Le Bonbon Nuit 41

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Avril 2014 - n째 41 - lebonbon.fr


le bonbon prĂŠsente

vendredi 2 mai le10â‚Źdivan du monde sur digitick / 15â‚Ź sur place


édito Avril 2014

© Jacob Khrist

Finalement, ma vie n’était qu’un long et lent mouvement vers la désillusion la plus totale… Tout cela avait commencé avec cette histoire de père Noël quand j’étais gosse, puis s’était poursuivi un peu plus tard lorsque j’avais appris que Georges Michael, mon modèle de virilité, aimait se prendre des zgegs dans le cul. Ado, je me mis à croire très fort à la politique, pensant qu’il était vraiment possible de changer le monde par la révolution. Je ne cessais de tenir des discours d’extrêmegôche, mais je me rendis vite compte que la plupart des révolutionnaires n’étaient que des nombrilistes qui se foutaient royalement du grand soir. Je voulus alors devenir capitaliste et faire du fric, mais je n’étais réellement pas doué pour ça. Me restait la religion, elle m’anesthésia le cerveau et calma un certain temps ma peur de la mort, jusqu’au jour où je m’aperçus qu’il ne s’agissait que de dangereuses fables pour enfants. L’amour, voilà la seule chose au monde à laquelle je pouvais me rattacher. Pas de bol, le divorce des Guetta me prouva récemment qu’il n’était pas éternel, et que ce concept sirupeux n’avait en définitive pas plus d’importance que mon compte en banque constamment vide, que les papiers administratifs que j’envoyais toujours en retard ou que mon permis de conduire que je ne passerai jamais. Rien, je ne croyais plus en rien. Et bizarrement, les épaules déchargées de tous ces poids morts, je me sentis envahi d’une immense liberté. Un léger courant d’air frais circula entre mes deux oreilles. J’étais dans la condition optimale pour sortir boire une bière. MPK Rédacteur en chef

Rédacteur en chef — Michaël Pécot-Kleiner michael@lebonbon.fr | Directeur artistique — Tom Gordonovitch tom@lebonbon.fr Directeur de la publication — Jacques de la Chaise | Photo couverture — Amanda Lear par Jacob Khrist Secrétaires de rédaction — Louis Haeffner & Justine Knapp | Régie publicitaire — regiepub@lebonbon.fr 06 33 54 65 95 Contactez-nous — nuit@lebonbon.fr | Siret — 510 580 301 00032 | Siège social — 12, rue Lamartine Paris 9e 1—

Nuit



sommaire Le Bonbon Nuit

Amanda Lear

p. 7

les nuits de

Jennifer Cardini

p. 11

nightivisme

Romain Play

p. 15

Y’a quoi au ciné ?

p. 18

Musique Post Bourgeoise

p. 21

wtfbelleville

p. 24

Motifs plus que valables

p. 27

Raph Breuil

p. 31

métier de l’ombre

Ange-gardien de nuit

p. 35

expo

2 semaines à 180 bpm

p. 37

Donia Eden

p. 39

Vodka-Redbull

p. 43

Bonbon party

p. 45

playlist

Pierre Wax

p. 47

agenda

Parislanuit.fr

p. 48

à la une

cinéma musique tumblr expo gonzo

télévision cocktail snapshots

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agenda Les événements à ne pas manquer

Le Tresor s’installe à la Machine Fondé durant l’intense période de décadence qui suivit la chute du mur, le Tresor a, depuis 1991, été le lieu où trouver les expressions les plus pures des nouvelles formes de musiques électroniques à Berlin. Ce club mythique emmènera dans ses valises 4 Dj’s de haut calibre : Moritz Von Oswald, James Ruskin, DJ Deep et Marcelus. Vendredi 11 avril à la Machine du Moulin Rouge

House Of Moda garçon manqué House of Moda, c’est la soirée qui réveille la diva qui sommeille en chacun(e) de nous. D’habitude franchement efféminée, elle prend cette fois le problème à l’envers en se déclarant « garçon manqué ». Un hommage au masculin, au viril, au butch. Pour l’occasion, David Shaw et Clara 3000 seront invités. Samedi 26 avril à la Java

Ann Clark en concert Avec plus de trente ans d’expérience, Anne Clark est une artiste incontournable et une poète inclassable de la scène new wave des 80’s. Pour ce concert, elle sera accompagnée des sonorités dancefloor de herrB. Le live présentera aussi un impressionnant show visuel créé par le light designer Rick Kay. Dimanche 13 avril au Batofar

Barbi(e)turix, la culture lesbienne s’exhibe À mi-chemin entre la scène gay et le milieu féministe, la culture lesbienne s’est trop longtemps agitée en secret. Minorité dans la minorité, elle s’est construite DR/ DR/ DR/ DR

en marge mais se compose aujourd’hui d’un véritable réseau d’artistes de plus en plus influentes. Affiches, flyers, illustrations mais aussi photos et vidéos dérouleront le film d’un Paris lesbien insoumis. Du vendredi 11 au 27 avril. Point FMR 5—

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à la une T/ MPK P/ Alix Malka - Boomlover

Amanda Lear “Il ne faut pas coucher pour y arriver, il vaut mieux y arriver pour coucher.” Est-ce que tu connais vraiment Amanda Lear ? Je ne

Brian Jones, Salvator Dalí…) Parmi ces hommes,

te parle pas de l’Amanda Lear des Grosses Têtes, ou

lequel était le plus fêtard ?

des plateaux de télé berluscosniens, non, je te parle

Je pense que Brian Jones était le pire, il traînait tout le temps au Speak Easy, il se droguait beaucoup, il perdait la notion du jour et de la nuit, il se réveillait au milieu de la nuit en demandant où il était…

de l’Amanda Lear égérie de Dalí, amante de Bowie, de Jagger, de Brian Ferry, de celle qui fut la discoqueen du Palace et du Studio 54, de celle qui s’en mit plein le porte-pipe alors que t’étais pas né. Ça te dit quelque chose ? Non ? Lis cette interview.

Le plus couche-tôt ? Amanda Lear, quelle a été la nuit la plus folle de votre vie ?

J’ai des bribes de souvenirs d’une soirée complètement dingue où je me suis retrouvée dans un hôtel avec Sammy Davis Jr. qui fumait plein de pétards. Je ne me rappelle pas de tout car je pense sincèrement qu’on m’avait servi un Mickey Finn…

Je pense que Brian Ferry était assez équilibré par rapport à David Bowie ou à Mick Jagger… Brian Ferry aimait la peinture, les beaux-arts, la culture, le cinéma. Il avait une jolie maison. Il était vraiment plus sérieux que les autres. Pour revenir sur Brian Jones, est-il vrai que par amour, vous vous êtes faite arrêter en possession

Un Mickey Finn ?

d’amphétamines à Londres ?

Un Mickey Finn, c’était un peu l’équivalent du GHB d’aujourd’hui. C’était le terme pour désigner une boisson alcoolisée dans laquelle des gens mettaient de la drogue à votre insu. Bref, j’ai complètement perdu les pédales et on m’a retrouvée au petit matin à l’Hilton de Londres avec toute une bande de freaks. Quand j’y pense aujourd’hui, je me dis qu’à l’époque, je n’avais peur de rien.

Oui, comme il n’avait pas de sac à main, je trimballais dans le mien ses amphétamines. Un jour, on se fait arrêter par les flics, et lui, vu qu’il avait déjà des antécédents avec la police, il m’a demandé de leur dire que c’était les miennes. Je me suis donc retrouvée en garde à vue. J’ai fini par leur expliquer que comme j’étais mannequin, le docteur m’avait prescrit des amphétamines comme coupe-faim pour maigrir. Ça ne les a pas convaincus, et j’ai fini au tribunal. À cause de cette histoire, j’ai été interdite chez Castel pendant un bon bout de temps.

On aime souvent vous questionner sur vos célèbres et nombreux amants (David Bowie, Brian Ferry, 7—

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Amanda Lear

“Au début des années 80, le Sida n’était encore qu’une rumeur, et on pouvait se faire tirer dans les chiottes sans arrièrepensées.”

Évidemment, vous n’échapperez pas à une question sur Dalí. Est-il vrai qu’il n’avait recours à aucune substance pour créer ses « hallucinations » picturales ?

C’est vrai que Salvador ne prenait pas de drogue, il était même complètement contre. Il aimait beaucoup l’idée du L.S.D, en raison de tous les drogués qui venaient lui raconter leurs visions. Ça l’intriguait beaucoup. Dans sa jeunesse, il picolait un petit peu, jusqu’au jour où il est tombé raide par terre. Le docteur lui a ensuite interdit formellement de boire de l’alcool pour le restant de ses jours. Est-il vrai qu’il dégustait de l’eau comme le meilleur des vins ?

Oui, quand il buvait de l’eau minérale, à chacune de ses gorgées, il regardait en l’air et disait qu’il voyait aussi des arc-en-ciels, des chérubins qui volent partout, des papillons. Il me disait qu’on n’avait pas besoin de la drogue pour avoir des visions. À cette époque, on ne s’en rendait pas compte avec mes amis, car on était dépendants aux substances. J’ai compris ce qu’il disait bien plus tard. Vous dites souvent que vous êtes quelque peu frustrée d’avoir été trop étiquetée « disco », bien que vous ayez vendu des millions d’albums, et que certains de vos morceaux soient devenus mythiques (Tomorrow, Queen Of China Town, Follow Me, etc…) Pourquoi d’après vous y a-t-il eu cette adéquation entre ce style musical, votre personnalité et le public ?

J’étais blonde, j’étais mannequin, j’étais mignonne, plutôt mince, mais ça ne suffisait pas. Donc j’ai voulu complètement me modeler sur les bandes dessinées de l’époque. À la fin des années 70, il y avait Barbarella, Pravda la surviveuse, Vampirella. Toutes ces filles incroyables, sexy, en bottes, c’étaient les superwomen d’aujourd’hui. J’ai voulu m’inspirer d’elles, et plus particulièrement d’Octo8—

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Amanda Lear

bria, une super-héroïne russe, du coup j’ai fait une série de photos avec une kalachnikov à la main, et ça a créé un personnage très agressif. Ça n’avait rien à voir avec les chanteuses de l’époque, avec les Nana Mouskouri, les Vartan… c’était des chanteuses rassurantes. Moi, je voulais être le contraire, être dérangeante. C’est ce côté-là qui a accroché dès le départ, ce n’est pas ma musique. Après, on m’a beaucoup identifiée aux soirées sado-maso, aux orgies sexuelles, j’étais un porte-manteaux pour les fantasmes homos et hétéros. Grâce à ça, mes disques passaient à la radio. Cela explique en partie les raisons de mon succès. Vous avez des nouvelles d’Anthony Monn ?

Je ne sais pas ce qu’il est devenu. Après moi, je sais qu’il a travaillé avec d’autres groupes, mais c’est vrai que grâce à lui, on a vendu des millions de disques. C’est lui qui a écrit Follow Me, c’est lui qui a écrit la plupart de mes titres, moi je n’écrivais que les paroles. C’était vraiment un producteur différent des autres. On était à une période disco, très boum-boum. Lui, il a eu le premier l’idée de faire au synthé des nappes de violon, des harmonies, des envolées. C’était différent de la disco allemande habituelle.

Vous venez de sortir My Happiness, un album de reprise des chanson d’Elvis à la sauce Amanda Lear. Offrirez-vous un exemplaire à Dick Rivers, qui est également un grand fan du King ?

Oui… Je connais bien Dick, j’ai tourné un film avec lui au Portugal il y a 3 ans. Il jouait un fantôme, on a joué une scène rigolote où il me pinçait les fesses. Quel conseil donneriez vous à un jeune qui aimerait percer dans le show-biz ?

Il ne faut pas coucher pour y arriver, il vaut mieux y arriver pour coucher. Éviter à tout prix les téléréalités, ça ne mène nulle part. C’est un métier où il y a 10 000 déceptions, on en prend plein la gueule, il y a des humiliations, des refus… Il faut vraiment se blinder. En plus, aujourd’hui, les choses ont beaucoup changé, si l’on fait un single qui ne marche pas, on passe à la trappe. Les choses sont plus dures qu’à l’époque où j’ai débuté. Il vaut mieux toujours se garder une porte de sortie, un vrai métier, comme repeindre les plafonds ou faire des hamburgers. Ça peut toujours servir au cas où. Et pour se faire connaître dans les médias ?

La provoc’, c’est imparable.

Jeune, Rocco Siffredi se masturbait sur vos pas-

Pour conclure, Amanda, la nuit, c’était mieux avant ?

sages télévisuels en Italie. Les hommes-objets, c’est

Je trouve que la nuit a beaucoup changé. Au début des années 80, le sida n’était encore qu’une rumeur, et on pouvait se faire tirer dans les chiottes sans arrière-pensées. Les gens ont plus peur de se lâcher, je les comprends, mais je trouve ça dommage. Je ne suis pas sûre qu’on s’amuse autant qu’il y a une trentaine d’années.

votre truc je crois, non ?

C’est ce qu’il m’a dit en effet, qu’il se tirait sur la nouille en me regardant à la télé. Après, en ce qui concerne les hommes, je dissocie totalement le sexe du sentiment. L’idéal, pour le sexe, c’est en effet ce genre d’hommes. On n’est pas amoureux, on ne va pas se tenir la main en regardant un coucher de soleil, non, on est là pour s’envoyer en l’air, point barre. Plus il y a de bestialité, de cul, mieux c’est.

Amanda Lear — My Happiness (Boomlover/Universal Music)

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les nuits de T/ Philippe Buvard P/ Jacob Khrist

Jennifer Cardini “Les backstages, ça installe un côté V.I.P tout pourri.” Ouais, je crois bien qu’on pourrait dire que Jennifer Cardini rentre réellement dans l’âge de raison. Depuis plus de 2 ans déjà, celle que l’on a connue comme une figure de proue du Pulp gère d’une main de maître Correspondant, son label à la ligne édito exigeante et prescriptrice. Pour preuve, la sortie de sa deuxième compilation, la bien nommée Correspondant 2 vous malaxera la cervelle avec des inédits de Red Axes, Geoffroy Mugwump, DC Salas, Javi

s’appelait les Limelight Party, il y avait des espèces de shows gothiques avec des mecs et des meufs à moitié à poils. Truc de l’époque quoi, tu vois. Ça se passait au Studio Circus à Cannes, plus exactement. Il y avait les soirées Pyramides aussi qui étaient importées de Londres, c’était plus en mode voguing, avec des battles, des sifflets, tout ça. Finalement, ma découverte de la nuit a été assez « colorée ». C’était pas glauque du tout.

Redondo ou Andre Braten… Bon, c’est bien beau tout ça, mais au fait, à quoi ça ressemble les nuits de

On aimerait que tu nous racontes en détail la der-

quelqu’un qui est entré dans l’âge de raison, hein ?

nière fois que tu es rentrée à quatre pattes chez toi. C’était où, quand, comment ?

Jennifer, comment as-tu découvert la nuit ?

J’ai eu des parents qui m’ont eue très jeunes, j’ai 19 ans d’écart avec ma mère. Eux, quand j’étais gosse, sortaient beaucoup. Je pense que ça m’a un peu influencée de voir ma mère se préparer le soir, des fois ils rentraient le matin à 6 heures, ils disaient à la baby-sitter de partir et ils m’amenaient à l’école. Ils étaient pas très frais les pauvres (rires). La première sensation de « il se passe quelque chose la nuit », ça a été à travers mes parents, ils aimaient vraiment bien faire la teuf. Après, j’ai découvert personnellement la nuit vers 16/17 ans, quand j’ai commencé à aller en rave. Donc ta jeunesse = rave.

Ouais, c’était des raves un peu S.M, à Cannes, ça 11 —

En général, les fois où je suis rentrée à quatre pattes, j’étais seule, parce que je ne pense pas que quelqu’un ait eu envie de rentrer avec moi quand j’étais dans cet état-là. La dernière fois, c’était à Paris, et c’était la dernière fois où j’ai bu, c’est à dire il y a 3 ans maintenant. J’étais seule, je me suis levée et je me suis dit : « Tiens, je vais arrêter de boire. » Tu peux me parler de ce choix ?

J’en ai bien profité, je me suis bien amusée, et je sais pas, j’avais envie de passer à autre chose. J’ai un pote aussi qui m’a dit un truc très juste : « Être junkie à 17 ans, c’est sexy, l’être à 40, c’est un peu plus triste. » Donc voilà, faire le label, faire de la musique, c’est pas compatible avec le fait de se Nuit


Jennifer Cardini

mettre la gueule en quatre tous les week-ends. Ça ne marche pas. Je le sais, sinon j’aurais produit plus de choses.

Le morceau de la compilation qui est le plus nocturne ?

Non, non, je n’ai aucun regret. J’en ai eu surtout marre, quand tu déconnectes de toi-même, tu te déconnectes de la musique. J’avais envie d’autre chose, c’est tout. En même temps, plus jeune, je n’ai pas fait les choses à moitié, hein ! (rires)

J’ai envie de te répondre Insight, de Javi Redondo. Peut-être parce qu’il est à la fois mental et physique. Il y a cette espèce de lourdeur dramatique dans le bon sens du terme. En plus, je le trouve très sexy ce morceau, et la nuit, c’est censé être sexy, ça gomme un peu les défauts de tout le monde. Jusqu’à une certaine heure. À partir de quatre heures, les défauts gommés refont souvent surface selon le degré d’alcoolémie.

Inutile alors de te demander qui est ton meilleur ami

Quel est l’artiste le plus fêtard du label ?

barman…

Tu sais, ils sont tous très jeunes, ils sont tous pleins de vie. La dernière fois, j’ai joué à Madrid avec deux d’entre eux, Carenno et Javi, et j’y ai fait mon premier after depuis 5 ans. Bon, je ne suis pas restée longtemps parce que je trouve ça toujours aussi glauque. Non, mais ils sont petits, ils ne savent pas s’arrêter… En même temps, moi, quand on me donnait des limites, ma seule envie, c’était de complètement les exploser.

Tu as l’impression d’avoir perdu du temps à cause de ça ?

Exact. Mon meilleur ami barman à l’époque, c’était Rémy (actuel D.A du RexClub, ndlr). Mais maintenant, c’est mon meilleur ami D.A. Je traîne pas trop dans les bars en fait, je n’ai jamais été très bar. Ça dépend de l’heure, j’aime pas aller dans les bars avant une grosse soirée. Y’a déjà de la musique, donc ça me fatigue, et après j’ai plus envie de sortir. Je ne dois pas être la seule dans ce cas-là je pense.

Pour finir un peu de pub. À part le Rex, tu me donnes Es-tu une adepte des backstages ?

tes adresses préférées à Paris ?

Non. Plus ça va, et plus j’aime être avec les gens, dans la soirée. Par exemple, au Rex, j’aime pas aller dans les backstages, je préfère être au bar, ça m’ennuie pas qu’on vienne me parler. Pour être honnête, vu que je suis 100% clean, les backstages pour moi, ça n’a plus vraiment d’intérêt. En plus, c’est un peu comme les afters, les conversations sont toujours un peu les mêmes. Tu vois, au Panorama Bar, il n’y a pas de backstages… En fait, pour te dire la vérité, je suis contre les backstages, je pense vraiment que ça ne sert à rien. Si tu dois te changer, te maquiller, ok, mais sinon, non. À la base, la musique électronique, c’était quelque chose de très ouvert, avec plein de gens d’origines différentes, de sexualités différentes, qui se retrouvaient et qui dansaient ensemble, et je trouve que les backstages, ça installe un côté V.I.P tout pourri.

J’aime bien aller manger au Chateaubriand… Tiens, on m’a dit que la Java c’était cool aussi.

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Ah oui, la Java, c’est un vrai bon club beau-dégueulasse…

Ça ressemble un peu au Pulp, non ? Ben du coup, je vais dire la Java, je n’y suis pas encore allée, mais ça excite ma curiosité cet endroit.

Jennifer Cardini — Correspondant Compilation #2

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nightivisme T/ MPK P/ Brano Gilan & Olivier Bizard

Romain Play “Les gens qui parlent énormément, qui ne t’écoutent pas, qui ne s’écoutent pas, y’en a beaucoup trop.” On va pas se mentir : la nuit, c’est un beau milieu de langues de pute, et c’est quand même vachement rare qu’un mec impose un consensus positif sur son nom, son comportement ou sa manière de mixer. Eh bien cet exploit, Romain Play est tranquillement en train de le réaliser. Si vous ne le croisez pas lors de ses nombreux sets dans les clubs de la capitale, vous pourrez éventuellement chiller dans son camion-bazar, mini « camp de gitans » festif avec lequel il essaime (en compagnie de Benedetta, sa chérie) les teufs et les festoches. On l’a rencontré un lundi, il avait un peu la tête dans

vie commune, je me suis pris cette rupture dans la gueule et c’est moi qui ai morflé. J’habitais à une heure de Paris en pleine cambrousse, il ne me restait plus rien, à part ma musique. Du coup, je me suis dit : « Monte à Paris, on verra bien ce qui se passe. » Je suis arrivé dans un magasin de disques qui s’appelait My Electro Kitchen et qui était tenu par Éric Labbé. Le soir-même il m’amenait dans un club, puis dans un after. J’ai finalement fini en collocation avec lui. Il m’a beaucoup boosté, 2 mois après, je mixais pour la première fois de ma vie au Rex.

le cul, mais était assez frais pour répondre à nos questions. Extrait.

Les bars, est-ce que tu penses que c’est une bonne école pour mixer ?

Hello Romain, ton dernier set, c’était où, quand, comment ? (l’interview s’est déroulée le 17 mars)

Dernier set, c’était hier à la Féline. Avec Benedetta, ma compagne, on y a une petite résidence où l’on met du rock en mode sélector. C’était rempli à ras bord, et on a fini à poil, comme d’habitude.

Carrément. Moi qui mixe un peu de tout, du rock’n’roll en passant par la techno, les bars sont géniaux pour ça. Il n’y a pas de prise de tête, pas de pression avec les cachets, tu peux complètement te lâcher. C’est aussi un très bon exercice pour apprendre à lire le public. Qui sont tes vrais potes dans le milieu ?

Ça va faire un sacré bout de temps que tu es dans la musique. Par contre, tu mixes professionnellement depuis seulement 6 ans. Ce choix de te lancer dans le Djing, c’est venu après une rupture amoureuse, c’est bien cela ?

Ouais, ouais, complètement ; après 20 ans de 15 —

Tous les gens du collectif Otto 10, la clique du Zéro Zéro, les R.E.R, qui sont aussi des anciens du Zéro Zéro qui viennent de monter leur label, l’équipe de Zack Ryan, les amis de Micro-Climat, avec qui on organise des open air aux bois de Vincennes. Nuit


Romain Play

Tu es connu pour ton éclectisme, tu passes sans

Ce qui fait aussi ton originalité, c’est ton camion-

souci d’un genre musical à l’autre. Comment pré-

bazar, une idée un peu ouf entre le camion de

pares-tu tes sets et comment leur donnes-tu une

manouche et la disco mobile. Tu peux en toucher

cohérence ?

un mot à nos lecteurs ?

Avant chacun de mes sets, je prends une journée de préparation où je classe mes disques en fonction des styles, et non en fonction d’une playlist. Par exemple, j’ai une catégorie où il n’y a que des sons, des bruits, je me sers beaucoup de ça pour faire des transitions, pour passer d’un style à un autre. Avec cette technique, ma config’ préférée, c’est de jouer avec 3 platines. Ça me permet d’improviser au maximum.

Le camion bazar, c’est une idée qui vient de Benedetta et de moi. C’est une scène chill out qui se trimballe dans les festivals ou dans les teufs, et c’est aussi une aire de jeu. Cette année, on a décidé que ce serait encore plus fouilli que l’année dernière, et on s’axera encore plus sur l’animation et les jeux. C’est vraiment un « chill out up ».

Les labels que tu affectionnes particulièrement ?

Là-dessus, je suis complètement naze, je ne sais pas le nom de ce que je joue (rires). Je repère les disques par rapport à leurs pochettes, et non par rapport à leurs noms. Bon allez, je peux quand même te citer des grands classiques comme Crosstown Rebels, Kompakt…

C’est quoi comme style de jeux ?

Des conneries : la roue de la Fortune où tu gagnes des prix à la con, des courses de poneys gonflables… Vous vendez aussi des sacs en cuir dedans, c’est bien ça ?

Oui, mon père m’a appris le métier de maroquinier, j’ai même une marque, And The Konfetti.

Chez qui tu te fournis, de préférence en vinyles ?

Tu pourrais aussi y vendre de la drogue tu crois un

DDD (Dealer De Disques, ndlr), y’a pas mal de raretés. Techno Import et Synchrophone. Sur internet, c’est pas trop ma came, je suis Dj, on me file que du cash, donc c’est pas évident pour payer en ligne.

jour ?

Quel style musical ne passeras-tu jamais ?

Du gabber. Et encore. Ralenti sur de la house, ça peut être drôle.

Non, mais on vend des shots aphrodisiaques. Qu’est-ce qui sent le caca la nuit ?

La cocaïne. Les gens qui parlent énormément, qui ne t’écoutent pas, qui ne s’écoutent pas, y’en a beaucoup trop. Les gros clubs ultra-chers à Paris, ça sent aussi le caca. Ivan Smagghe, qu’on interviewait le mois dernier,

Ta botte secrète quand un dancefloor se vide ?

nous disait en gros qu’il y avait 2 styles de Dj’s. Ceux

Je prends mes « break-jokers », je fais des breaks avec des sons pourris, où alors je laisse un blanc total, je repars sur des bruits, et ensuite, je mets complètement autre chose comme des vieux morceaux 80’s, ou un bon vieux tube pour remettre un peu de gaieté là-dedans.

qui le font pour la teuf et la nuit, et ceux qui font ça plus pour la musique. Tu te situes comment làdedans ?

Je prends les deux à fond. Le camion-bazar sera le 27 avril à la Cocobeach Party (se renseigner sur FB, Cocobeach Party)

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Cinéma T/ Pierig Leray P/ DR

Y’a quoi au ciné ? 1 mois, 4 films, 4 avis.

La crème de la crème de Kim Chapiron – Sortie le 2 avril -

Le problème ? On ne les a pas vus.

Avec Sheitan, Kim Chapiron avait touché juste, violence perverse et amateurisme radical pour un message contemporain. Là, il nous étale la débilité vomitive des péteux sans cervelle des écoles de commerce pour nous sortir la bonne vieille rengaine de l’ultralibéralisme méchant et pernicieux. Chapiron se plante, à vouloir trop coller à sa génération, il dépeint des malaises futiles et ringards.

Critiques abusives et totalement infondées

des

meilleurs/pires

films du mois.

Noé de Darren Aronofsky – Sortie le 9 avril –

Mais aussi :

Son message dépasse toujours l’image, en apparence, d’un blockbuster couillu à la sauce biblique. Aronofsky nous offre une peinture brutale, codifiée par ses dessins (sa BD avant d’être son film), d’une humanité perdue, isolée, et terriblement orgueilleuse. On le préfère minimaliste (Pi, The Wrestler), mais les versions oscarisables (comprendre spectacle + sentimentalisme) de ses névroses passées tiennent encore la route (Black Swan). Et ce Noé ne déroge pas à la règle.

Salaud, on t’aime de C. Lelouche le 2 avril,

si y’a bien un mec à enterrer vivant, sous les planches boisées de Deauville, c’est Lelouche (0/5), Apprenti

gigolo de J. Turturro le 9 avril,

Woody Allen en pute, ça donne envie (3/5), Need for speed de S. Waugh le 16 avril, le navet du mois, pour routier en quête de sensations (à lire avec un cheveu sur la langue) (1/5) et 3x3D de JL. Godard, P. Greenway, E. Pera le 30 avril, j’en sais rien, Godard qui fait de la 3D ça fait (dé)bander (?/5).

Tom à la ferme de Xavier Dolan – Sortie le 16 avril –

Allez Xavier, balance nous ta bande-son branchée qui fout des frissons, filme des gens beaux qui dansent au ralenti, sois drôle avec ton humour à accent insoutenable, crée des effets visuels de Parkinsonien sous LSD, et surtout, titre l’ensemble d’un « Tom à la ferme » bien ringard mais tellement moustachu, vraie valeur, bouse de vache quoi. Insupportable Dolan, l’évolution d’une Sofia Coppola du vide. Une rencontre de Lisa Azuelos – Sortie le 23 avril –

Ah, notre film « français » du mois. Le titre accrocheur, comme ça, « une rencontre »… suspense, idéologie amoureuse et rapport de force. Cette affiche criarde qui éblouit les colonnes Morris, un baiser volé qui décrit la passion d’un couple qui se dévore. Et un duo, quel duo ! Marceau-Cluzet, ça passe crème sur le divan rouge de Drucker, le plateau vérolé d’Arthur, la chaise Ikea-Damidot d’Ardisson. 18 —

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musique T/ MPK P/ Pierre de Belgique

Musique Post Bourgeoise “Nous sommes des dissidents parisiens.” Prends tes jambes à ton cou et fuis le plus loin

Oui Constantin, avec ton look de Karl Marx, c’est

possible. Fuis les habitudes, fuis le quotidien, fuis

quoi ton rôle ?

l’absurdité du réel. Fuis. Fuis. Fuis. Fuir, ce n’est pas

Constantin Leu : Je récuse toute accusation formelle ou non de « sosisme », et je préfère être apparenté à Bakounine qu’à Marx. Sinon, je sors de l’église où j’étais tout à l’heure. Pour mon rôle, je viens après les textes d’Olivier et la musique, je m’inspire de tout cela et j’essaye de trouver une issue par le geste. Je fais donc de la performance, je me situe entre la danse et la sculpture.

battre en retraite : fuir, c’est faire fuir les anciens tuyaux pour conquérir un nouvel ailleurs. Fuir, c’est également pousser un cri. Le même genre de cri poussé par les 12 titres électro-poétisés de L’obstacle, le dernier album du trio parisien Musique Post Bourgeoise. Du coup, on s’est tapé un petit entretien haut perché avec Olivier Urman et Constantin Leu, les deux tiers du groupe.

Si je vous dis qu’il y a chez vous un côté Léo Ferret Musique Post Bourgeoise, vous sortez d’où ?

sous amphet’, vous le prenez comment ?

Oliver Urman : Attends 10 minutes. Elle est trop générale ta question. On sort de la rue, j’en sais rien moi.

O. : Léo Ferret, j’ai vraiment dégueulé dessus pendant très longtemps. Il démarre de très loin, avec ses chansons réalistes d’après-guerre très chiantes. Il a continué son évolution, et à la fin c’est vrai que c’est l’un des plus punks des chanteurs français. Quand il chante Les anarchistes, a cappella, c’est extraordinaire. Oui, si tu veux, on accepte la filiation même si elle n’est pas évidente.

Euh, juste une présentation succincte.

O. : Ouais, je suis plasticien et je me suis fait vraiment moi-même, je continue de chercher. Ça fait plus de 20 ans qu’on se connaît tous les trois. Et c’est depuis 2005 qu’on fait des actions ensemble. Notre première date, c’était chez Maxim’s, le 26 mai 2005. Et le groupe a été fondé 8 jours avant.

Chacune de vos chansons pourrait être vécue comme une mini-nouvelle dans laquelle le narrateur expérimente la folie, l’hybris. Pourquoi ce tropisme

Qui fait quoi ?

vers les marges de la pensée ?

O. : J’écris les paroles, les musiques je les fais avec Vincent Robischung, c’est vraiment un travail de collaboration. Et Constantin…

O. : Toutes ces chansons mettent en scène des fuites face au monde, et la recherche de solution dans un ailleurs. Par « fuite », il faut comprendre

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Musique Post Bourgeoise

“Si je dois vraiment donner une origine à mes textes, ça vient des sketchs sur Rire et Chansons.”

le terme tel que le définit Laborit dans son bouquin justement nommé Éloge de la fuite : fuir est un élément positif, c’est un comportement qui ne consiste pas à fuir parce que l’on a peur, mais parce que l’on va ailleurs chercher quelque chose d’autre. Qu’on ne s’y trompe pas, votre musique, malgré son imagerie, n’a rien de politique. J’ai plutôt l’impression que votre discours est une critique du sens commun, presque une remise en question lewiscarollienne de la logique du quotidien…

O. : C’est marrant parce que je n’ai pas l’impression que ce soit ça. Le narrateur ne s’en prend pas au monde, il n’est pas en train de dire que le monde est idiot ou bête. Il essaye simplement d’exister dedans. Et dans cette fuite, il va trouver l’endroit où il existe. Cela n’a pas grand chose à voir avec l’Alice au Pays des Merveilles de Lewis Caroll. Le personnage qui au départ nous a sans doute le plus rassemblés, et auquel je trouvais que Constantin ressemblait étonnamment, c’est Ignatus Reilly dans La Conjuration des Imbéciles. C. : C’est une ressemblance que j’ai toujours déniée, même si j’ai une admiration pour la grandiloquence donquichotesque de ce personnage de fiction. Ignatus Reilly, c’est le combat jusqu’auboutiste de l’absurde. L’association des mots « musique » et « postbourgeoise » sonne comme un manifeste intellectuello-esthétique. Au-delà de la probable blague, que mettez-vous derrière le mot « bourgeois » et que signifie se situer dans le « post », l’après ?

C. : Pour nom, la notion de bourgeoisie ne va pas sans quelque chose qui est figé, qui s’expose en vitrine. Le « post » signifierait donc le mouvement permanent. O. : Le sentiment que j’ai, c’est que l’on consomme tout. Tout ce qu’on fait, on le consomme puis on le range. On va comme ça, créer des épaisseurs, et on va ranger notre vie dans notre mémoire. Ce sen22 —

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Musique Post Bourgeoise

timent m’a quelques fois donné la nausée, comme si j’avais trop bouffé, rassasié, et c’est étouffant. Quand on va prendre un café pour la 3000ème fois, ce café me tue. Il en arrive à me tuer parce que c’est toujours le même café, c’est pas un café, c’est un café qui fait 3000 fois la quantité de café que j’ai bue. Donc rapidement, tout devient bourgeois dans la mesure où tout va être un acte de consommation, et à l’image du café, tout finit par se répéter. Le « post », c’est sortir de soi-même, sortir de cet acte permanent de consommation, d’assimilation où l’on range. « Post » est une sortie.

O. : Certainement pas l’esprit de Paris, parce que c’est une ville que je trouve très très triste. Y’a peu d’audace, tout le monde est tétanisé. C’est sans doute ce sentiment d’étouffement bourgeois qui permet notre musique. C. : Mon sentiment de révolte, il vient surtout quand je suis obligé de consommer. Moi, c’est le supermarket qui me rend fou, je suis obligé de trouver une échappatoire. La plupart du temps, je m’échappe joyeusement, mais des fois ça confine à la dépression.

Vous faites de la chanson à textes. Ils sont d’ail-

Vous êtes dans des postures de combat, quoi…

leurs pour la plupart très réussis. Il y a des écrivains

C. : Mais le combat, c’est positif ! O. : Ça s’appelle de la dissidence, on fait de la dissidence quand on est à l’intérieur. Nous sommes des dissidents parisiens. C. : Nous sommes comme dans la Rome de Marinetti de 1909. Je dis bien de 1909, avec son manifeste futuriste.

que vous pourriez convoquer dans la liste de vos influences littéraires ?

O. : Chansons à textes et à gestes, c’est important de le préciser. Pour les influences, je dirais que ça ne vient pas de la littérature. J’aurais pu dire des noms mais en fait ça ne vient vraiment pas de là. Pour moi, c’est une extension de mon domaine plastique, je sculpte avec des mots. Si je dois vraiment donner une origine à mes textes, ça vient des sketchs sur Rire et Chansons. J’écoute des sketchs sur cette radio, et je me marre, et je me dis que c’est extraordinaire que des mecs associent des mots et que je me marre. Il y a quelque chose de formidable là-dedans. Voilà, je ne me sens pas inspiré par les écrivains, et je suis un très mauvais lecteur, car je suis vite étouffé par la lecture. C. : Moi, j’ai envie de citer Pif Gadget. Une image de cet illustré sublime, ça peut avoir des incidences tout au long de ta vie. Et en vrac, comme ça, pour les références, je convoquerais Dalí, ses performances, sa littérature, Raymond Devos, les Marx Brothers, Cioran… Quand je lis De l’inconvénient d’être né de Cioran, je ris aux éclats.

Post Bourgeoise ?

Est-ce qu’on peut être nihiliste et heureux ?

O. : Je ne crois pas être nihiliste. Si j’étais nihiliste, je serais mort. C. : Pour moi, oui, si le nihilisme signifie le fait d’être totalement désillusionné, alors oui, je crois que cela est source de joie. Mais de joies transitoires.

J’ai lu quelque part que vous faisiez de la musique

Musique Post Bourgeoise — L’obstacle

folklorique parisienne. J’aime bien l’idée. En quoi

(Nuun Records) Disponible le 27 avril.

Paris offre-t-il les conditions pour créer Musique 23 —

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© wtfbelleville.tumblr.com/


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expo T/ Julien Bouisset P/ Xavier Juillot & Prune Nourry

Motifs plus que valables “dans ces volumes à la déco d’un temps qui n’a jamais existé, on aimerait bien fumer un joint.” Vendredi 21 mars, 14h04 : j’arrive au 104 en sueur et panique pour la visite spéciale réservée à nous autres les gens de la presse, d’Avec Motifs Apparents, l’exposition collective de cinq artistes. Je suis en retard mais c’est pas ma faute à moi, c’est un vieux blédard qui m’a dit de tourner à droite plutôt qu’à gauche en sortant du métro Riquet, et je me suis retrouvé au bassin de la Villette alors que j’étais déjà pas en avance, bordel.

C’est quand j’ai vu des mâts de bateaux au bout de la rue que j’ai capté qu’il y avait un problème. Ni une, ni deux, je repars en cavalant, après un tête-à-queue serré, me demandant comment je vais bien pouvoir expliquer à mon rédac’ chef que je suis arrivé en retard et qu’ils sont partis sans m’attendre, comme quand mon père m’emmenait à la gare pour une sortie scolaire. Ouf qu’ils sont encore là. Du beau linge. Libération, L’Express et compagnie. Peut-être même Le Point, c’est vous dire le prestige. Virginie et Noémie m’accueillent, elles sont trop sympas, et plutôt fraîches, bon, elles sont sûrement maquées, et moi aussi sans doute, faudra qu’on en parle d’ailleurs, mais on n’est pas là pour la gaudriole. « Don’t shit where you eat. » Ne chie pas où tu manges... me répétait ma mère sur le chemin de la gare, me demandez pas pourquoi, les jours où c’était elle 27 —

qui m’accompagnait pour les sorties scolaires mais où je loupais le train pareil. Je voyais pas à l’époque pourquoi elle avait peur que je fasse dans ma lunchbox vu que je voyais très bien où étaient les chiottes dans les wagons, mais bon, j’acquiesçais sans moufter, en pensant à mes copains et à leurs petits culs déjà vissés sur les banquettes, et à mon amoureuse que c’était pas aujourd’hui que j’allais pouvoir lui claquer un bisou dans la forêt. Tour du propriétaire avec José-Manuel Gonçalves, le directeur du Centquatre : d’abord la cour où une partie délaissée des bâtiments a été recouverte par Xavier Juillot avec la même matière genre aluminium qui sert à couvrir les grands brûlés, un peu façon empaquetage à la Christo & Jeanne-Claude, mais qui serait aspirée par l’intérieur du bâtiment, collant à la façade comme si celle-ci était sous vide ; si on l’observe, un effet de dépression fait battre l’enveloppe, à croire que les murs respirent pour de vrai. Quand le soleil l’irradie, l’effet est saisissant : on ne voit plus qu’elle, cette sorte de tourelle oubliée, et c’est de toute beauté. Une très jolie beauté. Environ 7 ou 8/10 sur l’échelle de la beauté. Ça s’appelle Déprime Passagère. On ne voit que cette intervention en entrant, et pourtant, juste en face, se dressent les poteaux de lignes téléphoniques, coiffés d’un bric-à-brac fait Nuit


Motifs plus que valables

de bric et de broc, Court-Circuit, œuvre signée Pascale Marthine Tayou, qui, comme son nom ne l’indique pas, est un homme barbu, absent aujourd’hui mais j’ai vu sa tête sur Google. Il a deux autres œuvres à l’intérieur des bâtiments privés de la galerie d’art Continua, exceptionnellement ouverts au public le temps de l’exposition. Dans ces volumes à la déco d’un temps qui n’a jamais existé, on aimerait bien fumer un joint et chiller en laissant la daronne à la gare. C’est aussi l’occasion de découvrir des locaux normalement fermés au public. On trouve là deux autres de ses pièces, une sphère géante composée de paquets cadeau, Empty Gift, et surtout Favelas, une centaine de nichoirs à oiseaux agglutinés, d’où émanent des centaines de murmures quand on s’en approche. C’est touchant, on ne sait pas trop pourquoi, ce ne sont que des boîtes, mais elles vous touchent. Tout con mais très poétique.

menaçante qu’on ne voit plus le jour venu, mais peut-être que ça n’est que moi et que je devrais voir un psy, ça fait trois fois que je vous parle de mon enfance.

Suite de la visite avec les tricotages de Jérémy Gobé, dont voici la démarche : constatant qu’Emmaüs jette tout le temps des meubles trop usés ou abîmés, il a passé un accord avec eux, et a récupéré pendant un mois la totalité des meubles destinés à la décharge, qu’il a utilisés ici pour donner à ces laissés-pour-compte, dont même la charité ne veut pas, un traitement de faveur, comme si un orphelin était adopté par Angelina Jolie en quelque sorte. Faisant un parallèle sensible avec le sort des usines de tricot qui n’existent plus en France, il a fabriqué, à l’aide d’une tricoteuse des années 70 et l’appui d’ateliers spécialisés, des vêtements pour ces meubles, soit isolés et vêtus d’un chandail sur mesure, soit empilés et enrobés d’un tricot aux formes inquiétantes. On arrive dans son installation par une pièce dont le sol est vide mais où les murs sont tapissés d’un tricot géant qui épouse les protubérances inquiétantes de meubles fixés dessous, au mur. Ça renvoie aux frissons qu’on éprouve tout petit dans sa chambre la nuit, quand l’obscurité donne aux objets une apparence

Alice Mulliez ne dévoilera son œuvre, en sucre (oui, oui), que le 5 juin, et qui devrait valoir son pesant de cacahuètes puisqu’elle va remplacer celle de Prune Nourry. Elle a quand même assisté à la visite, elle a même gardé mon sac pendant que j’achetais des clopes, ses parents ont dû vachement bien l’élever. Ouais, parce qu’après, on nous a payé un coup, tout le monde a pris un café pour faire genre, sauf moi, j’ai pris un demi, je m’en bats les couilles, je m’étais levé avec les poules. Alice a bu un jus citron-gingembre ou un truc de fille du style. Le dirlo du 104 a dû filer vite, il a La Nuit Blanche d’octobre à préparer, ça va, bon motif. Les autres journalistes aussi lèvent les voiles. Moi, zépo avec Alice et Jérémy, mes deux préférés parce qu’ils sont trop accessibles, je sirote ma roubz et j’en recommande une derrière parce que je fais ce que je veux.

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Sous la verrière de la grande halle Aubervilliers, se déploient en rangs d’oignons les Terracotta Daughters de Prune Nourry, 108 petites filles grandeur nature, référence à l’armée célèbre de Xi’ an (qu’on n’a pu manquer à la Pinacothèque il y a quelques années) et hommage au sexe faible chinois, victime de la politique de l’enfant unique. Il s’agit en fait de la réplique de 8 petites orphelines que l’artiste a recréées, pour ensuite faire 100 combinaisons, toutes différentes, des 8 originales. Voyez le film projeté à côté, ne serait-ce que pour cet artisan chinois qui travaille dessus dans son atelier de terre cuite, et qui dit que lui préfère les filles parce qu’il y a trop de garçons dans sa famille.

Motifs Apparents - jusqu’au 10 août au 104. 5, rue Curial - Paris 19e

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gonzo T/ Raphaël Breuil P / MPK

mascarade à wagram Lundi 24 mars 2014 — 19h12 Salle Wagram Sortir un lundi soir n’est pas chose aisée. J’évite même le plus possible de le faire. Seulement, le bouclage du Bonbon Nuit, c’est ce soir. Et hier, lundi donc, je n’avais toujours rien. Que proposer à Mika ? Un pamphlet contre ce pleutre de Maire de la nuit ? Non, trop facile. C’est à ce moment que ma petite amie Clotilde, avec qui ça commence à devenir plutôt sérieux, m’annonce qu’elle ne peut pas me voir ce soir à cause d’une sombre cérémonie de remise de diplômes organisée par son école hors de prix. « Je peux venir tu crois ? lui demandai-je, prêt à saisir cette aubaine. - Mais on ne se connaît que depuis samedi dernier… Y’a mes parents et tout… et puis ça va puer la merde… Bon tu te tiendras tranquille hein ? Je te rappelle que tu as vomi sur mes copines… - Promis ! »

Les prémices

A peine arrivé, je me faisais déjà déchirer à cause de la combinaison jean/Stan Smith pour laquelle j’avais opté. Bah ouais, là-bas, c’est tenue correcte exigée. Sa daronne, Chantal, déguisée en Madame de Fontenay pour l’occasion, n’a en effet que moyennement kiffé mon falzar plein de sauce blanche. Mais ça faisait plutôt marrer Xavier, son 31 —

petit papa, qui n’avait visiblement rien à branler de ce banquet de tarlouzes. Je décide de rester avec lui me bourrer la gueule. Jusqu’à ce qu’il me demande ce que je fous ici. N’ayant en tête que la magnifique image d’une relation sexuelle magistrale qui restera dans les annales avec sa fille à 8h au bord du canal, je décide d’aller plutôt à la rencontre des petits camarades de Clote. Benji est un mec cool avec une grosse touffe et des pécosses. On parle de séries, il est devenu critique de films au Nouvel Obs, whaou ! Il n’y connaît que dalle mais ouvre grand sa gueule, c’est à ça qu’on les reconnaît. C’est génial, on se marre bien, mais lui ne comprend pas trop pourquoi. Il a dû me trouver chelou. Et dire que cet abruti gagne déjà plus que moi… Je me réfugie sur le parvis pour manger une cigarette (j’ai arrêté de fumer) et j’aperçois deux pouffes blondes de 20 balais qui se prennent en selfie duckface avec un morceau de tissu carré comportant un pompon qui dépasse et une espèce de foufoune au milieu pour mettre sa tête dedans. Et bien figurez-vous qu’il s’agissait là d’un châpeau de diplômé. Ils disposent donc de tout l’accoutrement, il y a même la djellaba ! Et oui, aux USA, les jeunes trous de balle - dont la moitié sont obèses - ont droit, alors qu’ils pensent que l’Afrique est un pays, de se faire habiller comme des moines raéliens, le temps d’une soirée pérave qu’ils attendent depuis tant d’années. Nuit


Mascarade à Wagram

“ Je me lève et saisis un triangle sur lequel je cogne un petit bâton en fer pour signaler une urgence et hurler « Alerte aux gogoles ! ».”

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Le but étant ici de recevoir une distinction qui va les mener droit dans le monde des études. C’est à dire, le droit de dépenser une fortune pour se payer une condition sociale acceptable. Faute de quoi ils bosseront dans un fast food toute leur vie en ayant pour projet de faire de la crystal meth. Et, comme la France est en passe de redevenir le pays des privilèges d’avant 1789, nous avons décidé, en toute quiétude, de copier ces connards pour décorer nos jeunes pubères. Cela, juste pour avoir su faire cracher 30 000 balles à leurs parents afin de se toucher la nouille le jour, et de picoler en dansant sur de la merde le soir.

La Cérémonie

Je m’assoie bien confortablement pour apprécier le show. Celui-ci débute avec un spectacle de hiphop. Saisissant ! Je me lève et saisis un triangle sur lequel je cogne un petit bâton en fer pour signaler une urgence et hurler « alerte aux gogoles ! ». Très vite, je m’imagine Corinne, 44 ans, chargée de la com’ de l’école, brainstormer avec Béa et Cindy pour tenter de trouver une idée pour le spectacle de cette année. « Il faudrait un truc qui plaise aux jeunes ! » « Et pourquoi pas des danseurs de hiphop han ? » Et toc ! Ni une ni deux, on part en vadrouille à Châtelet trouver quatre rebeus de cité du 92 pour donner un côté ghetto et branché à la réssoi. Seulement, les danseurs schlinguaient leur race. On aurait cru regarder un clip d’Ophélie Winter sous acides en 92 tellement c’était de la bouse. Du coup, les jeunes trouvent ça complètement naze, ils auraient préféré Kavinski (qui ne devait pas coûter bien plus cher que ce sousgroupe à la noix). Et les vieux, eux, s’ennuient non pas choqués de voir des Arabes sur scène, non, ce n’est pas cette génération de bourgeois racistes, mais tout simplement parce que c’est de la merde. La directrice arrive ensuite au pupitre après un petit photo-montage bidon sur Nelson Mandela. Nuit


Mascarade à Wagram

Il dit qu’il voit pas le rapport. On lâche néanmoins une larme, car c’était tout de même un chic type. Après un discours mielleux à souhait, celle-ci termine son speech en faisant un monologue sur les parents qui, selon elle, seraient à soutenir tout au long de ces difficiles périodes d’examens. LOL. Bah oui, c’est un peu un service que se payent les vieux. Il s’agit, pendant deux ans, de s’imaginer son fils bosser comme un taré, alors que tout le monde était jusque-là persuadé qu’il était complètement débile, aucune école publique ne voulant bien le prendre. S’en suit le discours d’un jeune qui a réussi. Donc, sur les 250 post-ados arrogants qui se font diplômer ce soir, les orgas n’ont pu en retrouver qu’un seul qui puisse affirmer aujourd’hui avoir réussi sa vie en faisant cette formation à la con. Il s’appelle Jérôme, il a une tête de con. Alors le mec n’en peut plus, il a fondé son agence de com’ et a obtenu plein de contrats avec des grandes marques avant même d’être diplômé ! A seulement 24 ans le mec est déjà plein aux as. Pourquoi ? Parce que ses darons étaient déjà pétés de tunes ! Parce qu’il a fait ce magnifique cursus ma bite !

ouvert un bouquin et pour cela, elle a le droit de faire un discours. Elle remercie Stéphane, le prof qu’elle a sucé pendant une compet’ de microagence, et Stéphanie, sa BFF venue de Besançon pour l’occasion. Aucun mot pour ses parents, bien entendu. Elle termine sa prestation par un magnifique « Atchic atchic atchic AÏE AÏE AÏE » qui crépite dans le micro, déchirant 19 tympans et terrorisant son père. Hé oui beau-papa, tes 30 000 boules dépensées dans ces boîtes à sous-éducation n’ont pas servis à acheter un cerveau à ta crétine de fille. « Des nuages noirs qui viennent du nord colorent la terre, les lacs, les rivières, c’est le décor du Connemara ! »

Les Lacs du Connemara

Vient enfin l’heure tant attendue de la remise du diplôme de ma chère Clotilde ! Avec Xav on n’en pouvait plus d’attendre les canapés et desserts bon marché. Happy de Pharrell se fait entendre par un public à moitié en train de mourir d’ennui après 3 heures de pubs amateurs pourraves montées à l’arrache les laissant dans un état intermédiaire… Ils hésitent entre le fait que l’école qu’ils ont payée la peau des bourses propose une formation plus que cheap ou alors que leur enfant est complètement idiot. La plupart préfèrent se rassurer avec la deuxième solution. Surprise, ma Clote est major de sa promotion. C’est à dire que de ses 20 camarades de classe, Clotilde est la seule qui ait 33 —

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métiers de l’ombre T/ Paul Owen Briaud P/ Charles Sabourin www.monomanies.com

Ange-gardien de nuit “l’empathie n’a pas de limites, ça m’étonne chaque jour.” Détresse et pression, compresse et tension, coups de stress et lésions, perfusions, transfusions, intrusions, confusion. Plaies à vif, états de choc, diagnostics, nerfs en pelote. Vilaines fractures, points de suture, vies en sursis pour une biture, il accompagne jusqu’à la mort s’il ne raccompagne pas à la porte. Ça n’est pas que ça rapporte mais c’est fou ce que ça apporte : les faiblesses des autres font sa force et lui importent.

C’est à la mode d’être anti-bobo, lui il a ça dans le sang depuis toujours : les bobos, c’est son dada. Il a lâché médecine pour être infirmier ; aujourd’hui il travaille au service des urgences d’un hôpital parisien et ne le regrette pas. Il est à son poste toute la nuit, et pourrait continuer à faire ça toute sa vie. « J’ai juste envie d’être utile, et de ne jamais m’ennuyer. » Une vocation qui s’affirme au fur et à mesure sans faillir, tant sa mission est capitale. C’est dur, c’est usant, mais ça vous forge un homme. Un homme bon, à en croire l’expression paisible et lointaine de son visage de soldat désabusé. En voilà un qui doit plaire aux filles. On devrait tous faire une école d’infirmière. Environ deux mecs par classe, en soirée ils font ploufplouf ? « Si tu veux pécho, c’est le bonheur, mais à la longue c’est un peu relou l’ambiance ‘‘cheveux’’… » Ouais mais quand même… Bon, pardon, parlons de son boulot : les stages effectués tout au long 34 —

de ses trois ans d’études l’ont fait passer par tous les services. « Ceux qui sont passés par tous les postes sont les meilleurs, comme dans tous les métiers. C’est très important de varier les expériences autant que possible. » Mais lui, son truc, c’est les urgences, pour l’action et le frisson. Ça ne rend pas absent au monde, d’être confronté à son aspect le plus violent en permanence ? « Quand j’y pense, c’est le monde extérieur que je trouve le plus violent. C’est une violence sourde. Aux urgences, tu la prends à brasle-corps, tu la confrontes plus sainement. » Insensible aux petits problèmes des autres, alors ? « Au contraire, l’empathie n’a pas de limites, ça m’étonne chaque jour. Il n’est pas nécessaire de se distancier de ce que vit la personne en face dans ce métier, on ne devient pas moins sensible, on apprend simplement à gérer sa sensibilité différemment. » Oui, mais on n’est pas triste tout le temps, d’avoir vu tant de misère humaine et de douleur ? « Tout le monde ne le supporterait pas. Moi, je ne pourrais plus vivre sans. J’ai besoin chaque jour de faire quelque chose d’important. La douleur, ça fait partie du job, ça fait qu’il est si beau. » Son engagement a quelque chose d’une mission divine. Il a quelque chose d’un photographe de guerre, de quelqu’un qui serait revenu de l’enfer. De ces gens qui en ont vu tellement qu’ils ferment leur gueule, parce que personne ne peut comprendre.

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Deux semaines à 180bpm ! Exposition sur le Gabber du 1er au 13 mai au Point Éphémère © Tom Nijhuis


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télévision T/ Julien Buisset P/ C+

Donia Eden “mon père n’est toujours pas au courant que je présente le journal du hard.” Donia Eden. Littéralement, la vie et le paradis. Le premier est celui qu’elle a reçu à sa naissance ; le second est le prénom de sa mère. À l’âge de 23 ans, pourtant, Donia Eden présente l’émission la plus brûlante du paysage audiovisuel : Le Journal du Hard sur Canal +. Le genre de fille dont bon nombre

Claire Coudray ou Marie Drucker, avec un poil d’humour et de glamour. Je n’y connaissais absolument rien au X. Je ne fais pas partie de cette industrie. Je suis actrice et musicienne de formation. Et à cette époque, j’étais barmaid au Folie’s Pigalle (nouveau Pigallion).

d’adolescents non abonnés à la chaîne cryptée essaie de deviner les formes, en bougeant rapide-

Dans ce cas, comment fais-tu pour réaliser les

ment leur tête devant leur téléviseur, tard, tous les

sujets de ton émission ?

premiers samedis du mois. Loin de l’industrie du X,

C’est mon équipe qui s’en occupe. Mon rédacteur en chef, Olivier Ghis, la veille du tournage de l’émission, m’envoie mes textes. L’idée est de présenter les sujets comme si l’on parlait d’un réalisateur ou d’une actrice lambda. Je ne pars jamais en reportage avec eux. Je ne regarde pas non plus les images que je présente. Une fois j’ai regardé le résultat final, une fois monté. Et je dois t’avouer que voir ma bouille d’ange présenter un sujet et juste après avoir un gros plan sur un pénis et un anus, cela fait sacrément bizarre.

Donia Eden est avant tout comédienne. D’ailleurs, elle est à l’affiche du prochain film d’Alexandre Arcady, 24 jours, qui revient sur l’affaire du gang des barbares, en salle le 30 avril. Elle y incarne Emma, la fille qui a tendu un piège à Ilan Halimi. Encore un rôle sulfureux. Rencontre nocturne. Bonsoir Donia. J’aime beaucoup ce que tu fais sur Canal +. Pourtant, en te disant cela, je passe pour un vrai coquin aux yeux de nos lecteurs…

(Rires) Il n’y a rien de mal dans ce que je fais. Le Journal du Hard est finalement une émission comme une autre…

Certes. Et de ce fait comment annonce-t-on à ses parents que l’on va présenter l’émission la plus sulfureuse du PAF ?

Comme la grand-messe du 20h, vraiment ?

Lorsque j’ai passé les castings pour remplacer Mélanie Dagréo, en 2012, le producteur de l’émission recherchait une sorte de comédienne qui puisse présenter un JT porno comme Anne39 —

Ma mère n’a peur de rien parce qu’elle me fait confiance. Elle a donc pris très bien cette nouvelle. Elle m’a dit de le faire avec beaucoup de classe. Je suis persuadée que l’on peut parler de tout, si on y met les formes. Par contre, mon père n’est Nuit


Donia Eden

toujours pas au courant que je présente Le Journal du Hard. Ou alors il l’est mais il ne t’a rien dit…

Non, non. Il parle égyptien et ne comprend pas très bien le français. Il vit entre ces deux pays et il ne regarde pas beaucoup la télévision. Mais je pense que s’il tombait sur Le Journal du Hard, il ne comprendrait pas pourquoi je fais cela. Pourtant tu n’es, au final, qu’une simple présentatrice…

Je ne cesse de le dire mais les gens ne le comprennent pas. Pour eux je suis forcément une actrice X. D’ailleurs j’en ai une belle à te raconter. Kanye West avait organisé des castings photo, dans le monde entier, pour dénicher l’égérie de son court-métrage Cruel Summer, qu’il a présenté au festival de Cannes en 2012. J’ai été choisie parmi plus de 3000 filles dans le monde. La veille du départ à Doha, au Qatar, mon agent m’appelle pour faire des essais. Kanye West avait changé d’avis car la production lui avait montré le dossier de presse du JDH, et il ne voulait pas mélanger l’image porno que pouvait dégager mon métier de présentatrice à son film. Est-ce que l’on parle bien du même rappeur ? Celui dont les clips montrent des filles à poils qui bougent leur cul dans tous les sens ? Ce n’est pas le plus puritain des Américains !

J’ai commencé à sortir très tôt, vers 14 ans, à Paris, pour danser sur de l’électro. En neuf ans, la nuit a considérablement changé. Aujourd’hui, je fréquente le Montana, le Baron, le Carmen, mais certainement pas pour leur musique. J’en ai marre du revival années 70/80/90. Pourquoi vouloir faire du neuf avec du vieux ? Parce que l’on est mélancolique d’une époque que l’on n’a pas connue ? Cela n’a aucun sens. Le côté décalé j’en ai un peu ma claque. C’est pour ça que la nuit ne m’impressionne plus. Je ne sors plus pour danser. Juste pour faire de jolies rencontres. Du coup, tu bois ton amertume dans des bars…

Oui, mais pas n’importe lesquels. J’adore les bars « secrets » comme le Moonshiner ou L’Orphée. J’aime bien l’idée d’être dans un endroit un peu clos, coupé du monde extérieur. Cela me plonge en pleine période de la prohibition, où l’on devait se cacher pour boire de l’alcool. C’est excitant. As-tu un remède pour la gueule de bois ?

Je ne me sens jamais bourrée, même si je bois beaucoup. Et le matin, quand je me réveille, j’ai tout le temps une énorme gueule de bois. Pour éviter ça, mon remède c’est d’avoir une bouteille d’eau pleine à côté de moi, et de me réveiller toutes les heures la nuit pour en boire. Si cela ne suffit pas, le matin je prend des médicaments. Mais par contre si tu as un remède miracle, je suis vraiment preneuse.

Est-ce que Le JDH t’a débridée sexuellement ?

Débridée… je ne sais pas. Après oui, j’ai déjà vu des films pornos et, si tu veux savoir, cela ne me choque pas. Je suis née avec Internet et la profusion de ces contenus. Par contre, je serais incapable de conseiller un film X à quelqu’un. Au grand désespoir de certains de mes potes (rires). Tu l’as dit, tu étais barmaid au Folie’s Pigalle. Du

Le Journal du Hard

coup, comment définirais-tu le milieu de la nuit, à

Sur Canal+

Paris ? 40 —

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Cocktail T/ Vincent Kreyder P/ Hillel Shleggel

vodka redbull Ici, au Bonbon Nuit, nous sommes une fine équipe de coquins. Des petits filous ne ratant jamais une occasion de glisser un mot d’esprit, un calembour, de nous taquiner avec malice, ou même de nous lancer des défis saugrenus. Voire complètement cons.

C’est dans cette optique que notre bien aimé rédacteur en chef m’a mis au challenge de grattouiller mon papier du mois sur la vodka-Redbull. LOL. Oui, mes ami(e)s, vous avez bien lu, la vodka-Redbull, ce breuvage prisé des Portugais qui arborent fièrement le vendredi soir dans leur night-club de banlieue des chemises bicolorées à trois boutons au col, de la gomina jusqu’au coude et l’intégrale des compiles Latina Fever dans la boîte à gants de leur Seat Ibiza rouge. Un autre lieu est propice au développement de cette tisane ingrate : les soirées étudiantes et autres boums d’ados où des jeunes au regard vide déjà ivres d’arrogance avant même d’avoir commencé à gnôler s’entassent et grognent sans classe ni panache. Au-delà de la blague, une question me hante : par quel miracle de marketing peut-on vendre plus cher qu’un Mint Julep un mélange qui est aux cocktails ce que le bonbon Arlequin est à la cuisine de Paul Bocuse ? Gustativement grossier, onéreux, nuisible à l’image, il s’agit bien là d’un tour de force que l’industrie du bison rouge a 42 —

réussi à mener à l’encontre des économies parallèles. Je ne dis pas qu’une fois ma boîte à lentilles vide, je n’ai jamais cédé à l’appel de son petit coup de fouet pour supporter mes congénères bavards, mais personnellement, l’effet prodigué sur mes papilles doit taquiner à peu près les mêmes glandes que la nourriture de self en école de province. Je soupçonne d’ailleurs la Suède de s’être lâchement cachée derrière la prérogative sanitaire lorsqu’elle a fait interdire le mélange en 2007. Vous l’aurez compris, il s’agit donc d’un article totalement exempt de conseil de préparation, si ce n’est de remplacer la vodka par du bourbon de qualité et le Redbull par quelques glaçons ! Car non, je ne vous expliquerai pas comment préparer le « gâteau à la vodka-Redbull » dont j’ai aperçu la recette en cherchant péniblement sur les internets quelques informations pour garnir mon article. J’en fais une question de principe fondamental pour un être humain majeur et instruit. Ceci étant dit, et pour revenir à des considérations d’adultes concernés par les aspects réellement importants du monde qui nous entoure : sachez, si malgré mon flot ininterrompu de mépris, il vous passait par la turbine à cauchemars existentiels l’envie de vous en commander une petite, que la boisson fait environ 240 calories et que c’est plus qu’une pinte de bière. Et toc. Nuit


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Bonbon Party - 07/03/14 L’abus d’alcool est dangereux pour la santé. À consommer avec modération


trousse de secours Ouvert toute la nuit !

Pharmacies de garde

Épicerie Shell

Chez Tina

84, av. des Champs-Élysées - 8e

6, boulevard Raspail - 7e

1, rue Lepic - 18e

≥ 01 45 62 02 41

≥ 7/7 — 24/24

≥j jusqu'à 4h30 / v≥s jusqu'à 7h

6, place de Clichy - 9e

Minimarket fruits et légumes

Boulangerie Salem

≥ 01 48 74 65 18

11, boulevard de Clichy - 9e

20, boulevard de Clichy - 18e ≥ 7/7 — 24/24

6, place Félix-Éboué - 12

≥ 7/7 — jusqu'à 7h

≥ 01 43 43 19 03

Alimentation 8 à Huit

Livraison médicaments 24/24

151, rue de la Convention - 15e

Fleuristes

≥ 01 42 42 42 50

≥ 7/7 — 24/24

Chez Violette, au Pot de fer fleuri

Supérette 77

78, rue Monge - 5e

Urgences

77, boulevard Barbès - 18e

≥ 01 45 35 17 42

SOS dépression

≥ mardi au dimanche jusqu'à 5h

Relais Fleury

e

≥ 08 92 70 12 38

114, rue Caulaincourt - 18e

Urgences psychiatrie

Resto

Se déplace sur région parisienne

L’Endroit, 67, place du Docteur-

≥ 01 46 06 63 97

≥ 01 40 47 04 47

Félix-Lobligeois 17e 01 42 29 50 00

Carwash

Drogue, alcool, tabac info service

≥ tlj de 11h à 1h, jeudi, vendredi,

Paris Autolavage 7/7 — 24/24

≥ 08 00 23 13 13 / 01 70 23 13 13

samedi de 10h à 5h

Porte de Clichy - 17e

Livraison sextoys

Tabac

Shopping

Commande en ligne

Tabac du Châtelet

Virgin Megastore

www.sweet-delivery.fr

4, rue Saint-Denis - 1er

52, av. des Champs-Élysées - 8e

≥ 7/7 — jusqu'à 6h

≥ 7/7 — jusqu'à 3h

≥ jusqu'à minuit

Tabac Saint-Paul

Librairie Boulinier

Livraison alcool + food

127, rue Saint-Antoine - 4e

20, boulevard Saint-Michel - 6e

Nemo 01 47 03 33 84

≥ 7/7 — jusqu'à minuit

≥ jusqu'à 00h, m≥j jusqu'à 23h

≥ 7/7 — jusqu'à 6h

Le Pigalle

Faim de Nuit 01 43 44 04 88

22, boulevard de Clichy - 18e

Kiosques à journaux 24/24

≥ 7/7 — jusqu'à 7h

≥ vendredi et samedi jusqu'à 5h

38, av. des Champs-Élysées - 8e

Allô Hector 01 43 07 70 70

16, boulevard de la Madeleine - 8e

≥ 7/7 — jusqu'à 6h

Poste de nuit

2, boulevard Montmartre - 9e

Apéritissimo 01 48 74 34 66

52, rue du Louvre - 1er M° Louvre-

Place de Clichy - 18e

≥ 7/7 — jusqu'à 4h

Rivoli / Étienne-Marcel

Allô Glaçons

Boulangeries

53, rue de la Harpe - 5e

01 46 75 05 05 ≥ 7/7 — 24/24

Snac Time

≥ 01 44 07 38 89

97, boulevard Saint-Germain - 6e

20, rue du Fb Saint-Antoine - 12e

Épiceries

≥ 7/7 — 24/24

≥ 01 43 40 03 00

L'Épicerie de nuit

Boulangerie-pâtisserie

35, rue Claude-Bernard - 5e

99, avenue de Clichy - 17e

Envoyez-nous vos bons plans

≥ vendredi et samedi jusqu'à 3h30

≥ 7/7 — 24/24

ouverts la nuit : nuit@lebonbon.fr

Internet 24/24

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la playlist du mois P/ Laurene Berchoteau

pierre wax

Frank Zappa — Zappa In New York (Warner Bros.)

J’avais à peine quatorze ans quand on m’a offert ce live de Frank Zappa. J’aimais cette musique que je ne comprenais pas vraiment, cette fantaisie bien ordonnée. Je l’ai réécouté il y a quelques temps et rien n’a changé. Charles Wright — Nonsense (ABC Records)

Parce que le non-sens, ça me parle, parce que les déraillements dans la voix de Charles Wright, ça me parle. Gloria Ann Taylor — Deep Inside You (Selector Sound Records)

Cosmo Vitelli m’a fait découvrir ce maxi aux sonorités northern soul il y a quelques années. Je lui en serai à jamais reconnaissant. Tous les discoarchéologues rêvent de tomber un jour sur ce Graal. The Neville Brothers — Sons And Daughters (Soft Rocks Adjustments) Depuis de longues années, l’ombre de Pierre Wax nous suit au fil des nuits parisiennes. Ce Dj aux influences diverses mais

Je suis fan des Neville Brothers depuis un voyage qui s’est révélé initiatique à La Nouvelle Orléans, en 1990. Ils étaient alors en plein boom après leur album rédempteur Yellow Moon suivi de Brother’s Keeper, duquel Sons And Daughters est extrait et ici divinement « réajusté » par les Soft Rocks.

souvent ralliées au disco est aujourd’hui résident des soirées

Quarteto Em Cy — Tudo Que Você Podia Ser (Odeon Fonográfica)

No! Il nous délivre ici un top

Ce morceau est un amplificateur de mélancolie, une lance à larmes, un arracheur de cœurs, fiou.

ten entre vieilles madeleines et humeurs du moment. —

Go Bang! (Thank You Arthur) — Dinosaur L (24 -> 24 Music)

Prochaines No! les 12 avril (avec

Toute l’énergie des nuits fantasmées de New York concentrée dans ce classique. De l’intelligent disco.

Sundae Pøw), 16 mai et 13 juin Chez Moune. —

Yello — Bostich (Stiff America / Vertigo)

22tracks.com/share/par/edits

Le mur du son post-Spector. Point. On n’a depuis jamais aussi bien rempli l’espace. Peut-être mis à part Public Enemy. Et encore.

soundcloud.com/peewax www.facebook.com/pierrewax

Track 2 — New York Edits 4 (NY Edits)

C’est bien toute cette collection d’edits disco deep, on découvre plein de choses. Noema — The Shake (African Shakedown)

Pareil pour l’afro disco. Les deux premiers volumes contiennent de touchantes (re)trouvailles.

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Nuit


agenda La sélection de ParisLaNuit.fr

Samedi 05/04 23H Le Pigallion 16,80 €

Dimanche 20/04 23H55 Le Rex Club 13,70 €

> Panik Pigalle Klub : Moullinex • Anoraak • Jupiter •

> Wonderland : Steve Bug • Terence:Terry: B2b John

Kcpk

Dimas

Dimanche 06/04 23H55 Le Rex 16,70 €

Vendredi 25/04 23H30 Le Showcase 16,80 €

> M.D.R : Marcel Dettmann • Norman Nodge • Fran-

> Zone : The Hacker • Arnaud Rebotini Live • Djedjo-

çois X

tronic • Maelstrom

Mardi 08/04 19H30 Le Trabendo 19,80 €

Mardi 29/04 19H30 Le Nouveau Casino 20,30 €

> Nick Waterhouse & Max Pope

> Glass Animals

Mercredi 09/04 20H La Gaité Lyrique 21 €

Mercredi 30/04 23H Le Yoyo 19,90 €

> Fránçois And The Atlas Mountains

> Free Your Funk : Ryan Hemsworth • Dj Pone • Para One

Vendredi 11/03 20 Le Nouveau Casino 23,70 € Samedi 26/04 23H55 Le Rex Club

> Dom Kennedy & Krondon

> Correspondant Release Party Compilation Ii : KasVendredi 11/04 23H La Machine du Moulin Rouge 14 €

per Bjorke & Sexy Lazer Aka The Mansisters

> Tresor Berlin Presents Moritz Von Oswald • James Samedi 03/05 23H Le Social Club 14,60 €

Ruskin • Dj Deep

> Soirée Hivern Discs: John Talabot • Pional • Marc Samedi 12/04 23H30 Le Showcase 19,80 €

Pinol

> Footwork: Theo Parrish & Guests Samedi 03/05 23H Le Showcase 22 € Samedi 12/04 23H Le Social 14,60 €

> Flight Facilities

> The Walking Machine: Maribou State, Allure, Erös, Samedi 05/04 23H Le Pigallion 16,80 €

Hamiilton

> Panik Pigalle Klub : Moullinex • Anoraak • Jupiter • Mardi 15/04 19H30 Le Batofar 13,80 €

Kcpk

> Giraffage & Guest Dimanche 06/04 23H55 Le Rex 16,70 € Mercredi 16/03 19H30 Le Trabendo 23,10 €

> M.D.R : Marcel Dettmann • Norman Nodge • Fran-

> Wild Beasts

çois X

Vendredi 18/04 23H30 Machine du Moulin Rouge 19 €

Mardi 08/04 19H30 Le Trabendo 19,80 €

> Embrace Birthday W/ Cashmere Cat - Onra - Le

> Nick Waterhouse & Max Pope

Youth – Iamnobodi Mercredi 09/04 20H La Gaité Lyrique 21 € Samedi 19/04

22H

La Cité du Cinéma 30 €

> Fránçois And The Atlas Mountains

> Blank présente Blank Utopia : Magda • Marc Houle • Troy Pierce

Envoyer votre prog à : jessica@parislanuit.fr

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