Le Bonbon Nuit 70

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DÊcembre 2016 - n° 70 - www.lebonbon.fr


Pour être sur liste rdv sur lebonbon.fr Bus Palladium — 6, rue Pierre Fontaine — Paris 9e


EDITO �

Recette d’une bonne quiche aux poireaux L’autre soir, je me suis dit que j’allais rester tranquille. Je voulais en profiter pour fignoler mon édito spécial Noël. Et puis bon, j’ai 31 ans maintenant, il faut quand même un jour que j’apprenne à faire une quiche. La quiche aux poireaux, symbole pour moi d’une vie de famille saine et stable. Je commence à dégorger les poireaux avec minutie. Je les lave car il y a un peu de terre souvent entre les feuillages. C’est assez agréable je dois l’avouer. Je les fais revenir à feu doux, et puis je m’apprête à beurrer le plat à tarte. Et c’est avec surprise que je trouve dans un vieux compartiment du frigo que mes parents m’ont légué un bout d’acide conservé ici depuis les années 70. Je le goute comme on goute une sauce. Il doit dater d’avant ma naissance, il ne peut pas me faire bien de mal. Mettons ça dans la quiche comme une fève de galettes des rois. Je décide alors de manger la tarte devant le spectacle des Enfoirés à Bercy sur HD1, ce qui n’était déjà pas habituel comme choix de programme. Mais c’est vraiment le moment où j’ai failli m’étouffer devant Mimie Mathy déguisée en R2D2 en train de parler à Patrick Fiori en Yoda qui a été le plus suspect. Je décide de garder la télé allumée mais en doublant le son par un vieux Pink Floyd. Dès lors j'ai eu une illumination, Pierre Palmade à l'écran me susurrait le but suprême de la vie, la leçon ultime de Noël : la vie de famille, ça ne se construit pas chez soi, tout seul en regardant les Enfoirés en mangeant une vieille quiche aux acides. Il y a un temps pour tout et ça s’appelle la cinquantaine. La vie de famille, ça se fait en chopant de la meuf et ça, mes parents l’ont bien compris en laissant ce timbre d’une lettre jamais postée dans le bac à beurre. Je décide de sortir mes jambes distordues et d’aller les faire danser au Bus Palladium avec Carole du marketing. Tant pis pour l’édito, c’est ça l’esprit de Noël. Joyeux Noël Raphaël Breuil

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TEAM �

DIRECTEUR DE LA PUBLICATION RÉDACTEUR EN CHEF DIRECTEUR ARTISTIQUE CONCEPTION GRAPHIQUE COUVERTURE SECRÉTAIRE DE RÉDACTION GRAPHISTES RÉDACTEURS

RESPONSABLE DIGITAL COMMUNITY MANAGER CHEFS DE PROJETS PARTENARIATS RÉGIE PUB CHEFS DE PUBLICITÉ PRINT SAS LE BONBON IMPRIMÉ EN FRANCE

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Jacques de la Chaise Raphaël Clément Breuil Tom Gordonovitch République Studio Charles X par Flavien Prioreau Auriane Hamon Coralie Bariot, Cécile Jaillard Cyrielle Balerdi, Laura Dubé, Agathe Giraudeau, Rachel Thomas, Tiana Rafali-Clausse, Olivia Sorrel-Dejerine Antoine Viger Clément Villas Dulien Serriere, Florian Yebga Margaux Décatoire, Hugo Derien Thomas Bonnet, Carole Cerbu, Hugo Delrieu, Nicolas Portalier, Benjamin Haddad, Edouard Goisbault, Arthur Nolleau 12, rue Lamartine 75009 Paris Siret 510 580 301 00032 01 48 78 15 64


SOMMAIRE �

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À LA UNE Charles X

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FUTUR Une voyante de Barbès

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CLUB David Blot

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MÉTIER DE LA NUIT Une nuit aux urgences

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SOCIÉTÉ Simon Liberati

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CINÉMA le Bilan 2016

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CLUB Weather Winter

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Portrait de l’humoriste Coluche. France, décembre 1983. © Xavier Lambours / Signatures

COLUCHE EXPOSITION GRATUITE À L'HÔTEL DE VILLE 6 octobre 2016 - 7 janvier 2017 / Salle Saint-Jean 10H - 18H 30

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TOUS LES JOURS SAUF DIMANCHES ET JOURS FÉRIÉS


HOTSPOTS � ① PRENDRE SON PIED The Black Madonna is in town ! Un style inimitable (!), un groove rare et une communion avec son public : voilà pourquoi l'Américaine séduit à chaque passage dans la capitale. Elle sera accompagnée du petit protégé de Rush Hour, Hunee qui apportera pour l'occasion ses plus belles galettes. Pigalle risque de s'en souvenir pendant longtemps ! Samedi 10 Décembre, à la Machine ② REVOIR LES COPAINS Depuis cinq ans, Cracki s'attelle à réveiller une capitale qui s'était "endormie". Ils sortent d’ailleurs pour l’occasion une compilation Mémoire d'Elephant #02. Comme un symbole, ils fêtent leur anniversaire dans le mythique Rex Club ! Rendez-vous pris donc avec Renart, VOIRON… Et Happy Birthday Cracki ! Vendredi 16 Décembre, au Rex ③ AIMER L’HIVER AVEC LE WEATHER WINTER Le Weather retrouvera le Paris Event Center les 17 et 18 décembre prochains avec toujours autant de gros calibres dans son line-up, dont quelques Laurent Garnier, Marcel Dettmann, Marcelus, Voisky ou Antigone qui vous malmèneront jusqu’au petit matin. Prépare tes moufles et tout le reste qui va avec. 17 et 18 décembre, au Paris Event Center ④ FÊTER NOËL EN AVANCE AVEC LA MAMIE’S La Mamie’s, tu connais ou tu en as déjà entendu parler en te demandant ce que ta grand-mère pouvait bien foutre au milieu de cette conversation. Voilà dix années que le collectif sillonne les clubs pour ambiancer tes soirées. Sauf que cette fois la Mamie’s devient un label, et le crew fêtera sa première sortie. Samedi 17 décembre, au Pop-Up du Label 5


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À LA UNE � T ARNAUD ROLLET P FLAVIEN PRIOREAU

L'AVÈNEMENT DE CHARLES X

Charles X c’est le nom d’un roi français mais c’est aussi le pseudo de Dales Anthony Doss, un artiste soul et hip hop américain qui commence à être de plus en plus populaire en Europe mais tout particulièrement dans l’hexagone. De LA à Bordeaux, ce soulman très prolifique en est déjà à son troisième album, il nous donne ici sa vision du changement. Ton premier album s’appelle The Revolution And The Day After, que s’est-il passé entre celui-ci et le second ? De quelle révolution avons-nous besoin ? Une révolution du peuple. La révolution a déjà

commencé en quelque sorte, tout change. Le jour d’après c’est ce que nous sommes en train de vivre à l’instant. J’espère que quand tout ça sera fini, peut-être que le monde changera. C’est ça "The Day After", un chamboulement qui rendra les choses meilleures. Que penses-tu de ce qui est en train de se passer aux Etats-Unis ? Que se passe-t-il aux Etats-Unis ? (Rires) Vous avez changé de président. Je pense que ce qu’il s’est passé est très bien car maintenant les gens ne peuvent pas l’ignorer, ils doivent réaliser à quel point ça va 7


« Je pense que ce qu’il s’est passé est très bien car maintenant les gens ne peuvent pas l’ignorer, ils doivent réaliser à quel point ça va mal. Si tu regardes mes interviews de l’année dernière, je disais que Trump allait gagner. C’était facile à deviner.  »

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mal. Si tu regardes mes interviews de l’année dernière, je disais que Trump allait gagner. C’était facile à deviner. Le deuxième album Song Of The Yesteryear parle beaucoup du passé, du futur et du présent. Que penses-tu de la musique d’aujourd’hui ? Tu sembles très attaché à ce qui se faisait par le passé, un peu vieux jeu. Je suis définitivement vieux jeu, mais j’essaie de m’adapter. Le nouvel album qui va sortir sera un mélange de plein de genres différents. L’un des problèmes en faisant du hip hop et de la soul c’est que je ne touchais pas un public jeune, en donnant une certaine image du futur et tout ça. J’ai dû changer mon son pour toucher les plus jeunes. Je m’adapte mec, je suis un vieil homme c’est sûr (rires). Ton nouvel album s’appelle Peace, tu parles souvent de ce sujet, que penses-tu de la condition des noirs ? Sont-ils assez représentés dans la musique ? Il y a pas mal de gens qui représentent la black music, mais quand je pense à l’époque, comme je l’ai dit je suis vieux, la black music c’était Stevie Wonder, Ray Charles… Maintenant je trouve que tout le monde dit des choses négatives, c’est plus le problème, personne n’est positif. Kanye West quand il était plus jeune était vraiment positif, mais je ne sais pas ce qu’il s’est passé en 2013, tout a changé. Tout le monde change, même Usher, son album Confessions était l’un des plus grands albums, c’était original, vrai et ça parlait aux gens. Aujourd’hui sa musique ressemble à celle de n’importe qui. Maintenant sa musique est juste un assemblage de mots et de mélodies, c’est trop marketé. Tu es plus connu en Europe qu’aux EtatsUnis, comment ça se fait ? Je ne peux pas faire de profits en Amérique (Rires). C’est très frustrant, le marché est

surchargé aux US. Les conditions aussi sont différentes pour les shows, je ne veux pas retourner chez moi où on ne te fournit ni l’hôtel, ni le repas. Tu viens juste d’avoir une tournée en France. Comment c’était ? C’était génial, on a fait Paris à la Maroquinerie et au New Morning, mais aussi à Lyon, Liège, Biarritz, Marseille et Saint-Tropez. J’aimerais étendre ça au monde entier, on a des plans pour l’Afrique du Sud, La Réunion… Quel est le deuxième pays ou tu es le plus connu après la France ? Je dirais la Réunion et l’Afrique où pas mal de gens me connaissent, mais aucun des endroits où je voudrais vraiment aller comme l’Inde ou l’Australie. Depuis qu’on a sorti notre nouveau clip, de plus en plus de gens connaissent mon projet. Ils ont connu ma musique grâce à ce clip, ils ne me connaissaient pas vraiment avant. Y a-t-il un artiste français que tu aimes ? Qui t’inspire ? Je parle souvent de JP Manova, j’en ai parlé hier personne n’a réagi, donc je dirais juste JP Manova. Que penses-tu des nouveaux genres de musique, l’electro, la future ? Il y a trois ans je détestais, maintenant je ne sais pas. Dans la musique tout est un piège, tu ne dois pas rester trop ancré dans un genre ça devient ennuyant même pour la soul. J’aime la bonne électro, j’aime bien ce qui se mélange bien avec les anciennes musiques comme Michael Jackson, ce genre de choses est cool. Est-ce que tu fais souvent la fête ? Comment gères-tu avec ton travail prenant ? Je ne fais pas la fête souvent, mais quand je fais la fête je la fais à fond. Ma vie est une fête 9


donc je n’ai pas de mal à marier ça avec mon travail. Faire de la musique c’est une sorte de fête pour moi, c’est fun. As-tu quelqu’un dans ta vie ? C’est compliqué en général avec ce genre de job. C’est très difficile, je pense qu’il faut d’abord se concentrer sur la musique et après on verra pour l’amour. Nous devons d’abord changer le monde. Tu bosses avec pas mal de producteurs sur ta musique, tu en changes souvent ? J’ai trois producteurs qui sont mes favoris avec qui je travaille beaucoup, mais c’est vrai que je change souvent. Par exemple sur l’album Peace j’en ai sept différents. Mon problème est que j’ai plein de musiques qui sont prêtes à sortir, mais je dois attendre un peu. J’ai trois albums à venir, j’attends juste d’avoir assez d’argent. Peace est prêt depuis un an et Sounds Of The Yesteryear était prêt depuis 3 ans. Tu prévois des clips pour Peace ? J’en ai cinq de prévus, on va bientôt tourner, c’est ma partie préférée. Ça rend la musique vivante, Michael Jackson avec les siens a tout changé. Ton premier album s’appelle The Revolution and The Day After, le second Sounds Of The Yesteryear parle du passé et le dernier de la paix, quelle est la prochaine révolution ? C’est aux gens de décider, j’ai mon idée. C’est assez simple de voir ce qu’on doit faire vu ce qu’il se passe en ce moment. Je voudrais te parler de la couverture de Peace avec la couronne, tu l’as juste vue et tu l’as prise ? Tu fais tout de cette manière ? J’aime bien faire les choses à l’instinct, c’est aussi une question de budget, j’aime bien quand c’est bricolé à la main. C’est le cas aussi pour mes clips. 10

Au sujet de l’argent, tu es un artiste indépendant, comment fais-tu pour t’en sortir ? D’où viennent tes revenus ? Majoritairement des concerts, je commence à être bien payé, je vends aussi ma musique mais ça ne rapporte pas autant. J’ai commencé à vendre des T-shirts, mais tu vois quand tu as 17 dates en mars ça change pas mal les choses. Quand tu étais petit comment voyais-tu ta carrière ? Je ne voulais pas être riche mais populaire. Je voulais avoir plein de filles à mes pieds (rires). J’étais un petit nerd je voulais de l’attention, pas très bon en sport, je voyais des mecs comme Michael Jackson réussir, ça m’inspirait. Il était tellement classe, je voulais être comme lui. Le sport j’aimais ça, mais ce n’étais pas tellement important si je ratais une balle je m’en foutais. Si je rate un concert c’est très impactant. Comment as-tu commencé la musique ? Comment l’abordes-tu depuis ? J’ai commencé en rappant, c’était nul (rires). On enregistrait avec mon cousin avec un vieux PC et une machine à karaoké. C’est comme ça qu’on a commencé. C’est devenu mieux après heureusement. Je ne savais pas vraiment qui j’étais. Comment fais-tu pour trouver de l’inspiration ? Tu lis de la poésie ? Non je fume beaucoup (rires). J’aime bien la poésie mais je trouve ça un peu pompeux, je préfère les mots bruts. Je m’inspire plus de livres comme ceux de George Orwell, ce qu’il décrit, j’ai l’impression que ça s’est passé hier. — Charles X - Peace En concert le Jeudi 23 mars au New Morning


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PLAYLIST � P NICOLAS DESPIS

RADIO ELVIS

On a demandé à la sensation rock du moment de nous faire une playlist de Noël un peu gaie. Ils ont préféré faire un hommage 12

à tous les artistes qui nous ont quitté cette année. Radio Elvis Les conquêtes - [PIAS]


Bowie Space Oddity On passe le bonjour à Thomas Pesquet.

Prince Kiss Pour préparer les fêtes.

Léonard Cohen You Want It Darker Parce que le Canada est une terre de génies.

L'affaire Louis Trio Mobilis In Mobile Un titre inspiré de Jules Verne.

Alex Cameron Take Care Of Business Découvert en première partie de Kevin Morby, la top classe !

Soft Air Lying Has To Stop Lorsqu’on est fan de Connan Mockasin, on est fan de son nouveau groupe.

Grand Blanc Summer Summer Pour contre balancer avec le winter winter Norma Lost And Found Du rock sensuel à faire revivre Eliott Smith. Palatine Bâton Rouge Un groupe qu’on adore, c’est même le chanteur qui a dessiné le blé de notre pochette d’album.

Michel Delpech Wight is wight Le rêve d’aller jouer au festival de l’Île de Wight.

Radio Elvis Solarium Quelque chose existe.

George Martin Strawberry Fields Forever Et le rock psychédélique arriva.

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FUTURE � P CARMEN BRAMLY & RCB

UNE VOYANTE DE BARBÈS NOUS DIT TOUT SUR 2017

Barbès, par une nuit sans lune. Le métro file au-dessus de moi. J’ai rendez-vous avec une voyante, et je crapote les dernières lattes de ma cigarette. Pour une fois, ce n’est pas pour m’entendre dire que ma vie sera constellée d’amour et de succès, mais pour parler de

choses sérieuses, notre avenir à tous. Elle me conduit dans l’arrière-boutique d’un vieux boui-boui crasseux et nous nous asseyons, histoire de tirer les cartes de la France de demain. En répondant par oui ou par non, voici ses prédictions, pour 2017. 15


Politique La campagne présidentielle nous réservera bien des surprises. Certains sondeurs se feront même hara-kiri sur la place publique. Alain Juppé, plus chaud patate que jamais, remportera les élections, avec 67% des suffrages*. En 2017, le journalisme d’investigation s’étant réduit à la pratique du micro-trottoirs, nous découvrirons, grâce aux témoignages d’Eveline, Juliette, JeanPaul et Marcelin, que la majorité des Français aura voté pour lui car, je cite « Juppé c’est le président des jeunes ». A la tête du pays, Péju réussira à honorer toutes ses promesses. Il parviendra par exemple à lutter contre la pauvreté et mieux répartir la richesse nationale, ou bien à redorer le blason de la France à l’étranger. Adulé de tous, il nous fera oublier tous les précédents présidents, le bling et le mou, allant même jusqu’à détrôner Chirac le bien-aimé. Au crépuscule de l’an 2017, la France reconnaissante twittera son amour au Président Juppé, inscrivant le hashtag "PéjuLove" en tweet tendance pendant une semaine. Culture A l’Ouest rien de nouveau. Quand la popculture aura achevé de vampiriser les codes de l’underground, plus aucune contre-culture ne sera possible. JR lancera d’ailleurs une ligne de T-shirts, vendus chez Colette, c’est confirmé. Confrontés à un art de spectacle, bâtard, consensuel, uniforme et aseptisé, nous continuerons à nous extasier devant la moindre installation en forme de plug anal. Norman fera son Tchao Pantin, un huis clos asphyxiant réalisé par Rebecca Zlotowsky, qui raflera tous les Césars. Télérama sera élu premier magazine culturel en France. Pour la musique, fait notable, les BB Brunes annonceront leur grand retour, avec un album de la maturité à la fois rock et techno, aux inspirations psyché. Hanouna sera adoubé Chevalier des Arts et des Lettres. 16

Quant à la littérature, les maisons d’éditions ruinées seront contraintes à des pratiques putassières, publiant notamment le journal intime de Karine Le Marchand, sobrement intitulé : Ma vie, mon œuvre, ou comment j’ai fait élire la première femme présidente de la république (veuillez excuser cette petite contradiction fortuite dans les prédictions de mon amie). Marc Lévy sera le prochain prix Nobel de littérature, au grand damne d’une élite intellectuelle en voie d’extinction. Nature Un peu de fracking par-ci, un peu de fracking par-là. Bayer-Monsanto rachètera la moitié du territoire de l’Hexagone. Une vague de réfugiés climatiques envahira la Beauce. En mars, le parc des Buttes Chaumont sera déclaré réserve naturelle. Société Attentats, obésité pathologique, chômage, immigration, racisme, endettement, paupérisation des classes moyennes… Ici encore, aucun changement notable. Par chance, les 1% pourront encore bruncher en paix tous les dimanches, après leur yoga du matin. Les CDI n’existeront plus, et la totalité de la population deviendra autoentrepreneur, découvrant ainsi les joies d’une précarité généralisée dans des open-spaces bondés. Les gens ne feront plus l’amour, en surmenage permanant. Par chance, avec la démocratisation de la réalité virtuelle, ils pourront expérimenter le porno sur Oculus Rift. Psy deviendra le métier le plus prisé par les jeunes. Les yeux révulsés, elle conclut son tarot en m’expliquant que le XXIe siècle attendra encore un peu avant de se manifester. En 2017, nous pourrons tous danser le mambo sur les ruines du monde en flamme, c’est confirmé. *article écrit juste après le résultat des primaires, en pleine connaissance de cause


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CLUB � T ARNAUD ROLLET P MATHIAS COUSIN

DAVID BLOT MY MIND

En l’an 2000, alors que le monde entier se remet du faux bug le plus ridicule de l’histoire, le journaliste David Blot et le dessinateur Mathias Cousin sortent le premier volume du Chant de la Machine, l’unique ouvrage de bande dessinée à ce jour parlant brillamment des racines de la house music. 16 ans plus tard, la BD culte ressort

en version augmentée chez les Éditions Allia. Si Mathias n’est malheureusement plus de ce monde pour en parler, David, la quarantaine grisonnante, est lui toujours là. L’occasion de rencontrer ce larron qui, de surcroît, anime tous les soirs de 18h à 21h le Nova Club sur la bande FM.

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L’intérieur de l’antre de David Blot ne ment pas sur son locataire. Dans cet appartement du IIe arrondissement, la passion s’entasse, s’accumule, s’affiche. Des vinyles trônent dans des caissons de rangement comme autant de vestiges d’une époque pré-Internet où il « dépensait des fortunes » chez les disquaires pour « simplement découvrir les nouveautés ». Accrochés au mur, au-dessus d’un canapé tout sauf neuf et recouvert de vestes posées nonchalamment, plusieurs comics des Hernandez Brothers pour qui l’animateur du Nova Club voue une admiration sans borne. Sur une veille table en bois traînent des CD promos reçus récemment, un sachet argenté estampillé Respect is Burning (du nom des soirées mythiques lancées par David et ses potes Frédéric Agostini et Jérôme Viger-Kohler au milieu des années 1990), un paquet de cibiches light et le repas de midi succinct que s’apprête à engloutir le monsieur. Le journaliste s’installe. Derrière lui, à hauteur d’épaules, serrés dans une bibliothèque qui ne respire plus, plusieurs titres ressortent plus que d’autres : un livre sur le réalisateur ciné américain Michael Cimino (décédé cette année), le The Hacienda : how not to run a club de l'ex-New Order Peter Hook, et Can't Buy Me Love, la biographie des Beatles signée Jonathan Gould, Le hasard fait bien les choses, ces trois ouvrages font directement écho à la vie de Blot. Spirou à Madchester Le réalisateur de Voyage au bout de l'enfer et du Sicilien ? C’est la personnalité qu’il aurait rêvé interviewer, plus encore que Bowie et Prince. « J’étais un immense fan… J’aurais eu plein de questions à lui poser… » New Order ? Une longue histoire d’amour, débutée avec l’achat à l’âge de treize ans du maxi culte Blue Monday des Mancuniens, qui atteindra son pic quand David signera le texte accompagnant International, le best-of du groupe sorti en 2002. « Ado, si 20

on m’avait dit que je ferais un jour les notes d’un disque de New Order, cela m’aurait fait halluciner ! La demande venait de la maison de disques française. C’est marrant car c’est arrivé lors d’une période assez curieuse pour moi, une sorte de dépression larvée. Les soirées Respect m’emballaient moins, Mathias venait de se suicider… Au final, ça ne te prend qu’une semaine à faire. Ça te rend fier, mais ça ne change pas grandchose… » Quant aux Fab Four, il en parle avec le premier volume de Yesterday, une BD mi-Beatles, mi science-fiction réalisée avec le dessinateur Jérémie Royer. La série, laissée sans suite, démontre que "Blot l’auteur" aime définitivement mélanger 4e et 9e arts. Un moyen de faire coïncider ses deux principales passions. « Mon frère collectionnait les disques, mon père les livres, des trucs plutôt sérieux. Pour avoir mon petit univers à moi, j’ai donc choisi la BD. J’ai commencé tout petit, avec surtout le Journal de Spirou et Strange. C’est la base. Tu grandis avec ces auteurs que tu vois évoluer. » Historien à bulles S’il se considère d’abord comme un homme de radio, David avoue encore rêver pouvoir étoffer sa bibliographie de nouveaux titres. « J’ai des idées de scénario, des envies, mais ça demande beaucoup de temps et d’énergie. » En attendant de trouver un créneau pour s’y remettre, il savoure le retour du Chant de la Machine chez « un éditeur indépendant qui, en plus de 30 ans d’existence, n’avait jamais édité de BD ». Preuve que cet ouvrage, 15 ans après son apparition, continue d’être inclassable et unique en son genre, y compris à l’étranger où aucun concurrent ne semble avoir émergé depuis le temps. La faute à l’absence d’une culture BD dans des pays intéressés par l’électro et vice-versa. « Tu as la France, la Belgique et l’Italie qui ont une vraie culture BD, ailleurs c’est moins présent. Les Anglais ont pourtant de supers auteurs, comme Alan


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Le Chant de la Machine de David Blot et Mathias Cousin, aux Éditions Allia. Retrouvez David Blot du lundi au vendredi, de 18h à 21h, dans le Nova Club sur Radio Nova. — facebook.com/DavidBlotClub 22


Moore, Neil Gaiman, Dave Gibbons… mais ils travaillent tous aux États-Unis, pour des éditeurs américains. Et si les États-Unis ont maintenant une culture BD, ce n’est pas encore le cas pour la musique électronique. Ils s’en foutent. Pour autant, c’est les comics underground de Crumb sur les blues men qui nous ont donné envie à Mathias et moi de nous lancer à l’époque. Pour nous, les producteurs de Chicago étaient un peu les petits-fils de ces blues men. Toute l’histoire américaine de la house, de la techno et du disco, ce sont les Européens qui la fantasment, la racontent… Un bon exemple, c’est la mort de David Mancuso (créateur des soirées Loft à NYC dans les années 70, décédé en novembre 2016). De l’autre côté de l’Atlantique, les hommages venaient essentiellement de New-York. Tu avais l’impression que les DJs de Chicago et Detroit s’en foutaient complétement. C’est nous qui faisons des mythes de ces gens-là. » L’envie d’instruire Vulgarisateur mais pas trop, capable de donner des clés de compréhension aux néophytes de la techno sans pour autant les prendre gentiment par la main, le "Chant" émis par Blot ressemble à son auteur et ses influences. En lisant ses pages fourmillant de chemins à explorer, impossible de ne pas l’imaginer rajeuni en train de se forger une culture électronique grâce à la colonne mensuelle allouée au journaliste Didier Lestrade dans les pages de Libé. « C’était l’un des seuls à parler de house en France. Sa colonne, on la découpait ! On ne comprenait rien à ce qu’il racontait, mais ça nous fascinait. Dans chacun de ses articles, on découvrait des mots, des références… » Le style de Blot s’inspire aussi d’un homme de radio connu pour son savoir musical : Bernard Lenoir. « Si tu avais 13 ou 14 ans et que tu écoutais Lenoir sur France Inter, tu ne comprenais rien. Tous les noms qu’il sortait étaient complétement obscurs, sauf les jours

où il te parlait d’un groupe numéro un faisant aussi partie de ses références, comme The Cure. C’est intimidant, mais c’est bien, sauf évidemment quand la personne fait exprès d’être hermétique ou snob en employant des mots compliqués. Ce n’était pas le cas de Lenoir, ni de Lestrade. Eux étaient sincères : ils te disaient qu’il y avait un monde passionnant à découvrir. » Une démarche que le journaliste explore à son tour dans le Nova Club, sa maison depuis 2014 et une longue coupure radiophonique de près de treize ans. Le supplice du selector Présent du lundi au vendredi sur Nova, David Blot reçoit des invités et balance des nouveautés. Dit comme ça, ça paraît plutôt facile comme job. Sauf que, quand on est un professionnel, la réalité est autre : on doit être capable d’analyser la musique partout, tout le temps. « Je mets tout sur mon téléphone car j’écoute beaucoup en marchant. Mettons que je choppe 50 morceaux par jour, ce qui est déjà conséquent, soit trois albums et une vingtaine de singles. C’est pour 80% du téléchargement illégal, des trucs que je recherche, pas forcément des promos. Ces morceaux vont d’abord atterrir dans une 1ère playlist que j’écoute assez rapidement. En général, 30 à 40 % de ces morceaux me plaisent et vont aller dans une 2e playlist, puis dans une 3e et dans une 4e. Ceux présents dans cette 4e playlist auront peut-être une chance de passer à l’antenne. Tu écrèmes au fur et à mesure, mais tu es quand même obligé d’écouter trois fois un morceau pour être sûr. En gros, sur 100 morceaux, tu n’en joues que trois. C’est un peu épuisant. Après, y a des exceptions. Si tu as affaire à une énorme nouveauté, il faut jouer. Ça m’est même arrivé de passer des disques sans les avoir écoutés. Quitte à les découvrir, autant le faire avec les auditeurs, ensemble. » Et on s’étonne après que Blot n’ait pas le temps d’écrire davantage. 23


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© Romy Alizée


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MÉTIER DE LA NUIT �

T

BARBIE TURIC | PROPOS RECUEILLIS PAR RCB P DIDIER ROGER

UNE

NUIT AUX + URGENCES

La nuit est calme, pas un bruit dans le couloir. A part le bip des monitorings, le râle des souffrants, et quelques toux bien grasses qui te font imaginer l’aspect du glaviot juste au bruit. C’est calme, du coup j’en profite pour écrire, ça me garde l’esprit occupé parce que perso je flippe un peu

de l’hosto la nuit depuis qu’un collègue a retrouvé un toxico qui squattait une chambre inoccupée pour se faire son fix sereinement. Mais va pas croire non plus que les infirmiers de nuit sont payés à écrire des articles pour le Bonbon et distribuer des pilules qui font dormir, on en voit de belles aussi. 27


Quand on travaille au contact d'humains, on se rend compte chaque jour à quel point ils sont tordus. Surtout ceux qui ont des soucis d'ordre psychiatrique, mais ils n'ont vraiment pas le monopole. Disons qu'en psy, ce qui est marrant, c'est surtout la petite histoire qui a amené la personne à être hospitalisée, de gré ou de force... Je retiendrais surtout le mec, profil lambda, la trentaine, ça aurait pu être un de tes potes, ton cousin, ton mec, ton voisin, tout allait bien dans sa vie jusqu'au jour où, dans un TGV, il est allé prévenir le contrôleur qu'il avait mis des explosifs dans le train. C’était faux, mais il a fini chez les flics. Puis en psychiatrie. Ou encore une petite nana qui, le jour du marathon de Paris, a vu plein de gens courir dans la rue. Et tu vois, comme ils couraient vers sa gauche, il fallait qu'elle les suive. Ben elle l'a fini, ce marathon, et sans préparation. Pour la récupération après l'effort, ça s'est passé aux urgences. Puis en psychiatrie. Et celui qui s'est sectionné la bite au cutter pour voir quelle quantité de sang il y a dedans quand il bande ? Au bloc opératoire. Puis en psychiatrie. Une autre source sans fin d'anecdotes drôles et dégueulasses, c'est les poches de stomie, ce qu'on pourrait vulgariser sous le doux nom de "poche à merde", quand pour diverses raisons, les étrons ne peuvent plus s'échapper par la voie naturelle. C'est un peu comme une césarienne mais pour le caca, et parfois c'est définitif. C’est très pratique, sur les poches il y a comme une petite fenêtre, on peut s’amuser à deviner ce que la personne a mangé à midi. Les carottes

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râpées c’est fantastique ça fait des petits vermicelles qui nagent dans de la merde semi-liquide. Au niveau de l’odeur je vais pas m’attarder dessus, je dirais simplement beaucoup plus crade que la plus crade de tes diarrhées (de lendemain de cuite). Il y a donc un morceau de côlon qui dépasse au niveau du ventre, et bien sûr, la nature n’ayant pas prévu de sphincter à cet endroit, le flux est incontrôlable. Et pourtant, aussi dégueulasse que ça puisse paraître, pour certains couples qui s'ennuient dans leur sexualité, ce nouvel orifice est le bienvenu. On en voit parfois arriver aux urgences parce que ça s'est mis à saigner, la chose n'étant pas vraiment adaptée, même pour les plus ouverts d'esprit. Et pour les adeptes des chemins déjà connus du grand public, les corps étrangers originaux retrouvés dans des rectums ne sont pas une légende urbaine. De la patate épluchée à la selle de vélo, impossible de faire une liste exhaustive, mais le point commun entre tous, c'est que, presque systématiquement, les personnes te diront que l'objet s'est retrouvé là par accident. Sauf celui qui s'était mis deux godes à la suite, lui, il a assumé son geste. Le total faisait 43cm, je mens pas j'ai vu la photo qui a été prise après le retrait, à côté d'un mètre ruban. D'ailleurs la légende dit que l’interne qui s’est collé à la tâche s’en est pris plein la gueule à cause d’un appel d’air. Sur ce, je vous laisse on a un coma éthyllique, la mamie de la chambre 38 s’est injecté de l’alcool à désinfecter dans sa sonde gastrique.


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SOCIÉTÉ � T URSULA MICHEL

SIMON LIBERATI • CALIFORNIA DREAMIN' NO MORE Le coup de tonnerre médiatique produit par les meurtres de Cielo Drive (l'actrice Sharon Tate et quatre de ses amis) lors de l'été 1969 aux Etats-Unis, comparable par son retentissement à l'assassinat de John Kennedy sept ans plus tôt, marque la fin de l'utopie hippie. Commandités par le gourou Charles Manson et perpétrés par ses disciples féminines, ces crimes hantent depuis lors l'imaginaire collectif. L'écrivain Simon Liberati (Anthologie des

Apparitions, L'Hyper-Justine) s'immerge dans son nouveau roman California Girls dans la psyché de ces gamines perdues devenues instruments de mort. D'un réalisme cru, le livre dévoile le destin funeste de ces filles, tour à tour victimes et bourreaux, et ausculte les dernières convulsions d'une contre-culture passée du rêve au cauchemar. Rencontre au Café de Flore avec un auteur passionné par un sujet sulfureux. 31


Chaque jour je disais « ça y est, j’ai fait Jay Sebring, il me reste encore Wojciech Frykowski ». J’étais devenu le tueur.

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Pourquoi la Famille Manson ? J’ai été obsédé par cette affaire quand j’étais très jeune comme beaucoup de gens de ma génération et j’avais proposé à Grasset il y a quelques années deux contrats, un sur Jayne Mansfield et l’autre sur Charles Manson. Après la parution de Jayne, j’ai eu envie de retravailler sur ce sujet et très naturellement ce livre-là a été signé. Pour écrire des livres, en tout cas à partir du deuxième, je préfère tomber d’accord avec un éditeur. La scène des meurtres de Cielo Drive, je l’ai écrite très tôt. J’ai entamé l’écriture du roman par l’attaque du 8 août, et j’ai écrit 140/150 pages en quelques mois. J’ai commencé le 8 août, date anniversaire des événements de Cielo Drive et j’ai continué jusqu’en décembre, époque où le procès a commencé. C’était une phase d’écriture très difficile. Je venais d’épouser Eva et je ne parlais que de Tate et de Manson. Chaque jour je disais « ça y est, j’ai fait Jay Sebring, il me reste encore Wojciech Frykowski ». J’étais devenu le tueur. La mort de Sharon Tate ne fut pas la plus difficile à écrire car les autres avait déjà été rédigées. J’ai ensuite montré ça à mon éditeur qui fut un peu effrayé. Alors j’ai fait une pause, j’ai publié Eva. Puis j’ai repris California Girls. J’étais peut-être plus heureux… En tout cas j’ai réduit la scène de meurtre. À la base je ne voulais faire que cette séquence et puis je suis sorti de la formule progressivement, je me méfie des concepts. À partir de là, j’ai pris de la distance avec la fiction. Travail de documentation ? 97% du livre c’est du réel. J’ai laissé très peu de place à l’imaginaire, encore moins que dans Jayne Mansfield 1967. California Girls est un tissu de fiction compacte comme les séries noires des années 1940. J’ai lu et relu ma documentation, tout se trouve sur le net aujourd’hui (Manson blog ou cielodrive.com). On a des photos et des descriptions des jeans portés par les filles. Moi qui aime les détails,

j’étais servi. Par exemple Susan Atkins, surnommée Sadie, j’avais lu son autobiographie Child of Satan, Child of God, j’ai vu toutes les interviews de Manson pour attraper au vol des gestes, des tournures, car quand on est français, c’est difficile d’écrire sur l’Amérique, ce n’est pas notre culture même si c’est devenu la culture de tout le monde. Par exemple, il existe quatre versions dactylographiées des dépositions de Susan Atkins, des variations plus ou moins divergentes. Je me suis évidemment autorisé quelques flous mais j’avais les plans de la maison ! C’est devenu ma marotte, mon toc. Je me suis intéressé à Bobby Beausoleil ( jugement, procès, tout ce qui est hors-champ de la fiction) mais j’ai choisi les meurtres parce que formellement, cette interpénétration des corps (victimes et assaillants) m’intriguait. Roman ou fait divers ? La définition, en France tout du moins, s’élargit. Personnellement je ne réfléchis jamais à mon art. Je m’y suis mis tardivement, à 45 ans et je le pratique très instinctivement. Pour ce roman, j’avais un plan pour le déroulement temporel mais c’est tout. C’était un exercice d’écriture sur la famille Manson, et du moment que j’exerce mon écriture je n’ai pas de territoire ou de thématique privilégié. Sauf peut être les femmes sulfureuses… Je ne suis pas un formaliste, je ne suis pas capable de produire un discours critique sur mon travail. Mais les gens s’intéressent de moins en moins aux autres, c’est un fait, sauf si c’est un fait divers. Et puis Madame Bovary est tiré d’un fait divers, ce n’est pas nouveau. A l’heure où tout le monde écrit du personnel, on n’arrive plus à s’intéresser à des fictions, et en tant qu’écrivain, on ne croit plus à nos propres fictions. Il s’agit d’une tendance pas nécessairement d’un mouvement. Moi j’ai fait ce livre en réaction personnelle à Eva, où j’avais énormément puisé dans l’intime. Alors j’ai choisi quelque chose d’extrêmement 33


différent. C’est une rythmique interne. Pour cette narration j’ai voulu éviter d’être présent (à part à la 4e page). Il n’y a aucun “pourquoi”, juste une narration adaptée à diverses intériorités successives. Manson et les filles Je me suis efforcé, après le meurtre du 9 août, de tenir Manson en dehors de la fiction, car il n’était pas présent au moment des faits. La description des meurtres et le ressenti des meurtriers amateurs, voilà ce qui m’intéressait. Manson n’a jamais reconnu être l’instigateur des crimes. La thèse officielle de ce complot paranoïaque (faire croire à un crime raciste pour lancer la grande guerre entre les communautés noires et blanches, élucubrations nées de l’écoute du Helter Skelter des Beatles) a été construite par l’accusation, édifiée avec des preuves par le procureur Vincent Bugliosi. Mais pour moi, le plus intéressant était d’avoir l’impact de Manson sur les premières victimes, ces California Girls. La justice américaine est ainsi faite que ces femmes sont encore en prison. Atkins était une psychotique en puissance mais Katie et Leslie… Mais je ne l’ai pas exprimé dans le livre. Et puis sociologiquement c’est une époque incroyable. On croise des cow-boys dans des décors de cinéma, des surfeurs et même des stars. Cinéma ? Je suis d’une génération pour laquelle l’influence du cinéma a été fondamentale. Que ce soit le cinéma métaphysique d’Antonioni, le western spaghetti, le cinéma pornographique avec des titres abracadabrantesque et puis surtout le cinéma américain de ma génération Apocalypse now, Barry Lyndon… C’était un événement une sortie en salle. La vidéo n’existait pas à l’époque, on allait voir les films à la cinémathèque Chaillot ou à Beaubourg. On y rencontrait des gens, on y parlait. On voulait les chaussures d’Alain 34

Delon dans Plein Soleil... J’ai pensé le roman en termes de plans, d’arrière-plans, de montage. Moins expérimental et plus construit que mes autres livres, California Girls est surtout un "horror movie". J’ai écrit ce livre comme ma série B. D’ailleurs, il y a une interinfluence entre Hollywood et Manson. Le cinéma a été influencé par Manson (une vague de Manson Exploitation dans les années 1970 à base de gourou barbu entrainant dans son délire de jolies filles perdues) et vice versa. Hollywood, c’est un endroit merveilleux, toutes les strates de son histoire sont encore visibles. Le Spahn Ranch où vivait la Famille était un lieu de tournage du cinéma muet. Reconverti dans les années 1950 et jusqu’en 1969 pour les westerns. The Outlaw avec Jane Russell y fut en partie tourné. La montagne qu’on voit dans le film est celle des photographies de la police venue perquisitionner le squat de Manson. Puis le ranch a disparu après un terrible incendie. J’aurais pu faire un livre rien que sur ce ranch ! Musique ? Je suis obsédée par les Beach Boys, je ne savais pas que Wilson était lié à Manson. Quand je suis parti à Los Angeles pour voir les paysages, m’imprégner pour l’écriture, je me suis retrouvé, avec ma location Airbnb chez Monte Hellman. C’était un peu roots mais on s’est mis à discuter et il a évoqué Dennis Wilson avec qui il a tourné Macadam à deux voies en 1970. Il m’a raconté que Wilson était toujours armé, ce n’est pas le seul aux Etats-Unis mais l’affaire Manson l’avait tourneboulé. J’ai toujours adoré cette musique, cette atmosphère de surf music. Miki Dora, le surfeur star de Malibu dans les années 1960 a lui aussi côtoyé Manson. J’ai adoré Helter Skelter des Beatles et là encore, ça me ramenait à Manson. Cette affaire criminelle, au fur et à mesure de mes recherches a fait remonter à la surface tout


un pan de ma jeunesse. Et puis c’est impossible de faire un livre sur Manson sans parler musique. Il a beaucoup composé, même à San Quentin. En revanche, je n’écoute jamais de musique en écrivant, ça distrait. Sharon tate ? Les circonstances de sa mort ont fait sa réputation. Peut être que je me trompe en affirmant qu’elle n’était pas une grande actrice, c’est mon droit. J’en prends la responsabilité. Mais je ne voulais pas tomber dans l’empathie, la compassion. Jeunesse et violence ? C’est sans doute une question hormonale… Le phénomène de recherche des limites (prostitution, overdose, conduite dangereuse), peut-être une peur moins viscérale de mourir, une envie irrépressible de pouvoir, de domination.... Edgar Poe parle du «démon de la perversité ». Je considère que

les filles Manson sont des victimes mais elles n’étaient pas hypnotisées, elles ont pris du plaisir à cette sorte de jeu de rôle. Manson les a formées aux cambriolages de nuit, c’était tordu. Les gamins dérangeaient l’ordre bourgeois, bougeaient des meubles, mettaient des chaises dans les escaliers pour que les propriétaires s’étalent le matin au réveil. Une sorte de farce sinistre. En prenant l’habitude de franchir des clôtures, de braver des chiens de garde, d’entrer dans des maisons habitées, elles sont arrivées sans encombre à Cielo Drive. Bobby Beausoleil, le garçon qui les accompagnait était une brute du Texas mais les filles toutes seules n’auraient pas réussi. Roman Polanski dit que s’il avait été là, cela ne serait pas arrivé. C’est sûrement vrai… C’est troublant cette fatalité, cette situation tragique, shakespearienne. Ceux qui devaient mourir sont morts… California Girls de Simon Liberati (Grasset) 35


CINÉMA � T PIERIG LERAY

Toni Erdmann

SALLES OBSCURES BILAN 2016 36


L’année cinéma se termine dans le froid relatif d’une énième tournée de blockbusters à faire déplacer la choucroute violette de Sabrina, dit Sab’, caissière depuis 25 ans à Hyper U et l’esthéticienne du Val-de-Marne dans le Pathé accolé au Bowling 100% R’n’b et du Buffalo Grill au steak toujours trop cuit : Rogue One, j’en mouille déjà, Premier contact de Denis Villeneuve, ou encore le scandaleux Assassin’s Creed avec le pauvre Fassbender en manque probablement de liquidités en ce moment. Mais passons ce mois de décembre d’une décadence toute banlieusarde, pour en tirer un bilan de l’année cinéma écoulée. La vision 2016 est violente mais réaliste. La brutalité des mises en scène nous expose à un futur sombre et peu glorieux. Comme le collectif Catastrophe de l’ami Burgalat l’explose à nos tronches de minet bien palot, il n’y a plus d’espoir. Divines, et malgré une Una Benyamina antipathique, est une réussite totale, anti-film de banlieue et d’un regard violent mais tellement pertinent sur la jeunesse française et cette génération racaille (« Money, money ! »). Toni Erdmann nous dépasse, relation père-fille d’une beauté sourde, susurrée d’un humour tranchant, invasif, mais profondément triste et désemparé face à une société de quadragénaire tout aussi paumée. Et aucune génération n’est épargnée avec la disparition de la vision rétrograde d’une vieillesse bon enfant pour nous en montrer une en grande difficulté sociale (Aquarius, I, Daniel Blake).

le Livre de la Jungle version Favreau, ou encore le surréaliste Midnight Special et son enfant élu de Jeff Nichols. Passant d’une comptine d’enfant à une poésie d’adulte, le dernier Jarmush est une définition linéaire de la beauté par la simplicité, la routine accouchant d’une poésie subtile, Paterson vivant dans la ville de Paterson est une leçon d’amour par le cinéma, une poésie insolente de justesse, quasi infantile, et pas si éloignée de la quête existentielle de Dory et son voyage à travers son océan de souvenirs, ni très loin du Poesia si fin de Jodorowsky. Poésie toujours avec Naomi Kawase qui m’avait fait chialer comme personne devant Still the Water et qui récidive avec Les délices de Tokyo, mon dieu que cette traduction française est d’une violence inouïe à faire pâlir le québécois et son Mac Poulet. Grand écart à craquer mon pantalon à pinces feu de plancher, avec Neon Demon, déjà culte, mocheté esthétique, virtuosité narcissique de Refn, et objet indéterminé que l’on aimerait vomir dans une flûte en cristal pour mieux le servir à cette pute de luxe qui nous sert de faire-valoir. Vive la beauté malsaine, l’image reine et le cinéma de Refn. The Witch m’a terrifié sans me dégouter, Ma loute est là aussi une ode poétique aux plages du nord de la France rarement aussi bien filmés, Diamant noir, surprise de l’année, et une Anne Dorval bouleversante et d’une rare justesse par son regard final dans Réparer les vivants, en clôture magistrale de cette année 2016.

Mais heureusement que notre âme d’enfant un peu paumé sait s’éveiller devant, la tendresse réconfortante de Balou dans

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LE PALMARÈS

(TRÈS PERSONNEL DU MEILLEUR ET DU PIRE AU CINÉMA EN 2016) • Le film de l'année : Toni Erdmann, de Maren Ade • Le film qui te fait grave chier d’aimer car ça te placarde en bobo germanopratin dans sa tour d'ivoire qui s'émeut de ces pauvres jeunes de banlieue : Divines, de Uda Benyamina • Le film qui te pousse à sauver un inconnu en offrant ton rein pour finir en dialyse le reste de ta vie : Réparer les vivants, de Katell Quillévéré • Le film qui te pousse à supprimer ton historique toutes les minutes, changer de carte SIM chaque semaine et écraser ton téléphone à clapet sous tes Doc Martens comme Jack Bauer : Snowden, de Oliver Stone • Le film du plus gros pétage de plombs fantastique, en mode Casper et perte totale de crédibilité : Personal Shopper, de Olivier Assayas • Le film qui t'oblige à te cacher au fond de ton siège et rire en mordant ta lèvre, tellement t’as honte de te marrer devant des pets de la reine d'Angleterre : BGG, de Steven Spielberg • Le film dont tu n'arrêtes pas de t'écharper avec tes collègues trentenaires fans de Celine Dion et qui sont persuadés que le cinéma se résume à des gros plans ringards et des dialogues foutus en l’air tellement le texte original est bafoué : Juste la fin du monde, de Xavier Dolan

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• Le film uniquement réalisé pour filer enfin ce putain d’Oscar à Leo : The Revenant, de Alejandro Gonzalez Iñárritu • Le film qui te donne le plus envie de te foutre une biture monstre, faire un roadtrip dans le Limousin, et mettre en cloque une rousse sauvagement : Saint-Amour, de Bruno Delépine et Gustav de Kervern • Le film qui te pousse à supplier une échographie abdominale pour ne jamais, mais ne jamais finir avec des calculs et te taper la tête de cocker de Marion Cotillard (bon après tu peux quand même te faire la porte de prison Louis Garrel) : Mal de pierre, de Nicole Garcia • Le film dont tu es fier de dire brillamment que c’est de la merde, et que ce prix du scénario cannois, c’est vraiment « un compromis malsain d’un juré à la masse » : Le client, d’Asghar Farhadi • Le film qui t’oblige désormais à te faire vomir après chaque repas, prendre un billet business pour LA, et chier sur la tête de ces pétasses de mannequins, car c’est toi la reine de beauté, bitches : Neon Demon, de Nicolas W.Refn • Le film qui adoucit ton regard sur l’autisme quand tu vois la tronche de l’acteur principal : Les animaux fantastiques, de David Yates • Le film tellement bien fait que ça commence vraiment à te foutre mal à l’aise ces animaux qui parlent comme des humains, en mode Patrick Bouchitey: Le livre de la Jungle, de John Favreau


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Josh Wink

Donato Dozzy

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FESTIVAL � P ARNAUD ROLLET

WEATHER WINTER PARIS BRÛLE TOUJOURS En décembre, trois choses nous remontent le moral : les cadeaux de Noël, l’existence de la trêve hivernale et le festival Weather Winter. Ça tombe bien, ce dernier reprend du service le samedi 17 au Paris Event Center avec un line up plus chaud que le chandail que compte t’offrir ta grand-mère. La preuve avec cinq performances à ne pas louper. Josh Wink (DJ set) Doit-on encore présenter big Josh ? Avec

son sourire éternel, son regard malicieux, sa gueule d’ange et ses DJ sets qui puent la science du groove, le fondateur du label Ovum Recordings traîne une réputation à la hauteur de sa longévité sur la scène électronique. Présent depuis le début des années 90, Joshua Winkelman de son petit nom maîtrise aussi bien les bases du Philly Sound (il est d’ailleurs originaire de Philadelphie) que celles de l’acid déclinée sous ses formes house et techno. Bref, l’ex-rasta blanc est une 41


valeur sûre qu’il est quasiment impossible de ne pas apprécier. Cerise sur le gâteau : l’homme aime Paris, comme il a pu le démontrer en offrant en téléchargement gratuit le Chant de Paris de Sebastien Mullaert paru sur Ovum en 2014, quelques jours après ce putain de 13 novembre 2015. De quoi imaginer une belle communion sur le dancefloor… et quelques larmes de joie. Donato Dozzy & Peter Van Hoesen (Hybrid live / DJ set) À notre gauche, un "professeur" italien qui, derrière sa bouille d’éternel jeune homme, est sans doute l’un des acteurs les plus stimulants de la scène techno mondiale. Moitié du duo Voices from the Lake, Donato Dozzy ne se contente pas de jouer des disques ni de produire de la musique : il enfante des créatures, crée des ambiances, raconte une histoire et façonne une autre réalité. À notre droite, un sculpteur belge à la dextérité chirurgicale, croisé avec un sorcier vaudou. Découvrir l’univers ambient/techno incroyablement fourni et méticuleux de Peter Van Hoesen, c’est comme commencer le crack : on devient accro dès le premier essai. Il ne vous reste donc plus qu’à imaginer ces deux monstres joindre leur force pour une prestation hybride. Oui, ça laisse rêveur. Unforeseen Alliance (live) Atoms for Peace, Audioslave, The Power Station ou encore The Good, the Bad and the Queen… L'histoire de la musique regorge de supergroupes prometteurs sur le papier, mais souvent foireux, indigestes, décevants ou simplement trop convenus en vrai. Heureusement, Unforeseen Alliance ne tombe pas dans cet écueil. Rassemblant quatre fines gâchettes de la techno hexagonale (Antigone, Birth of Frequency, Voiski et Zadig), cette formation propose un live machine à 8 mains aux airs de furia synthétique. Ça cogne, tangue, vrombit. Bref, ça 42

donne lieu à une musique tout sauf linéaire qui vous emporte autant que le plaisir affiché sur scène par ce quatuor de potes. Entre rugosité et roublardise, un must see. Kosme (DJ set) Depuis quelques semaines, on nous annonce à tort et à travers que l’astronaute Thomas Pesquet est le premier Français à aller dans l’espace depuis 2002. C’est faux : Emilien Danguis dit Kosme naviguait dans le cosmos bien avant lui. Aujourd’hui installé à Chamonix, le DJ-producteur français s’est d’abord fait un nom en retournant régulièrement les pistes de danse de Lyon (notamment celle du Sucre, en qualité de DJ résident) grâce à des sets où le funk le plus suave côtoie le plus naturellement du monde la techno la plus hypnotique. Depuis, son étoile continue de briller un peu partout, en France comme sur le reste du globe. Déjà passé par la case Weather Festival, sa présence à cette déclinaison hivernale ne manquera pas de marquer à nouveau les esprits et nos dessous de bras. Sweely (live) Ne vous fiez pas à son jeune âge (la vingtaine bien tassée) et à ce pseudonyme de personnage de dessin animé diffusé sur Gulli : Sweely a tout d’un grand. Prolifique (il lâche un nombre hallucinant de tracks sur son SoundCloud) et d’une maturité folle en live, ce Niçois biberonné à la black music se place un peu plus chaque jour comme un futur mastodonte de la house française. Sans complexe, dotées d’un groove solide, instinctives et parfois franchement ludiques, ses productions nous rappellent pourquoi on aime la musique électronique. De là à dire que le monde lui appartient, il n’y a qu’un pas… qu’on serait tentés de franchir. En même temps, le mec s’appelle William Montana dans la vraie vie. Ça ne s’invente pas.


Unforeseen

Kosme

Peter Van Hoesen

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REPORTAGE � P AURORE KAEPPELIN

BELLEVILLE LA NUIT

EPISODE  1 / BELLEVILLE, QUARTIER-ÉTAT

Belleville c’est la 2 bleue et la 11 marron. Les Pyrénées sont à une station et Stalingrad à trois (un petit coup de rail et on entre respectivement en terre de ski et en terre russe). Mais la nuit le quartier se transforme en royaume et pour séjourner dans le canton bellevillois, il faut montrer pattes blanches et faire allégeance à son chef d’Etat : Le Président (ou El Presidente pour les hispanophones).

Cet édifice et organe étatique trône chinoisement à l’angle du faubourg du Temple et du boulevard de Belleville. Tout Bellevillois doit passer par le fameux restaurant et aller manger ses canards laqués qui luisent comme l’acajou des commodes Louis XV dans les vitrines. Ses néons bleus, jaunes et rouges irradient comme ceux des love stores de Manille. L’escalier monumental avec la moquette rouge de maison close 45


vous amènera religieusement vers l’immense salle du haut. Là, un menu de la taille de la constitution américaine vous attendra. Une fois le canard laqué et le riz cantonais engloutis (supplément liserons d’eau pour 8 balles), vous pourrez aller récupérer votre passeport de Bellevillois nocturne au siège de la CFDT qui se situe dans la diagonale du Président. Avec un peu de chance Pierre Martinez, le charmant moustachu vous remettra en main propre vos papiers d’identités. Face au Président, on a son premier ministre : Le Zorba. Les néons rouges insolents de Matignon tente de rivaliser avec ceux de l’Elysée ( je flaire le conflit d’intérêt aux prochaines primaires). Le petit bar reçoit un paquet de citoyens de tous les horizons. Le zinc est jonché de pintes de bières pas chères et de doubles Ricard très mal dosés. Parfois on peut même y trouver des petits verres d’absinthe pour les ressortissants qui auraient envie de se plonger un peu dans une mélancolie 1865. Le Zorba est le lieu de toutes les discussions, de toutes les religions, de tous les débats. C’est la résidence des algériens laïcs, des anarchistes, des juifs séfarades ou des petites meufs en Nike Cortez qui veulent s’enivrer un peu avant d’aller écouter de l’électro à la Java un peu plus bas. C’est un lieu de liberté, d’acceptation, de légèreté. C’est un emblème. Le Matignon bellevillois En marchant vers Colonel Fabien, on tombe sur le ministère des finances rue Civiale. On peut participer au développement de l’économie de Belleville en se posant dans ce PMU plein à craquer de gens qui remplissent des grilles de jeux en aspirant goulûment sur des clopes avec un taux de nicotine équivalent à l’énergie d’une bombe atomique. On peut dire que le système financier du

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fief bellevillois repose essentiellement sur la bonne fortune. Un peu plus haut rue de Belleville se susurrent des bruits de salles de jeux privées installées dans des appartements. Un système d’allumage de lumière (comme sur les camionnettes des prostituées en rase campagne) indiquerait si la salle de jeu est occupée ou non… L’économie nocturne parallèle semble plutôt grassouillette. Dès qu’on veut aller manger des raviolis porc ciboulette, il faut prévoir du cash parce que la quasi-totalité des restos n’acceptent pas la CB. (un LCL est à votre disposition à côté d’El Presidente). Belleville c’est aussi des bars dans lesquels on oublie l’existence de la loi Evin et où la tequila doit plus son goût à l’alcool à 90 qu’à l’agave. Ca sent l’odeur piquante de l’alcool qui, malgré la javel imprègne, les murs, le mobilier et le papier toilette. Une des institutions du quartier, au tout début de la rue de Belleville, possède une terrasse qui peut accueillir environ 6532 personnes et par moins 10 au mois de janvier les gens se disputent encore les chaises au chifoumi (une bonne fois pour toutes que ce soit clair, non, le puits n’existe pas). Après quatre ou cinq pintes dehors, on peut aisément tanguer vers le boulevard de la Villette, passer devant la CFDT et achever de goûter tous les mélanges de spiritueux très médiocres dans l’autre institution du quartier à la devanture rouge. Après 2 heures du mat, la musique et le comportement des gens deviennent joyeusement invraisembables. Belleville c’est un énorme foutoir de liberté, de brassage et de nouba dans lequel chacun trouve sa place… à part peut-être les laissées-pour-compte des trottoirs, nos marcheuses chinoises, nos marcheuses de Belleville…Je parlerai un peu plus d’elles dans une prochaine chronique nocturne.


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AGENDA �

LUNDI 5 DÉCEMBRE • 20h Pop-Up du Label 12€ King Creosote + Aliocha

00h Bus Palladium Bonbon party, invitations sur lebonbon.fr 20h Concrete 15€ Bicep, rRoxymore, Mezigue, Antislash

JEUDI 8 DÉCEMBRE • 19h30 Point Éphémère 17€ WCF#5 x BEST FIT : Chamberlain, Michael Nau, Clara Luciani

SAMEDI 17 DÉCEMBRE • 22h Paris Event Center 35€ Weather Winter : Josh Wink, Laurent Garnier, Kosme, Marcel Dettmann… 22h Faust 15€ Étienne de Crécy & Guest

VENDREDI 9 DÉCEMBRE • 23h30 Rex Club 15€ Daniel Avery All Night LOng 20h Concrete 15€ Concrete: Bjarki, Ø [Phase], Behzad & Amarou / Woodfloor: Gonno, Fareed 00h Bus Palladium Bonbon party, invitations sur lebonbon.fr 00h Glazart 15€ Exil #2: Shdw & Obscure Shape, Joachim Spieth, Wlderz & Lebird SAMEDI 10 DÉCEMBRE • 00h La Machine du Moulin Rouge 15€ Guilty Dogs et Open Minded Invitent The Black Madonna, Hunee, Mike Servito 00h Rex Club 15€ Bass Culture: MR G Live, D'julz VENDREDI 16 DÉCEMBRE • 22h Dock Eiffel 15€ Insomnia rec. with Apollonia, Marwan Sabb, II Faces 00h Bus Palladium Bonbon party, invitations sur lebonbon.fr 00h Rex Club 12€ Cracki Records 5 Years

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DIMANCHE 18 DÉCEMBRE • Concrete Weather Winter after party VENDREDI 23 DÉCEMBRE • 00h Rex Club 12€ Deeply Rooted Night : Adventice Live, François X, Dj Deep, Roman Poncet 00h Gibus 11€ Possession: Zenker Brothers, Norman Nodge, Blndr & Parfait 20h Concrete 15€ Detroit Swindle, Nebraska Live, Fouk, Arthur Lastmann & Step Da 00h Bus Palladium Bonbon party, invitations sur lebonbon.fr SAMEDI 31 DÉCEMBRE • 23H30 Badaboum 15€ Club After/ La Scintillante Parade des Animaux Imaginaires 23h Rex Club 25€ One More with Correspondant: Red Axes, Jennifer Cardini, Javi Redondo


création pure UNE EAU DE SOURCE PURE UNE VODKA DISTILLÉE EN CONTINU UNE CRÉATION ORIGINALE


RICARD SA. au capital de 54 000 000 € - 4/6 rue Berthelot 13014 Marseille – 303 656 375 RCS Marseille

G A R Y H A R T, I A N G I B S O N , L I A M M c D E R M I D E T A N D R E W M U I R H E A D É L A B O R E N T C H A Q U E J O U R L E W H I S K Y C L A N C A M P B E L L .

L’ABUS D’ALCOOL EST DANGEREUX POUR LA SANTÉ. À CONSOMMER AVEC MODÉRATION.


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