Novembre 2018 - n° 88 - www.lebonbon.fr
Ricard SAS au capital de 54 000 000 euros - 4&6 rue Berthelot 13014 Marseille - 303 656 375 RCS Marseille
SWEDISH BY NATURE* É L A B O R É E À PA R T I R D ’ E A U D E S O U R C E P U R E P U I S É E D I R E C T E M E N T E N S U È D E . D E P U I S 1 8 79. *S U É D O I S P A R N A T U R E.
L’ABUS D’ALCOOL EST DANGEREUX POUR LA SANTÉ, À CONSOMMER AVEC MODÉRATION.
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Elle a toujours existé trop fort. Depuis qu’elle est petite, on lui dit qu’elle rit trop fort, parle trop fort, qu’elle est trop brusque, pas assez douce. Ado, elle dissimule son trop-plein d’existence dans des fringues trop grandes pour elle, s’empêche de prendre la parole en soirée, de peur d’éclater d’un rire tonitruant. Plus tard, on lui explique gentiment que si elle enchaîne les échecs amoureux, c’est parce qu’elle fait peur aux hommes. On voudrait faire d’elle une petite chose délicate, sensible, comme la plupart de ses amies. Mais elle refuse de se laisser enfermer dans cette image qui ne lui correspond pas. Un jour, un ami d’amis l’ajoute sur Facebook et commence à lui parler : il l’a remarquée en soirée il y a quelques temps, mais n’a pas osé l’aborder. De lui, on a toujours dit qu’il était trop sensible, trop gentil, pas assez viril. Qu’il n’impressionnait pas assez les filles. On aurait voulu faire de lui un homme, un vrai. Ils commencent à discuter. De fil en aiguille, ils en viennent à se fréquenter, réalisent que les faiblesses de l’un font écho aux forces de l’autre. Une nuit, ivres tous les deux, les mots sortent et il lui avoue qu’il l’aime. Suspicieuse, et aussi un peu effrayée de tout gâcher, elle lui demande pourquoi elle. Il réfléchit quelques instants, et lui murmure : « parce que tu ris trop fort ». Coline
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Jacques de la Chaise Lucas Javelle République Studio Coralie Bariot Juliette Creiser Morgane Guiomar Vincent Lacoste par Naïs Bessaih Alexandra Dumont Manon Merrien-Joly Pierig Leray Louis Haeffner Antoine Viger Dulien Serriere Florian Yebga Gaëtan Gabriele Fanny Lebizay Benjamin Alazard Lionel Ponsin Malik Simon Caroline Deshayes Fallon Hassaïni Natacha Colard Marianne Mosad Alvarez Maxime Laigre 15, rue du Delta 75009 Paris 510 580 301 00040 Imprimé en France
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5 Bon Timing Les trois events à ne pas manquer 7 Neneh Cherry, un combat sans fin 15 Vincent Lacoste, papa cool dans Amanda 23 Domenique Dumont, l’homme aux multiples visages 29 Radio France Concerts symphoniques et bar à DJ’s 31 Rendez Vous, au croisement des genres 33 Cinéma Tchitcha Les sorties du mois par Pierig Leray 39 Sara Zinger La distyllerie de Manon 45 Guillaume Pouget, à la rencontre de l’électro 47 Scratch Massive Le dernier mot
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① SURPRISE SANS FIN Ça fait sept ans que Concrete flotte au large du quai de la Rapée et ambiance tout Paris tous les week-ends. Sept ans à promouvoir la scène locale, en signant des artistes sur son label et des résidents dans son club. Qui dit sept ans, dit anniversaire exceptionnel non-stop tout le week-end, entrée gratuite et DJ sets surprises. Samedimanche Anniversaire 7 ans @ Concrete Samedi 3 novembre & dimanche 4 novembre ② L’INCONNU AU BATAILLON Un évènement mystérieux fait son apparition sur Facebook. En quelques heures, les premières préventes sont sold out. Un seul nom : Glory Hole. Un lieu annoncé : secret back rooms. Berlin arrive dans notre capitale et amène son savoirfaire dans une warehouse. Seulement quelques noms d’artistes sont lâchés pour ces 12h de fête : Aktion Mutante, Eomac et DeFeKT. Grosse techno à prévoir, sans complexe et pleine de mystères. Surveillez Facebook. Glory Hole : 001 @ Lieu inconnu Samedi 17 novembre ③ DANSE EN EAUX TROUBLES La Wet For Me est dans l’un de ses quartiers favoris : la Machine. Le thème de cette nouvelle soirée organisée par les Barbi(e)turix : Trouble. Qu’elles définissent comme un état d’agitation, de confusion ou d’émotion dans lequel se trouve quelqu’un. RAG et F/cken Chipotle invitent – entre autres – Moderna, Charlotte Bendiks et Safia Bahmed-Schwartz pour vous troubler. Le mot d’ordre reste le même : humidité, techno et tétons. Wet For Me – Trouble edition @ La Machine du Moulin Rouge Samedi 24 novembre
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Neneh Cherry 30 ans de combat
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En 1988, la Suédoise Neneh Cherry enregistrait son premier album Raw Like Sushi sous la haute bienveillance de son producteur de mari Cameron McVey (Massive Attack). Un disque engagé, militant, qui imposait sa voix contre toutes les formes d’oppression. 30 ans ont passé et la chanteuse de 54 ans est restée la même. Elle a publié mi-octobre un nouvel album, Broken Politics, le cinquième de sa discographie, qui résonne plus que jamais avec celui qui l’a fait connaître. Son charisme est intact, sa colère aussi, même si elle se pare d’arrangements plus solaires. Neneh Cherry continue de croquer les maux de son époque dans ses chansons, qui mêlent espoir et pessimisme. Retour sur son premier succès, qui définit les contours de sa personnalité, combattive.
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Le Bonbon. À quoi ressemblait ta vie avant Raw like Sushi ? Neneh Cherry. Je vivais en logement social avec ma fille Tyson quand j’ai rencontré Cameron, mon mari. Je faisais de la musique, je passais du temps en studio mais je n’avais aucune idée de ce qui allait se passer dans un futur proche. J’ai finalement décroché un contrat discographique et on a commencé à travailler ensemble sur mon premier album. Le premier single Buffalo Stance est à l’origine une face B que j’ai enregistrée avec son projet Morgan McVey et trois gars de Massive Attack (The Wild Bunch, ndlr). J’avais complètement oublié ce titre jusqu’à ce que Tim Simenon de Bomb the Bass nous propose d’en faire un remake. Ça a lancé la machine. Cameron et moi, on a acheté notre première maison. On y vivait et on y travaillait. Je n’avais pas de réelle ambition. J’étais juste une jeune
maman qui aimait traîner avec ses amis, sortir, danser et faire la fête (rires). L.B. Comment imaginais-tu l’avenir ? N.C. Je me suis toujours vue comme une musicienne et une chanteuse. Je n’ai jamais pensé prendre un job alimentaire par exemple, même si je ne gagnais pas d’argent avec la musique. Disons que je survivais comme toutes les personnes autour de moi. Je jouais dans des groupes, Rip Rig + Panic puis The Slits. Ensuite, il y a eu ce contrat discographique qui m’a permis de sortir pour la première fois quelque chose par moi-même. C’était irréel ! Parce que je n’avais pas l’impression d’être seule aux commandes. J’avais une petite famille autour de moi, avec Judy Blame (son styliste et DA disparu en février dernier, ndlr) et Cameron. Je prenais les choses comme elles venaient sans ambition d’être une pop star. Je faisais
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“J’ai eu la chance d’être entourée de garçons géniaux, même si j’ai croisé beaucoup d’hommes louches dans ma carrière.”
mes courses au supermarché quand je suis passée dans l’émission Top of the Pops pour interpréter Buffalo Stance, et j’ai raté la moitié de ma prestation (sourires). L.B.
Dans quelles conditions as-tu enregistré Raw Like Sushi ? N.C. On a toujours eu une pièce dédiée à la musique, une chambre à coucher ou bien le salon. L’écriture et la pré-prod se font à la maison, et le reste en studio, à Londres. On recherche le bon deal et un environnement un peu punk (sourire). C’est comme ça qu’on aime travailler avec Cameron, en s’entourant d’une petite famille de personnes avec qui on aime passer du temps. C’est encore le cas pour Broken Politics. C’est de là que vient le son, du ressenti, ça rend l’histoire possible. Elle a commencé il y a 30 ans – j’étais enceinte de ma deuxième fille, Naima – et j’ai l’impression d’avoir
bouclé la boucle avec mon dernier album. Comme si j’avais entamé une tapisserie avec Raw Like Sushi, j’ai assemblé les fils jusqu’à cette vision finale. C’est un sentiment agréable, un soulagement, je me sens remplie. Ce n’est pas mon dernier album mais c’est la fin de quelque chose. L.B.
Comment définirais-tu le son de ton premier album ? Nous étions déterminés à nous exprimer comme on le sentait. Nous écoutions évidemment beaucoup de musique, surtout du hip-hop, mais aussi du reggae, de la soul, du funk. Mais ma principale influence venait de la rue, des musiques urbaines des années 80 : Black Sheep, Public Enemy, Run-DMC, Queen Latifah – je l’adorais ! C’était une MC, une femme forte et puissante, qui m’a beaucoup inspirée. Cameron est le premier à m’avoir encouragée à
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écrire des chansons, il me disait : « tu vas voir, c’est très facile ». J’étais sceptique mais il a ouvert une porte et je m’y suis engouffrée. L.B.
Cette chanson, Buffalo Stance, a-t-elle une signification particulière pour toi ? N.C. C’est mon premier titre en solo donc oui, forcément. Je ne dirais jamais que je préfère l’un de mes enfants, mais c’est définitivement l’un d’eux (rires). Nous sommes tous assez fiers du travail accompli sur Buffalo Stance. Avec le recul, ce n’était pas si difficile (rires) ! Tim savait exactement ce qu’il voulait : pas de fantaisie ni d’harmonies vocales, juste une voix brute, rappée, qui va droit au but. On s’est amusés, je crois. Moi, en termes d’images, j’avais envie d’incarner une femme forte, sensuelle, sévère et en même temps vulnérable. C’était ma façon d’occuper l’espace dans une industrie où le sexisme et le racisme sont très présents, encore aujourd’hui… c’est terrible ! Aux États-Unis, il y a encore des patrons de radio qui se font payer en cocaïne et prostituées par des labels pour qu’un artiste de leur catalogue soit diffusé à l’antenne. C’est sale ! L.B.
On te qualifiait notamment de « diva » ou de « bombe sexuelle ». Travailler avec un homme, qui plus est ton mari, t’a-t-il protégée du sexisme ambiant ? N.C. Oui et non, j’étais surtout protégée parce que nous formions une tribu, Cameron, Judy et moi. J’ai eu la chance d’être entourée de garçons absolument géniaux, même si j’ai croisé beaucoup d’hommes louches dans ma carrière. Quand j’étais petite, c’était pareil, je traînais davantage avec des mecs. Je ne vois pas ce qui cloche avec moi ou les femmes qui ont conscience de
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leur propre sensualité et sexualité. Il faut l’embrasser, la chérir, même si ça m’a pris du temps pour le comprendre. Avec eux, je pouvais être totalement moi et dans mes meilleurs jours, je me sentais toute puissante ! L.B.
Sur la pochette, tu as les bras croisés, une allure de boxeuse, comme une déclaration singulière de ta féminité. Sur Inna City Mamma, extrait de Raw Like Sushi, tu chantes : « Vous pensez que vous êtes forts, je suis plus forte, si vous êtes faibles, je vais vous dévorer ». Comment as-tu pris conscience que tu pouvais avoir une voix contre les violences faites aux femmes ? N.C. Tous les jours en marchant dans la rue ! Aussi parce que je suis une femme, je suis forcément sensible à ces sujets. L’autre jour, j’étais seule à la tombée de la nuit et tout à coup, j’ai senti quelqu’un marcher juste derrière moi et je n’ai pas pu m’empêcher de me sentir menacée alors que j’ai quand même 54 ans ! Lorsqu’on demande aux femmes ce qui leur fait le plus peur chez un homme, la majorité répond : « qu’il me tue ! ». Il faut être conscient de cela ! L.B.
Ton premier album t’a consacrée icône d’une génération. T’es-tu déjà sentie dépassée par le succès ? N.C. Non, parce que je n’ai jamais vu les choses sous cet angle. Je fais de la musique pour ressentir des choses, me situer par rapport à ce que je pense, en apprendre sur moi-même et sur les autres. Bien sûr que je me mets en scène, car de toute évidence, c’est le métier qui veut ça, mais j’ai toujours essayé d’être moi-même. Jouer un rôle m’est impossible ! Après Raw Like Sushi,
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j’avais envie d’un album plus apaisé, plus profond et c’est comme ça qu’Homebrew est né. J’en étais au même point entre cet album et le précédent, Blank Project. Mon premier album est le plus insolent (sourire). L.B. Dans So Here I Come, un autre extrait de ton premier album, tu chantais « premier jour d’école, j’ai dit maître, maître, je veux lire et écrire, je veux comprendre ». Qui t’a transmis ta conscience politique ? N.C. C’est un style de vie ! Je viens d’un drôle de mélange géographique. J’ai grandi en Suède, où je me rendais bien compte, même à un très jeune âge, que les gens se retournaient sur moi parce que je n’avais pas la même couleur de peau. Puis, on a déménagé à New York, et j’avais conscience du fossé culturel et social qu’il y avait entre ma famille et les autres. Nous étions assez pauvres à cette époque. Toutes ces choses-là sont dans mon ADN. Mon père jouait du free jazz, ma mère était elle aussi artiste, ils se posaient des questions et nous mettaient en garde sur des sujets de société. Ils essayaient de changer les choses, à leur échelle. C’est aussi ce que je m’emploie à faire, au quotidien. L.B.
Le titre de ton nouvel album, “Politiques brisées” en français, fait référence aux promesses non tenues par nos gouvernements. Qu’est-ce qui te rend malade aujourd’hui ? N.C. La quantité incroyable de conneries qu’on essaie de nous faire avaler ! C’est tout notre environnement qui est contaminé par le règne de l’homme blanc bien propre sur lui. Il y a trop peu de femmes. Je vis en Angleterre et certains foyers n’ont même pas les
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“C’est tout notre environnement qui est contaminé par le règne de l’homme blanc bien propre sur lui.” moyens de nourrir leurs enfants, et Dieu sait ce qui va se passer après le Brexit ! Au fond je suis toujours la même personne. Les chansons sont différentes, la musique aussi, mais le contenu est le même, comme si l’histoire se répétait. C’est un beau gâchis ! L.B.
As-tu déjà perdu confiance en la musique ? N.C. Non, mais parfois il m’arrive d’être distante, et je trouve même difficile d’en écouter. Ça ne dure pas longtemps généralement parce que j’ai très vite le mal du pays (sourire). La musique est presque toujours un moyen de résoudre mes problèmes, même lorsque je n’en fais pas moi-même. Être créative, pour moi, c’est écouter, danser, faire à manger, parler, et la musique est définitivement le meilleur des remèdes ! Broken Politics (Smalltown Supersound/[PIAS] France) En concert au Trianon le 28 février 2019
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Dans le nouveau et très beau film de Mikhaël Hers Amanda, Vincent Lacoste se retrouve subitement seul responsable de sa nièce, une petite fille de 7 ans. Si on croise de plus en plus son sourire malin et son allure un peu dégingandée au cinéma, l’homme est à l’image de l’acteur : un type cool qui ne se prend pas au sérieux, mais dont la maturité surprend autant qu’elle séduit. On a donc alterné questions cons et plus sérieuses, histoire d’en savoir un peu plus sur le futur acteur préféré des Français.
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Le Bonbon Amanda est un très beau film, qui traite du deuil, un sujet grave. Ton personnage, David, passe brusquement d’une certaine forme d’insouciance aux responsabilités qui vont avec l’âge adulte. Est-ce que cette transition est la même pour ta carrière ? Vincent Lacoste Non c’est différent, déjà parce que moi je ne traverse pas de deuil du tout en ce moment. Par contre ce qui est intéressant c’est qu’on commence à me proposer des choses un peu différentes donc je suis assez content. Après il n’y a aucune gravité là-dedans, et je n’ai pas spécialement envie de ne faire que des énormes drama à partir de maintenant, moi je veux continuer à faire des comédies. L.B.
Comment s’est passée ta collaboration avec Isaure Multrier, 7 ans, qui joue le rôle d’Amanda ? V.L. C’était hyper bien. J’étais un peu stressé à l’idée de tourner avec une enfant parce que je n’ai pas vraiment d’enfants autour de moi, je n’ai pas de nièce ou de frère… Du coup c’était pas mal pour le film car le personnage luimême ne sait pas vraiment comment faire avec sa nièce. Moi j’étais un peu pareil en fait, je ne savais pas si je devais être le tonton un peu marrant ou alors le gars sérieux qui s’occupe de son éducation. En fait c’était assez facile parce qu’elle était très naturelle, vachement à l’écoute, hyper spontanée, donc c’était très agréable de bosser avec elle. L.B. Dans Amanda tu es un fan de tennis, est-ce un clin d’œil à ton nom, Lacoste, et as-tu un lien de parenté avec Jean-René Lacoste, fondateur de la marque ?
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V.L. Malheureusement je n’ai absolument rien à voir avec eux, mais ils m’envoient des mails pour les fêtes… du coup je reçois des mails de la famille Lacoste pour Noël et pour la nouvelle année : « Bonne année à tous les Lacoste ». Et sinon non, je suis très mauvais au tennis, j’ai des genoux extrêmement pourris donc dès que je joue au tennis je me casse un truc. J’aime bien regarder hein, mais je n’ai jamais vraiment joué. L.B.
On t’a pas mal vu au ciné cette année, dans des rôles assez différents, je pense notamment à Plaire, aimer et courir vite où tu joues le rôle d’un jeune étudiant qui découvre sa sexualité, ou plus récemment à Première année dans une comédie douce-amère. Tu préfères quoi ? Drame ou comédie ? V.L. J’aime bien les deux. Très sincèrement, j’aime le cinéma en règle générale donc j’aime bien les deux. Après à jouer, j’aime vachement la comédie, j’aime même quand il y a de la comédie dans des choses plus sérieuses. J’aime bien mélanger les deux en fait. L.B.
Ok. Pas trop Nouvelle Vague du coup quoi. V.L. Ben Nouvelle Vague c’est vachement ça au contraire, enfin c’est marrant. Les films de Truffaut, y’a toujours un ressort un peu comique. Jean-Pierre Léaud déjà, L’acteur de la Nouvelle Vague, même s’il a fait des films assez âpres, il est toujours quand même assez marrant. C’est pas des mégacomédies, mais il y a quelque chose de charmant si tu veux. L.B.
Entre une scène de sexe et une scène de pleurs, tu choisis quoi ?
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“J’aimerais bien avoir une petite télécommande qui me permettrait d’arrêter de vieillir.” V.L. (Rires) Une scène de sexe en pleurant, ça pourrait être un bon concept. Un coït extrêmement triste, ou alors extrêmement heureux, pleurant de joie, une jouissance qui fait pleurer… sinon ce serait un peu pervers en fait (rires). L.B.
David, ton personnage, a 24 ans et cumule différents petits jobs, sans avoir l’air de trop s’inquiéter de la suite. Est-ce que ce personnage te semble représentatif de la jeunesse actuelle ? V.L. Ce n’est pas exactement ça, c’est plutôt un personnage qui se cherche. On ne sait pas forcément ce qu’on veut faire à 24 ans. Je pense que c’est extrêmement dur… le monde du travail me semble extrêmement violent, et j’ai la sensation qu’on n’a pas vraiment le temps de choisir notre voie, on nous demande de choisir hyper tôt, et au final je pense qu’il y a énormément de gens qui se rendent compte plus tard qu’ils ne font pas ce qu’ils veulent faire. Le monde du travail, pour moi, c’est un milieu hyper compétitif dans lequel on est balancé très jeune, de plus en plus jeune…
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Et tu n’as pas l’impression que justement la jeunesse refuse cet état de fait ? V.L. Chacun le vit comme il veut, mais en tout cas tout le monde est confronté à ça, à cette forme de violence qui nous oblige à nous placer. Je ne sais pas comment dire, je trouve que tout, aujourd’hui, demande une dose de travail assez hallucinante. L.B.
Tu as réussi à jouer un rôle d’étudiant à 4 ans d’intervalle, tu es même censé être plus vieux dans Hippocrate (2014) que dans Première année. Est-ce que tu comptes te mettre à vieillir un jour ? V.L. Bien sûr. Malheureusement, je vieillis tout seul, d’ailleurs tu vois, la moustache, on dirait que j’ai 35 berges (rires). En fait non, j’aimerais bien avoir une petite télécommande qui me permettrait d’arrêter de vieillir… après faudrait pas se tromper d’âge quoi. Rester à 25 ans ouais, pas plus jeune parce que j’aimais moins, mais là maintenant ça commence à être pas mal, donc 27 un truc comme ça, ça doit être bien ça. L.B.
David dit un moment à sa sœur « Oh tu sais moi l’anglais… ». Quel est ton réel niveau en anglais ? Est-ce que tu vises une carrière internationale ? V.L. (Rires) Heu… j’en sais trop rien, ça m’intéresserait de faire des films à l’étranger. Après moi je parle – je pense – mieux anglais que David, parce que j’ai pris des cours d’anglais. À l’école j’étais extrêmement nul, mais ensuite j’ai passé un peu de temps à Londres, ça m’a bien aidé évidemment. Après je verrai, s’il y a un film qui m’intéresse et que j’ai l’opportunité d’en faire un, ça m’intéresserait oui, bien sûr.
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Amanda est un film qui traite beaucoup de Paris, notamment de sa beauté normale, banale, celle qu’on ne remarque plus. C’est exactement ce Paris-là que je t’imagine affectionner, est-ce bien le cas ou es-tu plus du genre à fréquenter les endroits huppés ? V.L. Non carrément c’est tout à fait ça. Le film se passe beaucoup dans le 11e, le quartier où j’habite, d’ailleurs on tournait tout le temps à côté de chez moi, c’était pratique. Vers Faidherbe, j’aime beaucoup, déjà parce qu’il y a de bons restos, mais après pour être honnête, c’est un peu branché aussi quand même. Après habiter sur les Champs-Élysées par exemple ou même y sortir, ça a très peu d’intérêt je pense. Tout le monde déteste les ChampsÉlysées en fait (rires). L.B.
Question con, et pourtant essentielle : c’est quoi ton film préféré ? V.L. Un seul film préféré c’est dur, mais j’aime beaucoup La fièvre dans le sang d’Elia Kazan. L.B.
Est-ce que tu vas participer à la Marche pour le Climat samedi ? (l’interview a été réalisée la semaine la précédent, ndlr) (Très sérieux) Évidemment. Je ne suis pas engagé politiquement pour l’environnement mais je pense que c’est quelque chose dont tout le monde doit se soucier. L.B.
Quel est ton remède pour la gueule de bois ? Et contre ? V.L. En ce moment à l’apéro j’aime bien Campari-soda, parce que j’aime bien les trucs un peu amers. Globalement du vin en mangeant,
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“Je ne suis pas engagé politiquement pour l’environnement mais je pense que c’est quelque chose dont tout le monde doit se soucier.”
ensuite un petit digestif, genre une bonne vieille poire ou un bon vieux whisky, et après si tu sors bah des bières et des Gin Tonic. Et le lendemain si tu veux éviter la gueule de bois… bah c’est un peu impossible, mais il faut reboire une bière. Globalement (sourire). L.B.
Dernière question, je ne sais pas si elle est con ou intelligente, c’est une question de point de vue : tu veux des enfants ? V.L. Bah non c’est pas con comme question… Pas tout de suite mais moi j’ai hyper envie d’avoir des enfants quand même. Plein. Enormément d’enfants. Huit enfants tiens. (rires) Amanda, de Mikhaël Hers Avec Vincent Lacoste, Isaure Multrier, Stacy Martin Au cinéma le 21 novembre
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En 2015, on découvrait un personnage curieux et totalement inconnu au bataillon : Domenique Dumont. Derrière ce nom francisé, des pochettes pop et des albums en français – Comme Ça (2015) et Miniatures de Auto Rhythm (2018) –, personne ne sait qui se cache réellement. Sur Internet, peu d’informations ; Domenique ne donne quasiment pas d’interview, et reste loin des réseaux sociaux. À quelques milliers de kilomètres de Paris, une légende raconte qu’il s’agit d’un duo letton… On a donc décidé de vérifier par nous-mêmes. Une personne, prénommée Arturs, nous a répondu. Ce sera la seule information sur le vrai visage de Domenique Dumont que nous obtiendrons.
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Le Bonbon Qui est Domenique Dumont ? D.D. Un guide, la troisième personne de notre duo. Mais on ne s’est jamais rencontrés. L.B. Pourquoi ce nom ? D.D. Parce qu’il est simple et unisexe. L.B.
Qu’est-ce qui t’a amené à la musique ? D.D. Aller de filles en déceptions… Sérieusement ! Quand j’étais plus jeune – un peu avant l’adolescence –, frustré et timide, mes amis et moi pensions que le meilleur moyen d’attirer les filles, c’était de créer un groupe. Un pote m’avait filé quelques disques classiques de grunge, on s’est acheté des instruments et on a commencé à brailler. Ce qui est marrant, c’est que j’étais loin de me douter que ça aurait un tel impact sur moi, que ça finirait par m’aspirer. Si bien que je n’aurai finalement jamais le temps pour les femmes. Un peu plus tard, je me suis retrouvé à jouer de la basse dans un projet un poil plus sérieux – une sorte de groupe de rock artistique lancé par un ami plus âgé. La musique que nous faisions était très instructive, mais si sophistiquée qu’on ne la jouait jamais en live. J’ai ainsi découvert que la basse était mon type d’instrument, et je l’ai apprise jusqu’à la saigner ! C’est à peu près à ce moment-là qu’Internet a explosé dans nos vies. S’en est suivie une descente constante jusqu’aux tréfonds de la musique, à passer tout mon temps à digger, explorer de nouveaux genres. Chose que je fais toujours aujourd’hui ; c’est une addiction. L.B.
Certains te connaissent peutêtre aussi sous le nom de Dunian. Pourquoi cet autre projet ? D.D. Il me vient de l’époque où j’ai
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commencé à découvrir les logiciels de composition musicale, et incarne mes premiers pas dans le beatmaking. Donc je n’appellerais pas ça un “projet” sérieux. L.B.
Pourquoi avoir choisi de rester dans l’ombre de Domenique avant de te montrer au public ? D.D. J’ai ce petit jeu auquel je joue parfois avec des potes, lors d’apéros paresseux à boire du vin. Ça s’appelle “Quelle année ?”. Tu dois simplement trouver l’année de sortie du morceau qui passe et celui qui trouve – ou qui s’en rapproche le plus – met la musique suivante. On devient vite accro ! Je pense que c’est vraiment ce qui m’a donné l’idée de faire de la musique que personne ne connaît. Histoire de jouer un tour à mes potes – et ça a marché plus d’une fois. Je me souviens même d’avoir délibérément mis de mauvaises dates de sortie pour les premiers Domenique Dumont sur Soundcloud. J’ai été extrêmement et agréablement surpris quand le label Antinote a découvert ma musique et m’a proposé de la sortir sur vinyle. L.B.
En parlant de label, comment se porte la scène underground lettone aujourd’hui ? D.D. Le terme “underground” est biaisé de nos jours. Oui, c’est une question d’attitude, mais je pense qu’elle était légitime dans l’ère pré-digitale. Ça s’est épuisé depuis. Et ça ne m’intéresse pas d’en faire partie sous prétexte que « ce n’est pas connu ». C’est juste une connerie élitiste de nos jours. Ici, on a une forte – mais relativement petite – communauté qui fait des fêtes cool. À Riga, si tu veux danser comme un taré, il n’y a que deux ou trois spots réguliers. Après, bien sûr,
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on a les traditionnels festivals et soirées en warehouse. Cet été, mon spot préféré c’était le Brick Bar. C’est un open-air qui mélange art et bar dans une exploitation très industrielle mais cosy. À tous ceux qui iront en Lettonie pour l’été : il faut absolument le visiter ! L.B.
Tu dois quand même être une personne de la nuit et des clubs. D.D. Je suis totalement une personne de la nuit… Quand il s’agit de faire de la musique. J’aime aussi sortir, mais ce n’est pas comme si ça arrivait souvent. Si je sors de chez moi, c’est plus pour aller voir des amis et discuter. J’aime la paix et ressentir la ville endormie ; le téléphone ne sonne pas, et je peux m’occuper paisiblement, surtout en hiver. Donc je préfère rester dans mon studio.
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Des soirées Antinote, il y en a beaucoup, mais on ne t’y voit jamais. Tu ne nous aimes pas ? D.D. Quand j’aurai un jet privé, tu peux être sûr que je viendrai plus souvent ! Sinon, ça demande trop d’efforts de prendre un vol de l’Estonie à la France juste pour jouer. Mais on avait joué à une soirée Antinote, au Point Éphémère, en 2015. Donc ne dis pas qu’on n’est jamais venus ! J’adorerais venir plus souvent en France, et j’y compte bien. L.B.
Ton nouvel album Miniatures de Auto Rhythm mélange pop, disco, reggae, dub… Comment tu définirais son style de musique ? D.D. Je ne sais pas quel est son genre, mais j’aime tous ceux que tu as énoncés. Faire de la musique, c’est comme
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“Je pense que je suis capable de faire la musique la plus ensoleillée et la plus colorée quand je me sens comme à mon habitude : sur les cimes du désespoir.”
marcher dans une forêt ou une jungle : tu peux te laisser guider en suivant les sentiers ou y aller à l’instinct et peut-être découvrir quelque chose de nouveau. Que beaucoup de choses aient déjà été faites en musique ne veut pas dire que tu ne peux pas les reproduire, mais c’est important et intéressant de se perdre à un moment. Faire de la musique, c’est aussi laisser des sentiers derrière soi pour les autres. Peut-être que ça sera un chemin intéressant à suivre pour quelqu’un qui, plus tard, aura suivi la même pensée. Je pense que j’ai pris différentes directions avec ma musique, mais je n’ai jamais choisi qu’une seule voie d’issue. J’espère que ça a du sens. L.B.
En quoi cet album est différent de Comme Ça, le précédent ? D.D. J’ai réalisé Comme Ça il y a cinq ans. Principalement sur un vieil
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orgue électrique Elgam, et seul. Anete avait juste fait les vocales. Notre deuxième album, lui, est beaucoup plus collaboratif. On a beaucoup joué en live ensemble, ce qui nous a donné une toute autre perspective de comment aborder les morceaux. Je m’étais justement rendu compte que j’avais commencé à trop réfléchir à comment ces nouveaux titres correspondaient aux anciens, mais désormais j’évite d’y penser. Lors des concerts, le public reconnaissait de plus en plus les morceaux de Comme Ça, et même si ça nous faisait plaisir, on devait passer à autre chose. Et c’est ce qu’on a fait. L.B.
Tous tes titres sont en anglais… Sauf Message Of The Diving Bird ? D.D. C’est parce que c’est le seul morceau complètement instrumental de l’album. D’ailleurs, quand j’ai choisi le titre, je n’avais aucune idée de l’existence réelle des oiseaux de plongée… L.B.
Ta musique est pleine de soleil et de riffs colorés. Dans quel état d’esprit vis-tu pour en arriver là ? D.D. Je pense que je suis capable de faire la musique la plus ensoleillée et la plus colorée quand je me sens comme à mon habitude : sur les cimes du désespoir. C’est une quête constante à la recherche de paix et de quelque chose venu d’ailleurs. Quand je suis heureux et plein de positivité, je fais de la musique plus sombre, plus réelle. Ça en fait un album très estival, et pourtant tu l’as sorti à l’automne… D.D. Bizarrement, j’avais le pressentiment qu’il sortirait en automne ! Je l’avais déjà fini au printemps, mais ça a pris pas mal de temps d’en faire le mastering et la presse des vinyles.
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L.B.
Encore un album signé sur Antinote, label français. Votre nom, c’est français aussi. Tu as l’air d’avoir une relation particulière avec la France. D.D. À vrai dire, je n’ai pas de véritable relation avec la France. C’est Anete (l’autre moitié du duo, ndlr) qui parle couramment le français. Elle y a vécu bien plus longtemps que moi. J’ai seulement été à Paris, Lyon, et quelques fois Marseille. Une fois, j’ai même nagé dans la Méditerranée, en pensant que la créature qui me tenait compagnie était un dauphin. C’était un requin. Pas de problème. Mais je trouve que le pays est cool, mis à part son côté européen et développé, il y a ce “sud” un peu plus sauvage que j’aime bien. L.B.
Et sur Paris, tu as une petite histoire aussi ? D.D. Pas vraiment. C’est pour ça que j’espère visiter Paris plus souvent ! Pour avoir quelque chose à raconter, et y avoir mes endroits préférés… La toute première fois que j’y suis allé, c’était pour le concert en tant que Domenique Dumont, et il avait eu lieu seulement quelques jours après les tragiques évènements de novembre 2015… L.B.
Du peu que tu en as vu, tu préfères lequel des deux pays ? D.D. Disons la Lettonie pour les amis et la famille, et la France pour l’attitude et la culture !
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Domenique Dumont Miniatures de Auto Rhythm
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Concert symphonique avec musique de films et détente à Radio France
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Dans son nouvel auditorium, Radio France sort des sentiers battus de la musique classique et attire de plus en plus le grand public. Aujourd’hui, c’est la musique de films qui est à l’honneur, avec une série d’évènements autour de ses grands compositeurs. Mais comme Noël arrive à grands pas, ce n’est pas l’unique surprise : le nouveau bar Le Bel-Air vous attend au cœur de la Maison de la Radio et vous propose ses cocktails et DJ sets en deuxième partie de soirée. Vous n’étiez pas au courant ? Nous non plus… mais voilà chose faite ! Cinéma, vous avez dit cinéma ? Radio France se lance dans une série de concerts orchestraux pour rendre hommage à la musique de films. Premier invité de marque : Alexandre Desplat, lauréat de l’Oscar de la meilleure musique de film 2018 pour La Forme de l’eau. Quelques années avant, le compositeur avait enregistré, à Radio France, la partition du film Valérian et la Cité des mille planètes de Luc Besson, interprétée par l’Orchestre National de France. Une collaboration que l’on pourra écouter en live lors du concert Au-delà de l’image, représentation de plusieurs œuvres de Desplat dans le désormais célèbre auditorium de Radio France le 6 décembre prochain. Plus tard, un week-end en janvier, février et mars sera consacré à d’autres grands compositeurs et cinéastes : Bertrand Tavernier, Nino Rota et Stanley Kubrick. Et pour ceux qui n’y seront pas, vous pourrez toujours l’écouter en direct sur France Musique.
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Mais après un moment planant pareil, percuté pendant quelques heures par les virtuoses de l’Orchestre National de France, que nous reste-t-il à faire ? Radio France a la réponse : aller au bar, en afterconcert ! Le Bel-Air, situé dans l’enceinte de la Maison de la Radio, ouvre ses portes tous les soirs du mardi au samedi – l’after(work) idéal. Ce nouveau projet est né de l’ambition de Radio France, mais surtout de la patte d’Éric Wapler, créateur de lieux de divertissement. Il travaille en collaboration avec l’architecte Stéphane Maupin, médaillé de l’Académie d’Architecture. Un ton sobre et intime se dégage ainsi de ce nouveau bar aux allures métalliques, qui n’est pas sans rappeler le décor du bâtiment historique parisien. On ne sait pas pour vous, mais on peut vous assurer qu’on va sauter sur l’occasion. De sortir de notre train-train d’écumeurs de bars et autres clubs pour aller profiter de cet instant pur que nous propose Radio France, d’écouter la musique de nos films favoris avant d’aller siroter un cocktail au chaud. Et comme on est sympa, on vous en fait aussi profiter, et dans le cadre de notre partenariat avec la radio nationale, 100 places seront au tarif unique de 10€ pour vous, nos lecteurs. On aime ! Radio France – Le Bel-Air www.maisondelaradio.fr
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Rendez Vous, au croisement des genres T E X T E P H O T O S
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Comme un saut dans le temps. Rendez Vous est hors de son ère, mais se fond parfaitement dans le paysage musical français. Sans étiquette, le groupe mélange les années 80, le post-punk et les technologies d’aujourd’hui. À l’aide de synthés, de guitares, de batterie, boîtes à rythme et voix, Elliot, Francis, Guillaume, Maxime et Simon les reproduisent à leur sauce, à la maison dans le canapé, sur un ordinateur… Un chaos structuré qui prend d’abord la forme de quelques EP’s avant le premier album. Et cogne fort sur le monde, la scène, le public. Rendez Vous se démarque comme véritable musique alternative. Certains y entendront du New Order, Joy Division, Sonic Youth, Depeche Mode… Mais Superior State, c’est bien plus que ça. C’est tout ce que la bande de potes ne nous racontera pas. Car pour eux, il faut laisser cours à la libre interprétation.
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Le Bonbon. Pour ceux qui ne vous connaissent pas, qui est Rendez Vous ? Elliot On est un groupe de musique, à la base un peu post-punk/cold wave – des étiquettes qu’on nous a collées au départ. Après, c’est super dur de se définir. C’est comme si on te demandait qui tu es, c’est très compliqué. Peut-être que les gens extérieurs au groupe seront plus à même d’en parler. On ne conscientise pas forcément. On fait simplement un truc, qui tend peut-être à devenir quelque chose. L.B.
Vous avez bien un style qui vous définit ? Maxime C’est une sorte de synthèse de plein de trucs qu’on aime écouter. D’influences qui viennent du post-punk, de la techno ou du shoegaze. Ça va plus ou moins infuser et transpirer quand on va composer des morceaux. On aime que ce soit à la croisée de plusieurs choses différentes, mais on ne le définit pas par un style précis quand on le fait. C’est là que c’est assez dur de dire : « Ok, on fait tel style de musique. ». L.B.
Qu’est-ce qui vous a attirés vers cet univers indéfini ? Elliot Les musiques qu’on aime bien et qu’on écoute, qui ont majoritairement été faites dans les années 80. Mais en même temps, pas que, parce qu’on écoute plein de choses différentes. La base est effectivement post-punk et créée à cette époque, mais au final, on est aussi influencés par plein de genres comme le rap ou la techno. On aime toute la musique, on ne s’est jamais fermés à quoi que ce soit. L.B.
Après quelques EP’s, vous sortez votre premier album, Superior State. On imagine que ça vous a
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demandé beaucoup de travail. E. À peu près un an et demi. Max a fait pas mal de son chez lui, Francis et moi habitions ensemble donc on en a fait pas mal de notre côté aussi. C’était un album “à la maison”. Une volonté qui est aussi reliée à la méthode d’enregistrement. On a commencé à faire de la musique chez nous, avec des ordis. On aime bien cette approche, plus que celle du studio. M. Le contexte, c’était d’un peu repartir de zéro après le précédent disque. Du coup, on a tout redéfini depuis le début. On a fait plein de morceaux dans des styles assez différents ; parfois ça tirait plus vers des trucs électroniques – ou pas. Il y a eu un travail de recherche qui a pris pas mal de temps. On ne voulait pas trop réutiliser les mêmes formules, et se laisser le temps d’explorer d’autres choses. L.B.
Vous avez réalisé près de soixante morceaux pour n’en retenir qu’une dizaine. Et les autres ? E. C’est des débuts de morceaux, tout n’est pas forcément abouti. Il y a des trucs qu’on aime, qu’on pourra réutiliser ou qui sortiront peut-être plus tard. En vrai, on n’en sait rien. C’est une question intéressante qu’on ne s’est même pas posée. On est excités par le fait de faire des nouvelles choses, donc c’est compliqué. Peut-être qu’on va entendre un truc qu’on avait fait en cherchant sur nos ordis et se dire : « Ah quand même, ça c’est vraiment bien, peut-être qu’il faudrait le développer plus ». Mais je pense que, quand même, si on repart sur un nouvel album, on n’ira pas forcément puiser là-dedans. M. L’excitation n’est pas la même, mais on ne sait jamais.
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Comment on se sent après la réalisation d’un premier album ? M. On est un peu dans l’attente (l’interview a été réalisée avant la sortie de l’album, ndlr), et ce n’est pas une super énergie pour commencer à faire de nouveaux trucs. Il y a aussi une forme de soulagement quand les choses sont enfin terminées. C’est un boulot qui nous a pris deux ans en tout. Le moment où c’est complètement fini, c’est une forme de soulagement. Tu sais que tu arrives au bout du truc. On est super curieux de voir comment ça va être accueilli. Simon. On a commencé à le jouer en live, donc on fait déjà vivre les morceaux. L’objet n’est pas encore sorti, on s’impatiente un petit peu de voir la réaction des gens. L.B. Le Superior State, l’État Supérieur, c’est quoi ? E. Ah ben ça, on te laisse le définir (rires). Justement, on trouve ça intéressant de ne pas trop l’expliquer. M. L’album, c’est déjà un objet qui est assez explicite. Tout ce qu’on a à dire sur ça, on l’a mis dans l’album. Même au niveau de l’artwork de la pochette. L.B.
Justement… J’avais une question sur la pochette, mais j’imagine que c’est peine perdue… S. Ça va avec. On pense que le visuel est assez explicite. En voyant ça et le titre de l’album… Tu en comprends les grandes lignes déjà. E. On n’a pas envie de l’expliquer parce que ça rendrait ça un peu chiant. On aime bien que les gens interprètent les choses à leur façon. L.B. S.
Le choix des paroles en anglais, vous pouvez peut-être me l’expliquer ? La musique qui nous touche au
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départ, elle est anglo-saxonne. Francis a toujours écrit et chanté en anglais. F. Ça s’est fait assez naturellement, c’était plus instinctif. Avec ma mère, je parle un mélange d’anglais, de philippin et de français. Je n’ai pas tous les mots dans certaines langues, du coup c’est un mélange de plein de trucs. E. Notre musique est assez métaphorique. Ça marche mieux en anglais qu’en français. Il y a un truc un peu moins frontal, qui pour nous, au-delà de la musique, laisse plus d’ouverture. Mais oui, ça vient surtout de la musique qu’on écoute. L.B.
Vous commencez avec trois titres plus “doux”, avant Last Stop, dernière arrêt avant la décadence. E. À l’origine, on a fait deux tracklists différentes. L’histoire racontée par la version digitale est différente de la version vinyle. Sur le vinyle, la face A est plus “violente” et la face B est un peu plus douce, un peu à la manière des labels electro où tu retrouves souvent les morceaux plus “bizarres” sur la face B. La version vinyle, c’est celle qu’on avait vraiment envie de faire. L’album prend beaucoup plus sens en vinyle qu’en CD. L.B.
Il y a ensuite ce titre, Exuviæ, qui signifie “mue” en latin. Rendez Vous aurait-il mu(t)é ? S. Ça a du sens dans le morceau. Dans tout l’album, je ne sais pas. Une chose est sûre : c’est – je trouve – le morceau le plus agressif que l’on ait jamais fait. Tu peux le voir comme une mutation personnelle de Rendez Vous, en tout cas sur ce morceau. Mais je ne pense pas que ça définisse l’album, ou le groupe. Ce morceau-là sort des carcans de ce qu’on a pu faire avant, mais il n’est pas à l’image de tout le disque.
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“On ferait du rap, ça serait plus simple, c’est sûr.”
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Le post-punk dans les années 80, c’était souvent synonyme de révolte. Mais c’est quoi la révolte du post-punk en 2018 ? S. Je ne pense pas que dans le postpunk il y ait une révolte forcément… En tout cas aujourd’hui. Le post-punk en 2018, ce n’est plus l’étendard de la réalité des choses. E. Non, pas l’étendard parce qu’il existe moins. Mais c’est quand même une musique qui est généralement faite par des gens qui sont… Je n’ai pas envie de dire “antisystème” parce que ça me fait chier (rires). Qui ne sentent pas à l’aise. L.B.
S’imposer avec cette musique dans le paysage musical actuel, ce n’est pas trop compliqué ? E. Je trouve qu’on est plutôt chanceux et bien lotis. Des gens parlent de notre musique, on a la chance de pouvoir en vivre aujourd’hui – on ne se sent pas brimé par les médias. On ferait du rap, ça serait plus simple, c’est sûr. S. Cette exposition qu’on a déjà, il y a plein de groupes qui ne l’ont pas. Dans le créneau dans lequel on est, on arrive quand même à toucher, à se faire entendre et à faire découvrir de la musique à des gens. Il n’y a plus de
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courant unique. L’explosion d’Internet a permis à des gens différents de se retrouver dans des musiques différentes, et surtout d’avoir le choix. L.B.
Vous faites partie de cette nouvelle scène alternative parisienne qui (re)fait rayonner notre capitale internationalement. E. Il y a une émulsion super cool à Paris en ce moment. Il y a de bons labels, des artistes qui font des trucs géniaux… Il y a cinq ans – à peine –, ce n’était pas la même chose. Je suis content de voir qu’il y a quelque chose qui se passe dans cette ville que j’adore et à laquelle je me sens vraiment attaché. Il y a une énergie, une explosion de plein de groupes, de genres différents. Il y a cinq ans, je n’écoutais pas de trucs parisiens ou français ; aujourd’hui, j’en écoute plein. J’étais frustré par rapport à ça avant, aujourd’hui plus du tout. S. C’est excitant. Tu te dis que dans six mois, il y aura peut-être un nouveau groupe qui va arriver et qui va tout défoncer. Plein d’artistes se motivent à faire des trucs, et ça génère des nouveautés. L.B.
Aujourd’hui, ce nouveau groupe, c’est vous ? S. Je ne sais pas, il y a plein d’autres groupes. E. On n’est clairement pas les seuls. On a plein de potes qui font des trucs qu’on kiffe, comme Crave, Poison Point, Bryan’s Magic Tears… Certes, on est potes, mais on adore avant tout ce qu’ils font. C’est sûrement pour ça qu’on est potes. (Rires) Rendez Vous – Superior State En concert le 9 novembre à la Machine
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P I E R I G
L E R A Y
Cinéma
Heureux comme Lazzaro de A. Rohrwacher Sortie le 7 novembre 3/5 Dans une fable d’apparence naïve et anachronique, Rohrwacher réalise avec élégance l’écart d’apparence casse-gueule entre Lazzaro (joué par Adriano Tardiolo), christique et porteur d’un amour transgénérationnel, et la bêtise putassière d’un Sergi Lopez un peu paumé (faire jouer un Espagnol en langue italienne…), représentatif à lui seul du déclin d’un monde piétiné par le consumérisme. Ode naturaliste et tellement moderniste au retour à la simplicité de la vie, Heureux comme Lazzaro ne doit pas être arrêté au culcul de sa première lecture, mais plutôt apprécié par la complexité d’un message sous-terrain (bio et sans engrais bien sûr). Hautement recommandable, mais pas toujours lisible.
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Suspiria de L. Guadagnino Sortie le 14 novembre 0/5 On s’emmerdait déjà à mourir dans le pathos à faire chialer la pucelle de son dernier film à mascara qui coule (Call Me By Your Name), la prétention de Guadagnino n’a plus de limite et s’attaque avec dédain à l’immense Suspiria du maestro Dario. C’est forcément raté, l’esthétique est bafouée comme une pâle couleur mauve fuchsia de la caissière du coin : c’est sans saveur et ça fait même pas peur. On assigne à résidence pour moins que ça. Kev Adams a déjà son bracelet électronique, que Guadagnino surveille sa porte d’appartement. Rien n’est à sauver de ce copycat pour ados en mal de sensations moites.
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Tchitcha
Les filles du soleil de Eva Husson Sortie le 21 novembre 1/5 Annoncé avec grandiloquence comme une claque féministe à faire pâlir la fille Argento et ses jolis discours sans retenue, Husson livre un film de guerre bas de gamme, avec une Golshifteh Farahani trop belle pour la kalash’, et des scènes de guérilla tournées à l’épaule tellement révolutionnaires qu’on se croirait de retour vers le futur avec un come-back spielbergien années 90… c’est dire. Certes la trame historique n’est pas dénuée de sens ni d’intérêt (des femmes kurdes engagées contre des djihadistes pour retrouver un enfant perdu), mais rien ne ressort de bien vivant de cette vaine tentative d’essai féministe tentant de sauver la mise par une voix-off finale arrivant trop tard.
Lola et ses frères de Jean-Paul Rouve Sortie le 28 novembre 0/5 Après avoir encensé la meilleure comédie française depuis un bon bout de temps avec Le grand bain, je ne pouvais passer à côté de son parfait antonyme. Rouve tente piteusement le travail de mise en scène, lui qui devrait rester derrière sa moustache et son regard bovin du beauf idéal dans Les Tuches, avec un mélo pâteux et sans idée. On ressort le bon pitch du trio incompatible qui finit par ne plus se quitter dans d’innombrables retournements de scénario risibles et devinés avant même la moue surprise d’une Ludivine Sagnier au plus bas. Ça fout le bourdon, et surtout un mal de crâne à se taper Alad’2 comme exutoire… Non, je déconne, pas mauvais à ce point quand même.
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Sara Zinger T E X T E P H O T O S
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Tous les mois, le Bonbon se mue en une “distyllerie” décomposant le style et les références esthétiques de ceux qui donnent le pouls du Paris d’aujourd’hui. Ce mois-ci, on a rencontré la DJ et productrice Sara Zinger. On n’a pas très bien capté si elle venait de Dunkerque, de Marseille ou de l’autre bout de la planète mais ce qui est sûr, c’est que cette grande dame au crâne rasé de 32 ans en a dans le casque. Du coup, on a bu une bière au Rosa Bonheur (celui des Buttes Chaumont) et on a discuté de Patrick Hernandez, de sapes et de Salvador Dalí.
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Le Bonbon Salut Sara, tu peux nous parler un peu de toi ? Sara Zinger J’ai 32 ans, je suis née à Dunkerque, partie à Lille pour mes études, j’ai pas mal voyagé entre Marseille, l’Australie, à Londres, Paris puis de nouveau à Marseille. Je suis de retour à Paris et cette fois je vais y rester. Ça fait 10 ans que je mixe, j’ai commencé dans ma chambre et je n’avais pas la prétention d’en faire mon métier. Mais un jour, j’ai mixé dans un appartement où il y avait plein de monde, dont pas mal de patrons de bar, et du coup j’ai été bookée dans un petit bar à Marseille, le Polykarpov et de là, un autre bar m’a rebookée et tout s’est enchaîné. Puis il y a eu la Dame Noire, toujours à Marseille, un club qui m’a permis de me trouver musicalement. Ils appelaient ça de la dark disco, de la new disco, c’est compliqué à décrire mais ça reste de la disco tout en restant sombre et lent. On n’est pas du tout sur de la grosse techno berlinoise. Ni de la commerciale.
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j’ai une fascination pour les gens qui peignent et qui dessinent, parce que ce sont des choses que je ne sais pas faire.
L.B. Est-ce que tu as un rituel chelou avant de jouer ? S.Z. Maintenant, je ne stresse plus du tout, sauf quand je dois chanter. Du coup maintenant quand je ne fais que mixer, je ne stresse plus parce que je sais que chanter c’est beaucoup plus dur. Mais avant, mon rituel c’était d’écouter des musiques qui n’avaient rien à voir genre les Backstreet Boys ou Larusso, j’écoutais des merdes en fait, des trucs qui n’avaient rien à voir.
L.B. Ton dernier clip, Laurie, est beaucoup plus coloré et pop que tes productions précédentes. Qu’est-ce qu’il s’est passé ? S.Z. En fait, la musique qui va arriver avec l’album (dont Laurie est le premier single), ça va être la même que Laurie, donc moins club. Un format radio, des morceaux de trois minutes et ça, c’est vraiment la musique que j’aime. Je pense que j’ai eu une grosse influence de la Dame Noir, et j’adorais ça, mais moi à la base je kiffe le rock et la new wave, avant l’électro. Du coup mon nouveau projet regroupe de l’électro avec un côté très rock et très new wave. À Marseille, j’étais en studio notamment avec un groupe de rock qui s’appelle Date with Elvis. Un soir j’étais en train de bosser très tard dans ma cabine et il y a JP Leon, le batteur, qui était là et qui entend mon morceau terminé, il me dit « viens, j’te fais écouter des trucs, des morceaux qui n’ont rien à voir que je fais pour m’amuser ». Il m’en fait écouter un, et c’était le single de Laurie. On a testé ma voix dessus, mis play, et Laurie a été fait en deux jours, après qu’on l’ait retravaillé et que j’aie écrit les paroles, le refrain. On a tellement aimé qu’on s’est dit qu’on allait en refaire un, puis deux, puis trois, puis l’album… On va chercher dans son ordi des vieux morceaux qu’on retravaille. Voilà pour le processus.
L.B. L’artiste d’un autre temps qui danserait comme un forcené en s’accrochant aux barrières devant tes sets ? S.Z. Je rêverais de te dire Michael Jackson ? Mais sinon, Salvador Dalí. Ouais, Dalí. J’adore Dalí parce que
L.B. C’était la première fois que tu chantais ? S.Z. Je chantais déjà des morceaux à moi, mais vraiment peu parce que c’était des morceaux axés club, vraiment plus parlé que chanté. Là, pour le coup, je m’étonne, je sais chanter en fait !
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L.B. Quels artistes t’ont donné envie de passer derrière les platines ? Ça s’est fait comment ? S.Z. Quand je suis allée vivre à Lille, on sortait avec ma bande de potes dans un gros club qui s’appellait le H2O, à la frontière belge. C’est drôle parce que le mec de la patronne du club, c’était le producteur de Patrick Hernandez, celui qui a sorti Born To Be Alive. Et c’est avec cet argent-là qu’ils ont monté le club. Bref, on sortait dans ce qui me semble était le plus gros club house en Europe : tous mes amis dansaient en rond, et moi, va savoir pourquoi, j’étais focus sur le DJ qui mixait, c’était comme un dieu de la nuit. Je me suis dit que ce serait trop fou d’être à sa place, là-haut. L.B. Tu joueras sur la main stage du Festival Inasound qui se tiendra du 6 au 8 décembre prochain au
Palais Brongniart. Ça s’est fait comment ? S.Z. Cet été, j’ai mixé pour une sorte de garden party dans les locaux de l’INA, pour présenter le festival. Ils ont kiffé, et je pense qu’ils veulent redonner un coup de jeune à leur image et je pense qu’ils veulent un peu m’utiliser pour ça. Ça me va, l’INA c’est cool. L.B. Comment fera-t-on la teuf dans le futur, selon toi ? S.Z. On a eu une discussion là-dessus avec Pantheros (pantheros666, ex-membre de Club Cheval, ndlr) et Ines, sa copine, que j’ai interviewés pour l’Inasound, car c’est elle qui fait toute la partie visuelle de leurs lives. On s’est dit que dans le futur, tu serais sûrement avec un casque de réalité virtuelle, et tu irais en boîte dans ton salon. Et pour draguer, ça marcherait comme un
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match Tinder, tu matches ceux qui sont connectés en même temps que toi. L.B. Tu as dit dans une interview qu’un fossé était en train de se creuser en termes de transmission de l’héritage musical. Comment peut-on le combler ? S.Z. J’essaie de chercher, d’amener aujourd’hui les sons du passé, en cherchant à les améliorer sans trop les dénaturer non plus. Mais écoute, ma solution à ce problème, ce serait juste de faire des enfants et de leur faire écouter de la vraie musique. L.B. Aujourd’hui, tu portes… Ben qu’est-ce que tu portes, en fait ? S.Z. Je suis habillée en total Faith Connection. Shy’m fait Danse avec les Stars en ce moment, il y a deux semaines elle portait le haut que j’ai actuellement et son coiffeur/maquilleur est un pote à moi. Du coup, j’ai checké sa photo, je suis arrivée chez Faith avant-hier en leur disant « je veux le haut de Shy’m ». L.B. Shy’m, grosse icône de style du coup ? S.Z. Shy’m ? J’ai pas envie de parler de Shy’m dans l’interview ! L.B. Si tu devais, comme un DJ, mixer plusieurs labels entre eux pour mettre une foule en délire, tu mettrais qui dans le mélange ? Pourquoi ? S.Z. Faith Connection, Koché et Gucci. Y’a une cohérence ultra colorée entre les trois. Parce qu’il y a toujours du streetwear, et parce que t’as pas l’impression de sortir du bureau.
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L.B. Tu as bossé dans l’industrie du prêt-à-porter. Que retires-tu de cette expérience ? S.Z. Que pour t’acheter un paquet de cigarettes aujourd’hui, faut travailler une heure dans la vraie vie. L.B. Pour avoir travaillé à la fois dans l’industrie de la mode et celle de la musique, quels rapprochements tu pourrais faire entre les deux ? S.Z. Je pense que ça va être de plus en plus lié. La musique, on ne va pas forcément juste l’écouter, il faut que la personne qui te la joue te fasse un peu rêver soit par ses fringues soit par son allure. Si c’est Robert, 55 ans et pas beau à voir aux platines, il n’y a pas grandchose d’intéressant qui se passe. C’est triste, mais maintenant c’est comme ça. L’image est très importante. L.B. C’est quoi tes grosses découvertes en matière de style dernièrement ? S.Z. Je connais un mec qui a créé une marque de streetwear à New York, Austin, Dark Light. Il est venu quand je mixais à l’aftershow Koché, on a bien accroché. L.B. Tiens d’ailleurs, on a parlé streetwear, techno, électro mais pas rap. Tu en écoutes un peu ? S.Z. Ouais, j’ai eu ma grande époque Skyrock à l’époque Doc Gynéco, Stomy Bugsy, avant que le rap se mette à mettre de l’électro dedans, où c’était absolument pas nécessaire. L.B. D’après toi, qui est-ce qu’on devrait inviter le mois prochain pour cette interview ? S.Z. Pantheros ? Il a un style très cyberpunk, très fluo, ça pourrait être intéressant.
M U S I Q U E
Comment se tourner vers la musique électronique quand l’on a joué des percussions toute sa vie ? Guillaume Pouget n’a peut-être pas la réponse, mais compte bien la trouver. Récemment attiré par cet univers, ce percussionniste de talent réfléchit à comment allier son expérience à cette “nouvelle” musique. Un nouveau projet voit alors le jour : Perkutroniks. Son concept ? Remodeler le DJ set traditionnel en jouant des percussions supplémentaires par-dessus la musique, pour lui donner un côté plus frais et live. Tout avait simplement commencé à l’âge de 7 ans. Alors à Paris, Guillaume Pouget apprend la musique avec son professeur de percussions. L’Afrique, c’est le continent qui l’attirera en premier ; plus tard, il complètera avec l’Amérique latine en allant y vivre un temps. « Quand je suis revenu à l’âge de 18 ans à Paris, précise l’artiste, les musiques tribales étaient clairement devenues mon centre d’intérêt principal. » Un passage au Berkeley College of Music de Boston l’initiera au reste. « J’y ai vu qu’il y avait beaucoup d’autres choses musicalement, comme le jazz ou la musique électronique. » Cette dernière – comme sa fille – finira par le convaincre. « Je me suis dit que si je ne voulais pas paraître trop ringard d’ici peu, il fallait que je m’y intéresse. En plus, ça me plaît ; être percussionniste me donne l’avantage de proximité avec ce genre de musiques très rythmées. » Le chemin pour arriver à cette conclusion artistique n’aura pas été de tout repos. « J’avais fondé mon groupe avec une
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dizaine de musiciens, nous raconte Guillaume. J’avais fait tout un répertoire qui partait de la musique folklorique de Guinée, du Brésil, de Cuba… » Malheureusement, faute de temps pour renouveler son répertoire, le groupe finit par éclater. « Le milieu de la musique est très dur, et à moins que tu ne puisses salarier tes musiciens, tu ne peux pas travailler régulièrement. » Le musicien bidouille alors quelques compos sur ordinateur et part sur un projet solo – comme le veulent selon lui les codes actuels. « Les goûts de la société, l’apparition des DJ’s… Ça a beaucoup changé la donne. Ça m’a aussi conforté dans mon choix. » Au-delà de la performance live, Guillaume Pouget veut produire. Sur son site internet, l’on peut déjà entendre les prémices de Perkutroniks, mais aussi les compositions personnelles de l’artiste. Tantôt house, tantôt lounge, il va de la musique traditionnelle à l’expérimentale, entre tribal et ambient. « Je ne me suis jamais ancré dans un style, parce que je n’ai jamais réussi. Ma curiosité a toujours été plus forte. » Pour s’améliorer, Guillaume compte bien s’inspirer d’artistes actuels dont le style se rapproche du mélange qu’il souhaite créer. « Je pense notamment à Nicolas Cruz, qui amène à la musique électronique ce côté andin et latino-américain. » Avant d’y arriver, l’artiste a conscience qu’il doit progresser. Une chose n’en reste pas moins sûre : Guillaume Pouget est déjà prêt à en découdre avec le public des clubs. www.guillaumepouget.com
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Guillaume Pouget
à la rencontre de l’électro
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Š theonepointeight
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Scratch Massive Le dernier mot
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Presque vingt ans que Scratch Massive fait rage sur les ondes, les pistes de danse, le public en délire. Ça avait commencé par le discret mais déjà bien aiguisé Enemy & Lovers (2003), puis plus tard le plus techno et acid Time (2007). En 2011, Sébastien Chénut et Maud Geffray reviennent avec Nuit de Rêve, toujours plus éclectique. Habitués de la capitale et de sa scène électronique depuis le début des années 2000, il allait de soi de leur poser quelques questions sur le sujet à l’occasion de la sortie de l’excellent Garden Of Love, dans les bacs depuis le 26 octobre. Et de découvrir leurs réponses pleines d’humour et d’authenticité. À l’apéro, vous buvez quoi ? Du kombucha. Le meilleur moment de la soirée, c’est quand ? Souvent à la fin, quand il reste les plus motivés. La musique parfaite pour finir sa soirée ? More, de Pink Floyd. Les meilleures soirées, c’est où ? Dans la cuisine. L’after, c’est important ? Ça dépend avec qui. Il est où l’after ? Pas chez moi. La drogue, c’est mal ? La drogue, c’est traitre. Le sexe, c’est comment ? C’est OK. Une bouffe de fin de party ? La croustade de coquillettes de Flora.
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Après une grosse teuf, le remède ? La croustade de coquillettes de Flora. Un spot vraiment underground ? Chez Carmen, à Paris. Un lopin de terre pour s’allonger dans l’herbe ? Une plage plutôt. Celle de Saint-Nazaire, juste en bas de la maison familiale. Un artiste sous les radars ? DA, rappeur qui vient de sortir un EP sur le label bORDEL. Un lieu coupe-gorge à Paris ? J’habite à Crimée, j’ai vu à la télé française que c’était un coupe-gorge. Mais perso, j’ai jamais autant aimé Paris que depuis que j’habite dans ce quartier. Une ville plus folle que Paris ? Moncton, une petite ville Canadienne. Elle paraît normale quand on y atterrit, mais une fois dans la ville, on se retrouve embarqué dans des fêtes pas possibles. Un bar pour se la coller sans complexe ? (pardon). 114, rue Oberkampf – 11e Un endroit où danser une dernière fois ? La Cour des Miracles. Un souvenir du Paris d’antan ? Le Pulp, notre dancing des années 2000. Un truc à faire au moins une fois ? Une retraite silencieuse. Un péché mignon ? Le browkie, fusion d’un brownie et d’un cookie. Une dernière volonté ? Un browkie.
A G E N D A
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MERCREDI 7 NOVEMBRE 19h30h La Belleviloise 18€ Chrome Sparks
00h Rex Club 12€ Phonographe Corp. présente Funkineven, Kyle Hall, Simo Cell & AP
JEUDI 8 NOVEMBRE 19h Le Trabendo 10€ Magnetic Ensemble Rainbow Release Party w/ Magnetic Ensemble, Fabrizio Rat & more
MARDI 19 NOVEMBRE 19h30 Olympia 30,80€ Flavien Berger
VENDREDI 09 NOVEMBRE 21h La Machine du Moulin Rouge 24€ Rendez Vous Release Party w/ Crave, Poison Point, Clara 3000, Low Jack, Emma DJ 00h Bus Palladium Bonbon Party, invits sur lebonbon.fr SAMEDI 10 NOVEMBRE 22h Glazart 7€ House of Jazz w/ Neue Grafik, Monomite & Erkalium (live) 00h Rex Club 22€ 10 Years MCDE Recordings w/ Motor City Drum Ensemble, Pablo Valentino & Hugo LX JEUDI 15 NOVEMBRE 19h30 Badaboum 22,80€ Maribou State 00h Rex Club 6€ Pont Neuf - Tour-Maubourg ‘Solitude Collective’ Release Party w/ TourMaubourg, Moomin, Madcat VENDREDI 16 NOVEMBRE 00h La Machine du Moulin Rouge 13€ Encore La Mamie’s w/ Detroit Swindle (live) 00h Bus Palladium Bonbon Party, invits sur lebonbon.fr SAMEDI 17 NOVEMBRE 16h00 La Marbrerie 5€ Hors-Sol — Remue Ménage de Collectifs w/ Pardonnez-nous, Mic Mac
VENDREDI 23 NOVEMBRE 22h Concrete 15€ Concrete [47] : Tommy Four Seven, AnD Live, Stephanie Sykes, VSK 00h Bus Palladium Bonbon Party, invits sur lebonbon.fr JEUDI 22 NOVEMBRE 00h Rex Club 9€ UK Legend : DJ Deep, Kirk Degiorgio & Steven Rutter SAMEDI 24 NOVEMBRE 23h La Machine du Moulin Rouge 14€ Wet For Me : Trouble edition w/ Moderna, Charlotte Bendiks 00h La Java 9€ SAMO DJ / Krikor B2B Jean Nipon / Herr2003 VENDREDI 30 NOVEMBRE 22h La Petite Halle 10€ Neue Grafik Ensemble (live jazz) 00h Bus Palladium Bonbon Party, invits sur lebonbon.fr SAMEDI 01 DÉCEMBRE 18h La Gaîté lyrique Marathon! w/ Jeff Mills, Molécule, Renart, Music for 18 20h Pan Piper 17€ Orchestre Orage w/ Mad Rey & Hugo Lx
NENEH CHERRY Live à fip EN DIRECT DU STUDIO 105 MAISON DE LA RADIO
© Wolfgang Tillmans
MARDI 13 NOVEMBRE 2018 - 20H En direct sur Fip A réécouter sur fip.fr 105.1 Paris #liveafip
JACK DANIEL’S ET OLD NO. 7 BRAND SONT DES MARQUES DÉPOSÉES. ©2018 JACK DANIEL’S. BROWN-FORMAN FRANCE SAS CAPITAL 5 037 000 EUROS - 47, RUE DE MONCEAU 75008 PARIS - 793 408 113 RCS PARIS
MADE THE SAME WAY SINCE 1866.* *UNE RECETTE INCHANGÉE DEPUIS 1866.
JAC K D A N I E L’ S
TENNESSEE WHISKEY
Darren Lipham – Travailleur à la scierie de Sawmill
L ’ AB US D’ ALC OOL EST DANGEREUX PO UR L A S ANTÉ , À CO N S O M M ER AV EC M O D ÉRATIO N .