Le Bonbon Nuit - 93

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Avril 2019 - n° 93 - www.lebonbon.fr


C’EST BEYROUTH EXPOSITION

28/03 > 28/07

Les Bronzeurs, 2015-2016 © Vianney Le Caer

Ambassade du Liban en France

M

Château Rouge

M

Marx Dormoy

19, rue Léon & 56, rue Stephenson - Paris 18

M

La Chapelle

www.ici.paris


AVRIL 2019

Aujourd’hui, je me désolidarise de moi-même en me servant de la troisième personne pour flatter un ego surdimensionné. Aujourd’hui, j’avoue tout. Le Bonbon Nuit n’est que le vil mensonge d’un sombre connard qui ne met plus les pieds en soirée parce qu’il a toujours mieux à faire que de se laisser aller aux plaisirs hédonistes. Sa musique, il l’écoute chez lui, sur ses petites platines et ses petites enceintes qu’il n’a toujours pas réparées. Plutôt que d’aller au ciné, il regarde ses petits films sur son petit écran d’ordinateur qu’il s’est acheté avec son petit salaire. Il ne fout pas un pied dehors, sauf pour aller bosser ou faire les courses qu’il n’a pas pu se faire livrer. Le mec est l’archétype du casanier, un branleur par excellence doublé d’un flemmard. Ses nuits se résument à la musique et la paresse, conséquence inébranlable de chaque semaine de dur labeur. Résultat fatidique : on se fait chier. Ce vieux type entraîne dans sa chute sociale le fruit de son travail. Des artistes aux découvertes nocturnes, tout passe à la trappe ; le Bonbon Nuit coule peu à peu dans l’oubli, rangé dans la boîte des magazines culturo-détente sans saveur. Tout ça à cause de ce petit morveux… Et ça fait déjà six mois que ça dure, putain ! On n’en peut plus ! Dehors, manant ! Le peuple reprend son droit sur ce qui lui appartient ! Dégage avec tes idées arrêtées et ton incompétence ! Désormais, le Bonbon Nuit redevient une véritable œuvre du peuple, par le peuple et pour le peuple. Au diable toute cette platitude d’esprit critique, vous êtes les véritables acteurs de Paris. Chanteurs, danseurs, promoteurs, commerçants, chauffeurs, officiers, manutentionnaires… c’est à vous que je m’adresse : pardon. Tapis dans l’obscurité, vous êtes le cœur du Bonbon Nuit. Je veillerai à ce qu’il vous soit rendu. Et je m’y engage personnellement.

N°93

Lucas Javelle


fais de ta vie un rêve.

’ 90 s

écrit et réalisé par jonah hill ©2018 JAYHAWKER HOLDINGS, LLC

sortie le 24 avril


BON TIMING, LES TROIS EVENTS À NE PAS MANQUER 7. MUSIQUE JEANNE ADDED, LA VIE À PLEIN CORPS 15. SORTIE GUIMET MIX 17. VISITE NOCTURNE AU LUCHA LIBRE, PARIS LUTTE DANS L’OMBRE 21. SORTIE WEATHER FESTIVAL 23. MUSIQUE KOMPROMAT, ENTRE RÊVE ET RÉALITÉ 29. CINÉMA 90’S 31. CINÉMA CLAIR OBSCUR, L’ÉDITO CINÉMA DE PIERIG LERAY 33. STYLE LA DISTYLLERIE DE MANON, BERHASM GLOBAL 39. ART EXPO LUNE 41. MUSIQUE THYLACINE, ON THE ROAD AGAIN CONFISEUR JACQUES DE LA CHAISE RÉDACTEUR EN CHEF LUCAS JAVELLE DESIGN RÉPUBLIQUE STUDIO CARACTÈRES KESSLER PAR ALARIC GARNIER @ PRODUCTION TYPE & WHYTE PAR FABIAN HARB @ DINAMO GRAPHISTES CLÉMENT TREMBLOT, VICTORIA IVALDY COUVERTURE JEANNE ADDED PAR NAÏS BESSAIH RÉDACTION ALEXANDRA DUMONT, MANON MERRIEN-JOLY, PIERIG LERAY, LISA BELKEBLA, JACQUES SIMONIAN SR LOUIS HAEFFNER RÉGIE CULTURE FANNY LEBIZAY, ANTOINE KODIO RÉGIE PUB BENJAMIN ALAZARD, LIONEL PONSIN LE BONBON 15, RUE DU DELTA, 75009 PARIS SIRET 510 580 301 00040

SOMMAIRE

5. AGENDA

IMPRIMÉ EN FRANCE



LE GROOVE À L’ÉTAT PUR

On les avait vus l’année dernière au bord d’une piscine à Étretat. Macadam Crocodile, l’un des duos les plus groovy de cette génération, n’en sont plus à leur premier essai. Alors plutôt que de jouer les petits artistes, ils voient les choses en grand, et vous invitent à l’enregistrement de leur premier album, en live, en public, avec une méga soirée à la clé. Macadam Crocodile Rec Party @Badaboum Jeudi 11 avril

TA MEILLEURE 1ÈRE FOIS

Y’a pas beaucoup de festivals qui commencent “vraiment” en fanfare. Ça prend généralement quelques années avant de fédérer le public. Faut travailler le line-up, la direction artistique, le thème, le décor, étudier les retours des festivaliers… un joyeux bordel. Sauf pour l’INASOUND. Pour sa première fois, lui va juste rouler sur tout le monde. Deux jours de musique électronique du futur. INASOUND Festival @Palais Brongniart Samedi 20 et dimanche 21 avril

BON TIMING

CHLOÉ ET LUMIÈRE NOIRE

Il est temps que Paris se préoccupe de ses artistes, les vrais. Ceux qui ont traversé les époques, notamment la disette des années 2000 où l’électro se faisait cracher dessus et les clubs étaient en déclin. Alors quand Chloé, l’une de ses plus fidèles actrices, fait une soirée pour son label Lumière Noire… Comment te dire qu’on n’ira pas ailleurs ce soir-là ? Histoire de prendre une bonne claque. Chloé présente Lumière Noire @Le CENTQUATRE-PARIS Samedi 27 avril



JEANNE ADDED MUSIQUE

CHANTE, DANSE, VIT ! 7

T P

ALEXANDRA DUMONT NAÏS BESSAIH


8/9 JEANNE ADDED MUSIQUE

Jeanne Added est actuellement en tournée partout en France.

Depuis la sortie de son deuxième album, Radiate, en septembre 2018, trois ans après Be Sensational, tout a été dit ou presque. De ses années d’apprentissage au conservatoire classique et jazz à sa renaissance artistique sur des productions électroniques conçues à quatre mains avec Dan Levy (The Dø). Cette fois, elle s’entoure du duo francoécossais Maestro avec l’ambition de danser et bouger sur sa musique. Une envie longtemps restée de l’ordre du fantasme, pas complètement assumée ni franchement conscientisée, mais à force d’empêchements est née, d’abord, de la frustration, puis un désir, irrépressible, de relâcher la voix, le corps, et d’embrasser cette physicalité dans son rapport à la musique. Rencontre, entre deux concerts, dans le bel hôtel 1K.


Le Bonbon : C’est un album de mutation. Sa manifestation la plus notable étant cette nouvelle voix qui t’habite, plus relâchée. Comment s’est-elle imposée à toi ? Jeanne Added : Je l’avais beaucoup cadrée sur le premier album. J’avais réduit ma tessiture pour n’être que dans une voix de poitrine, plus proche de la voix parlée. Mais, après avoir tourné pendant deux ans, j’ai ressenti une frustration de chant, parce qu’il y avait tout un pan de ma voix que je n’utilisais pas et c’est avec elle que j’ai reconnecté. J’avais envie qu’on l’entende plus et qu’elle ait plus d’espace pour se déployer. Alors j’ai fait en sorte que le bas de ma voix contamine le haut de ma voix. La voix est toujours à l’image de ce que l’on est et où on en est dans la vie, parfois même au jour le jour. Le fait de vouloir lui laisser plus de place, ça a sans doute quelque chose à voir avec une paix intérieure qui est en train de se faire, qui s’entendait sur disque, et qui maintenant se voit un peu plus sur scène. L.B.

J.A.

De la voix de tête, posée et juste, héritée de ton apprentissage classique et jazz, tu es passée à la voix de poitrine, instinctive et viscérale. Et maintenant ? En ce moment, on s’entend bien elle et moi (sourire). Elle est souple et me suit partout où je lui demande d’aller. Physiquement, je ressens un plaisir dingue. La voix est comme un muscle. Faire beaucoup de concerts, chanter beaucoup, c’est comme faire du sport. On se sent plus forte, plus puissante, et ça change notre façon d’être au monde. Ma voix m’offre plus de liberté et l’opportunité de chanter comme j’en ai envie.

L.B.

J.A.

L.B. J.A.

Le chant, c’est d’abord du corps. Ta voix a aussi évolué au fur et à mesure que ton corps s’est libéré et qu’il s’est mis en mouvement. Comment t’es-tu réapproprié cette dimension physique du chant, par l’intermédiaire de la danse ? Je ne l’ai jamais perdue. Ce que j’ai découvert, c’est le mouvement. Sortir mon premier album, Be Sensational, a été décisif. C’était le début, la prise de parole. Qu’il ait marché et rencontré son public m’a libérée, donné confiance, et j’ai moins la sensation de contrôler mes mouvements, comme je l’ai fait sur la première tournée. Je suis aussi sortie danser en soirée, en club, avec des amis qui maîtrisent cet art, et le fait de passer du temps avec eux, sans forcément prendre de cours, m’a détendue. Je pratique une danse proche de la transe, quasi-animale. Je perds l’équilibre et me casse la gueule assez régulièrement, parce que je suis en train de triper les yeux fermés (rires). Mais ce n’est pas grave ! Je ne veux pas que ce soit chorégraphié. Quand et comment as-tu pris conscience de l’enjeu qu’il pouvait y avoir autour du corps ? C’était important pour moi dans ma pratique, et ce dont je me rends compte aussi, c’est que je ne suis pas du tout à l’aise avec l’image policée, obligatoirement douce, que devrait avoir une fille. Sur scène, il y a aussi mon énergie, ma puissance ! Je ne fais plus confiance à mon troisième œil qui m’empêchait beaucoup jusquelà. J’ai appris à lâcher prise sur le contrôle de mon image ou la façon dont je bouge, crie ou m’exprime, ce qui est très ancré en nous, femmes, depuis des siècles. On nous dit



“J’AI APPRIS À LÂCHER PRISE SUR LE CONTRÔLE DE MON IMAGE OU LA FAÇON DONT JE BOUGE, CRIE OU M’EXPRIME.”


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toujours qu’il faut bien se tenir ! Le déterminisme est très fort. C’est mon travail perso d’arriver à m’en détacher complètement. L.B.

MUSIQUE

JEANNE ADDED

J.A.

L.B. J.A.

L.B. J.A.

Ton premier prof’ de chant était un ancien danseur contemporain. S’agit-il de ton premier contact avec la danse ? Non, j’ai toujours dansé. Ce que j’ai développé techniquement, c’est la musique, pas la danse. Mais avoir eu un prof ’ de chant danseur est une grande chance. Parce que le chant, c’est que du physique. On construit son instrument chaque jour, et chaque jour, il est différent. Pour chanter, en fait, il faut être un athlète ! Il me le disait à l’époque mais j’ai mis un bout de temps à m’y mettre. Il me l’a encore confirmé récemment, en novembre 2017, quand je me suis pété la voix. Je rentre très très fort dans les cordes vocales, du coup, si physiquement, mon corps ne fait pas barrage ou me back up, je peux me faire mal ! Il faut que je sois physiquement très présente. Ça veut dire que tu as pris en muscles ? Oui, bien sûr ! J’ai pris en endurance, en faisant de la boxe, du cardio. Pour danser et chanter en même temps, il faut être physiquement entraîné et réussir à récupérer vite. Et étonnamment, chanter me permet de récupérer du moment où j’ai dansé, alors qu’on pourrait penser le contraire. Parce que je suis obligée de gérer mon souffle et de l’utiliser à bon escient avec le chant, ça me permet de récupérer plutôt que de m’empêcher et de me demander une énergie supplémentaire. Comment as-tu pensé les arrangements de ce nouvel album pour épouser cette envie de mouvement ? Je suis allée voir Maestro parce

qu’ils font de la musique de danse qui m’électrise ! Ils ont le pouvoir de faire danser les machines, les synthés et les boîtes à rythme. On y est allé un peu sans réfléchir, de manière épidermique. On a passé des nuits, des matins d’après-midi, on a été dans toutes sortes d’états qui nous ont permis de déconnecter le mental pour pouvoir se laisser aller à quelque chose de sensoriel et de physique. On a aussi revu les arrangements des anciens morceaux pour qu’ils soient plus rebondissants. On pouvait secouer la tête mais c’était un peu serré, à mon image à l’époque (rires). L.B.

J.A.

L.B. J.A.

Ta danse est physique, énergique, limite guerrière. Es-tu dans une démarche sexuée dans ta pratique de cette discipline, une incarnation virile ? La virilité ne m’intéresse pas spécialement. Je ne pense pas que ce soit quelque chose de très positif dans le monde. Je suis plutôt pour l’expression de la non-unidimensionnalité de l’énergie. Qu’elle soit concentrée au niveau du bassin, ou qu’elle symbolise ma force, ma colère ou mon appétit. Sur scène, j’ai envie de bouffer l’espace ! C’est du désir. Le désir est souvent identifié comme quelque chose de masculin dans notre société, mais je crois que ça fait un moment qu’on sait que les femmes en ont aussi. La déesse Kali rentre dans des colères absolues quand elle se met à danser. La colère est-elle fertile pour toi aussi ? Oui, c’est aussi ce que je sous-entends quand je parle d’appétit. C’est un bouillonnement et c’est très fertile. Mais ce n’est pas forcément un chemin très tranquille pour y arriver, parce que les émotions, qu’elles soient joyeuses ou sombres, peuvent prendre toutes sortes de formes quand elles remontent à la surface, et


on peut avoir besoin de la colère pour les laisser sortir, les aider à remonter. Le bouillonnement est source de vie, de créativité et de désir aussi, et c’est comme ça qu’on avance dans le monde, c’est des petits désirs, des moyens désirs, des gros désirs – et quand je parle de désir, je ne parle pas de désir matériel, mais d’envies profondes, de choses qui m’émeuvent. Du coup, ça demande de l’énergie, et la colère peut y contribuer. L.B. J.A.

“ ON CONSTRUIT SON INSTRUMENT CHAQUE JOUR, ET CHAQUE JOUR, IL EST DIFFÉRENT. POUR CHANTER, EN FAIT, IL FAUT ÊTRE UN ATHLÈTE !”

L.B.

J.A.

La danse est souvent liée à l’ivresse ou la défonce. En particulier la nuit. A-t-elle joué un rôle de catalyseur ? Oui, parce que j’y ai découvert et appris plein de choses concernant le relâchement et le lâcher-prise, mais je n’ai plus besoin de m’étourdir. Aujourd’hui, je suis capable de sortir danser sans produit ni même alcool. J’ai arrêté il y a quelques mois parce que ce n’est plus compatible avec ma pratique de la scène, mais je retrouve l’ivresse, la défonce via la danse, dans la transe, le mouvement, la musique répétitive et la techno. Je sors plus qu’avant au final. Aujourd’hui, on fait l’expérience de la musique de manière isolée, dans un rapport individualiste. Quel pourrait être l’impact de la danse sur le rapport entre les gens ? En France, ça pourrait avoir de bonnes conséquences. On est quand même un pays où le cérébral et le corps sont extrêmement séparés. Ça ne m’a pas fait du bien, donc je travaille à reconnecter l’un et l’autre, avec cette croyance que le corps n’est pas quelque chose de mauvais, de sale, qu’il faut contrôler. Bouh, très mauvais !

Jeanne Added / Radiate (Naïve/Believe) En concert le 3 avril au Zénith


© Mnaag / Nicolas Alpach

SORTIE

FESTIVAL CHORUS

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GUI MET MIX


Fini les clubs, fini les festivals, fini les entrepôts désaffectés qui nous tapent sur la tronche jusqu’à l’heure du petit-déjeuner…

Paris veut désormais écouter sa musique et non plus juste la consommer, préfère profiter d’un décor, d’une expérience et surtout d’une découverte plutôt que de simplement se retourner le cerveau. Troquez votre tenue d’écumeur de caves pour quelque chose de plus sophistiqué, on vous emmène au cœur d’un musée. Habitué de l’électro depuis quelques années, le musée Guimet revient pour son format “Guimet Mix”. Après nous avoir laissés dans un songe longue durée avec le passage du label de musiques du monde Akuphone en novembre dernier, le musée fête encore les cultures asiatiques en présence de SaiB, beatmaker et guitariste d’origine marocaine, le 6 avril prochain. Accessible gratuitement sur réservation, l’évènement vous invite à découvrir une partie des collections permanentes en musique, de la statuaire khmère à l’archéologie indienne en passant par des collections du Sud-Est asiatique. Une volonté de rallier les nouvelles générations moins intéressées à d’autres formes d’art que les plus médiatisées, grâce à la musique électronique, fédératrice de cette jeunesse. Le choix de l’artiste s’est donc naturellement tourné vers ce compositeur influencé

par le melting pot dans lequel il a grandi : Casablanca. Terre d’accueil de multiples ethnies, SaiB s’y est nourri d’une musique provenue des quatre coins du monde pour façonner son hip-hop. Un exercice réussi qui l’emmène du jazz afro-américain à la musique funk nipponne, de l’essence de l’Occident aux touches exotiques orientales. Son expérience dans le domaine saura être utilisée à bon escient par les spécialistes du Guimet Mix : trois sets, chacun thématisé, auront lieu à la suite. Ouverture des hostilités sur un moment city pop et musique japonaise des années 70 et 80. En peak, SaiB prévoit un set hip-hop et jazz aux influences asiatiques. Et pour le final, on voyagera dans le futur antérieur de la musique nipponne, avec un set future funk et vaporwave bien plus dansant, façon disco du Japon des années 90. De l’art sous toutes ses formes, un voyage culturel et une (re) découverte unique, voilà ce que souhaite proposer le musée Guimet à l’initiative de la soirée. Guimet Mix : SaiB Musée Guimet – 16e Samedi 6 avril de 20h à 23h


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UNE SOIRÉE DANS LES LIMBES DU LUCHA LIBRE,

PARADIS DES AMATEURS DE CATCH VÊTUS DE COSTUMES DE SUMO

VISITE NOCTURNE

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MANON M-J


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re le Panthéon, flanqué dans le contrebas d’une rue – un peu comme cet ancien bordel de Lisbonne reconverti en boudoirsex-shop-bar-à-cocktails où personne n’est fichu de t’indiquer un endroit où acheter du poppers –, se tenait le Lucha Libre, le seul bar de Paris équipé d’un ring de catch. Furax qu’on m’ait caché ça, j’y fonce un vendredi soir avec la ferme intention d’en découdre. Forte de mon expérience bâtie entièrement sur d’occasionnels visionnages de combats sur RTL9 il y a une dizaine d’années, j’ai tout à apprendre. Heureusement, j’ai fait mon boulot de journaliste au préalable et me suis déjà rencardée un peu sur cette discipline qu’on appelle plus communément “lutte professionnelle” en France.


18 / 19 LUCHA LIBRE VISITE NOCTURNE

“CATCH AS CATCH CAN” Alors le catch, sport ou spectacle ? Comme l’écrivait Barthes dans ses Mythologies en 1957, « la vertu du catch, c’est d’être un spectacle excessif ». Sport truqué par essence où l’on connaît par avance le résultat, ce qui compte, c’est la performance scénique, truffée de fausses prises aux noms oniriques du genre “facebreaker”, “flying clothesline” ou “Rope flip Middle Corner Double Shot Kick”. Même si j’ai révisé, rien ne semble pourtant joué puisque le costume de sumo s’avère être un poids supplémentaire lésant mon manque de pratique.

André the Giant en pleine action

En entrant, les conditions sont loin d’être réunies. Le bar diffuse de la pop hispanique distillée par vocodeur. Je suis déprimée à un stade que même Jean-Luc Delarue n’a jamais connu. En sortant fumer une cigarette, la vision d’un autocollant estampillé GRD me fait esquisser un mince sourire aussitôt disparu à la vue d’une bagnole de flics garée cinq mètres plus loin. Loin de crier ACAB cependant, la préfecture de police est à trente mètres, ce qui signifie que les chances de voir deux gusses terminer le combat sur le trottoir s’amenuisent à vue d’œil. 22h30, l’euphorie bat son plein. Mes acolytes et moi sommes coincés entre un anniversaire et un enterrement de vie de garçon, incarné à merveille par un groupe de mâles en rut encerclant un type vêtu en tout et pour tout d’une moitié de costume léopard et d’une tête de loup en peluche perchée sur le crâne, prêts à distribuer des patates de forain à l’étage inférieur. Masques de catcheurs sur le crâne, ils se cramponnent au bar comme le pistolet à la pompe à essence. Ça y est, j’aperçois, triomphante, le précieux sésame en circulation : une feuille d’inscription que j’attrape au vol pour y inscrire tout ce petit monde, pour la modique somme de trois euros par personne. Après ça, s’armer de patience n’est pas suffisant puisqu’une

André the Giant à la fin des 80’s

Chéri Bibi


heure plus tard, rien ne se passe. Le crâne lentement chauffé par quatre cocktails gin/ pomme-kiwi, je demande à descendre jeter un œil au groupe qui enterre l’innocence d’un jeune homme – et s’annonce tristement légendaire, compte tenu des vestiges de tequila paf qui s’amoncellent à leur table. Refus catégorique du patron qui me rappelle avec la sympathie d’une porte de prison que ce n’est pas mon groupe. L’arbitre, quidam dont la crédibilité repose entièrement sur un fedora en paille défraîchie perché sur le haut de son crâne, veille au grain. Pas vraiment effrayée par le refus du patron, je profite d’un coup de chaud au bar pour me glisser sous le cordon et dévaler à toute berzingue les marches vers la cave tant fantasmée.

Johnny Beaureguard au tapis

À LA RECHERCHE DU BOURREAU DE BÉTHUNE Pour trois euros par personne donc, vous acquérez le privilège de revêtir un costume de sumo qui sent la sueur devant une foule composée exclusivement de gens que vous avez pris le soin d’inviter. Pas de risque de débordement autant sur le ring qu’en dehors, tout est savamment millimétré et il vous faudra y mettre du vôtre pour établir l’ambiance saloon en délire que vous espérez. Pour ce faire, ramenez les plus émeutiers de vos potes, vous en aurez besoin. La mise en scène, censée être l’essence même du catch, s’avère entièrement annihilée par les effluves sonores nauséabondes crachées par les enceintes, ce qui a pour avantage notoire de vous énerver comme un taureau. Quand c’est chose faite, votre tour vient enfin. Mon mètre 55 fait pâle figure face à Chibro 29, 1m85 pour 91 kilos, en état d’ébriété avancé. Je jouerai donc sur son déséquilibre et mon agilité. Moi qui pensais enfiler une solide armure de mousse, me voilà attifée d’un costume en plastique vaguement molletonné. L’arbitre est de retour pour tenter de légitimer la chose – une lutte aussi

L’Ange Blanc au troquet du coin, jamais sans son masque

vaine que de chercher une once de suspense à ce sport. La cloche tinte, le combat commence. La suite de ce qui se passa dans cette cave parisienne de seconde zone a finalement peu d’importance, si ce n’est que le temps d’une soirée, le Japon est parti à la rencontre (maladroite) de l’Europe et que plutôt que de tenter de vous y adonner, on vous conseille de passer aux spectacles de catch pro organisés par le bar les premiers et troisièmes vendredis du mois à 21h30. Au moins, vous vous en ferez une idée, qui sera je l’espère, meilleure que la mienne.

LA LUCHA LIBRE

10, rue de la MontagneSainte-Geneviève – 5e Combats de catch pro le 1er et 3e vendredi du mois


FESTIVAL DR. Département des Hauts de Seine

WEATHER LSM

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N’y a-t-il donc pas de plus beau mois qu’avril ? Quand le printemps commence à battre son plein, quand on redécouvre le soleil, l’herbe verte, le parfum des fleurs, le goût des fruits et la douce mélodie du Weather Festival qui résonne au loin… Car oui, l’évènement prodigue est de retour. Aussi lointain que son dernier souvenir nous paraisse, l’équipe de Weather aura attendu le bon moment pour nous faire une belle surprise. Avec un premier teasing dans les rues de Paris par le biais de mystérieuses affiches au line-up secret, la team derrière Concrete révèle enfin son projet : un festival aux allures de grande messe de la musique électronique, invitant pionniers et jeunes étoiles montantes loin du mainstream

et des folies à l’américaine. Retour à la case départ pour Weather, qui revient à la charge armé d’un format repensé en collaboration avec un lieu où la musique est plus que respectée : la Seine Musicale. Dans son manifeste, le festival précise : « Avoir organisé des rassemblements pharaoniques de 25 000 personnes par nuit restera une fierté et une expérience inoubliable. Pourtant, ce format est-il le plus agréable et le plus pertinent aujourd’hui ? ». Pour cette nouvelle édition sobrement intitulée Weather LSM qui se tiendra le samedi 27 avril, ses organisateurs imaginent un instant intime à la programmation à la fois éclectique et pointue. Ici, les têtes d’affiche sont des génies de production, reconnus par tous, chacun atteint de ce syndrome du “ce petit plus qui fait que leur talent est unique”. Symboles d’une nouvelle génération et d’une nouvelle façon d’écouter, travailler et composer la musique électronique, ils cassent les codes des genres pour imposer leur style. Ce seront donc quatorze heures de musique sur trois scènes qui nous emmèneront jusqu’au petit matin. Le line-up a été tissé d’une main de maître : des premières, de nombreux lives, de l’engagement et de l’inédit… Tant d’artistes qu’on est impatients de (re) découvrir : Lanark Artefax, virtuose de l’IDM et de l’electronica pour ses premiers pas dans l’Hexagone, Antigone & Shlømø, princes de la techno française sous leur tout nouveau projet live LUXOR, park hye jin, digne héritière de Peggy Gou et Yaeji, OCB en live, représentant de la nouvelle scène électronique marocaine et enfant de l’electro rétro américaine… la liste est bien plus longue. Et même si ces noms ne vous disent rien, ils sont la garantie d’un moment hors du temps. Plus qu’une orgie dansante, Weather LSM est une véritable ode à la nouvelle ère musicale. Weather LSM La Seine Musicale, Boulogne-Billancourt Samedi 27 avril de 20h à 10h du matin Plus d’infos sur weatherfestival.fr


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MUSIQUE

GUTEN TAG KOM PROMAT T P

JACQUES SIMONIAN NAÏS BESSAIH

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24 / 25 KOMPROMAT MUSIQUE

Après que les festivités du week-end se sont finalement terminées, que nous nous sommes réfugiés dans les bras de Morphée lors de cette trop courte nuit qu’est celle qui sépare le dimanche du lundi, nous avons trouvé la force (et eux aussi) de rencontrer KOMPROMAT,

alliance formée par Rebeka Warrior & Vitalic, à une heure pas trop ingrate pour le premier jour de la semaine. Comme si le spectre du week-end voulait encore nous étreindre, c’est à La Station que nous avons rejoint les artistes pour parler de leur nouveau disque, Traum Und Existenz. Si vous êtes familier avec la paire, vous connaissez leur originalité. Alors nous, on a décidé de se mettre au diapason, en leur proposant une interview philosophie, divisée en quatre concepts, pour mieux cerner leurs choix artistiques.


Le Bonbon : Commençons avec le temps. Vitalic, tu disais que tout ce que tu faisais avait un côté rétrofuturiste. Comment ça se traduit dans ta musique ? Vitalic : Le rétrofuturisme vient du fait que je ne cherche pas du tout à faire une musique qui soit dans l’air du temps. Je ne veux pas suivre les modes. J’adore être à contre-courant. J’aime faire une musique qui n’est pas ancrée dans le présent, qui est intemporelle. Quand on se base sur le passé, mais en étant futuriste, on s’appuie donc sur des curseurs qui renforcent cet effet.

V.

Bon, c’est quand même vrai qu’on peut reconnaître nos styles. On a notre vocabulaire musical à nous. On ne peut pas toujours l’enlever, tout changer.

L.B.

L.B.

V.

Même si l’Allemagne est très présente dans cet album, je trouve que ce qui s’en échappe est très français. Je voulais faire un projet du charbon et de l’acier. Revenir à la base de l’industrie lourde. Mais force est de constater que oui, on est français tous les deux, donc on s’est fait un peu rattraper ! Mais c’était important de mettre cette touche allemande. Ma façon de faire est très française. Sans rentrer dans les détails, c’est du majeur avec une pointe de mineur. C’est vraiment ça qui fait très frenchie. Après, il y a quand même le côté mécanique, qui est un truc très 70’s allemand. Mais c’est vrai que le duo “De mon âme à ton âme” sonne très français. Oui ! Comme j’ai énormément de mal à composer en majeur, je trouvais ça intéressant de tirer chacun un peu de son côté, pour obtenir un résultat au milieu, qui est tristoune, mais pas que.

C’est comme ça que vous avez construit le son de cet album ? V. Exact. Et j’insiste, on ne voulait pas proposer quelque chose qui soit dans ce qui se passe en ce moment. Rebeka Warrior : Il faudrait déjà être au courant ! V. Quand on n’écoute que Céline Dion et Dalida, forcément ! L.B.

V.

R.W.

Bergson disait : “Le temps est le temps vécu de la conscience”. Je trouve que pour ce disque, cette phrase colle parfaitement. On reconnaît beaucoup vos identités à chacun. Période OK Cowboy pour toi Vitalic, et toi Rebeka, Sexy Sushi. OK Cowboy était influencé par le rock et avec KOMPROMAT, j’avais envie de m’éloigner de la disco. Même s’il y en a environ 3% sur le disque. Il y en a toujours un tout petit peu. Mais pour Julia (Rebeka Warrior, ndlr), ce n’était pas possible. Elle déteste ça. Puis je voulais m’échapper du Vitalic de maintenant. Et avec elle, je trouve que ça ne fait ni l’un, ni l’autre. Dans Sexy Sushi, j’abordais la société vraiment en faisant beaucoup de critiques, d’ironie, et d’humour mal placé, parce que j’aimais bien ça, taquiner. Mais ce n’est plus le cas dans KOMPROMAT.

R.W.

R.W.

L.B.

R.W.

V.

Après le temps, vient la nature. Le spectre de la mort plane moins sur les textes. J’y vois plus une sorte de perpétuel recommencement, qu’une fin. Vous êtes sensibles à cette idée ? Comme tu le chantes dans “Niemand”, Rebeka ? Je suis vraiment contente que tu en parles ! Souvent on me dit : les textes sont noirs, c’est triste… alors que pas du tout ! Je vois ça comme la continuité de quelque chose, comme un cercle vertueux. C’est la naissance, la vie, la mort, tout ça c’est parfaitement cohérent et ce n’est pas du tout quelque chose que j’ai envie d’aborder avec chagrin. Sur le papier, là, on ne donne pas


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R.W.

L.B.

KOMPROMAT

V.

MUSIQUE

R.W.

L.B.

envie de vendre notre disque. On parle de la nature, de la mort et tout ça… Et en plus c’est joyeux ! J’espère qu’on va en vendre un quand même ! En fait on cible un public de maison de retraite, et de philosophes en fin de vie ! Autre idée : musique organique et musique mécanique. Vitalic, tu disais que tu avais été inspiré par des musiques mécaniques, froides, où les paroles deviennent alors secondaires. Au début je me posais des questions là-dessus. Les paroles sont fantastiques et on les fait en allemand, alors que je ne parle pas du tout la langue. Julia a essayé en anglais, puis avec un peu de français sur la fin, mais ça ne marchait pas. On a commencé le projet avec “Niemand” et avec l’allemand, puis on n’y arrivait plus. On a essayé de lutter contre ça, et après, il a fallu faire des choix. On savait que c’était un peu clivant : à part à Zurich, en Autriche et en Allemagne, ce n’est pas une langue très répandue… Mais comme Julia le dit, elle a approché ça plus comme un instrument, un nouvel outil. C’est vraiment l’allemand qui nous a choisis. Et puis, ça fait 20 ans que je fais de la musique, et j’ai toujours écrit un peu en anglais et beaucoup en français. J’ai des habitudes de jeu, et au bout d’un moment, je trouve qu’on s’ennuie soi-même. J’avais envie d’être surprise par ce que je pouvais chanter. De le faire en allemand, ça me permet de casser les mots à des endroits inhabituels. L’allemand m’a permis de réinventer ma diction, et mes mélodies. Il y a aussi du français dans les textes. Vous avez choisi d’utiliser les deux langues pour accentuer cette sensation

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organique, instrumentale ? Oui. Aussi, j’aime bien les textes très courts, j’ai des leitmotivs. Quand tu veux faire une chanson, si tu n’as qu’une phrase, bah c’est chiant. Même si ça ne m’ennuie pas forcément ! Du coup, le fait de répéter le même truc dans les deux langues, ça me gagne donc une nouvelle phrase ! Aussi, les duos français-allemand sont des formules que l’on n’entend pas beaucoup. Et je trouve ça frais ! Je ne sais pas si beaucoup de monde trouve l’allemand frais, mais… Je vois plus le truc comme du hareng fumé ! En dernier concept, j’aimerais qu’on parle d’une notion très intime : le rêve. Vu que ce mot apparaît dans le titre du disque, peut-on dire que cet album est intime ? Oui, on avait très envie de ça. Ça n’empêche pas d’avoir un côté festif et dancefloor. Après on a eu des vagues, on ne faisait que des morceaux mous. Très, très, love. Sur la fin on s’est dit : « merde, on n’a que des slows ». Donc on a tout repassé à 150 BPM. Ça reste quelque chose d’approprié pour le spectacle, puisqu’on va en faire un, avec une scénographie et tout. En tout cas, ce disque n’est pas qu’hédoniste. Et ça, c’était voulu. Le titre de l’album (rêve et existence, ndlr), c’est vraiment ce rapport entre les deux. Je fais rarement de différence entre la vie rêvée et la vie réelle. C’était un peu ce cross-over qui nous intéressait. D’être dans cette réalité, mais en même temps qui est toujours modifiable, ré-inventable.

KOMPROMAT Traum und Existenz 5 avril (Clivage Music) Le duo jouera le 18 avril au Trabendo



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Jonah Hill qui se met à la réalisation et qui nous parle de skate et des années 90, ça devait forcément être cool. Et oui, “cool” est bien le terme qui convient pour décrire son premier film, même si dans la vie, « tout n’est pas si facile », comme le chantait NTM en 1995 (mid-90’s est le titre original du film) sur l’album culte Paris sous les bombes, et comme le montre le métrage.

MUSIQUE

PAPOOZ

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LOUIS HAEFFNER


90’S Si je vous parle de NTM alors qu’on est censés parler ciné, c’est parce que le célèbre groupe de rap est pour moi une véritable image d’Epinal de l’adolescence ; à chaque fois que j’entends un de leurs titres, je suis aussitôt projeté dans ma chambre d’enfant, assis en tailleur devant ma playstation, farfouillant d’une main dans le paquet de BN qui traine à côté de mon lit. « Oui maman ! » Elle a raison il fait hyper beau, je vais sortir voir des potes. J’attrape ma planche dans le garage et c’est parti, on rejoindra peutêtre Caro et Marie-Morgane… Tout ça vous semble hors-sujet ? Oui je me suis un peu égaré, mais pas tant que ça finalement, car c’est bien d’adolescence, et même plus particulièrement de celle de notre génération, que 90’s nous parle. Dans un quartier populaire de Los Angeles, Stevie, 13 ans, grandit difficilement entre une mère souvent absente et un grand frère qui le persécute. Il parvient finalement à s’acheter sa première board, et commence

dès lors à trainer avec une bande de skateurs plus âgés. En leur compagnie, il va connaître l’été le plus déterminant de sa vie et découvrir ce monde inatteignable et pourtant si proche de lui qu’il convoite tant. Les potes, le skate, les filles, le hip-hop, les soirées… la liberté putain ! Si l’humour ne manque pas dans ce premier film, on s’attendait pourtant à quelque chose de plus léger de la part de Jonah Hill réalisateur. En filmant le jeune Sunny Suljic (aperçu dans l’excellent Mise à mort du cerf sacré de Lanthimos) à hauteur d’épaules, en utilisant par moments le fisheye comme une référence directe aux vidéos de skate, en incorporant une bande originale très classic hip-hop, Jonah Hill nous replonge, de façon très intime et réaliste, en enfance ; ce que Stevie vit de son côté de l’océan Atlantique, nous l’avons vécu du nôtre. C’est loin, et pourtant si proche… 90’s – sortie le 24 avril


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CLAIR OBSCUR, L’ÉDITO CINÉMA

CINÉMA

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PIERIG LERAY


Être fier de son pays n’est pas un acte nationaliste, targué généralement d’extrémisme par les plus extrêmes… C’est d’abord un acte de foi raisonnée en l’histoire de son peuple, une marque immense de respect aux combattants de la liberté du passé, et un geste émancipateur par le langage : dans un tel contexte de méfiance totale en l’élite et la gouvernance, comment ne pas s’emballer pour le Synonymes de Nadav Lapid (en salles depuis le 27 mars), combat d’un jeune Israélien quittant un pays paranoïaque pour la France, encore fantasmée comme terre libre. Et cette liberté morale et de conscience, Yoav veut la gagner par les mots et le dialogue, un joli pied de nez à la violence sociale contemporaine et sans frontière, incapable d’établir une discussion de fond, dans une supercherie de débat national. Lorsque la jeunesse algérienne s’insurge dans les rues, et que le pouvoir en place vacille, il y a de quoi reprendre espoir en la force intangible du peuple face à l’élite sourde et aveugle. Maigre consolation face à la déconfiture locale, où la seule réponse à la détresse sociale semble n’être malheureusement que l’escalade de violence face à l’inertie du pouvoir. Avec un Édouard Baer bien palot, et qui continue de penser que porter un cuir en 2019 ça reste jeune (aïe, “il s’agirait de grandir”, référence hazanavisienne), Michel Leclerc sort La Lutte des classes (en salle le 3 avril). Le parallèle serait hasardeux, mais il est drôle de voir se démener la bien-pensance boboïste (ici un couple moderne à la con avocatemusicien) et la conviction de la laïcité par l’école publique face au désir égocentrique de parents souhaitant le meilleur environnement scolaire pour leur enfant, dans un désir mégalo de réussite sociale.

Réussite sociale bien ternie lorsque ta femme se casse, te laissant agoniser en père solitaire, la barbe de trois jours devenant blanchâtre puis gris clochard. Et c’est la queue plus trop bandante entre les jambes que tu rentres chez les parents, la mine défaite. Je parle bien sûr du retour de Tanguy de Étienne Chatillez (sortie en salle le 10 avril). Et le trio Berger, Azema, Dussolier qui joue une comédie à la française, efficace dans une crise de quarantenaire à la dérive, le feu éteint, en conquête des dernières braises. Tout est cyclique, les vingtenaires s’habillent comme les racailles des années quatrevingt-dix, les chaussettes blanches et les pulls Fila, le bob, les chaussures compensées, les t-shirts trop courts sur des copycat des Spice Girls qui peuplent les abords des lycées. Que c’est laid. Et forcément, la branchitude de Jonah Hill ne pouvait passer à côté avec son 90’s (sortie le 24 avril), revival de Tony Hawk et ses pixels Playstation en version live, les premières Vans trouées et cette juvénile impression d’être le king de la city, ridant sur les bancs publics d’Ille-et-Vilaine, en recherche de sensations fortes. La première gorgée de bière qui pique, et ce vent de liberté dans les cheveux gras, le logo Korn sur un Eastpak bosselé. Liberté en avril, celle de vivre par le langage, le combat, sa passion, libre aussi d’avoir peur avec le 10 avril, Simetierre de Kevin Kolsh et Dennis Widmyer qui tentent l’épouvante au début du printemps, en attendant Cannes et sa furie le mois prochain.


STYLE

BERHASM T

MANON MERRIEN-JOLY

VOUS RHABILLE POUR L’AFTER 32


Tous les mois, le Bonbon Nuit se mue en une Distyllerie, décomposant le style et les références esthétiques de ceux qui donnent le pouls du Paris d’aujourd’hui. On s’octroie cette fois un tour de l’Europe de l’Est et on se met à la recherche des designers qui imaginent ce que les Parisiens porteront demain. Ou du moins pour faire la fête, puisque le collectif Berhasm s’est mis en tête de vous rhabiller pour l’after.


STYLE

BERHASM

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Le Bonbon : Salut Beso, tu peux présenter Berhasm à nos lecteurs ? Beso Turazashvili : Berhasm, c’est un collectif d’Europe de l’Est qui oscille entre la mode, l’art et la musique, on vient de Tbili (Tbilissi, capitale de la Géorgie, ndlr) mais on travaille à Moscou, en Russie. Le collectif a été lancé l’an dernier à la Fashion Week de Paris. L.B. B.

L.B.

La collection automne-hiver 2019 navigue autour de l’idée d’une “technofamily”. Tu peux nous en dire plus ? En fait, l’idée de la “techno mother” m’est venue au Berghain (comme l’idée de démarrer le collectif luimême d’ailleurs) où je rencontrais toujours des gens intéressants, mais cette fois-ci j’ai eu une longue et profonde conversation avec un couple qui venait de Pologne. Ils fêtaient leurs cinq ans de mariage ici, au Berghain. Ils me racontaient leur vie là-bas, en Pologne, comment ils s’étaient rencontrés dans une rave et étaient ensemble depuis ce jourlà. Ensuite la femme a commencé à me parler de leur fille et elle m’a regardé en me disant, « Oui, je suis une “techno-mother” ! ». Et j’ai réalisé soudainement combien de couples je connaissais qui s’étaient rencontrés de cette façon-là et l’idée des gamins des années 90 qui avaient grandi, fondé des familles tout en continuant à faire la teuf, et je me suis dit que ça devait être le sujet de notre prochaine collection. En même temps, on peut voir une certaine évolution entre les collections antérieures (dédiées aux sapes pour faire la fête et aux photos de nuit, en club). Dans cette collection “Mother of techno”, on peut voir des gens en train de dîner, de prendre soin d’un bébé… Est-ce que vous vous êtes assagis ?

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La première saison était un genre de test, pour voir si on allait trouver notre public. C’est pourquoi la collection précédente, qui s’appelle “affterparty in Eastern blok”, était assez simple avec en majorité des sweats, des T-shirts, des pantalons. J’ai été surpris par la vitesse à laquelle a grandi la famille Berhasm. Bien sûr, les médias sociaux nous ont beaucoup aidés. Et puis j’ai commencé à voir nos imprimés en soirée, on a commencé à vendre dans le shop le plus cool de Russie, Tsvenoy Central Market, et j’ai réalisé qu’on avait plus à donner à notre public, qui était finalement devenu notre cercle de potes. C’est pourquoi dans la nouvelle collection “ТЕХНОМАТЬ” (“technomother” ou “mother of techno”) on a ajouté de nouvelles pièces, des vestes en fausse fourrure, des robes, des manteaux… La raison pour laquelle on a créé de nouveau c’est que oui, Berhasm sont des vêtements destinés à la rave, mais que l’on a tous des vies en dehors des fêtes. Cependant, la rave, pour nous, n’est pas un simple endroit où aller danser, c’est un mode de vie, un état d’esprit spécifique que l’on veut garder au travail, au musée ou en allant rendre visite à sa grandmère. Voilà pourquoi on a agrandi la collection à des pièces qui peuvent être portées à n’importe quelle occasion, et toujours représenter un certain mode de vie. Notre campagne précédente parlait de deux mecs et d’une nana qui rentraient à la maison après une fête et continuaient en affter. La nouvelle campagne raconte l’histoire d’une “techno-mother” qui se prépare à organiser une fête. En fait, on voit une “technofamily” au complet… Avec un “techno-kid” ! D’ailleurs, la campagne a été shootée par un jeune photographe ukrainien très talentueux,


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Sasha Favorov, dans l’appart’ de mon pote Oleg, dans un des 7 Stalin vysotkas – les gratte-ciel soviétiques qui ont été construits pour les diplomates et personnels du gouvernement à l’époque stalinienne. L.B.

BERHASM

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Qu’est-ce qui incarne le symbole de la mère dans cette collection ? J’ai commencé à développer l’idée de la “techno-mother” parce que ça me tenait à cœur, je m’en sentais proche. Et soudainement, les figures de la mère patrie me sont venues à l’esprit, par les statues de Tbilissi, Kiev et Volgograd. En URSS, ces statues étaient construites dans presque toutes les capitales, en tant que symboles du pouvoir soviétique. La figure de la mère est très importante dans notre région, et particulièrement en Russie – d’ailleurs, les gens l’appellent parfois “Mère Russie”, du coup on a décidé de donner à ces statues un nouveau rôle – ; on les a combinées, on leur a flanqué des bouteilles d’eau à la main plutôt que des armes, une paire de lunettes de soleil pour les protéger de la lumière du jour et colorées avec de belles couleurs acidulées. Ces mères sont nos symboles de pouvoir et de liberté aujourd’hui. Au cours d’une interview donnée au magazine Dazed, tu as dit que Berhasm avait pour but de faire hommage aux contemporains du bloc de l’Europe de l’Est, tout en regardant vers l’avenir. Le vôtre, d’avenir, tu le vois comment ? Berhasm est un label qui réagit très vite aux bouleversements sociaux. On veut être comme un organisme qui réagit instantanément, et pas une saison après que les événements se sont passés. Je peux voir que l’honnêteté et l’autodérision sont des qualités que notre public apprécie, sans déconner. Je suis vraiment

“ LA RAVE, POUR NOUS, N’EST PAS UN SIMPLE ENDROIT OÙ ALLER DANSER, C’EST UN MODE DE VIE.” heureux de voir que notre public est très large depuis le premier jour – je suis reconnaissant auprès des médias internationaux, de la presse qui a vu quelque chose de différent en nous. Pouvoir apporter notre esthétique locale sur le marché international, c’est incroyable. Mais ça montre aussi que tous les problèmes dans le monde répondent à une vision similaire, des problèmes communs à résoudre, et la mode devient ce langage unique qui peut unir les gens, peu importe d’où ils viennent. Bien sûr, j’aimerais qu’on atteigne de plus en plus de pays, je suis convaincu que c’est possible. L.B. B.

L.B.

C’est quoi vos sources d’inspiration, chez Berhasm ? Absolument tout. L’architecture, pas mal. J’aime les détails de façon globale, j’adore aller voir des expos photo. Pas mal de cinéma aussi – j’ai étudié le cinéma à la NYU donc forcément… J’aime aussi regarder les gens danser, leurs visages mais aussi leurs émotions. L’ère soviétique connaît une sorte d’engouement esthétique depuis quelques années. Tu peux nous parler un peu de


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l’atmosphère en ce moment en Russie, en Géorgie ? Après avoir vécu en Italie, aux ÉtatsUnis, au Royaume-Uni, en Argentine et dans les Émirats arabes unis, je peux dire que vivre en Europe de l’Est, c’est vraiment excitant en ce moment. Du moins pour ma part. Il y a tellement de choses qui changent, rien n’est stable, l’économie se casse la gueule mais les gens se battent ! Toutes les plus belles choses arrivent en temps de crise, quand les temps sont durs. Je peux voir tellement de bons artistes qui repoussent leurs limites pour créer des trucs géniaux. En Géorgie, l’industrie de la mode est en plein essor. Après que le monde a découvert la Géorgie grâce à Demna Gvasalia (créateur de la marque Vetements et directeur artistique de Balenciaga depuis 2015, ndlr), Sofia Chkonia a créé la semaine de la mode locale, la Mercedes Benz Fashion Week qui est vraiment hyper pointue.

C’est devenu une super plateforme pour beaucoup de designers géorgiens très talentueux, et l’occasion d’être vu par le monde entier. J’ai vraiment hâte que le premier défilé de Berhasm ait lieu à Tbilissi, en mai au cours de cet événement-là ! L.B. B.

À ton avis, on devrait inviter qui à ta place pour notre prochaine Distyllerie ? Je dirais Vivienne Westwood. Elle est la personnalité la plus iconique a avoir combiné mode, musique et discours social à sa marque. Je l’ai lue à de nombreuses reprises et vue dans beaucoup de documentaires, mais je me demande tout le temps : « Mais comment elle fait ? ».

Instagram : @berhasm_global Si comme Berhasm, l’ère soviétique vous inspire, on vous invite à faire un tour au Grand Palais qui retrace du 20 mars au 1er juillet l’histoire de l’art soviétique à travers plus de 400 œuvres.


LA LUNE 38 / 39

1969, Neil Armstrong marchait pour la première fois sur la lune : “Un petit pas pour l’homme, un grand pas pour l’humanité”. Oui, le monde n’a sans nul doute jamais connu plus grand tournant, et de cet exploit nous fêtons aujourd’hui les 50 ans. Une célébration à laquelle le prestigieux Grand Palais de Paris nous fera prendre part dès le 3 avril, et jusqu’au 22 juillet, au cours d’une exposition qui liera Histoire, rêve et contemplation.

EXPOSITION

Si la Terre n’est plus un secret pour l’Homme, nous ne pouvons en dire autant de la Lune, cet astre qui nous semble si familier et pourtant si mystérieux. Car oui, le satellite de notre planète est aussi merveilleux que complexe et c’est en cela qu’on le rattache souvent au songe, moteur de création. Une création que l’on aura l’occasion de découvrir de plus près à travers une sélection d’œuvres d’art incarnant la relation de l’homme à l’astre dans cette exposition intitulée sobrement La Lune. Divisée en 5 parties, La Lune proposera ainsi une rétrospective artistique allant de l’Antiquité jusqu’à nos jours, venue d’Europe et d’ailleurs, pour une représentation précise et complète de l’astre. La première partie, “De la Lune à la Terre, du voyage réel au voyage imaginaire”, partira de 1969

pour remonter le temps jusqu’à l’Antiquité, où l’astre était au cœur de toutes les fantaisies. “La Lune observée” suivra cette première partie pour nous proposer une approche scientifique de l’astre à travers les travaux de Thomas Harriot, Galilée ou encore Cassini : l’invention du télescope au XVIIe siècle a de toute évidence permis une réalisation cartographique de la Lune tout à fait fascinante. Si ces deux premières parties aborderont le sujet dans une démarche théorique et historique, les trois autres mettront un point d’honneur à sa mysticité. Nous découvrirons ainsi “Les trois visages de la Lune”, communément dits « caressant, changeant et inquiétant », avant d’aborder les différents caractères mythologiques associés à la Lune parmi lesquels Chandra, Artémis ou encore la Vierge Marie. Enfin, la dernière partie intitulée “Une expérience partagée de la beauté” aura à cœur de révéler la Lune comme source d’inspiration, proche et mystérieuse, qui dévoile la nature sous une lumière réfléchie, intime, et toujours contemplative, rattachée au thème du paysage. La Lune - Du voyage réel aux voyages imaginaires – Grand Palais – 8e Du 3 avril au 22 juillet Plus d’infos sur grandpalais.fr


LA Du voyage réel aux voyages imaginaires

GRAND PALAIS 3 avril – 22 juil. 2019

Marc Chagall, Le paysage bleu (détail), 1949, Wuppertal, Von der Heydt Museum © Adagp, Paris, 2019. Design C-Album / Adaptation solennmarrel.fr


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LUCAS JAVELLE NAÏS BESSAIH

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MUSIQUE

Il était parti sur les rails en 2015 pour son premier album Transsiberian, à traverser les contrées sauvages de la Russie pour s’en inspirer. L’année dernière, c’est à l’asphalte que s’est attaqué Thylacine.

À bord d’une vieille caravane Airstream entièrement retapée en home studio, il prend les routes d’Amérique du Sud pour composer ROADS Vol. 1, premier d’une potentielle longue série d’œuvres inspirées par ses voyages. Un procédé plus qu’évident pour le jeune producteur qui ne peut désormais plus s’en passer. Pour lui, le voyage est autant essentiel pour la musique que pour le côté humain.


“ QUAND L.B. ON VEUT T. VRAIMENT ÊTRE CRÉATIF ET ALLER AU BOUT DES L.B. CHOSES, IL T. FAUT POUVOIR METTRE TOUT DE CÔTÉ.” Le Bonbon : Comment est-ce que tu définirais toi-même ta musique ? Thylacine : C’est un truc que j’ai beaucoup de mal à faire… La définition que je peux donner, c’est que c’est une musique intime pour moi. C’est un partage d’émotions, de ressentis. Les genres de musique, j’ai un peu de mal. L.B. T.

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Si je te dis Jon Hopkins, tu me réponds ? C’est hyper agréable. Mais quand tu écoutes son album, tu en as fait le tour en deux morceaux. En tant que compositeur, ça ne m’intéresse pas de faire ça ; j’espère faire des tracks qui changent à chaque fois, faire des rencontres musicales qui me font aller dans d’autres directions… Je ne veux pas faire la même chose toute ma vie. Il avait pris des champignons pour faire son dernier album. Tu as eu une approche un peu “particulière” comme ça, toi aussi ? Pas du tout ! Lui, il prend des champignons pour voyager, moi je voyage

L.B. T.

tout court… Tu as rencontré un chaman mais tu n’as pas pris d’ayahuasca ? Non, j’ai pris du bouc bouilli et du p’tit lait fermenté – ce qui est absolument dégueulasse –, mais rien d’hallucinogène. C’était un mec très traditionnel, pas du tout dans les médecines. Vachement plus tourné sur la picole que sur les champis. Ça t’a apporté quoi cette expérience ? Ça m’a permis de rencontrer des personnes qui ont une vie radicalement opposée à la mienne. C’était un tout petit village qui faisait des cérémonies – le bouc bouilli, c’était pour avoir plus de poisson dans le lac Baïkal. Sans porter de jugement, ça m’intéresse de voir toutes ces vies. C’est hyper enrichissant. J’ai pu l’enregistrer quand il faisait ses cérémonies, je m’en suis servi pour faire un morceau. C’est un mec qui a une vie de malade, toute sa famille était au goulag… J’ai l’impression que plus je découvre des gens comme ça, plus je me rapproche d’une vision du monde dans sa globalité. J’en suis très loin, mais chaque petit truc apporte sa part à cette big picture. Qu’est-ce que tu en gardes de plus beau, tes souvenirs ou ton album ? Certains sont liés, c’est ça qui est génial. Quand j’incorpore des samples, il y a le souvenir qui se retrouve dans le morceau. Mais probablement les souvenirs, et surtout les rencontres. En Sibérie, j’ai pu garder quelques contacts. En Argentine aussi. Je reçois des messages, on s’envoie des trucs ; c’est chouette que ça ne soit pas purement “je fais mon truc et je me casse”. À chaque fois, il y a des vraies affinités et un vrai échange. C’est forcément fort – un


261 BOULEVARD RASPAIL 75014 PARIS

EXPOSITION DU 4 AVRIL AU 16 JUIN 2019

fondation.cartier.com

design graphique : deValence

ARTS VISUELS CONCERTS PERFORMANCES DANSE DESIGN RENCONTRES ATELIERS


MUSIQUE

THYLACINE

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peu cucul hein, mais nécessaire. L.B. T.

Si tu n’avais pas pu voyager, ta musique aurait ressemblé à quoi ? On peut trouver d’autres façons de voyager, pas besoin de partir très loin.

L.B. T.

Il y a la drogue… A priori, il y a les champignons (rires). Je pense que ça aurait été plus redondant. La musique que je fais ici (à Paris, ndlr), c’est fade. Je fais ce que je sais faire, il n’y a pas d’étincelle qui fait que ça va plus te marquer. On appelle ça “musicomètre” en musique de film… C’est pour ça que j’ai envie de sortir de ça.

L.B.

Tu avais commencé il y a quelques années tes petites expérimentations, notamment au saxophone – ton instrument de prédilection. Aujourd’hui, c’est moins le cas ? Ce n’est pas forcément moins le cas. Sur le dernier album, il y a trois morceaux avec du saxophone. Mais c’est très compliqué de lui faire rencontrer de manière agréable la musique électronique. J’ai choisi le saxo quand j’étais petit, je n’y peux rien ; aujourd’hui, c’est l’instrument que je maîtrise. Ce n’est pas forcément la sonorité que j’aime le plus, mais j’ai l’avantage de pouvoir partir en improvisation et construire des choses – parce que c’est un peu la maison, le saxo. Après, ce n’est pas évident de le faire, mais sur cet album, j’ai pu trouver le temps, les bons micros… Pour une fois, j’avais un vrai studio – avec Transsiberian, dans le train, c’était plus compliqué.

T.

L.B. T.

production, ndlr) qu’ils se sont rendu compte du projet que c’était. J’ai eu des accueils hyper cool, de tout le monde – même les flics. C’était plus simple à expliquer que Transsiberian ; c’est le train du peuple et les gens ne comprennent pas qu’on le prenne pour s’inspirer. Là, les gens savent qu’ils vivent dans des endroits de ouf, un peu paumés. Ce qui était compliqué, c’est que j’arrivais dans des endroits où j’avais plus d’électricité que tout le village avec les panneaux solaires, les batteries… J’essaye de ne pas trop le montrer, de ne pas créer une confrontation de technologies. Mais au final, j’ai quand même été agréablement accueilli. Jamais eu de souci.

Comment les gens ont réagi quand ils t’ont vu débarquer avec ton gros pavé d’aluminium ? (Rires) C’est surtout quand ils ont vu l’intérieur (un véritable studio de

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Voyager, c’était évidemment un moyen pour toi de fuir. Mais quoi ? Une routine, une obligation temporelle… Là-bas, j’avais une liberté totale, et de mouvement, et de temporalité. Rien de prévu. Ce qui est énorme pour moi. Tout ce qui me dirigeait, c’était purement la musique. Pour moi, c’est nécessaire : quand il y a une inspiration qui vient sur un morceau, je ne peux pas casser le truc parce que j’ai des obligations ailleurs. Il faut que je puisse me faire embarquer par ça, me perdre, et avoir le temps nécessaire pour mener ça au bout. Retrouver une liberté totale. Tu trouves qu’on manque de liberté ici ? Clairement pas. C’est juste une liberté artistique. On a des vies – j’en suis un très bon exemple – surchargées, pleines de projets. Je me mets moi-même plein d’obligations, mais volontairement parce que j’ai envie de les faire. Mais à un moment donné, quand on veut vraiment être créatif et aller au bout des choses, il faut pouvoir mettre tout ça de côté et


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“ JE N’ARRIVE MÊME PAS À FAIRE AUSSI BIEN LA FÊTE À PARIS QU’À L’AUTRE BOUT DU MONDE.”

choses. Tu vis un peu différemment, quoi. J’ai l’impression d’être beaucoup plus intéressant, actif, acteur. J’ai même l’impression d’avoir plus de couilles aussi, de vivre des trucs un peu fous et de prendre les choses en main. Alors que quand je reste là, je reste ancré dans ma routine. Et il y a plein de gens qui ne la cassent jamais. C’est pour ça que je rentre de moins en moins : j’ai l’impression de prendre plus ma vie en main. L.B.

THYLACINE

T. pendant un temps n’avoir rien qui te fasse sortir de ça. Comme les poètes et écrivains qui s’enferment pendant des mois. Donc ça ne colle pas avec la vie que j’ai ici. L.B. T.

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MUSIQUE

L.B. T.

Quelque part, on n’aurait pas épuisé le puits d’inspiration artistique qu’a été la France ? Je n’ai pas envie de parler pour tout le monde, mais c’est vrai que moi, j’ai besoin de bouger dans tous les cas. Tu aurais pu partir avec ta caravane en pleine Bourgogne ? Je pense que oui. Mais il s’avère que je n’arrive pas à décrocher comme ça chez moi. C’est débile, mais je n’arrive même pas à faire aussi bien la fête à Paris qu’à l’autre bout du monde. Je me lâche plus et je profite plus là-bas. Pourquoi être chez soi crée un tel blocage ? On va partir sur une séance de psy… (Rires) Mais non, ça veut dire qu’à un moment donné, t’as ce truc… je ne sais pas… Le fait d’être en voyage, à l’extérieur, il y a pas mal de sécurités qui sautent, tu te permets d’autres

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Tu arrives quand même à t’épanouir en ville ? M’épanouir, non. J’arrive à mettre à bout mes projets. L’avantage de Paris – c’est pour ça que j’y suis encore –, c’est qu’on y fait tout. Et c’est tout petit, mine de rien. En ça, je m’épanouis professionnellement. Humainement, pas du tout. Le seul truc qui me fait un peu kiffer, c’est quand je me fais des virées de nuit dans la ville en moto. Du coup tu repars quand ? (Rires) Bientôt, je l’espère. Je ne vais pas te le dire, je garde le truc. Mais forcément, ça s’appelle Vol. 1, le but c’est de l’exploiter. Surtout cette caravane, c’est mortel. J’ai juste à l’emmener dans un coin et j’ai tout pour faire de la musique. J’ai trop hâte d’aller dans un endroit totalement différent pour voir ce qui en ressortira cette fois-ci. Dans un premier temps, je vais éviter de me taper des énormes douanes de merde et des cargos d’un mois… Peut-être faire des plus petits volumes – cinq, six morceaux –, je ne sais pas. Partir au moins tous les ans, ce serait top. J’ai envie de pouvoir gérer un peu mieux mon temps. Thylacine – ROADS Vol. 1 En concert le 23 mai à l’Olympia



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VENDREDI 5 AVRIL 19h Gaîté lyrique 20€ Rendez Vous + Qual 23h Lieu inconnu 25€ Organïk : 1st anniversary 00h Bus Palladium Bonbon Party, invits sur lebonbon.fr SAMEDI 6 AVRIL 17h Lieu inconnu 35€ Paris est une Quête 00h Les Caves Lechapelais 10€ 20 000 boobs sous les mers 00h YOYO – Palais de Tokyo 21€ DISCO DISCO Closing

AGENDA

DIMANCHE 7 AVRIL 03h Café Barge Neighbor Hood Affter Party 19h La Java 6€ Cinéclubbing #1 : Mutantes

DIMANCHE 14 AVRIL 03h Café Barge INSoMNia meets Watermelon JEUDI 18 AVRIL 20h Trabendo 25€ KOMPROMAT (live) 23h L’INTERNATIONAL Hydropathes Records Alunissage VENDREDI 19 AVRIL 00h Rex Club 22€ Legends : Ben Klock & DJ Deep 00h Glazart 15€ Super House w/ Adryiano… 00h Bus Palladium Bonbon Party, invits sur lebonbon.fr

MERCREDI 10 AVRIL 00h Rex Club 7€ Overground : Ae:ther, Deviant Lads…

SAMEDI 20 AVRIL 15h Palais Brongniart 30€ INASOUND Festival 23h Concrete 15€ Margaret Dygas, Roxymore… 00h Trabendo 20€ Born To Rave

JEUDI 11 AVRIL 19h NF-34 12€ Newtrack 6th anniversary 20h Badaboum Macadam Crocodile Rec Party

VENDREDI 26 AVRIL 23h Badaboum 15€ DJ Tennis (all night long) 00h Bus Palladium Bonbon Party, invits sur lebonbon.fr

VENDREDI 12 AVRIL 23h NF-34 12€ Distrikt w/ Francesco Del Garda… 00h Rex Club 14€ Lack Rec vs Magic Power 00h Bus Palladium Bonbon Party, invits sur lebonbon.fr

SAMEDI 27 AVRIL 20h La Seine Musicale 35€ Weather LSM Festival 21h 104 CENTQUATRE 25€ Chloé présente Lumière Noire

SAMEDI 13 AVRIL 22h Djoon 21€ Motor City Drum Ensemble 23h La Station 10€ 75021 #31 23h La Machine du Moulin Rouge 15€ Wet For Me – Wild edition

MERCREDI 30 AVRIL 22h Dock Pullman 32€ Innervisions Paris 23h Concrete 15€ Blocaus release night 00h La Java 10€ Souldancer invite Harrison BDP…


10 AVRIL – 10 MAI

MOLIÈRE

TRISSOTIN OU LES FEMMES SAVANTES MISE EN SCÈNE

www.lascala-paris.com 01 40 03 44 30 13 boulevard de Strasbourg, PARIS 10e

GRAPHISME : STUDIO ORJ. PHOTO : LOLL WILLEMS

MACHA MAKEÏEFF


EXPOSITION 03.04 > 28.07.2019 BILLETS CINEMATHEQUE.FR et #FELLINIPICASSO M BERCY

En collaboration avec

Grands mécènes de La Cinémathèque française

Partenaires

Conçue en partenariat avec

Amis de La Cinémathèque française

Partenaires média

La Strada, Federico Fellini, 1954, coll La Cinémathèque française © Beta Film GmbH

Femme au chapeau rouge, Pablo Picasso, 1965, Fundación Almine y Bernard Ruiz-Picasso para el Arte, Madrid © FABA Photo : Hugard & Vanoverschelde Photography © Succession Picasso 2019


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