ACCORD
CANADA
-UE Les Français le craignent aussi !
Productions végétales Cultiver la Gaspésie
Porc
Contrer la DEP
Ferme M.G.L. Génération robot
Le Flash réseau est une publication électronique du Coopérateur agricole. Il vous est offert gracieusement une fois la semaine. Vous y trouverez de l’information provenant de tout le réseau La Coop, des nouvelles à caractères économique, politique ou agronomique, d’ici et d’ailleurs sur la planète.
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Dossier En cou v ert u r e
40 Accord Canada-UE
Les Français le craignent aussi.
Cultiver la Gaspésie 32
sommaire
Éditorial – Billets 5 En t r e nous* Denis Richard
JANVIER 2015
9 Pause-pensée* Colette Lebel
Reportages
10 Faits et gestes* Vincent Cloutier
Femme eng agée
28 L’effet bœuf* Bruno Langlois
Chroniques
11
24
Femmes et coopér at ion Une région qui se distingue.
CU M A
6 Mél i-mél o
14 La CUMA Jeannoise
58 Décor at ion
La CUMA qui ristourne.
64 Da ns nos coops
Dossier
Articles techniques 30 Contrer la DEP
Des efforts communs, au profit de tous
16 Sommet international des coopératives
12
30
Productions végétales
L ait
24 Ferme M.G.L. Porc
29 Filière porcine coopérative
mieux protéger
Profession : directeur technique en production porcine
Les éléments nutritifs favorisent une croissance optimale et une meilleure résistance aux maladies.
* For English version, please visit our website at www.lacoop. coop/cooperateur
Le pouvoir d’innover des coopératives
Génération techno, génération robot
38 Mieux fertiliser pour
L’importance de passer à l’acte
12 Québec – Chaudière-Appalaches
4 Quoi de neu f ?
Porc
11 Jacinthe Marquis
P roduct ions v égéta l es
32 Cultiver la Gaspésie
14
44
Une mer de possibilités
44 Canneberges
Le Club environnemental et Technique Atocas Québec au service des producteurs
Coopér at ion
46 De la grande visite
Une délégation néerlandaise en visite dans les installations du réseau La Coop.
Version Web : www.lacoop.coop/cooperateur Version virtuelle : www.lacoop.coop/ cooperateurvirtuel
16
46
QUOI DE Q u o i d e n e u f ?
Nutrinor a misé sur les particularités de la région du Saguenay–Lac-SaintJean pour lancer, le 4 novembre dernier, son nouveau lait nordique biologique. Issu d’une agriculture unique, certifiée nordique et responsable, ce lait porte le sceau de la certification AgroBoreal, qui désigne la spécificité du terroir de la coopérative. Grâce à des conditions géographiques et climatiques nordiques, le Saguenay–Lac-Saint-Jean bénéficie d’un terroir boréal unique et propice à une agriculture typée. Quinze fermes laitières biologiques, membres de Nutrinor, produisent ce tout premier lait nordique biologique. La nouvelle gamme, distribuée partout en province, se compose de 10 produits différents, dont quatre laits nordiques biologiques, un lait nordique biologique au chocolat, une crème à café 10 % et une crème à fouetter à 35 % de matière grasse.
Le Coopérateur agricole est publié neuf fois l’an par La Coop fédérée. Il est l’outil d’information de la coopération agricole québécoise. Éditeur
Jean-François Harel
Directrice et Guylaine Gagnon rédactrice en chef 514 858-2146 (ligne directe) guylaine.gagnon@lacoop.coop Rédacteur et Patrick Dupuis, agronome adjoint à l’édition 514 858-2044 (ligne directe) patrick.dupuis@lacoop.coop Révision de texte
Georges O’Shaughnessy enr.
Ont collaboré à ce numéro David Bessenay, Vincent Cloutier, Hélène Cossette, Étienne Gosselin, Lucie Kablan, Bruno Langlois, Élisabeth Lapointe, Colette Lebel, Nancy Malenfant, Denis Richard, Marquis Roy, Isabelle Saint-Pierre
Conception graphique Service de la création, La Coop fédérée Graphistes : Pierre Cadoret, Michaël Guimond, Suzanne Turcot Webmestre : Ricardo Silva
Deux prix soulignent la qualité de fournisseur d’Olymel Olymel a récemment reçu deux récompenses prestigieuses. D’abord, le titre de Fournisseur Platine 2014, décerné par Sysco Canada, chef de file mondial dans la vente, le marketing et la distribution de produits alimentaires, qui représente notamment plus de 30 % du marché des services alimentaires au Canada. Olymel s’est démarquée parmi un groupe de 90 fournisseurs. Elle l’a emporté dans quatre des principaux critères, soit les meilleures performances pour son niveau de service, sa contribution à la rentabilité, la croissance des volumes et son caractère innovateur. L’entreprise a également raflé le prix Partenaire canadien VIP 2014, attribué par Gordon Food Service (GFS), dans la catégorie Protéines. La rencontre regroupait les partenaires d’affaires de GFS pour l’ensemble de l’Amérique du Nord. Olymel s’est distinguée parmi 85 autres fournisseurs canadiens par ses performances en matière de taux de remplissage, de conformité des prix et de livraison juste à temps, ainsi que par ses outils de soutien technologique en ligne. GFS est la deuxième entreprise de distribution dans le domaine des services alimentaires au Canada.
Convocation à l’assemblée générale de La Coop fédérée Par décision du conseil d’administration de La Coop fédérée, avis est par les présentes donné que la 93e assemblée générale annuelle des sociétaires de La Coop fédérée aura lieu au Centre Sheraton sis au 1201, boulevard RenéLévesque Ouest, Montréal, province de Québec, le 26 février 2015, à 9 heures. Prenez également avis qu’une proposition de modification au règlement numéro 4, concernant l’élection des membres du conseil d’administration de La Coop fédérée sera soumise à l’assemblée. Le secrétaire général, Me Jean-François Harel
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Le Coopérateur agricole | JANVIER 2015
Photographies et illustrations Pierre Cadoret, Bernard Diamant, Étienne Gosselin, Nancy Malenfant Photo de la page couverture : Ingimage, La Coop fédérée Photomontage : Michaël Guimond Impression Interweb Inc. Les photos, illustrations et textes publiés dans Le Coopérateur agricole et sur le site Internet de La Coop fédérée ne peuvent être réutilisés sans autorisation.
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Pierre Grinsell, 450-661-8200 info@relationsmedia.ca
Abonnements
Nadine Kadé : 514-384-6450 poste 3710 nadine.kade@lacoop.coop Coût d’abonnement (taxes incluses) Membres : 8,63 $/année (défrayé par la coopérative locale) Non-membres : 1 an : . . . . 25 $ 3 ans : . . . . . . . . . . . . . . . . . 55 $ 2 ans : . . . . 40 $ À l’étranger – 1 an : . . . . . . 90 $
Correspondance Retourner toute correspondance ne pouvant être livrée au Canada à : Le Coopérateur agricole C.P. 500 Station Youville, Montréal (Québec) H2P 2W2 Téléphone : 514 384-6450 Télécopieur : 514 858-2025 Courriel : coopagri@lacoop.coop Adresse Web : www.lacoop.coop/cooperateur www.lacoop.coop/cooperateurvirtuel Poste-publications, convention n° 40628621 Dépôt légal : Bibliothèque nationale du Québec
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PHOTO : NUTRINOR
La coopérative Nutrinor lance le lait nordique biologique
Volume 44, no 1, janvier 2015
Entre nous
Bonne et heureuse année 2015 !
J’
PHOTO : MARTINE DOYON
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espère que vous avez eu un joyeux temps des Fêtes et su profiter de la présence de vos proches et de la famille pour célébrer un peu et vous changer les idées. Le temps des Fêtes, c’est nécessairement une année qui se termine et une autre qui commence. Malheureusement, l’expression « une de perdue dix de retrouvées » ne s’applique pas au passage des années. À bien y penser, c’est probablement mieux ainsi. Ce passage des années nous rappelle aussi parfois la vie d’autrefois, les traditions qui se perdent et nos souvenirs d’enfance. Moi, cela m’amène également à faire le bilan de l’année écoulée et à anticiper celle qui arrive. Rassurez-vous, je ne vais pas vous faire partager mes réflexions personnelles, mais je le ferai pour ce qui touche à La Coop fédérée. L’année 2014 en a encore été une d’intenses activités à La Coop fédérée. Sur le plan institu tionnel, La Coop fédérée et l’Union des producteurs agricoles étaient les deux organisations agréées pour l’organisation des activités de l’Année internationale de la ferme familiale. C’est dans ce contexte que nous avons participé, au printemps dernier, au Dialogue continental sur l’agriculture familiale afin de formuler des recommandations à l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (la FAO) sur cette question. Cette réunion, tenue à Québec, réunissait des organisations agricoles du Mexique, des États-Unis et du Canada. Nous y avons notamment réitéré l’importance de procurer à nos entreprises agricoles un environnement d’affaires et des politiques agricoles leur permettant de maximiser leur productivité et d’assurer leur pérennité. Dans la même optique, La Coop fédérée était présente au deuxième Sommet international des coopératives qui s’est aussi tenu à Québec, au mois d’octobre dernier, et qui a réuni près de 3000 coopérateurs du monde entier.
L’évènement a encore une fois été un succès. Outre le lancement de l’Agence de notation Momagri – à laquelle nous sommes associés et qui se veut une référence en matière d’information sur les marchés et les politiques agricoles –, cette manifestation a été pour La Coop fédérée une tribune qui lui a permis de réitérer l’importance des politiques de stabilisation du revenu des producteurs agricoles afin d’assurer la sécurité alimentaire des pays. Nous sommes trop souvent portés à tenir pour acquis l’assentiment général de la population quant à nos politiques de stabilisation du revenu que sont l’ASRA et la gestion de l’offre. Or, le récent rapport de la commission Robillard et les sorties de plus en plus fréquentes de commentateurs de tout genre nous démontrent au contraire la nécessité pour La Coop fédérée d’appuyer l’UPA dans sa défense des outils de stabilisation de nos revenus. L’autre élément marquant de ce sommet, qui réunissait les plus grandes coopératives agricoles du monde, c’est l’amorce d’une prise de conscience pour ces dernières de la nécessité d’une intercoopé ration plus poussée pour pouvoir affronter avec succès, sur le plan international, l’accroissement de la taille de nos concurrents. Si cela est vrai pour des acteurs de taille mondiale, cela devrait également nourrir notre réflexion au niveau régional. Sur le plan de l’exploitation, La Coop fédérée a été très active là aussi. Nos résultats seront divulgués lors de notre prochaine assemblée générale annuelle, mais comme nous sommes entre nous (!), je peux vous informer que même si ceux-ci sont satisfaisants dans le contexte, la prudence financière sera de mise au cours des prochaines années afin de permettre l’intégration de nos récentes acquisitions. Du point de vue de la ferme, on ne peut malheu reusement prédire ce que nous réserve l’année 2015, les marchés agricoles étant par nature impré visibles. Mais si la tendance se maintient, l’année à venir ne devrait pas être pire que celle qui vient de se terminer. Du moins, c’est ce que je nous souhaite !
Denis Richard Président, La Coop fédérée denis.richard@lacoop.coop
JANVIER 2015 | Le Coopérateur agricole
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Méli-mélo
88 % Du pétrole moins cher pour doper la croissance Des serres à Yellowknife Inuvik, à Yellowknife, a lancé un projet fantastique et surprenant. En 1998, la collectivité a transformé en serre un vieil aréna dans le but d’offrir aux citoyens la possibilité de faire pousser des légumes et des fruits, dans une région où les produits frais sont peu disponibles et très chers. Unique en son genre, ce jardin communautaire de 74 parcelles connaît un franc succès et on y cultive même des pastèques! inuvikgreenhouse. com (Le Devoir)
Une diminution de 40 $ du prix du baril de pétrole pourrait relancer la croissance mondiale. En effet, cela représente quelque 1,3 billion $ (1300 milliards $), qui passeraient des mains des producteurs de pétrole aux poches des consommateurs. L’automobiliste américain moyen dépense environ 3000 $ par année à la pompe. La diminution du prix du baril de pétrole pourrait le soulager d’environ 800 $ par année, l’équivalent d’une augmentation de salaire de 2 %. (The Economist)
Proportion des océans dont la surface est polluée par des microfragments de plastique, selon une étude espagnole publiée en 2014 dans le journal de l’Académie nationale des sciences des États-Unis. (Forces)
Santé, la noix de coco ? La Food and Drug Administration (FDA) des ÉtatsUnis a statué que non. La FDA impose en effet des règles très strictes pour qu’un ingrédient puisse être qualifié d’aliment santé. Parmi ces règles, l’aliment en question doit contenir un maximum d’un gramme de gras par portion. Or une tasse de chair de noix de coco contient 24 g de gras saturés. Avis à tous ceux et celles qui surveillent leur taux de cholestérol ! http://bit.ly/1uRZK7V (Food Navigator)
Les machines agricoles et l’agriculture durable doivent évoluer de pair Les machines agricoles ont révolutionné l’agriculture et rendu moins pénible le travail de millions de familles paysannes et d’ouvriers agricoles, mais les machines du futur devront aller plus loin : il leur faudra aussi être en harmonie avec une agriculture durable et respectueuse de l’environnement. Un nouvel ouvrage de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) intitulé Stratégie de mécanisation agricole (http://bit.ly/1Bwl2uo) examine la progression inexorable de la mécanisation de l’agriculture, puis en tire des enseignements à l’intention des décideurs et des économistes en se fondant sur l’expérience de ceux qui ont su en tirer parti, mais aussi des régions qui ont pris du retard. (FAO)
À quoi ressemble le Québec rural ? On y pratique l’agriculture, on assiste à l’exode des jeunes, le chômage y est plus élevé. Vraiment ? Environ le quart de la population québécoise vit en milieu rural. Des experts ont récemment déboulonné un certain nombre de mythes. Lawrence Desrosiers, professeur associé à l’Université du Québec à Rimouski, fait notamment exploser à l’aide de statistiques un grand nombre de conceptions erronées sur le milieu rural. Les campagnes se vident ? Non, selon l’Enquête nationale auprès des ménages de 2011, de Statistique Canada. La population rurale est passée de 1 789 280 personnes en 1981 à 2 056 485 en 2011. Les campagnes sont fortement peuplées de personnes âgées ? Pas beaucoup plus qu’en ville, disent les statistiques recueillies par Lawrence Desrosiers : les personnes de 65 ans et plus composent 16,5 % de la population rurale et 15,7 % de celle des villes. En régions éloignées, les gens travaillent 10 semaines par année et touchent des prestations d’assurance-emploi le reste du temps ? Faux. Toujours selon les chiffres de Statistique Canada, les habitants du Québec rural ont travaillé en moyenne 44,1 semaines en 2010, contre 44,9 dans le Québec urbain. Milieu rural égale agriculture ? De moins en moins, selon les chiffres de Lawrence Desrosiers. Le secteur primaire (agriculture, foresterie, pêche, mines) ne représentait que 7,7 % des emplois en milieu rural en 2011. (Radio-Canada)
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Le Coopérateur agricole | JANVIER 2015
Crue, la carotte Pour certaines personnes, le crudivorisme (manger cru) est la façon de s’alimenter pour être en bonne santé, étant donné que la cuisson détruit une bonne partie des enzymes contenus dans les aliments. Mais selon le Centre de référence sur l’alimentation de l’Université de Montréal, les enzymes dans la nourriture ne sont pas indispensables à la digestion, les organes digestifs sécrétant toutes les enzymes nécessaires à ce processus. Un bon côté de l’alimentation vivante, c’est qu’elle comporte un apport considérable en antioxydants, en raison d’une forte consommation de graines, de noix ainsi que de fruits et légumes frais. (L’Itinéraire)
Le meilleur vin du monde Les gouttes de Dieu est une série télévisée et un manga japonais sur le monde du vin. Il a désigné l’Émilien 2003 du Château Le Puy comme le meilleur vin du monde (parmi quelque 30 000 vins en compétition). Depuis plus de 400 ans, la famille de Jean-Pierre Amoreau, vigneron dans le Bordelais, est propriétaire du vignoble Château Le Puy. Pour vous mettre l’eau à la bouche : www.chateaule-puy.com (Radio-Canada.ca)
Pourquoi choisit-on la malbouffe ? Ce que l’on choisit de manger n’est pas seulement une affaire de goût, conclut une nouvelle étude de l’Université McGill. En consultant un menu au restaurant ou en scrutant les étalages du supermarché, notre cerveau prend surtout ses décisions en fonction du contenu calorique des aliments, qu’il reconnaît implicitement. Les participants à cette étude devaient classer les photos d’aliments qui leur étaient présentées en ordre de préférence et estimer le nombre de calories contenues dans chacun. Leur activité cérébrale était ensuite mesurée pendant qu’ils faisaient des mises pour pouvoir les consommer. À la surprise des chercheurs, la capacité des cobayes à évaluer correctement la valeur calorique était faible, et leur préférence allait systématiquement aux aliments les plus riches en calories! Publiée dans la revue Psychological Science, l’étude visait à comprendre les raisons qui motivent les choix alimentaires dans le but d’aider à maîtriser les facteurs menant à l’obésité, une condition qui touche un adulte sur quatre et un enfant sur 10 au Canada. http://bit.ly/1wr9TqR (Université McGill)
L’irrigation par téléphone pourrait changer l’agriculture Arroser son champ à distance au moyen d’un téléphone portable : l’invention du Nigérien Abdou Maman pourrait bien bouleverser l’agriculture dans son pays, où l’accès à l’eau est un combat quotidien. Elle permettra aux cultivateurs de ce pays, qui forment 87 % de la population, d’activer l’arrosage de leurs cultures en leur absence grâce à un simple appel téléphonique. Ils pourront ainsi s’adonner à d’autres activités que l’arrosage – un gain de temps inestimable qui peut changer la vie des agriculteurs de ce pays, l’un des plus pauvres du monde. Fini les heures passées à arroser les champs manuellement : désormais, agriculteurs et maraîchers pourront s’occuper de leur bétail, défricher de nouvelles parcelles ou se rendre dans les villages voisins pour commercialiser leurs produits. L’idée d’Abdou Maman repose sur deux éléments essentiels : le soleil, ressource inépuisable dans ce pays, pour alimenter le moteur de la pompe; et le téléphone, dont le taux de pénétration en Afrique a explosé en 10 ans pour atteindre près de 80 %. Pour environ 45 ¢ (le prix d’un appel), le cultivateur peut déclencher l’irrigation, programmée pour une durée définie, et même consulter la météo dans sa zone, pour décider si l’arrosage est pertinent ou non. Mais la téléirrigation coûte cher : pas loin de 6000 $ pour un ensemble (panneaux solaires, pompe, moyens d’irrigation), soit une petite fortune pour des paysans pauvres. Pour développer son affaire, Abdou Maman parcourt les forums internationaux afin de trouver des partenaires qui voudront bien accorder des microcrédits à ses futurs clients. (Canoe.ca) http ://goo.gl/FP5cAk
JANVIER 2015 | Le Coopérateur agricole
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2015 s’annonce rentable pour la production porcine Est-ce que l’embellie que connaît actuellement le secteur porcin va se poursuivre en 2015 ? Oui, selon les prévisions du Daily Livestock Report (DLR). Le DLR entrevoit des marges plus faibles qu’en 2014, mais ce devrait quand même être la quatrième meilleure année dans l’histoire des producteurs de porcs aux États-Unis. Les marges rentables ne proviendront pas d’une hausse du prix des carcasses. Au contraire, les contrats à terme du porc indiquent que les prix devraient être plus faibles en 2015, avec une baisse anticipée de 18 % par rapport à cette année. La reprise de la production américaine, qui semble se remettre de la DEP, contribuera à créer une pression à la baisse sur le prix. C’est plutôt la réduction des coûts d’alimentation qui va donner un bon coup de pouce. Les coûts de production devraient être à leur plus faible niveau depuis cinq ans. (Affaires économiques – La Coop fédérée)
L’Île-du-Prince-Édouard, là où l’agriculture est reine ! Elle y est en effet la principale activité économique, devant le tourisme et les pêcheries. Selon les données de la Fédération de l’agriculture de cette province, on y dénombre 1400 fermes et 250 000 ha en culture, sur un total (pour toute l’Île) de 567 000 ha. La province ne compte que 145 000 habitants, dont 5150 travaillent dans une exploitation. Les revenus à la ferme s’élèvent à 500 millions $. La pomme de terre est, de loin, la principale culture. Environ 250 producteurs se partagent 36 000 ha et en tirent un revenu total de 245 millions $. Le lait est la deuxième production, avec 180 fermes et des revenus de 76 millions $. Viennent ensuite, en importance, les productions de grains, de bœufs, de porc, de fruits et d’œufs.
Comment améliorer L’impression 3-D jusque dans l’assiette ! les menus pour enfants Imprimer une pizza comestible est maintenant possible avec la Foodini ! Créée par l’entreprise espagnole Natural Machines, cette imprimante 3D « imprime » des aliments sucrés ou salés à partir d’ingrédients frais préalablement mis en capsules par leurs utilisateurs. Selon ses créateurs, cet appareil ménager nouveau genre permet de maîtriser certaines techniques culinaires qui demandent du temps ou du doigté, comme fabriquer des moules en chocolat, façonner des biscuits aux formes complexes ou farcir des pâtes alimentaires. Branché à internet, l’appareil dispose d’un écran de contrôle qui permet de sélectionner la recette à réaliser. Conçu pour une utilisation domestique ou professionnelle, il n’est guère plus gros qu’un four à micro-ondes. (Food & Wine)
Les téléphones intelligents, de véritables super ordinateurs Le téléphone intelligent que vous tenez entre vos mains vous donne accès à plus d’information que le président américain Bill Clinton avait accès lors de son mandat (1993-2001). En 1992, un ordinateur doté d’un million de transistors coûtait 222 $. Aujourd’hui, la même quantité de transistors ne coûte que 6 cents. D’ici les cinq prochaines années, 80 % des adultes sur la planète posséderont un téléphone intelligent. On estime que, d’ici 2020, quelque sept milliards de personnes auront accès à une connexion internet de 1 Mo/sec. Comment l’ajout de 3 à 5 milliards de nouvelles personnes connectées à Internet modifiera-t-il le monde, que voudront-elles consommer, qu’inventeront-elles, quels défis vont-elles relever grâce notamment à l’impression 3D, à l’intelligence artificielle ou encore à la biologie synthétique ? (PeterDiamandis.com)
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Le Coopérateur agricole | JANVIER 2015
Quand un restaurant offre un menu particulièrement conçu pour les enfants, les choix qui s’offrent à eux sont souvent les mêmes : croquettes de poulet, hamburgers ou pâtes aux tomates. Or, pour la psycho sociologue de l’alimentation Marie Watiez, aller au restaurant devrait permettre à l’enfant d’entrer en contact avec des saveurs autres que le gras, le sucré et le salé. Fervente d’éducation alimentaire, elle prône la familiarisation avec des goûts plus subtils, comme l’acide, le piquant ou l’amertume. « Le restaurant peut amener les enfants aussi à découvrir comment associer un aliment qu’ils connaissent, une pomme de terre, une carotte, à une autre saveur. Ça peut être intéressant qu’ils découvrent quelques épices, quelques fines herbes qu’on n’utilise pas à la maison », propose-t-elle. (Radio-Canada.ca)
Café chinois La mention « Produit en Chine » se retrouve rarement sur le café vendu ici. La Chine est cependant un joueur à surveiller de près dans ce marché. L’an dernier, elle a produit plus d’un million de sacs de café (de 60 kilos chacun), comparativement à seulement 104 000 en 1998. C’est encore très peu comparé au Guatemala par exemple, qui en a produit 4 millions sur un territoire lilliputien par rapport à celui de la Chine. Mais cette croissance coïncide aussi avec une baisse de 12 % dans la production mondiale des fèves arabica, ce qui pourrait aider la Chine à gagner du terrain. (Food & Wine)
Pau s e - p e n s é e
Réduire ses coûts en coopérant davantage
C
PHOTO : MARTINE DOYON
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écile Le Corroller, docteure en économie et chercheuse associée au Centre de recherche en économie et management (France), s’est penchée sur le potentiel d’innovation des grandes entreprises coopératives. J’ai bien aimé son angle d’approche. Elle avance que les coopératives, en raison de leur nature distinctive, sont en excellente position pour innover dans leurs pratiques commerciales. Et elle croit qu’il y a un potentiel d’économies fort intéressant qui découle directement des particularités coopératives. Son argumentation repose sur les coûts de transaction et les coûts de délégation. Commençons par les premiers. En économie, on appelle coûts de transaction ceux qui s’ajoutent aux coûts d’achat ou de vente. Ils incluent, par exemple, la recherche d’information, le démarchage, le temps passé à négocier, les actes juridiques, etc. On comprendra que ces coûts ne s’expriment pas toujours finan cièrement. Ils sont donc difficiles à quantifier, quoique bien réels. De façon classique, on réduit les coûts de transaction par la croissance, en générant des économies d’échelle. Or, remarque Le Corroller, les possibilités de réduire ces coûts sont bien plus grandes pour les coopératives que pour les entreprises à capital-actions. Bien sûr. Dans une coopérative, les administrateurs sont eux-mêmes des usagers et les usagers sont eux-mêmes les propriétaires. En toute logique, il devrait en coûter pas mal moins pour « connaître son client ». Ensuite, le contrat de membre, en assurant une relation de long terme, devrait permettre à la coopérative d’alléger ses coûts de publicité et de démarchage. De plus, la création d’alliances devrait se faire plus facilement lorsque les deux parties sont coopératives : comme elles partagent a priori les mêmes valeurs et les mêmes façons de fonctionner, les préliminaires devraient être plus rapides. (On a d’ailleurs pu le vérifier lorsque La Coop fédérée et IFFCO
ont conclu leur partenariat.) Voilà donc autant de pistes de réduction des coûts de transaction dans les coopératives. Et il y en a aussi pour le membre : s’il fait confiance à sa coopérative, il peut lui être fidèle dans une relation de long terme et gagner ainsi le temps précieux qu’il devrait passer autrement à vérifier où est la meilleure offre du jour et à s’engager chaque fois dans une nouvelle relation d’affaires. On n’y pense pas toujours, mais il y a des coûts cachés dans un changement de fournisseur. Voilà donc pour les coûts de transaction. Le Corroller examine aussi les coûts de délégation, ceux qui sont engendrés par la multiplication des acteurs qui, dans l’entreprise, ont des intérêts divergents (actionnaires, clients, gestionnaires et employés). Les coûts de délégation incluent par exemple les coûts de surveillance visant à limiter les comportements opportunistes ou encore les coûts assumés pour stimuler la motivation des troupes. Ici encore, il est permis de penser que la nature coopérative a ses avantages. D’abord, il y a moins d’acteurs : les clients et les propriétaires sont les mêmes. Ils ont les mêmes intérêts. De plus, la vie associative, en raison des liens affectifs qu’elle nourrit, et l’éducation coopérative, qui stimule le développement personnel et promeut une éthique organisationnelle, devraient limiter les compor tements opportunistes au sein de l’entreprise. Enfin, on peut penser que le caractère social de l’entreprise coopérative contribue à la motivation des employés, qui y trouvent sans doute une meilleure réponse à leur quête de sens au travail. On parle souvent du coût élevé de la démo cratie dans les coopératives. Soit. Mais jouons-nous à fond la carte coopérative ? Il faut savoir tirer profit de ses particularités. Car, observe Le Corroller, la croissance indifférenciée dans une coopérative présente de grands risques : baisse de la participation des membres, lesquels se comportent de plus en plus comme de simples clients, et tensions grandissantes entre les activités commerciales et celles se rapportant à la mission de la coopérative. « Soit les grandes coopératives innovent, soit elles perdent leur âme », écrit-elle dans un constat sans équivoque. Colette Lebel, agronome Directrice des affaires coopératives La Coop fédérée Courriel : colette.lebel@lacoop.coop Télécopieur : 514 850-2567
JANVIER 2015 | Le Coopérateur agricole
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Fa i t s e t g e s t e s
Par Vincent Cloutier, agronome, MBA
Économiste principal La Coop fédérée
Le banc des accusés
vincent.cloutier@lacoop.coop
L’agriculture se retrouve plus souvent qu’à son tour au banc des accusés. Entre autres motifs au cours des derniers mois : l’utilisation d’une nouvelle génération de produits utilisés dans la lutte contre les ravageurs des cultures, les néonicotinoïdes.
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roducteurs de maïs, soya, canola, pommes de terre : les utilisateurs des néonics sont nombreux partout en Amérique du Nord. Employés le plus souvent comme traitement de semences, ils constituent une avancée technologique impor tante, remplaçant des produits à diffusion foliaire susceptibles d’avoir de plus grands impacts environnementaux. L’effet des ravageurs sur les cultures peut être dévastateur. Ainsi, l’utilisation d’une technologie performante peut faire la différence
PHOTO : PIERRE CADORET
Les technologies adoptées par les agriculteurs ont de tout temps constitué la réponse prioritaire à la dure réalité de l’économie de marché. entre un bénéfice financier et une perte. Lorsque ladite technologie procure des gains sur le plan environnemental, étant appliquée de façon très circonscrite, on se retrouve dans la zone gagnantgagnant. Malgré tout, différents groupes de pression ont consacré des efforts colossaux au cours des derniers mois pour positionner les néonics comme principale cause de mortalité des abeilles – sinon la seule, à en entendre certains. Bien que cellesci se portent particulièrement bien dans l’ouest du pays, où est produit 85 % du miel canadien et où les champs de canola traités aux néonics sont légion, leurs détracteurs n’en démordent pas. Dans un rapport tout chaud, Santé Canada rappelle, comme bien des scientifiques l’ont déjà
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Le Coopérateur agricole | JANVIER 2015
dit, que la santé des pollinisateurs est un enjeu complexe, puisqu’une multitude de causes sont impliquées : conditions météorologiques, disponibilité de nourriture, gestion des ruchers, parasites, pesticides, etc. Peu importe, en Ontario, la pression médiatique est devenue telle que le gouvernement a lancé un processus de consultation sur l’utilisation des néonics en agriculture. Des apiculteurs ontariens ont même intenté une poursuite contre des fabricants et distributeurs de néonics. Cette initiative est loin de faire l’unanimité dans le monde apicole. Le plus grand regroupement provincial d’apiculteurs du Canada, l’Alberta Beekeepers Commission, s’est ouvertement dissocié de cette poursuite. À son avis, l’interdiction des néonics constituerait un recul, en réintroduisant l’utilisation de produits potentiellement plus nuisibles aux pollinisateurs. Le Conseil canadien du miel s’est exprimé dans le même sens. Serait-il possible d’utiliser les néonics de façon encore plus circonscrite ? De limiter encore davantage leurs effets sur l’environnement ? Sans doute. L’avancement des connaissances en matière de lutte contre les ravageurs permettra une utilisation encore plus judicieuse. Entretemps, et dans un processus d’amélioration continue, les membres du réseau La Coop ont accès à un vaste choix de semences, traitées ou non, et bénéficient d’un accompagnement professionnel de premier ordre. Robots de traite, conduite guidée par GPS, OGM, néonics : les technologies adoptées par les agriculteurs ont de tout temps constitué la réponse prioritaire à la dure réalité de l’économie de marché. Les marges ayant une fâcheuse et inévitable tendance à se resserrer dans le temps (concurrence oblige), l’innovation est essentielle. En visant une utilisation toujours plus judicieuse des nouvelles technologies, tous en sortiront gagnants. Dans la mesure où le discours ambiant demeure rigoureux et factuel.
Fe m m e e n g ag é e
Par Hélène Cossette
L’importance de passer à l’acte
PHOTO : ANNIE GAGNÉ
Jacinthe Marquis se réjouit de voir de plus en plus de femmes au sein des conseils d’administration. « C’est par ce genre d’engagement qu’on se fait reconnaître et qu’on prend notre place », estime la comptable agréée.
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our être considéré d’égal à égal, revendiquer ne suffit pas. « Il faut passer à l’acte ! » plaide cette dynamique jeune professionnelle qui a franchi ce pas en s’impliquant comme administratrice du Magasin Coop St‑Gédéon depuis 2012 et comme membre du comité organisateur du prestigieux Gala de l’entreprise beauceronne de la Chambre de commerce de Saint-Georges depuis maintenant quatre ans. Quelles que soient ses compétences et son expérience, une personne engagée peut apporter une réelle contribution, croit-elle. « Même si l’on n’a pas toujours l’impression d’apporter beaucoup, c’est important pour une organisation de pouvoir compter sur une vision externe. L’apport de nouvelles idées et de suggestions, ça fait partie de notre rôle au C.A. ! » Diplômée de l’UQAR en 2007, Jacinthe Marquis a travaillé pendant trois ans dans une entreprise de Lévis avant de revenir dans sa Beauce natale. Associée dans un cabinet comptable de Saint-Georges
depuis 2010, elle assistait régulièrement aux assemblées annuelles de sa coopérative lorsque la présidente du conseil de l’époque, Isabelle Lachance, l’a pressentie. Cette dernière, avec qui elle a d’ailleurs étudié au primaire et au secondaire, voyait en elle une relève potentielle, mais entrevoyait aussi une belle occasion d’augmenter la présence des moins de 40 ans au conseil. « Je n’ai pas beaucoup hésité, raconte-t-elle. C’était une nouvelle expérience qui m’intéressait en raison de ma profession. Mais j’avais aussi à cœur de m’impliquer afin de préserver un service alimentaire à Saint-Gédéon. » Aujourd’hui, Jacinthe Marquis se dit heureuse de pouvoir mettre son expertise en analyse financière au service de sa coopérative. « Je me sens utile », confie la dirigeante, qui a notamment conçu un tableau de bord avec des indicateurs de performance pour aider ses collègues à suivre l’évolution de l’entreprise de période en période. En plus de le tenir à jour et de repérer les écarts en vue des réunions du conseil, elle rédige les nouvelles du Magasin Coop destinées au journal mensuel local.
Un service essentiel
Célébrant son 70e anniversaire cette année, cette coopérative, qui était agricole au départ, a vécu plusieurs bouleversements au cours de son existence. Active dans le secteur de l’alimentation à partir de 1975, elle a vendu sa meunerie en 1994 pour ne garder que sa quincaillerie et son épicerie. Plus récemment, en 2013, cette dernière a changé d’enseigne pour mieux se tirer d’affaires dans un contexte économique difficile. « L’enseigne Tradition est plus adaptée à une épicerie de quartier comme la nôtre », explique l’administratrice, qui a participé de très près à cette importante transition pour l’avenir de la coopérative. Même si elle travaille à Saint-Georges et réside maintenant avec son conjoint dans la municipalité voisine de Saint-Martin, la coopératrice reste fidèle au Magasin Coop St-Gédéon, qu’elle considère comme un service essentiel. « C’est important que les gens soient conscientisés. On a l’impression que c’est un acquis, mais le jour où une petite municipalité perd une de ses institutions, comme son épicerie, son école ou son église, c’est le déclin qui commence », prévient-elle. Générant un chiffre d’affaires de plus de 6 M $, la coopérative fait vivre une quarantaine de familles, ajoute-t-elle. « Elle offre un service personnalisé et très apprécié, parce que tout le monde se connaît. On n’a pas cette proximité et cette approche quand on va dans les grandes surfaces. »
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F e m m e s e t c o o p é r at i o n
Femmes et coopération
Québec–Chaudière-Appalaches : une région qui se distingue Pas moins de 18 % des participantes à la journée Femmes et coopération du 3 septembre dernier, organisée par le comité des coopératrices de Québec–Chaudière-Appalaches, ont déclaré : « Cette journée me permet d’envisager que je pourrais un jour souhaiter siéger au conseil d’administration de ma coopérative. »
PHOTOS : LA COOP UNICOOP
Par Isabelle Saint-Pierre, M. Sc.
Consultante aux affaires coopératives La Coop fédérée
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our Colette Lebel, directrice des affaires coopératives à La Coop fédérée, ce résultat est fort prometteur : « C’est presque une sur cinq ! C’est fantastique, étant donné que les journées Femmes et coopération visent avant tout à créer un plus grand sentiment d’appartenance à la coopérative, en renforçant le réseau des femmes. Moi, ça m’indique que ces rencontres facilitent l’intégration des femmes et qu’on peut s’attendre à ce qu’elles prennent bientôt une plus grande participation au sein de leur coopérative. On peut s’en réjouir ! »
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Une évolution marquante Depuis 2011, les coopératives Unicoop et Seigneurie organisent conjointement des journées à l’intention des femmes de leur territoire. Alors que 40 femmes s’étaient réunies en 2011, 120 coopé ratrices étaient présentes au rendez-vous de l’automne dernier. Une augmentation de 200 %. Au programme en 2014 : visites professionnelles à l’île d’Orléans (Confiturerie Tigidou et Vinaigrerie Cass’Isle d’Orléans), dîner et conférence de MarieRose Blais à l’auberge-restaurant La Grange et, finalement, arrêt gourmand à la Chocolaterie de l’île d’Orléans. Nouveauté cette année, le transport en autocar de luxe. Pour 28 femmes, le coup de cœur de la journée fut la conférence de Marie-Rose Blais, bénévole aux Jeux olympiques de Sotchi et employée au Centre-Femmes de Bellechasse. Après avoir travaillé près de 10 ans dans la ferme
porcine familiale, Marie-Rose retrouve sa mère biologique, qui habite à Chicago. D’enfant unique, elle devient membre d’une famille de cinq frères et sœurs. C’est le point de départ d’un important virage dans sa vie. La trame principale de sa conférence : croyez en vos rêves et soyez persévérante, malgré la peur qui peut vous habiter. Afin de se préparer à la conférence, les femmes ont été invitées à échanger à partir de ces deux questions : as-tu le goût de nous faire part d’un rêve que tu as réalisé ou que tu aimerais réaliser ? Comment gères-tu les imprévus et les obstacles ? La compilation des évaluations de la journée permet d’affirmer que les activités prévues au programme furent grandement appréciées par la très grande majorité des participantes. Pour Jacynthe Boutin, responsable des affaires institutionnelles à Unicoop et coordonnatrice des journées Femmes et coopération, ces résultats sont une grande source de motivation. « Chaque année, le comité des coopératrices de Québec–ChaudièreAppalaches se réunit pour orienter le programme de la journée, dit-elle. Notre plus grande préoccupation est de maintenir un équilibre entre une journée agréable et enrichissante et une journée qui contribue au développement professionnel des femmes. Mais au-delà des statistiques, ce qui me fait le plus chaud au cœur, c’est quand ces femmes qui travaillent dans l’ombre viennent, les yeux dans l’eau, nous remercier d’avoir pensé à elles. » Il n’y a pas que la hausse de la participation qui soit marquante dans cette région. Les organisatrices constatent aussi l’évolution du réseau des femmes. « Lors des premières éditions, on observait que les femmes avaient besoin de se connaître entre membres de la même coopérative, dit Angèle Nadeau, membre du comité des coopératrices de Québec–Chaudière-Appalaches et administratrice à La Coop Seigneurie. Les femmes de la Seigneurie souhaitaient échanger entre elles, tout comme celles d’Unicoop. Mais l’an passé, à la suite d’une activité de réseautage, elles nous ont clairement affirmé qu’elles souhaitaient aller à la rencontre de femmes d’autres coopératives. C’est un beau signe que notre réseau évolue, et on en est bien fières. »
Réunir les conditions gagnantes Plusieurs facteurs contribuent au succès des journées consacrées aux coopératrices de ce groupe. Tout d’abord, lorsque le mode d’invi tation a pris la forme d’une carte postale, le taux de participation a doublé. Une idée empruntée aux coopératives de la Montérégie.
Ensuite, la fine connaissance des coopératrices de la région par les membres du comité a permis de proposer des programmes d’activité qui respectent les centres d’intérêt, l’évolution du réseau et les objectifs des journées Femmes et coopération. Mentionnons également la contribution financière, partagée entre commanditaires, coopératives et coopératrices. Ce partage des coûts permet de réunir les sommes nécessaires à l’organisation d’une journée de haute qualité.
« Croyez en vos rêves et soyez persévérante, malgré la peur qui peut vous habiter. » – Marie-Rose Blais Sur le plan de l’organisation, le travail du comité est sans conteste une condition de succès, tout comme la contribution des employées. Dans cette région, le comité se compose de huit femmes, qui ont manifesté leur intérêt lors d’un sondage. « Ce qui nous caractérise comme groupe, c’est que nous sommes des femmes proactives, souligne Diane Montminy, membre du comité et administratrice à La Coop Unicoop. On a du plaisir à travailler ensemble et, surtout, on a vraiment à cœur le succès de nos journées. » Enfin, quand la coordination de la journée est assurée par une personne qui comprend bien les objectifs et qui croit à la pertinence et aux retombées de ces rendez-vous, c’est vraiment un plus. Et lorsque cette dernière a l’appui de la haute direction, comme c’est le cas dans la région, c’est encore mieux ! Il faut rappeler que les journées Femmes et coopération s’inscrivent dans le cadre du Plan d’action pour une meilleure représentation des femmes au sein du réseau coopératif agricole. Depuis 2010, ces journées sont organisées régionalement, avec le soutien de La Coop fédérée. Bon an, mal an, ce sont entre sept et neuf activités qui sont programmées. Ces dernières réunissent entre 20 et 28 coopératives et contribuent annuellement au développement professionnel de plus de 450 femmes. Par ailleurs, c’était la première fois qu’une journée Femmes et coopé ration accueillait 120 coopératrices, ce qui méritait d’être souligné.
Des visites professionnelles ont été organisées à l’île d’Orléans à la Confiturerie Tigidou et à la Vinaigrerie Cass’Isle d’Orléans.
Les visites ont été suivies d’un dîner et d’une conférence de Marie‑Rose Blais à l’auberge-restaurant La Grange ainsi que par un arrêt gourmand à la Chocolaterie de l’île d’Orléans.
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CUMA
La CUMA qui ristourne Texte et photos de Nancy Malenfant Conseillère aux affaires coopératives La Coop fédérée nancy.malenfant@lacoop.coop
Hors de question de gérer serré à la Coopérative d’utilisation de matériel agricole jeannoise. Celle-ci fait un profit raisonnable et les membres paient un juste prix pour la location des machines : le meilleur des deux mondes, quoi !
Le logo de la CUMA jeannoise, une image qui exprime bien l’esprit de collaboration entre ses membres.
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L
es coopératives d’utilisation de matériel agricole (CUMA) regroupent des agriculteurs souhaitant utiliser en commun des équipements au moindre coût possible. Lorsqu’il y a des surplus en fin d’année, il est d’usage de réajuster le coût des services plutôt que de verser des ristournes. Or, la CUMA jeannoise a choisi de faire les deux. « Nous ristournons toujours aux membres le maximum permis par la Loi sur les coopératives, soit jusqu’à 80 % des excédents », précise le président, Nick Bernard. Par ailleurs, si la coopérative vend une machine sans la remplacer, le gain sur la vente est ristourné à l’ensemble des 40 entreprises agricoles membres, après qu’on a remboursé les
BON COUP
20 % du coût d’achat aux producteurs qui faisaient partie de la branche d’activité. L’an dernier, par exemple, la dissolution d’une branche s’est soldée par un gain considérable provenant de la machinerie vendue. « Nous avons calculé qu’avec cette somme, la ristourne remboursait environ 40 % des frais d’utilisation que les producteurs avaient payés dans l’année », dit Nick Bernard. De nombreuses CUMA retournent l’argent uniquement aux utilisateurs de la machine vendue plutôt qu’à la totalité des producteurs membres. Selon l’ancien président et membre fondateur Jean Lavoie, cette pratique n’encouragerait pas l’esprit coopératif, car elle incite indirectement les agriculteurs à liquider une branche d’activité plutôt qu’à renouveler le matériel. « L’équipement appartient à la coopérative, et lorsqu’on dissout une branche d’activité, la valeur nette de la machinerie doit revenir à la CUMA, insiste-t-il. Tout ce que les utilisateurs ont payé, ce sont des frais de location. Le matériel ne leur appartient pas. »
Un responsable salarié Chacune des sept branches d’activité de la CUMA compte sur son propre responsable. La sélection des responsables s’est faite de façon naturelle. « C’est le producteur qui a présenté son besoin et proposé l’achat d’un équipement qui en a pris le leadership », explique Nick Bernard. Ce rôle revêt toute son importance pour la réservation et le suivi des équipements partagés par un grand nombre de membres. À la CUMA jeannoise, c’est le cas pour la débroussailleuse (14 membres), l’épandeur à chaux (14 membres) et les agitateurs à lisier (30 membres). Jean Lavoie raconte qu’initialement la CUMA gérait les agitateurs à lisier dans des branches d’activité séparées. « Or, nous avons vite réalisé qu’il serait beaucoup plus pratique de tout gérer ensemble », confie le producteur laitier. Le regroupement subséquent des trois agitateurs et de leur trentaine d‘utilisateurs dans une seule branche d’activité a ainsi contribué à alléger la gestion liée à ces équipements. Dorénavant, les réservations
Pour le premier épandeur à chaux que possédait la CUMA, chaque producteur avait un engagement annuel fixe à payer, même s’il ne l’utilisait pas une certaine année. « Cette méthode avait créé une insatisfaction chez plusieurs membres », confie Jean Lavoie. Lors du renouvellement du matériel, il y a deux ans, l’engagement de chaque producteur est devenu mobile et a été planifié pour la durée de financement de l’équipement. Le membre peut dorénavant disposer de ses unités d’utilisation à n’importe quel moment durant cette période de sept ans. À la fin du prêt, le coût d’utilisation de l’épandeur sera réajusté en fonction des unités totales des utilisateurs, et chacun d’eux recevra un crédit ou une facture, s’il y a lieu.
L’achat d’une nouvelle technologie ou d’un équipement méconnu entraîne parfois une désillusion. « Mais la formule de la CUMA nous amène à pouvoir faire des essais en prenant moins de risques, soutient l’ancien président Jean Lavoie. Par exemple, le premier équipement de la CUMA fut un aérateur de sol. Je n’aurais jamais pu l’acheter seul à ce prix, surtout sans vraiment être certain du résultat. En groupe, nous avons tous payé un peu et avons fait nos expériences. » Au final, les résultats se sont avérés décevants, et la CUMA s’est défaite de la machine avant la fin de la période de financement, sans que cela engendre de pertes pour la coopérative.
MAUVAIS COUP
Depuis la fondation de cette coopérative, en 1997, les administrateurs ont toujours mis l’accent sur des pratiques de gestion qui allient à la fois les intérêts financiers des membres et la pérennité de leur organisation. De gauche à droite : Jean Lavoie, membre fondateur de la CUMA; Nick Bernard, président; Louise Maltais, secrétaire-trésorière; et Gervais Girard, administrateur.
et l’entretien relèvent d’un seul responsable, et les membres sont assurés qu’il n’y a pas d’interruption de service si l’un des agitateurs tombe en panne, car deux autres sont encore disponibles. Puisque la CUMA dessert plusieurs municipalités du secteur sud du Lac-Saint-Jean, les trois agitateurs ont été répartis de façon stratégique sur le territoire afin d’optimiser les déplacements. La bonne gestion de cette branche d’activité devient d’autant plus cruciale. « Il faut absolument que les membres passent par le responsable pour éviter qu’on perde le contrôle », affirme l’administrateur Gervais Girard, qui utilise lui-même cet équipement dans son exploitation de veaux de grain. La tâche demande une grande disponibilité de la part du responsable de la branche. Celui-ci doit gérer un volume d’appels important provenant des utilisateurs à certaines périodes de l’année. C’est pourquoi le conseil d’administration a décidé d’offrir une somme de 20 $ (par membre) à la personne qui s’occupe de cette branche en guise de rémunération pour son travail. En plus de prendre les réservations, le responsable consigne au fur et à mesure les unités d’utilisation de chaque membre et veille à l’entretien et aux réparations du matériel. Jean Lavoie souligne que les agriculteurs facilitent le travail du responsable en faisant preuve de discipline et de coopération. « Ils ont été habitués depuis le début à ce mode de fonctionnement et ils le respectent », conclut-il.
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Dossier Sommet international des coopératives PHOTO : PATRICK DUPUIS
Les deux organisatrices du Sommet international des coopératives : dame Pauline Green, présidente de l’Alliance coopérative internationale, et Mme Monique Leroux, présidente et chef de la direction du Mouvement Desjardins, effectuant la traditionnelle coupure de ruban lors de la cérémonie d’ouverture de l’événement.
Le pouvoir d’innover des coopératives Par Hélène Cossette, Nicolas Mesly et Guylaine Gagnon
Le Sommet international des coopératives se tenait à Québec, en octobre dernier, sous le thème Le pouvoir d’innover des coopératives. Plus de 3000 participants de 93 pays et quelque 200 conférenciers de renom étaient présents pour discuter des grands enjeux auxquels les entreprises coopératives doivent faire face. Le Coopérateur y était et a préparé ce dossier pour vous.
L’instabilité des marchés et la solution Momagri Un forum, composé de cinq experts, a débattu la question de l’instabilité des marchés en agriculture au Sommet international des coopératives. Y participaient Denis Richard, président de La Coop fédérée, et Pierre Pagesse ex-président de Limagrain (une importante coopérative française) et président fondateur de Momagri. Ce dernier a lancé un appel afin que le monde coopératif se structure pour constituer un réseau international destiné à accroître l’efficacité de la gouvernance en matière d’agriculture.
M PHOTO : JEAN-CHARLES GAGNÉ
omagri est un regroupement de coopératives françaises qui travaille depuis 2005 à mettre en place des outils économiques pour faire avancer la réflexion politique dans le domaine agricole. En 2011, en partenariat avec La Coop fédérée, il annonçait la mise en place d’une agence de notation qui, grâce à ses indicateurs, permettrait notamment de comparer et d’harmoniser les interventions des États pour mieux réguler les marchés.
Les membres de la table ronde (dans l’ordre habituel) : Robert Keating, président-directeur général, La Financière agricole du Québec; Denis Richard, président, La Coop fédérée; Norman Messer, conseiller technique du développement rural et des institutions, International Fund for Agricultural Development (Italie); Pierre Pagesse, président, Momagri (France); Kristin Ianssen, vice-présidente, Norges Bondelag (Norvège); et Marcel Groleau, président de la table ronde et président de l’UPA.
Denis Richard, président de La Coop fédérée, a été le premier appelé à commenter l’analyse de Momagri quant aux causes de l’instabilité des prix. M. Richard a précisé que le fait d’avoir des spéculateurs dans le marché ne crée pas la fluctuation, mais l’amplifie. « Elle est créée par une offre très instable et une demande très fixée, dit-il. Ça ne peut que créer de l’instabilité. Les interventions des gouvernements sont là pour pallier après coup cette fluctuation. » Pour ce qui est de l’ensemble de la proposition de Momagri, M. Richard est d’avis que « comme on a réussi à le faire autrefois dans une réglementation nationale, si on s’organisait au niveau international, on ne règlerait pas tous les problèmes, mais on ferait partie des solutions ». La prise en main par les gens du milieu est le propre des coopératives, a-t-il ajouté. Le président de la table ronde, Marcel Groleau, a souligné qu’on a de plus en plus d’information sur la situation des marchés à l’échelle mondiale – ensemencement, récolte, prix –, et ce, très rapidement. « Comment se fait-il qu’avec plus d’information, on n’ait pas l’effet d’une meilleure stabilité des prix ? » L’information existe, a répondu Norman Messer, de l’International Fund for Agricultural Development. « Ce qui fait défaut, dit-il, c’est la capacité d’introduire une gouvernance qui pourrait apporter les solutions. » Les coopératives sont-elles en mesure de connaître les ensemencements des producteurs dans le monde ? « C’est possible, répond Denis Richard, puisque les producteurs s’approvisionnent auprès de leur coopérative. » Pour Pierre Pagesse, il faut que ces données soient recueillies
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Sommet international des coopératives
et gérées à l’échelle mondiale, étant donné que le prix de référence des cultures est mondial. Et ce travail ne peut se faire sans l’intervention des États. Robert Keating, président-directeur général de La Financière agricole, estimait de son côté que travailler sur les risques, comme le fait son organisation, est une façon d’équilibrer les effets du marché. « Est-ce qu’il faut se donner des outils pour diminuer la volatilité des prix ? » a-t-il lancé. Il croit que c’est important, mais demande si le secteur privé a de meilleurs outils que les États pour y arriver. Quant à Kristin Ianssen, de Norges Bondelag, un organisme d’intérêt pour les producteurs de Norvège, la protection du marché intérieur semble être une nécessité pour ce petit pays de
cinq millions d’habitants, dont seulement 3 % de la superficie est attribuée à l’agriculture. Le président de la table ronde a conclu en disant : « La stabilité des prix au niveau mondial est un enjeu qu’il est nécessaire de traiter si l’on veut maintenir la stabilité politique à l’échelle internationale. Les coopératives peuvent jouer un rôle dans la gouvernance de certains outils, mais pas seules, parce que les gouvernements auront toujours aussi un rôle à jouer, et le marché ne peut pas être géré uniquement par les coopératives. Elles peuvent, par contre, d’une voix forte, proposer des solutions pour faire face à cet enjeu. Moins d’instabilités dans les marchés voudraient dire moins de spéculations, parce que ce qui attire les spéculateurs, c’est cette instabilité. »
Programme jeunes leaders Plus de 265 coopérateurs de la relève ont participé au Programme jeunes leaders du Sommet international des coopératives. Gracieuseté de La Coop fédérée, deux jeunes agriculteurs du réseau étaient du nombre.
PHOTO : PATRICK DUPUIS
Rencontrés par Le Coopérateur agricole à quelques heures de la clôture du Sommet, les deux jeunes administrateurs n’avaient pas encore eu le temps d’assimiler tout ce qu’ils y avaient appris. Il faut dire que les journées étaient particulièrement chargées pour ces leaders coopératifs de demain. En plus des tables rondes et des forums ouverts à tous, chaque journée commençait par un petit-déjeuner–conférence dès 7 h et se terminait tard en soirée par des activités de réseautage avec d’autres jeunes venus de tous les coins du monde ! Interrogé sur ses motivations à participer au Sommet, Anthony Roger Lévesque et Anthony Roux Roux a confié qu’il avait soumis sa candidature à la suggestion du directeur général de sa coopérative. « Je l’ai fait dans le but d’aller chercher des connaissances qui pourraient me servir au conseil, mais aussi dans mon entreprise », a-t-il ajouté. Administrateur de La Coop Prévert depuis moins d’un an, ce jeune agriculteur volubile et
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manifestement entrepreneur dans l’âme est copropriétaire, avec son frère, sa sœur et leurs parents, de la Ferme Roulante, à Tingwick. Cette entreprise familiale exploite 810 ha (2000 acres) de terres en culture et un troupeau de 1100 têtes en stabulation libre, dont 500 vaches en lactation. Comme membre d’Agropur, il a particulièrement apprécié le Forum des coopératives Agropur, qui traitait de la consolidation dans l’industrie laitière à l’échelle mondiale (voir l’article en page 20). Propriétaire d’une ferme laitière affiliée à Nutrinor et administrateur de La Coop des deux rives, Roger Lévesque a quant à lui été impressionné par l’envergure de la rencontre. S’il s’est lui aussi senti interpelé par le Forum Agropur et par le volet sécurité alimentaire de la programmation, ce sont cependant les conférences traitant d’innovations technologiques qui l’ont le plus frappé. « La technologie avance très vite, a pu constater ce dirigeant qui siège au comité d’éducation et au comité exécutif de sa coopérative. Il va falloir s’adapter ! » S’ils n’avaient pas encore une idée bien précise de ce qu’ils allaient communiquer à leurs collègues administrateurs à propos de ce sommet, ils retiennent cependant que les enjeux auxquels les agriculteurs et les coopératives agricoles doivent faire face diffèrent grandement d’un continent à l’autre. « L’intercoopération à l’échelle mondiale va avoir sa place, mais ce sera difficile de concilier les intérêts de tout le monde », conclut Roger Lévesque.
La nature coopérative : un avantage ou un inconvénient ?
PHOTO : LA COOP FÉDÉRÉE
Le fait d’être une coopérative constitue-t-il un avantage ou un inconvénient pour le recrutement du personnel et la vente de produits ? Voilà la question clé d’un atelier du Sommet des coopératives pendant lequel Sébastien Léveillé a été appelé à réagir à des travaux présentés par des chercheurs universitaires.
Sébastien Léveillé, vice-président agricole à La Coop fédérée
« L’étude sur l’attraction de la main-d’œuvre en fonction de la finalité des institutions finan cières m’a particulièrement interpelé », souligne le vice‑président agricole de La Coop fédérée. Réalisée par la Chaire de coopération GuyBernier de l’UQAM auprès d’étudiants en gestion, cette enquête conclut que les coopératives sont plus attirantes pour les futurs employés, mais seulement lorsque ces derniers connaissent leur finalité, soit maximiser la satisfaction des clients plutôt que les profits, comme c’est le cas pour les banques. « Cela se confirme dans ma pratique, a témoigné le gestionnaire pendant l’atelier. Le fait de savoir que la coopération a un impact dans la vie des gens constitue un attrait pour les jeunes que nous embauchons. » Une autre étude présentée par l’Université de Lyon allait dans le même sens. À une nuance près. En substance, elle montre que les banques coopératives sont perçues par les jeunes consommateurs français comme plus solidaires, mais moins performantes que les banques commerciales.
Également du point de vue du consommateur, une autre étude de l’Université de Lyon s’interrogeait sur l’intérêt pour les coopératives alimentaires d’afficher leur statut sur leurs produits. D’une part, l’étude fait clairement ressortir la méconnaissance du modèle coopératif chez les consommateurs français. D’autre part, elle montre que si l’information diffusée sur le mode de gouvernance des coopératives modifie les perceptions des consommateurs, elle ne change pas nécessairement leurs préjugés à l’égard des produits coopératifs. Ceux-ci demeurent en effet perçus comme plus artisanaux, fabriqués localement à partir de recettes traditionnelles et plus chers que les produits issus des entreprises capitalistes. Bref, avantage ou inconvénient ? « Essentiellement, il faut retenir qu’on gagne à s’afficher comme coopérative, mais qu’il faut travailler sur les perceptions pour démontrer que nous sommes non seulement des entreprises plus responsables et plus humaines, mais aussi des entreprises efficaces et innovantes, qui décentralisent la richesse », conclut Sébastien Léveillé. u
PHOTO : RÉSEAU DE LA COOPÉRATION DU TRAVAIL DU QUÉBEC
La Rochdale, bière intercoopérative Une nouvelle bière, issue de la collaboration entre quatre coopératives brassicoles québécoises, a été lancée tout spécialement pour le Sommet et servie lors du cocktail d’ouverture. Les quatre microbrasseurs – À la fût (Saint-Tite), La Barberie (Québec), la Microbrasserie de Bellechasse (Buckland) et Le Temps d’une pinte (Trois-Rivières) – ont uni leurs forces et leur créativité pour concocter La Rochdale, Mild au jus de bras, brassée selon une recette inspirée des bières anglaises. Rochdale est une ville d’Angleterre où est né le mouvement coopératif. Le nom rappelle le travail de ceux qui, en 1844, ont mis sur pied La Société des équitables pionniers de Rochdale ! Il s’agit de la première initiative de La table des microbrasseries, avec l’appui du Réseau de la coopération du travail du Québec. Un bel exemple d’intercoopération !
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Agropur survole la planète laitière Sommet international des coopératives
Texte et photos de Nicolas Mesly
En organisant un forum des coopératives laitières, dans le cadre du Sommet international des coopératives 2014, Agropur avait l’intention de faire une analyse fine « des enjeux de la planète laitière, du rôle des coopératives, et de favoriser les occasions d’affaires », explique Serge Riendeau, président du fleuron coopératif laitier québécois. Et pour cause ! Avec la plus grosse acquisition de son histoire réalisée l’été dernier, celle de Davisco Foods International, aux États-Unis, Agropur devient un des 20 plus grands transformateurs laitiers de la planète.
Serge Riendeau, président d’Agropur
D’ici 2020, la croissance de la demande mondiale des produits laitiers oscillera entre 2 et 3 % dans certains pays émergents d’Asie et d’Amérique latine, prédit un des conférenciers invités, Tim Hunt, stratège mondial des produits laitiers à Rabobank. Selon l’expert, la planète laitière va se scinder en deux, une moitié se trouvant en surplus de produits laitiers face à une demande stagnante. Par contre, c’est cette moitié qui dispose de grains pour alimenter ses troupeaux. On y retrouve les États-Unis, le Brésil, l’Argentine, la Russie, l’Australie… L’autre partie du monde, elle, sera déficitaire par manque de ressources en eau et en terre cultivables. « Cette situation favorisera une forte expansion du marché international ». Et c’est la Chine, deuxième économie du monde, qui va mener le bal avec une croissance de la demande annuelle potentielle de 4 %.
PHOTOS : NICOLAS MESLY
L’énigme chinoise
Tim Hunt, stratège à Rabobank
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La grande énigme reste de savoir si la Chine décidera de mettre ou non les produits laitiers sur la liste de ses aliments stratégiques, au même titre que le riz, la viande porcine ou le tourteau de soya. Cette décision tactique jouera sur le prix en yoyo du lait sur le marché international, qui, depuis 2001, a connu une moyenne stable d’environ 2000 $/tm, avec des pics dépassant 5000 $/tm en 2008 et en 2014. L’Empire du Milieu doit choisir entre une production de lait nationale à partir de maïs à 9 $/boisseau ou importer des produits laitiers des États-Unis, où le prix du petit grain jaune est trois fois moins cher, explique Tim Hunt. Le pays a déjà importé 800 000 tonnes de foin des États-Unis cette année pour nourrir
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son cheptel laitier. Toutefois, le plus grand enjeu des Chinois est d’instaurer une chaîne d’approvisionnement de produits laitiers sécuritaire. La coopérative néo-zélandaise géante Fonterra a capitalisé sur une série de scandales, dont celui de la mélamine, pour mettre un pied ferme dans ce pays. Elle compte construire cinq mégafermes pour un coût de 300 M $ en 2015. Par ailleurs, les Chinois ont investi cette année 140 M $ dans deux coopératives françaises, « pour sécuriser leurs approvisionnements », dit Benoît Rouyer, directeur économie au Centre national interprofessionnel de l’économie laitière.
« Le meilleur moyen d’avoir une production laitière durable, c’est de protéger le revenu de nos agriculteurs en ne les exposant pas aux soubresauts du marché international. » R.S. Sodhi, directeur général de la coopérative laitière indienne Amul
Le plus gros producteur laitier du monde, l’Inde, dont la population dépassera celle de la Chine en 2025, mise pour sa part sur l’augmentation de sa production intérieure pour répondre à la demande, a expliqué R.S. Sodhi, directeur général de la coopérative laitière indienne Amul. Celle-ci détient 24 % du marché laitier indien, compte trois millions de membres, surtout des femmes, qui misent sur le revenu de la vente quotidienne du lait pour faire vivre leur famille. Quand on lui a demandé si le Canada devrait abolir le système de gestion de l’offre pour profiter des occasions d’affaires du marché mondial, Tim Hunt a répondu : « C’est une question complexe, laissez-moi y penser. »
PHOTOS : SOMMET INTERNATIONAL DES COOPÉRATIVES
Forum « Sécuriser la chaîne d’approvisionnement alimentaire »
Cinq grandes tendances transformeront le secteur agroalimentaire au cours des 10 prochaines années, selon PricewaterhouseCoopers (PWC) : la croissance démographique, principalement en Afrique et en Asie; la montée en puissance des pays émergents; l’urbanisation; les changements climatiques et les pénuries de ressources; et les innovations technologiques. Ces tendances accentueront la pression non seulement en amont sur les capacités de production, mais aussi en aval pour répondre aux attentes de nouveaux consommateurs éloignés des bassins de production actuels. Rendu public dans le cadre d’une table ronde réunissant des représentants de grandes coopératives du secteur agroalimentaire — Agrial, Amul, Copa-Cogeca et NTUC Fairprice —, ce quatrième rapport de PWC sur les coopératives agricoles conclut que l’enjeu clé consistera pour ces dernières à sécuriser leurs chaînes d’approvisionnement. S’appuyant sur l’analyse des stratégies mises en œuvre par les 50 premières coopératives agricoles mondiales, ce rapport a permis de déterminer six leviers stratégiques pour y arriver. À gauche, Yves Pelle, responsable européen du secteur Coopératives agricoles de PWC
1. Grandir pour réaliser des économies d’échelle et renforcer son pouvoir de négociation. Les 50 coopératives de l’étude ont augmenté leur chiffre d’affaires de 40 % de 2008 à 2013. 2. S’internationaliser pour se rapprocher des marchés de consommation et réduire les coûts de production et de logistique, en adoptant des stratégies allant de l’exportation à l’implantation locale.
3. S’intégrer verticalement par acquisitions ou partenariats pour contrôler les fluctuations de volumes et de prix. 4. Renforcer ses marques pour fidéliser les consommateurs et éviter la concurrence frontale sur les prix. 5. Innover sur toute la chaîne, qu’il s’agisse d’agriculture de précision, de génétique ou de création de produits. 6. Élaborer des approches inclusives avec de nouveaux partenaires, comme des ONG, des États ou des investisseurs, pour faire face aux défis transversaux (gaspillage, dérégulation, traçabilité) et favoriser la production dans les pays émergents. Parmi les membres de la table ronde, Ludovick Spiers, directeur général d’Agrial, est venu témoigner de l’expérience du groupe français. Autrefois guidée par des enjeux de l’amont, soit vendre les légumes de ses membres, qui produisent 4 mois par année, la coopérative normande appuie dorénavant sa stratégie sur les attentes de ses clients, a-t-il fait valoir. Afin d’être présente sur le marché 12 mois par année, comme le souhaitaient ses distributeurs, elle a étendu ses activités dans d’autres régions de France de même qu’en Espagne et au Portugal. Pour le responsable européen du secteur Coopératives agricoles de PWC, Yves Pelle, la difficulté pour la plupart des coopératives consistera à trouver les modes de financement requis. « Mais la bonne nouvelle, a-t-il observé, c’est que les investisseurs voient l’agroalimentaire comme un secteur de croissance. » Compte tenu du rôle prépondérant qu’elles auront à jouer, le spécialiste estime toutefois que les coopératives devront planifier leur développement sur un horizon beaucoup plus long que les habituels trois ou cinq ans. À l’exemple du Groupe Agrial, elles devront aussi apprendre à « réfléchir de la fourchette à la fourche », a-t-il illustré, c’est-à-dire planifier leur développement à partir des attentes du consommateur et envisager de nouveaux modèles d’affaires s’étendant au-delà de leur territoire d’origine. u
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Sommet international des coopératives PHOTO : PATRICK DUPUIS
Agriculture familiale : une solution pour la sécurité alimentaire ? Si l’agriculture familiale demeure encore aujourd’hui le modèle dominant, la réalité de ceux qui la pratiquent diffère grandement selon les régions du monde, peut-on retenir d’une table ronde sur ce thème présidé par le secrétaire général de La Coop fédérée, Jean-François Harel.
Au Japon, où la superficie cultivable est très limitée, l’agriculture locale comble à peine 40 % des besoins du pays, a rappelé le président de l’Union centrale des coopératives agricoles JAZenchu, Toru Nakaya. De plus, les agriculteurs japonais, qui exploitent surtout des rizières et des vergers, doivent composer avec des percepLes membres de la table ronde (dans l’ordre habituel) : Jean-François Harel, secrétaire tions négatives de la part des consommateurs, général, La Coop fédérée; Sumalee Thongteera, directrice générale, Lam Phra-phloeng exacerbées par la récente catastrophe nucléaire Agricultural Cooperative (Thaïlande); Amy Coughenour Betancourt, directrice de de Fukushima. l’exploitation, CLUSA International (États-Unis); Nora Ourabah Haddad, coordonnatrice, Pour leur part, les petits producteurs d’Asie, Coopératives et organisations de producteurs, Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) (Italie); Roger Johnson, président, National Farmers d’Afrique et d’Amérique latine doivent faire face Union (États-Unis) et Toru Nakaya, vice-président, Union centrale des coopératives à d’énormes contraintes — accès à l’eau, au JA-Zenchu (Japon). financement, aux intrants, aux marchés et aux Sur 570 millions d’entreprises agricoles dans connaissances —, qui limitent leur productivité, le monde, 500 millions sont de type familial, a voire leur survie. précisé la participante Nora Ourabah Haddad, C’est pourquoi CLUSA International s’est coordonnatrice des coopératives et organisations donné pour mission de soulager la pauvreté de producteurs pour l’Organisation des Nations dans ces régions en soutenant l’autonomisation unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO). par l’action coopérative. Son programme Feed Générant jusqu’à 80 % de la production agricole the Future mise notamment sur l’éducation pour mondiale, les fermes familiales sont généralement contrer la malnutrition et augmenter la productitrès petites : 70 % d’entre elles occupent moins vité par hectare. « Dans les pays où nous sommes d’un hectare ! présents, la formation a permis d’augmenter le rendement de 50 à 400 % », a affirmé sa La planète compte 1,3 milliard d’agriculteurs, soit 40 % directrice de l’exploitation, Amy Coughenour Betancourt. de la population active, mais près du tiers d’entre eux En Thaïlande, la Coopérative agrin’atteignent pas un seuil d’autosuffisance alimentaire. cole Lam Phra-phloeng travaille pour sa part à implanter un modèle d’agriculture Aux États-Unis, cependant, où 87 % des durable qui permet aux familles d’atteindre 2,11 millions de fermes en activité sont la propriété l’autosuffisance en augmentant leur productivité de familles, la superficie occupée par chacune et en réduisant leurs coûts. Sur une superficie de atteint 169 ha (418 acres) en moyenne, a remarqué 5 à 10 acres, 30 % sont consacrés au riz, 30 % à un le président de la National Farmers Union, Roger étang, 30 % à d’autres cultures et 10 % à l’habitaJohnson. Si les petites fermes périurbaines se tion, a expliqué sa directrice générale, Sumalee multiplient en réponse aux demandes de consom- Thongteera. mateurs préoccupés par la provenance de leur « On a vu que les coopératives sont le partenourriture, les fermes de taille moyenne sont en naire naturel du modèle de l’agriculture familiale voie de disparition, a-t-il déploré. pour permettre aux petites unités d’atteindre des
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masses critiques et des économies d’échelle, tant à l’approvisionnement qu’à la mise en marché de leurs produits », a constaté Jean-François Harel en guise de conclusion. Mais dans le cas des pays émergents, ce partenariat doit aller encore plus loin, selon
la représentante de la FAO. « Les coopératives doivent agir prioritairement comme agents économiques en fournissant des services à leurs membres pour faciliter leur accès aux ressources, aux marchés et aux connaissances, mais aussi comme agents politiques », a-t-elle plaidé.
Créer, développer et pérenniser l’activité économique coopérative
PHOTO : SOMMET INTERNATIONAL DES COOPÉRATIVES
Colette Lebel, directrice des affaires coopé ratives à La Coop fédérée, faisait partie de la brochette d’intervenants invités par l’Association internationale des banques coopératives, qui organisait, en marge du Sommet international des coopératives, un séminaire sur la création et le développement des coopératives.
Colette Lebel (veste rouge), directrice des affaires coopératives à La Coop fédérée
Au chapitre de la création de coopératives, Mme Lebel a fait valoir que les besoins en matière de services prendront graduellement le pas sur les besoins en matière de produits, notamment en raison du vieillissement de la population, mais aussi par nécessité écologique. Or, le service et la qualité relationnelle, a-t-elle rappelé, sont justement les grandes forces des coopératives. Il y a donc là de belles possibilités de création de nouvelles coopératives pour répondre à ces besoins. De plus, au chapitre du développement des coopératives, Mme Lebel a insisté sur la nécessité de travailler en réseau, afin de se donner la capacité de changer d’échelle sans se dénaturer. Et pour travailler efficacement en réseau, a-t-elle précisé, il faut maîtriser l’art du dialogue, c’est-à-dire la capacité de dire ce que l’on pense sans complaisance, mais avec tout le respect auquel chacun a droit. Enfin, Mme Lebel a rappelé l’importance de travailler dans la réciprocité, d’accepter que tout n’est pas toujours égal tout de suite. La coopération se vit dans le long terme, ce qui devrait donc autoriser un peu de patience quant au retour d’ascenseur !
La magie de la coopération PHOTO : SOMMET INTERNATIONAL DES COOPÉRATIVES
Le Sommet a été clôturé de façon flamboyante. Le talent et la créativité des Québécois ont été mis à l’honneur : acrobates, danseurs et musiciens se sont succédé à un rythme endiablé pendant tout le repas, pour le grand plaisir des participants. Les Oliver Jones et Angèle Dubeau se sont surpassés. Puis, après le repas, défiant les limites de l’espace disponible, toute la salle s’est levée pour danser sous l’animation envoûtante de Gregory Charles. Tout à coup, il n’y avait plus de diversité culturelle. Il n’y avait là qu’un seul grand groupe de coopérateurs vibrant en cadence. C’était un moment magique. Un moment historique.
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Lait
Génération techno, génération robot Texte et photos d’Étienne Gosselin, agronome, M. Sc.
À première vue, Michel Labonté n’a rien d’un geek, pas même les lunettes. Comme il est équipé d’un robot de traite, d’un analyseur de lait et des multiples technologies les plus à jour, on serait tenté de lui accoler l’étiquette de nerd de la production laitière. Mais attention, ne jugeons pas trop vite !
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ussi bien l’écrire tout de suite et ne pas attendre la conclusion : les robots de traite, ces bêtes d’électronique, d’informatique et de robotique, s’apprivoisent plus facilement qu’on ne le croit. C’est en tout cas l’avis des frères Labonté, Martial et Guy, et du fils de Guy, Michel. Mais s’il faut soutenir votre attention, sachez qu’il y a bien plus à dire sur nos amis les robots, qui sont simples à utiliser, efficaces et rentables, selon les Labonté. On continue ? Le saut technologique n’a pas été brutal à la Ferme M.G.L., de Saint-Lazare-de-Bellechasse. « Je pensais que ce serait plus tough, mais finalement, il n’y a pas eu de pépins », assure Michel. D’accord, le surplus de vaches, les vaches trop âgées ou inaptes à la traite robotisée en raison de trayons mal placés sont encore traites à la bonne vieille
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trayeuse. La ferme, avec 73 vaches en lactation, ne peut pas encore se payer le deuxième robot qu’elle désire, jugeant plus économique d’utiliser deux systèmes à la fois. La nouvelle vacherie et la nouvelle laiterie sont déjà construites pour accueillir deux robots, un gaucher et un droitier, affirme sans rire Michel Labonté. Quand il a dû se choisir une ferme laitière pour son stage au DEP en production animale du Centre de formation agricole Saint-Anselme, Michel a opté pour une ferme avec robot. Il s’est aussi envolé pour l’Europe avec son fournisseur d’équipements de traite DeLaval, l’entreprise Marcel Morissette, de Sainte-Claire, et quelques autres producteurs. France, Allemagne, Pays-Bas, Michel a vu différents systèmes, qui l’ont placé devant plusieurs choix.
Trois mots clés Trois mots décrivent bien vers quoi les Labonté s’orientent : la simplicité, l’efficacité et la rentabilité. Quand ils ont eu à choisir un nouveau mode de contention des animaux et un nouveau mode de traite, ils ont soupesé chaque système selon ces critères. Ils ont finalement opté pour un robot DeLaval VMS et pour un analyseur de lait Herd Navigator, lancé commercialement au Québec en 2012. « Pour moi, la traite robotisée, c’est l’avenir », estime Michel, sixième génération à pratiquer l’agriculture. « L’informatisation et l’automatisation simplifient le travail et permettent de comptabiliser plein de données. » Sébastien Morissette, de DeLaval, abonde dans ce sens. « Les deux dernières années, je n’ai reçu que deux projets d’étables avec vaches attachées et une vingtaine avec la robotique. » Pour Michel, 23 ans, la traite robotisée et l’analyse automatisée du lait offraient donc la possibilité de fournir des données puissantes sur la gestion du troupeau au quotidien. On le sait, les robots de traite permettent d’augmenter la production de lait par la hausse de la fréquence des traites, qui se situent entre 3 et 3,3 à la Ferme M.G.L. Si on ajoute le système Herd Navigator – qui détecte automatiquement dans le lait différents métabolites, comme la progestérone (signe de gestation, d’anœstrus ou d’avortement), l’enzyme lacticodéshydrogénase (indice de mammite), le bêta-hydroxybutyrate (indicateur d’acétonémies cliniques et subcliniques) –, les Labonté avaient devant eux deux équipements
capables d’accroître leur rentabilité. « Ces deux technologies mises ensemble, c’est comme acheter une voiture tout équipée. Le système d’analyse permet de voir venir les problèmes, d’être proactif et d’aller chercher plus de jours productifs », considère Guy. Mais cet analyseur de lait, lancé en 2012, est-il rentable ? Actuellement, 38 fermes canadiennes ont fait l’acquisition du système Herd Navigator. Le prix, 88 000 dollars (pour un robot; on parle de 99 000 $ pour deux robots), peut certes en refroidir beaucoup, en plus des 115 $ par vache adulte par an en frais d’exploitation, pour acheter notamment les bandelettes sur lesquelles s’effectuent les tests de lait (10 millilitres par échantillon). Néanmoins, qui achète un Herd Navigator n’a plus besoin d’équiper le robot d’un compteur de cellules somatiques (santé du pis) ni d’un moniteur d’activité des vaches (qui signale les chaleurs et les boiteries). Le Herd Navigator « est un outil tellement puissant que nous pouvons affirmer en toute confiance que vous pouvez économiser jusqu’à 250 euros en plus par vache et par an », fait miroiter le site Internet de l’entreprise suédoise DeLaval1. On promet une diminution des jours ouverts par une réduction de l’intervalle de vêlage, moins de dépenses vétérinaires et de médicaments ainsi que moins de pertes de lait. Le temps passé à détecter les chaleurs ou les anomalies dans la santé du troupeau peut aussi être comptabilisé. u
Technogeek, Michel Labonté ?
• A eu son premier téléphone cellulaire à 15 ans, son premier téléphone multifonction à 23 ans. • Prend le temps de s’habiller le matin avant de consulter ses écrans. • Passe beaucoup plus de temps devant l’ordinateur que la télé. • Évalue son niveau de geekitude à 9 sur 10. • A déjà – incroyable, mais vrai – utilisé un télécopieur !
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Environ 350 $ CA ; donnée pour deux à quatre robots de traite.
La ferme possède un robot, mais compte en installer un deuxième quand elle aura en main un quota suffisant. Entretemps, on trait à la trayeuse manuelle les vaches en surplus.
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Dans l’ordre habituel : un employé rigoureux et ponctuel – le robot de traite de la Ferme M.G.L. –, Michel Labonté, son père, Guy, et son oncle Martial.
L’alimentation du troupeau Troupeau de 73 vaches Moyenne de 10 500 kg de lait MCR 225-245-235 Génisses 0 à 2 mois : Lait entier + Goliath 19 % à volonté 2 à 6 mois : Goliath 19 % (3 kg/jour) + foin sec 6 à 24 mois : Ensilage de foin+ minéral Goliath 12-4 Vaches taries Foin sec + ensilage de foin + ensilage de maïs + minéral Transilac VT 7-3 Vaches en transition Foin sec + ensilage de foin + ensilage de maïs + Transimil 15 % Vaches en lactation RTM de base Foin sec + ensilage de foin + ensilage de maïs Supplément 4055 personnalisé + minéral 14-9 + orge + maïs Au robot : Robocoop 20-1
Trafic libre optimisé Le fabricant DeLaval propose aussi un système de fonctionnement tenant compte du flux des animaux entre les aires de traite, de repos, d’alimentation et de traitement vétérinaire. Le système suggéré, dit « trafic libre optimisé », fait intervenir chez les Labonté une porte de triage où les vaches sont orientées selon trois voies : aire de repos (aire ouverte, avec les logettes et le robot), aire d’alimentation et aire de traitement vétérinaire (section dite « hôpital », où l’on peut programmer l’ordinateur de la barrière pour isoler des vaches à surveiller). Si la porte de sélection détecte une vache en retard par rapport à la fréquence de traite cible, elle déviera l’animal vers le robot. Si Guy ou Michel a programmé une
André Labrecque, expert-conseil laitier et végétal du Centre de services Québec–Chaudière-Appalaches, conseille la Ferme M.G.L
Un achat de terre permettant une augmentation du troupeau à 120 vaches a précipité les événements : en février 2014, on inaugurait une étable à stabulation libre avec robot de traite. Les Labonté ont construit une étable de 133 logettes, même s’ils n’ont que 73 vaches en lactation. Deux arguments ont justifié ce choix : ne pas avoir à démolir des murs pour agrandir et ne pas avoir à repasser par les demandes de permis et certificats d’autorisation.
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taille d’onglons la veille, les vaches sélectionnées attendront sagement dans la douzaine de logettes placées près du robot et de l’entrée de l’étable, pour une surveillance accrue, au petit matin. « C’est un système qui permet de réduire les allers-retours pour aller chercher des vaches par le collier, une économie de temps », certifie Michel Labonté. « La porte intelligente n’est pas obligatoire, mais elle donne un coup de main aux éleveurs, soutient de son côté Sébastien Morissette, de l’équipementier Marcel Morissette. C’est un outil supplémentaire pour rendre le bâtiment autonome, pour abaisser à 2-3 % la proportion de vaches qu’il faut surveiller de près. » Même avec tous ces outils, les Labonté ont encore soif de modernisation : les prochains investissements seront consacrés à un mélangeur d’aliments fixe et à un convoyeur pour automatiser la confection des rations et leur distribution, ce qui mettra au rancart le mélangeur mobile. Tout cela dans quelle optique ? Simplicité, efficacité et rentabilité !
Le point sur le Herd Navigator Le Herd Navigator, commercialisé par DeLaval, détecte les chaleurs avec une précision de 95 %, repère 80 % des mammites avant même qu’elles ne soient visibles, diagnostique 50 % plus de cas d’acétonémies cliniques et subcliniques que ceux généralement détectés, et dose l’urée du lait, indicateur d’apport excessif ou insuffisant de protéines. Bien des promesses pour un appareil gros comme deux fours à micro-ondes ! Le directeur de projet Sébastien Morissette, de l’équipementier Marcel Morissette, concessionnaire DeLaval, répond à nos questions.
Q. Quelle est la rentabilité d’un tel investissement ? R. L’appareil se rentabilise sur environ sept ans pour un seul robot de traite [60 vaches], une évaluation très modérée. Évidemment, puisque quatre robots peuvent partager le même analyseur, la rentabilité augmente avec le nombre de robots. Pour quatre robots, on parle de trois ans.
Q. Comment évaluer la rentabilité de l’équipement ? R. DeLaval a élaboré des chartes de gains économiques potentiels dans un chiffrier Excel. Par exemple, la première
année, l’appareil permet de détecter des acétonémies qui n’étaient pas visibles avant. La deuxième année, l’éleveur peut constater un raccourcissement de l’intervalle de vêlage, et la troisième année, le taux de réforme aura baissé. L’analyseur de lait permet donc des gains graduels sur trois ans. C’est comme un escalier qu’on monte, une marche à la fois.
Q. Le Herd Navigator bouleverse-t-il les manières de produire ? R. Oui, il change la façon d’exploiter une entreprise laitière. La beauté de l’outil n’est pas dans l’échantillonneur positionné sur le robot ni dans l’analyseur, qui est le mini-laboratoire, mais plutôt dans le cerveau de l’appareil, un logiciel derrière lequel se cachent des courbes algorithmiques et des arbres décisionnels que l’éleveur peut paramétrer selon ses propres critères.
Q. Est-ce que le prix de cette technologie baissera ? R. Comme avec les robots – on trouve 11 000 DeLaval dans le monde –, le coût de la machine diminue avec la hausse du nombre d’appareils produits, en raison de la baisse du prix d’achat des composantes. Même avec l’inflation, les robots se vendent environ le même prix qu’il y a 10 ans. Ils sont pourtant mieux équipés et mieux conçus de nos jours. La tendance devrait être la même pour l’analyseur.
Une porte de triage permet de diminuer considérablement le nombre de vaches en retard pour la traite, car les animaux ne pourront pas aller s’alimenter s’ils n’ont pas d’abord donné leur lait. C’est du donnant-donnant !
Herd NavigatorTM
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Le niveau le plus élevé en gestion de troupeau pour la traite robotisée
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est une marque déposée de la société Tetra Laval Holdings & Finance S.A. et “DeLaval” est une marque déposée/marque de servicede la société DeLaval Holding AB. ©2015 DeLaval Inc. DeLaval, 150-B Jameson Drive, P.O. Box 4600 Peterborough, Ontario K9J 7B7, www.delaval.ca Le fabricant se réserve le droit de modifier ses produits sans préavis.
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Bruno Langlois, agronome
Conseiller spécialisé Production bovine La Coop fédérée bruno.langlois@lacoop.coop
En affaires, vous jouez un rôle important
Une nouvelle année qui commence. Avez-vous pris des résolutions ? Allez-vous les tenir ? Hum, belle matière à réflexion. Justement, qu’est-ce qui vous vient en tête si je vous dis : « Apple, Toyota Prius, système d’autoguidage RTK » ? Et maintenant : « Chrysler Pacifica, Iso Plus, BlackBerry, Chevrolet Volt » ? Les trois premiers sont pour moi synonymes de succès commerciaux et financiers dans leurs domaines respectifs. Pour les quatre autres, c’est plutôt l’image d’un échec (ou demi-échec). Mais qu’est-ce qui différencie donc le chemin du succès de celui qui mène à l’échec ?
I PHOTO : MARTINE DOYON
l faut d’abord une idée de produit ou de service répondant à un besoin. Plus un besoin est connu, plus l’idée doit être bonne pour qu’on se démarque de la concurrence. Les automobiles « électriques » et l’iPhone font partie de cette classe. Par opposition, quand on essaie de répondre à un besoin moins bien connu de l’acheteur, le risque est plus grand. Par exemple, rien ne permettait de prévoir que le système d’autoguidage RTK connaîtrait un tel succès. Après tout, pourquoi payer pour que le conducteur d’un tracteur travaille moins ? Il faut aussi être synchronisé avec le marché. L’Iso Plus (Kodak, 1985) ne vous dit rien ? Normal : même Google a de la difficulté à trouver des renseignements à son sujet ! C’était pourtant un supplément alimentaire pour vaches laitières aux résultats spectaculaires. Son malheur a été d’être mis en marché dans des années de grands surplus de lait en Amérique du Nord ! Le succès vient ensuite d’une bonne exécution : préparation, entourage, qualité des conseils, focalisation sur les objectifs, action sur les leviers économiques les plus importants et, surtout, adaptation. Les analystes de l’aventure Pacifica (2003 à 2007) ont déterminé que les problèmes mécaniques des premiers modèles construits étaient loin d’être en accord avec l’image de marque des BMW, Volvo et SAAB auquel s’attaquait le duo Chrysler-Mercedes; le résultat fut un échec retentissant. Quant à la Volt, les gens de Chevrolet doivent être déçus des ventes réalisées depuis sa présentation, en décembre 2010.
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L’idée est pourtant bonne et le marché existe, mais il semble que les embûches se succèdent depuis le début. Finalement, la capacité à se relever en cas de coup dur occupe aussi une grande place dans l’équation. Pas seulement sur le plan financier, mais aussi sur le plan des motivations. Bien que les modèles Apple n’aient pas tous connu le succès, l’entreprise a toujours su rebondir, à la grande différence de BlackBerry.
Un dénominateur commun Le dénominateur commun dans tout ça ? Les personnes. D’elles proviennent les idées, les connaissances du marché, la qualité du travail, les motivations et la satisfaction. En fait, comme l’a dit Jim Rohn, ce n’est pas le vent qui décide de votre destination, c’est l’orientation que vous donnez à votre voile. Le succès ou l’échec est lié à l’être humain, un principe qui s’applique aussi à la production bovine. En effet, c’est un secteur d’activité dont le marché est très bien défini, où la concurrence est féroce et la différenciation difficile. C’est donc dans l’exécution que réside l’essentiel du succès. Et chaque détail compte. Parmi les stratégies mises en place, on retrouve des pratiques préventives au chapitre de l’alimentation, tout autant dans le secteur vache-veau qu’en engraissement : analyses de fourrages, alimentation minérale, utilisation de colostrum déshydraté, rations de sevrage, préconditionnement et réception en parc. Je vous tire mon chapeau bien bas quand je vois les améliorations obtenues au cours des 10 dernières années : taux de vêlage, taux de survie et gains moyens journaliers. La qualité de votre travail et votre capacité à surmonter les épreuves ont joué (et joueront) un rôle très important. L’équipe d’experts-conseils La Coop en production bovine, ce sont aussi des personnes. Et nous avons la prétention de penser pouvoir aider dans leur quête de succès tant ceux qui sont en production aujourd’hui que ceux qui se joindront à la filière au cours des prochaines années.
F i l i è r e p o r c i n e c o o p é r at i v e
Par Élisabeth Lapointe, M. Adm. Conseillère en communications, La Coop fédérée elisabeth.lapointe@lacoop.coop Twitter : @elisalapointe
Profession : directeur technique en production porcine
L’objectif de la Filière porcine coopérative est d’assurer une coordination entre tous les intervenants, tout en créant des produits à valeur ajoutée. C’est en jouant le rôle de courroie de transmission entre les producteurs et les abattoirs que Marquis Roy, directeur technique en production porcine, veille à la réalisation de cet objectif. Ce passionné travaille en étroite collaboration avec un nutritionniste, une généticienne et deux coordonnatrices de qualité, qui cherchent tous ensemble comment produire un porc plus performant, qui a la qualité de viande recherchée par les consommateurs et qui répond aux besoins des producteurs et des abattoirs. « J’ai comme constante préoccupation de définir les conditions gagnantes pour chaque maillon de la chaîne. Il est très important que tous tirent leur épingle du jeu ! » s’exclame Marquis Roy.
25 ans dans le réseau La Coop
Marquis Roy
PHOTO : STUDIOS DRAKAR
Directeur technique, production porcine Olymel
Cet agronome a plus de 25 années d’expérience dans le réseau La Coop. D’abord expertconseil pour La Coop Comax, Marquis Roy a été embauché par La Coop fédérée à titre d’expertconseil principal spécialisé en production porcine, pour le territoire des coops Bois-Francs, Disraeli, des Cantons, Excel et des Appalaches. Il a ensuite été nutritionniste pendant près de 20 ans, avant de devenir directeur technique. Avec l’expérience acquise, Marquis Roy comprend parfaitement les différents aspects qui définissent la performance des porcs, notamment la saison, la nutrition, le niveau sanitaire, la conduite d’élevage, l’environnement, le sexe de l’animal et la génétique. « Et être directeur technique, c’est savoir tenir compte de toutes ces variations possibles ! » témoigne l’expert.
Le bien-être animal, ça va de soi ! Originaire de la Beauce, le directeur technique a toujours été intéressé par la production agricole. « La production porcine est celle qui m’a tout de suite attirée, pour l’animal en soi, dit cet amoureux des bêtes. Ce n’est pas tout le monde qui serait d’accord, mais moi je trouve qu’un cochon, c’est beau et intelligent. On peut dresser un cochon
plus rapidement qu’un chien. Les producteurs aiment leurs animaux et ont tendance à acquérir naturellement des façons de faire qui tiennent compte du bien-être animal. Dans le milieu, nous savons qu’un porc stressé sera de moins bonne qualité. C’est important qu’il ait une belle qualité de vie. », Marquis Roy trouve beaucoup de motivation dans les visites qu’il effectue chez les producteurs. Il se sent alors concrètement en contact avec leurs préoccupations et leurs objectifs, ce qui l’aide ensuite à gérer les dossiers dans son bureau de Saint-Romuald. Le directeur technique a plus d’une corde à son arc : excellent vulgarisateur, il possède également des compétences en gestion qu’il a acquises sur le terrain et des connaissances techniques et scientifiques apprises en formation continue grâce à ses lectures et à des symposiums internationaux. « En plus de la génétique et de la nutrition, de multiples facteurs peuvent déterminer la qualité de la viande, dit-il. On peut regrouper ces facteurs sous l’appellation de gestion préabattage. » Son rôle est également d’établir les normes d’élevage et de remettre à jour les standards de la Filière ainsi que ses cahiers des charges. « Notre plus grand défi est la patience. Comme la production porcine n’a pas été des plus rentables au cours des dernières années, il faut souvent attendre le moment opportun pour faire avancer nos dossiers. Il s’agit d’un système en constante évolution et qui subit la pression de la concurrence étrangère. Mais grâce aux principaux acteurs de la Filière porcine coopérative, l’évolution et l’amélioration sont continues, dans un respect total du bien-être animal et des normes environnementales et sociales », conclut avec fierté et passion le directeur technique.
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Porc
Par Marquis Roy, agronome Directeur technique, production porcine Olymel
Contrer la DEP :
des efforts communs au profit de tous
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marquisroy@olymel.com
Depuis plusieurs mois, nous entendons parler de la diarrhée épidémique porcine (DEP) et de ses ravages au sud de la frontière. Au moment où nous écrivons ces lignes, 8898 cas positifs avaient été diagnostiqués en laboratoire aux États-Unis. Que de pertes ! Au Québec, des efforts concertés de tous les intervenants ont été nécessaires pour maintenir le territoire exempt de cette maladie – ou presque exempt, puisqu’en date du 11 novembre deux cas avaient été répertoriés.
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a dernière flambée des prix a récompensé les efforts. Des volumes réguliers de porcs et un niveau de prix jamais vu en 25 ans peuvent sûrement être considérés comme un rendement très payant de cet investissement collectif. Olymel et le réseau La Coop ont été très actifs pour permettre le maintien du statut sanitaire du cheptel québécois. Très tôt en 2014, le personnel d’Olymel a collaboré avec les instances responsables (Centre de développement du porc du Québec) afin de préparer les formations destinées aux transporteurs de porcs. À la suite de ces formations, des vérifications ont été réalisés aux abattoirs pour aider les transporteurs et leurs employés à mettre en application les notions enseignées lors des journées de formation. Dans les abattoirs, une gestion stricte des arrivages a été mise en place dans le but de limiter les risques de transmission du virus dans le cas où il aurait pu s’y introduire. Un horaire de nettoyage et de désinfection des quais a été élaboré et mis en application afin d’assainir régulièrement les aires de déchargement.
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Les porcs achetés en Ontario le sont auprès de producteurs qui doivent attester le statut sanitaire de leurs troupeaux. Les camions doivent tous avoir été lavés avant le chargement de ces porcs. La formation du personnel d’usine a été une étape très importante pour s’assurer que chacun sait ce qu’il peut faire et surtout quoi ne pas faire. Comme en santé il est très important d’agir tôt et rapidement, un suivi régulier et très rigoureux a été mis en place dans les aires de déchargement, dans le but de suivre l’état des quais et autres installations susceptibles d’être contaminées. Olymel est la seule à maintenir l’échantillonnage systématique de tous les camions à leur arrivée. Les informations recueillies grâce à ces analyses de laboratoire sont transmises rapidement au personnel de l’Équipe québécoise de santé porcine (EQSP) pour l’aider dans son mandat.
Enfin, des fiches sur les mesures de biosécurité à adopter lors de visites à la ferme ont été produites et distribuées, afin d’éviter que ceux qui se déplacent pour travailler avec les producteurs ne deviennent pas des vecteurs de maladie. Ces fiches peuvent être remises à tous les fournisseurs d’Olymel soucieux de faire des efforts pour éviter une contamination, quelle qu’elle soit. Pour Olymel, le maintien d’un statut exempt de DEP constitue un enjeu crucial, qui permettra de maintenir les approvisionnements aux usines d’abattage. De son côté, le réseau La Coop n’est pas en reste. Très tôt en 2014, des gestes concrets ont été accomplis pour maintenir le virus hors des élevages. Bien qu’il ait démontré son importance comme ingrédient clé dans les aliments de sevrage, le plasma porcin a été retiré de la formulation des rations pour porcelets fraîchement sevrés. Les travaux effectués par le réseau Cooperative Research Farms au cours des 10 dernières années ont été mis à contribution pour préparer une autre formulation permettant de maintenir les performances. Bien sûr, la partie n’est pas gagnée, mais les pertes de performances sont moindres que prévues, ce qui est très encourageant. Une autre réalisation du réseau La Coop a été de spécialiser ses usines de production d’aliments, de façon à retirer de ces installations les autres ingrédients potentiellement dangereux pour le porc. Le nombre d’usines dont dispose le réseau a permis cette spécialisation. Ainsi, on n’utilise plus d’ingrédients à risque dans les usines destinées à la fabrication d’aliments pour porcs. Notez que ces ingrédients, économiquement intéressants et non dommageables pour les autres productions, continuent d’être offerts. Chaque usine fabriquant des aliments porcins a mis en place des mesures de biosécurité similaires à ce qui existe dans les fermes, pour éviter que celles-ci ne deviennent des lieux d’inoculation du virus. Ainsi, on a mis en place des entrées danoises pour les visiteurs et le personnel. Tous les employés des usines ont été renseignés sur la maladie, afin qu’ils puissent eux aussi participer à l’effort de maintien du statut sanitaire de la province. Le Biolac, lait de remplacement pour porcelets dont la fabrication nécessite une usine et des équipements très spécialisés, a même été
transféré dans une autre usine pour s’assurer que sa fabrication est sans risque et conforme aux nouvelles politiques du réseau. Dans chaque coopérative engagée en production porcine, chaque étape de la production a été revue pour éliminer ou réduire les risques. Les vétérinaires du réseau ont émis plusieurs recommandations à l’intention de tous les intervenants, de façon à ce que nous parvenions à nos fins : demeurer exempts de DEP. Enfin, comme vous le savez, tout cela ne servira à rien si un seul maillon de la chaîne ne fait pas le travail. Il est donc important que vous aussi soyez vigilant et appliquiez dans votre ferme les mesures de biosécurité que vous recommandent les intervenants avec lesquels vous travaillez. Voici les points à surveiller : • Le contrôle des visiteurs • L’élimination des animaux morts • L’épandage des lisiers • Vos propres allées et venues à la ferme et dans vos bâtiments • L’embauche de personnes externes pour l’entretien et les réparations • L’introduction de matériel • La gestion et l’élimination des rongeurs • Les visites aux sites de rassemblement, si vous les utilisez • Le retour à la ferme avec votre camion après une livraison de porcs à l’abattoir • Vos consignes et vérifications auprès de votre transporteur de porcs • La réception de vos aliments ou ingrédients en sacs. Comme vous le constatez, rien ne doit être oublié. En aucun cas vous ne devez acheter de porcs en provenance de l’Ontario ou des ÉtatsUnis sans avoir au préalable obtenu de votre vétérinaire un certificat démontrant que ces animaux sont exempts de DEP. Enfin, rappelezvous que le lavage, la désinfection et le séchage des camions servant au transport de porcs demeurent les points critiques les plus importants dans cette prévention. Avec la saison hivernale, il est judicieux que chacun vérifie si des relâchements ne se sont pas installés dans les procédures mises en place l’an dernier.
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P r o d u c t i o n s v é g é ta l e s
Cultiver la Gaspésie, une mer de possibilités
PHOTO : A PRECISER
Texte et photos d’Étienne Gosselin, agronome, M. Sc.
Envie de sortir des ornières ? Fatigué de la monoculture ? Des producteurs cultivent avec brio à 600 km à l’est de Québec, en Gaspésie. Entre Mont-Joli et Percé, en passant par la vallée de la rivière Matapédia, les possibilités débordent dans cette région oubliée des grandes cultures, qui compte 30 000 hectares cultivés. Des producteurs y atteignent pourtant des résultats enviables, rentables. Pomme de terre, canola, pois, céréales de semence, pour consommation humaine ou animale, rotations diversifiées... Rien n’arrête trois producteurs avant-gardistes de cultiver la Gaspésie, un hectare à la fois.
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Bleu sur fond jaune : les Couture cultivent du canola depuis trois ans et ont vite épousé cette culture, avec 100 ha cultivés la première année !
Gagner son ciel avec les grandes cultures En quittant la route 132, on est loin de se douter combien les côtes qui mènent à L’Ascension-de-Patapédia sont fortes – et pourtant, tout est dans le nom : L’Ascension… Situé sur un plateau appalachien à 280 m d’altitude, le village fondé en 1937 n’accueille plus que 200 valeureux, qui vivent de la forêt, des rivières à saumon et des chantiers de montage d’éoliennes. L’agriculture ? Il faut du courage, de la foi et de la ténacité – c’est la devise de la municipalité – pour cultiver les 20 cm de terre déposée sur la roche mère.
L
es Couture sont donc les derniers producteurs actifs de leur bled. « Seuls sur la montagne », titrait même Martin Ménard dans La Terre de chez nous, en 2013. Remettre des terres semi-abandonnées en culture – scie mécanique, débroussailleuse et rotobêche –, ils connaissent. Reconnus pour leur élevage ovin, la Bergerie Patapédia (1000 brebis et 1650 agneaux produits par année), moins pour leur habileté à cultiver les grandes étendues (465 hectares), les frères Marc et Jean-Luc Couture jardinent pourtant la terre avec une ardeur qui enchante les expertsconseils Alexandre Proulx et Pierre-Marc Cantin, qui conseillent l’entreprise. Diversification, c’est le mot d’ordre des Couture, qui intègrent graduellement à l’entreprise les fils de Marc, Jean-Sébastien et Frédéric, qui préfèrent la culture à l’élevage. Diversification des sources de revenus en élevant de l’agneau partiellement nourri aux algues (80 % de la production) et en réformant les rotations trop traditionnelles : orge (pour le troupeau), blé d’automne (une première récolte cette année), avoine pour consommation humaine (Quaker), pois et avoine de semence pour La Coop fédérée (par l’intermédiaire de la Ferme céréalière Paquet), trèfle rouge et fléole des prés (sur 150 ha, pour deux coupes, parfois trois) et canola. « Nous cultivons du canola depuis trois ans et nous avons appris de nos erreurs – comme de ne pas grainer l’orge avec des plantes fourragères sur un retour de canola », explique Marc Couture. La première fois qu’ils ont semé l’oléagineuse, les Ascensionnais en ont cultivé le chiffre rond de 100 ha… !
Quelles sont les pratiques dignes de mention à Patapédia ? D’abord, on s’assure de privilégier l’épandage de fumier de mouton semi-composté sur le canola, qui le valorise à merveille. Pour diagnostiquer des problèmes et apprécier les rendements, on fait appel à l’imagerie satellite. Enfin, sauf pour le canola, on sème les cultures directement, sans travail du sol. Confiants dans l’avenir, les Couture viennent de construire un mégadôme pour entreposer les machines, nombreuses en raison de l’absence d’entreprises de travaux à forfait. Le prochain investissement sera un séchoir, utile pour mieux entreposer les grains dans les cinq silos. Et comme on pense à tout, dans le mégadôme, une vis à grain a été installée dans le plancher quand les grains ne peuvent être stockés en silo. Des grains qui, avec les bons rendements, sont nombreux : 6,75 tonnes à l’hectare dans le blé d’automne en Gaspésie, qui dit mieux ? u
Paysage dépaysant, la vue sur la rivière Ristigouche – frontière naturelle entre le Québec et le Nouveau-Brunswick – vaut le périple sur les hautes terres de L’Ascension-de-Patapédia.
De gauche à droite : Jean-Sébastien, Frédéric (les fils de Marc), Marc, et son frère Jean-Luc. Les deux frères producteurs ovins ont tablé sur les grandes cultures pour intéresser et établir leur relève.
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« L’AVOINE, TROIS FOIS PLUTÔT QU’UNE » GASPÉSIE, TERRE DES POSSIBLES
Gaston Gagné, directeur général de La Coop Baie-des-Chaleurs, offre un vibrant plaidoyer pour l’agriculture dans la péninsule. « On doit arrêter de parler négativement de l’agriculture en Gaspésie. Les producteurs ne doivent pas se contenter de survivre. Le secteur donne du pain à bien du monde, à commencer par notre coopérative, qui existe depuis 70 ans et qui génère des revenus de 3,5 millions de dollars. » L’homme est intarissable : « Le prix des terres est souvent dérisoire, au moins huit fois moindre que celui des terres du centre du Québec, et les changements climatiques changent la donne. On est passé en 20 ans de 1900 à 2300 UTM, ce qui amène la possibilité de cultiver du soya. » Louis Roy, conseiller en grandes cultures au bureau du MAPAQ à Caplan, constate aussi un réchauffement climatique qui permettra probablement, dans un avenir rapproché, d’accroître les superficies en maïs fourrager. « Les spécialistes du consortium Ouranos pressentent toutefois une augmentation du nombre d’évènements extrêmes : ouragans, tempêtes, canicules... Sur un territoire aussi exposé aux éléments que la Gaspésie, quels seront les impacts ? se questionne l’agronome. Actuellement, nous avons, trop tard à l’automne, la chaleur désirée au printemps, qui s’éternise, et les cultures démarrent au ralenti. Insuffisamment développées, les plantes ratent la plus longue période d’ensoleillement de juin et juillet. Mais selon les scénarios d’Ouranos, le réchauffement pourrait avancer la saison d’une dizaine de jours, toute une différence ! »
PHOTOS : FRANÇOIS PEDNEAULT, LA COOP FÉDÉRÉE
Selon Louis Roy, le secteur des cultures commerciales est en essor en Gaspésie. Les terres non utilisées sont recherchées et mises en culture, les vieilles friches étant le plus souvent des terres morcelées ayant des problématiques (drainage, relief). Gaston Gagné a une lecture plus dramatique de la situation. « Des milliers d’acres tombent en friche, achetés par des spéculateurs qui accaparent les terres, attendent et ne font que nourrir les chevreuils… Le végétal a pourtant un bel avenir, avec un bon suivi technico-économique. » L’expert-conseil Pierre-Marc Cantin partage cet optimisme. « La Gaspésie, c’est une super-région pour les grandes cultures. Ne pas produire plus et mieux sur les terres gaspésiennes, c’est culturel, pas rationnel », juge le technologue, un ardent promoteur du canola dans l’Est québécois (voir Le Coopérateur agricole, octobre 2012).
AVOINE ET GASPÉSIE, UNE OCCASION À SAISIR
En août dernier, des coopératives agricoles ont décidé d’organiser trois journées champêtres sur l’avoine pour consommation humaine à Sainte-Luce, Val-Brillant et Caplan. Au programme : variétés privilégiées par les acheteurs (Nice, CDC Morrison, Souris, etc.), régie intensive pour une avoine de qualité (semis, fertilisation, traitements phytosanitaires, démonstration d’épandage de fongicide par hélicoptère), marché de l’avoine et exigences des acheteurs (présence d’un représentant de la société Quaker). Environ 80 producteurs ont répondu à l’appel.
La terre se loue assez facilement en Gaspésie, pour peu qu’on soit disposé à voyager entre les villages. Les paramètres : baux de location à durée fixe ou indéterminée, prix de 10 dollars l’acre en moyenne. Le transport des grains vers les grands centres, à 60 dollars la tonne, grignote toutefois les marges.
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Double défi pour une entreprise triplement médaillée Produire et commercialiser, voilà le double défi pour les régions éloignées. Germain Babin, qui prend la relève de son oncle Réjean Bourdages, l’apprend. À la dure. Stop !
«A Germain Babin, propriétaire de la Ferme du littoral gaspésien, est fier de son canola bien réussi.
La commercialisation est un vrai casse-tête pour la ferme, qui écoule 60 % de sa production dans une trentaine de points de vente de la baie des Chaleurs.
vant que tu t’en ailles, je vais aller te montrer mes champs de canola. » Cultivant dans cinq municipalités différentes, Germain Babin a déjà l’habitude d’ouvrir et de refermer les portières de sa camionnette. Fier de ses cultures, il voulait faire part de sa satisfaction bien légitime d’une première année à la barre de l’entreprise que lui a transférée son oncle, Réjean E. Bourdages, avec qui il avait cultivé de 2001 à 2006, avant de s’expatr ier sur des chantiers de construction en Estrie. De fait, son canola méritait le déplacement, tout en fleurs, branchu à souhait, bien désherbé. La région administrative no 11 (Gaspésie– Îles-de-la-Madeleine) tire quatre fois plus de revenus et cinq fois plus d’emplois des pêcheries que de l’agriculture, mais ce n’est pas ce genre de statistiques qui fera changer Germain de métier. Il a embrassé la culture des oléoprotéagineuses (soya et canola), des céréales (avoine Nice, orge de semence, blé pour consommation humaine) et des pommes de terre de table comme Forrest Gump s’est lancé dans la pêche à la crevette. D’accord, la comparaison est boiteuse… Campée à Bonaventure, au cœur de la baie des Chaleurs, la Ferme du littoral gaspésien cultive aujourd’hui 445 ha de sables loameux et de terre franche caillouteuse, dont 40 en pommes de terre chouchoutées. Cet été, lors de la grande sécheresse de juillet-août, Germain avait une police d’assurance dont ne disposaient pas tous les producteurs : un système d’irrigation, qu’il a déplacé de champ en champ pour éviter un flétrissement complet. Comme le Gaspésien redécouvre l’agriculture et sa complexité, il accorde sa confiance aux agronomes de son club d’encadrement technique et de son club agroenvironnemental ainsi qu’aux gens de La Coop, François Pedneault en tête, directeur des ventes pour Les Coops de l’Est. Conscient que la rentabilité passe par de bons rendements qui passent par de bonnes
pratiques, Germain ne lésine pas sur les intrants pour maintenir la fertilité des sols, une leçon que lui a apprise Réjean. Mais produire est une chose, vendre en est une autre. « La mise en marché, c’est le gros défi à relever », révèle Germain. Commercialisant eux-mêmes leur production – une cinquantaine de semi-remorques par année –, Germain et sa conjointe, Kathy Ferlatte, qui sont coactionnaires, doivent se battre contre un système qui leur ferait envoyer leurs tubercules dans les grands centres pour qu’ils reviennent dans les supermarchés locaux dans d’anonymes emballages de marques maison, gaz à effet de serre générés en sus. « Il n’y a pas de logique là », analyse l’homme. Offerts dans une trentaine de points de vente, de Pointeà-la-Croix à Percé, les pommes de terre de l’entreprise sont vendues à 60 % sur le marché régional. Une des plus grosses fermes de la Gaspésie, l’entreprise est habituée aux grands honneurs, déjà lauréate des médailles de bronze et d’argent et d’un premier rang régional pour la médaille d’or de l’Ordre national du mérite agricole. Quelle est la suite ? La médaille de platine ? u
Les rendements sont directement proportionnels à la pluviométrie. Irriguer à l’été 2014 n’aura pas été un luxe en Gaspésie.
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Dans l’ordre habituel : Firmin Paquet, Margo Tremblay et leurs fils, Pierre-Olivier et Marc-Antoine. Absente lors de la visite : leur fille, Christine.
Détour chez l’incontournable La route 132 passe peut-être devant la Ferme céréalière Paquet, dans la vallée de la Matapédia, mais ce n’est pas parce que l’exploitation est facilement accessible que de nombreux intervenants visitent ce haut lieu de la céréaliculture. C’est parce que c’est un incontournable. Stop !
É Firmin Paquet a imprimé sa marque dans la production de semences avec une recette simple et efficace : bonnes rotations, régie intensive, suivi rigoureux.
Le semoir de semis direct fait partie du parc de machinerie depuis 17 ans.
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tudiants, technologues, agronomes, producteurs, journalistes, ils sont nombreux à avoir fait un jour ou l’autre escale à Sainte-Florence, explique l’agronome Alexandre Proulx, du Regroupement des coops de l’Est. Essais agronomiques, journées champêtres, visites de ferme, toutes les raisons semblent bonnes pour se rendre à cette sorte de station expérimentale qui fait de la production de semences sa spécialité, produisant surtout pour le compte des coopératives à l’est de Rivière-du-Loup. « Toutes les régions ont leurs forces en grandes cultures. Elles peuvent toutes réussir dans une espèce ou une autre, avec les bons cultivars », juge Firmin Paquet. Son entreprise cultive 235 ha répartis dans deux municipalités. Elle compte déjà de nombreux silos (capacité de 1350 tonnes) et bâtiments pour entreposer les grains et la machinerie, mais voilà qu’elle pourra maintenant miser sur un tout nouvel entrepôt et un second poste de criblage plus performant où les semences seront ensachées (en formats de 25 ou 500 kg). Avec ses deux systèmes de criblage, Firmin Paquet est en mesure de trier convenablement le bon grain de l’ivraie, à un taux de criblage de 3 à 5 % les bonnes années, 10 à 15 % les années catastrophiques. La ferme ne commercialise pas seulement ses propres grains, mais aussi ceux d’autres producteurs (trois en Gaspésie, cinq dans le BasSaint-Laurent), ce qui amène, en plus des tonnes de déclarations pour ceux qui produisent de la semence certifiée, des mégatonnes de formulaires
Le Coopérateur agricole | JANVIER 2015
et de bulletins de commande à remplir. Rien toutefois pour décourager les producteurs, vu cette occasion de plus-value, assure la conjointe de Firmin, Margo Tremblay, qui, trois fois durant la saison de croissance, se coiffe de son grand chapeau pour aller parcourir les champs et les épurer des hors-types ou des mauvaises herbes coriaces. Pour conserver des sols en bonne santé et des vers de terre heureux de s’y trouver, Firmin Paquet accorde beaucoup d’importance aux rotations – « le nerf de la guerre », dit-il. Orge, avoine, blé, triticale, pois et sarrasin composaient le plan de culture cette année, le sarrasin venant couper les cycles du trio infernal maladies-insectesmauvaises herbes et les pois apportant une dose d’azote gratuite (15-20 kg/ha) pour les céréales en tête d’assolement. Soya, caméline et canola percent aussi la rotation, occasionnellement. « Firmin, c’est toujours le premier dans la vallée à finir de semer, observe Alexandre Proulx. C’est un avant-gardiste, qui fait du semis direct depuis 17 ans. » Par ailleurs, une régie intensive alliant fractionnement de l’engrais et application de fongicides est adoptée pour produire une qualité de semence irréprochable. « Firmin produit des céréales de semence pour le réseau depuis longtemps, confirme le directeur de la production des semences pour La Coop, Luc Roger. Et il fait un excellent travail » conclut, sans détour, l’agronome. Stop !
Les champs de cultures semencières, morcelés en blocs de 15 à 20 ha, comptent des zones d’isolement traversées de nombreux chemins pour faciliter les accès et les suivis.
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P r o d u c t i o n s v é g é ta l e s
Par Lucie Kablan, Ph. D. Chercheuse en productions végétales La Coop fédérée lucie.kablan@lacoop.coop
Mieux fertiliser pour mieux protéger Les cultures ont besoin d’éléments nutritifs en quantité suffisante pour avoir une croissance optimale et une meilleure résistance aux maladies.
PHOTOS : LA COOP FÉDÉRÉE
L Photo 1
es éléments nutritifs agissent sur la qualité des cultures en améliorant le développement de la plante. Ils influent également sur la résistance ou la sensibilité de la plante aux agents pathogènes. Les éléments nutritifs dont les végétaux ont besoin pour croître et se développer sont l’azote, le phosphore, le potassium et les éléments mineurs. Ces éléments agissent sur la résistance des plantes par la formation de barrières mécaniques contre la pénétration des agents pathogènes ou par l’activation des réactions de défense des plantes (pensons aux phytoalexines et aux composés antioxydants).
Quelques résultats
Photo 2
L’azote (N) est un constituant principal des acides aminés responsable de la formation des protéines à l’intérieur de la plante. L’azote constitue un facteur clé du rendement et de la qualité des céréales. Des études menées dans l’Est canadien ont montré une diminution de la gravité des maladies foliaires en présence d’une fertilisation optimale (tableau 1). Dans l’Ouest canadien,
Photo 1 : Fusariose de l’épi du blé Photo 2 : Carence en potassium dans le maïs Photo 3
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Photo 3 : Feuille de soya infestée par les pucerons
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des chercheurs ont démontré que l’incidence de la fusariose de l’épi du blé (photo 1) était réduite lorsqu’on utilisait de l’urée au lieu du nitrate. Mais au Québec, on a démontré qu’il n’y avait pas de différences notables entre les deux sources d’azote. Dans le maïs, une fertilisation azotée adéquate permet de réduire la contamination de certains groupes de mycotoxines (tableau 2). On estime qu’une application équilibrée d’engrais azoté assure une diminution du taux de mycotoxines et est habituellement la meilleure solution pour enrayer la contamination. Le potassium (K) joue un rôle dans l’accroissement de la résistance des plantes au froid, à la sècheresse, aux maladies et aux attaques des insectes. Il renforce les parois cellulaires et empêche la pénétration des agents pathogènes. Une carence en potassium (photo 2) entraîne dans le maïs un dessèchement des grains, un avortement des grains à l’extrémité des épis et des tiges vulnérables à la verse et aux pourritures. Il en résulte une perte du rendement et de la qualité des grains. En Amérique du Nord, on a observé une diminution appréciable des pucerons du soya en présence d’un sol riche en potassium (photo 3 et tableau 3). Le phosphore (P) entre en jeu dans plusieurs processus physiologiques. Il est donc important que les cultures en disposent en quantité suffisante pour leur émergence, leur croissance et leur maturité.
Les éléments mineurs ou oligoéléments – comme le bore, le manganèse, le cuivre et le zinc – sont importants pour le bon fonctionnement des mécanismes physiologiques et biochimiques de défense de la plante. Une carence en bore prédispose l’orge à l’infection par l’agent responsable de l’ergot. Au Québec, une étude a démontré que
l’application de bore permet de réduire le contenu en sclérotes (ergot) dans l’orge (tableau 4). Une plante bien fertilisée permet d’avoir des grains de qualité, ce qui démontre le lien indéniable entre la fertilisation et la qualité des grains.
Tableau 1 Effets de la fertilisation minérale azotée sur les maladies foliaires et la fusariose du blé cultivé au Canada Pays (source) Est du Canada Subedi et al. 2007
Ouest du Canada Teich et al. 1984
Québec Tremblay et Rioux 2008
Fertilisation (kg N/ha)
Taches foliaires ( %)
0 60 100
38-40 28-30 18-20
Tableau 2 Effet de la fertilisation minérale azotée sur la fusariose du grain, l’incidence et la gravité de la pourriture de l’épi de maïs
Épillets fusariés/ incidence
Urée Nitrate
2,9/105 6,6/105
Urée Nitrate
30,6 % 26,8 %
Fertilisation (kg N/ha)
Grains fusariés (%)
0 100 200
32,0a* 23,1b 22,3b
Analyse foliaire K, % 1,5 2,4 2,4
Pucerons/plants 19 août 26 août 107 251 56 72 54 72
Gravité de la pourriture de l’épi (%)
96,7a 86,7b 90,0ab
6,1a 2,8b 2,0b
*Les données suivies d’une même lettre ne sont pas significativement différente sur le plan statistique. Source : Blandino et al. 2008
Tableau 4 Effet de la fertilisation foliaire en bore sur l’ergot de l’orge
Tableau 3 Effets du potassium sur le nombre de pucerons et le rendement du soya Analyse de sol K, ppm 60 113 142
Incidence de la pourriture de l’épi (%)
Rendement (boisseaux/acre) 24 47 46
Source : Bruulsema et al. 2010
Fertilisation foliaire (kg B/ha)
% de sclérotes
0 1
0,08 0,02
Source : Morasse et al. 1996
Avis aux producteurs sur l’utilisation responsable des caractères technologiques Monsanto Company est membre du groupe Excellence Through StewardshipMD (ETS). Les produits de Monsanto sont commercialisés conformément aux normes de mise en marché responsable de l’ETS et à la politique de Monsanto pour la commercialisation des produits végétaux issus de la biotechnologie dans les cultures de base. L’importation de produits commercialisés a été approuvée dans les principaux marchés d’exportation dotés de systèmes de réglementation compétents. Toute récolte ou matière obtenue à partir de ce produit ne peut être exportée, utilisée, transformée ou vendue que dans les pays où toutes les approbations réglementaires nécessaires ont été accordées. Il est illégal, en vertu des lois nationales et internationales, d’exporter des produits contenant des caractères issus de la biotechnologie dans un pays où l’importation de telles marchandises n’est pas permise. Les producteurs devraient communiquer avec leur négociant en grains ou acheteur de produit pour confirmer la politique de ces derniers relativement à l’achat de ce produit. Excellence Through StewardshipMD est une marque déposée de Excellence Through Stewardship. VEUILLEZ TOUJOURS LIRE ET SUIVRE LES DIRECTIVES DES ÉTIQUETTES DES PESTICIDES. Les cultures Roundup ReadyMD possèdent des gènes qui leur confèrent une tolérance au glyphosate, l’ingrédient actif des herbicides RoundupMD pour usage agricole. Les herbicides RoundupMD pour usage agricole détruiront les cultures qui ne tolèrent pas le glyphosate. La technologie du traitement de semences AcceleronMD pour le soya (fongicides seulement) est une combinaison de trois produits distincts homologués individuellement qui, ensemble, contiennent les matières actives fluxapyroxad, pyraclostrobine et métalaxyl. La technologie du traitement de semences AcceleronMD pour le soya (fongicides et insecticide) est une combinaison de quatre produits distincts homologués individuellement qui, ensemble, contiennent les matières actives fluxapyroxad, pyraclostrobine, métalaxyl et imidaclopride. La technologie du traitement de semences AcceleronMD pour le maïs (fongicides seulement) est une combinaison de trois produits distincts homologués individuellement qui, ensemble, contiennent les matières actives métalaxyl, trifloxystrobine et ipconazole. La technologie du traitement de semences AcceleronMD pour le maïs (fongicides et insecticide) est une combinaison de quatre produits distincts homologués individuellement qui, ensemble, contiennent les matières actives métalaxyl, trifloxystrobine, ipconazole et clothianidine. La technologie du traitement de semences AcceleronMD pour le maïs avec PonchoMD/VoTivoMC (fongicides, insecticide et nématicide) est une combinaison de cinq produits distincts homologués individuellement qui, ensemble, contiennent les matières actives métalaxyl, trifloxystrobine, ipconazole, clothianidine et la souche Bacillus firmus I-5821. AcceleronMD, Acceleron et le logoMD, DEKALB et le logoMD, DEKALBMD, Genuity et le logoMD, GenuityMD, Refuge Intégral et le logoMD, Refuge IntégralMD, Roundup Ready 2 Technologie et le logoMC, Roundup Ready 2 RendementMD, Roundup ReadyMD, Roundup WeatherMAXMD, RoundupMD, SmartStax et le logoMD, SmartStaxMD, VT Double PROMD et VT Triple PROMD sont des marques de commerce de Monsanto Technology LLC. Utilisation sous licence. LibertyLinkMD et le logo de la goutte d’eau sont des marques de commerce de Bayer. Utilisation sous licence. HerculexMD est une marque déposée de Dow AgroSciences LLC. Utilisation sous licence. PonchoMD et VotivoMC sont des marques de commerce de Bayer. Utilisation sous licence. Toutes les autres marques de commerce appartiennent à leur titulaire respectif.
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Client: Monsanto Ad#: 4187
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A f fa i re s é c o n o m i qu e s
ACCORD
CANADA -
Les Français le craignent aussi
Signé en octobre 2013, l’accord de libre-échange entre le Canada et l’Union européenne (UE) a enthousiasmé les milieux économiques. Dans le monde agricole, en revanche, les réactions sont plus contrastées, suivant que l’on se trouve dans la filière qui a gagné des droits d’exportation supplémentaires ou selon que l’on aura à subir de nouvelles importations. Petit tour d’horizon de chaque côté de l’Atlantique chez les « perdants » de cet accord.
Par David Besseney
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V
ers l’Europe, 83 000 t de porc et 50 000 t de bœuf canadien; vers le Canada, 17 700 t de fromages européens supplémentaires. L’accord de libre-échange a réveillé les vieux démons du protectionnisme au sein du monde agricole, inquiet de voir débarquer une nouvelle concurrence que chacun juge déloyale. Les filières animales ne se portent pas bien dans les pays de l’UE. Cours volatils, hausse des charges, conjoncture internationale défavorable, les tensions sont palpables. Malgré les subventions européennes, les agriculteurs peinent à
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vivre de leur métier. Dans ce contexte, la signature de cet accord de libre-échange avec le Canada a entraîné des réactions épidermiques. Président d’Interporc Rhône-Alpes et trésorier de la Fédération nationale porcine (FNP), Thierry Thénoz ne cache pas son amertume. « Ce sujet est l’une de nos préoccupations, lance-t-il, mais pas la seule. Nous, les producteurs européens, devons subir également un embargo sanitaire russe depuis le 6 janvier 2014, car quelques cas de fièvre porcine ont été détectés… en Lituanie [NDLR : pays balte tout proche de la Russie]. » Cette perturbation a engendré, dès l’été 2013, une chute des cours, que la filière, fragile, aurait bien aimé éviter.
Peur des hormones de croissance
Prix et conditions de production Les perspectives de l’arrivée d’un nouveau contingent d’importations inquiètent donc les éleveurs, qui s’estiment lésés sur les normes de production. « Nos craintes portent sur la distorsion de concurrence. Les conditions de production ne sont pas les mêmes au Canada qu’en Europe : usage de farines animales, abattage… Cela leur coûte moins cher à produire, explique l’éleveur du département de l’Ain. Nous sommes favorables au libre-échange à condition que chacun soit soumis aux mêmes normes. Et nous souhaitons un étiquetage clair sur l’origine des viandes. » La France, gros consommateur de jambons, pourrait être le pays européen le plus affecté par l’arrivée des volumes canadiens. Si le tonnage paraît faible, il n’en fait pas moins peser une vraie menace sur les cours du porc, selon Thierry Thénoz. « Il suffit d’augmenter l’offre de 10 % pour que le prix au kilo chute de 10 centimes. » Pour Daniel Picart, président du Marché du porc breton (2200 producteurs), dont les cours servent de référence nationale, « le coût de production du porc canadien est en moyenne 25 % moins élevé qu’en Europe. La concurrence est trop inégale. Le jambon canadien sera une nouvelle référence de prix dans l’UE. »
« Comment va-t-on expliquer à nos éleveurs que leurs vaches ne partent pas à l’abattoir parce que de la viande canadienne arrive? » s’interroge François Garrivier, éleveur de Charolaises dans le département de la Loire et administrateur de la Fédération nationale bovine.
Président d’Interporc Rhône-Alpes et trésorier de la Fédération nationale porcine (FNP), Thierry Thénoz ne cache pas son amertume au sujet de l’Accord. « C’est l’une de nos préoccupations, lance-t-il, mais pas la seule. Nous sommes favorables au libre-échange à condition que chacun soit soumis aux mêmes normes. Et nous souhaitons un étiquetage clair sur l’origine des viandes. »
PHOTOS : APASEC
- UE
Du côté des producteurs bovins, l’analyse est à peu près la même. Après avoir connu une embellie à la suite de l’ouverture du marché turc, il y a deux ans, la morosité est déjà de retour. « On va voir arriver un tonnage supplémentaire sur un marché qui ne rémunère pas. Comment va-t-on expliquer à nos éleveurs que leurs vaches ne partent pas à l’abattoir parce que de la viande canadienne arrive ? » s’interroge François Garrivier, éleveur de Charolaises dans le département de la Loire et administrateur de la Fédération nationale bovine (FNB). La question des conditions de production est l’autre source de préoccupation. « Les consommateurs ici rejettent vivement la viande aux hormones », rappelle-t-il. Et même si le Canada, par l’Agence canadienne d’inspection des aliments, a mis sur pied une certification d’absence d’hormones pour les viandes exportées vers l’UE, l’éleveur français demeure sceptique : « Il subsistera toujours des doutes. Nous n’avons aucun moyen de vérifier ce qui se passe à des milliers de kilomètres. » Sur les prix, l’inquiétude est tout aussi vive, quand bien même les volumes importés restent modestes. « Si l’on prend l’exemple du mouton, illustre le responsable syndical, le prix de l’agneau néozélandais est devenu le prix de référence sur le marché européen. Nous ne pouvons pas lutter ! » u
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En Union européenne, les perspectives de l’arrivée d’un nouveau contingent d’importations inquiètent les éleveurs, qui s’estiment lésés sur les normes de production.
Ballon d’essai avant un accord Europe–États-Unis ? À ce jour, la FNSEA (Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles) continue de discuter avec les instances européennes sur les modalités de l’accord. « L’idéal pour nous serait qu’il tombe à l’eau, reconnaît sans détour François Garrivier. Car sinon, on ne pourra pas empêcher des réactions de la part de nos éleveurs le jour où les premières viandes canadiennes arriveront sur nos étalages… » Mais ce qui inquiète plus encore les éleveurs français et européens, c’est que cet accord de libre-échange avec le Canada ne soit qu’un ballon d’essai en vue d’un accord Europe–États-Unis. Les deux parties ont en effet entamé au printemps 2014 des négociations sur ce point. « Et là, les volumes concernés seraient d’une tout autre ampleur », s’insurgent les éleveurs, craignant un impact désastreux sur leur filière. Ces négociations pourraient aussi entraîner des oppositions de fond sur des sujets comme les OGM, les feedlots (parcs d’engraissement intensif de bovins) ou le poulet chloré…
Les fromages d’ici menacés ?
PHOTO : INGIMAGE
Au Canada, l’importation additionnelle de 17 700 tonnes de fromages, dont 16 000 tonnes de fromages fins, pourrait représenter jusqu’à 30 % du marché de détail de ces fromages.
Du côté du Canada, cette fois, l’annonce de l’accord de libre-échange avec l’UE a provoqué la colère des Producteurs laitiers du Canada, qui s’étaient prononcés contre celui-ci, estimant que l’UE bénéficiait déjà d’un quota généreux (20 400 t). Selon la Fédération des producteurs de lait du Québec, la concession accordée à l’UE aura pour résultat que 175 M de litres de lait ne seront pas produits ni transformés au Canada, avec toutes les
conséquences en matière de richesse collective. L’importation additionnelle de 17 700 tonnes de fromages, dont 16 000 tonnes de fromages fins, pourrait représenter jusqu’à 30 % du marché de détail de ces fromages, ce qui ne pourra pas être absorbé par la croissance annuelle du secteur, évaluée à 1 %. Selon cette même source, au cours des 20 dernières années, les producteurs et fromagers d’ici ont investi, au bas mot, plus de 100 M $ pour développer le marché. Leurs efforts risqueraient d’être réduits à néant. Le problème est plus présent encore au Québec, province qui produit et consomme l’essentiel des fromages fins. Président d’Agropur, Serge Riendeau dit sa préoccupation. « C’est l’équivalent de 350 fermes, 17 700 t ! Les transformateurs européens paient le lait moins cher, car les éleveurs touchent des subventions. On ne lutte pas à armes égales. » Il se veut aussi attentif à la mise en place de ces nouveaux quotas. « Depuis plusieurs années, les fromages canadiens se développent aux côtés
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des fromages importés. Il faudra conserver les mêmes acteurs pour garder cet équilibre. » Il mise enfin sur le dynamisme propre aux entreprises canadiennes. « Pour notre part, nous croyons beaucoup à notre système de gestion de l’offre et à nos fromages. Nous investissons, par exemple, dans notre marque Oka. Nous espérons que la hausse de la consommation pourra compenser en partie ces importations. »
Du côté des fromagers artisanaux, on ne masque pas non plus ses appréhensions. « Les fromages fins d’importation arrivent à 9 ou 10 $/kg au port de Montréal. Ils sont revendus entre 25 et 30 $/kg, contre 55 à 70 $/kg pour les fromages artisanaux québécois, explique Louis Arsenault, président de l’Association des fromagers artisans du Québec. Nos coûts de production se situent entre 15 et 17 $/kg selon les cas, mais ce sont les distributeurs et les détaillants qui s’assurent la meilleure part de la marge. Les distributeurs vont se jeter sur les produits d’importation pour s’assurer une plus grande marge. C’est dur à avaler, d’autant que les normes sanitaires sont plus radicales ici et que les producteurs ne touchent aucune subvention. » Démarche tout à fait inhabituelle, les producteurs se tournent vers Ottawa pour demander une compensation financière. « On ne veut pas une rente à vie, mais une aide ponctuelle pour faire front. Nous ne souhaitons pas devenir les jardiniers de l’État », plaide Daniel Gosselin, éleveur et fromager de Montérégie.
UN ACCORD LONG À SE MATÉRIALISER
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Après quatre ans de négociations, le premier ministre canadien, Stephen Harper, et le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, ont signé le vendredi 18 octobre 2013 un vaste accord de libre-échange dans le but de dynamiser leurs échanges commerciaux. Harper a parlé d’un « accord historique » pour le Canada, qui va accéder à un marché de 500 millions de consommateurs. En échange, Ottawa doit éliminer ses barrières tarifaires sur 98 % de ses importations en provenance de l’UE. Une fois entré en vigueur, l’accord dopera de 23 % les échanges commerciaux entre les deux parties. Cela devrait se traduire par 17 milliards $ CA supplémentaires par an de produit intérieur brut pour l’UE et 11,25 milliards $ pour le Canada. Pour le Québec, cet accord représenterait des retombées économiques de l’ordre de 2,2 milliards $ CA par année et la création de 16 000 emplois. À ce jour, Européens et Canadiens travaillent encore à régler les aspects techniques et juridiques de cet accord. Si, malgré leurs demandes à Bruxelles, aucune compensation n’a été accordée à ce jour aux éleveurs européens, le premier ministre canadien, qui estime que cet accord n’engendrera que des « pertes minimes et temporaires », s’est pour sa part engagé à « offrir une compensation qui tiendra entièrement compte des effets indésirables ». Stephen Harper n’a, pour l’instant, fait connaître ni les modalités ni le montant de cette aide. Il faut rappeler que l’aval des 10 provinces canadiennes et des 28 pays membres de l’Union européenne est indispensable pour que l’accord de libre-échange entre en vigueur. Il y a quelques mois, l’Allemagne a menacé de ne pas ratifier l’accord. Berlin s’opposerait aux clauses concernant la protection juridique qui serait offerte aux entreprises. Lors de sa récente visite à l’Assemblée nationale du Québec, le président français, François Hollande, a pour sa part rappelé son appui à cet accord de libre-échange et dit espérer sa ratification dans les plus brefs délais. Affaire à suivre…
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P r o d u c t i o n s v é g é ta l e s
Le CETAQ
au service des producteurs de canneberges
Situé à Notre-Dame-de-Lourdes, le Club environnemental et technique Atocas Québec (CETAQ) loge à la même enseigne que l’Association des producteurs de canneberges du Québec (APCQ). Les deux organismes travaillent en étroite collaboration. « L’APCQ nous consulte pour les questions techniques et nous avons recours à elle pour les sujets plus politiques », souligne Michel Champagne, directeur du CETAQ depuis mars 2014.
PHOTO : CÉLINE NORMANDIN
Par Hélène Cossette
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C
réé à l’origine dans le but d’accompagner les producteurs dans le dépistage, le CETAQ demeure le seul club environ nemental québécois exclusivement voué à la canneberge, rappelle M. Champagne. Actif depuis 1995, le club a d’ailleurs acquis une expertise inégalée dans l’identification des insectes nuisibles dans les cannebergières ainsi que dans la lutte contre ceux-ci. « Nous sommes une référence au Québec et même dans les Mari times, où nous sommes parfois appelés à former des professionnels et des producteurs », souligne fièrement le directeur. Au cours des années, la mission du club s’est élargie pour inclure le suivi de la fertilisation et la lutte contre les mauvaises herbes. « Aujourd’hui,
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nous avons pour premier mandat de donner un service agronomique qui englobe à la fois les aspects législatifs et les conseils techniques », explique le gestionnaire, qui a lui-même accom pagné plusieurs membres parallèlement à ses fonctions de gestion. Regroupant la majorité des producteurs de canneberges du Québec et financé en grande partie par ses membres utilisateurs, le CETAQ compte sur une équipe de deux techniciens et sept agronomes chevronnés, en incluant son directeur, qui compte 25 années d’expérience agronomique. En formule « membre club » ou à la carte, ces derniers offrent un encadrement personnalisé, qui comprend le dépistage des ravageurs, le suivi de la gestion des ravageurs et de la fertilisation,
des conseils techniques, un accompagnement agroenvironnemental ainsi que la réalisation du plan agroenvironnemental de fertilisation (PAEF) et du bilan de phosphore. Les agriculteurs étant tenus de produire un PAEF et un bilan de phosphore chaque année en vertu du Règlement sur les exploitations agricoles du Québec, la plupart des membres se prévalent de ce service, qui occupe d’ailleurs les agronomes du CETAQ une bonne partie de l’automne et de l’hiver. De la mi-mai au début août, une vingtaine d’employés saisonniers s’ajoutent à l’équipe, principalement pour assurer les services de dépistage. Il s’agit majoritairement d’étudiants en agronomie, en biologie ou en écologie, dont le rôle consiste à identifier et à quantifier les populations de ravageurs dans le but d’évaluer les risques d’infestation. Les interventions peuvent ainsi être mieux ciblées pour réduire au minimum l’utilisation de pesticides, explique le directeur. Durant la récolte, en octobre, le laboratoire du CETAQ offre en outre aux producteurs et transformateurs de canneberges divers services d’analyse : taux de sucre (º Brix), couleur, acidité, pH, pourriture et décompte de fruits endommagés.
ce livre constitue un outil de référence particuliè rement utile en culture biologique. De plus, le CETAQ entretient des liens avec les producteurs de l’ouest du Canada, avec le Cran berry Institute (États-Unis) et avec les centres de recherche du Wisconsin et du Massachusetts. « L’an prochain, nous allons participer à une conférence nord-américaine de chercheurs dans le domaine de la canneberge, le NACREW [North American Cranberry Research and Extension Workers], qui aura lieu sur la côte ouest des États-Unis », souligne le directeur. Il ne s’agira toutefois pas d’une première pour cet organisme, dont l’expertise est de plus en plus reconnue au-delà des frontières canadiennes. Lors de l’édition précédente, tenue à Québec en 2013, des agronomes du CETAQ ont présenté leurs travaux sur la biodiversité des ennemis naturels dans la production de canneberges et sur l’effi cacité de différents insecticides biologiques pour lutter contre la tordeuse des canneberges. Pour plus d’information sur le CETAQ, consultez le site www.notrecanneberge.com.
Recherche et développement
PHOTO : ING IMAGE
Le CETAQ s’est par ailleurs acquis une réputation enviable en matière de recherche et développement et de transfert de connaissances dans la lutte intégrée et les bonnes pratiques agri coles. Ses agronomes collaborent régulièrement avec d’autres chercheurs de l’Institut de recherche et de développement en agroenvironnement (IRDA) ainsi que des universités Laval et Sher brooke. « Nous travaillons sur six à sept projets de recherche par année en moyenne. Une de nos agronomes consacre jusqu’à 50 % de son temps à la recherche et aux essais dans les champs », précise M. Champagne. Entrepris par le CETAQ à la demande de l’APCQ, un projet de recherche sur l’utilisation du vinaigre pour lutter contre les mauvaises herbes en régie biologique vient justement d’aboutir, citet-il à titre d’exemple. « Le vinaigre va être homo logué cette année par l’Agence de réglementation pour la lutte antiparasitaire de Santé Canada », se réjouit-il. En collaboration avec le MAPAQ, le CETAQ a d’ailleurs produit un Guide d’identification des mauvaises herbes de la canneberge. Publié en 2013,
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C o o p é r at i o n
De la
GRANDE visite Une quinzaine de Néerlandais – dont six producteurs agricoles – venant d’organismes, d’institutions et de coopératives se sont arrêtés visiter les installations de La Coop Comax et celles de la Ferme de recherche en productions végétales.
Texte et photos de Étienne Gosselin, agronome, M. Sc.
En octobre dernier, une délégation d’une quinzaine de Néerlandais s’est arrêtée visiter les installations de La Coop Comax et de la Ferme de recherche en productions végétales. De la GRANDE visite, au sens propre comme au sens figuré!
A
rrivée à Montréal, la délégation des Pays-Bas, composée de représentants d’organismes, d’institutions et de coopératives proprement dites, faisait route vers Québec, où se tenait le Sommet international des coopératives. Mais elle voulait s’arrêter en chemin visiter une coopé rative agricole, et pas n’importe laquelle : La Coop Comax et sa filiale Celubec – 1600 membres, 200 employés, un chiffre d’affaires annuel d’un quart de milliard de dollars. Et tant qu’à être dans la plaine de Saint-Hyacinthe, pourquoi ne pas montrer aux Néerlandais le savoir-faire de La Coop fédérée en matière d’innovation, à la Ferme de recherche en productions végétales ? Pierre-Philippe Lambert, adjoint au secré taire général de La Coop fédérée, a d’abord brossé un portrait de La Coop, deuxième agroentreprise du Canada pour la taille. Il n’a pas manqué de
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souligner le caractère fédéré des coopératives agricoles du Québec, de même que la présence de chaînes de valeur, comme Olymel, ou de par tenariats économiques, comme IFFCO Canada. Certains des visiteurs ont voulu en savoir plus sur la façon dont s’articule le fonctionnement, notam ment démocratique, à l’échelle d’une fédération qui génère 5,2 milliards de dollars de chiffre d’affaires et emploie près de 10 000 personnes. Le président de La Coop Comax, Michel Gauvin, a ensuite présenté les grandes lignes de sa coopérative avant de répondre à plusieurs questions, notamment sur le sentiment d’ap partenance des membres envers leur coop (1000 personnes présentes lors de la journée de célébration du 70e anniversaire de Comax), sur la non-obligation des membres de traiter avec leur coop pour leurs services (aucun lien d’affaires
Les gens de la Ferme de recherche en productions végétales ont fait sentir aux Néerlandais qu’ils étaient les bienvenus chez nous en hissant leur drapeau national.
obligatoire) et sur la croissance et le dévelop pement de la coopérative dans un marché hautement concurrentiel (la grande région de Saint-Hyacinthe, technopole agroalimentaire). Les congressistes avaient ensuite rendezvous sur la route 137, à la Ferme de recherche, où le directeur R et D de La Coop fédérée, l’agronome Alexandre Mailloux, a présenté l’essentiel des activités de recherche en production végétale du réseau La Coop (85 % des activités ayant trait à l’amélioration génétique, 15 % à l’amélioration des pratiques). Les visiteurs étaient notamment curieux de savoir quelles étaient les activités rela tives aux possibilités culturales, au semis direct et aux variétés transgéniques, sujet sensible en Europe. « Nous sommes l’entreprise qui offre le plus de variétés de maïs non OGM », a pris soin de rappeler Alexandre Mailloux.
Commerce international Autre sujet d’intérêt pour les Néerlandais : le récent accord de libre-échange Canada-Union européenne (UE), officiellement appelé Accord économique et commercial global. Bon joueur, le président de La Coop Comax, Michel Gauvin, a bien fait sentir aux Néerlandais présents que La Coop n’était pas contre cet accord, puisque sa propre coopérative et des filiales de La Coop fédérée, comme Olymel, profitent de l’ouverture des frontières pour faire des affaires à l’inter national. « Nous n’avons pas peur de ce genre d’accord, puisque nous sommes déjà engagés sur les marchés, notamment dans le commerce des grains », a déclaré le président de Comax. Avant l’heure du dîner, la directrice des affaires économiques et commerciales de l’am bassade des Pays-Bas au Canada, Inez Rensink, est venue présenter un résumé de l’accord et des possibilités commerciales pour les entreprises néerlandaises. Innovation dans les produits laitiers, expertise en matière de transformation alimentaire et savoir-faire quant au bien-être animal, voilà autant de voies porteuses pour les entreprises néerlandaises désireuses de brasser des affaires au Canada, selon Inez Rensink, qui pense que le processus légal de ratification de l’entente au sein des 28 pays membres de l’Union européenne prendra fin en 2015, pour une mise en vigueur de l’accord en 2016 (les négociations pour l’accord ont débuté en 2009). « L’accord représente un potentiel d’échanges commerciaux estimé à un milliard de dollars pour les Pays-Bas », a fait
miroiter la directrice. Les Pays-Bas, porte d’entrée sur l’Europe avec l’immense port de Rotterdam, sont un partenaire stable et privilégié du Canada, son sixième marché d’exportation en importance. L’Union européenne, deuxième partenaire commercial du Canada après les États-Unis, représente actuellement 9,3 % des échanges commerciaux canadiens. Selon les analyses pré sentées par Inez Rensink, les échanges bilatéraux Canada-UE devraient bondir de 38 milliards de dollars une fois l’accord ratifié.
Michel Gauvin, président de La Coop Comax, et Pierre-Philippe Lambert, adjoint au secrétaire général de La Coop fédérée, ont donné un bon aperçu de la coopération agricole québécoise et de ses défis.
Coopération chez les jeunes S’il est un défi commun pour les coopé ratives tant néerlandaises que canadiennes, c’est bien celui d’intéresser les gens en général, et les jeunes en particulier, aux valeurs et aux avantages de la coopération. Ce défi est au cœur des fonc tions de Jan Kuks, producteur laitier et président de la Commission jeunesse de la coopérative FrieslandCampina. Cette géante de la transfor mation laitière – une des cinq plus grandes entre prises laitières du monde – a un chiffre d’affaires annuel de 11,4 milliards de dollars. « Nous avons décidé de diviser notre terri toire en 21 régions, où sont élus 105 jeunes, qui forment la Commission jeunesse. Cela nous assure une bonne représentativité régionale et une forte mobilisation de nos 4000 jeunes membres », explique Jan Kuks. Sur ces 105 conseil lers, 21 forment le Comité jeunesse, qui a des échanges constants avec les membres du conseil d’administration. Enfin, un conseil de direction composé de cinq jeunes dirige les activités de ce grand regroupement de jeunes, qui ont entre 18 et 35 ans et sont en voie de s’établir sur les exploita tions laitières. Une véritable pépinière de futurs dirigeants pour la coopérative laitière. Aussi digne de mention : une fois par année, une journée jeunesse est organisée pour sti muler les troupes, échanger de l’information et se divertir. Le reste de l’année, les jeunes font sentir leur présence aux réunions, assemblées et activités de FrieslandCampina. Ils doivent notamment réfléchir et se positionner sur une thématique annuelle, comme la chaîne de valeur ou l’innovation au sein des entreprises laitières et de la coopérative. Bref, les jeunes participent, s’impliquent, écoutent, mais sont aussi consultés par les diri geants de FrieslandCampina sur le devenir de leur entité coopérative.
Possibilités culturales, semis direct, variétés transgéniques : ces trois sujets, émanant de la Ferme de recherche en productions végétales de La Coop fédérée, intéressaient grandement la quinzaine de visiteurs des Pays-Bas.
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D é c o r at i o n
Par Hélène Cossette
Le style
shabby chic
PHOTOS : ING IMAGE
Popularisé dans les années 1980 par Rachel Ashwell, une Anglaise vivant en Californie, le style shabby chic a toujours la cote dans le monde de la décoration. Mais en quoi consiste-t-il exactement? Designer d’intérieur à la Boutique Inov du Centre de rénovation Unimat de Saint-Joseph-deBeauce depuis octobre 2013, Geneviève Turmel-Poulin nous l’explique.
Geneviève Turmel-Poulin, de la Boutique Inov du Centre de rénovation Unimat de SaintJoseph-de-Beauce.
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« L’univers shabby chic est un croisement entre les styles champêtre, romantique et vintage, résume cette professionnelle formée en design d’intérieur. C’est un style simple et authentique qui permet de changer de décor sans avoir à se départir de tous ses vieux meubles remplis de souvenirs. » « Shabby » signifie littéralement « usé » ou « abîmé » en français. Combiné à l’adjectif « chic », ce style romantique aux accents kitchs et rétros se caractérise par la mise en valeur de mobilier d’aspect vieillot, par des couleurs pâles et des accessoires dénichés dans les brocantes. Selon la designer, ce style qualifié d’« esprit cabane » ou « esprit cottage » dans certaines
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revues de décoration s’adapte à tous les budgets. « Il suffit d’être créatif ! » lance-t-elle. Plutôt que de les remplacer, vos vieux meubles abîmés pourront en effet devenir l’élément central de votre nouveau décor shabby chic, fait-elle valoir. Il suffira de leur donner un aspect d’antan en les décapant, en les blanchissant ou même en soulignant leurs imperfections. Pour ce faire, vous pourrez utiliser différents outils et produits spécialisés ou simplement employer ce que vous avez sous la main, comme du papier abrasif ou du cirage à chaussures. « Il suffit parfois de changer les poignées pour convertir un meuble dans ce style », remarque-t-elle. Les teintes naturelles (telles que le blanc écru) sont caractéristiques de l’ambiance shabby chic, qui se veut rafraîchissante et lumineuse. « Il faut éclaircir les pièces, insiste la designer. C’est ce qui leur donnera une impression de grandeur. » Les couleurs vives ou foncées n’y sont donc pas à leur place. Pour apporter un peu de punch, on optera plutôt pour des couleurs pastel, comme les rosés, le bleu ciel et le vert pistache, autant pour les murs que pour les tissus de recouvrement, les carpettes et les rideaux. Côté matières, le bois blanchi, l’osier, le lin, le voilage, les dentelles et broderies et le coton épais sont à l’honneur. Quant aux accessoires, on ne se prive pas et on ose les mélanges de motifs et de textures, poursuit la designer. « De beaux voilages clairs et fluides viendront habiller les fenêtres. Des coussins à motifs floraux discrets et à larges rayures rehausseront votre vieux canapé rococo et un beau luminaire de style chandelier apportera la touche finale au décor. » Il ne faut pas non plus hésiter à fouiller le grenier ou à courir les ventes-débarras et les marchés aux puces pour trouver la perle rare qui deviendra peut-être le centre d’intérêt d’une pièce, conseille la designer. Il pourra s’agir de vieilles planches de grange, d’un cadre ancien, d’un miroir dépoli ou même d’un ancien objet utilitaire, comme une roue de charrette, une cage à oiseaux ou une caisse de bois, cite-t-elle à titre d’exemple. « Ce sera peut-être aussi l’occasion ou jamais de mettre en valeur un beau service de vaisselle ayant appartenu à un de vos ancêtres », suggère Geneviève Turmel-Poulin, qui se fera un plaisir de mettre ses connaissances et son imagination à votre service !
Da n s n o s c o o p s
Le 29 octobre dernier, la Fédération interdisciplinaire de l’horticulture ornementale du Québec (FIHOQ) décernait à Valérie Roy le Prix de la relève pour son projet d’embellissement horticole du parc de la Chute-Montmorency. Mme Roy travaille au développement horticole des lieux, avec comme objectif d’améliorer l’expérience des visiteurs du parc, le deuxième des sites touristiques les plus fréquentés du territoire de la capitale après le Vieux-Québec. Son projet s’inscrit dans une démarche de développement durable qui favorise la biodiversité. La plantation d’une cinquantaine d’arbres et autres végétaux permet de renouveler la forêt existante et d’offrir nourriture et abris aux oiseaux. Mme Roy a également conclu un partenariat avec l’école d’horticulture de Québec (Fierbourg), et un bon nombre d’élèves sont venus lui prêter main-forte, ce qui fait d’elle un modèle pour la relève horticole. Le Prix de la relève FIHOQ–La Coop fédérée honore l’excellence d’un entrepreneur, d’un employé ou d’un travailleur autonome de la relève (moins de 35 ans), qui se démarque tant par sa personnalité que par la réalisation remarquable d’un projet ayant eu des retombées notables sur la vie de l’entreprise ou de l’organisme qui l’emploie. (CNW)
Gilles Lapointe, président de la CDR Saguenay–Lac-SaintJean/Nord-du-Québec; Annie Lamontagne, commis-caissière au P’tit Marché du Nord; et Marlène Gaudreault, responsable des communications et du marketing à La Coop des deux rives.
La Coop des deux rives a remporté le prix Coup de cœur pour son P’tit Marché du Nord lors du Gala distinction 2014 de la Coopérative de développement régional Saguenay–Lac-SaintJean/Nord-du-Québec. Exploité depuis deux ans en collaboration avec une productrice agricole, ce commerce saisonnier a donné une seconde vie au Gaz-Bar de Normandin. Ce dernier a été entièrement décontaminé et réaménagé. Une terrasse avec tables de piquenique a été ajoutée et une partie du stationnement a été transformée en aménagement comestible comprenant arbres fruitiers, légumes et fines herbes. En plus d’avoir contribué à la revitalisation du centre-ville, cette initiative novatrice est devenue une vitrine incontournable pour valoriser les produits du terroir auprès des résidants et des touristes.
Olymel investit à Sainte-Rosalie Pour augmenter sa capacité de fabrication de produits cuits, Olymel investit plus de 10 M$ dans l’agrandissement et la modernisation de son usine de transformation de volaille de Sainte-Rosalie. Cet agrandissement de 4500 m2 (48 440 pi2) comprend l’aménagement d’une troisième ligne de cuisson, la construction d’un entrepôt à épices, l’ajout de deux quais de réception et le réaménagement de la section de surgélation rapide. Les travaux devraient être terminés en avril 2015. Selon le directeur de l’usine, Claude Chapdelaine, cette modernisation permettra en outre de concentrer les activités de l’usine sur cinq jours, au lieu de sept actuellement, en conservant l’ensemble de ses 420 employés.
Club Synchro Select 750 : une troisième année couronnée de succès! C’est le samedi 25 octobre que s’est déroulée la troisième et très courue édition de la soirée reconnaissance du Club Synchro Select 750 La Coop. Tenue au Château Frontenac, cette prestigieuse rencontre met en valeur les clients du réseau qui ont obtenu des MCR combinées de 750 ou plus. Plus de 380 personnes ont assisté aux célébrations. La soirée est aussi l’occasion de récompenser les producteurs du Club des 300 La Coop, qui réunit les entreprises dont les MCR moyennes s’élèvent à 300 et plus. Six exploitations remplissaient les conditions requises. La première en titre, pour une troisième année consécutive, est la Ferme Holdream, suivie de la Ferme Conrad Riendeau, également pour une troisième année de suite. Félicitations à tous!
PHOTO : MARC BOISVERT
PHOTO : LA COOP DES DEUX RIVES
Coup de cœur pour le P’tit Marché du Nord
Valérie Roy, horticultrice au parc de la ChuteMontmorency et lauréate du Prix de la relève FIHOQ-La Coop fédérée, en compagnie de Christian Brunet, vice-président aux services de la FIHOQ (à gauche), et de Pierre Berthiaume, gestionnaire de catégorie – produits spécialisés, Secteur de la quincaillerie et des machines agricoles, à La Coop fédérée.
PHOTO : FIHOQ
Valérie Roy, lauréate du Prix de la relève FIHOQ-La Coop fédérée
Gaétan Desroches, chef de la direction de La Coop fédérée; Marie-Pier Boutin, Ferme Holdream; Gilles Boutin, directeur des ventes du Centre de services des Sommets; Étienne Lessard, Ferme Holdream; Robin Malenfant, expert-conseil du Centre de services des Sommets; Guillaume Lessard et Joanie Couture, Ferme Holdream; Marco Nadeau, directeur général de La Coop Alliance; et Denis Richard, président de La Coop fédérée.
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Coupon d’abonnement
Profid’Or : Brunch de la coopération
PHOTO : LA COOP PROFID’OR
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À l’occasion de la Semaine de la coopération, La Coop Agrivert, La Coop Profid’Or et Desjardins Entreprises ont tenu une deuxième édition de leur Brunch de la coopération, pour souligner l’importance du modèle coopératif dans la vie des producteurs agricoles de Maskinongé et de Lanaudière. Les 250 participants ont notamment eu droit à des discours des présidents des deux coopératives sur l’apport considérable du réseau La Coop Robert Perreault, président de à l’économie québécoise et sur la prépondérance La Coop Profid’Or; Dave Morissette; de l’agriculture dans la vie quotidienne des gens. François Drainville, président de Ils ont aussi eu le privilège d’entendre l’animateur La Coop Agrivert; et Sylvain Poirier, et ex-hockeyeur Dave Morissette, qui est venu leur directeur principal des marchés parler de l’importance de combattre l’adversité et agricole et agroalimentaire chez d’être un leader positif. Desjardins Entreprises.
PHOTO : LA COOP SEIGNEURIE
m 2 ans : 40,00 $
m 1 an à l’étranger : 90,00 $
m 3 ans : 55,00 $
Les taxes sont comprises dans le coût.
o Reçu disponible sur demande TPS : R101143279 • TVQ : 1000044306TP9145MA
Le Coopérateur agricole
C.P. 500 Station Youville Montréal (Québec) H2P 2W2 Tél. : 514 384-6450 - Téléc. : 514 858-2025 Courriel : coopagri@lacoop.coop Êtes-vous relié au domaine agricole?
Groupe coopératif Dynaco reconnu Coopérative de l’année
o Oui
o Non
Nom Compagnie Adresse Ville
Province
Code postal
Courriel Veuillez émettre votre chèque à l’ordre de La Coop fédérée. PHOTO : GROUPE COOPÉRATIF DYNACO
Groupe coopératif Dynaco s’est démarqué le 22 octobre dernier lors du gala des Prix Desjardins Entrepreneurs 2014, en remportant le prix national dans la catégorie Coopératives. Son modèle d’affaires coopératif, son innovation dans le développement de ses affaires et son engagement dans le milieu sont quelques-uns des éléments qui lui ont permis de se classer au premier rang. Mentionnons que certains prix Desjardins Entrepreneurs comptent plusieurs catégories, par exemple Agricole, Commerce international, Développement durable, Femme d’influence et Fonds coopératif d’aide à la relève agricole. Un jury sélectionne les lauréats parmi les gagnants régionaux de chacune des catégories. « Nous sommes très fiers de cette reconnaissance de notre modèle d’affaires, qui rejaillit sur nos membres, et c’est dans leur intérêt que nous poursuivons notre déve loppement », précise le président de Groupe coopératif Dynaco, Denis Lévesque. Le directeur général d’alors, Bertrand Caron, administrateur; Jean-François Pelletier, administrateur; Denis Lévesque, président; Jean-Yves Lavoie, souligne au passage Marlène Thibodeau, administratrice; Jean-Yves la qualité de l’équipe de gestion et Lavoie, alors directeur général, et Céline Boisvert, des employés. « Ils font partie des directrice de la communication marketing à Groupe éléments clés de notre succès ». coopératif Dynaco.
m 1 an : 25,00 $
Quatrième dépanneur–station-service pour La Coop Seigneurie Le 17 octobre dernier, des représentants de La Coop Seigneurie, d’Énergies Sonic et de Sonichoix inauguraient officiellement la nouvelle succursale de la coopérative en coupant un tuyau à essence en lieu et place du traditionnel ruban ! Acquise par La Coop Seigneurie en mai 2014, cette station-service Sonic située dans le secteur de Saint-Nicolas, à Lévis, offre désormais ses produits et services de dépanneur sous l’enseigne Sonichoix. Cet achat et les rénovations d’envergure représentent un investissement de 600 000 $ pour la coopérative, qui renforce ainsi son statut de moteur économique important pour la région. Au centre: François Vachon et Richard Couture, respectivement directeur général et président à La Coop Seigneurie, procèdent à la coupure du tuyau à essence pour inaugurer officiellement cette nouvelle stationservice.
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Le Coopérateur agricole | JANVIER 2015
À venir dans votre magazine M aïs sucré
Des producteurs en quête d’une identification géographique protégée
OGM
État des lieux
Ferme du Murier
Bruno Soucy et Hélène St-Pierre, Jeunes agriculteurs d’élite, section Québec
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w w w. l a c o o p. c o o p La Coop est une marque de commerce de La Coop fédérée.
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La Coop Unicoop, Dépanneur Sainte-Marie du 1370, boul. Vachon Nord, Ste-Marie-de-Beauce
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Rendre accesssible les services de proximité dont vous avez besoin sur un même site, et ce, tout près de chez vous; voilà ce que Sonic et les quincailleries Unimat ont fait en développant le concept de dépanneur, station d’essence et quincaillerie (DEQ). À ce jour, plus d’une quinzaine de coopératives affiliées à La Coop fédérée ont implanté avec succès ce concept qui contribue au maintien de l’économie régionale et de la qualité de vie des collectivités. s o ni c . c o o p
1 8 0 0 207- 6 6 42 Sonic et La Coop sont des marques de commerce de La Coop fédérée.