Janvier 2019 - n° 90 - www.lebonbon.fr
Ricard SAS au capital de 54 000 000 euros - 4&6 rue Berthelot 13014 Marseille - 303 656 375 RCS Marseille
SWEDISH BY NATURE* É L A B O R É E À PA R T I R D ’ E A U D E S O U R C E P U R E P U I S É E D I R E C T E M E N T E N S U È D E . D E P U I S 1 8 79. *S U É D O I S P A R N A T U R E.
L’ABUS D’ALCOOL EST DANGEREUX POUR LA SANTÉ, À CONSOMMER AVEC MODÉRATION.
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Dans un monde de plus en plus incertain, qui vacille clairement vers on ne sait quoi, il est important de retrouver des valeurs humaines fondatrices d’une ère nouvelle. Si l’on arrive à refaire de l’humain l’essentiel, en le mettant en valeur dans tous ses reliefs, si l’on comprend l’importance de rester proche des autres, si l’on ressent le besoin d’être authentique et vrai, si notre moteur est notre cœur, notre planète pourra se renouveler vers l’espoir d’un monde meilleur où nos enfants pourront tout simplement continuer à vivre. Cette fronde courageuse et effrontée qu’ont menée nos Gilets jaunes nationaux (quel idée géniale ce gilet jaune ; simple, efficace, visible) nous amène à accélérer les réformes que notre pays impose. Voici donc mon programme si le Bonbon était au pouvoir : Meilleur répartition de la richesse globale. Le top 100 des entreprises devront reverser une partie plus conséquente des bénéfices qu’ils réalisent chaque année. Les 500 familles les plus riches devront payer plus d’impôts. à quoi cela sert-il d’avoir trop d’argent ? autant s’alléger quelque peu… Baisse du train de vie de nos chers politiques, quand je pense que Giscard continue à percevoir avantages et salaire, cela vous donne une idée des aberrations de ce système qui ne perdure que trop. Que d’argent mal utilisé pour des gens qui ne connaissent aucunement l’obligation de résultat ! Mixité de provenance estudiantine et professionnelle, en clair que nos politiciens proviennent principalement du même moule n’est pas bonbon, trop d’énarques déconnectés du monde réel et pas assez de profils venant du secteur privé (artisans, ouvriers, patrons de petites entreprises etc.) conscients des réalités de la vie. Redonner force et pouvoir à nos maires qui sont les garants d’une politique de proximité dont nous avons le plus grand besoin. Je rêve d’un président d’État, c’est-à-dire un président libre qui n’agisse que pour l’intérêt de la Nation. Emmanuel Macron, c’est pour cela que le peuple t’a élu, à toi de le démontrer maintenant, tu n’as que trop attendu ! Notre monde vacille mais il n’est pas mort, l’espoir fait vivre et tous ensemble, nous pouvons encore le changer ! Ah oui, j’oubliais le plus important : une touche de poésie sera essentielle pour y arriver. Good luck ! JDLC
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Jacques de la Chaise Lucas Javelle Rpblq.com Coralie Bariot Céline Jouandet Clément Tremblot Corine par Naïs Bessaih Alexandra Dumont Manon Merrien-Joly Pierig Leray Jacques Simonian Louis Haeffner Timothée Malbrunot Dulien Serriere Florian Yebga Gaëtan Gabriele William Baudouin Fanny Lebizay Antoine Kodio Nathalie Tric Benjamin Alazard Lionel Ponsin Caroline Deshayes Fallon Hassaïni Maxime Laigre 15, rue du Delta 75009 Paris 510 580 301 00040 Imprimé en France
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Bon Timing Les trois events à ne pas manquer Corine, fille le jour, héroine la nuit Johan Papaconstantino, moderne antique Marc Rebillet, le phénomène inmanquable Bilan 2018, révolution en marche Cinéma Tchitcha Les sorties du mois par Pierig Leray Label Eclort, La Dystillerie de Manon Henry Wu, l’underground de Londres Le dernier mot de Mancerow
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① DETROIT ARRIVE La plus célèbre des soirées made in Detroit refait surface. Initiée par Carl Craig, la Detroit Love avait investi le Paris Event Center pour une teuf monstrueuse. Cette fois-ci, retour à l’intimité au sein de notre bon vieux Rex Club. En présence du curateur, mais aussi de ses petits copains Amp Fiddler et DJ Deep. Ça c’est la Motor City qu’on aime ! Detroit Love Paris @Rex Club Vendredi 18 janvier ② LE RETOUR DU FILS PRODIGE Ça faisait longtemps qu’on n’avait pas eu l’occasion d’écouter un set de Mall Grab dans la capitale. Le héros britannique de la house new gen revient pour le plus grand bonheur de son public parisien. Et puisqu’il n’est pas radin, c’est même un all night long qu’il nous offre, en B2B avec sa protégée Miley Serious. Que demande le peuple ? Mall Grab all night long @YOYO – Palais de Tokyo Vendredi 25 janvier ③ GET IN THE F*CKING POOL C’est ce qu’il est susceptible de vous gueuler dessus pendant son concert. Le phénomène internet Marc Rebillet débarque sur le territoire français avec sa célèbre loop station et sa folie légendaire. Direction le Trabendo pour un évènement qu’on ne peut tout simplement PAS manquer. Et si c’est sold out, pas de panique ; il y aura forcément quelqu’un dont le froid aura eu raison. Marc Rebillet @Le Trabendo Jeudi 31 janvier
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Corine, fille le jour, hĂŠroĂŻne la nuit
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Il y a deux ans (à peu de choses près), elle répondait déjà à nos questions. Moitié curieux, moitié dragueur, le Bonbon Nuit avait fait la rencontre d’une jeune femme originale et authentique à l’humour bien acéré. Ce dernier avait d’ailleurs bien aidé la “Rognasse” – comme elle se surnomme elle-même – à se défaire de notre interrogatoire burlesque. Tôt ou tard, nous nous devions de la rattraper car nous étions loin d’en avoir fini avec l’extravagante Corine. Et vous non plus. On en veut pour preuve Un air de fête, son premier album studio sorti en novembre dernier. Comme un air d’été qui résonnera tout l’hiver.
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Le Bonbon Ça fait deux ans qu’on ne s’est pas parlé… Qu’est-ce que tu deviens ? Corine C’est une très bonne question… Si moi-même je le savais, je m’en porterais mieux… (Rires) On s’était rencontrés pour Pourquoi Pourquoi, donc depuis il y a eu Cocktail, le duo avec Juliette Armanet, le remix de Polo & Pan… Ensuite la signature avec Polydor, avec mon tourneur Wart… Et puis enfin là, la sortie de l’album. Ces deux années, je ne les ai pas vues passer du tout. L.B.
Est-ce que le disco se porte mieux depuis la dernière fois ? C. Je crois que le disco n’est jamais mort. Que ce soit avec Philippe Katerine et Louxor J’Adore en 2005 ou l’album des Daft Punk Random Access Memories en 2012… ça avait cartonné. Aujourd’hui, j’ai la sensation, comme il y a une vraie morosité et qu’on est dans un passage un peu rude, que les gens sont sensibles à une musique qui fait du bien. Ce n’est pas que le disco, c’est aussi le funk, la soul, l’électro… J’espère avoir réussi dans mon album à réunir tout ça. L.B. Les gens te le rendent bien ? C. L’autre jour, j’ai joué au Mans et j’ai reçu le plus beau compliment qu’une fan puisse me faire : « Vous devriez être remboursée par la sécurité sociale. » Elle m’a dit qu’elle faisait des dépressions très graves et que les psychologues ne l’aidaient pas du tout, mais que ma musique lui faisait un bien fou. Je crois qu’on est beaucoup à faire de la musique aussi pour ça. L.B.
Cette musique “médicinale”, c’est une chose à laquelle tu penses quand tu écris tes textes ? C. La musique, je suis tombée dedans quand j’étais toute petite. Pour moi, c’est vital. Il y a cet aspect très viscéral,
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donc je ne me pose pas vraiment la question de pourquoi j’écris de la musique. J’imagine qu’à partir du moment où on est très en lien avec soi, ça parle à des gens. Il y a des gens qui n’aiment pas, et c’est normal ; on ne peut pas plaire à tout le monde. Mais non, je ne réfléchis pas quand j’écris. À part dans la drôlerie. J’ai mis du temps à me défaire du jugement des autres. Aujourd’hui je suis très tranquille avec ça. J’aime bien provoquer et m’amuser avec les codes. Dans ce cas-là, j’essaye de penser à la réaction du public, son interprétation de mon dixième degré. L.B.
Jusqu’à quel degré tu serais prête à aller ? C. Ça, je ne sais pas. Quand je dis « j’aime, j’aime le chocolat » et que dans le clip du chocolat dégouline sur ma bouche, même moi quand je vois l’image pour la première fois je me dis : « Est-ce que les gens vont comprendre que ce n’est pas juste du cul ? ». Je ne suis pas en train de faire un film porno, je ne me moque pas non plus. Par contre, oui, c’est un gros code sur les femmes et leur place, comment je peux jouer avec ma féminité et ma sensualité et m’en amuser. Évidemment, « j’aime le chocolat », tu as le premier sens, et puis plein d’autres que derrière chacun interprète comme il veut. Dans l’esthétique des clips, j’aime bien provoquer et aller chercher quelque chose qui dérange un peu. Ça me fait marrer. L.B.
Ta musique serait différente sans les clips ? C. Je pense que c’est un tout. De même que la façon que je vais avoir de m’habiller sur scène, les costumes, les lumières… Tout est très important pour moi. Je réfléchis à tout.
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“J’ai gardé une grosse part d’insouciance. Ce n’est pas très conscient, mais je m’en rends compte quand même” L.B.
Premier album sorti, comment tu te sens ? Libérée ? Accomplie ? C. Accomplie, jamais. Mais c’est ça qui est excitant. Une fois que l’album est sorti, tu réfléchis déjà à ce que tu vas faire après. Là ce qui est génial, c’est de tourner. D’aller un peu partout et pouvoir jouer ta musique en live ; c’est ce qui compte le plus. Et ce n’est jamais fini. Quand Un air de fête est sorti (16 novembre 2018, ndlr), je ne m’en suis même pas vraiment rendu compte. Ça fait partie d’un tout. L.B.
Dedans, tu évoques une « fille le jour, héroïne la nuit ». Héroïne de quoi, de qui ? C. Ça parle des différents masques qu’on porte en tant que femme ou homme. Sur les doubles qu’on a tous. La personne qu’on peut être la journée, et comment on peut se transformer la nuit. En soirée, sur une piste de danse… Une rencontre va faire que d’un coup, on va vivre un moment unique et être différent. On va sortir de nos habitudes et vivre quelque chose d’un peu magique. C’est aussi un peu une sorte d’épopée pour dire à tous : « Osez ». Tu n’as pas besoin d’être sur scène pour briller.
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L.B. « Avec Corine, on peut jouer toute la nuit. » À quoi joue Corine toute la nuit ? C. Corine ? Soit elle dort, soit elle joue. La nuit, je trouve que c’est le berceau de la désinhibition. Ce n’est pas forcément lié à l’alcool ou autre, c’est simplement que dans l’ombre, les gens se permettent plus de choses. Le jeu de Corine, ça va être sur une piste de danse, ça va être les concerts, ou même des nuits entières à discuter entre amis, à faire de la musique. Dernièrement, j’ai découvert pas mal de cabarets à Paris qui existent encore. Comme Madame Arthur, le Manko, le Rouge Pigalle qui vient de rouvrir avec Dorion (son producteur, ndlr) qui mixe là-bas. Tu as plein de personnages de nuit qui arrivent et qui ne viennent que pour danser et lâcher prise. Tu entres dans un tourbillon où les gens se révèlent. Je peux passer des heures à observer, à danser… L.B.
Quel est le degré de transparence entre Corine et toi-même ? C. Je pense que ça se situe vraiment dans ma musique. Je n’ai pas l’impression de mentir du tout – sans aucune prétention. Oui, je joue, je m’amuse beaucoup, mais je ne suis pas en train de construire le rôle de ma vie non plus. C’est quelque chose que je maîtrise, et je sais pourquoi j’ai envie d’être plus extravertie que dans la vie. Sur scène je prends une voix très différente qui se rapproche de mes chansons, très maniérée. C’est quelque chose qui me porte et qui m’inspire vraiment. C’est une façon de s’adresser aux gens qui est assez piquante. Ça les marque. L.B.
Comment tu expliques à toi enfant ce que tu es devenue aujourd’hui ? C. Je parle souvent à l’enfant que je suis. Tu as dû le remarquer, j’ai gardé une
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grosse part d’insouciance. Ce n’est pas très conscient, mais je m’en rends compte quand même un peu. Plus j’avance dans le monde adulte, plus j’essaye de me ressaisir. Mais c’est aussi ce qui m’a sauvée plein de fois. L’enfant que je suis n’est pas du tout étonnée de la femme que je suis devenue. Il n’y a aucune frustration. L.B. C.
Quand on te voit, quand on regarde tes clips, on a l’impression que c’est toujours l’été. Tant mieux !
L.B. Il doit faire chaud chez toi… C. Oui, il fait chaud. (Rires) Après j’aime beaucoup l’hiver. J’aime les extrêmes. Les trucs très tempérés, ça m’ennuie un peu. Printemps, automne, je trouve ça magnifique mais je préfère quand c’est assez extrême. Mais je suis contente : si même en plein hiver, mon album arrive à réchauffer, évoquer l’été et donner l’impression de voyager au bord d’une plage, tant mieux. L.B.
Est-ce que ton coiffeur te coûte plus cher que celui de Hollande ? C. (Rires) Très bonne question. Je pense que le sien est beaucoup plus cher. Mais ils n’y arrivent pas du tout. Faudrait que je lui donne le numéro du mien. L.B.
Bonnie Tyler, Catherine Ringer, Jane Fonda. Tu es un peu le mélange moderne “parfait” de tes idoles, mais tu dois bien avoir un défaut. C. Je dirais que je peux être assez réactive. À des moments où ce n’est pas forcément nécessaire. Si je suis fatiguée, si je suis mangée par mon exigence, je peux l’être. Après coup, je me dis souvent que c’est totalement absurde. J’ai encore à gagner en tranquillité.
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Tu préfèrerais chanter avec Bonnie, jouer avec Jane ou boire un verre avec Catherine ? C. (Rires) J’aurais bien aimé faire le cours de danse avec Jane Fonda. Ça m’aurait bien fait marrer. Boire un verre avec Catherine, c’est fait et c’était totalement fou. Je m’en souviendrai toute ma vie. Elle a un côté très cash : « Tiens, toi je t’aime bien. Toutes les autres filles sont tellement sérieuses, toi tu fais du bien. T’es sexy, t’es drôle, tu t’en fous de tout. » Elle me disait de continuer à être comme ça, de ne pas me laisser faire. C’était drôle, et ça m’a touchée parce que c’était vraiment sincère. L.B.
Si demain il n’y a plus de musique dans ta vie ? C. Je pense que je suis en autarcie au fin fond de l’Ardèche, permaculture et quelques chèvres. Si un jour je dois changer de vie, je pense que ça sera ça. L.B. Mais dans le silence. C. Et plus en lien avec la nature. Encore une fois je viens de la campagne, donc j’ai ce truc relié à la terre qui est assez fort. L.B.
Bon sinon, samedi j’ai un roller disco, tu viens ? C. (Rires) Je suis nulle en roller. J’ai hyper peur de me casser un truc et de ne pas (plus) pouvoir faire de scène. C’est ma hantise. Du coup je peux venir, mais je te regarde.
Un air de fête Polydor En concert à l’Olympia le 3 octobre
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Johan Papaconstantino Une variation antique de la modernité
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Le Marseillais Johan Papaconstantino, désormais Parisien, poétise les cœurs esseulés, les maux d’amour, la reconquête, sur une pop métissée et autotunée, accessible et aventureuse. L’artiste peintre et chanteur recherche des variations inédites, inexplorées, pour valoriser son art. Il pioche notamment dans les origines grecques de son côté paternel pour dessiner ses odalisques et remettre au goût du jour le rebetiko, un genre musical né au début du XXe siècle en Grèce. Son but, proposer quelque chose de frais, qui lui ressemble, « car on n’est jamais aussi fort et puissant que lorsqu’on est au plus près de sa nature ». Un mantra sans concession, qui évoque, en creux, sa volonté de grandir en tant qu’artiste.
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Johan tape des poses antiques dans un squat d’artistes à Saint-Ouen puis se ressaisit. « Je ne vais quand même pas faire la Madone », dit-il à moitié allongé dans un canapé. Il ne manquerait plus qu’il s’enroule dans cette couverture verte en velours, négligemment posée là, et le maniérisme serait complet. L’artiste n’a pas le cœur à la mise en scène fortuite. Il faut qu’elle soit pensée pour une bonne raison, comme pour ses toiles, subtil mariage entre Renaissance et street art, odalisques à l’huile très travaillées et art brut à main levée. « J’aime quand des choses en apparence très lointaines s’harmonisent ou fusionnent, justifiet-il. C’est presque l’opposé de faire un tag ou une odalisque, mais pour moi, les deux ont un point commun dans le geste, qui peut être aussi beau, touchant, et générer des émotions plastiques fortes. » Quand il ne peint pas, il fait de la musique. Cette manie de jouer des contrastes, entre
tradition et modernité, est valable dans sa pratique de ces deux médiums. Son premier EP, paru en décembre 2017 et réédité à la fin du mois, s’appelle Contre-Jour. Ce n’est pas un hasard si le bouzouki grec, un luth à long manche, côtoie des instruments analogiques. Johan manie l’art du contre-pied. Membre du collectif La Tendre Émeute, son premier groupe, Johan peaufine ses prods en solo depuis 3 ou 4 ans. « Le premier truc que j’ai touché, c’est les platines vinyles de mon père, raconte-t-il. Puis j’ai pris un an de cours de guitare, je me suis mis à la batterie et j’ai commencé à faire des prods. » La première est une instru de rap avec un solo de bouzouki. Déjà ! Du rap d’aujourd’hui, qu’il écoute avec le même acharnement qu’à l’adolescence, il emprunte l’autotune, qui s’est considérablement démocratisé. « Pour moi ce n’est pas incompatible
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de transposer l’autotune sur quelque chose de plus tradi, de plus chanté », explique-t-il. Sur son premier morceau Pourquoi tu cries ?, l’autotune est outrageusement présent. « Je m’en sers pour instrumentaliser ma voix, lui donner une texture plus synthétique, presque robotique, sans faire du Daft Punk. » Ce n’est pas un caprice, plutôt une béquille. « C’est pour me camoufler, moins me mettre à nu », confie-t-il. Il se sent encore illégitime comme chanteur. Il y travaille. Sur ses nouveaux morceaux, y compris en live, Johan essaie de ne plus compter là-dessus. Il veut sentir le danger de la voix pure, plus humaine, susceptible de toucher davantage son public. À l’autotune et l’électronisation s’ajoute l’empreinte de ses origines grecques. Armé de son bouzouki, sa guitare électrique, ses baguettes ou ses machines, Johan revisite le rebetiko,
surnommé le “blues grec”, qui présente quelques similitudes avec la musique orientale. « La Grèce, c’est la porte entre l’Orient et l’Occident, précise-t-il, alors qu’il se lance dans une généalogie détaillée de cette musique populaire. Il y a tout un pan de la musique grecque qui est très oriental. Ce n’est pas quelque chose que les gens soupçonnent car souvent, ils pensent au sirtaki alors que c’est beaucoup plus riche que ça. La liaison la plus proche, c’est avec la Turquie et le monde anciennement ottoman, donc il y a des connexions évidentes, y compris avec la musique roumaine. » S’il assume cet héritage, Johan ne veut pas non plus devenir le type-qui-fait-de-la-musiquegrecque-et-orientale pour toujours. « Il y a des références évidentes à cette culture, parce que ça fait partie de moi, mais je n’ai pas envie d’en faire une marque de fabrique », se défend-il. Ses titres Iris Œil et Fille Love, extraits de son premier EP, en attestent, car très peu orientalisés. Né dans les années 1910, le rebetiko est la musique des bas-fonds d’Athènes, parce qu’elle évoque la drogue et glorifie la vie de débauche des marginaux. « C’est une musique contestataire, très engagée, dans un contexte d’immigration des Grecs de Turquie en Grèce (chassés après un exil de plusieurs générations à la fin de la guerre gréco-turque en 1922, ndlr) mais interdite à jouer sous la dictature dans les années 30 », précise-t-il. De l’engagement, il y en a aussi dans sa musique. Il est différent, stakhanoviste, et répond à l’adage “tout est permis”, alors qu’il prend soin d’écarter ce qui n’est pas bon avec une discipline stricte. « J’ai beaucoup d’envies et si je veux être à la hauteur de mes idées, il faut travailler », plaide-t-il. Héritage familial. Son père est serrurier-cordonnier, sa mère, femme de ménage. « Comme ils ne sont pas issus
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d’un milieu artistique, ça m’a motivé à m’engager dans ce que je fais pour leur prouver que je n’étais pas un branleur. » Une contre-réaction, dit-il, à la frivolité du milieu artistique, dont il se moque gentiment dans les lyrics de Purple. « Pas facile de faire la fête / Les lendemains mal à la tête », chante-t-il en introduction du morceau, avant d’enchaîner sur le deuxième couplet, « T’as trop sommeil tu fais la fête / Meilleure ambiance quand tu t’arrêtes / Viens pratiquer dans mon atel’ j’te prêterai du matériel », et de conclure, sur le troisième, « La nuit rend fou en contrejour / Partir en virée, dire j’arrive / Sortir de manière abusive ». « Je ne sors pas, je ne fais jamais la teuf, je suis plus dans un truc d’ermitage, car peu importe le talent, il faut passer par le travail pour le rendre palpable. » Jeune et branché, Johan ? Pas vraiment. Il porte des fringues de seconde main qu’il a héritées de son père ou de son grand-père. « Je kiffe la sape, mais je n’ai pas envie de dépenser de l’énergie à m’habiller, dit-il. Je ne vais pas non plus dans les friperies pour me saper comme il y a 20 ans et payer 50 balles pour une vieille veste. » Dans ses visuels, il y a des références à la culture street, avec des comportements et des attitudes propres au normcore. « Aujourd’hui, même le no style est une catégorie, soupire-t-il. Le max que j’ai fait en emprunt générationnel, c’est de peindre le portrait d’un mec qui porte des TN, mais je n’ai pas envie de tomber là-dedans et de mettre du Nike partout. » Il refuse d’imposer une temporalité à son art au risque de l’étouffer. Il aime jouer sur les matières, les textures. Sur son dernier tableau en date, une femme en nuisette de satin blanc, dans sa bulle, est allongée sur une couverture épaisse et drue. « On peut signifier une époque sans faire des trucs premier degré, parce que
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dans ce cas-là je ferais des natures mortes avec des étiquettes Carrefour. » Quand ses modèles tiennent dans les mains un portable, c’est la posture adoptée qui l’intéresse, olympienne, comparable à celle des statues grecques. Johan se fantasme en artiste total, en démiurge. En novembre dernier, l’artiste présentait Capsule 018, une installation de peinture et vidéoprojection à la Gaîté lyrique. Il imagine déjà accompagner la sortie de son premier album du même dispositif, mais pas au point d’imaginer une toile pour illustrer chaque morceau. « C’est un angle d’attaque assez vénère, songet-il. Ce serait soumettre la peinture à la musique et prendre le risque de la rendre moins puissante. » Il aime penser ces deux disciplines de manière autonome même s’il fait des connexions. L’exemple le plus parlant est sans doute le clip de Purple. Il se filme dans son atelier, peint, déambule entre ses toiles, pendant que ses potes s’enivrent sur son canap’. On y reconnaît la chanteuse Bonnie Banane, avec qui il partage cette distanciation par rapport à son époque. « Le clip, c’est un bon entre-deux, même si je trouve très difficile de filmer la peinture, de la mettre en scène, à moins de faire des gros zooms et de naviguer à l’intérieur de l’image, à la manière d’un documentaire, avec une voix off derrière. » Johan cite Le Mystère Picasso de Clouzot pour la référence artistique, plutôt que le clip de Apeshit de The Carters (Beyoncé et Jay-Z), tourné au musée de Louvre. Il connaît ses classiques. C’est un archéologue de la modernité au charme rétro. Réédition Contre-Jour (remixé et remasterisé) Animal 63 En live le 23 janvier au FGO-Barbara
Marc Rebillet
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Dans une contrée fort lointaine, il y a plusieurs décennies, un énergumène totalement atypique voyait le jour. En grandissant, ses parents s’inquiètent : l’enfant a trop d’énergie à revendre, passe son temps à amuser la galerie. Déjà artiste dans l’âme, le piano et le théâtre n’auront pas raison de son excitation. Trente ans plus tard, Marc Rebillet n’a pas changé. Ou presque. Son talent a grandi, mais il est resté le même enfant sauvage. Sur YouTube, Facebook et autres réseaux, ses vidéos montrent un musicien accompli coincé dans le corps d’un adolescent turbulent. Et ça plaît. Beaucoup même, puisqu’en seulement deux mois, le bellâtre a réussi à faire parler de lui dans le monde entier.
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Le Bonbon Qui est Marc Rebillet ? M.R. C’est un idiot professionnel. Aussi simple que ça. Je fais juste l’idiot pour de l’argent, ce qui est un travail très sympa. Je n’aurais jamais cru avoir un boulot dans ce genre, et pourtant ! L.B.
Comment en es-tu arrivé à la musique ? M.R. Je joue du piano depuis que j’ai 4 ou 5 ans. J’ai commencé à faire de la musique de façon plus “sérieuse” il y a dix ans. J’étais à l’université à l’époque, en théâtre, et j’ai arrêté après la première année. Déterminé à essayer d’apprendre à faire de la musique. J’ai attrapé un clavier, Logic Pro (logiciel de création musicale, nldr) et j’ai compris peu à peu comment tout ça fonctionnait. L.B. Pourquoi avoir arrêté l’université ? M.R. C’était un choix personnel. Bizarrement, cette année à l’université m’a rendu complètement indifférent au théâtre. Je ne sais pas si c’est le programme ou les professeurs ou autre chose… Peut-être que c’était juste personnel mais je n’avais plus envie de jouer. Je trouvais ça stupide de dépenser des dizaines de milliers dans une instruction que je n’étais pas sûr de vouloir. Mes parents n’étaient pas ravis, mais c’est cool ! (Rires) L.B.
Qu’est-ce qu’ils te faisaient écouter quand tu étais petit ? M.R. Ma mère écoutait beaucoup de Motown Records, de soul… Pas mal de The Four Tops, The Temptations, James Brown, Otis Redding… Mon père aimait ça aussi, mais il était plus dans le classique et l’opéra. La musique orientale aussi. Donc pas mal d’influences différentes en grandissant. C’est comme ça que j’ai appris à aimer le funk, la soul et le hip-hop.
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Et j’ai énormément d’admiration pour le classique et l’opéra, que j’écoute tout le temps. L.B.
Ton style de musique, tu le ranges dans quelle case ? M.R. Je le décrirais principalement comme un mélange funk-dance-soul sur une grosse base de hip-hop – en termes de structure et beats. Évidemment, avec une bonne dose de comédie et d’absurde. La plupart du temps inventé et improvisé. L.B. Pourquoi pas un album ? M.R. Quand j’arrêterai de passer autant de temps sur ma tournée, j’aimerais beaucoup me poser quelques mois et en faire un. Ça me rendrait plus qu’heureux. Avant même d’acheter ma boîte à loops et de commencer à faire mes vidéos, mon objectif était de produire
“Internet est quelque chose d’ignoble et d’imprévisible. Les gens adhèrent à un truc très vite, et s’en lassent tout aussi rapidement”
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des instrus pour rappeurs. J’adorerais composer sérieusement. Je n’ai juste pas le temps en ce moment… L.B. Du coup, l’improvisation. M.R. C’est principalement parce que je suis un gros flemmard. (Rires) Je préfère ne pas avoir à travailler trop dur ou trop longtemps sur un truc. Ce setup me permet de faire des choses dans l’instant, sans avoir à trop y réfléchir. Et passer directement à autre chose. Je pense que c’est aussi intéressant à voir, en vidéo comme sur scène. Tu n’as pas envie de regarder pendant six heures quelqu’un faire un arrangement. C’est ennuyant. L.B.
Comment tu expliques ton récent succès ? M.R. C’est juste fou. Je ne sais pas. Je pense que ce qu’il s’est passé, c’est que mon Facebook est monté d’un coup.
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Principalement quand l’Europe s’est mise à partager mes vidéos comme Summertime. Puis ça a touché les ÉtatsUnis. En un mois, je suis passé de 3 000 likes à 150 000. C’est incroyable. J’essaye d’en profiter un maximum. L.B.
Tu ne crains pas que ça parte aussi vite que c’est arrivé ? M.R. Oh mon Dieu, si ! C’est la chose dont j’ai le plus peur. Chaque jour, c’est une peur et une anxiété à laquelle je pense constamment. Avec laquelle je lutte. Internet est quelque chose d’ignoble et d’imprévisible. Les gens adhèrent à un truc très vite, et s’en lassent tout aussi rapidement parce que ça ne les intéresse plus. L’objectif, c’est rester intéressant, continuer à donner du contenu différent. Je ne veux pas devenir un mème.
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Qu’est-ce qui te motive le plus à faire de la musique ? M.R. Aucune idée. (Rires) Le truc, c’est que j’ai fait énormément d’efforts au tout début. Maintenant que ça commence à payer, plus besoin de lutter autant qu’avant. J’ai des concerts, un booking chargé jusqu’à la fin de l’année prochaine… Cette partie du taf est faite. Donc moins de pression. Je pense que ce qui me motive réellement aujourd’hui, c’est justement ce dont on vient de parler. Cette peur de finir dans l’obscurité. Que plus personne ne veuille payer pour me voir, ou simplement regarder mes vidéos… C’est une lutte très égocentrée. Mais c’est la peur de l’échec qui me motive. L.B.
Donc si tu perds tout, plus de motivation. M.R. Non, à vrai dire, ça pourrait peutêtre même encore plus me motiver… Je ne sais pas. J’ai l’impression d’être suspendu à une falaise du bout des doigts. Chaque vidéo ou show est un effort pour mieux m’agripper et essayer
de remonter sur la terre ferme. Sauf qu’il y a toujours le danger de tomber de la falaise… et mourir. (Rires) L.B.
Tu as déjà pensé à tout abandonner ? M.R. Avant que je commence à gagner ma vie, tout le temps. Juste avant de perdre mon dernier boulot et que j’essaye de me dégoter des dates à Dallas, j’étais à la limite de tout plaquer. Je me disais constamment : « C’est stupide, je travaille pour trois fois rien, je n’y arrive pas. Je devrais tout simplement arrêter de rêver de musique et faire autre chose. Ou juste pour le fun de temps en temps. ». L.B.
Qu’est-ce qui t’a maintenu sur les rails ? M.R. Je ne me suis jamais vraiment posé la question, à vrai dire. J’ai passé un mois très compliqué à me battre pour obtenir des dates. J’en ai eu une première, puis une seconde… À partir de là, ça a eu un effet domino. En deux mois, j’ai fini par avoir 3 à 5 shows par semaine, et les dés étaient jetés.
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Ta famille comprend-elle ce que tu fais ? M.R. Au début, ma mère pas trop. Ce qu’elle n’aimait pas particulièrement, c’est la vulgarité et la sexualité présentes dans mes vidéos. C’est une femme gentille, douce et généreuse, loin de ce registre humoristique. Mais elle est fière et me soutient, elle est même venue me voir en concert à New York ! Mon père, malheureusement, n’aura jamais pu voir ça car il nous a quittés en août dernier. Je sais qu’il aurait adoré parce qu’il a passé toute mon enfance à me pousser à faire quelque chose comme ça. « Tu dois monter sur scène, tu dois performer. Tu dois chanter. Le reste, tu t’en fous. » Ce n’est pas ce que je voulais à l’époque, j’étais plus jeune. Je voulais juste fumer de la weed et traîner avec mes potes. (Rires) Mais il avait raison. Je voudrais tellement qu’il puisse me voir aujourd’hui, parce que je sais qu’il aurait encore de nombreux conseils à me donner. J’espère qu’il aurait été fier. L.B. Tu as toujours été aussi fou ? M.R. (Rires) Oui, je pense que oui. J’ai toujours été très sociable, très animé. N’importe lequel de mes amis te le confirmerait. J’ai toujours eu beaucoup d’énergie. Après, bien sûr que mes vidéos et spectacles sont une caricature exagérée de ça. Mais c’est une part forte de ma personnalité, depuis toujours. L.B.
C’est quand la dernière fois que tu as dû être vraiment sérieux ? M.R. Probablement ces dernières années de ma vie, quand mon père ne se sentait pas très bien. Ça nous a forcés, avec ma mère, à travailler en équipe pour s’occuper de lui. On lui rendait visite tous les jours, pour lui rendre tout l’amour qu’il m’a donné pendant mon enfance. Quand il nous a quittés,
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c’était très sérieux, et très dur. Mais c’est quelque chose dont tu te sers. Tu essayes d’utiliser ces sentiments, émotions et souvenirs pour te motiver à continuer. Je me suis servi d’un sourire et de la joie pour combattre ces mauvais moments, et c’est exactement ce qu’il aurait voulu. L.B.
Une dernière chose : Rebillet, ça fait vachement français comme nom. M.R. Et c’est vachement français. (Il se met à parler en français) Moitié français, moitié américain. Double nationalité. Deux passeports. (Rires) Mon père est Parisien, ma mère est Américaine. L.B. Mais alors tu parles français ! M.R. (Toujours en français) Pas très bien, mais depuis que je suis tout petit je le parle. L.B. Et tu as habité à Paris. M.R. Oui, j’ai vécu un an du côté de Passy, dans une chambre de bonne sous les toits au 6e étage sans ascenseur… Je pense que pas mal de personnes se reconnaîtront ici ! (Rires) J’avais une vue magnifique sur la tour Eiffel, de très gentilles voisines scandinaves, ma petite cave à vin dans la rue et ma petite boulangerie pour un jambon-beurre. C’était très cool. Malheureusement, je travaillais comme serveur dans un diner américain (Breakfast In America dans le 4e, ndlr) et je n’arrivais pas à payer mon loyer. La musique ne marchait pas non plus pour moi, donc j’ai dû retourner aux USA. J’espère pouvoir un jour retourner m’installer à Paris, c’est une ville incroyable – si on a les moyens d’y vivre. — En concert le 31 janvier au Trabendo
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2018, souvenirs d’une rÊvolution en marche
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année s’achève, et comme par magie, l’automatisme de ses conneries avec, sa ribambelle de musiques trop aiguës, de rires trop joyeux, d’enfants qui hurlent et de mauvais téléfilms. Mais dehors, la terre gronde, les nuits sombres s’éclairent aux feux de bagnoles, les lumières s’éclatent à coups de pelle et le jaune fluo a remplacé le rouge vif du souvenir enfantin. Le mot “révolution”, tant fantasmé par le démago anarchicobobo, pétant en douceur dans son canapé de velours Fleux, le champagne qui goutte dans un foie-gras vegan trop salé (et ce con de frère qui parle de sur-assaisonnement en s’excitant sur la prochaine saison Top Chef), n’est plus un concept utopiste de bibliothécaire. Comme le terrorisme marqua Paris en imposant la terreur et la guerre à nos portes cloisonnées en 2017, 2018 impose la détresse, la pauvreté qui s’insurge et la guerre contre un inégalitarisme insupportable. L’espoir est mort, l’odeur du pneu qui brûle remplace celle de ces marrons chauds toujours trop froids
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qui dégoutent, le bonnet ridicule qui clignote à tout-va du collègue persuadé d’être drôle et décalé est enterré sous les décombres d’une Histoire violentée. Le cinéma se nourrit du monde, impose en témoin libertaire sa propre vision du passé et du présent. Mais très souvent, par sa force avant-gardiste, il peut prédire le futur. En parlant par exemple du passé comme l’un des plus beaux films de l’année, Leto de Serebrennikov. L’anarchie par la musique, cette volonté punk de tout foutre en l’air, même son propre futur, pour enfin accepter de vivre. Aimer, sous toutes ses formes, même les plus cruelles, briser les conventions hétéronormées qui implantent la peur de la différence dès la plus petite enfance (Girl de Lukas Dhont). Et bien sûr se battre. Par tous les moyens. En guerre de Brizé scelle le sort d’une entreprise à l’agonie, détruite par la mondialisation, pour laquelle ses salariés se battent à, littéralement, en crever. Rarement fut un moment d’une telle force et intensité au cinéma cette année. L’opposition entre le pauvre et le riche, la ville et la campagne, le monde évolué et la vie terreuse aux
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mains rocailleuses : Burning, absolu chef-d’œuvre de Lee Chang-Dong, nous raconte comment le diktat sociétal de la notion de réussite entraine peur et jalousie, perdition de l’âme dans une quête malsaine de reconnaissance. Être reconnu, c’est tout le désir pervers et narcissique de Lars Von Trier qui livre avec The House That Jack Built le film le plus égocentré de ces vingt dernières années. Mais quelle réussite : si l’on délaisse la violence inouïe et presque comique de la première partie, l’introspection psychiatrique de sa propre démence est superbe. Clin d’œil psy au Paranoïa de Soderbergh, petite composition sur iPhone et miroir cruel d’une société de l’écran qui ne cesse de créer du fantasme : le cul siliconé, les pieds dans une mer turquoise, la bouche botoxée avalant une tarte meringuée revisitée, l’instagramisation, faire fantasmer sa vie pour mieux combler le vide sidéral de son propre ennui. Le Livre d’image de Jean-Luc Godard, passé inaperçu mais toujours aussi juste, nous renvoie à la pauvreté d’une Europe qui meurt dans l’ennui et le mutisme. Tout le contraire de la grandiloquence à vomir et le commerce de la larme du Capharnaüm de Labaki. Des hurlements, un nourrisson enquillé d’un boulet au pied, du cinéma tragique au pathétique, qui nous rappelle que la sincérité ne se prétend pas, elle se filme. 2018 s’achève dans un torrent de violence et d’incertitude. Le cinéma n’a cessé de le dessiner, de nous alerter face à la noirceur d’un monde qui perd le contrôle de sa propre perdition. Tout va trop vite. Et ce que l’on peut simplement espérer, c’est que le cinéma de 2019 nous prédise un espoir nouveau. Peace.
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Cinéma
Asako I & II de R . Hamaguchi Sortie le 2 janvier 2/5 Balade amoureuse entre Osaka et Tokyo, lorsque l’amour d’une vie disparaît sans laisser de trace, il est si simple pour Asako de retomber dans les bras d’un sosie. Ou presque, car en dehors d’un physique similaire, tout s’oppose dans ces deux amours que rien ne rassemble (ce pitch digne d’Allociné…). C’est long, un peu prétentieux, tout ce que j’aime normalement, mais là ça se tartine de miel vegan, ça transpire l’intelligence calculée, et finalement ça perd tout de son essence : on s’ennuie, pire, on ne ressent pas grand-chose pour cette greluche paumée dans ses histoires de cœur. Trop bourgeois pour moi.
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Doubles vies de O. Assayas Sortie le 16 janvier 1/5 Binoche et Sils Maria furent un coup de grâce d’Assayas, on pensait Personal Shopper comme une faute de frappe et de parcours, mais en rameutant la branchitude dépressive parisienne de mauvais goût (Nora Hamzawi) et de moyen goût (Vincent Macaigne), il s’enfonce dans le propre cliché de son cinéma de quadra bohème en quête de sens. C’est lourd, parfois limitrophe du pathétisme, et souvent risible dans ce festival de lieux communs, où Assayas renvoie une image du monde si caduque et dépassée que cela fait peine à voir. Ringardos.
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Alien Crystal Palace de A. Dombasle Sortie le 23 janvier X/5 Que penser de ce nouveau projet d’Arielle Dombasle avec notre dandy alcoolo préféré Nicola Ker qui joue son rôle de rockeur incompris dans cette fable ubuesque et mythologique de recherche de l’amour parfait, forcément androgyne et cerné par la damnation éternelle qui rôde comme une échappatoire idéale. Asia Argento complète le tableau pour un délire pas encore apprécié mais qui s’annonce aussi grandiloquent que perturbant. Opium, son dernier long métrage, était une franche réussite, autre délire dans les jupons de Cocteau, alors on s’excite en attendant le 23.
Qu’est-ce qu’on a encore fait au bon Dieu ? de P. de Chauveron Sortie le 30 janvier 0/5 Ribambelle de clichés raciaux, blagues douteuses et humour situationnel grotesque à faire marrer les fachos en famille, la sortie dominicale en jogging Airness, qui se concluera définitivement par un steak d’OGM au Buffalo Grill en désuétude, où le serveur en costume far west, le seul black de la région, se fera charier par le petit Steven, adoubé par le regard complice du père à la moustache baveuse. Au pilori la bouse cinématographique qui tire notre société morcelée dans le caniveau ! Alors lorsqu’on ose en tirer une suite avec un second film, ça finit de tuer tout espoir en l’humanité. Amen.
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Tous les mois, le Bonbon se mue en une “distyllerie” décomposant le style et les références esthétiques de ceux qui donnent le pouls du Paris d’aujourd’hui. Après un sans-faute à ESMOD pendant trois ans en spécialité homme sur impression 3D, Grégoire Willerval lance Eclort, un label émergent ultradynamique mêlant sportswear et streetwear. Il écume les festivals de créateurs émergents (ou non), raflant au passage quelques prix : Dinan, Who’s Next, Open Mode… Rencontre avec une jeune pousse imprégnée façon microfibre.
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“J’étais un mec hétéro avec une inspiration sportswear dans une école de mode… Ils n’avaient pratiquement jamais vu ça”
Parle-nous de toi, d’où viens-tu ? J’ai 24 ans, je suis originaire du Nord de la France, j’ai grandi à Vimy, un petit patelin paumé à côté d’Arras. C’est d’ailleurs de là que vient le logo d’Eclort : pas loin de chez moi, il y a un monument commémoratif des soldats canadiens morts pendant la Seconde Guerre mondiale. Il figure aussi sur le billet de 20 dollars canadien. Je l’ai repris parce qu’il est un symbole fort de mon enfance, et décliné façon sport : dans mon imaginaire, il représente un personnage qui lève les bras en passant une ligne d’arrivée. Mais au final, les gens sont libres de l’interpréter comme ils le veulent. Bref, je suis arrivé à Paris après mon bac et je suis rentré à ESMOD. Je faisais pas mal de graff, je collais des stickers un peu partout dans le métro et j’ai vraiment commencé à lancer quelques produits en troisième année. J’ai participé au festival Fashion
Days de Marie-Claire à Budapest avec ma collection Bleu, Blanc, Rouge dans un esprit mêlant sports collectifs et religion chrétienne. À ce moment-là je commençais surtout à vendre des chaussettes, je bossais (et bosse toujours) pour des bureaux de tendances mais à côté je sortais de plus en plus de pièces. L.B. Tu peux nous en dire un peu plus sur ton processus de création ? G.W. Je m’intéresse particulièrement aux nouvelles technologies et nouvelles matières comme le microfibre. Tu vois ce tissu façon serviettes compactes Décathlon ? Aujourd’hui, je suis plus orienté vers le streetwear, alors qu’à l’origine mes influences portaient vers le sportswear. Étant gamin, j’ai pas mal pratiqué les sports de glisse et les sports collectifs. Si bien qu’au lycée, j’ai dessiné le maillot de mon club de hand. Ils l’ont gardé pendant cinq ans : ça a été le déclic.
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L.B. À l’origine, tu voulais faire du design automobile… G.W. C’est au début du lycée que je me suis vraiment intéressé aux vêtements de sport. Mais c’est tout juste si j’avais déjà regardé un défilé. Plus jeune oui, je trouvais ça dingue de dessiner des voitures, ça fait un peu cliché mais j’adorais les caisses. Je ne m’inspire plus vraiment du milieu de l’automobile, ça peut être vraiment tout : un fond d’écran Windows, un tableau du XVIIe siècle… et évidemment beaucoup de codes du monde du sport qui reviennent naturellement. J’essaie à 100% de ne jamais partir d’un vêtement. De systématiquement partir de rien, en fait. L.B. Tu gardes un bon souvenir d’ESMOD ? G.W. Carrément. C’est je pense dû au fait que j’étais un mec hétéro avec une inspiration sportswear dans une école
de mode… Ils n’avaient pratiquement jamais vu ça, personne n’était vraiment proche de mon style donc je suis vite sorti du lot. J’ai eu de la chance. La direction m’a toujours mis en avant, j’ai pu faire défiler mes créations à Budapest tous frais payés. Après, il faut garder en tête que sur une promo, ça n’arrive qu’à 5 personnes. Tu en as 299 qui vont être lésées. Mais j’en retiens qu’il faut beaucoup travailler et savoir se distinguer. L.B. Tu t’inspires du quotidien, autant avec ton jogging ticket de métro que ton bob aux lignes vert bouteille façon RATP. Tu n’as pas peur qu’on te taxe de “marque pour Parisiens” ? G.W. Vu que je ne viens pas de Paris, je n’ai pas tellement ce sentiment. On confond souvent mon logo avec celui du PSG, alors que pour ma collection
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“La grande partie de ce que je fais, c’est moi qui le conçoit de A à Z : je dessine, je modélise, je fais imprimer à Bobigny puis j’assemble les vêtements moi-même. ”
Bleu Blanc Rouge il s’agissait clairement des couleurs de la France, rien d’autre. Je ne revendique pas spécifiquement cet héritage parisien mais étant donné que je m’inspire du quotidien, ça me touche forcément. Et heureusement, il n’y a pas que des Parisiens à Paris, et qui aiment la ville. L.B. D’où ça vient, Eclort ? G.W. C’est un mélange entre “sport” et “éclore” : dans l’idée d’une nouvelle façon de porter et penser le vêtement et en même temps représenter la force, la vitalité de la jeunesse.
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L.B. L’icône d’un autre temps qui porterait du Eclort ? G.W. Je dirais Jésus. J’avais fait des paires de chaussettes avec sa tête dessus. Et je pense que le parcours qu’il a eu, de se relever à chaque fois, est vraiment intéressant. Quand tu es une jeune marque, c’est aussi difficile, un vrai chemin de croix ! L.B. Sur ton site, on voit que tu te sens concerné par le made in France. Qu’est-ce que ça représente pour toi ? G.W. Pour le moment, je réussis à ne fabriquer qu’en France, oui. La grande partie de ce que je fais, c’est moi qui le conçoit de A à Z : je dessine, je modélise, je fais imprimer à Bobigny puis j’assemble les vêtements moi-même. Mais ça, c’est dû au fait que je ne fais soit que des modèles uniques, soit trois, quatre, cinq exemplaires maximum. Après, évidemment, ça va s’élargir : je pense passer au made in Europe parce qu’en France, ça n’est pas forcément très quali, ou alors c’est très cher. Certaines marques qui prônent et revendiquent le made in France font fabriquer en Europe et posent simplement l’étiquette en fin de fabrication. L.B. Quels sont tes projets, en ce moment et pour la suite ? G.W. Actuellement je bosse comme modéliste pour le label d’Alpha Wann, Don Dada. Et début 2019 je participerai au pop-up Jean Louis, avec une silhouette ultra colorée et dynamique. J’ai hâte.
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Henry Wu l’underground dans toutes ses formes L’Angleterre a toujours été une terre musicale fertile ; sa capitale, Londres, l’un de ses plus riches viviers. Une sorte d’arbre aux mille fruits, qui a pour particularité que chacun de ses agrumes soit aussi goûteux que différent. Cette fois nous avons attrapé sa branche “jazz” pour y cueillir Henry Wu, un artiste au talent rare et polymorphe, très attaché à ses racines, pour qu’il nous parle de lui et de ce qui se passe autour de lui.
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Nous sommes à Paris, à l’orée d’un mois de décembre étonnamment plus doux que son prédécesseur. La dizaine de degrés qui règne en ce dimanche 2, tout comme le concert qui s’annonce ce soir-là à la Cigale, poussent les âmes des habitants de la capitale à braver leur repos dominical. Et pour cause : l’homme aux multiples allias (Yussef Kamaal ; Kamaal Williams ; Henry Wu) que l’on nommera simplement dans ces lignes Henry, est en phase de se produire. Dans cette salle historique pleine de la fosse au balcon, cet éternel amoureux des percussions, devenu claviériste à ses 18 ans, aura figé le temps – à défaut des corps – dans une formation en trio, une formule qu’il chérit, « avec beaucoup d’espace, qui permet à chacun de pouvoir s’exprimer librement », comme il nous l’expliquera le lendemain. Lundi, fin de matinée. À peine redescendus du nuage musical qu’Henry avait confectionné avec soin la veille, nous le retrouvons à l’Hôtel Amour, bien posé à l’une des tables de ce spot fort sympathique. Une lampée d’eau pétillante, et le natif du sud de Londres se plonge dans ses souvenirs : « Quand j’étais gamin, il y avait toujours de la musique chez moi. Mon père écoutait beaucoup de genres différents dont pas mal de jazz : Miles Davis, Stevie Wonder, Dave Brubeck… Ma mère aussi, des artistes comme Éric Clapton, Bob Dylan, Bob Marley… Même si personne n’était musicien dans ma famille, ils aimaient vraiment tous ça ». Une passion tellement obsessionnelle qu’elle a sans doute poussé le juvénile Henry à, lui, s’y essayer. C’est donc à « 9 ou 10 ans », quand il était à l’école primaire, que ses premiers contacts physiques avec des instruments se sont opérés ; d’abord avec des percussions, pour vite se concentrer sur la batterie.
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En tant que batteur, et au fil des représentations qu’Henry enchaîne avec son groupe de camarades de classe, il se rend rapidement compte qu’il possède « un sens du rythme naturel ». Malgré son attachement aux caisses claires, fûts et cymbales, la suite de son histoire ne se conjuguera pas à la batterie, mais au piano et claviers. La faute (chance) à une rencontre-clef survenue lors de sa scolarité, avec un batteur de choix, qui lui soufflera de s’essayer à ces nouveaux jouets. Pourtant, ce premier amour ne s’est jamais vraiment terminé : « Je joue des claviers comme s’ils étaient des percussions. Les batteurs qui m’accompagnent captent bien ça et on partage en quelque sorte la même compréhension d’un morceau. Je suis comme une fondation sur laquelle ils peuvent s’appuyer ». Même si ce passage des baguettes aux touches est un événement marquant dans la vie du jeune homme, le réel bouleversement est intervenu lorsqu’il avait 16 ans et qu’il a découvert le club The Crypt. « Un soir, je me baladais dans le quartier ou j’ai grandi (Peckham, ndlr), et j’ai entendu du jazz sortir d’une église, commence Henry. Ça m’a interpellé ! J’ai tout de suite voulu aller voir ce qu’il se passait. Il y avait des videurs devant, et comme j’étais encore mineur, ils ne m’auraient jamais laissé entrer. Alors j’ai escaladé le mur du cimetière juste derrière. À peine à l’intérieur, un type lambda m’a demandé ce que je foutais ici… Je lui ai simplement expliqué que je venais écouter de la musique. Il m’a répondu : “Pourquoi tu escalades par l’arrière ? La prochaine fois, appelle-moi et je te ferai rentrer !” Ce gars, c’était en fait Russell (Occomore, ndlr), le gérant », rigole-t-il. Depuis ce jour-là, et pendant plusieurs années, il ne s’est pas passé un vendredi sans que Henry ne se rende fidèlement à
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The Crypt, ce club « mythique à l’ambiance si spéciale », où sont intervenus Courtney Pine, Omar ou Tony Kofi, des grands noms du jazz anglais. Deux ans d’éducation intensive au jazz plus tard, façonné par la programmation pointue du club, et à 18 ans tout pile, Henry décide de se produire à son tour. Il lance son propre événement : « Pour ma première soirée à The Crypt, en 2008, j’ai invité Yussef (Daves, ndlr) et sa bande, il n’avait que 14 ans et il est venu jouer ! ». Avec lui, la scène jazz locale connaît une sorte de seconde jeunesse – « il y avait déjà plein d’artistes jazz en Angleterre 20 ans plus tôt », précise Henry, et il y tient. D’autres newcomers ont émergé de la nébuleuse culture jazz club, mais avec une différence majeure d’avec le natif de Peckham. Il nous l’explique : « J’ai toujours entendu parler de ces gars.
Mais tu sais, ils sont plus issus du monde académique du jazz, ce qui n’est pas mon cas. À cet âge, je ne me voyais pas comme un musicien de jazz, je faisais plus des sessions de jam, je vibais. Je n’avais pas la même compréhension académique, je jouais juste comme ça. Je n’ai jamais fait partie de ce monde. ». Parmi les représentants de ce microcosme, il y a notamment Moses Boyd. Quand on lui demande si son Rye Lane Shuffle est la chanson référence de ce renouveau du UK jazz, comme certains artistes et fans ont pu le laisser entendre, Henry préfère esquisser un brin d’humour : « Je ne pense pas, enfin pour moi. Je vois plus Strings Of Life comme un hymne. Je respecte cette scène et Moses. C’est un bon gars qui fait de la bonne musique. Mais encore une fois, c’est tellement différent de ce que je fais. ».
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“Mon son était très housy, avait ce beat très four to the floor, très up-tempo”
En évoquant le tube de l’Américain Derrick May, pionnier du mouvement techno, Henry nous fait littéralement une passe décisive pour parler de la suite de son histoire ; ses expériences de DJ, une autre des particularités de sa carrière. Car en plus d’être un musicien chevronné, Henry s’est d’abord fait connaître du grand public en tant que producteur, sous le nom Henry Wu. Il reprend : « Suite à mes événements jazz, j’ai joué des claviers pour un artiste de dubstep, puis j’ai fait une pause de 3 ans. Quand j’ai recommencé, j’ai sorti toutes les productions que j’avais enregistrées en parallèle, via le label 22a de Tenderlonious. Mon son était très housy, avait ce beat très four to the floor, très up-tempo. C’est là que j’ai été sollicité pour mixer, et c’est comme ça que j’ai vraiment appris à me servir des platines, sur le tas. Après pas mal de dates, j’ai sorti d’autres tracks dans des labels du genre, comme Eeglo Records, Rythm Section… Ce qui est drôle, c’est que j’ai d’abord été connu comme Henry Wu. ». Après avoir enregistré plusieurs EPs (Negotiate, Good Morning Peckham…), le néo-producteur, insatiable de
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nouveauté, démarre un concept tout neuf, « enregistrer une version live de la house music ». Il change de nom et se mue en Yussef Kamaal, un groupe initialement composé de 5 personnes (dont le batteur Yussef Daves), ensuite ramené à 3 – par souci de liberté, comme il nous l’expliquait plus haut. Si Henry avait réussi à gagner en notoriété avec le pseudonyme Wu, pourquoi avoir changé de nom ? « À l’origine, Yussef Kamaal est une sorte d’essai d’Henry Wu. Et c’est pour ça que quand tu vas sur YouTube, tu peux voir “Henry Wu presents : Yussef Kamaal”. Parce qu’à la base, ce projet c’est aussi du Henry Wu. Mais je devais changer le nom, la marque, pour ne pas embrouiller les gens. Finalement, c’est le même réalisateur mais c’est un film différent. » En novembre 2016, Black Focus, premier long métrage d’Henry Wu, voit le jour – une aventure de 10 titres aux confins du jazz et de la musique électronique, émotionnellement intense. Malgré le succès, le groupe se séparera rapidement après la parution du disque. Suivront entre la fin 2016 et le début de 2018 deux nouveaux EPs, estampillés Henry Wu, avant un autre long format en mai 2018 – sur son propre label –, The Return, sous couvert d’un nouvel allias, Kamaal Williams, toujours dans une formule à 3. On ne va pas vous refaire la chronique de ce deuxième album, ni même vous expliquer pourquoi il transpire Londres (c’est assez évident de toute façon), mais plutôt vous laisser rêveurs quant à la suite des projets d’Henry : « Tyler, The Creator était au concert hier. On avait déjà trainé ensemble la veille, à écouter du son, délirer entre nous. Il m’a d’ailleurs dit qu’il adorait ma musique. Quelque chose se prépare peutêtre, qui sait ? ».
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Mancerow Le dernier mot
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Des duos à Paris, il y en a plein. Mais des duos aussi fusionnels que celui de Mancerow, on n’en connaît pas énormément. Romain et Maxime se rencontrent à l’occasion d’une soirée d’amis, sont amenés à jouer ensemble. Encore. Et encore. Au fil du temps, les deux accrochent vraiment. L’un use de ses influences house, l’autre techno. À deux, ils couvrent un large panel de musiques électroniques, qu’ils mettent en pratique lors de soirées au Faust, au Rex Club, au Wanderlust… Ou lors d’afters interminables au Café Barge. Trois ans que Mancerow ambiance le Tout-Paris (et même la France), toujours dans la joie et la bonne humeur. La preuve. À l’apéro, vous buvez quoi ? Des cocktails pas bons trop chargés. Le meilleur moment de la soirée, c’est quoi ? Quand on vient de monter sur scène, et qu’on lance le premier track.
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Le sexe, c’est comment ? C’est dur. Une bouffe de fin de party ? Un grec, sans oignon. Faut pas déconner, il est 7h du mat’ quand même. Un spot vraiment underground ? La piscine à boules du McDo de Périgueux. Un lopin de terre pour s’allonger dans l’herbe ? Arsène Lopin ? Un artiste sous les radars ? Julenn. Un lieu coupe-gorge à Paris ? Un restaurant, 2, rue de la Coutellerie (4e). Une ville plus folle que Paris ? Birmingham. Un bar pour se la coller sans complexe ? Le Gorille Paris (2e).
La musique parfaite pour finir sa soirée ? Un petit Goldlink à la maison, au calme, ça passe toujours bien.
Un endroit où danser pour la dernière fois ? Pourquoi s’arrêter ?
Les meilleures soirées, c’est où ? Avec les copains.
Un souvenir du Paris d’antan ? Le Social Club.
L’after, c’est important ? Tout dépend de la vibe. Il faut savoir s’arrêter au bon moment.
Un truc à faire au moins une fois dans sa vie ? Un top 1 à Fortnite parce que PUBG c’est trop dur.
Après une grosse teuf, c’est quoi le remède ? Aller au Burger King, prendre un sandwich de son choix puis aller au McDo avec son sandwich caché (très important) et prendre un menu nuggets. La drogue, c’est mal ? Le sucre, c’est mieux.
Un péché mignon ? UNE PIZZZAAAAAAAAAAA. Une dernière volonté ? Une nouvelle tournée des Daft Punk. Un dernier mot ? Groove.
A G E N D A
JEUDI 3 JANVIER 00h Rex Club 12€ In da House w/ Secret Value Orchestra VENDREDI 4 JANVIER 22h La Karambole Mirely à la Karambole 00h La Machine du Moulin Rouge 15€ Encore La Mamie’s : Perc, Randomer 00h Bus Palladium Bonbon Party, invits sur lebonbon.fr SAMEDI 5 JANVIER 00h Rex Club 14€ Children Of The Drum w/ San Proper, Neue Grafik VENDREDI 11 JANVIER 23h Badaboum 11€ Gerd Janson 00h Glazart 13€ Bender w/ Parallx, ILLNURSE 00h Bus Palladium Bonbon Party, invits sur lebonbon.fr SAMEDI 12 JANVIER 21h Le 9b Muslimgauze Memorial Night 00h T7 30€ Todd Terje, Darius, Kartell, Cézaire 00h Warehouse Vryche Basement VI w/ AWB, Darzack VENDREDI 18 JANVIER 20h Panic Room Deux Mesures : Housecall 23h L’International 6€ Professeur Promesses #17 00h Bus Palladium Bonbon Party, invits sur lebonbon.fr
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SAMEDI 19 JANVIER 18h Point Éphémère 14€ OFFF d’hiver 23h Concrete 15€ Samedimanche : Robert Hood, Manu le Malin 00h Le Petit Salon Happiness Therapy : Folamour & Dan Shake DIMANCHE 20 JANVIER 05h Café Barge 2 ans d’afters de Gangsters VENDREDI 25 JANVIER 23h YOYO Palais de Tokyo 21€ Mall Grab all night long 00h Concrete 15€ Lobster Theremin w/ Mama Snake, nthng 00h Bus Palladium Bonbon Party, invits sur lebonbon.fr SAMEDI 26 JANVIER 21h La Bellevilloise 22€ Allo Floride 6th Birthday Party 22h Pavillon Cambon 30€ Chez Gustave : Breakbot & Guests 23h T7 27€ Theo Parrish Sound Signatures 21 years JEUDI 31 JANVIER 19h Gaîté lyrique 21€ Deena Abdelwahed (Khonnar Live Set) 19h Trabendo Marc Rebillet VENDREDI 1ER FEVRIER 18h La Bellevilloise 15€ VendrediXXL 20h New Morning Cory Henry en concert
DU 10 JANVIEAU 26 R, 21H
UN SPECTACLE DE MICHÈLE ANNE DE MEY, JACO VAN DORMAEL ET DU COLLECTIF KISS & CRY, TEXTE THOMAS GUNZIG ………………………………………………………………………………………
JACK DANIEL’S ET OLD NO. 7 BRAND SONT DES MARQUES DÉPOSÉES. ©2018 JACK DANIEL’S. BROWN-FORMAN FRANCE SAS CAPITAL 5 037 000 EUROS - 47, RUE DE MONCEAU 75008 PARIS - 793 408 113 RCS PARIS
MADE THE SAME WAY SINCE 1866.* *UNE RECETTE INCHANGÉE DEPUIS 1866.
JAC K D A N I E L’ S
TENNESSEE WHISKEY
Darren Lipham – Travailleur à la scierie de Sawmill
L ’ AB US D’ ALC OOL EST DANGEREUX PO UR L A S ANTÉ , À CO N S O M M ER AV EC M O D ÉRATIO N .