Septembre 2018 - n° 86 - www.lebonbon.fr
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* Née d’une recette unique en 1995, Desperados est la première bière aromatisée Tequila vendue en France. Née unique.
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J’étais au bar, j’étais tranquille. À la main, l’inévitable bière sans bulle que tous les mauvais rades parisiens s’arrachent, la quatrième que je descendais ce soir-là, un dimanche somme toute normal. J’expliquais à Marion, une pote du taf à l’accent “aïl et fines herbes”, que j’avais encore mon édito sur la planche et que je voulais y expliquer, par A+Z, que mes vacances avaient été clairement meilleures que celles de tous mes autres collègues, boss compris. « Ah non, tu ne vas pas nous ressortir ce vieux marronnier quand même », soupirait-elle. Non, c’est vrai. Voici donc ce qui aurait pu les rendre encore plus formidables. Envoyer une balayette laser à Kaaris et lui faire bouffer au sol un paquet de smarties duty-free ; profiter d’un bon carton acidulé au bord de l’Océan avec mon grand-père Michel, sourd-muet depuis quatre générations ; prendre des nouvelles téléphoniques de Benalla et lui expliquer que tout ira bien, que je serai là ; trouver enfin le tube de l’été et le chanter à tue-tête dans une soirée paillarde genre Bal des Vampires ; caresser un chat et me rendre compte que ce sont les cheveux de mon grand-père. Mais aussi : monter dans une bagnole pour Fleury en pensant discuter avec Booba et s’apercevoir que c’est Alexandre qui se dirige vers le parloir ; faire remonter la pendule du monde pour profiter de l’éclipse lunaire du siècle ; et, enfin, embrasser sur le front mon grand-père et lui dire que je l’aime. Y’a pas à dire, ouais, Paname l’été, ça donne plein d’idées. Victor Taranne
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Jacques de la Chais e Victor Taranne République Studio Coralie Bariot Juliette Creiser Joseph Desmond Flavien Berger par Flavien Prioreau Alexandra Dumont Manon Merrien-Jol y Ivan Vronsky Elisabeth Godefroy A Michel Alvarez gathe Giraudeau Pierig Leray Louis Haeffner Antoine Viger Dulien Serriere Florian Yebga Fanny Lebizay Lionel Ponsin d Benjamin Alazar 15, rue du Delta 75009 Paris 01 48 78 15 64 510 580 301 00040 Imprimé en France
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Flavien Berger, au delta et au-delà Léonie Pernet, vous permettez ? C’est pas Roscella qu’on voit là bas ?! Un jour je serai rédac’chef du Bò Bún Nuit Les sorties cinéma du mois de septembre Clubbing sans lendemain à la nouvelle adresse La distyllerie s’intéresse aux Casual Gabberz Braquage à Malte sans eau plate Agar Agar The Dog and The Future 3
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① PLAYA EN BÉTON ARMÉ T’es rentré de vacances tout peiné parce qu’à Paris, eh bah y’a plus de soleil ? Ouin, ouin, ouin, sèche donc tes larmes. On va t’en trouver, des choses à faire ! Comme ce truc, par exemple : un ménage à trois (Vryche House, Dure Vie, Make It Deep) sur une plage à Saint-Denis (Le 6B) et avec plein de belle musique partout. Beau Village @ Le 6B Samedi 8 septembre
③ PAS LÀ POUR ENFILER DES PERLES Pas exactement, en fait. Si vous avez déjà mis les pieds aux Docks de Paris, vous savez que l’immensité de l’endroit colle parfaitement avec la musique électronique faite pour casser en quatre les hangars. C’est justement le plan, pas du tout secret, du Dream Nation Festival : 6 scènes, 50 artistes et de la tabasse. Bouuum. Dream Nation Festival @ Les Docks Du 21 au 23 septembre
② 25 000 M2 RIEN QUE POUR TOI On a pu lire dans un torchon (dont on ne citera pas le nom) que Pantin était le nouveau Brooklyn. Bof, on n’a pas trop saisi l’image. On sait juste que le temps d’une seule et unique soirée, la ville du 93 se mettra aux couleurs de la techno au nouveau Centre National des Arts Plastiques, juste avant le début des travaux. Technique, très technique. La nouvelle adresse : Soirée clubbing @ CNAP (Pantin) Vendredi 14 sept.
④ ALERTE MAESTRO Cet été, on a appris une chose de la plus haute importance : le Badaboum change de direction artistique. Fini les plateaux à rallonge (on exagère), place aux Dj’s qui prennent leur temps, souvent toute la nuit. Avec Haïku aux commandes de la D.A., il fallait donc s’attendre à voir se balader un petit Dixon par-ci, par-là, caché au milieu de la programmation. C’est chose faite. Dixon All Night Long @ Badaboum Samedi 29 septembre
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« Je ne veux pas voir ça, je sens que le temps nous mord », s’inquiète un amoureux qui voit sa relation s’étioler à force d’éloignement. Flavien Berger publie un deuxième album qui tourne autour de la question du temps qui passe et de ce qu’on en fait. On ne saurait dire s’il est triste ou joyeux. Sans doute un peu des deux. Comme l’existence et ses ressacs qu’on a du mal à saisir. Guidé par l’émotion, il a puisé dans son inconscient et levé le voile (malgré lui) sur ses jours, ses peurs et ses inquiétudes. Un disque intense de sensations, plus personnelles que musicales, qui rompt avec l’esthétique sens-fictionnelle de son premier album Léviathan (2016). Berger chérit LE moment à l’aube d’un changement majeur, dans le creux du temps et du monde, et oscille, comme ça, entre le personnel et l’universel. 7
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Il est question de voyage dans le temps, mais pas au sens sensfictionnel du terme. C’est toi face au temps qui passe. Nostalgique ou romantique ? C’est plutôt un disque mélancolique, qui fait un bond dans le futur, alors que je pensais explorer le passé. C’est un disque qui s’est rendu compte que l’avenir était là, imminent. Mais il est aussi profondément ancré dans le présent, et c’est pour ça qu’on ne peut pas parler de science-fiction. C’est un disque de sensations. Je me rends compte que les choses passent. C’est une histoire de voies qu’on emprunte en voiture, et comme dans la vie, il y a des bifurcations. Ce disque est pile au delta. C’est aussi un disque sur l’archéologie de la communication, dans un couple ou en amitié. Comme si on avait retrouvé des vestiges de manières de communiquer bizarres. Le disque est aussi traversé par l’imagerie du feu d’artifice. C’est un moment d’éclat hyper violent. Ça fait le bruit de la guerre et en même temps tout s’éclaire pendant quelques secondes. C’est aussi une course contre la montre, quand on est spectateur de sa propre vie, qu’on manque des occasions… Oui, peut-être. (Silence) Quand je faisais cet album, j’étais persuadé que ça n’était pas un disque sur moi. Je me raccrochais aux histoires d’autres personnes, à mes fantasmes. J’ai essayé d’être hors-moi de manière inconsciente, mais pendant tout ce temps, je scannais ce qui m’arrivait. Côté textes, il est question de deux amoureux qui s’éloignent… C’est un disque de marin. Tu essaies de dealer avec l’éloignement, avec le “au
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revoir” qui n’est pas un adieu, avec le déchirement de ne pas être ensemble. C’est un disque d’amoureux. Les échéances, ça te colle des sueurs froides ? Non, j’ai toujours aimé ça, comme les épées de Damoclès. J’en ai besoin. Il y avait une espèce de panique autour de ce disque, parce que j’ai mis un an et demi à le faire, en répondant à une seule contrainte : repartir de zéro, sans aucune production empruntée à mon passé de musicien. C’est donc un disque assez jeune au final. Dans la chanson Deadline, j’essaie d’imaginer ce que ça ferait de dépasser la ligne morte au volant d’une voiture. Ça me renvoie au film Speed Racer des frères Wachowski, qui est une adaptation d’un jeu de voitures. Portée à l’écran, la deadline est une spirale qui aspire le conducteur. Il est aussi question de l’absence dans cette chanson. On parle à l’autre en laissant un mot posé sur le piano, pour lui dire « je suis en retard ». On court après des choses qu’on croit devoir avoir et on passe à côté du plus important. Même si on ne peut pas s’empêcher de faire ce qu’on aime pour les autres. C’est ton deuxième album (sans compter Contrebande offert au public à Noël dernier) : l’occasion d’une remise en question. Qu’avais-tu envie d’être ? J’avais envie d’être doux sans être dans la métaphore. On m’a souvent taxé de naïf. Sur le moment, ça m’énervait. Du coup j’ai essayé de ne pas l’être, d’être plus précis dans mes textes, mes émotions. On est loin des métaphores colorimétriques et des déambulations fantasmées dans des paysages imaginaires, comme
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sur le premier album. On est dans un enchantement saturé. Je parle d’un sujet compliqué à traiter en musique, le temps, mais moi seul peut l’aborder de cette façon. J’ai aussi essayé de moins me satisfaire des compositions tout de suite, pour travailler une pop généreuse. D’où vient cette obsession du temps qui passe ? J’aime les voyages dans les ailleurs, et le temps est une zone dans laquelle j’imagine voyager. J’ai écrit mon mémoire de fin d’études sur un tableau de Paul Laffoley qui représente des machines à voyager dans le temps. C’est un sujet qui me passionne, même si ce n’est pas un disque sens-fictionnel – sauf peut-être quand je fais référence aux hologrammes. Le temps, parce qu’on ne sait pas ce que
“J’aime les voyages dans les ailleurs, et le temps est une zone dans laquelle j’imagine voyager.” c’est, comme on ne sait pas ce qu’il y a sur d’autres planètes, au fond de nos océans ou dans notre cerveau. J’ai besoin de m’y frotter pour échapper à la mélancolie et continuer d’être optimiste. Brutalisme, le premier extrait, fait référence au mouvement architectural du même nom qui
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célèbre la rudesse du béton. Pour signifier qu’il s’agit d’un album terrien, à l’opposé du premier, très aquatique ? Je pense oui. Cette architecture m’intéresse parce qu’il y a une espèce d’immuabilité dans le fait de croire qu’on fait des choses modernes alors qu’on refait des châteaux forts. Par exemple, le musée Barbican à Londres est une forteresse, et d’ailleurs le logo est un donjon. J’aime voir des résurgences de choses appartenant au passé, me rendre compte que le temps est compressé et qu’il est différent de ce qu’on pense. Brutalisme parle de la brutalité du déchirement entre deux êtres qui sont obligés de se dire au revoir. C’est un morceau plein d’amour qui ne veut pas laisser le moment s’échapper et qui demande aux cieux de lui donner encore un peu de temps. C’est le souvenir d’un amour rencontré au Mexique, sur la plage d’Acapulco. C’est comme ça que ce morceau est situé géographiquement. Oui parce qu’il est complètement inspiré d’Acapulco. Sur la plage, c’est le bordel ! Y’a des mecs qui font du quad alors que les gens se baignent, c’est hyper dangereux, c’est sale. Quand on pense à la carte postale, on se dit que nos critères sont chelous. Pourquoi y’a une moyenne de kiff qui va vers Acapulco dans l’imaginaire commun ? Ce titre n’est pas du tout dans l’exotisme ou la tropicalité, qui me plaît de moins en moins. Je ne suis pas en train de dire « il fait beau sous les cocotiers, c’est la fin de l’été, on est bien ». Ce serait trop facile. Je voulais me prouver que je pouvais faire
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un morceau personnel sans être dans l’intime. Le clip met en scène un personnage anachronique, un chevalier en armure, qui n’a a priori rien à faire là. T’es-tu déjà senti inadapté au monde dans lequel tu vis, à l’époque ? Oui tout le temps, j’ai l’impression que tout le monde y arrive mieux que moi. C’est pour ça que je fais de la musique, pour essayer de donner du sens à tout
ça. Avec Robin (Lachenal, membre du collectif Sin et réalisateur, ndlr), on a décidé que ce serait un chevalier parce qu’on recherchait une figure centrale qui ne soit pas un comédien, un visage, avec tout ce que ça implique de bien et de pas bien. On ne voulait pas qu’il soit humain. Le chevalier, c’est le nouveau plongeur de La Fête noire. Un mec en tenue qui traverse le monde et la vie comme il peut, alors qu’il devrait y aller à poil ! Plus qu’inadapté, je me sens fragile…
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Ton deuxième single 999999999 fait écho au 88888888 de Léviathan. Quelle mystique associes-tu au chiffre 9 ? C’est une boucle qui n’est pas fermée sur elle-même, qui ne redémarre pas au même endroit et qui propose un raccourci à un moment. On parle de trajets en voiture dans ce disque, de chemins méditatifs, où tu fais le tour de toi-même et de ta vie, quitte à la jouer à pile ou face. 9X9, c’est le morceau le plus sens-fiction du disque. C’est un vestige d’hologramme, comme si c’était ce qu’on avait retrouvé de notre communication et de notre manière de vivre d’aujourd’hui dans un futur très lointain. On entend un message des Terriens aux Léopardiens, mais on ne le comprend pas. C’est un morceau que je voulais faire depuis longtemps. Je l’imaginais house, joué par d’autres musiciens que moi, dans le New York du Paradise Garage. Tu as mis en place un jeu numérologique, d’abord avec le 8, puis avec 7777777 sur Contrebande et maintenant le chiffre 9. Pourquoi ? L’histoire est en train de s’écrire, mais je ne sais pas où elle va me mener. Le 8, c’était le chiffre du disque Léviathan, qui s’apparentait à un circuit de montagnes russes, un grand huit, qui tournait sur lui-même et qui recommençait là où il s’était arrêté. Le 7, c’est le chiffre le plus mystique. C’est un morceau que je situe dans un Tokyo rétro-futuriste avec des chanteurs qui sont des vocaloïdes. Il n’y a plus trop d’humains en jeu.
Les films t’ont moins inspiré pour la composition de cet album, dis-tu. Je t’aime, je t’aime d’Alain Resnais, que tu as proposé en carte blanche au festival Days Off en juillet, fait-il exception ? Oui, c’est une de mes plus grandes inspirations pour ce disque. C’est un film en ellipse, comme les narrations que je mets en place dans ma musique. Tu quittes quelque chose, tu te retrouves ailleurs, sans savoir vraiment où, et comme tu ne sais pas où tu es, tu n’as pas le temps d’analyser et tu te prends des vérités en pleine poire. C’est un film majeur. Tu es dans une posture expérimentale qui vise à rejeter en bloc les évidences de la pop ou de l’électro. Quels sont les codes de ces genres musicaux que tu te plais à détourner ? En ce moment, je travaille sur le terme “pop électro” qui m’amuse beaucoup. J’aimerais prouver avec une playlist que ça existe depuis très longtemps, qu’on écoute des chansons pop sur Nostalgie qui sont faites uniquement avec des instruments de musique numériques, digitaux et donc électroniques. Je veux donner à ce terme plus de profondeur. Donc plutôt que de le détruire, j’essaie de le construire. J’essaie de lui donner un corps, un background. Te sens-tu toujours aussi dépassé par la création, ce monstre plus grand que toi à l’origine de Léviathan ? C’est toujours le cas. Je me sens même de plus en plus petit. Mais tant que j’aurai des choses à dire avec la musique, tant que la curiosité naîtra de la
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curiosité elle-même, tant qu’il y aura un mouvement, je continuerai. Tu es venu à la musique par le jeu sur ta Playstation 2. Ton rapport à l’art est-il toujours aussi ludique ? Oui complètement. J’avais besoin de m’exprimer ado. J’ai fait des dessins sur ordinateur, de la musique sur une console de jeux vidéo, avec des outils qui n’étaient pas des plus évidents. J’ai appris à être patient. Quand j’ai commencé à faire de la musique, ça ne donnait rien, mais ça me passionnait d’essayer de comprendre. Ça a commencé par un besoin qui a fini par devenir structurant, et ça se terminera le jour où je n’aurai plus besoin de ça ou que je ferai de la musique pour les mauvaises raisons, et que ça m’empêchera de faire autre chose. J’arrêterai de faire de la musique quand la musique ne me rendra plus heureux ou quand je ne rendrai plus la musique heureuse. Tout est une question de jeu. La numérologie, la cryptologie des morceaux, il y a des trucs à trouver. J’essaie d’écrire une histoire qui est plus longue que ce qu’elle semble être. Comment ta musique résiste-telle à l’épreuve du temps ? Je suis sur un label qui ne fait pas de la musique d’actualité. On sort tout en vinyle parce qu’on veut que la musique traverse le temps et qu’elle plaise aux générations futures. Pour faire ça, il ne faut pas se poser de questions, comparer un traitement à un autre, ou une influence à une autre parce qu’on se rend compte que les choses qui vieillissent mal ont ensuite un cachet énorme, qu’on s’est moqué d’un genre musical dix ans après son apparition et qu’au bout de 20 ans, il devient culte. Je n’ai pas peur de voir
ma musique vieillir. J’aurais peur si mon souhait était que ça perdure absolument, mais je me satisfais déjà de ce que ça m’apporte aujourd’hui. Je ne suis pas en quête d’universalité, je veux être subtil ! Je veux entendre : « c’est marrant ta façon de voir le monde, elle t’appartient et ça fait du bien ! ». Je veux de l’enchantement, pour être tout à fait honnête. Tu prépares quelque chose avec Jacques, peux-tu nous en parler ? Il m’a donné une idée. À la rentrée, je sortirai une application avec laquelle chacun pourra jouer de ma voix. Parce que c’est mon instrument principal. Je suis moins habile à trouver des notes et des mélodies avec des instruments que directement avec ma voix. Jacques voulait disposer de ma voix sans que je sois là. Du coup on a imaginé un outil qui serait un clavier Flavien, un Clavien, de sorte que quand tu en joues, moi je fais des chœurs ! Ta voix n’a jamais été aussi en avant que sur cet album. Je m’en suis rendu compte à la fin du mastering. Les chansons sont moins dans l’emphase, plus proches de l’oreille. C’est ce que je voulais. Faire un disque apaisant, qui essaie moins de te faire sauter à 30 m de haut mais préfère te dire les choses au creux de l’oreille.
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LÉONIE PERNET, VOUS PERMETTEZ ?
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C’est fou comme le temps file à toute vitesse. Après avoir bidouillé, avancé à tâtons, dosé, réfléchi, mûri (c’est important), observé et peut-être un peu rien foutu (c’est important aussi), voici donc Léonie Pernet qui nous revient avec un premier album décrit par la critique implacable du Bonbon Nuit comme « un souffle qui sort d’une majestueuse pierre tombale bordée de fleurs noires et mystiques ». Avec un peu d’espoir quand même, ajoutera la principale intéressée qui, en plus de sa musique, pose un regard criant d’intelligence sur le monde sociopolitique qui l’entoure. 15
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Ton premier EP, c’était il y a quatre ans. Combien de séries as-tu dévorées entre-temps ? Non, plus sérieusement, t’as fait quoi ? Les deux dernières années, j’ai beaucoup travaillé. L’album sort en septembre 2018 mais finalement, les morceaux sont prêts depuis quasiment un an. Entretemps, je ne sais pas ce qu’il s’est passé… J’ai fait mes trucs, j’ai perdu quelques ordinateurs, j’ai eu des périodes de travail, quelques fois je ne foutais rien et je ramassais… On me pose beaucoup cette question, mais honnêtement, j’ai du mal à y répondre. Parce que c’est vrai que c’est un temps lunaire, quatre ans… J’ai pris mon temps, en fait. Après, il faut dire que je n’ai pas toujours travaillé intensément. J’ai eu une période un peu destroy, mais surtout j’ai été beaucoup seule. Je pars de rien : pas de samples, tout provient de moi. J’ai enregistré mes batteries, fait plusieurs essais de production avec d’autres personnes, mais je n’étais pas satisfaite, j’ai fini par reprendre tout le truc en main et finir seule le projet… Par ailleurs, je passe beaucoup de temps avec mes morceaux. Lorsque je trouve la mélodie, par exemple, je l’écoute en boucle pour voir si ça me fait le truc genre : “Wouah !”. Je passe beaucoup de temps avec chaque élément en fait. Pour toutes ces raisons, ça a été long. Est-ce que le temps est une chose qui compte ? C’est un danger de mort dans la musique actuelle. Ça a pu m’inquiéter parce qu’il y a eu un mini-buzz, mais est-ce que ça ne va pas être trop tard ? Parce que c’est quand même la logique médiatique… Je crois, sans prétention, que la qualité du truc prouve que je ne l’ai pas chié dans
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un avion en quinze jours. J’ai fouillé, j’ai continué de creuser mon sillon, mais je ne pense pas avoir été très influencée, si ce n’est par le monde. Ce qui est in selon tel ou tel magazine branchouille qui se vend à 80 K exemplaires, non, ce n’était pas dans mon cahier des charges. (rires) Alors, qu’est-ce qui ne t’a pas du tout influencée ? Retournons l’épineuse question du journaliste musical lambda en panne d’inspi’. J’aime bien balancer sur les gens en privé, mais en public pas trop. Non pas que j’aie peur des inimitiés, mais bon… C’est marrant, il y a quinze jours, j’entendais (ou peut-être lisais ?) que derrière chaque personne croisée dans la rue, il y avait un combat secret qu’on ne voit pas. Je trouve cette image très juste. En fait, chacun lutte à sa petite échelle. En musique, tout ce qui est fait très rapidement et sans soin, peu importe le style, ça ne m’intéresse pas. Sauf quand derrière cette rapidité d’exécution, il y a cette esthétique un peu punk. Je ne me sens pas très rattachée à une scène… Ce qui ne m’influence pas… Tellement de choses ! Qu’est-ce qui est in et qui ne m’intéresse pas ? Les burratas en terrasse ? Ah si, les burratas, ça m’intéresse. Je suis une obsédée de la mozzarella. C’està-dire qu’avant, carrément, j’arrivais au bureau pour une réunion, je n’avais pas mangé depuis trop longtemps et j’achetais une mozza à l’épicerie que j’ouvrais sur le trottoir. La mozza, ça m’obsède. Pour revenir à ta citation, c’est quoi le combat secret de ton art ? Parce qu’il y a quand même un fort
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“Derrière chaque personne croisée dans la rue, il y a un combat secret qu’on ne voit pas.”
engagement politique dans ce que tu proposes, je pense notamment à ton mix pour Adama Traoré ou contre la Manif’ pour Tous. Ce combat, en réalité, il n’est pas très présent dans l’album, hormis peut-être dans le clip d’African Melancholia. C’est marrant parce qu’on me pose pas mal la question en ce moment… En fait, il y a mes mixes qui sont 100% politiques, il y a eu le clip d’African Melancholia effectivement, mais je ne compose pas de chansons engagées, les textes ne sont pas engagés… Je ne markète pas l’engagement. L’album est un propos esthétique avant tout. Comment t’es-tu formée à toutes ces questions politiques ? Je crois que le premier choc, c’est d’être tombée sur des écrits du Parti des
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Indigènes de la République. C’est un parti politique dit décolonial et antiraciste qui fonde la pensée de ce qu’on appelle l’anti-racisme politique, et non pas l’anti-racisme moral. Ça a été un électrochoc pour moi. Ensuite, j’ai lu Fannon, Césaire et compagnie… Dans ton album, il y a quelques références à l’Afrique justement… Oui, il y en a quelques-unes. Il y a African Melancholia et une référence au Maghreb. Comme j’ai beaucoup nié la partie noire en moi pendant très longtemps, j’ai une forme de dette envers l’Afrique. Ce n’est pas une dette lourde à porter, mais je dois en quelque sorte honorer cette communauté de destins. Et puis le Maroc, eh bien il y a ce feat avec Hanaa Ouassim, ce qui sonnait comme une évidence. Je suis proche de
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ce monde-là, oui, même au niveau des écrits. En ce moment je bouquine Le Traité de l’Unité d’Ibn Arabi, par exemple. Mais il n’y a rien de fermé, je circule. Quelle est la vérité de tous ces penseurs que tu lis et que tu déterres ? Il y a l’amour universel. Mais attention, je ne crois pas en l’universalisme sur le terrain politique, seulement sur le plan spirituel et artistique, ce que j’essaie d’approcher un petit peu, modestement. Et l’unicité. La manière dont on sent et désire les choses n’est-elle pas sans arrêt empêchée dans notre société ? Crave, ce n’est pas le désir. Certains le traduisent comme ça, mais c’est surtout
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le manque. Le craving est vachement employé dans l’addictologie. La question du manque est très présente dans l’album, finalement. Dans nos vies, oui, on nous empêche de faire plein de choses, mais je ne pense pas que ça soit notre société de maintenant. C’est marrant parce que j’ai appris que le mot “diable” vient de diabolum, qui signifie diviser. Le symbole, lui, signifie rassembler. L’idée du diable, donc, c’est ce qui divise. Oui, l’homme est à la recherche d’unité. Peut-être que le grand problème de la division, c’est le nationalisme aujourd’hui… On le voit bien avec la catastrophe migratoire actuelle. Absolument. Je dirais même qu’il y a plus globalement un problème de racisme. Imagine une seule seconde que tous les campements qu’on voit à Jaurès, La Chapelle ou Stalingrad, soient remplis de blancs… Ça semblerait dingue. On ne le tolèrerait pas, en réalité. On vit correctement avec l’idée qu’il y a des SDF et des gens en précarité, mais des groupements de population comme les migrants, s’ils n’étaient pas noirs, bon… Il y a quand même quelque chose qu’on accepte, là-dedans. C’est parce qu’ils sont noirs qu’on l’accepte. S’il y avait autant de blancs sur des bateaux, est-ce qu’on l’accepterait ? Je ne crois pas. Mais attention, je comprends et je n’accable pas. Il ne faut pas tout voir avec une seule paire de lunettes, mais il ne faut pas oublier de la chausser. C’est quand même une pièce maîtresse d’un certain nombre de problèmes qu’on a. Tu parlais de toi dix ans dans le futur, mais comment étais-tu dix ans dans le passé ?
J’étais à la one again totale. J’étais à l’arrache mais à un niveau… Je ne savais pas vivre du tout, en fait. Je me foutais en l’air. Je vis seule depuis longtemps, j’ai été autonome très tôt… Enfin non, j’étais indépendante mais sans autonomie ! (rires) Donc c’était assez problématique ! Ça fait des parcours un peu penchés. Mais je faisais de la musique dans mon petit appartement à Brochant, je vivais de manière totalement décousue… J’étais rentrée à l’Institut des Arts Sacrés des Études Liturgiques après avoir passé mon bac en candidate libre, mais je n’y suis pas restée très longtemps parce que j’avais par ailleurs ma vie à côté qui ne correspondait pas des masses avec ce type d’études… On a différents personnages en nous, et celui qui avait soif de spiritualité ne s’entendait pas très bien avec celui qui voulait écouter de la techno, donc j’ai lâché ce truc. Donc, oui, je faisais ma musique, et à la base ce n’était que des morceaux de piano en solo, ensuite ça a évolué. J’étais seule dans ma chambre avec mon piano, je faisais la fête, je vivais des trucs, quoi… Pour moi, ton album sort tout droit d’une majestueuse pierre tombale bordée de fleurs noires et mystiques. Oui, cet album est assez deep, c’est clair. Après, je trouve qu’il y a de la lumière. À part Father où il n’y a pas une note d’espoir – j’étais au bout du rouleau quand je l’ai fait –, il y a quand même de la lumière. C’est assez habité donc je souscris à la lecture mystique de l’album. Je reste quand même romantique, je viens de là… En musique classique, c’est ce que j’écoutais par exemple. Il y a deux écoles : ceux qui préfèrent Steve Reich et ceux qui préfèrent Philip Glass. et ceux
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“Je reste quand même romantique, je suis l’école de l’émotion.” Moi, je suis Philip Glass, je suis l’école de l’émotion. Je ne dis pas qu’il n’y a pas d’émotion dans Reich, attention. Cet album est très soigné. Mais c’est quand même assez instinctif dans la sensation.
un moment où j’étais mal, très triste, mais j’avais de l’espace, du silence et de la nature, je mangeais toute seule à ma table le soir… Je ne dirais pas que c’était ascétique parce que je buvais encore beaucoup d’alcool, mais en-dehors de ça, il y avait un truc un peu ascétique. Oui, je n’étais pas bien, mais c’était un moment où j’avais vraiment accès à mes émotions. J’étais en bad trip, certes, mais j’étais avec moi.
T’étais au bout du rouleau pour Father, c’est-à-dire ? J’étais en rupture et j’étais partie pour avancer sur l’album en Normandie, dans une petite maison toute mignonne. Toute seule en hiver, de janvier à mars, à côté de la mer. J’étais pas bien du tout. Mais ça m’a fait du bien. C’était
T’arrives à faire de la musique quand t’es heureuse ? Quand je suis vraiment extrêmement mal, au moment T, je ne peux rien faire. Je ne peux pas pondre une mélodie, je suis bloquée, immobile, je ne veux pas vivre ma journée. Cet épisode solitaire en Normandie, oui j’étais mal, mais au
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moins j’étais créative. J’étais dans la vie. Ce qui pour moi se rapproche du plus mal, c’est lorsque tu t’éloignes de la vie et que tu ne bouges pas. Ça m’arrive, de moins en moins, mais ça m’arrive encore. Et quand je suis vraiment heureuse… Je ne sais pas. C’est quand tu vas sortir ton album, peut-être… Ça, oui, ça me rend assez heureuse. Ça m’émeut. Je suis heureuse principalement pour moi mais aussi pour celles et ceux qui ont été là, Anaïs Ledoux et Stéphanie Fichard notamment, qui ont fait Cry Baby et qui ont toujours été là. Donc oui, je suis heureuse pour les gens qui ont travaillé. Pour l’entourage professionnel, c’était franchement galère ! Mais ils n’ont jamais arrêté de travailler sur le truc, de me suivre, de me soutenir… Donc je suis aussi heureuse pour eux. Et tes fans, ils sont comment ? Pour l’instant, déjà, ils ne sont pas très nombreux. Mais ils sont fidèles ! Ils ont été patients et les tout premiers fans, honnêtement, c’est toujours des gens chelous qui ne vont pas bien ! (rires) Il y a quelques individus que j’ai vus à mes concerts qui, voilà… Je pense à deux personnes en particulier… Ils se rasent les dessous de bras pendant tes concerts ? Non ! (rires) Il y a juste des gens qui sont bizarres… Genre, je sais pas, deux meufs qui ont je pense un problème mental… Qui se meuvent d’une manière hyper particulière… Un jour, j’avais joué le Mix Debout à Bruxelles pour une journée Amnesty International. Je commence à balancer des trucs hyper calmes et je
vois cette meuf complètement bourrée qui m’explique qu’elle a lâché ses potes, qu’elle ne savait pas comment elle allait rentrer mais qu’elle s’en foutait, et je commence à balancer les sons et puis d’un coup elle bouge la tête dans tous les sens, comme dans le doom metal. C’était totalement inadéquat mais c’était trop drôle. Si on dit qu’on a le public qu’on mérite, franchement… J’ai joué au Pop-Up et même les barmans m’ont dit que j’avais le meilleur public de l’année ! C’était pas pédant, y’avait pas mal de musiciens, des gouines, des pédés, des renois… Et toi, t’es quel genre de fan ? Moi, j’ai un égo de musicien. Mes héros sont davantage des personnalités politiques mortes ou vivantes, et je regarde avec plus d’admiration les gens qui agissent politiquement. Je suis plus intéressée par les actions menées par certains militants aujourd’hui qui luttent contre le racisme, qui aident les migrants, que par le dernier Dj à la mode. Ça va, je n’ai plus 15 ans. Aujourd’hui, on ne peut plus décemment vivre en disant : « La politique, je m’en fous ». Ça, c’est un luxe qui est inadéquat avec ce qui nous entoure. Ma place est en faisant ce que je fais. Attention, je ne veux culpabiliser personne, et moimême je ne suis qu’une militante du dimanche, je ne fais pas ça de toutes mes journées. Je veux juste inculquer à ma petite fan base des idées et des pistes. Je n’ai pas la science infuse, je suis en apprentissage. C R A V E
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C’est pas Roscella
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Moi, le Roscella Bay Festival, j’y suis allé à la nage la première fois. Et pas de n’importe laquelle des manières : lesté de 15 kilos de vinyles. De Paris jusqu’à Orléans, puis longeant péniblement, mais plein de volonté, l’océan Atlantique, j’ai donc rejoint La Rochelle pour profiter du cadre idyllique de ce festival de musique délicate. Si j’avais pris mes vinyles, c’est que les organisateurs m’avaient proposé de jouer en warm-up. Mais comme j’avais percuté une barque, j’ai pris un peu de retard sur mon planning… Bons princes, ils m’ont réinvité cette année. Cette fois-ci, j’ai décidé de prendre le train pour rejoindre La Rochelle où, du 20 au 23 septembre, se déroulera donc la nouvelle édition du Roscella Bay Festival. Comme je suis gentil, je vous ai même préparé quelques fiches sur les quatre artistes qui m’ont tapé dans l’œil. On se retrouve devant gauche ! MCDE Lui, on peut déjà presque le considérer comme un ancien. Danilo Plessow aka Motor City Drum Ensemble (MCDE), la trentaine à peine, a un peu repris le flambeau des chercheurs d’or d’Amérique de l’Ouest pour l’adapter à son époque, celle des disques rares et méconnus qui ne demandent qu’à être déterrés par les plus patients – et sans aucun doute, aussi, par les plus passionnés. Entre house, funk, soul et disco, la palette sonore de MCDE prend la forme subtile d’un kaléidoscope filtré par un goût inimitable pour les belles choses. Danitsa Si vous suivez un peu ce qu’il se passe du côté de la Suisse, alors vous savez que Danitsa est l’un des plus grands talents
helvétiques. Nommée comme meilleure artiste aux Swiss Music Awards en février dernier, Danitsa a également eu la chance de faire les premières parties de Princess Nokia et Ibeyi, mais surtout de sortir son premier album, Ego, un hymne r’n’b sensuel et majestueux où le sublime de sa voix s’accorde parfaitement avec les énergies divines de l’instrumentation. Future grande, on vous dit. Simo Cell Originaire de Nantes, Simo Cell n’est donc (peut-être) pas breton, d’autant plus qu’il a migré vers Paris, l’une des grandes capitales de la musique électronique (incontestablement), et qu’il est le premier artiste non-originaire de Bristol à avoir signé sur le très qualitatif label Livity Sound – en ayant aussi lâché les chiens sur Brothers From Different Mothers, label lyonnais réputé mené par Judaah. Mais au-delà de ses qualités musicales, Simo Cell est sûrement l’un des Dj’s les plus doués de sa génération. Puzupuzu « Music for weird kids », indique sa page Facebook. Assurément, Puzupuzu est un mec bizarre. Un peu grunge, un peu freak, un peu punk, un peu roux, mais très gentil, surtout. « J’aime le côté rituel de la dance music », comme il nous l’expliquait lui-même. Avec sa palette déstructurée faite de house, de techno, de kuduro, de gqom, de coupé-décalé et de bass music, le garçon originaire de Reims présentera son live pour plonger le dancefloor dans la plus complète des communions. C’est le but d’un festival, non ? R O S C E L L A B A Y F E S T I V A L 2 0 1 8 D U 2 1 A U 2 3 S E P T E M B R E , V I E U X P O R T D E L A R O C H E L L E
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Dans le monde des piges, des conflits avec le community manager, de la pression sur le nombre de clics, un jeune homme a un rêve. Il désire plus que tout devenir réd’chef du Bò Bún Nuit, un torchon crapuleux vantant la fête sous l’égide de la consommation et du vice. Cet univers “journalistique” est un amas de lâcheté, de mensonge, de drogues et de rapports sexuels décevants qu’il faut absolument conter. C’est surtout le fruit d’une enquête presque gynécologique, du moins carrément documentée, de votre dévoué serviteur. 25
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Episode 1 - Présentation et Mésaventures
Aspirine. Depuis ma plus tendre adolescence, on m’appelle “Aspirine”. Comme les enfants divorcés ayant assisté de trop près à des violences conjugales, j’ai effacé de mon esprit la raison exacte de ce fielleux sobriquet. Oui, qui sur cette planète ferait confiance à un type qui s’appelle Aspirine ? Personne. Pourtant c’est mon nom et j’en suis fier. Comme les Afros qui se battent pour l’amour propre de leur teint (je ne suis pas du tout sûr de ce parallèle), j’ai pris acte de ma dénomination et, désormais, je l’assume. D’ailleurs les gens, si préoccupés par leur sort personnel, n’en ont rapidement plus rien à faire. On pourrait s’appeler n’importe comment, pourvu qu’on ait l’air d’être un citoyen honnête. Il y a bien des gens qui s’appellent, je ne sais pas moi, Jacques ! Ou Victor ! Ou pire, Emmanuel… Alors Aspirine… Au moins, je renvoie à quelque chose d’utile !
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crapuleuse de l’empire médiatique Bò Bún Magazine. C’est mon ambition ultime, à travers laquelle chacun de mes actes est ordonné, sécurisé, réfléchi. Je sors donc de ma Chambre de Bonne – qui prend deux majuscules parce que je vous emmerde ! – située très exactement au 8, rue Poulet dans le 18e arrondissement de notre capitale à tous, les Français. Les autres, débrouillez-vous. Cette adresse n’est pas du tout le lieu rêvé pour le futur réd’chef que je suis. Sans conteste, on pourrait dire que j’habite dans un trou à rats, un de ces coins mal famés de Paris. Ici, le crack et la violence. Là, l’alcool et le pathétique. Mon quotidien n’est pas très rassurant. Je suis en effet coincé entre une agence de voyage qui pue la chèvre, “Sahel Voyages” – avec un “s”, messieurs-dames, comme s’il y avait un retour possible –, et un repère d’ivrognes : “Comptoirs Spirituels”, rempli de “s” presque sataniques, tellement les comptoirs et les spirituels de ce taudis ont de multiples sens dans les esprits dégénérés des coutumiers de ce lieu – dont je fais partie.
Chaque jour est un combat pour un jeune homme talentueux de ma catégorie. Du haut de mes 19 ans, je me dois de réussir mon objectif de la manière la plus rapide et efficace : devenir une fois pour toute réd’chef du Bò Bún Nuit, antenne
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Le bond que je fais dans ma rue est ridicule, mon concierge est hilare, je me suis tordu la cheville. Il fallait bien éviter cette flaque de pisse qui ne se videra donc jamais. J’ose lui décocher un regard noir, à ce Maghrébin qui, évidemment, me déteste. « Comment ça va Codéine ? », qu’il me jacte avec un sourire étincelant. Le propriétaire des clés du local à poubelles a décidé de taper fort. « Très bien, m’sieur », je lui réponds avec toute l’inquiétude brutale possible. Puis, « Bonne journée », que j’murmure. Pour cette fois, il a gagné. Qu’il ne compte pas sur moi pour commenter quelque chose de progressiste sur Internet aujourd’hui. Pris dans les limbes de mes pensées personnelles, entièrement tournées vers cette quête du Bò Bún Nuit, j’oublie de m’arrêter au (dois-je mettre un “x” ?) Comptoirs Spirituels pour prendre ma petite Duvel, synonyme d’une matinée fraîche et mouvementée. C’est donc avec la bouche pleine de salive d’estomac que je me décide de remettre le couvert au siège du Bò Bún Magazine, à quelques rues de là. En boitant, évidemment, mais tout de même revigoré par toutes ces trajectoires possibles qui me bercent. Ah… le Bò Bún Magazine ! Si le journalisme de qualité, l’assiduité scientifique et l’amour du style avaient, dans un élan sexuel ravageur, enfanté, pour sûr cela aurait donné Bò Bún Magazine… Son versant Nuit en est la partie la plus splendide. Fantasmé par toutes et tous, c’est le Graal de toute
personne sachant pertinemment que le monde n’est pas un repère d’agneaux mais qu’il faut tout de même essayer de le changer avec mansuétude. Le prestige de la marque, l’attrait et le succès qu’elle permet, l’adresse de ses rédacteurs, tout dans le Bò Bún Nuit me fait lubrifier naturellement. Son principal atout ? L’agilité. Comment ne pas voir, en lisant entre les lignes – et en même temps, sur les lignes ! – qu’il s’agit d’un combat de chaque instant. L’instabilité de la presse d’aujourd’hui face aux modèles économiques, aux aigreurs personnelles, aux évolutions technologiques ! Et encore et encore. C’est presque une danse écrite et designée, un objet aussi bandant qu’un député dans un gang bang !
“Le Bò Bún Nuit est le Graal de toute personne sachant pertinemment que le monde n’est pas un repère d’agneaux.” 27
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“Il me l’avait bien mise, en plein axe, avec ses longs doigts, comme deux baguettes chinoises très larges et rigides.” La porte s’ouvre et c’est un type avec une chemise de prof’ de géographie, couverte de couleurs comme si c’était un seau de merde qu’on lui avait jeté à la gueule, qui me toise derrière sa barbe et ses yeux entourés de petits plis de peau – la drogue, pour sûr. Il parle très rapidement comme s’il crachait les mots. « Qu’estc’tu fous là encore toi ? L’est con c’type ou quoi ? Tous l’jours tu t’ramènes et t’nous casses la couille ! Putain de Dieu casse-toi Margarine ! » Je pâlis malgré moi mais ne me laisse pas abattre. « C’est Aspirine d’abord ! J’veux voir le patron moi, j’vous connais pas tête de con ! » L’autre, avec une crotte de nez verdâtre en plein tarin, ne me laisse pas respirer et dans un crachat continu : « Rien à branler ! C’qu’il est abruti c’mioche ! L’patron s’en branle de ta gueule, i’veut pas t’voir ! Moi ?
J’suis l’réd’chef du Bò Bún, enculé ! ». La violence des mots proférés me fait presque flancher. Sachant que j’ai en face de moi mon ennemi le plus trivial, à la fois heureux et affolé de cette découverte, je reste hagard devant le type, qui en profite et s’avance. « Écoute mec… Allez, s’tu veux j’te lâche une pige. T’as l’air d’en vouloir. Mais arrête de chier dans ton froc et lave toi les gencives, tu fous la honte quand on t’dévisage. Cette goutte, là, que t’as au bout du pif. C’est dégueulasse. » Je l’enlève l’air de rien, en frottant bien pour qu’on ne m’y prenne plus. Il s’est calmé et me sourit avec une petite moue arrogante d’ordure de la dernière espèce. « Prends mon mail petit, raoul@bobunnuit.fr. » Il pose sa main sur mon épaule et s’approche encore. « Maintenant, tu dégages. Trouve un sujet. T’as une semaine. » La tape sur ma tête à la fin était probablement de trop. J’avais véritablement la nuque en feu. Il me l’avait bien mise, en plein axe, avec ses longs doigts, comme deux baguettes chinoises très larges et rigides. Pourtant, l’idée même de rentrer dans les lignes du Bò Bún Nuit me ravissait. J’en étais foutrement heureux. Il fallait que je fête ça dignement. Arrivé au(x) Comptoirs Spirituels, aux abords de mon domicile, je me satisfais, dans un ricanement de concierge – qui s’en jette un, pour changer – de ma Duvel matinale en cette fin de matinée. Comme
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les choses vont vite dans le monde de la presse authentique ! Ce matin même, je n’étais personne. Je regarde alors le concierge d’un air intéressé et il me sourit. « Oui, Monsieur l’concierge ! Ce matin, je n’étais personne ! J’étais… J’étais comme vous ! Un misérable ! Un gueux ! La jambe tordue en prime ! Je boitais gaiement comme un cloporte à travers la ville. Comme vous, je n’avais ni but, ni objectif. Comme vous, chaque instant était nouveau pour moi, chaque odeur ridiculisait ma naïveté, abusait de ma crédulité. Comme toi, petit concierge, j’étais un misérable ! Voilà… Un misérable ! » Le rebeu en chef ne sourit plus du tout. Je continue sur ma lancée. « Ah, tu vois maintenant ! Tu t’intéresses ! Quelque chose de formidable m’est arrivé, petite canaille… Quelque chose de grand, de fort. Mais tu ne pourrais pas comprendre et d’ailleurs tu n’en vaux même pas la peine. Trou duc’. » Le concierge a toujours un demisourire et dans un geste de la main, il me demande de continuer. Dans ses yeux, je le vois maintenant, c’est la peur qui règne. Heureux de mon effet, je poursuis donc : « Ah… Ah, tu trépignes d’impatience ? Bien… Bien… Vois-tu, pendant que tu buvais insipidement ton café, que tu frottais les escaliers et que tu vaquais à
tes vaines occupations, j’ai rencontré, moi, Aspirine, le réd’-chef du Bò Bún Nuit ! Il m’a pris en rendez-vous de la manière la plus diligente. Ah ça ! Rien à dire, il était tout heureux de faire enfin ma rencontre ! L’a même raconté que le patron du Bò Bún Magazine était au courant de mes activités. Que j’avais un des plus beaux teints de la capitale ! Il m’a proposé, que dis-je, il m’a supplié de lui écrire un article. J’essayerai de trouver le temps, mais je ne suis pas encore sûr… » L’auditoire entier de ce bar m’étant acquis, je décide de partir, pour ne pas me perdre en bavardages avec cette catégorie d’individus. « Écoute, tu as bien compris… Je suis quelqu’un de très occupé. Il faut que tu acceptes que nos vies n’ont rien à voir. Toi… Tu es en quelque sorte un parasite. Eh bien… Moi, je suis celui qui peut, par mes mots, te raconter. » Ayant payé d’un billet de dix ma Duvel, laissant le poids des pièces restantes à ce pauvre tenancier, n’écoutant pas ce “pédé” gémi par le concierge, j’arrive dans ma confortable chambre de bonne, étant passé au préalable pisser un coup dans les chiottes sur le palier. Eh bien oui ! Je dois désormais trouver un sujet de la plus grande envergure pour, d’abord, me faire un nom au sein du Bò Bún Nuit, pour ensuite devenir l’insaisissable réd’chef de ce papier de première envergure.
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J’ai perdu Albert de D. Van Cauwelaert Sortie le 12 septembre
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Les frères Sisters de J. Audiard Sortie le 19 septembre
Rien que le pitch est incompréhensible (une médium de stars, un apiculteur dépressif, Albert Einstein) dans ce ménage à trois qui s’enlise dans un profond marécage de mauvais goût et de blagues vaseuses avec en tête de gondole l’écervelé Stéphane Plaza qui fait une entrée remarquée dans le monde de la cinéphilie de caniveau. C’est pesant et interminable, une torture ininterrompue qui prend rapidement la forme d’une bête malade qu’il faut rapidement abattre.
Autant je combats la sur-évaluation du travail de Jacques Audiard, notamment depuis le terrible De rouille et d’os, sorte de fable à la métaphore de cours d’école, autant je ne peux qu’accorder son retour en grâce avec ce western initiatique. D’une violence jamais gratuite et baignée d’une élégance sanguine se détachent la vraie question du film et sa quête profonde d’une humanité perdue. Joaquin Phoenix, mais surtout la révélation de la série The Night of, Riz Ahmed, surnagent et arpentent avec brio la voie de la rédemption.
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—2018 Un peuple et son roi de P. Schoeller Sortie le 26 septembre Schoeller se la joue Deschamps et nous rameute les deux pépites du cinéma français avec son grand benêt au milieu (Adèle Haenel, Gaspard Ulliel et Louis Garrel) pour gagner sa Révolution en pleine Histoire de France. Ce n’est pas sans nous rappeler l’équipe de France et son attaque de feu (Mbappé, Griezmann et Giroud), avec des sansculotte qui gambadent, deux-trois têtes qui tombent et des mecs qui gueulent en espérant changer le cours d’un match dont ils sont les simples spectateurs. Les films d’époque, c’est comme le foot, rapidement irregardable quand personne n’a le niveau.
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I feel good de B. Delépine et G. Kervern Sortie le 26 septembre Jamais aussi percutant que dans le milieu citadino-rural et les ZEP qui sentent le Buffalo Grill et les multiplex de mauvais goût (Le Grand Soir), Delépine et Kervern récidivent avec une justesse incomparable en opposant (il fallait en avoir le culot) Dujardin et Yolande Moreau dans une conquête du rêve à la française, c’est-à-dire dans un costume beige mal taillé en banlieue de Pau. Le pathétique et le malaise sont balayés dans une histoire moderne qui parle, sans moquerie ni malaise, et d’une écriture toujours percutante. Et donc terriblement touchante.
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Et un de plus. Et pas des moindres, celui-ci ! Mais de quoi parle-t-on ? Eh bien d’un nouveau lieu, pardi ! Vous avez les oreilles bouchées ou quoi ? Je viens de vous dire qu’un nouveau lieu ouvrait, dans une nouvelle adresse, oui, oui, et pas la peine de faire ce petit sourire béat. Et comment qu’il s’appelle, ce nouveau lieu ? La nouvelle adresse, tout simplement. On ne pouvait pas faire mieux. Et où qu’il est ? À Pantin, aka la nouvelle ville qui vous veut du bien. Petite précision, cependant. Si vous pensiez établir votre Q.G. à La nouvelle adresse, c’est un peu raté. Car le lieu n’ouvrira qu’une seule fois – ce qui signifie qu’il n’y aura pas de passé glorieux à vénérer, ni même de lendemains qui chantent. Il va pourtant s’y passer des choses, là-bas. Quoi donc ? Juste une énorme fête qui se déroulera dans l’immense entrepôt industriel de 25 000 mètres carrés, juste avant le début des travaux du Centre National des Arts Plastiques, qui change ainsi d’adresse. Après vos vacances (un peu) méritées, rien de mieux, donc, qu’une soirée dans un lieu inédit pour griller vos derniers points de vie, ceux qui ne se sont pas encore évaporés avec le soleil de l’été. Une soirée ultime qui plane au-dessus de vos consciences éphémères pour atterrir directement dans vos souvenirs. No future, ont pu dire certains des meilleurs, tandis que d’autres, plus pressés peutêtre, ont ajouté qu’il convenait mieux de faire d’une pierre deux coups.
La pierre vous a déjà été présentée (elle fait 25 000 mètres carrés, rappelons-le), passons maintenant à ce qui va frapper dedans, le vendredi 14 septembre, pour l’ouverture de ce week-end haut en couleur. En début de soirée (de 20h30 à 23h), une performance de Monster Chetwynd, artiste multifacette originaire de Londres qui travaille désormais, depuis Glasgow, différents médiums (peinture, sculpture, performance, vidéo…). Juste après, le loufoque grupetto Shrouded & The Dinner déclamera sa grande chorale, The Tic Tac Of The Charmed Clock (Marmelade), avec une vingtaine d’acteurs, artistes ou non, sublimés par les mélodies délicates du groupe. Et à partir de 23h, place à ce qu’il convient de nommer le clubbing sous haute voltige. En partenariat avec le CND (Centre National de la Danse) et sous la direction artistique de The Post Post (nouvelle aventure de Fany Coral après celle de Kill The DJ), trois Dj’s seront chargées de tordre vos petits bassins : La Fraîcheur, qui vient de signer un premier album techno ultra-politisé sur Infiné Music ; Deena Abdelwahed, nouvelle tête couronnée de la techno avant-gardiste tunisienne ; et Virginia, maîtresse incontestée du Berghain/Panorama Bar. Vous avez dit engagement musical ? Dans un futur lieu dédié à l’art, c’était la moindre des choses. L S L D
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Tous les mois, le Bonbon se mue en une distillerie, décomposant le style et les références esthétiques de ceux qui donnent le pouls du Paris d’aujourd’hui. Pour sa première de l’année, la distillerie s’intéresse aux Casual Gabberz, un monstre à plusieurs têtes héritier du Gabber, branche de la techno hardcore née dans les rues de Rotterdam dans les années 90. Difficile d’être indécis, le mélange vous brûlera la gorge quoi qu’il arrive, mais vous en reprendrez probablement.
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Vous avez organisé en 2014 une expo au Point Éphémère sur le Gabber. Dans une interview pour Boiler Room, Paul explique que c’est un mode de vie, une façon de s’habiller. C’est quoi les codes esthétiques ? C’était avant tout pour insister sur l’origine du mot Gabber (qui signifie “pote” en argot hollandais), qui désigne avant tout des gens puis par extension un courant musical. Le vestiaire classique early-gabber c’est jogging australian/air max BW.
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Le Thunderdome est une de vos références, c’est quoi exactement ? Comment ça peut se traduire niveau sapes ? Thunderdome, c’est la première soirée du groupe d’événementiel ID&T qui s’est imposée dans les années 90 comme la référence en termes de Gabber et a aujourd’hui un statut iconique. C’était à la fois des soirées mais aussi des compilations, des VHS et du merchandising dans tous les sens. C’est ce côté global avec une identité très forte qui nous fascine. Le full branding
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que le Thunderdome à été capable de plaquer sur toute une génération, c’est vraiment incroyable, on aime beaucoup l’aspect “produit dérivé” qui au final devient central. C’est aussi la période qui demandait ça ; dans les 90’s, l’objet dérivé y’en avait partout, on s’est fait vomir dessus toute notre enfance : pub, tee-shirt, sac a dos, petit cadeau en plus dans le happy meal. Nos références, c’est un mélange de tout ça qu’on a digéré à notre sauce.
Dans quelle mesure le merch que vous créez reflète vos sons ? On a ce principe de sortie de 2 titres dont le merchandising est toujours présent sur la cover. À chaque fois, c’est l’occasion de chercher à exprimer l’univers d’un artiste à travers un objet. Sur l’EP de Paul Seul, qui est venu avec son amour des autoroutes françaises, l’idée de faire un tee-shirt fluo avec une carte et des logos corporate est venue naturellement.
L’artiste d’un autre temps qui aurait kiffé le Gabber selon vous ? Les artistes qui ont peint la grotte Chauvet. Imagine des gens qui, y’a 30 000 ans, ont commencé à peindre des animaux pour des raisons qu’on ne connaitra jamais, mais qui aujourd’hui encore continuent à nous émouvoir… Je pense que eux, tu leur envoies un gros kick, ils accrochent direct.
Vous avez récemment créé un jersey avec le studio parisien NDA, rapidement sold-out comme tout le merch qu’on retrouve sur votre Bandcamp. Qu’est-ce qui l’a inspiré ? Le rapport entre le Gabber et le stade est assez évident (type Half-time Feyenoord Rotterdam sur YouTube). Le maillot de foot, c’est un classique, on voulait le faire depuis longtemps. Quand Ulysse et Antoine nous en ont parlé, on a dit go direct. Ils bossent avec NDA sur leurs visuels depuis longtemps, nous de notre côté on aime les collabs donc ça s’est fait super naturellement. L’inspiration en gros sur ce merch, c’était de revisiter le football jersey Thunderdome en version bootleg thaïlandais.
Vous disiez au cours d’une interview « ne pas être là pour faire une reconstitution historique » et vous voir dans la « continuité du gabber ». Niveau sapes c’est comment, on réutilise ou on crée ? Bien sûr qu’on s’imagine dans une continuité – on n’a aucune envie de faire du sur-place ou d’être dans un truc passéiste. Pour la sape autant que dans la production son ou graphique, on mélange des inspirations, il ne faut surtout pas se donner de limite, juste essayer et créer des monstres qui te ressemblent. Des genres de Frankenstein fabriqués à base de madeleine de Proust, des bouts de ficelle et beaucoup d’amour.
Vous disiez à Trax en 2015 : « Nos soirées c’est une sorte de cours d’aérobic avec des bières en plus. » C’est quoi l’uniforme pour la séance ? Des vêtements où tu peux bouger, peu importe. L E S C A S U A L G A B B E R Z I N V E S T I R O N T L E R E X L E 2 8 S E P T E M B R E P R O C H A I N P O U R L A S O I R É E M O K U M 2 5 Y E A R S O F H A R D C O R E
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Braquage à Malte, sans eau plate T O U R I S M E
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Si tous les chemins mènent à Rome, encore faut-il en avoir les moyens. Faire semblant de travailler dans la presse ouvre cependant à d’autres perspectives. Pour nous, c’était Malte. Et quoi de plus inespéré que d’avoir l’opportunité d’exporter le parasitage en dehors de nos frontières et bien au-delà de l’entendement ? M’en fallait pas plus pour m’embringuer dans un festival d’EDM à Malte. 38
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JOUR 1 Me voilà embarquée avec Raoul, préalablement rencontré lors d’un inoubliable échange d’au moins cinq minutes, six mois auparavant, sur un trottoir et possiblement près d’une poubelle. Nous nous étions alors craché l’équivalent de trois mots alcoolisés, strict minimum suffisant à toute relation digne de ce nom, la nuit, à Paris. Excuse valable pour partir en voyage ensemble, tout du moins. Un programme fort en promesses nous attend. Sous bonne escorte, l’office de tourisme maltais doit nous trimbaler partout sur le caillou, sustenter tous nos besoins et même nous offrir à danser, si l’état d’ébriété le permet face au line-up prodigieux du Summer Daze Festival. Une aventure formidable de sens et d’enrichissement personnel à ne pas remettre en question, du moins, si notre avion lowcost n’avait pas annoncé 1h20 de retard d’entrée. Un bonheur lorsqu’on est assis à côté d’un prétendu
fils de pilote, flippé du décollage et très renseigné sur la machinerie de ces engins : « En une demi-seconde, le pilote peut tous nous tuer. Avec un seul bouton, il dépressurise et on explose tous », ai-je eu le plaisir d’apprendre. Tristement, personne pour brandir fièrement une pauvre feuille A4 avec nos noms mal orthographiés à la sortie de l’aéroport maltais. Seulement un petit monsieur chauve pour apparaître au ralenti, avec vingt minutes de retard, dénué de toute envie de communiquer. Si on se fout de sa gueule, comprend-il secrètement le français ? Débouler dans un palace 5 étoiles, tout suintant et en pyjama, possède un certain charme. L’expérience tient du surnaturel lorsqu’on est accompagné d’un jeune type mal rasé, en short crade, avec pour seuls bagages un sac à dos à moitié vide et un tote-bag rafistolé. Coucou c’est nous, on est bien arrivés. Le temps de dîner arrive. C’est Emily qui nous accueille et nous emmène à Mdina,
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dégueulasse, c’est anticonstitutionnel en France. Ne pas pouvoir sustenter son addiction au goudron frelaté à l’envi, c’est une sentence de mort qui s’impose. Heureusement qu’Emily est là pour nous raconter son enfance chez les pêcheurs. On l’adore.
capitale historique de Malte. Charmante personne tirée à quatre épingles, notre nounou pour le séjour. Employée par l’office du tourisme depuis plus de vingt ans, Emily est parfaitement rodée pour nous guider avec toute la bonhomie du monde, sans arrière-pensée, dans un Malte pittoresque qui reflète avec brio la réalité de ses autochtones. On l’adore. Daphne Caruana Galizia n’a jamais dû la rencontrer, elle n’aurait sans doute pas malencontreusement atterri sur une bombe autrement. Les deux journalistes présentes ce soir sont spécialisées en EDM, et elles aiment ça de leur plein gré. Chacun ses goûts, qu’on s’entende bien. Sauf quand c’est la cousine serbo-australienne de Serge le Mytho qui vous les exprime, et avec quelle logorrhée. Du numéro Siret du sombre blog pour lequel elle bosse à sa chirurgie plastique en passant par la fois où elle a acheté une pastèque pourrie, tout y passe. Ouvrir une seule bouteille de vin pour cinq, n’en boire qu’un fond de verre et l’éponger avec un plat épouvantablement
Au retour, une escapade hors-piste s’impose après avoir fait semblant d’aller se coucher. Une parenthèse enchantée dans la ville tranquille de San Anton. C’est au milieu de maisons en forme de parpaings géants que nos désirs deviennent réalité. Un pub se dresse fièrement devant nous, sa terrasse remplie de locaux en tongs nous appelle à entrer. Le pub est, en réalité, un tunnel. Un tunnel qui sent l’Ajax et où l’on fête joyeusement des anniversaires entre deux décorations « Who needs a woman when you can have a beer », adossé à un mur sur lequel Trace TV se diffuse en continu. Un tunnel somme toute très accueillant, où l’on peut surtout s’offrir deux gin to’, une assiette de résidus de poulet à l’huile et une colique, pour seulement 4€. On n’en demandait pas tant. JOUR 2 De mémoire de pique-assiette, je ne compte plus les guest-lists caduques, les faux noms et les +23 qui m’ont permis de me scratcher dans toute sorte d’événements. Si l’on m’avait cependant dit qu’un jour j’irais petitdéjeuner à l’œil sur liste, je ne l’aurais pas cru. Voilà donc une étoile de plus à notre scoutisme mondain. Et, passée l’euphorie de la perspective de traverser
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le lobby en pantoufles estampillées au nom de l’établissement, tout nu dans un peignoir, toujours plus loin dans l’arnaque, c’est une journée pleine d’activités qui nous attend. Valette, toutes ses églises. Three Cities, les villes anciennes et leur traversée en gondole, dirigée par un monsieur dont la pédicure demande de l’aide depuis 1976. La Grotte bleue, majestueuse mais pas tellement bleue. Pas de plongée sous-marine au grand dam de Raoul qui avait ramené son masque. Un charmant périple dans la beauté pittoresque de Malte, en effet, et faut avouer que ça a de la gueule. De retour à l’hôtel, le temps nous manquerait presque pour continuer de se prélasser près de la piscine, oubliant qu’on est là pour une seule et bonne raison : le Summer Daze Festival. On me dit dans l’oreillette que le Premier ministre vient ce soir et peutêtre même la Présidente. Sans conflit d’intérêt aucun, ces gens désirent simplement nous rencontrer autour d’un verre, pendant que Rita Ora gesticulera vêtue d’un slip en latex sur scène, selon les dires d’Emily. On me dit également qu’un type de Fun Radio est dans les parages, ce qui ne peut que nous ravir davantage. Le tableau s’esquisse alors parfaitement bien : Raoul, moi, le gouvernement maltais et un type de Fun Radio sur fond d’EDM et d’open bar. C’est Noël avant l’heure.
adoubant des Dj’s tantôt musicalement bloqués en 2012, tantôt simplement incompétents. On retiendra Dj Vieuxbeau-gominé-mocassins-blancs pour sa performance. Meilleures 40 minutes d’air Djing. La nuit avance et devient peu à peu palpitante : le staff nous promet de finir en backstage. C’est au fil de vives brides de discussions sans intérêt que l’on comprend alors l’essentiel : la RP qui nous a invités est des nôtres, elle n’aime pas non plus l’EDM. En backstage, les verres se transforment vite en pintes de gin to’ et l’équipe de la production nous rejoint. Sont sympas, ces Britanniques. Non seulement on roule à droite à Malte mais on s’y sentirait presque croupir comme dans un pub anglais. Une belle occasion de faire preuve d’un chauvinisme sans faille, de part et d’autre de la Manche. Ça gesticule, ça se chamaille, ça rit aux éclats, demande de la drogue au staff et fait croire à Dj Vieux-beau-gominémocassins-blancs qu’on est de vieux fans. Le Summer Daze Festival se passe bien mieux que prévu.
Bien entendu, aucune de toutes ces personnes n’a manifesté signe de vie. Les shows se sont enchaînés face à une foule tantôt léthargique, tantôt hystérique,
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Martin Garrix vient clôturer cette courte nuit d’ivresse. Ah, Martin. Martin a 22 ans et est mondialement connu pour une daube échouée sur le web alors qu’il n’en avait que 17. Martin est aujourd’hui payé un demi-million les 45 minutes de mix. Laisse pas trainer ton fils. Devant Martin, c’est la folie. Des ados bourrés agitent des drapeaux à son nom alors qu’il est hissé sur une scène, posée sur la scène. Plus près des étoiles, j’imagine. Son passage se termine par des feux d’artifice, des cotillons, des cris, une liesse empaquetée. Ses parents le regardent avec fierté en off, des couples se chopent avec tendresse et Raoul fait des tours d’équilibrisme, sa pinte de gin to’ posée sur la tête, après avoir volé un de ces fameux drapeaux à un couple se chopant avec tendresse. C’est au-delà de mes espérances. Arrachée de peu à l’envie furieuse de partir en after en criant « I am press » à tout-va juste pour continuer de squatter le bar des loges, c’est dans le lobby de l’hôtel, autour de deux clubs sandwichs à 27 balles, que cette première nuit se termine. Ou, plus exactement, dans la piscine fermée au public et seulement
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accessible pas l’issue de secours de celui-ci. J’ai alors réellement le sentiment d’avoir raté ma vie, j’aurai dû faire super star de l’EDM, z’ont du budget les chiens. JOUR 3 Aujourd’hui, c’est quartier semi-libre. On nous transbahute gentiment vers Mdina, puis direction Golden Beach Bay, seul plage de sable de l’île. Le programme est alors assez simple : boire le plus de bières possible tout en communiquant le moins avec le reste des journalistes, tous déjà persuadés de notre alcoolisme depuis maintenant trois jours. J’observe la beauté de Malte par la fenêtre du taxi, on dirait Sarcellesles-Bains. Les éboulements et autres bâtiments abandonnés ne font que renforcer la beauté surannée des bâtisses en pierres jaunes, parfois orangées, et des plaines de cette île méditerranéenne. Les locaux ont le crâne luisant, c’est une population hybride entre Italiens du sud et Roumains endimanchés. On se croirait hors-temps. Il y a plus de parkings ayant servi à des détournements de fonds publics que de Noirs ici, ça a sa poétique. Mais où est donc garé l’Aquarius ? Plage par-ci, piscine par-là, room service et siestes à la chaîne, l’éprouvant voyage de presse touche bientôt à sa fin. Notre ultime nuit se joue au Café del Mar, parce que Malte c’est vraiment l’Ibiza du pauvre.
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Figure de proue des discothèques de station balnéaire, le Café del Mar est un de ces clubs avec piscine où il est interdit de se baigner la nuit, un club avec restaurant où l’on mange sous un BPM à en devenir sourd, un champ d’espaces VIP où feux de Bengale et alcool bon marché rythment la soirée. Un vrai camping le truc. Après une excursion dans la fosse, lui susurrant « cocaïne, kétamine » à l’oreille sans retour, toujours personne n’avoue se droguer dans l’EDM. Ce qu’ils peuvent être chiants ces gens-là. Nos dernières heures à Malte s’échouent alors sur un matelas en PVC, entourés d’ados pré-pubères en quête d’expériences charnelles. S’il faut avouer que le son est plus digeste que la veille, la faune marine qui m’entoure, drapée de lycra et d’escarpins surélevés, me donne cependant des nausées. Les boîtes de nouveaux riches, c’est ma passion. C’est pourtant la tristesse de ces humains parqués entre deux seaux à glaçons qui me claque au visage. Serais-je moi aussi devenue atrocement chiante ? Un ascenseur émotionnel à chaque bon son débutant, se finissant sur un remix à gerber, puis plusieurs canettes de bière dégommées plus tard, il est enfin temps pour nous de rentrer. JOUR 4 Le braquage de l’année se termine. Admiratifs et remplis d’amour pour les organisateurs du voyage à qui l’on vient de coûter plus de 2000€, on part la bouche en cœur et les tympans
en compote, hésitant presque à écrire un article sympa. Ça a du bon la propagande. Constitutif de notre ADN français, on aura passé 4 jours à se plaindre, à ricaner, à prendre des photos ratées et à donner notre avis sur à peu près tout, toujours en français et entourés d’anglophones. Ce n’était vraiment pas mal, du moins très esthétique, ce petit voyage dans le temps et dans les grottes maltaises. Comme pour une fin de colo’, on s’est secrètement promis de rester amis pour la vie avec l’équipe de prod’, on s’est donné rendez-vous l’an prochain et on a même des porte-clefs souvenir pour en témoigner. Espérons cette fois-ci qu’ils nous invitent à un festival de reggae sponsorisé par Erdogan. J’ai toujours rêvé de comprendre ce qu’il se passe dans la tête des babtous en sarouels, pro des bolas, tout en mangeant du houmous. W W W . V I S I T M A LT A . C O M / F R
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E L I S A B E T H G O D E F R O Y @ P _ U S S Y A R C H Y
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On sait qu’au fond, tout le monde a un peu peur du noir. Pour plein de raisons : les films d’horreur avalés pendant votre enfance, l’oncle insomniaque qui se levait en plein milieu de la nuit pour éclater une bouteille de pinard ou les balades solitaires dans les forêts brumeuses de Normandie… Et peut-être Agar Agar, qui livre avec son premier album, The Dog And The Future (Cracki Records), une comptine enchantée par la sombritude électronique, les synthés désabusés et peut-être un petit peu de lumière (quand même) au fond du couloir. En tout cas, nous, on y croit.
À l’apéro, vous buvez quoi ? De tout. Un lieu coupe-gorge à Paris ? Le périph’. À peu près le meilleur endroit de Paris, surtout la nuit. Non. Rome.
L’after, c’est important ? Une ville plus folle que Paris ?
La drogue, c’est mal ? Ça dépend pour qui ! Un.e artiste sur les radars ? Sur nos radars, y’a Dean Blunt, le dernier album de Okay Kaya, Oliver Coates, Visible Cloaks… Un.e artiste assez pourri ? On va quand même pas faire de la pub pour des gens qui puent. Un moyen de gâcher une soirée ? Couper le courant, c’est radical. Tu peux rajouter un petit bonus en chiant dans la pile de vestes que les gens ont posées sur le banc au fond. Un spot vraiment underground ? Le Wonder. Bien.
Le sexe, c’est comment ?
Après une teuf, c’est quoi la solution ? Se bouger le cul, marcher, aller au cinéma. Un truc vraiment chelou ? Les youtubeurs.
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A G E N D A
JEUDI 6 SEPTEMBRE 23h Rex Club 20€ Delighted Speciale 30 Ans: Amelie Lens All Night Long VENDREDI 7 SEPTEMBRE
JEUDI 20 SEPTEMBRE 00h Rex Club 5€ A L’eau 4 Ans: Young Marco, Zaltan, Superlate VENDREDI 21 SEPTEMBRE
23h La Bellevilloise 16€ Free Your Funk: Danny Krivit 23h45 La Rotonde 10€ Club Trax: Kiddy Smile Takeover 00h Bus Palladium Bonbon Party, invits’ sur lebonbon.fr
22h30 La Clairière 25€ La Clairière: Apollonia 23h45 Petit Bain 15€ Opening - Dream Nation Festival 00h Bus Palladium Bonbon Party, invits’ sur lebonbon.fr
SAMEDI 8 SEPTEMBRE
SAMEDI 22 SEPTEMBRE
23h Concrete 15€ Concrete x Yoyaku 23h30 Badaboum 12€ Woo York (live), Argy JEUDI 13 SEPTEMBRE 19h à la folie Gratuit Dylts presents Discocoon VENDREDI 14 SEPTEMBRE 23h CNAP Prix TBA La nouvelle adresse : soirée clubbing 23h30 Djoon 15€ Nightowls: Karizma, Waajeed & John Agesilas 00h Bus Palladium Bonbon Party, invits’ sur lebonbon.fr SAMEDI 15 SEPTEMBRE 23h La Bellevilloise 12€ Mona with Alex From Tokyo, Tvfrom86, Nick V 00h La Machine 18€ La Mamie’s présente Hunee b2b Antal
20h Docks de Paris 45€ Dream Nation Festival 23h T7 29€ Tale Of Us (All Night Long) JEUDI 27 SEPTEMBRE 00h Rex Club 15€ Deviant Discorama: Vitalic (DJ) VENDREDI 28 SEPTEMBRE 23h Concrete 15€ Onur Ozer, Leo Pol (live), Afriqua 00h Bus Palladium Bonbon Party, invits’ sur lebonbon.fr SAMEDI 29 SEPTEMBRE 23h30 Badaboum Prix TBA Dixon All Night Long 00h Rex Club 15€ Lumière Noire
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LA MYTHIQUE FÊTE
DE LA BIÈRE REVIENT !
Ricard SAS au capital de 54 000 000 euros - 4&6 rue Berthelot 13014 Marseille - 303 656 375 RCS Marseille
SWEDISH BY NATURE* É L A B O R É E À PA R T I R D ’ E A U D E S O U R C E P U R E P U I S É E D I R E C T E M E N T E N S U È D E . D E P U I S 1 8 79. *S U É D O I S P A R N A T U R E.
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L’ABUS D’ALCOOL EST DANGEREUX POUR LA SANTÉ, À CONSOMMER AVEC MODÉRATION.