Rankin, Claude Gassian, Albert Watson, Steve Schapiro, Ron Galella ou encore Mark Seliger… C’est au tour du Français Patrick Demarchelier d’y montrer son travail. Depuis mai (et jusqu’au 22 juillet), on peut ainsi découvrir une vingtaine de tirages en noir et blanc de top models, réalisés au cours de ces trente dernières années. Desire dévoile une Kate Moss candide en maillot blanc, une Gisele Bundchen agenouillée dans le plus simple appareil et une Christy Turlington très pure avec pour seul accessoire une petite souris sur l’épaule. Des visions de la femme à la fois virginales et sensuelles qui sonnent comme un hymne à la beauté. Patrick Demarchelier, né au Havre en 1943, a commencé à se passionner pour la photo à 17 ans, lorsqu’il reçut un appareil pour son anniversaire de la part de son beau-père. Il déménagea ensuite à Paris pour travailler pour la presse de mode. En 1975, il s’envole pour New York. Il fait alors 11 —
des photos pour Calvin Klein, Versace, Chanel, Vogue ou encore Harper’s Bazaar, Vanity Fair, The New Yorker. En 1989, la Princesse Diana le réclame comme photographe privé. On lui doit aussi l’un des cultissimes calendriers osés Pirelli et de nombreuses photos de stars (Nicole Kidman, Elizabeth Hurley, Elton John, Céline Dion, Anna Mouglalis, Britney Spears, Scarlett Johansson, Demi Moore, Julia Roberts, Beyoncé…). Ses clichés (presque uniquement des femmes) mélangent intimité, authenticité, optimisme, fraîcheur, lumière, chic et naturel. Pourtant le sexe féminin n’est pas son sujet fétiche. Quand on lui demande ce qu’il préfère shooter, l’homme déclare au Telegraph (en 2012) : « Les gens s’attendent à ce que je réponde Diana ou une célébrité. Mais en réalité c’est mon chien, Puffy. Ils pensent alors que je veux dire Puff Daddy. Non, c’est mon chien… » Un chien nu ?
Desire — A. Galerie Jusqu’au 22 juillet 2013 12, rue Léonce Reynaud - 75116 www.a-galerie.fr
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musique ® Propos recueillis par MPK Ω Nicolas Guerbe
Ézéchiel Pailhès divin mélodiste
Ézéchiel Pailhes forme avec Nicolas Sfintescu l’incontournable duo électro-créatif Nôze, mais de Nôze il ne sera pas question puisque Ézéchiel nous gratifie ce mois-ci de la sortie de Divine, son album solo.
En général, quand l’album s’écoute d’une traite, c’est bon signe. C’est le cas de Divine, poème musical à l’esthétique maîtrisée, dont les 14 fragments explorent avec justesse l’univers acoustique d’Ézéchiel. Avec pour centre de gravité le piano, Divine fait également la part belle aux percussions et autres instruments illustratifs. Au final, nous avons entre les oreilles un petit bijou de douceur, un voyage introspectif entre espoir et mélancolie, la B.O d’un film qui se passerait dans un pays où les nuages ne cachent pas la lumière. Ézéchiel, de quelle envie est né cet album ?
On va dire qu’il est né d’une longue gestation. C’est un recueil de morceaux qui étaient dans mes tiroirs depuis une dizaine d’années. Entre-temps, j’avais toujours mené avant et parallèlement à Nôze une carrière de musicien traditionnel. Je m’étais dit qu’un jour, quand j’aurais un peu de temps, et surtout quand j’en aurais l’envie, je ferais un disque solo. J’avais envie de terminer quelque chose qui n’était pas fini. Étais-tu en saturation de la musique électro ?
Non, parce que j’ai toujours eu une saturation de 15 —
la musique électronique (rires). C’est même l’inverse : plus ça va, plus la musique électronique m’intéresse. Finalement, on peut dire que Divine est complètement à rebours de l’électro actuelle. Et pourtant, elle est présente, par des évocations, des suggestions. Y a-t-il eu comme une sorte de retour aux fondamentaux ?
C’est plutôt une avancée qu’un retour vers quelque chose. Pour moi, comme je te l’ai dit plus haut, il y avait une multitude de morceaux que j’avais en magasin et que j’avais besoin de finaliser, de sculpter. Il y avait un réel plaisir à me retrouver chez moi, avec tous mes instruments. Je ne savais pas du tout ce que j’allais faire au début de l’album. Je n’avais pas d’idée du résultat, je ne savais pas si j’allais faire du piano solo, du piano/voix… Au final, j’ai bidouillé, j’ai cuisiné… Justement, tu as pas mal trafiqué ton piano sur l’album…
Oui, j’ai cherché à lui donner d’autres apparences que celles qu’on a l’habitude d’entendre. Je n’étais pas dans un respect castrateur de l’instrument : j’ai mis du scotch dessus, calé un bout de bois entre les cordes, je les ai pincées aussi. Je l’ai exploité à mort pour évoquer une harpe ou une guitare. Après l’enregistrement, j’ai joué avec la saturation. Ce ne sont pas forcément des choses originales, mais Nuit
Ézéchiel Pailhès
“ une tristesse mélancolique mêlée d’espoir.” elles montrent que j’ai composé les choses sans a priori, sans appréhension. Je ne me suis jamais demandé académiquement si ce que je faisais était bien ou mal, s’il fallait le faire ou pas. Après, au niveau rythmique, pour faire les grosses caisses j’avais un surdo, des tambourins, des claves, les mains pour les claps, un agogô. J’ai utilisé aussi un mélodica, un glockenspiel. J’ai toujours eu autour de moi des petits instruments très illustratifs et j’ai essayé de les utiliser sous toutes leurs coutures. Pour mettre des mots sur ta musique, les premiers qui me viennent à l’esprit sont « mélancolie » et « rassurant ». Qu’en penses-tu ?
« Rassurant », j’aime bien. Souvent on me parle de nostalgie… Il y a aussi un mot qui me plaît bien, par rapport au Brésil, c’est le Saudade : une tristesse mélancolique mêlée d’espoir. Je me reconnais tout à fait là-dedans.
vocal, et je retravaille ensuite dessus pour qu’elle devienne quelque chose. On sent chez toi une certaine maturité, une esthétique musicale maîtrisée. Comment se traduit-elle dans cet album ? Quels en sont les marqueurs ?
J’ai envie de dire que cet album correspond à une maturité relative à ce que je vis. Pour le prochain, cette maturité sera différente, elle correspondra à une autre époque de ma vie. C’est un peu comme de la viande en fait, quand elle arrive à maturité, il faut la manger sinon elle passe. Ce disque est pareil, il était nécessaire et inévitable pour moi. Il y a aussi tout un travail de la voix, utilisée comme un instrument, limite en squat. Pourquoi n’y a-t-il pas plus de textes chantés ? (3 en tout sur l’album, ndlr)
Ça vient de plusieurs choses. Peut-être tout simplement du fait que j’ai l’impression de ne pas savoir chanter en voix lead, d’ailleurs tu remarqueras que sur les chansons à texte où je chante, je double ma voix. J’assume pas vraiment. Pour le coup, la maturité que j’aimerais bien avoir par la suite, c’est de pouvoir chanter sans avoir peur d’une certaine solitude. Pour moi la voix, c’est le truc le plus difficile qui soit : c’est quelque chose de très émotif, je me demande toujours comment font les mecs qui chantent tout seul pour ne pas pleurer… Tu ne peux vraiment pas tricher. Tu t’appelles Ézéchiel, tu sors un album qui s’appelle Divine, tu n’as pas peur que l’on te prenne pour un vendeur de Bible ?
Comment travailles-tu tes mélodies ?
Dans ma manière de composer, je n’échappe pas à mes réflexes et à mes inspirations. J’aime la mélodie, aussi dépouillée soit-elle. Je peux aimer une mélodie de Cabrel, je m’en fous, tant qu’elle est bonne. En ce qui concerne mon écriture, c’est assez irrationnel, je ne me l’explique pas. Quand j’ai une mélodie dans la tête, c’est très difficile de m’en défaire. En général, je la note en mémo 16 —
Si j’ai appelé cet album ainsi, c’est qu’avant de le faire, j’ai perdu un être cher, et j’avais besoin de sortir ce truc-là. Du coup, comme un morceau de l’album s’appelait Divine, j’ai voulu faire un petit clin d’œil à l’au-delà.
Ézéchiel Pailhès — Divine Circus Company
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Cinéma ® Pierig Leray Ω DR
Y’a quoi au ciné ? 1 mois, 4 films, 4 avis.
After Earth de Night Shyamalan
Le problème ? On ne les a pas vus.
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Critiques abusives et totalement
à part bien se marrer à voir Will Smith en leggings, aucun intérêt dans cette énième bavure de l’ex-futur roi du twist final. Shyamalan se plante lamentablement dans un Wall-E post apocalyptique moralisateur où la relation père-fils doit sauver l’humanité. Mon cul !
infondées des meilleurs/pires films du mois à venir.
≥ Sortie le 5 juin The Bling Ring de Sofia Coppola — 0 bonbon
Un peu con de faire de son premier film (Virgin Suicides) son meilleur. Après avoir foutu le vide comme référence dans Somewhere – mais surtout nulle part – Coppola surfe sur le mauvais goût (in) temporel, pour une soupe néo-moderne affligeante. On préférait encore les Strokes en Richelieu, c’est pour dire. ≥ Sortie le 12 juin Man of Steel de Zack Snyder — 2 bonbons
Nolan à la production, histoire d’assombrir et loosifier le binoclard, contre Snyder à la réal’ avec sa caméra la plus vomitive de l’Ouest, Man of Steel est un combat de 2h entre le Mal et le Bien, le moche et l’élégant : résultat fadasse, trop sucré, pas assez acide : Snyder wins. ≥ Sortie le 19 juin Electrick Children de Rebecca Thomas — 4 bonbons
Et si Hanging On The Telephone de Blondie pouvait foutre en cloque une ado mormone perdue dans le fin fond de l’Utah ? Découvert à Deauville, ce premier film en a tous les défauts : mise en scène pompeuse, « Sundancisation » de la caméra et plans séquences ratés, mais le potentiel est là, un vent de fraîcheur… brûlant. ≥ Sortie le 26 juin 19 —
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musique ® Propos recueillis par MPK Ω Fools
les nuits de
THE AIKIU Après l’immense succès de leur titre Pieces Of Gold (plus d’un million de vues sur Youtube), on atten-
chanson de nuit pour moi. Barnabé : D’accord avec toi Alex.
dait beaucoup de la sortie du premier album de The Aikiu, Ghost Youth. On confirme que l’attente n’aura
Comment avez-vous découvert la nuit ? Vous vous
pas été vaine puisque ce disque électro-pop aux
rappelez de vos premières sorties ?
tonalités happy-sad réserve une multitude de jolies
Alex : C’était au Sénégal, à Dakar, quand j’étais au lycée. C’étaient des nuits chaudes. Ma mère tenait là-bas des clubs et des bars, du coup j’étais toujours dehors à aller la voir. Je me souviens qu’il y avait des marins et des bidasses… Mais j’étais plus fan de Lio que d’Axel Bauer (rires). Barnabé : Moi j’ai vraiment commencé à sortir à la grande époque du Folies Pigalle. Je devais avoir 15 piges, et je trainais avec une gogo danceuse. Je me rappelle aussi des premières Soma.
surprises (dont les collab’ d’Isabelle Adjani et de JD Samson du Tigre). Obsessionnels que nous sommes, nous avons rencontré Alex (chanteur et instigateur du projet) et Barnabé (basses) pour qu’ils nous parlent de leurs nuits. Quel est pour vous le film qui incarne le mieux la nuit ?
Alex : After hours ! Un film des années 80 où l’on voit un Soho complètement destroy. Avec ce mec qui se fait poursuivre justement par des gens de la nuit. Incroyable ce film. Barnabé : Saturday Night Fever bien entendu (rires). Pour moi, les ambiances de nuit, c’est très attaché à la lumière et aux chefs op’… J’ai envie de te répondre Tchao Pantin. Ce film a de très belles scènes nocturnes, avec des nuits très bleues.
Qui sont vos partenaires de débauche ?
Alex : J’ai toujours la même bande. D’ailleurs, je crois que tu connais bien une de mes comparses, elle s’appelle Barbara, elle est écrivaine et elle adore les Smiths… Barbara Israël, c’est une vraie prêtresse de la nuit. Barnabé : J’ai un petit QG que je tiens secret où je me désaltère avec des piliers de bar ancestraux.
Le morceau de votre album qui reflète le mieux la nuit ?
On aimerait que vous nous racontiez en détail la der-
Alex : The Fear. L’influence de cette chanson, c’était The Warriors, un film qui se passe aussi de nuit, où il y a des bandes de jeunes qui viennent dépouiller tout le monde. C’est vraiment une
nière fois que vous êtes rentrés à 4 pattes chez vous.
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C’était où, quand, comment ?
Barnabé : Le problème, c’est que la dernière fois, je ne m’en souviens vraiment pas. Nuit
The Aikiu Alex : Je ne suis jamais à 4 pattes, je me charge pas mal mais je tiens plutôt très bien. C’est moi qui tiens tout le monde en fait, par les cheveux des fois. L’instant pub : vos adresses préférées pour sortir à Paris la nuit.
Alex : J’aime bien le Jesus Paradis, dans le 10e. C’est petit, le sound system envoie plutôt bien, et il n’y a pas trop de monde. En resto, j’adore aller chez Kim Lien, un vietnamien place Maubert. Ils ont une succulente soupe Pho. Barnabé : Il faut savoir que la soupe Pho tient une place très importante dans la vie du groupe. Alex : C’est le meilleur remède contre la cuite, je te jure que c’est vrai. Mais la bonne soupe Pho, pas celle de Belleville. Je suis à moitié vietnamien, et je trouve que les Pho de Belleville, c’est une honte. Barnabé : Fais gaffe, on va avoir les Triades aux fesses… Alex : Le Pho, c’est parfait pour les clubbeurs en redescente. D’ailleurs, à New York, tout le monde carbure à ça après être sorti. Barnabé : Je vous conseille aussi une brasseriedistillerie de bière qui est à la Goutte d’Or. Si vous voulez aller boire de la bière parisienne, c’est une très bonne adresse. Je crois que ça s’appelle d’ailleurs la Brasserie de la Goutte d’Or. Toujours pour les amateurs de bière, il y a le Super Coin à Jules Joffrin.
fois je leur pose des questions, et ils me racontent plein d’histoires. Une fois, il y a un chauffeur qui m’a raconté qu’il a sauté une cliente de 65 ans contre 2000 euros. Barnabé : Traverser la ville de nuit en taxi, coller sa tête à la fenêtre après avoir bien bu… J’aime bien cette contemplation, elle m’inspire. S’il y a une salle, un club ou un bar où vous ne foutrez plus jamais les pieds, c’est lequel ?
Alex : Bon déjà, les night clubs parisiens, ça ne me plaît pas trop. Je n’aime pas ce côté consanguin, avec toujours les mêmes personnes. Il y a beaucoup de « parisiens » castrateurs, nombrilistes, jaloux… Les gens sont clairement plus chaleureux à New York, et on sent qu’ils aiment leur ville. Après, la qualité de vie à Paris est très bonne, mais au niveau de la création, personne ne s’aide, tout le monde se tire dans les pattes. Barnabé : C’est vrai qu’ici, on ne laisse pas les artistes créer sur la durée, il faut tout de suite réussir. La soirée où vous avez préféré jouer ?
Alex : La Flash Cocotte, à l’Espace Pierre Cardin. Dactylo et ses potes font un super boulot. Pour le coup, ça, ça me stimule vraiment à Paris. Barnabé : C’est démocratique et ouvert. Super spirit ! Votre technique contre la gueule de bois ?
Êtes-vous insomniaques ?
Alex : Pas du tout. Barnabé : Moi, c’est un truc que je découvre. Soit j’ai une idée qui tourne dans la tête, et il faut que je la couche sur du papier. Soit j’ai des problèmes de l’ordre du quotidien, dans ce cas, je ne peux rien faire de plus que cogiter et plier le dossier.
Alex : Un bon Pho, pour ne pas me répéter. Un fond de verre d’eau entre chaque verre d’alcool, et une aspirine avant de sortir. Barnabé : Une cuillère d’huile d’olive avant de sortir, c’est aussi très efficace pour les lendemains.
Parmi les métiers de nuit, quel est celui qui vous intrigue le plus ? Pourquoi ?
The Aikiu — Ghost Youth Sony Music
Alex : Les chauffeurs de taxi. Ce sont des témoins privilégiés du comportement humain. À chaque
www.theaikiu.com
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musique ® Propos recueillis par Irina Aupetit-Ionesco Ω Maciek Pozoga
hypnolove carnaval dandy
Le trio cosmopolite a pris son temps pour enfin sor-
Que s’est-il passé pendant les six années qui sépa-
tir un deuxième album qui lui ressemble, efficace,
rent Eurolove, votre premier album, de Ghost Carni-
racé et élégant. Six ans de réflexion pour un Ghost
val ?
Carnival magnifié par le producteur anglais Mickey
Thierry : Nous avons pris notre temps. Nous ne voulions pas nous mettre la pression et travailler dans l’urgence comme pour Eurolove. à l’époque, le single Mademoiselle commençait à avoir du succès et le label nous avait demandé de faire un album dans cette direction-là. Du coup, nous avons compilé plein de morceaux qui dataient de périodes différentes. On aimait tous ces titres mais l’ensemble sonnait un peu « chien fou », ça partait dans tous les sens, sans cohérence. Or ce que nous aimons, c’est un album que l’on puisse écouter d’une traite sans zapper d’un morceau à l’autre.
Moonlight. De la pop au funk/disco en passant par la new wave, le groupe ratisse large pour nous entraîner sur les pistes de danse. Comment a commencé votre histoire ?
Thierry (clavier, chant, rythmique) : Je faisais de la musique dans mon coin et j’ai eu envie de monter un groupe pour faire un concert unique, un truc dansant pour s’amuser. J’en ai alors parlé à Nicolas (basse, guitare, programmation) qui était l’ami de mon frère et surtout un musicien avec qui je m’entendais très bien. Ce dernier m’a tout de suite orienté vers Henning qui lui avait des claviers chez lui. Nous avons répété pendant six mois et finalement après notre premier concert qui devait être un « one shot », nous avons continué. Tout a réellement démarré en 1998.
Ghost Carnival est beaucoup plus cohérent. Raconte-t-il une histoire ?
Henning (clavier, chants, beats) : Pas vraiment, c’est plutôt un « mood ». Il y a des moments lumineux, d’autres plus sombres.
Qui fait quoi dans votre trio ?
Thierry : Henning chante et joue des claviers mais il fait aussi de la programmation sur certains morceaux. Nicolas joue de la guitare et de la basse. Parfois un riff de guitare de Nico va être transformé en mélodie de chant. C’est assez libre, les rôles ne sont pas toujours complètement définis.
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Pourquoi avoir choisi de travailler avec Mickey Moonlight ?
Henning : Thierry a eu l’idée car nous avions adoré sa reprise de Sun Ra avec Interplanetary Music. Nous aimions sa manière de faire coexister le côté organique des « vrais » instruments, des percussions avec l’électronique. C’est très élégant ! Nuit
Hypnolove
“je garde un souvenir dingue d’avoir dansé au Baron collé serré à Mick Jagger” On s’est dit qu’il serait la personne idéale pour mixer notre disque. Thierry : J’avais lu une interview de Mickey Moonlight dans laquelle il citait ses influences et il avait fait une liste énorme avec plein de choses géniales et parfois obscures comme The Legendary Stradust Cowboy. Je me suis dit que c’était le mec parfait pour nous. Nous attendons toujours de le rencontrer « en vrai » ! Henning : Dans ses mails il a toujours été très chaleureux et enthousiaste. On ne désespère pas de le voir un jour (rires). C’est la créatrice Yazbukey qui a réalisé l’artwork de ce disque, pourquoi elle ?
Henning : Ça c’est une idée de notre label. Pour notre maxi Holiday Reverie, c’était Manu Cossu, graphiste et vidéaste, qui avait signé l’artwork et nous nous étions dit qu’il avait bien cerné ce que nous voulions. Manu s’étant concentré sur la réalisation de vidéos, il a fallu que nous trouvions quelqu’un d’autre. Marc, le boss de notre label Records Makers avait rencontré Yazbukey et nous a présenté son travail que nous avons adoré. Elle non plus nous ne l’avons toujours pas rencontrée. 28 —
Thierry : Nous n’avons pas non plus rencontré Findlay Brown ni Freya Perry qui chantent sur Ghost Carnival (rires). En revanche nous avons fait la connaissance de Piper Kaplan de Puro Instinct, bien avant de décider de travailler avec elle pour l’album. Votre album parle beaucoup de la nuit avec des morceaux comme Midnight Cruising, Sleepwalker, Goodnight Kiss. Vous revendiquez-vous comme des oiseaux de nuit ?
Thierry : Nous l’avons beaucoup été, nous n’arrêtions pas de sortir ! Puis Nico et moi avons eu des enfants donc nous avons calmé le jeu. Au delà de ça, la nuit reste remplie de fantasmes. Le film Cruising, qui a d’ailleurs inspiré les paroles de Midnight Cruising, ou ceux de Kenneth Anger, comme Fireworks, parlent de la nuit. Ce que nous aimons quand le jour finit, c’est cette notion que tout peut arriver. Il y a la fête mais aussi du danger, ce qui rend les choses très excitantes. Quels sont vos lieux de prédilection pour faire la fête ?
Henning : J’adorais le HBC à Berlin, dans lequel j’avais fait une résidence au piano. C’était un lieu multiculturel avec des expos, des concerts, des soirées. Ça a malheureusement changé de propriétaires. J’adore aller dans les bars de mon quartier à Berlin, la ville dans laquelle je vis. Ce sont des petits bars à vin chaleureux, très berlinois finalement. Thierry : J’ai de très bons souvenirs de nuits à Lisbonne notamment au Lux ou dans le quartier Barrio Alto. Il y a tout ce dont nous parlions avant là-bas. Tu ne sais jamais ce qui t’attend. À Paris, je garde un souvenir dingue d’avoir dansé sur Prince au Baron collé serré à Mick Jagger. Sinon à chaque fois que nous venions à Paris nous allions toujours aux soirées Respect car c’était à l’époque les meilleures soirées de la capitale. Hypnolove — Ghost Carnival Record Makers
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art ® MPK Ω Niall O’brien
ANNE VAN DER LINDEN icône souterraine
Anne Van Der Linden est peintre, illustratrice, co-
Sexe
fondatrice de la revue Freakwave, camarade de jeu
Que le sexe soit très présent dans mon travail est sûrement lié à mon tempérament. Quand j’étais très jeune, je faisais déjà des broderies avec des organes génitaux, j’étais en pleine période hormonale bête et méchante. Et puis après j’ai rencontré des artistes et des galeries qui m’ont branchée sur ce thème pour des expos. La sexualité, c’est un peu le pilier de tout, le pivot des comportements. C’est aussi très graphique, c’est une bonne manière d’assembler les corps, le sexe, c’est ce qui coagule ou repousse les gens. Dans mon travail, l’identité glisse, je n’aime pas les catégories et les répertoires. Je fais aussi pas mal d’androgynes, parce que ça me paraît être une figure apaisée. Dans la tension du jeu sexuel, l’androgyne c’est vraiment la personne qui se repose, l’être autonome.
de Jean-Louis Costes, bref, l’une des grandes figures actuelles de l’underground pictural français.
Je l’ai rencontrée dans un café place de Clichy ; « je porterai une veste militaire kaki » m’avait-t-elle dit au téléphone. 17 heures, on s’installe à une petite table, un demi pour moi, un verre de blanc pour elle. En la voyant, je me dis que les cerveaux les plus bouillants se cachent souvent derrière un physique d’enfant sage. Je décide de l’interviewer non pas sur le mode « question/réponse » traditionnel, mais en utilisant 11 mots-clés, comme pour jalonner les contours d’une intériorité qui se révèle des plus complexes. Essai. Enfance
J’ai eu une enfance bourgeoise, c’était au Vésinet dans le 78. J’ai été pas mal bloquée sur l’enfance, c’est un moment de ma vie où je me suis bien amusée, tout était paisible. On peut surement dire qu’il y a quelque chose d’enfantin dans mon travail, dans le rapport que j’ai avec les contes… Il y a une façon de raconter les choses qui est très imaginative, assez ronde. Je n’ai jamais vraiment intégré le jeu social, je suis restée dans un stade ado ou post-ado. Ou plutôt, je suis responsable dans un monde qui est le mien.
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Rire
Il y a du grotesque dans mon travail. Je suis très fan de Crumb, on me dit souvent d’ailleurs que les femmes que je peins sont inspirées de Crumb parce qu’elles ont de grosses cuisses et de grosses croupes. Vous connaissez cette légende grecque de Demeter qui avait perdu sa fille ? Elle pleurait sans cesse et faisait la grève, plus rien ne poussait dans les champs. Un jour, elle a rencontré une femme qui lui a montré son sexe. Déméter a éclaté de rire, et tout s’est remis à pousser. Pour moi, le rire dans ma peinture, c’est un peu ça. Nuit
Anne Van Der Linden Parler
Jouer
L’écrit ou la parole, c’est ma formation, j’étais assez littéraire, j’ai toujours beaucoup lu, j’écrivais pas trop mal. Et c’était en même temps un carcan, les mots ne me satisfaisaient plus. La peinture était vraiment pour moi la terre inconnue, la montagne interdite. Je me suis lancée là-dedans sans référence. Je pense que l’image est plus intègre, je me sens libre avec ça.
Je suis très très mauvaise joueuse, je déteste perdre. En ce qui concerne la peinture, je n’ai jamais pris ça comme un jeu, c’est la seule chose sérieuse que j’ai faite de ma vie.
Manger
J’adore manger, j’aime bien mettre des trucs dans ma bouche. Quand j’étais gamine, je mettais plein de trucs, du sable, de la terre, etc… C’est vraiment quelque chose d’anxiolytique pour moi. J’aime remplir ma bouche pour me tranquilliser. Spirituellement, c’est dur de rentrer en contact avec les gens, on y arrive mieux par l’interpénétration ou des choses plus symboliques comme le cannibalisme. Enfin ce n’est pas vraiment du cannibalisme, plutôt une façon de consommer un acte d’amour. Personnellement, j’adore manger du pain. Manger du pain et boire du vin. Vomir
Je vomis souvent en fin de séance, quand j’ai beaucoup peint, beaucoup travaillé. Des fois, j’ai à faire face à une saturation terrible, je ne peux plus supporter cette concentration, je vomis presque par les yeux. Avant, ça ne me faisait pas ça, mais maintenant, quand quelque choses cloche dans une toile, ça me donne la nausée.
Argent
Je ne suis pas dépensière du tout, en plus, j’ai un problème avec la consommation, ça me fout les boules d’avoir à racheter des objets. Je déteste ça, c’est peut-être aussi un peu une forme de radinisme… En même temps, j’ai plein d’amis fauchés à qui je prête du fric… Underground
Pour moi ce n’est plus grand-chose actuellement. En même temps, ça reste tout de même un espace de liberté. Hélas, en France, les gens de l’underground dépérissent, mais c’est vraiment l’endroit où il y a une créativité maximum, comme dans les graphezines par exemple. Mort
Il y en a de plus en plus des morts dans ma peinture, parce que je vieillis je pense, je croise de plus en plus la mort, c’est normal. L’envers de la vie, c’est la mort, je passe mon temps à peindre l’envers du décor, donc si je ne peins pas la mort, c’est vraiment absurde. J’aimerais bien avoir des théories sur la mort, ce serait apaisant, mais j’en suis incapable.
Costes
Je le connais depuis le lycée, on a grandi ensemble, on est de la même banlieue. On a été ensemble à une époque, on est resté amis. J’ai été comédienne dans pas mal de ses spectacles. Ça m’a d’ailleurs bien dévergondée, je me suis prise au jeu. Il y a un côté « sortir de soi » qui a été vraiment salvateur pour moi.
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Anne Van Der Linden www.annevanderlinden.net www.freakwave.fr eretic-art.com
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musique ® Propos recueillis par Sophie Rosemont Ω Norman Wong
AUSTRA électroféministe
La prêtresse de l’électro-pop canadienne, Katie Stelmanis, revient avec son groupe Austra et un nouvel album fort en émotions, Olympia.
Deux ans après son premier album, Feel It Break, le groupe de Toronto revient en force. Situé quelque part entre confession intime (Katie Stelmanis nous livre sans fard ses déboires amoureux) et manifeste hédoniste (toujours selon elle, il faut danser, quoiqu’il arrive), Olympia ne choisit pas entre l’électro, ADN véritable d’Austra, et l’analogique, qui a radicalement changé la texture de ses morceaux. De passage à Paris, l’une de ses villes préférées, Katie Stelmanis se livre à l’exercice de la promo avec un professionnalisme étonnant. Très blonde, rouge à lèvre très rouge mais poignée de main très franche, la chanteuse s’impose d’emblée comme une femme de tête. Et de cœur, tout de même… Ce n’est pas notre conversation qui le contredira. Feel It Break ayant beaucoup buzzé, vous étiez donc attendue au tournant par la critique. Comment avezvous abordé ce nouvel album ?
Il fallait qu’Olympia soit plus assuré, plus fort que notre premier album. Pour ça, l’un de nos premiers challenges a été de nous servir de vrais instruments, d’aller en studio pour de bon, alors que Feel It Break avait été fait dans ma chambre ! Ce qui a aussi changé, c’est que chaque membre du 35 —
groupe a apporté sa contribution alors que j’écrivais 95% du matériel auparavant. C’est une œuvre collective, où tout le monde s’est bien amusé. En effet, on note un plus grand investissement de la batteuse, Maya Postepski. Pour gagner du rythme ?
Exactement. Je voulais un album plus up tempo. De plus, Maya et moi travaillons ensemble depuis une bonne dizaine d’années, on est passé par plusieurs projets comme le groupe Galaxy, nous avons les mêmes goûts musicaux… C’est une batteuse géniale qui a réussi à insuffler une véritable rythmique à Olympia. La première chose qui saute à l’oreille, c’est l’ambivalence entre le côté dansant de l’album et des paroles assez mélancoliques…
Ce qui est fou, c’est que je ne réalise jamais de prime abord que mes paroles sont sombres, et que ma musique est dansante… C’est seulement en l’écoutant que je réalise qu’il y a comme un petit problème (rire) ! Mais quoi de mieux que le groove pour faire ressortir tout l’émotion de mes textes ? C’est ce qui crée le climax de mes chansons. Le titre de cet album a-t-il un quelconque rapport avec le disque de Bryan Ferry du même nom ?
Hé bien non ! (rires) Nous avons enregistré l’album dans un studio au milieu de nulle part, dans le Michigan, et les gens qui y habitaient attenNuit
Austra
“ Je préfère manier la musique que la danser.” daient un bébé… ça a été une petite fille, qui s’appelle Olympia. Sa naissance coïncidait si bien avec celle de l’album qu’elle méritait bien un petit hommage. Mise à part votre expérience personnelle, de quoi a été nourri Olympia – du point de vue artistique ?
Par Marina Abramovic. Je l’adore. Elle n’est pas dans le fantastique, le surréalisme, elle est dans le réel, aussi abrupt puisse-t-il être… Son art est un art de la vérité, et a énormément influencé mes nouvelles chansons. En visionnant le documentaire Marina Abramovicć: The Artist Is Present (de Matthew Akers et Jeff Dupre, sorti en 2012, ndlr), j’ai réalisé que c’était cette approche que je voulais explorer. Qu’être transparent, le plus honnête possible, était l’une des plus belles manières de transcender sa vulnérabilité. Et puis j’ai toujours aimé ce qui est radical…
Quitte à dévoiler les dessous de sa propre existence ?
Oui. L’écriture de ce disque a été cathartique. Je sortais d’une période difficile, et je voulais raconter des histoires tout en faisant comprendre à l’auditeur ce que je ressentais. Une fois que j’ai réussi à exprimer ce que je souhaitais, je me suis sentie beaucoup mieux. Olympia a été la meilleure des thérapies, et j’espère que son écoute pourra aider des personnes aussi torturées que moi ! La nuit, pour vous, c’est…
Le clubbing. Ou dormir ! J’aime beaucoup faire la Dj dans les boîtes de Toronto, passer de l’électro, de la techno ou de la dance music old school, mon péché mignon. Mais on me voit rarement enflammer le dance-floor. J’aime trop la musique pour ça, je préfère la manier plutôt que la danser… D’ailleurs, comment va la scène musicale de Toronto ?
À force de tourner à l’international, je me sens un peu déconnectée de ma ville. Mais je sais qu’il s’y passe quelque chose de particulier, dû à son incroyable ouverture d’esprit. Qu’un talent insolite comme Peaches y ait fait ses débuts, ça veut beaucoup dire. Le souci, c’est que le business, même celui de la musique, se passe à Montréal. Ni tout à fait la même, ni tout à fait une autre : avec cet album, vous avez trouvé le juste équilibre du
Vous sentez-vous proche du féminisme que Marina
renouveau. Est-ce votre credo artistique ?
Abramovic aborde dans son travail, y compris de
Oui, il faut se réinventer à chaque fois. Et sans se perdre, c‘est ça le plus délicat. David Bowie et PJ Harvey font partie de mes artistes préférés, et ce n’est pas pour rien. De vrais caméléons… Aujourd’hui, je ne sais pas ce qui m’attend, je sais juste qu’il va falloir que je trouve encore une nouvelle direction à prendre. J’ai une peur terrible de m’ennuyer !
manière indirecte ?
Totalement. Les femmes doivent savoir s’amuser, mais aussi prendre conscience qu’elles doivent prendre le pouvoir, tant du point de vue professionnel que social ou familial, et, évidemment, artistique. Sans pour autant chercher la célébrité, car cela peut dénaturer tous leurs propos. Je ne dis pas qu’il ne faut pas profiter du succès, mais cela ne doit surtout pas être un but. Le but ultime doit rester le partage de l’art. 36 —
Austra — Olympia Domino
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société ® Manon Troppo Ω Marie Guirlet
Wilfred de Bruijn un optimisme contagieux
Il pleut, ça caille, mais cette rencontre avec Wilfred va vous réchauffer. Vous le connaissez forcément. À moins de vivre dans une grotte, vous avez décou-
ville, sa vie gay. Mais je savais que la vie y était chère. Je me suis dit : « reste un an et vois ». Il ne faut pas fuir devant la difficulté.
vert son visage tuméfié après une agression homophobe en avril. Vous lui avez peut-être même envoyé un message de soutien. C’est en tout cas ce qui m’a permis de rentrer en contact avec lui. Sans revenir lourdement sur ce mauvais souvenir, j’ai voulu savoir comment il vivait Paris, comment il vivait l’homosexualité à Paris et comment il allait, aujourd’hui. Comment ça va ? Mieux ?
C’est encore un peu la folie, on ne s’attendait pas à ce que l’agitation dure autant. Mais ça va ! Raconte-moi ton parcours. Tu viens d’où, pourquoi vis-tu à Paris ?
Je suis hollandais, j’ai fait des études d’Histoire de l’art, spécialisation en Architecture ancienne. On sait bien que ces études, ça mène plutôt au chômage. Un jour, j’ai eu l’opportunité de postuler ici, dans une fondation privée qui gère une grande collection d’art ancien pour devenir le responsable de leur bibliothèque. Je connaissais Paris sans avoir envisagé d’y vivre. Mon français était très scolaire. Mais j’ai été embauché en août 2003, à 29 ans. Je suis arrivé en même temps que la canicule ! Tu avais des appréhensions ?
Je connaissais les collections d’art, la beauté de la 39 —
Tu as habité où en arrivant ? à Paris comme dans toutes les métropoles, les gens sont individualistes, nos agendas sont remplis, on n’a déjà pas de temps pour nos amis, personne n’attend vraiment de nouvelles rencontres. Moi, justement, j’étais demandeur d’amis, donc j’ai pensé à la colocation. Et c’était bien pour pratiquer mon français. J’ai trouvé très vite sur colocation.fr, dans le 11e. Je cherchais un coloc pd. Pas pour baiser hein (il rit), pour avoir un accueil compréhensif. Mon coloc était agrégé de philo, prof, militant gauchiste. C’était parfait. Le quartier était chouette. La rue Oberkampf, même si c’était pas très gay, ça bougeait, c’était vivant. Pour mon français… c’était pas très utile : entre nous, le langage n’a rien à voir avec celui du travail. On s’appelle « connasse », le ton est très libre ; faut pas trop parler comme ça au travail (il rit). Aujourd’hui, je suis à Belleville. Première impression plutôt positive, donc ?
Oui et non. L’individualisme, d’abord. La langue, aussi. Et, en arrivant, je me disais : c’est le pays de la révolution, des droits de l’homme, mais je me suis rendu compte qu’ici, c’est une société bien « installée » qui ne s’assume pas. On dit « on est Nuit
Wilfred de Bruijn
“Ici c’est encore Versailles, la vie sociale est codifiée comme à la Cour !” tous égaux », mais les réseaux sont très fermés. Du coup, la première année, j’étais assez seul.
Et tes endroits de prédilection ?
Le Duplex bar, rue Michel le Comte. Soit disant le bar intello des gay. C’est peut-être vrai. C’est pas là où il y a les plus beaux mecs ! (il rit). Le Cox, rue des Archives. Le dimanche, y’a tous les mecs « veste en cuir/crâne rasé » qui traînent sur le trottoir. C’est toujours un peu impressionnant. Surtout quand t’es une fille de 1m60 qui se fraye un chemin au milieu.
(Il rit) Moi j’y suis allé une fois avec une copine, c’était la seule parmi 200 mecs serrés comme des sardines, oui. Avant, à la Java, il y avait les soirées Flash Cocotte. Maintenant c’est à l’Espace Pierre Cardin et j’évite les grands endroits, je suis pas assez cool pour ça ! La soirée Trou Aux Biches, à la Java, est sympa : les gens osent se moquer de leur propre identité, c’est mélangé, assez freak, on ne se prend pas au sérieux. Donc t’es heureux, ici ?
Je pense que c’est presque une chance, tu as ta propre « sous-culture », ta communauté. Tu connais les codes, la musique. Tu trouves vite les bars et les discothèques. Ça aide.
Très heureux ! D’abord, tous les étrangers le disent, c’est une ville magnifique. Chaque jour, je découvre, je m’émerveille. Et puis, « Paris drains all the brains from everywhere ». Ça attire les jeunes ambitieux et talentueux.
Tu as trouvé qu’être gay à Paris ou en Hollande,
À l’opposé de cette mode du « barrez-vous », en fait.
c’était différent ?
J’ai jamais compris ça. Sans tomber dans une admiration à la Woody Allen, vos vies sont magnifiques. Même les côtés un peu plus glauques ont leur charme. Et puis des quartiers comme la Goutte d’Or, avec tous ces parfums africains... C’est aussi très bien organisé. à Londres, t’as 2h de transport exaspérant dès que tu bouges. Pareil pour Berlin, et puis c’est moche, Berlin, soyons francs (il rit).
Être homo, ça aide ou complique l’intégration ?
Pareil. Mais moi, je travaille dans l’art, c’est un monde assez ouvert, il y a beaucoup d’homosexuels, en Hollande ou en France. Je viens d’une ville de province, Leiden, à 30mn d’Amsterdam. Il n’y avait que 2 boîtes gay alors ici, quand j’ai découvert le nombre de bars, l’énorme diversité des garçons, j’étais ravi ! Donc les soirées gay à Paris te plaisent ?
Certaines personnes préfèrent Tel Aviv et Berlin, le « paradis », mais je crois que ça concerne les clubbeurs. Moi, je ne suis pas dans cette catégorie, j’aime plutôt les bars old school, un peu de jazz, de la musique française, on boit nos bières, on discute. 40 —
Paris a quand même ses défauts, non ?
La bière est chère ! Et il y a l’aspect rencontres. On ne se parle pas spontanément, il faut être présenté. En même temps, je deviens de plus en plus parisien : quand un inconnu m’aborde, je me dis Nuit
Wilfred de Bruijn « mais, qu’est ce qu’il veut de moi, lui ? ». Je vais moins vers les gens. Sauf s’ils sont très beaux… Et en tant que gay ? Y’a-t-il des quartiers à éviter ?
Non. Il y a évidemment le Marais où on se sent plus libre de se tenir la main. On ne le fait dans aucun autre quartier, en fait. Les derniers chiffres disent que 2/3 des homos ont peur de s’afficher en public. Les chiffres d’agressions homophobes ont augmenté aussi. Y’a peut-être un lien ?
C’est terrifiant. Je sais pas s’il y a des quartiers plus homophobes que d’autres. Je sais juste que je m’affiche nulle part, sauf dans le Marais. On n’y risque rien ?
Non. Certaines personnes disent que ce sont nécessairement des jeunes issus de l’immigration qui nous ont agressés… Bref, déjà, on ne connaît pas leurs identités et on se sent très bien dans notre quartier multicuturel. C’est dans le 7e, là où je travaille, que je ne pouvais plus aller parce qu’il y avait les manifs. On les appelle « les mocassins », tous ces Tanguy et ces Marie-France. C’était là qu’était le danger. Donc t’en veux pas à Paris ?
Absolument pas. J’ai pas peur, je me sens très bien. Ce qui m’a choqué, c’est cette opposition qui n’accepte pas la diversité. Je pense que ça les ramène à leur propre sexualité. Réfléchir à ses désirs, à la manière dont on organise sa vie affective, c’est perturbant. Donc il y a des gens qui s’attachent à ce vieux modèle et hurlent contre notre différence. Je suis sûr que beaucoup d’entre eux ont des doutes concernant leur propre modèle. Et c’est normal. Qu’est ce qui fait bander, qu’est ce qui excite, ça nous interpelle tous. C’est plus confortable de se rattacher à un vieil idéal. Soudainement, cette minorité arrive et devient une cible tout en étant menaçante.
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C’est sage d’envisager que ces gens aient douté et de pas te dire que c’est juste des gros cons...
Ça m’inspire plutôt de la pitié à vrai dire. Ça doit pas être facile d’être à leur place. On va vers une déconstruction des rôles figés. Grâce aux féministes, ça a déjà bien évolué. Elles ont mené une sacrée guerre, cassé le rôle archaïque de l’homme et revendiqué celui de la femme. C’est ce que j’espère, qu’on va déconstruire ces identités fixes qui font beaucoup de mal. Même aux hétéros qui doivent soit disant suivre un modèle, alors que chaque personne est plus complexe que l’identité simpliste qu’on lui colle. Donc cette déconstruction est menaçante. Je comprends, oui, c’est menaçant. Et tant mieux. Ici c’est encore Versailles, la vie sociale est codifiée comme à la cour ! J’exagère, mais cette société de classes refoulées est stricte et a peur du changement, de la visibilité : elle craint donc de nous reconnaître. PMA ? GPA ?
La PMA, c’est une histoire d’égalité. Je suis évidemment pour la PMA ouverte aux couples de femmes. La GPA, c’est différent ; au sein des asso LGBT, de la communauté, des féministes, il y a des désaccords et une majorité est contre. Personnellement, étant un mec, je pense comme pour l’IVG, que j’ai rien à dire, c’est une affaire de filles. Les mecs devraient un peu se taire. C’est la réponse masculine la plus sage qui soit !
(Il rit) Dans l’histoire, les hommes ont toujours prétendu savoir ce qu’il fallait pour les femmes, elles doivent en avoir marre ! C’est leur vie. Est-ce que tu as un message pour les Parisiens ?
Un exemple, quand on est en terrasse avec nos pintes, on joue à qui trouvera en premier un passant qui sourit. Et qui n’est pas complètement cinglé ou bourré. Y’en a pas ! Les Parisiens ne sourient pas. Sourire, c’est suspect. Je dis « détendez-vous et riez un peu de tout ce qu’il vous arrive, c’est quand même pas mal, tout ça ». Nuit
Cinéma ® Nicolas George Ω Aïssa dans “L’âge d’homme”
Aïssa Maïga L’écume du cool
Aïssa Maïga, c’est un peu la bonne copine que l’on
On va aussi bientôt te voir à l’affiche de Prêt à tout,
rêve tous d’avoir : souriante, pétillante, brillante.
aux côtés de Max Boublil, qui sortira en septembre
L’actrice/scénariste/réalisatrice illumine L’écume
prochain, tu peux nous en dire plus…
des jours de Gondry et sera bientôt sur les écrans
C’est une comédie romantique et sociale, une vraie belle histoire. Mon personnage était vraiment passionnant à jouer. Le pitch ? Max a fait fortune sur internet et décide avec deux amis de profiter de la vie au soleil. Mais il commence très vite à s’ennuyer et repense, sans arrêt, à son amour de fac, Alice, que j’interprète. C’est une fille pétillante, engagée et pleine d’idéaux… mais qui ne s’est jamais intéressée à lui ! Alors pour la conquérir, il rachète l’usine en faillite dans laquelle elle travaille et se fait alors passer pour un ouvrier sans jamais dévoiler sa fortune. La question, c’est : « vont-ils s’aimer ? »…
(TV) avec le thriller Mortel été et (ciné) avec Prêt à tout. Ton interprétation du rôle d’Alice dans L’écume des jours a été saluée par la critique. C’est la première fois que tu travaillais avec Michel Gondry… Comment s’est passé le tournage avec lui ?
Michel est un réalisateur extraordinaire. C’est un bonheur de tourner avec. On dirait qu’il est multiple, qu’il est « plusieurs à l’intérieur ». C’est quelqu’un qui adore les acteurs. Il nous jauge et partage beaucoup avec nous les rushs et les montages… Il veut sans arrêt avoir notre retour, donc on se sent très impliqué dans la construction du film. Et puis, ce qui est drôle, c’est qu’il travaille dans une sorte de chaos. Avec lui, il faut que ça parte dans tous les sens. C’est un artiste, un vrai !
Et donc ?
Oui… Non… Peut-être… (Rires). Je laisse planer le mystère ! En tout cas, c’est un super personnage, ancré dans la réalité. Je trouve que l’on retrouve dans ce film le climat social actuel.
Dans L’écume des jours, tu retrouves un certain… Romain Duris. Vous ne vous lâchez plus au ciné !
C’est vrai ! Après Les Poupées Russes et L’âge d’homme, on s’est donc retrouvé dans L’écume des jours… Mais bon, il y a un point commun dans les histoires de ces trois films : je suis déçue ou peinée par Romain Duris à chaque fois… Va falloir que ça change ! (rires) 42 —
Tu as également joué dans un polar de Denis Mallevall, Mortel été, bientôt diffusé sur France 2 et pour lequel tu as reçu le prix d’interprétation féminine au Festival du film de télévision de Luchon…
Oui, j’y joue une fille qui rêve de partir, qui veut absolument échapper à sa condition. C’est un projet qui m’a tout de suite intéressée. D’accord, Nuit
je dis que tous les projets m’intéressent, mais j’ai réellement de la chance en ce moment ! Tous les films dans lesquels tu joues sont extrêmement différents les uns des autres… C’est dû à la peur d’être « rangée dans une case » ?
Ce n’est pas une peur… Mais je ne peux que me réjouir de ne pas être coincée dans une case. Au moins je me sens libre. Et en tant que comédienne, ça me permet d’explorer toute une palette de choses. C’est amusant de défendre tant de personnages qui ne se ressemblent pas.
Village, au 86, avenue Parmentier : ils font un Soupou Kandja (recette à base de viande, de crustacés et de riz) à tomber ! Le lundi soir, je vais au Comedy Club pour l’afterwork de Rémy Kolpa Kopoul : il nous offre toujours de belles surprises musicales. Et puis j’aime le côté cool, détendu, à taille humaine, du lieu. J’aime aussi beaucoup la librairie Présence Africaine (au 25 bis, rue des écoles). C’est un espace d’échange autour de la culture africaine, qui propose des revues et des livres géniaux. Est ce que tu te considères comme une vraie Pari-
On te parle encore souvent de ton rôle dans Les Pou-
sienne ?
pées Russes lorsqu’on te reconnait dans la rue ?
Absolument ! Une vraie parisienne dans tous ses contrastes. J’aime le côté « village » de Paris, cette sensation de liberté qui s’en dégage… Et puis il y a tellement de choses accessibles, c’est quand même une chance d’être ici. Ce qui m’a toujours surprise, c’est cette contradiction permanente que nous avons, nous, les Parisiens : on a toujours envie de partir. Mais dès que l’on est loin de la capitale, on n’a qu’un souhait : y revenir et si possible, très vite !
Oui, j’ai l’impression que ce rôle a marqué beaucoup de gens. Surtout les filles trentenaires ! Elles ont dû se reconnaître en moi (rires). Les plus jeunes, par contre, me parlent d’avantage de mon rôle dans Sur la piste du Marsupilami d’Alain Chabat ! Quelles sont tes bonnes adresses à Paris ?
Pour de la bonne cuisine sénégalaise, je vais au 43 —
Nuit
Grrrrr Session #1 L’omnibus 23 mai 2013
© Odilon Corby
trousse de secours Ouvert toute la nuit ! Pharmacies de garde
Épicerie Shell
Chez Tina
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6, boulevard Raspail - 7e
1, rue Lepic - 18e
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≥ 7/7 — 24/24
d≥j jusqu'à 4h30 / v≥s jusqu'à 7h
6, place de Clichy - 9 e
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≥ 01 48 74 65 18
11, boulevard de Clichy - 9 e
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≥ 7/7 — jusqu'à 7h
≥ 01 43 43 19 03
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≥ 01 45 35 17 42
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≥ mardi au dimanche jusqu'à 5h
Relais Fleury
e
≥ 08 92 70 12 38
114, rue Caulaincourt - 18e
Urgences psychiatrie
Resto
Se déplace sur région parisienne
L’Endroit, 67, place du Docteur-
≥ 01 46 06 63 97
≥ 01 40 47 04 47
Félix-Lobligeois 17e 01 42 29 50 00
Carwash
Drogue, alcool, tabac info service
≥ tlj de 11h à 1h, jeudi, vendredi,
Paris Autolavage 7/7 — 24/24
≥ 08 00 23 13 13 / 01 70 23 13 13
samedi de 10h à 5h
Porte de Clichy - 17e
Livraison sextoys
Tabac
Shopping
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Tabac du Châtelet
Virgin Megastore
www.sweet-delivery.fr
4, rue Saint-Denis - 1er
52, av. des Champs-Élysées - 8e
≥ 7/7 — jusqu'à 6h
≥ 7/7 — jusqu'à 3h
≥ jusqu'à minuit
Tabac Saint-Paul
Librairie Boulinier
Livraison alcool + food
127, rue Saint-Antoine - 4e
20, boulevard Saint-Michel - 6 e
Nemo 01 47 03 33 84
≥ 7/7 — jusqu'à minuit
v≥l jusqu'à 00h, m≥j jusqu'à 23h
≥ 7/7 — jusqu'à 6h
Le Pigalle
Faim de Nuit 01 43 44 04 88
22, boulevard de Clichy - 18e
Kiosques à journaux 24/24
≥ 7/7 — jusqu'à 7h
≥ vendredi et samedi jusqu'à 5h
38, av. des Champs-Élysées - 8e
Allô Hector 01 43 07 70 70
16, boulevard de la Madeleine - 8e
≥ 7/7 — jusqu'à 6h
Poste de nuit
2, boulevard Montmartre - 9 e
Apéritissimo 01 48 74 34 66
52, rue du Louvre - 1er M° Louvre-
Place de Clichy - 18e
≥ 7/7 — jusqu'à 4h
Rivoli / Étienne-Marcel
Allô Glaçons
Boulangeries
53, rue de la Harpe - 5e
01 46 75 05 05 ≥ 7/7 — 24/24
Snac Time
≥ 01 44 07 38 89
97, boulevard Saint-Germain - 6 e
20, rue du Fb Saint-Antoine - 12e
Épiceries
≥ 7/7 — 24/24
≥ 01 43 40 03 00
L'Épicerie de nuit
Boulangerie-pâtisserie
Internet 24/24
35, rue Claude-Bernard - 5e
99, avenue de Clichy - 17e
Envoyez-nous vos bons plans
≥ vendredi et samedi jusqu'à 3h30
≥ 7/7 — 24/24
ouverts la nuit : nuit@lebonbon.fr
46 —
Nuit
la playlist du mois Ω LFT
LITTLE FREAKY THINGS
Prince – Darling Nikki (N)
Parce qu’à côté de ça le Dirty Diana de Michael Jackson ressemble à une chanson pour enfants de chœur. Aerosmith – I don’t want to miss a thing
(M)
Pour la beauté de la chanson et des paroles, pour la petite tête triste de Liv quand elle voit partir son mec et son père dans l’espace, pour la conviction que Steven Tyler met dans l’interprétation, on peut vraiment voir qu’il a pas envie de rater un truc… Jay Z & Kanye West – Gotta Have It (Watch The Throne)
(N)
Un des morceaux sous-estimés de leur album, le sample est super bien trouvé et les 2 MC’s sont au top sur ce track Emiliana Torrini – Jungle Drum (Jai Paul Remix)
(M)
Un titre parfait pour marcher dans la rue en se la racontant. L’arrivée des bass est super fatale, on devient tout-puissant. On avait apprécié leur dernier (N)
EP Night Fall/What a Bad Day
Daft Punk – Revolution 909
sorti courant mars. On a donc
On ne mange plus jamais des spaghettis bolognaise de la même façon après avoir vu le clip, un des meilleurs morceaux des Daft !
demandé à Little Freaky Things (side project électro-pop de Donovans et Mai-Lan Chapiron)
Oblivion – Grimes (M)
de nous concocter la sélection
Magique ce titre, je sais que tout le monde le sait déjà mais il fallait que je le mette parce que c’est vraiment mon dernier gros coup de cœur. La mélodie aérienne est super envoûtante et puis cette fille aussi avec ses airs de « je gère en toute innocence ».
du mois.
Jeremih - 773 Love (Cashmere Cat Edit)
(N)
L’original de Jeremih était déjà avant-gardiste, mais là Cashmere Cat, la révélation nordique de 2013, l’emmène faire un petit tour dans l’espace, les étoiles… Janelle Monae – Tightrope (M)
Quand j’ai entendu ça la première fois, j’étais maboule, je l’ai mis 4 fois de suite puis tous les autres jours aussi ! J’adore comme elle fait glisser les mots avec une touche de chic dans la prononciation. Felix Da Housecat feat. P.Diddy – Jack your Body (N)
Morceau qui m’a complètement plongé dans l’electro-clash début 2000, quand deux grands noms de la house et du hip hop se rencontrent, ça ne peut que faire des étincelles ! #NoHipHouseShit !
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Nuit
agenda La sélection de ParisLaNuit.fr Mercredi 05/06 23h Le Petit Social Gratuit
Vendredi 21/06 00h Le Rex Club 12 €
≥ à La Fresh & Soundsoda : Etienne Jaumet / Qos-
≥ Rex Club « 25 Years » : Bpitch
monaut / Bantaam / Marius & Cesar Samedi 22/06 23h La Bellevilloise 18 € Jeudi 06/06
18h
≥ Free Your Funk : DJ Crazy B / Lil’ Mike / DJ Need
Le Wanderlust Gratuit
≥ Soirée Telerama : The Hacker / Monsieur Monsieur / Möggli / 2d Guesser / Télérama Dj crew
(Birdy Nam Nam) 23h30
La Villette Enchantée Gratuit
≥ Splendens Night Samedi 08/06 23h Le Social Club 15 € ≥ Bromance : Brodinski / Kaytranada / Jepordise 00h
Jeudi 27/06 19h30 Le Trabendo 27,50 € ≥ The Virgins
La Machine du Moulin Rouge 15 €
≥ Euphoria : Darius Syrossian / Frank Lorber /
20h
Dorian Paic / Einzelkind
≥ Blind Digital Citizen 23h
Mercredi 12/06
20h
Le Point Ephemere 12 € Le Cabaret Sauvage 21 €
≥ ME. 013 : Minus présente : Gaiser / Barem / Mata-
Le Trabendo 25,30 €
dor / Heartthrob
≥ Palma Violets Jeudi 13/06 23h30 La Machine du Moulin Rouge 15h
Vendredi 28/06 23h Le Cabaret Sauvage 23 €
≥ Minimale Collective #2 : Thomas Schumacher /
≥ Innervisions présente : Dixon, Ame, Marcus Wor-
Claptone / Gordon Shumway / Wid On
gull, Frank Wiedemann featuring Ry 23h
Vendredi 14/06
23h30
≥ A Night With… Klangkarussell & Nils Hoffmann 00h
La Machine du Moulin Rouge 16 €
≥ Chateau Flight / Isolée (Live) / MMM (Live) /
Le Showcase 12 €
Le Rex Club 12 €
Society Of Silence (Live) / Juju & Jordash 23h
≥ Automatik : Dave Clarke et Antony Dupont
Le Social Club 15 €
≥ Aeropop : Aeroplane / Yelle Djs / Guests 00h
Samedi 15/06 23h Le Social Club 15 €
Le Rex Club 12 €
≥ Electromatik : Dusty Kid & Kristofo + Guest
≥ Pacific : John Talabot / Andre Crom / The MekaSamedi 29/06 23h La Machine du Moulin Rouge 15 €
nism / Dactylo
≥ Flash Cocotte : Ssion (live) / Scratch Massive / Mercredi 19/06 20h La Bellevilloise 25 €
Owlle (live)
≥ Danny Brown
23h
Le Cabaret Sauvage 23 €
≥ ME. 013 : Tim Sweeney / Paradis / Superpitcher / Jeudi 20/06 19h30 Le Nouveau Casino
John Roberts
≥ Micky Green
23h30
19h30
Chloé / Jennifer Cardini / Roxxxan
≥ Gold Panda / Luke Abbott
23h30
Vendredi 21/06
23h
La Gaité Lyrique TBA
≥ Nuit De La Gaîté / Gouine Comme Un Camion :
Le Trabendo 19,80 €
Le Showcase 12 €
≥ A Night With… Trentemoller
Le Social Club 15 €
≥ Pelican Fly : Cashmere Cat / Dj Slow / Samename Envoyez votre prog à : jessica@parislanuit.fr
/ Richelle & Guests
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Nuit