OCTOBRE 2014
L’audacieux projet d’un jeune Gaspésien MARS 2010
Dossier Ontario
Le nouveau visage de la grosse ferme d’à côté
Fin des quotas laitiers
La France réapprend l’économie de marché
Porc
Croître et prospérer, c’est possible !
Bovin
Mieux gérer pour mieux produire
Bientôt dans vos champs! Quoi de neuf dans la technologie du désherbage?
Un système de production évolué avec tolérance aux herbicides glyphosate et dicamba créé à partir du caractère de rendement supérieur du soya GenuityMD Roundup Ready 2 RendementMD.
• Améliore le contrôle des mauvaises herbes coriaces incluant les résistantes • Jusqu’à 14 jours d’activité résiduelle • Souplesse d’application avant, pendant et après le semis • Potentiel de rendement plus élevé
PLUS DE CHOIX. POTENTIEL MAXIMUM. VEUILLEZ TOUJOURS LIRE ET SUIVRE LES DIRECTIVES DES ÉTIQUETTES DES PESTICIDES. La commercialisation dépend de nombreux facteurs, dont la conclusion positive du processus réglementaire dans les principaux marchés d’exportation et l’enregistrement de nouvelles variétés de soya au Canada. Les renseignements contenus dans ce document sont présentés à titre informatif seulement et ne doivent pas être interprétés comme une offre de vente tant que toutes les exigences réglementaires nécessaires n’ont pas été satisfaites. Genuity et le logoMD, GenuityMD, Roundup Ready 2 RendementMD et Roundup ReadyMD sont des marques déposées de Monsanto Technology LLC. Titulaire de licence : Monsanto Canada, Inc. © 2014 Monsanto Canada Inc.
GENUITYTRAITS.CA
Dossier En cou v ert ur e
24 Lait
L’audacieux projet d’un jeune Gaspésien
Dossier Ontario 46
sommaire OCTOBRE 2014
Reportages
Éditorial – Billets 5 En t r e nous* Denis Richard
12
Femme eng agée
12 Gaétane Allard
Vocation : donner à la société
8 Pause-pensée* Colette Lebel
Coopér at ion
14 Colloque des coopératrices
10 Faits et gestes*
Coopératrices, ne manquez pas votre colloque !
Vincent Cloutier
31 L’effet bœuf * Bruno Langlois
Chroniques
18
CU M A
16 Quatre défis,
4 Quoi de neuf ? 6 Mél i-mél o 60 Décor at ion 62 Da ns nos coops
20
* For English version, please visit our website at www.lacoop. coop/cooperateur
Productions végétales
42 Ferme Dauphine
Une vie trépidante sur une île tranquille
Dossier
une tonne de solutions
R et D
54 Le Canadien
Les coopératives d’utilisation de matériel agricole partagent équi‑ pements et bons coups.
Farms
60 ans au service du savoir M a rchés
20 Europe
La fin des quotas laitiers, ou comment réapprendre l’économie de marché
28
Le couvoir de Victoriaville veut se rapprocher du risque zéro.
46 Ontario
18 Cooperative Research
Vol a il l e
35 Biosécurité
Bov in
Le nouveau visage de la grosse ferme d’à côté
Chevau x Le petit cheval de fer et son incroyable histoire
Vie ru r a l e
56 Fête nationale
Le mont Sutton à l’heure suisse
Acér icult ur e
58 Citadelle
L’entreprise est certifiée équitable Fair for Life
28 Gérald Rousseau
Mieux gérer pour mieux produire
Porc
32 Ferme Benoit Marquis
Croître et prospérer dans le porc, c’est possible !
32
Articles techniques P roduct ions v égéta l es
37 Maïs Elite 2015 : Les nouveautés 38 Soya : Semer tôt! Pourquoi? Version Web : www.lacoop.coop/cooperateur Version virtuelle : www.lacoop.coop/ cooperateurvirtuel
42
40 Les biostimulants : Un incontournable pour nos cultures
QUOI DE Q u o i d e n e u f ?
Volume 43, no 8, octobre 2014
Premiers camions de lait livrés à St-Albert ! À peine 18 mois après le terrible incendie qui a ravagé la Fromagerie St‑Albert, et alors que s’amorçait la 21e édition du Festival de la Curd, le directeur général, Éric Lafontaine, était plus que fier d’annoncer que l’usine avait réceptionné, le lundi 11 août, son premier camion de lait et qu’on avait entrepris une période de mise en activité graduelle des installations. À noter que la reprise de la production se fera progressivement au cours des prochains mois, avec le fromage en grains pour débuter, puis le fromage frais en bloc, suivi par les fromages spécialités. Le nouveau fromage fera son apparition dans tous les points de vente d’ici l’automne. « Il s’agit non seulement d’une renaissance, mais du début d’un nouveau chapitre de l’histoire de notre coopérative, qui est au cœur de la collectivité depuis 120 ans », explique la présidente du conseil d’administration, Ginette Quesnel.
Le Coopérateur agricole est publié neuf fois l’an par La Coop fédérée. Il est l’outil d’information de la coopération agricole québécoise. Éditeur
Jean-François Harel
Directrice et Guylaine Gagnon rédactrice en chef 514 858-2146 (ligne directe) guylaine.gagnon@lacoop.coop Rédacteur et Patrick Dupuis, agronome adjoint à l’édition 514 858-2044 (ligne directe) patrick.dupuis@lacoop.coop Révision de texte
Georges O’Shaughnessy enr.
Ont collaboré à ce numéro Jérôme Auclair, David Bessenay, Claude Borduas, Valérie Chabot, Vincent Cloutier, Hélène Cossette, Étienne Gosselin, Bruno Langlois, Colette Lebel, Nancy Malenfant, Nicolas Mesly, Céline Normandin, Stéphane Payette, Louis Potvin, Denis Richard
Conception graphique Service de la création, La Coop fédérée Graphistes : Pierre Cadoret, Michaël Guimond, Suzanne Turcot Webmestre : Ricardo Silva Photographies et illustrations David Bessenay, Pierre Cadoret, Bernard Diamant, Étienne Gosselin, Stéphane Payette, Louis Potvin Photo de la page couverture : Magali Deslauriers Impression : Interweb Inc.
PHOTO : FROMAGERIE ST-ALBERT
Les photos, illustrations et textes publiés dans Le Coopérateur agricole et sur le site Internet de La Coop fédérée ne peuvent être réutilisés sans autorisation.
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Pierre Grinsell, 450-661-8200 info@relationsmedia.ca Léopold Ste-Marie, 514-993-0616 leopold@relationsmedia.ca
Abonnements
Nadine Kadé : 514-384-6450 poste 3710 nadine.kade@lacoop.coop
• Dimension totale : 7000 m2 (75 000 pi2), soit une augmentation de 30 % de la superficie par rapport à l’ancienne usine (5300 m2). • Dimension de l’aire commerciale, qui inclut un restaurant (nouveau) et une boutique : 840 m2, contre 230 (boutique seulement) dans l’ancienne usine. • Dimension du centre des visiteurs : 280 m2, contre 37 dans l’ancienne usine. • Capacité de production annuelle : jusqu’à 10 millions de kilos de fromage, contre 3 millions auparavant.
Pour en savoir plus : www.fromage-st-albert.com
Erratum Dans notre dernière édition (septembre 2014), une erreur s’est glissée à la page 46, dans l’article Ferme Colibri : une forteresse sanitaire. Il aurait fallu lire que c’est 98 % des œufs de la Ferme Colibri qui sont acheminés à l’incubation et non pas entre 80 et 90 %. Toutes nos excuses.
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Le Coopérateur agricole | OCTOBRE 2014
Coût d’abonnement (taxes incluses) Membres : 8,63 $/année (défrayé par la coopérative locale) Non-membres : 1 an : . . . . 25 $ 3 ans : . . . . . . . . . . . . . . . . 55 $ 2 ans : . . . 40 $ À l’étranger – 1 an : . . . . . 90 $
Correspondance Retourner toute correspondance ne pouvant être livrée au Canada à : Le Coopérateur agricole C.P. 500 Station Youville, Montréal (Québec) H2P 2W2 Téléphone : 514 384-6450 Télécopieur : 514 858-2025 Courriel : coopagri@lacoop.coop Adresse Web : www.lacoop.coop/cooperateur www.lacoop.coop/cooperateurvirtuel Poste-publications, convention n° 40628621 Dépôt légal : Bibliothèque nationale du Québec 108002-10-14
La nouvelle fromagerie en chiffres :
Entre nous
Y en n’aura pas de facile
U
PHOTO : MARTINE DOYON
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n printemps tardif, un gel hâtif, on ne peut pas dire que Dame Nature veut nous rendre la tâche facile cette année. Remarquez que, beau temps mauvais temps, il y a longtemps que les producteurs agricoles ont appris à « faire avec » comme on dit. Mais ce n’est pas parce qu’on est habitué à une situation qu’on la trouve facile pour autant. D’ailleurs, il n’y a pas que comme producteur agricole qu’on est parfois placé devant des situations difficiles. Vos représentants aux conseils d’administration de vos coopératives sont aussi régulièrement placés devant des choix déchirants, mais c’est le rôle d’un administrateur de toujours protéger l’entreprise. Ce fut le cas cette année à La Coop fédérée avec l’annonce, le 23 septembre dernier, de la fermeture du centre de distribution Unimat de Trois-Rivières à compter du 16 janvier prochain. Après un premier préavis de nos intentions au mois de février dernier, les avis légaux ont dû être envoyés à de bons et loyaux employés avec qui nous avions bâti une excellente relation au fil des ans. La Coop fédérée est active dans la distribution de produits d’usage professionnel depuis ses débuts en 1922. Toutefois, ce n’est qu’en 1977, à la suite de l’acquisition de l’entreprise P. A. Gouin – une institution dans la région de la Mauricie –, que La Coop fédérée prend réellement le virage « quincaillerie ». Ce virage fait suite à l’évolution du métier de quincailler dans les coopératives agricoles membres, où les quincailleries de dépannage, souvent adossées à une meunerie, font de plus en plus place à des magasins complets et modernes, ouverts au public. Avec le temps, la quasi-totalité de nos coopératives affiliées se sont engagées dans le secteur de la distribution de produits de quincaillerie et de matériaux de construction. Elles ont su, de ce fait, profiter du boum immobilier et de rénovation des dernières années.
Mais avec le ralentissement économique, le secteur de la quincaillerie et des matériaux de construction est en phase de consolidation. C’est dans ce contexte que La Coop fédérée a établi l’an dernier un partenariat avec BMR pour l’approvisionnement des établissements Unimat et BMR du réseau La Coop. Cette stratégie a en outre été imitée par la suite par son plus gros concurrent – Rona –, qui a fait alliance avec l’enseigne ACE en matière d’approvisionnement. On dit que coopérer, c’est faire des affaires autrement. C’est vrai, mais cela ne nous met pas pour autant à l’abri des réalités économiques. Un conseil d’administration se doit de regarder vers l’avant et d’assurer la pérennité des activités de l’entreprise, et ce, dans le meilleur intérêt des membres. Cela dit, La Coop fédérée jouit généralement d’une excellente relation avec ses employés, et ceux de Trois-Rivières ne font pas exception, certains ayant même plus de 35 ans d’ancienneté. Par ailleurs, il convient de saluer leur professionna lisme puisque, malgré le contexte difficile, ceux-ci participent pleinement à la liquidation des stocks et à la fermeture du centre de distribution. C’est pourquoi La Coop fédérée a jugé bon de mettre en place un programme d’indemnisation plus généreux que ce qui est légalement requis et d’offrir à ses employés touchés un service d’accompagnement à la réembauche. Les séparations ne sont jamais des moments agréables, même quand elles se font dans le respect. Mais je crois que le réseau La Coop peut d’ores et déjà dire merci à tous ses employés de TroisRivières qui, de près ou de loin, ont participé à la vie active de son centre de distribution Unimat. Sur ce, je m’en vais essayer de terminer mes récoltes ! Bon automne !
Denis Richard Président, La Coop fédérée denis.richard@lacoop.coop
OCTOBRE 2014 | Le Coopérateur agricole
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Le Flash réseau est une publication électronique du Coopérateur agricole. Il vous est offert gracieusement une fois la semaine. Vous y trouverez de l’information provenant de tout le réseau La Coop, des nouvelles à caractère économique, politique ou agronomique, d’ici et d’ailleurs sur la planète.
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108468-09-14
Méli-mélo
Les chauves-souris, alliées de l’agriculture
Tereos : diversification, internationalisation et croissance Devant la libéralisation du marché du sucre prévue pour septembre 2017, la coopérative française accélère sa diversification et son internationalisation. Elle vise une croissance de sa production de 20 % en France. Les sucriers européens se préparent à une véritable révolution. En effet, le 30 septembre 2017, après 50 ans d’application, ce sera la fin des quotas de production de sucre au sein de l’Union européenne. « Cette décision va bouleverser les règles du jeu, en rendant le marché plus ouvert et plus volatil », prévient Alexis Duval, président du directoire de Tereos, deuxième sucrier européen et numéro cinq mondial. (Sommet international des coopératives)
Montpelier libérée des énergies fossiles en 2030
Terrible épizootie, le syndrome du nez blanc a décimé presque six millions de chauves-souris dans 22 États américains et six provinces canadiennes depuis 2006. C’est l’année où un champignon européen dévastateur est apparu dans une grotte de l’État de New York. Les agriculteurs nordaméricains doivent-ils s’inquiéter de la disparition des chauves-souris ? Absolument. Ce sont de véri tables machines à empiffrer les insectes. Une petite chauve-souris brune peut dévorer en une seule nuit son propre poids en insectes. Multipliez‑la par des millions et son rôle de prédateur prend toute son envergure. Une colonie de 150 chauves-souris dévore 1,3 million d’insectes par an (dont plusieurs espèces sont nuisibles aux cultures). (Le Sillon)
C’est l’objectif que s’est fixé le conseil de la capitale du Vermont. Elle serait ainsi la première capitale au pays à s’être totalement sevrée des énergies fossiles. Tous ses besoins en chauffage, électricité et transport seraient alors comblés par des sources d’énergies renouvelables, entre autres le solaire. Déjà, plus de 15 % des habitations ont mis en place des mesures d’efficacité énergétique, et l’éclairage des rues est assuré exclusivement à l’aide d’ampoules DEL. L’installation d’un réseau de chaleur (district heating), alimenté par des chaudières carburant à la biomasse et approvisionnant en chaleur 37 bâtiments du centre-ville (avec encore un fort potentiel à développer), est sur le point d’être achevée. (Green Energy Times)
Choix d’aujourd’hui pour les défis de demain Inscrivez-vous d’ici le 22 octobre Pour cette 38e édition, le Symposium se joint au
Le mercredi 5 novembre 2014 Centre BMO, Saint-Hyacinthe
Suprême laitier pour vous en donner encore plus!
Programmation axée sur des sujets de l’heure Webdiffusion en salle en région
38e
Déjeuner-conférence traitant du transfert d’une entreprise
Détails et inscription :
www.craaq.qc.ca/Evenements
418 523-5411 ou 1 888 535-2537
Centre de référence en agriculture et agroalimentaire du Québec
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Pau s e - p e n s é e
Un géant dans la tourmente
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PHOTO : MARTINE DOYON
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h, que les temps sont durs chez les héritiers des Pionniers de Rochdale ! Depuis quelques années, le Co-op Group, avec sa fabuleuse enseigne The Co-op, ses huit millions de membres et ses 100 000 employés, fait le quotidien de la presse britannique. Toute une série de mauvaises décisions semble avoir plongé le groupe coopératif dans un cauchemar qui n’en finit plus. De nombreuses fusions et acquisitions – pas toujours bien avisées, dit-on – ont sérieusement compromis sa santé financière. « Trop gros », ont clamé les membres, déplorant leur impuissance devant toute la hiérarchie qui s’est édifiée entre la base et sa tête dirigeante. Un coup d’œil à la structure démocratique du groupe donne à croire, en effet, que les membres sont bien loin des décisions. Ils élisent leurs délégués au sein de 48 comités territoriaux, ces délégués élisent leurs représentants dans sept conseils régionaux, lesquels peuvent élire 15 membres sur les 21 du conseil d’administration. On a implanté une plateforme électronique pour permettre aux membres de donner directement leurs opinions et commentaires, mais l’initiative n’a pas eu les effets escomptés. Toujours est-il qu’en juin 2013 le monde a basculé. Le conseil d’administration a admis que la réserve de l’entreprise présentait un trou béant de 1,5 milliard de livres sterling (2,8 milliards $ CA). On a nommé un nouveau chef de la direction. On a aussi invité lord Paul Myners, ex-président du groupe Guardian Media et de Marks & Spencer, à siéger au conseil comme administrateur indépendant et on lui a confié le mandat spécial de revoir la gouvernance du grand groupe. Puis, l’année s’est terminée sur un scandale : le président de la branche bancaire (The Co-op Bank) a dû démissionner à la suite d’une affaire de drogue et de sexe. Annus horribilis. Mais ça continue. En mars 2014, le nouveau chef de la direction a remis sa démission. « Ingouvernable ! » a-t-il dit à propos du groupe coopératif. La goutte qui a fait déborder le vase : des fuites
Le Coopérateur agricole | OCTOBRE 2014
ont laissé entendre qu’on allait doubler la rémunération globale de la haute direction, portant la sienne à trois millions de livres (5,6 millions $ CA). Ce qui, évidemment, a choqué les membres qui ont rappelé qu’à Mondragon (une référence mondiale en coopération), on respecte encore le ratio de neuf pour un entre le plus haut et le plus bas salarié, et qu’on réussit quand même à attirer de bons gestionnaires. En avril, lord Myners a remis son rapport sur la réforme de la gouvernance. Des changements draconiens y sont proposés, notamment la mise sur pied d’un autre conseil d’administration plus restreint, composé d’une dizaine de gestionnaires et de professionnels. Certains élus en poste, a-t-il précisé, ne sont pas qualifiés pour administrer une entreprise aussi grande et aussi complexe. Le rapport a fait grand remous. On a accusé lord Myners de bafouer la nature coopérative du groupe. Et on a aussi écorché au passage toute l’équipe de dirigeants : on a mis en doute l’équité dans la coopérative (comment justifier qu’un gestionnaire gagne des millions annuellement ?), les intentions cachées des gestionnaires (tentent-ils d’orienter le groupe vers une démutualisation ?) ainsi que les mauvais choix de recrutement (pourquoi aller chercher des gens qui n’ont pas la culture coopérative ?). En mai, devant le tollé de protestations, lord Myners a démissionné de son siège. Réunis en assemblée générale, les membres ont adopté à l’unanimité une réforme prescrivant un plus grand contrôle des membres sur leur entreprise, des exigences de compétences plus élevées pour les élus du conseil d’administration et l’ajout au règlement de régie interne d’un article interdisant la démutualisation du groupe. Le diable est dans les détails, cependant. Il faudra voir comment ces grands principes seront interprétés. Aux dernières nouvelles, le Co-op Group ne détenait plus que 30 % de sa branche bancaire (The Co-op Bank) et il s’était départi complètement de ses activités en pharmacie (The Co-op Pharmacy) et en agriculture (The Co-op Farms). Les temps sont durs, vraiment. Que cette triste histoire fasse leçon. Gouvernance et proximité, voilà deux enjeux éminemment névralgiques pour les coopératives. Colette Lebel, agronome Directrice des affaires coopératives La Coop fédérée Courriel : colette.lebel@lacoop.coop Télécopieur : 514 850-2567
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Fa i t s e t g e s t e s
Par Vincent Cloutier, agronome, MBA
Économiste principal La Coop fédérée
Qu’ont-ils fait de mal ?
vincent.cloutier@lacoop.coop
Les organismes génétiquement modifiés, qu’on appelle paresseusement, affectueusement ou haineusement « OGM », ne laissent personne indifférent. Partout, ils suscitent des débats polarisés. Largement associés à Monsanto, parmi les entreprises les plus détestées du grand public, on se demande si les OGM suscitent crainte ou haine.
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PHOTO : PIERRE CADORET
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Le Coopérateur agricole | OCTOBRE 2014
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es superficies plantées en OGM ont augmenté très rapidement au cours des 20 dernières années. Alors que la techno‑ logie était absente ou presque du paysage agricole en 1995, on comptait en 2012 plus de 160 millions d’hectares de cultures génétique‑ ment modifiées. La presque totalité des OGM sont toutefois cultivés sur le continent américain (voir graphique). Leur présence est beaucoup plus dis‑ crète sur les autres continents, où ils sont tantôt décriés, tantôt vus comme une solution miracle. Largement absents du conti‑ Figure du rapport KPMG sur les OGM nent européen, les OGM ont M hectares 180 fait de timides percées en 160 Inde et en Chine, suffisam‑ 140 ment pour éveiller les lobbys 120 anti-OGM, aussi actifs dans 100 cette région du monde. À tel 80 point qu’il est légitime de se 60 demander dans quelle mesure 40 ils réussiront à s’y enraciner. 20 0 Alors que les rendements des cultures doivent impéra‑ ■ É.-U. ■ Brésil ■ Argentine ■ Inde ■ Canada tivement augmenter dans ■ Chine ■ Paraguay ■ Afrique du Sud ■ Autres Source : ISAAA, 2012 plusieurs régions, notamment en Europe de l’Est, en Afrique et en Asie, il est loin d’être acquis que les OGM s’y implanteront. Beaucoup y voient un paradoxe, une désolante victoire de l’idéologie sur la science. C’est l’opi‑ nion du prestigieux hebdomadaire The Economist, qui l’exprime sans détour : « Les opposants aux OGM sont, comme les climatosceptiques, aveu‑ gles devant l’évidence. »1 Un peu condescendant comme approche, direz-vous à juste titre. Sa position a le mérite d’être claire.
Tandis que dans bien des pays, c’est l’utili‑ sation même des OGM qui fait l’objet de débats, aux États-Unis, c’est leur identification sur les emballages des produits alimentaires qui fait jaser. À tel point que plusieurs États ont adopté des règlements obligeant l’étiquetage des OGM. Ces lois sont le plus souvent conditionnelles à l’adoption d’une législation similaire dans les États limitrophes. Le Vermont est l’exception : il fait cavalier seul, pour le meilleur et pour le pire. Une longue bataille juridique décidera du sort de sa législation sur la question. L’étiquetage obligatoire des OGM peut sem‑ bler attirant a priori. Apparemment, 93 % des Américains sont pour l’étiquetage des OGM. Sans blague ! Qui répondrait par la négative à une telle question ? Mais son implantation non uniforme est pernicieuse. Sans une règlementation sem‑ blable, des écarts de compétitivité apparaîtront, en raison de la libre circulation des produits d’un État à l’autre. De plus, les coûts qui y sont associés se reflèteraient forcément sur le prix des aliments. À moins qu’un banal « Peut contenir des OGM » apparaisse mollement sur les produits suscepti‑ bles d’en renfermer. Pour des milliers de producteurs agricoles, les OGM sont intimement liés à l’essor de leur entreprise. Pour la communauté scientifique, très largement consensuelle, ils constituent un outil prioritaire dans la lutte contre la faim dans le monde, et pour favoriser une utilisation encore plus rationnelle des pesticides. À l’autre extrémité du spectre, leurs opposants justifient souvent leur position par des arguments d’éthique associés au brevetage du vivant, et n’ont que faire des innombrables études ayant conclu au caractère tout à fait sécuritaire des OGM pour la santé. Peut-être bien qu’en osant en parler davantage, on parviendrait à déboulonner certains mythes. Les promoteurs des OGM doivent peut-être porter le blâme, finalement. Mea culpa. 1
Traduction de l’auteur
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Fe m m e e n g ag é e
Gaétane Allard, administratrice à La Coop de Saint-Quentin
Vocation :
donner à la société Par Hélène Cossette
C’est par le bulletin paroissial que Gaétane Allard a appris que La Coop de Saint-Quentin, au Nouveau-Brunswick, cherchait des administrateurs. Lorsqu’elle y est entrée, en 2007, les candidats ne se bousculaient pas au portillon, raconte cette dynamique Acadienne rejointe au téléphone en plein milieu du Congrès mondial des Acadiens 2014. Ayant déjà agi comme trésorière bénévole de plusieurs organisations, y compris le Festival western de Saint-Quentin, le club de VTT local et le Mouvement scouts et guides, elle s’est tout simplement portée volontaire. « Ma petite voix intérieure me disait d’y aller », explique-t-elle. PHOTO : ROGER GRANDMAISON
A
ctuellement membre du sous-comité de la quincaillerie, l’administratrice a aussi fait partie du sous-comité de l’épicerie jusqu’en mai dernier. À ce titre, elle est régulièrement consultée par la direction lorsque des situations problématiques se présentent. Familière avec les états financiers grâce à sa formation en compta‑ bilité, elle est de plus en mesure d’exercer un rôle de surveillance très apprécié par ses confrères du conseil. « C’est valorisant de sentir que tu fais quelque chose de bien pour ta collectivité », confie-t-elle.
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Le Coopérateur agricole | OCTOBRE 2014
Depuis plus de 70 ans, La Coop de SaintQuentin offre des services essentiels à cette petite municipalité francophone située à une heure des grands centres. Comptant 2224 membres et 70 employés pour une population locale d’un peu plus de 2500 personnes, elle exploite une meunerie, reconstruite en 2010, ainsi qu’une quincaillerie, une épicerie et une succursale de la société des alcools de la province. Faute de relève, cette région proclamée « Capitale de l’érable de l’Atlantique » dénombre de moins en moins d’agriculteurs, remarque la diri‑ geante, dont la famille a elle-même abandonné l’agriculture depuis trois générations. « En cinq ans, quatre grosses fermes ont cessé leurs acti‑ vités. Il n’en reste plus qu’une grande et une petite, alors qu’on pouvait en compter une vingtaine par le passé. » Native de Saint-Quentin, Gaétane Allard y est revenue après ses études collégiales en technique des affaires à Edmundston. Cette comptable qui travaille présentement pour une entreprise locale d’excavation a toujours eu la chance de trouver dans son village natal de l’emploi dans son domaine. Elle y a aussi trouvé un compagnon, maintenant retraité, avec qui elle partage sa passion pour le VTT, les grandes marches et la lecture. Depuis 12 ans, les conjoints agissent égale‑ ment comme bénévoles pour le Festival western de Saint-Quentin, qui se tient chaque année en juillet. « D’une année à l’autre, on se dit que ce n’est plus de notre âge de passer nos grandes soirées à accueillir les gens à la porte. Mais on n’arrive pas à recruter de jeunes comme béné‑ voles », déplore cette femme de 52 ans. Au problème d’exode des jeunes vers la grande ville, s’ajoute un manque de motivation, selon elle. « Il ne faut pas tous les mettre dans le même panier, mais les jeunes ont peur du béné‑ volat. Pour s’impliquer, il faut que ça paye. » Au terme de son troisième mandat de trois ans, qui se terminera en 2016, l’administratrice devra céder sa place au conseil de sa coopérative. Compte tenu du manque de relève et de son sen‑ timent d’être utile, cette femme engagée n’écarte cependant pas la possibilité d’y revenir plus tard. « Je n’ai pas eu d’enfants. Plutôt que d’être mère au foyer, ma vocation, c’était peut-être de donner de mon temps à la société », observe-t-elle.
PORTES OUVERTES
dans les coopératives funéraires Venez nous visiter ! Le dimanche 19 octobre de 11 h à 15 h*
*sauf lorsque une autre période est indiquée
Vous souhaitez visiter les installations du laboratoire, la salle de sélection, les salons funéraires, les véhicules ? Vous souhaitez poser des questions sur l’embaumement, la crémation, le travail dans le secteur funéraire ? Le personnel et les administrateurs de votre coopérative seront sur place pour vous accueillir et répondre à toutes vos questions. Centre funéraire coopératif de Coaticook, 13 h à 15 h Centre Funéraire du Granit, 10 h à 15 h Coopérative funéraire du Grand Montréal Coopérative funéraire de l’Estrie, 10 h à 13 h Coopérative funéraire de l’Outaouais Coopérative funéraire des Deux Rives Maison funéraire de L’Amiante, 10 h à 14 h Résidence funéraire de l’Abitibi-Témiscamingue, 10 h à 13 h Résidence funéraire de Lanaudière Résidence funéraire Maska
Contactez votre coopérative pour connaître les adresses où se tient la porte ouverte ou consultez le site portes-ouvertes.fcfq.qc.ca
LES COOPÉRATIVES FUNÉRAIRES DU QUÉBEC
Bienvenue à tous ! LES COOPÉRATIVES FUNÉRAIRES DU QUÉBEC
C o l l o q u e d e s c o o p é r at r i c e s
Coopératrices,
ne manquez pas votre colloque ! Cette année, le Colloque des coopératrices se tiendra les 12 et 13 novembre à Bécancour, sous le thème « La démocratie, on en parle ! ». C’est un sujet important, car en février prochain, il y aura élection pour le poste réservé à une représentante féminine au sein du conseil d’administration de La Coop fédérée. Voilà donc une excellente occasion de réfléchir à la démocratie coopérative et de se demander : Quelle est la voix des femmes au sein du réseau La Coop ? Entrevue avec Sophie Bédard, administratrice sortante à La Coop fédérée. Le Coopérateur agricole : Revenons sur les bases de ce colloque. À qui s’adresse-t-il ? Sophie Bédard : À toutes les femmes sociétaires et administra trices de coopératives. Bref, à toutes les coopératrices ! Nous y traitons chaque année de sujets qui touchent, dans le fond, toute citoyenne : démocratie, qualité de vie, leadership, etc.
D’où vient la tradition de ces colloques d’automne ? Il fait partie d’un plan d’action émanant du conseil d’admi‑ nistration de La Coop fédérée, élaboré en 2005. Le but ? Aug‑ menter la représentation des femmes au sein des conseils d’administration. Mais on comprend bien que les femmes ne souhaitent pas toutes siéger à un conseil d’administra‑ tion; aussi, l’idée des colloques, c’est d’abord de favoriser le réseautage entre les femmes. Les journées « Femmes et coopération », tenues en région et qui rejoignent annuel‑ lement de 400 à 500 femmes, de même que les portraits d’administratrices dans Le Coopérateur font aussi partie de ce plan d’action.
Pourquoi le colloque de 2014 est-il particulièrement important ? En février prochain, il y aura élection pour le poste réservé à une représentante féminine à La Coop fédérée. Je ne suis plus éligible, car je ne siège plus au conseil d’une coopérative. Durant la planification stratégique du réseau, la pertinence de conserver ce poste a été remise en question. Mais les coopératrices ont été consultées et
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Le Coopérateur agricole | OCTOBRE 2014
estiment nécessaire de conserver ce poste, notamment, car l’objectif d’atteindre 20 % de femmes aux conseils du réseau n’a pas encore été atteint. Lors de ce colloque, nous devons discuter ensemble du mandat qui pourrait être attribué à ce poste : Devrait‑on conserver le mandat actuel, soit promouvoir le rôle des femmes dans le réseau La Coop ? Ou devrait-on maintenir le siège réservé à une représentante provinciale des femmes, sans le mandat particulier lié à la promotion du rôle des femmes ? Comment les femmes désirent-elles que la démocratie se vive dans notre réseau ?
À quoi peut s’attendre une coopératrice qui viendra assister au colloque d’automne ? L’évènement se tient maintenant sur une journée et demie. La première demi-journée est réservée à la visite d’une orga‑ nisation coopérative ou liée au secteur de l’agroalimentaire. Cette année, nous visiterons le Centre de la biodiversité du Québec, à Bécancour. Ensuite, nous soupons ensemble pour « réseauter ». Avec ces deux activités, la glace est brisée et les femmes sont prêtes pour la journée du lendemain. En lien avec le thème de la démocratie, un panel de trois élues fera partager son expérience au sein d’un conseil d’admi‑ nistration. Comme à l’habitude, nous aurons des ateliers coopératifs qui permettront aux participantes de simuler la préparation d’une candidature. Intéressées ou non par la fonction d’administratrice, toutes sont bienvenues : ce sera très éducatif.
PHOTO : EXPOSEIMAGE
Propos recueillis par Guylaine Gagnon
Parlez-nous de votre expérience Mme Bédard, vous terminez votre mandat à La Coop fédérée après huit ans à siéger au conseil d’administration. Que retirez-vous de votre expérience ? Quand j’ai accepté cette fonction, j’étais loin de m’imaginer jusqu’à quel point ma vie allait changer. Mais il faut dire que j’ai saisi la balle au bond et que j’ai fait le maximum avec ce qui s’offrait à moi. Et je le recommande à tous. C’était comme une ouverture sur le monde, parce que nous avons accès à toute une panoplie de renseignements de la part des professionnels de La Coop fédérée. En plus, nous côtoyons autour de la table 14 productrices et producteurs agricoles qui ont des connaissances, des expériences et une réalité différentes de la nôtre dans leur ferme. Avec tout cet appui pour exercer mes fonctions, j’estime que je suis devenue une meilleure personne, une meilleure agricultrice et une meilleure administratrice.
Quel est l’élément le plus important que cette expérience vous a apporté ? C’est la confiance en moi. J’ai découvert certaines de mes capacités que je ne connaissais pas. Tout cela m’a aidé à me surpasser.
Quels sont les plus grands défis de cette fonction ? C’est de s’adapter à conjuguer l’horaire de son entreprise et de sa famille avec celui des rencontres de conseil d’admi‑ nistration. Je me souviens d’un voyage avec les présidents au Minnesota. Mon téléphone sonne et c’est mon plus jeune qui me demande ce qu’on mange pour souper. Surprise ! Mais avec le temps et une meilleure organisation, on en vient à trouver l’équilibre.
Y a-t-il un message que vous aimeriez adresser aux coopératrices ? Oui. Si cette fonction vous intéresse, allez-y et laissez-vous le temps de vous adapter.
J’aimerais aussi en profiter pour remercier toutes les coopé ratrices qui m’ont donné le privilège de les représenter au conseil d’administration, et de vivre toute cette belle aventure qui m’a ouverte sur un monde nouveau. Merci beaucoup.
Colloque d’automne des coopératrices
LA DÉMO C RATI E ... parlons-en!
utes, Bienvenue à to es! administratric sociétaires et 12 et 13 novembre 2014 Bécancour Incluant une visite professionnelle
Toute l’information à www.lacoop.coop/colloque
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CUMA
Par Nancy Malenfant
Conseillère aux affaires coopératives, La Coop fédérée nancy.malenfant@lacoop.coop
Défi n°1 entretien et panne des équipements
Mise en situation : Dans notre CUMA sur‑ viennent trop souvent des pannes d’équipement résultant de l’utilisation par des membres peu consciencieux. Pour certaines branches d’acti‑ vité*, le nombre important de membres rend difficile le suivi de l’entretien et, puisque l’équi‑ pement passe directement d’un membre à l’autre, il devient difficile de trouver l’origine d’une panne ou même de déterminer si celle-ci résulte d’une usure normale ou d’une mauvaise utilisation.
Quatre défis, une tonne de solutions PHOTO : THINKSTOCK
Pistes d’actions : Chaque usager devrait pro‑
Les coopératives d’utilisation de matériel agricole (CUMA) partagent davantage que des équipements. Elles échangent aussi leurs bons coups.
P
anne d’équipements, absence de relève, données manquantes ou mauvais payeurs : les défis ne manquent pas pour les gestionnaires de CUMA. Néanmoins, des solutions existent. Il suffit de regarder ce qui se fait ailleurs. Car s’il y a des défis communs, il existe des solutions à faire partager. C’est dans cet esprit que, lors du séminaire ayant pour thème Structurer le succès, une quarantaine de gestionnaires et membres représentant 17 CUMA ont échangé leurs idées respectives quant à diverses mises en situation reflétant des défis fréquemment rencontrés par leurs organisations. Les quatre défis soumis aux participants ont été ciblés à la suite d’un sondage réalisé à l’automne 2013 auprès des CUMA affiliées à La Coop fédérée. Voici quelquesunes des pistes d’actions suggérées par les groupes de travail.
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céder à une inspection visuelle avant et après toute utilisation et inscrire ses observations dans un carnet de bord attaché en tout temps à la machine. Ce carnet servirait aussi à noter les réglages et modifications apportés à l’équipe‑ ment, à consigner l’entretien et les réparations effectués ainsi qu’à comptabiliser les unités d’uti‑ lisation (hectare, heure, voyage, tonne) réalisées par chaque membre. Toute panne doit être signalée immédia tement au responsable du matériel. Pour certaines machines sujettes à des pannes fréquentes ou nécessitant un entretien serré (telle une débrous‑ sailleuse), on peut instaurer une règle obligeant le retour de l’équipement chez le responsable pour qu’il soit vérifié après chaque utilisation. La rému‑ nération des travaux d’entretien peut aussi inciter les membres à s’impliquer davantage sur ce plan. La prévention demeure néanmoins l’action à privilégier. Ainsi, il importe de responsabiliser les membres en stimulant leur sentiment d’appar‑ tenance à la CUMA par de l’information, de la formation et de l’éducation quant à leurs devoirs et responsabilités.
Défi manquen°2 de relève en gestion
Mise en situation : La secrétaire-trésorière de notre CUMA occupe ce poste depuis longtemps et connaît tous les rouages de l’organisation. Elle a créé plusieurs outils administratifs spéciale‑ ment adaptés au fonctionnement de la CUMA et
élaboré sa propre méthode de travail. Or, elle a signifié dernièrement au conseil d’administration qu’elle songeait à se retirer. Cette tâche est lourde et aucun candidat potentiel n’est disponible pour prendre le relais. Et si nous trouvons un rempla‑ çant, nous ne savons pas comment nous assurer que la transition s’effectue de façon harmonieuse.
Pistes d’actions : Prévoir la relève devrait être une préoccupation constante et ne pas apparaître à l’ordre du jour seulement lorsqu’un gestionnaire ou un administrateur annonce son départ. Le conseil d’administration (C.A.) doit constam‑ ment demeurer à l’affût de candidats potentiels et tenter de stimuler leur intérêt envers la CUMA. Pourquoi ne pas aller jusqu’à réserver un siège d’administrateur pour la relève, créer un poste de secrétaire associé ou inviter des jeunes à parti ciper aux réunions du C.A. ? Toutes les stratégies visant à alléger la tâche du secrétaire-trésorier peuvent aussi faciliter la recherche d’un remplaçant. On peut, par exemple, envisager de séparer les postes de secrétaire et de trésorier et impliquer davantage les responsables de branches d’activité. Lorsqu’une personne est recrutée pour prendre la relève, il est conseillé de transférer les dossiers graduellement et que l’ancien secrétairetrésorier puisse continuer d’offrir du soutien le temps que son successeur soit à l’aise. L’achat d’un ordinateur et d’une imprimante réservés à la CUMA facilite la passation des dossiers. Un programme de mentorat entre gestionnaires de CUMA voisines pourrait également être mis en place si jamais le secrétaire-trésorier devait quitter précipitamment ses fonctions. Beaucoup souhaitent également que de la formation parti culière soit offerte, une option présentement considérée par La Coop fédérée.
Défi collecten°3 des unités d’utilisation
Mise en situation : Les membres manquent de discipline quand il s’agit de consigner leur utili‑ sation des équipements de la CUMA. Ils la notent sur un bout de papier qu’ils finissent par égarer ou bien font confiance à leur mémoire, qui souvent leur fait défaut. Résultat : le secrétaire-trésorier doit relancer les responsables de branches d’acti‑ vité plusieurs fois en fin de saison afin de parvenir à obtenir cette information, dont il a absolument besoin pour effectuer la dernière facturation et boucler l’année financière.
Pistes d’actions : Il est possible d’installer sur chaque équipement un coffre dans lequel on place un carnet de bord où inscrire le nombre d’unités utilisées. Ce type de coffre peut être installé directement par le concessionnaire à l’achat de la machine. Pour protéger le carnet de l’humidité, on suggère de le mettre dans un sac étanche (de type Ziploc), avec un crayon à mine. Chaque membre (ou conducteur de machi‑ nerie) a la responsabilité de noter ses unités d’utilisation. Une pénalité financière pourrait être imposée à celui qui omet de remplir le carnet. Ou si l’on assigne la récolte des données au res‑ ponsable de la branche d’activité, il recevrait une amende s’il tarde à fournir l’information au secrétaire-trésorier en fin d’année.
Défi gérer lesn°4 mauvais payeurs
Mise en situation : Dans notre CUMA, quelques membres tardent toujours à payer leurs factures. Après plusieurs avertissements, un membre a même déjà été expulsé pour des comptes en souffrance, et nous ne savons pas quels recours intenter pour récupérer l’argent qu’il doit. Toute cette situation fragilise la trésorerie de la CUMA, sans compter que c’est injuste pour les membres qui paient toujours à temps et doivent assumer cette perte.
Pistes d’actions : Avant d’en arriver à un tel dénouement et de devoir faire appel à une entreprise de recouvrement, il est souhaitable de procéder par étapes. Premièrement, on tente de négocier directement avec le mauvais payeur les modalités d’une entente de paiement. Si cette entente achoppe, on peut cesser de lui louer l’équi pement jusqu’à ce qu’il s’acquitte de sa dette. En dernier recours, la coopérative pourrait récupérer son dû à même les droits d’utilisation que le membre fautif a versés à la CUMA et l’en expulser. Imposer une pénalité ou des intérêts aux retardataires constitue un bon moyen de ramener ceux-ci à l’ordre. Néanmoins, lorsqu’un membre présente un historique de retard de paiement répétitif, le conseil d’administration peut décider d’exiger qu’il paie avant même d’utiliser l’équi‑ pement. Bien qu’ils ne soient pas infaillibles, les prélèvements préautorisés et les chèques post datés réduisent aussi les risques liés aux mauvais payeurs.
* Une branche d’activité corres‑ pond à une unité d’utilisation en commun de matériel ou de services pour laquelle le membre signe un contrat d’engagement envers la coopérative.
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R et D
60 ans au service du savoir Huit membres du conseil d’administration de CRF (Cooperative Research Farms) se réunissaient au Québec en avril afin de déterminer les budgets de plusieurs millions de dollars attribués lors de la prochaine année à la recherche en production animale (lait, bœuf, porc et poulet).
Le conseil d’administration de CRF en visite au Québec. Un groupe sélect de gens d’affaires du milieu agricole des États-Unis, de l’Ouest canadien, des Maritimes et de la France. De gauche à droite : Paul Kalmbach, propriétaire, Kalmbach Feeds, Ohio; Michel Brosseau, adjoint au chef de la direction, La Coop fédérée; Shelley Revering, directrice des productions animales, Federated Co-operatives Limited, Saskatchewan; Jim Moore, vice-président de la Division de l’alimentation, Southern States Cooperative, Virginie; Roland Brugger, directeur scientifique, technique et innovation, InVivo, France; Larry Griffiths, vice-président à l’agriculture, Co-op Atlantic, Nouveau-Brunswick; David Ott, directeur général, CRF; Greg McLean, directeur des ventes et du marketing, PerforMix Nutrition System, Idaho. Absent lors de la prise de la photo : Paul Davis, Tennessee Farmers Cooperative, Tennessee.
Par Stéphane Payette, T.P.
PHOTO : NORMAND BLOUIN
L’
année 2014 marque le 60e anniversaire de ce regroupement comptant des partenaires en Amérique du Nord et en Europe. La Coop fédérée en est membre depuis 1968. Les membres du conseil de CRF ont profité de leur présence ici pour visiter des infrastructures de La Coop fédérée, soit le nouveau Centre de distri‑ bution de Saint-Romuald et les imposantes ins‑ tallations de Saint-Hyacinthe, où un partenaire de La Coop fédérée manipule chaque année des milliers de tonnes d’ingrédients et des millions de litres de propane.
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Le Coopérateur agricole | OCTOBRE 2014
Dave Ott, directeur général de CRF, voit au bon déroulement des activités du groupe. Une fois les sommes à investir déterminées, un comité scientifique se réunit afin de sélectionner les pro‑ jets prioritaires pour l’année suivante. Le représentant de La Coop fédérée au conseil d’administration de CRF est Michel Brosseau, conseiller spécial à la haute direction. L’avantage d’appartenir à un groupe comme CRF est la qualité et le calibre des recherches effectuées. « Nous [à CRF] effectuons de la recherche appliquée, c’est-àdire que nous souhaitons établir nos résultats sur des concepts uniques et non sur la démonstration. Le principe RAP RAC [protéine et hydrates de car‑ bone disponibles au rumen] en production laitière en est un exemple. Il a servi à toute l’industrie, mais
CRF ne dispose d’aucun bâtiment ni de site de recherche en propre. Les coopératives et les entreprises membres assurent les supports phy‑ siques nécessaires. Toute la recherche sur la truie se fait aux installations de Frampton que possède La Coop fédérée, et les travaux sur le poulet à griller et la poule pondeuse se déroulent dans ses installations de Saint-Jean-Baptiste, près de Saint-Hyacinthe. La recherche sur le bovin et le porc s’effectue aux États-Unis. Les concepts du volet équin sont étudiés au Kentucky. Parfois, des universités seront pressenties pour un type de recherche précis. Cette collabora‑ tion est primordiale pour le maintien de la compé‑ titivité des membres de CRF. « Nous ne pourrions pas nous offrir seuls de tels moyens chacun de son côté, indique Michel Brosseau. De plus, le calibre est très élevé. Quand les comités scientifiques se rencontrent, il peut y avoir 25 nutritionnistes de haut niveau, tous des gens allumés assis à la même table. C’est inestimable comme richesse. »
Même son de cloche du côté des dirigeants présents aux rencontres du début d’avril. Jim Moore est vice-président de Southern States Cooperative, située à Richmond, en Virginie. CRF offre à son équipe une longueur d’avance. « Nous sommes un pas devant nos compétiteurs, dit-il. CRF nous permet de faire de la nutrition de la bonne façon, tant sur le plan économique que nutritionnel. Nous pouvons en faire plus que seuls dans notre coin. » Arrivé dans l’équipe de décideurs de CRF depuis moins de six mois, Roland Brugger visitait les installations de Québec pour la toute première fois. M. Brugger est directeur scientifique (technique et innovation) chez InVivo, une coopérative française. Implantée partout dans le monde, cette entreprise diversifiée dans les aliments pour ruminants, porcs, poulets, chèvres, lapins, chiens et chats ne cache pas sa confiance envers ses nouveaux partenaires. « Étant impliqués dans divers champs de nutrition, nous étions à la recherche d’un allié de premier plan. CRF s’est imposée par elle-même », dit-il. Shelly Revering est à la tête de la division nutri‑ tion de Federated Co-operatives Limited, avec des points de vente en Saskatchewan, au Manitoba et en Alberta. Pour elle, l’engagement dans CRF est un levier important. « Cette technologie est cruciale, dit-elle. De nombreuses technologies ne peuvent être importées au Canada en raison des normes et des règles existant dans chacun des pays. Avec CRF, nous pouvons en bénéficier, et ça nous permet de demeurer dans le groupe des meneurs. » Larry Griffiths, de Co-op Atlantic, voit dans CRF un outil de perfectionnement. « Ça nous garde à jour. Le fait d’être en groupe nous permet des possibilités que nous n’aurions pas en étant chacun de son côté », croit-il. Grey McLean est un tout nouveau membre de CRF, de même que la société qu’il représente, PerforMix Nutrition Systems. PerforMix est un important acteur en Idaho dans le marché de l’alimentation animale, y compris la production laitière. Les échanges entre les producteurs, les éleveurs et les chercheurs de cette entreprise ont toujours été présents, et devenir membre de CRF était un plus. « Nous faisions de la recherche de notre côté, mais nous n’obtenions pas les résul‑ tats que nous souhaitions, dit-il. Avec CRF, ça nous apportera un avantage marqué et beaucoup de nouveautés. » À l’avant-garde depuis 60 ans, CRF ouvre la voie de la connaissance à ses membres.
CRF en chiffres Tonnes d’aliments fabriqués annuellement par les membres : 5,7 millions. Lorsque servis à la ferme, sous la base d’un aliment final, le tonnage atteint plus de 27 millions. Nombre de projets de recherche effectués au cours des 60 ans d’histoire de CRF : 3109 projets figurent dans la base de données de l’organisation, déclinés en de multiples essais à la ferme. Investissements : Au cours des 40 dernières années, CRF a investi, en recherche et développement, 62 millions $ US (38 millions $ au cours des 25 dernières années). Pour en savoir plus : www.crfarms.org
Roland Brugger – recrue au sein du conseil d’administration de CRF, mais membre de longue date – et Dave Ott ont pu constater l’ampleur des capacités du réseau de La Coop fédérée.
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PHOTO : STÉPHANE PAYETTE
chaque membre a mis au point un produit adapté à ses besoins », dit-il. Pour David Arseneau, alors directeur principal par intérim du Service des ruminants de La Coop fédérée, le concept RAP RAC a été une importante révolution. « Ce principe de synchronisation de la protéine et de l’énergie au rumen a mis la table pour toute la gamme des aliments Synchro, dit-il. Ce concept et ses produits d’alimentation pour vaches ont eu un important impact. Même chose pour la transition au vêlage. CRF a beaucoup contribué à préciser les besoins de la transition, cette période névralgique pour le succès de la lactation, particulièrement pour les vaches hautes productrices. Des produits comme Synchro 40-55, Synchro 40-40 et Transilac sont issus des projets de recherche menés par CRF. » Dans les domaines porcin et avicole, les bénéfices ont été nombreux : • Maintenir à jour les avancées techno‑ logiques sans dépendre des études des fournisseurs. • Valider les produits et études externes. • Maintenir une avance sur la concurrence grâce à des programmes alimentaires novateurs et économiques. • Concevoir des programmes alimentaires distincts de gestion commerciale. • Suivre l’évolution génétique.
Marchés
Fin des quotas laitiers en Europe Les éleveurs français doivent réapprendre l’économie de marché
PHOTO : FNCL
Le 1er avril 2015, les éleveurs laitiers ne seront plus soumis à la règle des quotas, mais directement aux lois du marché mondial libéralisé. En France, la coopération se prépare depuis plusieurs années à la fin de cet outil de gestion de l’offre et du prix instauré il y a 30 ans par l’Union européenne. Entre prudence et ambition, Dominique Chargé, éleveur en Loire-Atlantique et président de la Fédération nationale des coopératives laitières (FNCL), nous livre son analyse sur ce bouleversement.
E
Par David Bessenay
n 1983, la filière française s’était élevée contre la création des quotas laitiers. Trente ans plus tard, elle a lutté… contre leur suppression. Le monde agricole n’apprécie guère le changement des règles du jeu et les incertitudes qui vont avec. Depuis trois décennies, cette gestion administrative des volumes évitait la surproduction et limitait la volatilité des cours. Et puisque leur gestion était départementale, elle favorisait l’aménagement
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du territoire en maintenant la production sur l’ensemble de l’Hexagone. Elle permettait aussi de privilégier l’installation des jeunes plutôt que l’agrandissement des exploitations. Attendue depuis longtemps, la fin des quotas est, plutôt qu’un virage abrupt, la dernière pierre à l’édifice de la libéralisation des marchés. « Dès 2003 et l’accord de Luxembourg sur la Politique agricole commune [PAC], l’Union européenne a commencé à déréglementer le marché du lait »,
analyse Dominique Chargé. Et la France, quel‑ ques années plus tard, en 2009, n’a pu échapper à une importante chute des cours, conséquence de la crise de la mélanine en Chine. Bienvenue sur le marché mondialisé…
Une hausse de production de 10 à 20 %
entière, elles se doivent de renforcer leur compéti tivité. Produire plus, mais à condition de trouver de nouveaux débouchés et de développer leurs capa‑ cités industrielles. Ainsi, plusieurs d’entre elles ont investi lourdement dans des concentrateurs, des chaudières ou dans l’augmentation de leurs capa‑ cités de transformation fromagère.
À quelques mois de l’échéance, la coopé ration, comme l’ensemble des acteurs de la filière, se prépare au changement. « Nous avons sondé nos adhérents sur leurs intentions. On peut s’attendre à une progression des volumes de production de l’ordre de 10 à 20 % », estime le président de la FNCL. Une progression plus qu’une explosion, donc. Car si une partie des éleveurs s’apprête à passer à la vitesse supérieure, d’autres, les plus âgés notamment, n’entendent pas forcément se lancer dans des investissements massifs à quel‑ ques pas de la retraite.
Les coopératives investissent, avec l’aide… des Chinois Pour ne pas subir la loi du marché, les coopé ratives ont compris qu’elles devaient passer à l’offensive. Depuis plusieurs années, elles se sont largement restructurées à travers de nombreuses fusions permettant de former des entreprises assez solides pour affronter le marché mondial. Aujourd’hui, les quatre plus grosses coopératives collectent 70 % des volumes. Le leader, Sodiaal, pèse cinq milliards de litres. Actrices économiques à part
Devant ce nouveau défi, les coopératives françaises ont trouvé des partenaires inattendus : les Chinois, soucieux de sécuriser leur approvi‑ sionnement et de se rassurer après les scandales alimentaires. L’entreprise Synutra a investi 90 millions d’euros (environ 130 millions $ CA) avec Sodiaal dans deux tours de séchage à Carhaix (Bretagne). À Isigny-Sainte-Mère (Normandie), le groupe chinois Biostime est entré au capital de la coopérative locale (à hauteur de 20 %) pour investir dans les outils de transformation pour lait infantile. u
EN CHIFFRES Union européenne • Collecte de lait 2013 : 141 millions de tonnes (137 milliards de litres), soit + 1,1 % par rapport à 2012 • L’Allemagne devance la France, le RoyaumeUni, les Pays-Bas, l’Italie et la Pologne
Transformation
La filière laitière française • Collecte de lait 2013 : 23,7 milliards de litres de lait (– 0,3 % par rapport à 2012), soit près de 20 % du lait européen • 25 milliards d’euros (36,25 milliards $ CA) de chiffre d’affaires • 250 000 emplois • 70 000 exploitations laitières • 3,6 millions de vaches (60 % Holstein) • Ferme moyenne française : 53 vaches, 330 000 litres, 88 ha en cultures
Subventions européennes aux éleveurs • 39 500 euros (57 275 $ CA) en moyenne par exploitation laitière en 2013 (19 000 euros par unité de travail)
Prix du lait • 2013 : 340 euros (495 $ CA) les 1000 litres • 1er trimestre 2014 : 365-380 euros (530-550 $ CA) les 1000 litres
36,8 % : fromages 19,5 % : beurres et matières grasses 13,8 % : poudre de lait 10,4 % : lait 7,2 % : yaourts et desserts lactés 7,0 % : crème 3,3 % : poudre de lactosérum 2,3 % : autres
Le poids de la coopération dans la filière lait nationale • 260 coopératives laitières • 42 000 associés coopérateurs • 20 000 salariés • 50 % des producteurs de lait sont membres d’une coopérative • 56 % du lait est collecté par une coop • 45 % du lait est transformé en produits laitiers • Chiffre d’affaires de coopératives : 11,2 milliards d’euros (16,25 milliards $ CA) Débouchés de la filière lait • Exportations : 8,4 milliards d’euros • 4 litres sur 10 sont exportés • 64 % des exportations sur le marché européen • Exportations : fromages (43 %); produits secs et industriels (40 %); produits de grande consommation : yaourts, lait (17 %) (Sources : CNIEL et FNCL)
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Les coopératives devront être commercialement dynamiques, mais prudentes dans le choix de leurs débouchés pour ne pas être dépendantes d’un seul marché.
Quête de nouveaux marchés d’exportation et concurrence
Sur le marché intérieur, les coopératives doivent consolider leurs parts de marché en faisant preuve d’innovation et en répondant aux demandes des consommateurs sur la qualité, la traçabilité, la proximité et l’environnement. Mais elles entretiennent parfois des relations tendues avec la grande distribution qui souhaite tirer les prix à la baisse.
Les perspectives de développement de mar‑ chés en France, voire dans l’Union européenne, étant relativement faibles, c’est la grande expor‑ tation (aujourd’hui un peu plus de 10 % des ventes) que les coopératives lorgnent. « Le marché mondial est porteur principalement en beurre et poudre, avec une demande soutenue en Asie (Chine, Malaisie, Indonésie), en Russie, voire aux États-Unis et, d’ici quelques années, sur le continent africain », analyse Dominique Chargé. Ainsi, les besoins des pays du BRIC (Brésil, Russie, Inde, Chine) en poudre de lait ont été multipliés par six en quatre ans, et par quatre en fromage ! Mais dans cette course aux nouveaux mar‑ chés, les Français ne sont pas seuls. Les pays du nord de l’Europe passent à l’offensive. Tandis que l’Irlande investit massivement, l’Allemagne, le Danemark et les Pays-Bas ont déjà dépassé les
quotas, préférant payer une amende à Bruxelles pour être fin prêts pour l’échéance. Plus loin, la Nouvelle-Zélande, l’Australie, l’Argentine ou les États-Unis seront également des concurrents féroces. Dominique Chargé se veut confiant. « La France possède deux atouts majeurs : sa notoriété en gastronomie et son excellence sanitaire. Et puis, nous sommes compétitifs en matière de coût de revient : le foncier est peu cher, notre producti‑ vité fourragère est bonne, les investissements sont moins élevés qu’ailleurs. En revanche, notre point faible, c’est la productivité. Il nous faut en amont des outils plus performants : des élevages plus importants, des salles de traite plus modernes. Leur moyenne d’âge est de 20 ans ! »
Vers des exploitations plus grandes et plus modernes Pour augmenter leur productivité, les éle‑ veurs doivent donc augmenter leur cheptel et agrandir les bâtiments. Une réflexion que Domi‑ nique Chargé a déjà engagée sur sa propre exploi‑ tation, près d’Ancenis, en Loire-Atlantique. « Nous réfléchissons à un passage de 80 à 120 vaches, voire un regroupement avec un voisin pour passer à 250 têtes et construire un bâtiment à partir de rien. D’autres collègues ont des projets à plus de 300 vaches ! » La filière se tourne vers l’État fran‑ çais et espère un appui financier pour mener à bien ce plan de modernisation.
Prix du lait : pas d’inquiétude à court terme Le président de la FNCL n’est pas inquiet sur le cours du lait. « Il y a aujourd’hui un déficit de production mondiale. Nous ne parvenons pas à répondre à la hausse de la consommation des pays émergents ». Les prévisions de prix pour 2014 avoisinent les 380 euros (550 $ CA) les 1000 litres, un prix satisfaisant. Mais les éleveurs ne sont pas à l’abri de len‑ demains difficiles en cas de chute des cours. Car les marchés de grande exportation, si dynamiques soient-ils, sont très volatils. Ainsi, sur les six der‑ nières années, le prix de la tonne de poudre de lait écrémé a oscillé entre 1300 et 4200 euros ! C’est pourquoi la profession a un œil sur le Farm Bill. Cette loi agricole américaine a en effet mis en place un système d’assurance marge. La
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Le Coopérateur agricole | OCTOBRE 2014
« Approcher le million de litres » Installé depuis trois ans avec ses parents, Emmanuel Carfantan, éleveur de 28 ans dans les Côtes-d’Armor (Bretagne), prévoit dans les années à venir une augmentation de son cheptel et de sa production.
Conséquence notamment de la hausse du prix du foncier en Nouvelle-Zélande, le coût de revient entre les laits français et néo-zélandais s’est rapproché provoquant un regain de compétitivité.
profession devrait plaider pour la mise en place d’un système similaire à l’occasion de la révision de la PAC 2020.
« Bien sûr, ça fait un peu peur, car les marchés pourraient devenir fluctuants, avec de très bonnes années et de très mauvaises. Il faudra apprendre à gérer différemment. Mais les prévisions de croissance du marché mondial pour les 10 prochaines années sont encourageantes. » Loin d’être effrayé par la fin des quotas, Emmanuel va passer à la vitesse supérieure en installant son épouse sur l’exploitation. « Nous avons déjà trouvé 22 ha supplémentaires, mais l’installation va être décalée, car la Commission départementale d’orientation agricole (CDOA) ne nous a pas encore accordé de litres en plus. Nous allons donc attendre l’an prochain et la fin des quotas. » C’est directement avec sa coopérative, Even, qu’il négociera l’augmentation de sa production. « On va se donner cinq ans. L’objectif serait d’obtenir 250 000 litres supplémentaires et de s’approcher du million de litres. »
Une chose est sûre, le paysage laitier va évoluer en France vers moins d’élevages, mais de plus gros cheptels. Ce virage libéral devrait aussi entraîner une modification de la carte de la production nationale. Les régions à forte production, comme le Grand Ouest, vont se renforcer aux dépens de la moitié sud de la France. Certains agriculteurs ont d’ailleurs déjà fait le pari d’abandonner leur troupeau au profit des céréales, culture plus rému‑ nératrice et moins gourmande en temps de travail. Et puis, vieux réflexe paysan, certains agri‑ culteurs misent sur la diversification pour se prémunir. « À titre personnel, j’élève également des volailles. En cas de coup dur sur le marché du lait, l’autre production peut amortir le choc », confie Dominique Chargé. Prêts ou pas prêts, les coopérateurs n’auront pas d’autre choix que de se lancer dans le grand bain. « Nous travaillons pour que les éleveurs se réapproprient leur outil coopératif. Qu’ils comprennent que leurs revenus ne dépendent pas seulement du cours du lait, mais aussi de la rémunération du capital social et des dividendes de fin d’exercice. » À l’aube du grand boulever sement, Dominique Chargé ne se veut ni inquiet ni optimiste, « seulement réaliste et pragmatique. Il faudra plusieurs années pour que les éleveurs assimilent réellement ce changement. On ne sort pas de 30 ans de gestion administrative des volumes comme ça. »
PHOTO : COOPÉRATIVE EVEN
Le paysage laitier français va changer
En groupement agricole d’exploitation en commun (GAEC) avec ses parents sur 95 ha, Emmanuel Carfantan dispose actuellement de 660 000 litres de quota.
Optimiser l’outil de production Pour ce faire, le troupeau de Holstein devrait augmenter de 25 vaches. Mais l’éleveur entend rester raisonnable sur les investissements. « Nous avons un bâtiment avec 93 logettes. On veut le remplir. On doit juste construire un appentis pour loger les vaches taries et augmenter de quatre postes la salle de traite. Notre investissement ne dépassera pas les 100 000 euros. » Il se montre donc plutôt serein sur l’avenir de sa ferme. « Nous devrons nous attacher à être performants. Et puis j’ai confiance en notre coopérative. Il y a des gens compétents qui travaillent à développer des marchés en France comme à l’exportation. » Selon lui, la fin des quotas ne devrait pas se traduire par une explosion des volumes. « Dans mon village, nous sommes plusieurs jeunes éleveurs, mais c’est loin d’être le cas partout. À un moment donné, malgré les progrès techniques et la robotisation, la production sera limitée par le facteur humain : le manque de bras. »
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Lait
PHOTO : ÉTIENNE GOSSELIN
L’ambitieux projet d’un jeune
Par Étienne Gosselin, agronome, M. Sc.
PHOTO : MAGALI DESLAURIERS
PHOTO : A PRECISER
Un entrepreneur choisit la Gaspésie et démarre avec 24 kg de quota. Ses résultats sont aujourd’hui exceptionnels, mais sont-ils suffisants pour assurer la viabilité de sa ferme laitière ?
Entre contreforts appalachiens et étendues salines, Pier-Luc Lajoie a lancé sa petite ferme laitière contre vents et marées. Tout cela avec la race Jersey, malgré les préjugés. « Elle peut être aussi rentable que la Holstein », juge-t-il.
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P
roduire du lait sur la route de l’Église, à Carleton-sur-Mer, à une centaine de mètres d’un lieu saint, teinte-t-il le com‑ portement des vaches ? « Chez Pier-Luc, les vaches sont comme dans une église : ça rumine dans le recueillement ! » plaisante Gaston Gagné, directeur général de La Coop Baie des Chaleurs. Pier-Luc, c’est Pier-Luc Lajoie, 23 ans, qui ne pouvait imaginer sa vie sans une ferme. Laitière. « Je suis né ici de parents qui ont migré de la région de Kamouraska avant que je naisse », explique-t-il avec son accent gaspésien, que ses parents n’ont étrangement pas. « J’ai travaillé toute ma jeunesse dans des fermes laitières, celle de mon oncle ou celles d’autres producteurs. Ma job, quand j’avais 13, 14 ans, c’était de vider la fosse. Je ne retournais pas à l’école avant que ça soit fait ! » rigole le jeune entrepreneur.
Entre contreforts appalachiens et étendues salines, sur une parcelle où se trouvait jusqu’en 2009 une bergerie autrefois prospère, Pier-Luc Lajoie veut donc vivre de la terre à Carleton-surMer. Il a transformé le bâtiment pour lui donner les allures d’une petite vacherie fonctionnelle de 36 logettes, déjà prête pour un agrandissement de 8 autres. À quelques centaines de mètres de là, une courte étable à stabulation libre loge les sujets de remplacement de 5 à 22 mois. Produire officiel‑ lement sur deux sites suffisamment éloignés l’un de l’autre permet à l’entreprise l’économie d’une fosse bétonnée, d’autant plus que la Jersey rejette 55 % moins de phosphore qu’une Holstein, écrit Jean-Marc Pellerin, représentant québécois de Jersey Canada, dans le dernier numéro de la revue de l’association.
PHOTO : MAGALI DESLAURIERS
Gaspésien
La Ferme Laitjoie compte 28 hautes productrices pour combler son quota de 25 kg. La moyenne de production du troupeau, à 8300 kg, surpasse largement la moyenne provinciale pour la Jersey.
De retour à l’étable principale, dans le bureau. Les planches de cèdre qui recouvrent les murs, matériau qu’a produit Pier-Luc lui-même, apportent rusticité, chaleur et parfum au lieu. À bonne hauteur, une large étagère ceinture les murs et n’attend que les prix et les honneurs que le Gaspésien compte bien quérir pour les performances individuelles et collectives de ses animaux. « Je ne veux pas juste tirer du lait. u
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Je veux me démarquer, autant en production qu’en conformation, en région éloignée », confie Pier-Luc. Déjà, une première présence dans une expo agricole, celle de Rimouski, lui a permis de récolter une distinction. Un cadeau offert par Brenda, vache Jersey aux longs cils, dans la classe « Vache adulte ».
PHOTO : ÉTIENNE GOSSELIN
La joie de produire
Par Régis Miousse et Pierre-Marc Cantin, T.P. (photo), Experts-conseil végétaux/ruminants Centre de services de l’Est Génisses (0-5 mois) Lactoremplaceur Goliath XLR 27-16 (jusqu’à 2 mois) Aliment Goliath VO-21 cube Bovatec Génisses (5 à 22 mois) Supplément Goliath 45 AU Foin sec en balle ronde Maïs-grain au besoin Vaches taries Minéral Transilac VT 7-3 cube (300 g) Ensilage demi-sec en balle ronde Vaches en transition Minéral Transilac VT 7-3 cube (150 g) Aliment Transilac LP (3 kg) Ensilage demi-sec en balle ronde Vaches en lactation Pulpolac F3 pour les 30 premiers jours (1,5 kg) Aliment Synchro 5014 Option 2 Supplément en couverture Synchro 4214 Minéral Synchro 15-5 cube Ensilage demi-sec en balle ronde à 19 % PB
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Avec le contingentement laitier, démarrer une ferme laitière est un petit miracle. Pier-Luc a mis trois ans à échafauder son projet avant de lancer pour de bon la production, en novembre 2012. Trois ans de durs labeurs où il est allé cogner à toutes les portes, demandant, quémandant, négociant, calculant… Parcours du combattant ! Fier, il redonne déjà en venant d’accueillir les Portes ouvertes de l’UPA sur son exploitation. Mais avec ses actuels 25,1 kg de quota, la ferme reste dans une position financière pré‑ caire, trop petite pour faire vivre plus d’une per‑ sonne, trop grosse pour en occuper une seule. La conjointe de Pier-Luc, Roxane Bureau, infirmière auxiliaire, accepte pour l’instant de travailler à l’extérieur pour assurer un revenu familial décent, tout en donnant de son temps à l’entreprise, comme Philippe, le jeune frère de Pier-Luc, et comme leurs parents aussi. « Roxane m’a appuyé depuis le début. On a pris une décision pour la viabilité de l’entreprise, celle d’aller chercher un revenu extérieur. C’est moi qui ai monté le projet, mais nous prenons les décisions ensemble. » « L’endettement est dans le tapis, mais nous avons décidé de consacrer nos investissements au quota et au confort des vaches », explique Pier-Luc. Fait notable, les vaches vont faire de l’exercice les nuits du 1er juin au 1er novembre, cinq
mois d’air salin régénérateur. Sur l’exploitation, un minimum de machines, un seul tracteur de 75 forces détenu en propre (il faut en louer un deuxième plus puissant pour faire les travaux aratoires). Si le recours aux travaux à forfait n’est pas possible dans la région, les champs se louent pour une bouchée de pain – 5 ou 10 $ l’acre –, ce qui diminue le coût de production des fourrages. Comme troupeau, Pier-Luc a déniché 35 vaches de race Jersey au Centre-du-Québec, cheptel aujourd’hui réduit à 28 en raison d’une hausse marquée de productivité. Auparavant gérées en mode biologique, les productrices d’en moyenne cinq ans et huit mois d’âge répondent bien à une conduite plus intensive. Avec une ronflante moyenne de 8300 kg (245-223-243) – la moyenne ajustée sur 305 jours pour les clients Jersey de Valacta était de 6647 kg (220-201-222) en 2013 –, le troupeau de Pier-Luc se trouve parmi les
PHOTO : ÉTIENNE GOSSELIN
L’alimentation du troupeau
L’éleveur mise sur un environnement confortable et une gestion optimale pour que s’exprime le plein potentiel génétique (2 EX, 9 TB, 15 BP et 2 B) de ses vaches. Pierre-Marc Cantin apprécie l’ouverture d’esprit de son jeune client. « C’est un gars ouvert aux recommandations de ses conseillers. »
Quota migratoire ? Le quota laitier quitte-t-il la Gaspésie ? C’est l’impression générale, mais les données montrent une autre réalité, nous apprend Jean Vigneault, directeur des communications pour Les Producteurs de lait du Québec. « Si on compare la quantité de quota provincial détenue par la Gaspésie en 1990 et en 2013, elle est demeurée inchangée à 0,2 %. » Dans l’intervalle, le nombre de fermes a grandement diminué (on ne compte plus que 19 producteurs en Gaspésie, alors qu’ils étaient 43 en 1990), pour une consolidation des entreprises restantes. Mais surprise : la consolidation s’est effectuée moins rapidement en sol gaspésien qu’ailleurs au Québec, où le nombre de fermes est passé de 14 078 en 1990 à 5956 en 2013. « Dans une région qui n’a déjà pas beaucoup de fermes, en perdre une, c’est beaucoup », relativise Jean Vigneault. Pour inverser la vapeur, le programme d’aide au démarrage des Producteurs de lait favorise les projets présentés dans les régions Abitibi-Témiscamingue, Saguenay–Lac-Saint-Jean et Gaspésie–Îles-de-la-Madeleine en allouant le sixième des points de la grille d’évaluation au critère géographique. Les fermes gaspésiennes demeurent tout de même sous la moyenne provinciale pour leur taille. Elles produisent 33 % moins de lait par ferme que la moyenne québécoise. Une situation qui trouble Gaston Gagné, de La Coop Baie des Chaleurs. « Ici, à Caplan, anciennement la Mecque de l’élevage laitier avec une douzaine de fermes, on n’en compte plus que deux, sous la moyenne québécoise pour leur taille. Ce n’est plus le volume que c’était », s’inquiète le directeur général.
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Seulement 23 ans, mais d’une surprenante maturité : Gaspésien d’origine, c’est en Gaspésie que Pier-Luc Lajoie a planté le décor pour son démarrage en production laitière.
Roxane Bureau, conjointe de Pier-Luc et infirmière auxiliaire, accepte pour l’instant de travailler à l’extérieur pour assurer un revenu familial décent, tout en donnant de son temps à l’entreprise. Toutes les décisions d’entreprise se prennent en couple.
et il bat le modèle de production. » N’empêche, comment diable une verte recrue de 23 ans réussit-elle ainsi ? Pression d’exceller, attention soutenue aux petits détails, mais aussi, souligne Pierre-Marc, ouverture d’esprit. « C’est un gars ouvert aux recommandations de ses conseillers. » Le mot « générosité » doit être accolé à la Ferme Laitjoie : un papa qui prête gratuitement de la machinerie pour drainer ou « raplomber » des terres, une coopérative agricole qui offre un pourcentage de rabais sur le prix de certains intrants, une cli‑ nique vétérinaire qui crédite quelques centaines de dollars de services, des producteurs bien inten‑ tionnés qui mettent la main à la pâte pour installer un rail à balles rondes, de nouveaux bols à eau ou du revêtement de plastique ou de tôle, une corvée organisée par l’UPA régionale quand Pier-Luc s’est cassé un doigt, à 30 jours de la première traite… Charité chrétienne sur la route de l’Église !
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plus productifs du Québec. Si l’élevage ne compte actuellement pas de vaches primipares (de premier veau), leur venue prochaine ne fera pas baisser la moyenne en dessous de 8000 kg, jure le Gaspésien. Du côté de la rentabilité, le protégé de l’expertconseil de La Coop, Pierre-Marc Cantin, brille avec une marge sur alimentation de 13,18 $/kg de gras produit. Pier-Luc surclasse les moyennes régionale (11,50), provinciale (11,56) et les 20 % supérieurs provinciaux (13,06), un impératif pour la rentabilité de l’entreprise, quand on sait que l’alimentation (fourrages et concentrés) compte pour 40 % du coût de production. « Pier-Luc, c’est un gars cartésien, discipliné, cité en exemple par le MAPAQ dans la région, fait remarquer Gaston Gagné. Il a remporté un prix d’entrepreneuriat en agroalimentaire. Malgré des débuts difficiles, il fait ce qu’il a dit qu’il allait faire. Il a acheté un troupeau de haute génétique
La réussite de Pier-Luc découle d’une pression d’exceller, d’une attention soutenue aux petits détails et d’une ouverture d’esprit.
Vingt-quatre, est-ce assez ? Une entreprise laitière de 24 kg de quota est-elle viable ou condamnée à la précarité ? Au regard de leur rentabilité, vaut-il mieux établir une douzaine de petites fermes chaque année ou une demi-douzaine de fermes moyennes ? C’est à ce genre de questions que pourront répondre Les Producteurs de lait du Québec en 2015. Le syndicat enquête actuellement sur les résultats de son programme d’aide au démarrage, lancé en 2006. L’agronome Sylvain Garneau, du Groupe conseil agricole Matapédia-Matane, a déjà monté quatre dossiers relatifs au « programme 12-12 » (prêt de 12 kg de quota et achat de 12 kg). S’il juge que c’est « un bon programme, qui permet de valoriser la Gaspésie en structurant le milieu agricole autour de projets qui font tourner l’économie », il ajoute que celui-ci exige un remboursement trop rapide des 12 kg prêtés, soit 1 kg par année. « Serait-il bon d’allonger cette période de remboursement ? Ou de prêter à vie une partie du quota ? s’interroge l’agronome-conseil. Après cinq ans, les entreprises ont encore beaucoup d’investissements à faire, mais doivent déjà commencer à rembourser leur prêt de quota, ce qui nuit à leurs liquidités. » Pier-Luc se questionne aussi. Aurait-il mieux fait d’acheter la ferme de 50-60 kg d’un producteur sans relève prêt à faire une bonne action pour un jeune plein d’entrain, plein de bonne volonté ?
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B ov i n
Mieux gérer
pour mieux produire
Au fond, il n’y a pas de secret pour produire un des meilleurs veaux semi-finis Angus-Simmental du Québec. Il faut savoir s’entourer, respecter les animaux et la nature, être efficace et imaginatif.
Texte et photos de Louis Potvin
C
e sont les principaux éléments qui guident Gérald Rousseau, sa femme, Madeleine Bou‑ chard, et leur fils, Christian, de la Ferme de la Carpe, à Saint-Stanislas (Lac-Saint-Jean), pour gérer un imposant troupeau vache-veau de plus de 700 bêtes, dont 375 vaches productives. « Travailler avec du monde meilleur que toi, ça te tire vers le haut », lance Gérald Rousseau, 59 ans. Sourire aux lèvres, bien planté dans un de ses champs, entouré de veaux qui tètent leur mère, il parle avec passion de son métier. « Quand je vois ça, ça vient confirmer que je fais le plus beau métier au monde ! » s’exclame-t-il alors que des dizaines de veaux gambadent lors d’un change‑ ment de zone de pâturage.
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L’ingrédient numéro un de Gérald, c’est la passion qui l’anime. Pour réussir dans le domaine du vache-veau, il faut beaucoup d’amour pour les animaux et une volonté de fer pour rester concur‑ rentiel. Pour preuve, dès que les bêtes entendent la voix de l’homme, elles s’approchent rapidement.
Pâturage en hiver Pour rentabiliser l’élevage d’un si imposant troupeau au nord du lac Saint-Jean, dans un climat très froid en hiver, il faut appliquer des mesures qui touchent tous les aspects de la production, du vêlage à la qualité de la génétique en passant par une grande qualité des fourrages. « Ma ligne de conduite est de respecter ou de reproduire ce que la nature fait. J’exploite une étable à ciel ouvert. Il faut que la vache travaille pour toi, et non l’inverse », affirme ce passionné. Un des premiers aspects de son « secret » est d’avoir allongé de 35 jours le pâturage dans les
champs. Gérald a réussi ce défi même s’il y a de la neige, grâce à une bonne gestion de ses champs. Il sème des plantes plus résistantes en semis direct. Ce qui permet aux vaches de dénicher avec leur museau la nourriture qui se cache sous la neige. Même avec un couvert de 15 cm de neige, elles trouvent les plantes. Évidemment, Gérald et son fils choisissent les terrains propices pour ce type de culture. « Nous continuons à faire des tests et nous voulons encore étirer davantage, afin d’avoir le moins de jours possible où nous les nourrissons avec des balles de foin en hiver », dit-il. De cette réussite découlent des économies substantielles. Pour abaisser les coûts de pro‑ duction, on utilise moins la machinerie agricole. Résultat : une moins grande consommation de pétrole. En gagnant un mois de pâturage, c’est beaucoup moins de temps consacré à faucher du foin pour l’hiver. Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Gérald Rousseau évalue l’économie à 1,50 $ par vache par jour quand les animaux sont au pâturage plutôt que de manger des balles de foin. Pour 35 jours, c’est un gain de près de 20 000 $ ! Au total, les bêtes se trouvent à manger du foin coupé pendant un peu moins de cinq mois. L’hiver, on les met dans des enclos conformes aux bonnes pratiques en matière de bien-être animal et munis de brisevent pour les protéger. Les bêtes ne sont pas transportées pour changer de pâturage. Presque tous les champs de la ferme de 900 hectares (2200 acres) communi‑ quent entre eux. Un autre ingrédient de la recette de la Ferme de la Carpe.
préoccupation, c’est de livrer un veau avec lequel le propriétaire du parc d’engraissement fera de l’argent, affirme Gérald Rousseau. Ce qui est encourageant, c’est que le prix des veaux est bon depuis plusieurs mois. Il y a une bonne demande. Nous avons une bonne structure de mise en marché au Québec, mais il faut la préserver et la bonifier, car je la trouve fragile. » De plus, comme ses vaches sont fortes et solides, elles sont productives en moyenne pen‑ dant 10 ans. « Pour réussir un veau, l’alimentation de la mère et de son veau est importante, souligne le producteur. En plus du pâturage, des supplé‑ ments de vitamines et minéraux sont donnés aux animaux. Notre objectif est de vendre un veau de qualité d’environ 750 lb [340 kg] à l’âge de 8 à 10 mois. »
«Nous avons une bonne structure de mise en marché au Québec, mais il faut la préserver et la bonifier, car je la trouve fragile», croit Gérald Rousseau.
Vêlage La bonne gestion du troupeau est primor‑ diale pour réussir dans ce domaine. Gérald Rousseau gère ses pâturages avec efficacité. Les bêtes changent d’enclos après cinq à six jours. Une façon de faire qui tient compte de la qualité du pâturage en fonction du besoin de la vache. « Il réduit ainsi au minimum l’aspect mécanique, ce qui lui permet d’être productif », explique Gilles Asselin, directeur des opérations de La Coop des deux rives, à Normandin. Disposant de 15 taureaux de grande qualité, les vaches donnent naissance à des veaux solides pesant en moyenne 7 % du poids de leur mère à la naissance. Le taux de perte est d’environ 5 %. C’est 85 % des veaux qui seront vendus à des parcs d’engraissement, en tenant compte du taux de remplacement des reproductrices de 10 %. « Notre
L’apport en eau est aussi très important. Autre aspect de l’ingéniosité des propriétaires de la ferme, ils ont fabriqué plusieurs stations solaires qui permettent de pomper l’eau des ruis‑ seaux et de remplir des abreuvoirs. Une solution peu coûteuse, d’autant plus qu’au lieu d’acheter des abreuvoirs du commerce, Gérald transforme des pneus de machinerie forestière en bassins quasi indestructibles. Toujours en symbiose avec la nature, Gérald et son fils s’assurent que les vaches peuvent vêler dans d’excellentes conditions. Très peu se retrou‑ vent à l’intérieur pour le faire. On a aménagé des secteurs forestiers pour que les vaches vêlent en toute sécurité, à l’épreuve des intempéries. « De plus, nous avons un équipement mobile adapté pour les isoler et les accompagner, si elles en ont
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besoin. Nous avons deux périodes de vêlage : le printemps et l’automne. Une période qui demande une grande vigilance. On ne veut pas perdre un veau », souligne l’éleveur.
Coopération et innovation Gérald Rousseau vante les mérites de La Coop des deux rives, qui regroupe près de 300 socié‑ taires venant des MRC du Domaine-du-Roy et de Maria-Chapdelaine. « Sans la coopérative, on ne serait plus en affaires. C’est un outil de dévelop‑ pement important, parce que nous avons accès à des experts-conseils, mais ça nous permet égale‑
Gérald Rousseau, sa femme, Madeleine Bouchard, et leur fils, Christian, de la Ferme de la Carpe, à Saint-Stanislas
ment d’avoir de meilleurs prix pour nos intrants. La Coop fait partie des avantages économiques liés à la rentabilité de notre production. Nous n’avons pas le choix, si nous voulons rester dans le coup, car nous sommes de très petits acteurs dans la région, comparativement au reste du monde », plaide celui qui préside le conseil d’administra‑ tion de cette coopérative. Pas surprenant que la Ferme de la Carpe fasse partie d’une cellule innovante de l’AbitibiTémiscamingue afin d’être à l’affût des dernières trouvailles technologiques. Un groupe qui permet d’appliquer de nouvelles façons de faire pour être plus productif. Par contre, Gérald Rousseau n’en fait pas une maladie. « Ce n’est pas la productivité à tout prix », lance-t-il.
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Un peu d’histoire C’est la réalité de la vie qui a poussé Gérald et sa femme à se lancer dans la production bovine. « Je me suis fait deux entorses graves coup sur coup, raconte-t-il. J’ai donc travaillé blessé sept jours sur sept pendant deux hivers pour m’oc‑ cuper de la ferme laitière. Ça m’a fait réfléchir. Je travaillais jour et nuit et je n’avais plus de qualité de vie. Ces blessures portaient un message. Je me suis aperçu que la production de bovins me donnerait plus de flexibilité. » En 1993, le couple délaisse la production de 50 kg/jour pour se lancer dans cette nouvelle aventure. Comme la ferme disposait déjà de nom‑ breux champs et que la possibilité d’en louer était alors présente, tout était en place pour amorcer la transition vers la production bovine. Petit à petit, le troupeau a pris de l’ampleur, pour atteindre 520 vaches, un nombre qui a été réduit à 375 en raison, cette fois, de terres moins disponibles pour la location. Pour démarrer son élevage, le producteur a choisi de croiser les Angus et les Simmental, car ce sont des vaches rustiques avec une grande capa‑ cité d’adaptation. « Les attentes du consommateur ont été un élément important dans le choix de nos croisements, dit-il. Il faut adapter notre produit à la demande. » L’orientation de la ferme vers la production bovine a aussi été guidée par le goût d’améliorer la qualité de vie. Aujourd’hui, la famille peut se permettre de beaux week-ends au chalet. L’entreprise crée, au total, l’équivalent de 2,5 emplois à temps plein. En période intensive, 5 personnes y travaillent, contre 1,5 lorsque les tâches sont moins nombreuses. Christian est le seul à occuper un emploi à temps plein, ce qui permet à Gérald de siéger à titre de président de La Coop des deux rives. Présentement, la famille Rousseau est dans un processus de transfert, qui permettra à la quatrième génération (l’entreprise a été fondée en 1928) de prendre les commandes de la ferme familiale d’ici quelques années. Gérald croit que cette période de la vie lui permettra de consacrer plus de temps à sa passion pour les chevaux. Il espère entre autres que l’attelage de ses chevaux Canadien fera un jour partie de son quotidien. L’agriculture, un mode de vie !
L’ e f f e t b œ u f
Bruno Langlois, agronome
Conseiller spécialisé Production bovine La Coop fédérée bruno.langlois@lacoop.coop
Je peux enfin me donner les moyens !
Combien de fois dans une année se dit-on : « Ah, si je pouvais, je ferais… » ? Pour plusieurs sujets, nous savons bien que le changement espéré est hors de notre portée. Pour quelques autres, les moyens existent et sont à notre disposition. Si, par exemple, dans le but d’améliorer mon bilan de santé, je dois simplement trouver du temps pour l’activité physique, ça revient à une question de priorités personnelles. Mais pour la majorité des occasions, « si je pouvais » se traduit souvent par une pénurie de moyens financiers. Les producteurs bovins comprennent très bien ce que je veux dire.
PHOTO : MARTINE DOYON
O
r, depuis environ un an, les liquidités des producteurs vache-veau se sont grandement améliorées. Petite nuance ici : améliorer ne veut pas encore dire rouler sur l’or ! Cette situation signifie simplement que, cette année, de nombreux éleveurs pourront sans doute réaliser quelques-unes de leurs aspirations. Et c’est vraiment là que ça se complique ! Il faut choisir parmi tant d’options. Laquelle possède le plus d’effet de levier et aura les plus grandes retombées ? Bien entendu, il n’existe aucune réponse « passe-partout » applicable à tous. Pour ma part, j’utilise quatre grands prin‑ cipes de prise de décision dans ce genre de cas. Le premier est que la réussite n’est pas fonc‑ tion de la quantité des ressources matérielles, mais plutôt une question de motivation des ressources humaines. Qu’est-ce qui était finan‑ cièrement impossible il y a peu de temps, qui est maintenant réalisable et qui possède le plus fort effet positif du côté des aspirations personnelles ? Le deuxième, c’est la notion d’opportunisme. Une opportunité, c’est une situation qui ne se présente pas souvent. On peut classer dans cette catégorie l’établissement d’une relève agricole, la récente disponibilité d’une terre voisine… ou encore l’actuel faible coût net d’acquisition de taureaux de qualité ! La notion d’opportunisme, c’est aussi de bien cibler les investissements qui peuvent attendre
et qui seront plus intéressants ultérieurement. Un bel exemple ? Même si la preuve n’est plus à faire qu’un troupeau de vaches spécialement sélectionnées pour leurs caractéristiques mater‑ nelles comporte de nombreux avantages, le coût d’opportunité pour ce genre d’investissement est particulièrement élevé en ce moment, et ce, malgré les excellents prix obtenus pour les vaches de réforme. Quant à mon troisième principe, je l’ai un jour entendu d’un producteur : « Ce n’est pas dans les mauvaises années qu’on se cale, c’est dans les bonnes ! » Traduction ? Les dépenses effectuées dans les bonnes années ne doivent pas entraîner des déboursés récurrents les années suivantes, quand les revenus seront moindres. Finalement, mon dernier principe : « Est-ce que j’en ai vraiment besoin ? » Quatre principes évidents et dont la combinaison est bien difficile à respecter. Je me permets donc ici quelques suggestions applicables au secteur vache-veau et respectant intégralement cet arbre de décision : • Prenez de petites vacances : c’est ponctuel, mais ça peut drôlement être profitable ! • Investissez dans la génétique de vos taureaux : ce sont eux qui ont le plus grand impact génétique sur les veaux que vous vendez et sur l’ensemble de l’industrie bovine. • Pensez alimentation des vaches et des veaux : quelques analyses de fourrages, un programme alimentaire et l’utilisation des bons produits au bon moment et selon les recommandations sont synonymes d’un plus grand nombre de kilos de veaux à vendre par vache gardée. N’est-ce pas là le but du jeu ? • Chaulez et fertilisez : tellement évident que ça se passe de commentaires ! Cette année, vous pouvez vous donner les moyens. Prenez les bonnes décisions et profitez‑en bien.
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Porc
Croître et prospérer dans le c’est possible ! Benoit Marquis a débuté comme producteur parce qu’il y voyait un moyen de bien gagner sa vie. Aujourd’hui, il l’est encore parce qu’il aime toujours son métier, mais aussi parce qu’il y croit.
Par Céline Normandin
PHOTOS: GÉRALD PAQUIN
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ifficile de croire que la propriété sise à un croisement de Saint-Valérien-de-Milton abrite une porcherie. Bien que la pouponnière se trouve à un jet de pierre de la maison, aucune odeur ne vient trahir le type d’élevage qui se pratique à la ferme de Benoit Marquis. Tout montre d’ailleurs que les propriétaires prennent grand soin de leurs installations, que ce soit les bâtiments de ferme impeccables ou l’aménagement paysager soigné autour de la maison. Benoit Marquis ne s’en cache pas : salubrité, biosécurité et propreté vont de pair et sont primor‑ diales pour lui. Il en fait une priorité, et ce, depuis ses débuts comme éleveur, dans les années 1970. « Un environnement propre et sain, c’est la base », indique le producteur, qui avoue être maniaque sur ce point. Alors qu’il confiait auparavant à des employés le nettoyage des bâtiments entre les rotations de bandes de porcs, il fait maintenant tout faire à forfait. Et il inspecte tout lui-même avant de se déclarer satisfait.
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Un secteur marqué par les embûches Difficile de contredire M. Marquis, surtout à la suite de l’épidémie de diarrhée porcine qui a affecté le Canada ces derniers mois, après avoir causé des ravages aux États-Unis. Une autre tuile pour un secteur qui a eu son lot de problèmes au fil des années. Benoit Marquis les a tous tra‑ versés, de la « maladie mystérieuse » des années 1990 au circovirus des années 2000. À cela est venu s’ajouter le resserrement du Programme d’assurance stabilisation des revenus agricoles (ASRA), de La Financière agricole, en 2009, qui a été le coup de grâce pour bien des producteurs de porcs indépendants. Benoit Marquis a lui-même dû revoir sa ges‑ tion pourtant serrée pour pouvoir dégager une marge suffisante et conserver la rentabilité. À titre d’engraisseur, la ferme de M. Marquis s’en était toujours bien tirée avec sa pouponnière de 1300 places et deux bâtiments d’engraissement de 950 et 1200 places. Depuis les changements
porc, La pouponnière, construite en 2000 selon les normes les plus modernes de l’époque, se trouve tout près de la maison familiale, tout comme la moulange.
Benoit et Linda travaillent étroitement à la bonne gestion de leur ferme porcine, tout en ayant chacun des tâches distinctes.
à La Financière, il se procure encore les grains nécessaires pour la moulée qu’il produit à la ferme en les achetant par contrats à terme, directement sur les marchés financiers. Cet apprentissage n’a pas toujours été facile, mais il maîtrise aujourd’hui suffisamment les rouages du marché de Chicago pour dégager une marge supplémentaire de profit. Au moment de l’entrevue, il venait tout juste de se procurer du maïs à moins de 4 $ US le boisseau et suivait attentivement le cours des grains sur les marchés mondiaux. À ce prix, il savait qu’il avait fait une bonne affaire. « Il faut s’adapter à son époque et prendre les décisions d’affaires qui s’imposent », indique Benoit Marquis pour expli‑ quer son virage vers les marchés à terme.
Polyvalence et gestion comme recette du succès D’entrée de jeu, la conversation s’était amorcée sur l’avenir de la production porcine depuis les changements qui ont bouleversé le secteur dans les dernières années, un sujet qui apparemment lui tient à cœur. Le contexte éco‑ nomique difficile et l’ajustement de 25 % imposé par l’ASRA ont conduit de nombreux producteurs, incapables de surmonter la crise, à devenir des produc‑ teurs intégrés. « Oui, il y a de l’avenir là‑dedans, dit-il en parlant du secteur porcin. Mais il ne faut pas seulement produire des cochons, il faut gérer sa ferme comme une business. Il faut devenir multifonctionnel comme pro‑ ducteur et maîtriser les outils d’avenir, comme les contrats à terme. » Benoit Marquis met en application les conseils qu’il prodigue. Bien que de taille moyenne, sa ferme possède toujours 142 ha (350 acres) de terre, qui s’imbriquent parfaitement dans sa gestion de ferme. Une portion de 28 ha est louée, tandis que 93 ha sont cultivés entre autres pour le fourrage. Comme les prairies offrent plusieurs fenêtres
d’épandage, cela lui permet d’y épandre son lisier deux fois par année, soit entre les coupes de foin qu’il exécute lui-même, le tout conformément à son PAEF. Les récoltes sont vendues par la suite à des éleveurs de chevaux de la région. S’il se fait un point d’honneur à être le plus efficace possible, le producteur avoue avoir une affinité pour les chiffres. Il possède même une formation de comptable. Il a d’ailleurs hésité avant de prendre la relève de la ferme familiale, mais à l’époque, le métier de producteur de porcs lui semblait plus rentable, raconte-t-il aujourd’hui avec un sourire. Étant le plus âgé des garçons d’une famille qui comptait sept enfants, il a par contre dû convaincre son père de lui laisser la ferme. Son père était tellement exaspéré par la production qu’il avait même mis la ferme en vente à deux reprises. Benoit le convainc toutefois de lui donner sa chance et, à 19 ans, il rachète la ferme familiale. À ce moment, en 1980, la porcherie compte 400 truies. La même année, il se marie avec Linda Taylor, qui est toujours à ses côtés aujourd’hui, dans la vie comme au travail. Deux ans plus tard, il devient naisseur-finisseur « pour acquérir plus d’indépendance », et en 1986, il ins‑ talle une moulange à la ferme.
Investir dans l’avenir Le destin frappe toutefois en 2000, avec l’incendie de la maternité, une tragédie qui a obligé la famille à revoir ses plans d’avenir. Benoit Marquis met alors en application sa philosophie de producteur et d’homme d’affaires. « Je me suis toujours adapté pour vaincre les maladies et j’ai décidé de tirer profit de ma malchance. Il faut voir plus loin et prendre les décisions en conséquence. Il faut être visionnaire », raconte le producteur. Après réflexion, il décide de reconstruire, mais au lieu d’une maternité, il mise sur une pouponnière ultramoderne. Une décision dont il se félicite et qui permet aujourd’hui plus d’autonomie. Le producteur ne regrette pas son choix professionnel, même si le secteur porcin est aussi synonyme d’instabilité, en comparaison avec les productions sous gestion de l’offre. « Dans le porc, il faut toujours être sur le qui-vive, il faut
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Benoit accorde un soin jaloux à la propreté de ses installations, un souci qui transparaît dans l’apparence impeccable de la maison et de la pouponnière, située tout près.
être à l’aise avec l’insécurité. Mais si on vend aux consommateurs le produit qu’ils recherchent, ils en voudront plus », explique-t-il. Signe qu’il croit dans la production, M. Marquis envisage de rénover dans les prochaines années le dernier bâtiment, construit en 1969. Il a l’intention de bien se préparer auparavant en visitant d’autres installations pour comparer les systèmes de ventilation et d’alimentation, tout en ayant en tête les nouvelles normes relatives au bien-être animal. « J’aurais pu me contenter de réparer le toit il y a quelques années et en rester là, mais si je change, c’est pour de bon. Avec ces travaux, mon bâtiment le plus ancien datera des années 2000. Toute l’entreprise aura des installations récentes et modernes, tournées vers l’avenir ».
ferme, qui sont essentiels pour demeurer dans cette production. Pour l’avenir de la production porcine au Québec, Benoit Marquis voit d’un bon œil la mise sur pied de la Filière porcine coopérative. « C’est une bonne solution pour les producteurs à leur compte : elle leur permet une bonne auto‑ nomie, entre autres la fabrication de l’aliment à la ferme. C’est du donnant-donnant, puisque les deux parties en bénéficient. La Filière est un outil de plus à la portée des producteurs, tout comme Internet. » Pour le producteur, la Filière permet en plus de coordonner tous les gens impliqués dans la production porcine, de la production à la mise en marché, tout en maximisant la chaîne de valeur.
Un secteur difficile, mais au grand potentiel Les deux fils du couple, Simon et Maxime, âgés respectivement de 30 et 25 ans, occupent pour l’instant des emplois à l’extérieur. M. Mar‑ quis avoue qu’il est plus difficile qu’à son époque de bien vivre de la production porcine. Tout coûte plus cher et les marges de rentabilité rapetissent d’année en année. S’il fallait aimer le métier dans les années 1970, maintenant « il faut être passionné », avance le producteur. Lui-même a toujours le feu sacré et souhaite continuer à exploiter la ferme pendant trois ans, ou même plus, si sa santé le lui permet. Il a acquis avec les années une expertise qui ne s’apprend pas dans les livres, comme la reconnaissance des signes avant-coureurs de maladie chez ses porcs. Cela lui permet de prendre les devants et de limiter le plus possible les risques liés à la santé des animaux. Cette expérience se reflète directement dans les bons résultats obtenus à la
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Benoit Marquis et Linda Taylor forment un couple dans la vie et à la ferme depuis 34 ans.
L’annonce du projet d’établissement de supermaternités par La Coop fédérée représente, selon lui, un bon exemple de la synergie possible entre les différents intervenants. Cela sécurisera un approvisionnement en porcelets de qualité pour les engraisseurs. Avec ses trois ans d’existence, la Filière a droit à sa chance, croit M. Marquis. Le contexte du marché n’a pas permis à celle-ci de verser des ristournes en 2013, contrairement aux années antérieures. « Il ne faut pas avoir trop d’attentes. Il faut donner au moins cinq ans de rodage avant de voir des résultats. Ce n’est pas parfait, mais c’est tout de même un pas dans la bonne direction. »
Vo l a i l l e
Biosécurité
Le couvoir de Victoriaville veut se rapprocher du risque zéro À l’instar de toutes les entreprises de la filière avicole de La Coop fédérée, le couvoir de Victoriaville prend un virage important en matière de biosécurité. Une série de travaux a été entamée dans le but de limiter les risques de contamination. Explications. Texte et photos de David Bessenay
D Le sexe des poussins nouveaunés est déterminé par la taille des plumes de l’aile. Avec 47 millions de naissances, le couvoir de Victoriaville se classe au deuxième rang des couvoirs canadiens.
evenue très résidentielle, la rue Laurier baigne dans un calme apparent, à peine perturbé par les allers et venues de quelques camions. On a du mal à imaginer l’intense activité qui règne au sein du couvoir de Victoria‑ ville et encore moins le changement profond qui s’opère en matière de biosécurité. « La raison est simple, dit Gilles Lizotte, directeur des opérations du couvoir : on veut se prémunir contre les risques de contamination extérieure. » Les installations de Victoriaville n’échappent donc pas au virage biosécurité emprunté par l’ensemble de la filière avicole de La Coop. « D’autant
que, depuis le mois de mai 2014, nous n’avons plus droit au vaccin de catégorie 1 en préventif. Certains couvoirs canadiens ont choisi de recourir aux antibiotiques de catégorie 2. Pour notre part, nous avons fait le pari de nous en passer. » Pour réussir ce pari, il faut avoir le meilleur contrôle possible et s’approcher du risque zéro. Et en matière sanitaire, le danger vient essentiellement de l’extérieur. Les employés, les visiteurs, les camions sont autant de risques de contamination.
Des travaux en quatre phases La première phase des travaux a consisté à déménager toute la partie administrative et les employés qui vont avec – 11 personnes – vers le 990 de la rue Pierre-Roux, adresse du centre de Victoriaville. L’objectif était double : libérer de la place pour de nouveaux aménagements et limiter le nombre d’entrants sur le site afin de réduire le risque de contamination. Désormais, il ne reste plus au couvoir que des employés ayant un lien direct avec la production. La deuxième phase, qui s’est achevée le 18 juillet dernier, a été la création d’une nouvelle
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PHOTO : LA COOP FÉDÉRÉE
Les employés disposent d’une cafétéria flambant neuve.
Gilles Lizotte, directeur des opérations au couvoir de Victoriaville, compte 35 ans d’expérience dans le domaine avicole.
cafétéria pour les employés, plus spacieuse et plus agréable. Et cette évolution n’est pas si anodine. « On sait qu’avec la future création des blocs-douches, et donc le passage à la douche obligatoire à chaque entrée, la majorité des employés va rester dîner à l’intérieur du site par commodité. Il fallait donc prévoir des lieux adaptés », poursuit le directeur, en poste à Victoriaville depuis l’an 2000. La création des douches sera donc la troi‑ sième étape. « Présentement, nous sommes dans l’attente du vote des budgets par La Coop fédérée. Les travaux pourraient démarrer fin 2014 ou début 2015. L’emplacement est déjà prévu. Nous allons construire deux blocs-douches, un pour les hommes et un autre pour les femmes, soit un total de 34 douches, pour répondre aux besoins de notre soixantaine d’employés », annonce Gilles Lizotte. Les entrants seront invités à déposer leur linge dans des casiers prévus à cet effet et à enfiler, après la douche, les tenues particulières mises à leur disposition. L’accès au site sera modifié : l’entrée se fera à l’aide d’une carte magnétique. Au total, les trois premières phases coûteront environ 750 000 $, soit un investissement conséquent. Mais les travaux pourraient ne pas s’arrêter là. Le directeur va proposer une quatrième et dernière phase, dont il espère une validation prochaine par La Coop. Elle consisterait en la construction d’un lieu de lavage et de désinfec‑ tion des camions et des caisses de transport à leur retour des sites de production, un lieu indé‑ pendant du couvoir. « Pour l’heure, cette étape se fait sur le site même, ce qui n’est pas l’idéal », dit Gilles Lizotte. Ce garage permettrait aussi d’entre‑ poser les camions pour la nuit dans un endroit sain, puisqu’ils ne peuvent pas rouler dans la rue Laurier entre 20 h et 8 h du matin en vertu des règlements municipaux.
« Nos employés passent 50 % de leur temps à laver et désinfecter ! » Le programme se veut donc très ambitieux. « Si nous arrivons à faire tout cela, nous serons des leaders en la matière », se réjouit le directeur. Mais ce souci de la biosécurité, pour ne pas dire cette obsession, ne se traduit pas uniquement par des règlements ou des changements de procédures : il se voit aussi dans le comportement et l’appli‑ cation des employés, par ailleurs régulièrement invités à se former. « Ils passent 50 % de leur temps à laver et désinfecter, les après-midis en général. On nettoie tout, du sol au plafond en passant par les machines. »
Le couvoir de La Coop fédérée répond aux normes HACCP. « En matière d’hygiène, il faut non seulement écrire ce que l’on fait, mais aussi être en mesure de le prouver », explique Gilles Lizotte.
Six fois par an, le couvoir se fait prélever un échantillonnage de duvets par un organisme de contrôle. Mais il réalise aussi en interne ses propres analyses sur la présence de bactéries, notamment dans le système de ventilation, afin de ne rien laisser au hasard. « Les conséquences d’un problème sanitaire seraient très graves. Cer‑ tains couvoirs en ont connu et cela a entraîné une fermeture temporaire. Nous n’avons donc pas le droit à l’erreur. L’Agence canadienne d’inspection des aliments nous suit et peut nous retirer notre droit de produire. Nous ne voulons pas que cela nous arrive », conclut Gilles Lizotte.
Une machine bien huilée La Coop fédérée comptait autrefois trois couvoirs, qui sont aujourd’hui réunis sur un seul et même emplacement, celui de Victoriaville. Et les chiffres sont pour le moins impressionnants. « Rien que ce matin, 260 000 oiseaux ont quitté le couvoir », signale en toute simplicité Gilles Lizotte. Au total, ce sont 47 millions d’oiseaux qui naissent ici en une année. Deux fois par semaine, les camions de La Coop rapportent les œufs en provenance des différentes installations de production. Ils sont issus de trois variétés : Sasso, Ross et Cobb. Ils sont mis en incubation pendant 21 jours dans 46 incubateurs de taille variable (entre 60 000 et
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120 000 œufs). Quatre jours par semaine (lundi, mardi, jeudi et vendredi), les œufs éclosent, avec un taux de réussite qui dépasse les 83 %. Ensuite, une vingtaine d’employés s’affairent au sexage des poussins nouveau-nés, qui quittent le couvoir à un jour vers des fermes d’élevage du Canada ou des États-Unis. En vertu des accords de libre-échange entre ces deux pays d’Amérique du Nord, 21 % des œufs et des poussins traités au couvoir de Victoriaville, comme dans chaque couvoir canadien, proviennent des États-Unis.
P r o d u c t i o n s v é g é ta l e s
Claude Borduas, agronome Responsable des parcelles PEC La Coop fédérée claude.borduas@lacoop.coop et
Valérie Chabot, agronome, M. Sc.
Chercheure en maïs La Coop fédérée valerie.chabot@lacoop.coop
Maïs Elite 2015
Les nouveautés Trois nouveautés s’ajoutent cette année à la gamme Elite. Ces trois hybrides de maïs vous sont offerts pour vos semis de la saison 2015.
PHOTO : LA COOP FÉDÉRÉE
C
es hybrides, ainsi que de nombreux autres de marque Elite, sont offerts en « refuge intégral », ce qui signifie que la semence non-B.t. (le refuge) est incluse dans le même sac que la semence B.t. Cette façon de faire simplifie grandement les semis. En outre, plusieurs hybrides Elite, y compris ces trois nouveautés, sont offerts avec ou sans traitement de semences insecticide, ce qui vous permet de faire un choix selon votre situation. Les trois nouveautés de 2015 sont des hybrides de haute performance qui ont été sélectionnés par notre équipe et testés dans de multiples conditions. Les parcelles de recherche, réalisées autant en station expéri‑ mentale que chez des producteurs agricoles de différentes régions, ont permis de démontrer la valeur et le mérite de ces nouveautés. Les voici :
E49A12 R
2325 UTM (79 jours)
E57L62 R
2650 UTM (87 jours)
E68S20 LR
2950 UTM (98 jours)
Hybride à grain denté avec un excellent poten‑ tiel de rendement. Ses spathes longues s’ouvrent à l’automne permettant un taux de séchage plus rapide du grain. Sa croissance initiale est très vigoureuse. Il est adapté à tous les types de sol et possède une très bonne tolérance à la sécheresse. Il est doté d’une excellente santé de plant et d’une très bonne tenue avec une bonne robustesse des tiges et racines. En plus de fournir un excellent rende‑ ment pour le grain, il peut tout aussi bien être uti‑ lisé pour l’ensilage. Possédant un plant haut et un indice élevé de la digestibilité de la fibre NDF et de l’amidon digestible, E49A12 R détient l’appellation HTE pour les rations à haute teneur en ensilage.
Hybride équilibré à haut potentiel de rende‑ ment, il démontre en plus une courbe de séchage rapide. E57L62 R possède une bonne robustesse des tiges et des racines, ce qui lui confère une excellente tenue jusqu’à la récolte. De plus, il se démarque par‑ ticulièrement en maïs continu. Son plant haut rend cet hybride tout aussi intéressant pour l’ensilage.
Génétique solide possédant un système racinaire supérieur adapté à la monoculture de Nouvelles génétiques Elite pour 2015 : toutes offertes avec « refuge intégral » maïs. E68S20 LR démontre une croissance initiale Hybride MR* qui favorise l’adaptation au travail minimum. Il UTM Trait technologique Désherbage Elite (jours) possède une bonne résistance aux maladies du E49A12 R 2325 79 GenuityMD VT Double PROMC Glyphosate feuillage telles que le dessèchement, la kabatiellose et la rouille commune. Le poids spécifique de son E57L62 R 2650 87 GenuityMD VT Double PROMC Glyphosate MD MD E68S20 LR 2950 98 Genuity SmartStax Glyphosate/Glufosinate grain est supérieur à la moyenne. Bien adapté à tous les types de sol, il possède une bonne tolérance à *MR = Maturité relative la sécheresse.
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Jérôme Auclair, Ph. D. Sélectionneur en amélioration végétale La Coop fédérée
PHOTO : BERNARD DIAMANT
jerome.auclair@lacoop.coop
Soya Semer tôt ! Pourquoi ? Depuis quelques années les producteurs de soya ont remarqué que les conseils agronomiques vont tous dans le même sens : il faut semer plus tôt ! Mais pourquoi le faire ? Bien sûr, nous semons toujours pour la même raison : le rendement. Par contre, il est important de bien comprendre pourquoi nous le faisons, afin de mettre en pratique les bonnes façons de faire, et ce, au moment opportun.
À
sa plus simple expression, le soya fait trois choses : • Il capte les rayons du soleil; • Il transpire de l’eau et assimile des nutriments; et • Il produit des gousses. Les rayons du soleil sont l’énergie qui anime tout le système. Le soya capte la radiation solaire avec ses feuilles et utilise l’énergie pour convertir le gaz carbonique (CO2) de l’air en sucres, en pro‑ téines et en gras (huile). Ce gaz carbonique, par contre, vient avec un coût en eau pour la plante. Quand la plante ouvre ses pores (stomates) pour capturer le CO2, de l’eau est perdue. C’est ce qu’on appelle la transpiration. Les autres nutriments sont captés par les racines dans le sol. Comme nous parlons de soya, l’azote de l’air fixé par les rhizobactéries présentes dans les nodules sera remis à la plante par l’entremise des racines. Le soya utilise toute
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cette énergie pour la fabrication de gousses et de fèves pour finalement mourir à la fin de la saison (la maturité).
Semer tôt pour capter plus de rayons du soleil Lors de l’établissement d’une culture de soya, une des premières étapes à atteindre est la fermeture des rangs, c’est-à-dire le moment où il n’y a plus d’espace entre eux. Généralement, nous voulons atteindre ce stade dans la première semaine de juillet. Lorsque les rangs sont fermés, tous les rayons de soleil seront absorbés par les feuilles et non perdus dans l’entre-rang. Ainsi, les semis effectués plus tôt atteindront ce stade plus rapidement et captureront tous les rayons du soleil pendant une plus longue période de l’été. De plus, plus tôt ce stade est atteint en saison, mieux se sera, car nous voulons avoir des rangs fermés lorsque les jours sont plus longs, c’est-à-dire en juin.
Des rangs fermés gardent le sol plus frais et diminuent l’évaporation de l’eau contenue dans le sol. Une réserve qui pourrait être bénéfique lors d’une semaine sans pluie en juillet. De plus, avec un semis effectué tôt, les plants seront plus gros plus rapidement et tireront avantage des condi‑ tions plus humides de mai et juin. La quantité d’eau utilisée par le soya est directement reliée au rendement. Quand le soya utilise l’eau (transpiration), il produit des fèves (2,5 cm [1 po] d’eau = 250 kg/ha). Lorsque l’eau s’évapore du sol, elle n’est alors plus présente pour produire des fèves. À la Ferme de recherche en productions végétales de La Coop fédérée – et avec l’appui de l’équipe des experts-conseils du réseau La Coop –, nous suivons et encourageons ce développement de pratiques culturales depuis plusieurs années et nous nous sommes préparés à vous offrir des variétés adaptées à cette nouvelle pratique. Les soyas Imana R2 et Lampman LL de la gamme Elite, avec leur saison de croissance plus longue, permettent aux producteurs de semer plus tôt afin de tirer avantage d’une plus longue saison et de produire des rendements supérieurs aux variétés dont la saison de croissance est
plus courte. Pour les producteurs en zones plus fraîches, la gamme Elite offre déjà des possi‑ bilités intéressantes pour allonger la saison de croissance du soya et produire le rendement additionnel associé. Le Lampman LL apporte aussi un autre outil : une solution de rechange en matière de désher‑ bage. Un autre dossier que la Ferme de recherche suit de près avec également plusieurs technolo‑ gies de désherbage qui se développeront au cours des prochaines années.
6 juin
21 mai
7 mai PHOTO : PASCALE LAROSE
Semer tôt pour transpirer plus
PHOTO : PATRICK DUPUIS
De plus, le solstice d’été (21 juin) est le signal pour la plante qu’il faut passer de la phase végéta‑ tive à la phase de reproduction (floraison) du soya. On voit donc que la période d’avant le 21 juin en est une de croissance végétative uniquement et qu’elle est cruciale pour la fermeture des rangs et la taille des plantes en général. Plus de croissance, plus de nœuds, plus de fleurs, plus de gousses, plus de fèves, plus de rendement… Une des réserves souvent exprimées pour le semis hâtif est que la température est trop fraîche. Il est vrai que la germination et la croissance initiale du soya sont sensibles aux basses tempé ratures. Par contre, quand la plante atteint le stade V1, le développement des nœuds ne dépend plus de la température, mais procède au rythme de deux nœuds par semaine.
Cette photo prise le 14 juin illustre bien l’avance des plants semés tôt en saison.
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Christine Bourbonnais, T.P. Conseillère en protection des cultures et en engrais spécialisés La Coop fédérée christine.bourbonnais@lacoop.coop
Les biostimulants : un incontournable pour nos cultures Connaissez-vous les biostimulants ? Non ? N’ayez crainte, vous n’êtes pas seul. Ni engrais ni produits de protection, les biostimulants sont une nouvelle gamme de produits qui permettent aux plantes d’exprimer leur plein potentiel génétique.
L PHOTOS : PIERRE CADORET
ors d’un congrès scientifique sur les biosti‑ mulants, tenu à Raleigh, en Caroline du Nord, le Pr Joseph Kloepper, de l’Université d’Auburn, a présenté une revue de littérature répertoriant ce qui avait été écrit au sujet de ces nouveaux produits. Son but : valider ou annuler le scepticisme de certains scientifiques sur le sujet. Conclusion : les différentes catégories de biosti‑ mulants sont bénéfiques en agriculture. L’organisme The Biostimulant Coalition les définit ainsi : « produit qui contient des substances et/ou microorganismes ayant pour fonction, une fois appliqué sur les plantes ou au sol, de stimuler les processus naturels qui augmentent l’absorp‑ tion des nutriments et leur efficacité, la tolérance aux stress, la qualité des récoltes, et ce, indépen‑ damment de la teneur en éléments fertilisants ». Il s’agit en fait d’une classe à part de produits de protection des cultures. Ce ne sont toutefois ni des pesticides ni des fertilisants, mais des produits qui, selon leur catégorie, permettent de stimuler différentes parties de la plante.
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Lumière sur les biostimulants Il existe quatre catégories de biostimulants : les inoculants microbiens, les acides humiques et fulviques, les acides aminés et les extraits d’algues. 1- Les inoculants microbiens Ils sont divisés en deux groupes. Les champi‑ gnons tels que les mycorhizes ainsi que les Trichoderma, et les bactéries telles que les Bacillus. Leurs fonctions dans la plante sont toutefois similaires : augmenter la disponibilité des éléments dans le sol, la masse racinaire et la capacité d’absorption des plantes. Par contre, leurs modes d’action varient selon l’espèce. Certains vont coloniser les racines et augmenter la surface d’absorption des éléments. D’autres, en se fixant aux racines, auront un effet de type bouclier, puisqu’elles concurrenceront les agents pathogènes. Dans le cas des champignons, tout comme des rhizobactéries, on parle d’une symbiose entre les racines et le microorganisme. Ce type de biostimulant peut être appliqué soit en traitement de semences, soit dans le terreau ou encore dans l’eau de transplantation.
Bénéfices de l’utilisation des acides humiques en sols sableux
À gauche : dans les sols sableux ou contenant peu d’humus, la surface non chargée des particules de sol ne peut retenir les éléments fertilisants (chargés positivement), ce qui se traduit par d’importantes pertes par lessivage. À droite : l’acide humique procure une charge négative aux particules de sol, ce qui a pour effet de créer une attraction entre ces particules et la source d’engrais (chargée positivement), permettant ainsi à l’engrais d’être disponible aux plantes lorsqu’elles développent leurs racines.
3- Les acides aminés Les acides aminés sont les constituants de base de toutes les protéines. Ils peuvent être d’origine animale ou végétale. Il semblerait que les acides aminés extraits de végétaux soient plus facilement assimilables, car ils seraient reconnus par la plante. Ils constituent également un excellent agent chélateur pour les éléments mineurs, plus difficile‑ ment mobiles dans les végétaux. Les plantes fabri‑ quent naturellement des acides aminés, mais en période de stress elles n’y parviennent plus, ce qui entraîne un ralentissement de croissance. Ainsi,
un apport d’acides aminés aux végétaux avant ou pendant le stress favorise la reprise de vigueur. 4- Les extraits d’algues Les algues sont utilisées comme fertilisant depuis très longtemps, mais les extraits d’algues depuis quelques années seulement. La différence entre les deux est fort simple. Les algues entières utilisées comme fertilisant ne subissent que très peu de transformation. Par contre, pour obtenir des extraits, les algues subissent un processus assez complexe qui permettra d’en tirer les com‑ posés bénéfiques aux cultures. Ces plantes aquatiques produisent certaines molécules qui leur permettent de résister aux multiples stress auxquels elles sont soumises quotidiennement. Ce sont ces substances que l’on extrait pour « biostimuler » nos cultures. Plusieurs études ont fait état, chez les plantes traitées avec des extraits d’algues, d’une augmen‑ tation de la masse racinaire, d’une amélioration du contenu en chlorophylle ainsi que d’une résis‑ tance aux stress. La Coop fédérée travaille actuellement avec une entreprise québécoise, Organic Océan, qui fabrique d’excellents produits à base d’algues. Il existe une version granulaire de leurs extraits, qui doit être mélangée aux engrais secs pour assurer une répartition adéquate au champ, et une version liquide, pour application foliaire lors de périodes de stress. La société Organic Océan est proactive et travaille au développement de produits conte‑ nant des combinaisons de divers biostimulants qui pourront en accroître les bénéfices. Rappelons que la gamme de fertilisants Folium3 contient également des extraits d’algues. En réalité, l’utilisation de ce type de produits ne date pas d’hier. Mais ce n’est que récemment qu’ils ont refait surface, notamment en raison des perspectives d’accroissement de la popula‑ tion mondiale. En effet, l’agriculture doit encore davantage faire preuve d’innovation pour opti‑ miser ses rendements. Notez que les biostimulants sont catégorisés comme des produits dits « naturels » ou « verts », ce qui en favorise l’intégration dans une régie de culture plus « traditionnelle ». Ce qu’il faut retenir, c’est qu’ils sont d’excel‑ lents outils pour permettre aux plantes d’exprimer leur plein potentiel génétique. Et le meilleur moyen d’en connaître les avantages et particularités est d’en faire l’essai. Peut-être deviendront-ils de pré‑ cieux alliés dans la quête du rendement idéal ?
PHOTO : LA COOP FÉDÉRÉE
2- Les substances humiques Ces substances agissent un peu comme des éponges dans le sol. Elles permettent de retenir dans la zone racinaire tout ce dont la plante a besoin pour croître adéquatement, soit l’eau, l’air, les éléments nutritifs et les microorganismes bénéfiques. Elles permettent d’améliorer la qualité des récoltes, la tolérance aux stress et la rétention des éléments dans la zone racinaire. À cause de la gros‑ seur de leurs molécules, ces substances doivent être appliquées au sol. Le bénéfice découlant de l’utilisation des produits humiques est beaucoup plus intéressant dans les sols sableux où, consi‑ dérant la structure de ces derniers, le pouvoir de rétention est moins important (voir l’illustration). Il existe également une déclinaison des acides humiques, qui se nomme acides fulviques (une des fractions les plus importantes de l’humus). Ils possèdent une masse moléculaire beaucoup plus faible, ce qui en facilite l’absorption par les stomates des feuilles.
Particules du biostimulant Asco-Root, qui peuvent être mélangées aux engrais secs. La méthode d’application diffère d’un produit à l’autre. Certains de ces produits sont plus efficaces dans le sol, alors que d’autres le sont davantage en application foliaire. Bien souvent, les dosages recommandés sont minimes, mais leur efficacité a bel et bien été démontrée au fil des ans. Les résultats obtenus varient souvent d’une saison à l’autre, en fonction des stress subis par les cultures.
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Une vie trépidante sur une île tranquille Texte et photos d’Étienne Gosselin, agr., M. Sc.
Produire des pommes de terre, des grandes cultures et du lait, faire du camionnage et des travaux à forfait, s’impliquer dans le mouvement syndical et composer avec une famille reconstituée de quatre enfants. Comment fait Stéphane Blouin pour conjuguer avec succès tous ces engagements, productions et obligations familiales ? 42
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ne journée d’été où l’on pourrait entendre pousser les cultures tellement le temps est parfait. Nul doute que Stéphane Blouin en profiterait pour mettre au point son pulvérisateur, déplacer son système d’irrigation ou aider l’équipe de menuisiers venus refaire l’intérieur d’un de ses entrepôts à pommes de terre. Mais non, il s’assied sur la terrasse, coupe la sonnerie du téléphone et répond docilement aux questions. S’abandonne même dans la conversa‑ tion. Une personne en dit parfois autant avec ses paroles qu’avec son attitude, non ? « Une chose à la fois et bien faire les choses », cela semble être sa
« La vue est épouvantable ici ! » lance Stéphane, sourire en coin. De fait, ce doit être très pénible de produire dans ces conditions !
devise, que ce soit en accordant une entrevue par une chaude journée d’été, en gérant les activités quotidiennes de la ferme multiproduction ou en effectuant la comptabilité, le soir venu, avec sa douce, Mélanie Bouchard, rencontrée au Festival western de Saint-Tite. Nous sommes à la Ferme Dauphine, chemin Royal, Saint-Jean-de-l’Île-d’Orléans. Derrière la ferme s’étalent les hectares en culture de Sté‑ phane, des sols transmis de génération en généra‑ tion sur une île pétrie d’histoire et de tradition, où agriculture rime avec villégiature. « Mon ancêtre Blouin était l’un des premiers arrivants sur l’île », renseigne l’agriculteur. Un établissement qui remonte à 1667, selon les généalogistes amateurs. Médéric Blouin cultivait 15 acres en 1681, nous apprend le recensement de l’époque. Les ancêtres Blouin ne cultivaient donc pas 100 hectares de pommes de terre de transforma‑ tion (80 % pour les croustilles, 20 % pour les frites) et 130 hectares d’avoine, de maïs et de soya. S’ils entretenaient certainement avec rigueur la ferti‑ lité de leurs terres, ils n’avaient jamais entendu les mots « agriculture de précision », n’utilisaient pas des engrais azotés perfectionnés à libération lente comme le FRN, pas plus qu’ils n’auraient imaginé que leurs tracteurs – existaient-ils seulement ? – se conduiraient tout seuls dans les champs à l’aide de systèmes de guidage RTK. Grâce à ces tech‑ nologies GPS, Stéphane peut exécuter, au pouce près, les activités culturales (préparation du sol, plantation, sarclage, renchaussage) dans tous ses champs. Il aime particulièrement décompacter ses champs de pommes de terre avant la plan‑ tation, directement sur le rang où seront enfouis les plantons.
La qualité avant tout « Quand j’ai des champs loués à “remonter”, j’espace ma culture de rotation des deux années de céréales au lieu d’une seule. » Matière organique, fertilité, acidité, présence de maladies telle la gale, « remonter » un champ, comme dit Stéphane, peut demander sept ou huit ans avant qu’il soit à son goût. Les rendements moyens de la ferme, qui avoisinent les 225-250 quintaux vendus par acre (un quintal correspond à 100 lb), sont dans la moyenne des rendements de référence.
Début août, les tubercules en formation étaient nombreux, sains et bien enracinés dans les sols de la Ferme Dauphine. Les variétés Russet Burbank (frites) et Snowden (croustilles) sont les plus cultivées.
Stéphane Blouin sélectionne très méti‑ culeusement ses tubercules pour ne livrer que le meilleur à ses acheteurs, Frito-Lay et SaintArneault, ce dernier exportant des frites et le bon goût de l’île d’Orléans un peu partout dans le monde. Blessures mécaniques, verdissement ou gale, tout n’est pas bon à vendre. Quatre employés veillent donc à parer les tubercules avant leur expédition. Pour évaluer la qualité de ses pratiques, Stéphane utilise trois fois par jour la méthode « hot box » pour diagnostiquer les maladies et les blessures aux pommes de terre. Enfermés 12 heures à 37 °C – l’équivalent d’un hiver complet d’entreposage –, les 20 lb de tubercules révèlent facilement les problèmes à l’arrachage ou à la manutention une fois pelés. Deuxième vice-président de la Fédération des producteurs de pommes de terre du Québec, Stéphane assure aussi la présidence du « comité croustilles » du Plan conjoint de mise en marché. Une fonction qui l’a tenu occupé cette année, en raison de la revue à la baisse du prix des pommes de terre de transformation par la Régie des mar‑ chés agricoles et alimentaires du Québec, dans un différend avec l’acheteur Yum Yum. « Regarde dans la cour et dis-moi où je pourrais réduire de 9 % mon coût de production », s’exaspère le pro‑ ducteur. Depuis qu’il œuvre au sein du comité, Stéphane tente de faire preuve d’honnêteté avec les deux principaux acheteurs québécois,
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La Ferme Dauphine cultive 100 hectares de pommes de terre de transformation et 130 hectares d’avoine, de maïs et de soya à Saint-Jean-de-l’Île-d’Orléans.
Yum Yum et Frito-Lay. « Quand je me présente aux négociations, je me pose aussi la question “qu’est‑ce que je veux comme avenir ?”, ce qui m’aide à y voir plus clair », dit l’homme de 42 ans.
Les beaux gestes Le fumier de vache, riche en azote, en potas‑ sium et en matière organique, est le meilleur ami des grandes cultures. Pour augmenter la vie dans le sol, Stéphane Blouin ne jure que par lui. Jusqu’en 2004, il achetait toutes ses fumures organiques, mais l’acquisition d’une ferme laitière
a changé le plan de fertilisation, à tout le moins. Elle a aussi changé la vie d’un jeune âgé de 26 ans à l’époque, Jean-François Gagnon. L’histoire mérite quelques lignes. Philippe Beaulieu, producteur laitier voisin de la Ferme Dauphine, ne voulait pas voir l’étable vide quand il a cessé la production. Propriétaire d’une étable laitière faisant partie d’un patri‑ moine familial, il a décidé d’offrir gratuitement son bâtiment « à un jeune qui n’avait pas d’argent, mais un cœur et une paire de bottes », raconte Stéphane Blouin. Jean-François Gagnon était alors employé de la Ferme Philippe Beaulieu. Avec la vente du quota, il se retrouvait donc sans emploi. En s’associant, Stéphane et Jean-François ont donc créé la Ferme B.G., initiales de Blouin et Gagnon, une entreprise ayant bénéficié du Pro‑ gramme d’aide à la relève en production laitière et qui possède aujourd’hui un quota de 18 kg de MG par jour. « Je trouvais ça dommage qu’il y ait exode du quota de l’île », résume Stéphane. Mais une ferme sans animaux, sans équipe‑ ments laitiers ? Un autre producteur, Jean-Guy Blouin, qui exploitait sa propre ferme un peu plus loin, en était aussi à vendre son bien, n’ayant pas de relève. Il a donc offert à Stéphane et Jean-Fran‑ çois ses vaches et ses équipements, sans intérêts sur cinq ans, pour permettre le démarrage de la nouvelle entité. Même Stéphane a fait montre de générosité dans cette histoire peu commune d’établisse‑ ment. Il fait les foins de la ferme gratuitement, offre un petit salaire supplémentaire à Jean-Fran‑ çois lors des récoltes de pommes de terre et fait la gestion de l’exploitation laitière. En échange, il met la main sur les fumiers et peut améliorer à l’occasion ses champs en culture de tubercules avec la culture du foin, qui n’a pas son pareil pour décompacter la terre.
Des travaux clés en main
Pour diversifier ses revenus et sauvegarder un bâtiment qui en valait la peine, Stéphane Blouin a créé la Ferme B.G. en partenariat avec Jean-François Gagnon, ce qui offre un emploi à ce dernier.
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Pour la Ferme Dauphine, le camionnage est une activité obligée pour livrer les pommes de terre aux acheteurs et pour acheter les semences. Et tant qu’à avoir un semi-remorque dans la cour, Stéphane en fait profiter ses voisins producteurs de tubercules. Mais ce n’est pas la première incursion de l’Orléanais dans le travail à forfait ou la soustraitance : longtemps, Stéphane a exploité en copropriété un séchoir à grains, alors le seul entre
Saint-Marc-des-Carrières et Sainte-Hénédine, selon l’entrepreneur. Pendant huit ans, l’agriculteur a aussi géré trois moissonneuses-batteuses pour les travaux à forfait, allant jusqu’à transporter et mettre en marché les grains de ses clients. Aujourd’hui, il poursuit en offrant un service d’épandage de pesticides avec un pulvérisateur qui couvre 27 m de largeur. Pour diminuer son empreinte environ‑ nementale, la ferme est membre du Réseau de lutte intégrée Orléans. Elle dispose aussi d’une station météorologique connectée par Internet qui lui permet, une fois les données traitées dans un modèle prévisionnel (système Mileos) par l’organisme de recherche CIEL, à L’Assomption, de voir venir les spores du mildiou (Phytophthora infestans) et d’éviter les applications inutiles de fongicides. Côté ressources humaines, pour la première fois cette saison, la ferme accueille un travailleur étranger à temps plein, en plus de trois autres lors des récoltes. Le père de Stéphane, Lucien, 71 ans bien comptés, est toujours très actif dans l’entre‑ prise. Complètent l’équipe un ancien producteur de pommes de terre, un oncle, un cousin, un voisin et Jean-François, qui donne de son temps à l’arrachage.
Multiproduction ? Multitâche ! Pour conseiller les fermes B.G. et Dauphine, Manon Jobin, experte-conseil du Centre de services Québec–ChaudièreAppalaches, doit être aussi polyvalente que l’agriculture sur l’île d’Orléans.
Hyperactif, Stéphane Blouin n’échangerait pas sa vie trépidante contre celle d’un autre. « Je me suis entouré de gens dévoués et de personnesressources qui rendent tout possible », dit-il, sin‑ cère. Bref, trois heures de visite de ferme – trois heures volées à Stéphane par une journée idéale pour faire pousser du végétal – auront permis de comprendre l’essentiel de la vie mouvementée de l’homme derrière les fermes B.G. et Dauphine. C’est bon, Stéphane : tu peux remettre la sonnerie du téléphone !
Avis aux producteurs sur l’utilisation responsable des caractères technologiques Monsanto Company est membre du groupe Excellence Through StewardshipMD (ETS). Les produits de Monsanto sont commercialisés conformément aux normes de mise en marché responsable de l’ETS et à la politique de Monsanto pour la commercialisation des produits végétaux issus de la biotechnologie dans les cultures de base. L’importation de produits commercialisés a été approuvée dans les principaux marchés d’exportation dotés de systèmes de réglementation compétents. Toute récolte ou matière obtenue à partir de ce produit ne peut être exportée, utilisée, transformée ou vendue que dans les pays où toutes les approbations réglementaires nécessaires ont été accordées. Il est illégal, en vertu des lois nationales et internationales, d’exporter des produits contenant des caractères issus de la biotechnologie dans un pays où l’importation de telles marchandises n’est pas permise. Les producteurs devraient communiquer avec leur négociant en grains ou acheteur de produit pour confirmer la politique de ces derniers relativement à l’achat de ce produit. Excellence Through StewardshipMD est une marque déposée de Excellence Through Stewardship. VEUILLEZ TOUJOURS LIRE ET SUIVRE LES DIRECTIVES DES ÉTIQUETTES DES PESTICIDES. Les cultures Roundup ReadyMD possèdent des gènes qui leur confèrent une tolérance au glyphosate, l’ingrédient actif des herbicides RoundupMD pour usage agricole. Les herbicides RoundupMD pour usage agricole détruiront les cultures qui ne tolèrent pas le glyphosate. La technologie du traitement de semences AcceleronMD pour le soya (fongicides seulement) est une combinaison de trois produits distincts homologués individuellement qui, ensemble, contiennent les matières actives fluxapyroxad, pyraclostrobine et métalaxyl. La technologie du traitement de semences AcceleronMD pour le soya (fongicides et insecticide) est une combinaison de quatre produits distincts homologués individuellement qui, ensemble, contiennent les matières actives fluxapyroxad, pyraclostrobine, métalaxyl et imidaclopride. La technologie du traitement de semences AcceleronMD pour le maïs (fongicides seulement) est une combinaison de trois produits distincts homologués individuellement qui, ensemble, contiennent les matières actives métalaxyl, trifloxystrobine et ipconazole. La technologie du traitement de semences AcceleronMD pour le maïs (fongicides et insecticide) est une combinaison de quatre produits distincts homologués individuellement qui, ensemble, contiennent les matières actives métalaxyl, trifloxystrobine, ipconazole et clothianidine. La technologie du traitement de semences AcceleronMD pour le maïs avec PonchoMD/VoTivoMC (fongicides, insecticide et nématicide) est une combinaison de cinq produits distincts homologués individuellement qui, ensemble, contiennent les matières actives métalaxyl, trifloxystrobine, ipconazole, clothianidine et la souche Bacillus firmus I-5821. AcceleronMD, Acceleron et le logoMD, DEKALB et le logoMD, DEKALBMD, Genuity et le logoMD, GenuityMD, Refuge Intégral et le logoMD, Refuge IntégralMD, Roundup Ready 2 Technologie et le logoMC, Roundup Ready 2 RendementMD, Roundup ReadyMD, Roundup WeatherMAXMD, RoundupMD, SmartStax et le logoMD, SmartStaxMD, VT Double PROMD et VT Triple PROMD sont des marques de commerce de Monsanto Technology LLC. Utilisation sous licence. LibertyLinkMD et le logo de la goutte d’eau sont des marques de commerce de Bayer. Utilisation sous licence. HerculexMD est une marque déposée de Dow AgroSciences LLC. Utilisation sous licence. PonchoMD et VotivoMC sont des marques de commerce de Bayer. Utilisation sous licence. Toutes les autres marques de commerce appartiennent à leur titulaire respectif.
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Dossier Stratégie Ontario
Le nouveau visage de la grosse ferme d’à côté
PHOTO : IMPRIMEUR DE LA REINE POUR L’ONTARIO 2013
La première ministre de l’Ontario, Kathleen Wynne, en visite dans une entreprise agroalimentaire.
Par Nicolas Mesly
Aux prises avec un énorme déficit budgétaire, la première ministre de l’Ontario, Kathleen Wynne, mise sur le secteur agroalimentaire comme principal moteur économique de la province, plus encore que sur les secteurs traditionnels de l’automobile, de l’énergie ou de l’aérospatiale.
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L’
Ontario a une agriculture semblable à celle du Québec, à l’exception de la production horticole, la plus importante au pays. Car son jardin, plus grand, est situé plus au sud. L’im‑ portation de nouveaux légumes exotiques pour satisfaire la forte demande asiatique du grand Toronto ajoute au déficit agricole commercial de la province. Certains immigrants d’origine chinoise ou indienne grossissent les rangs des producteurs ontariens pour produire localement okras ou aubergines. En même temps, les multinationales Heinz et Kellogg quittent la province, laissant des centaines de travailleurs sur le pavé. C’est dans ce contexte que la première ministre de la province, Kathleen Wynne, a mis au défi les agriculteurs et les transformateurs de créer 120 000 nouveaux emplois et de réduire l’actuel déficit commercial agroalimentaire, qui est de plus de 9 milliards $ par an, d’ici 2020. Peut-elle tenir son pari ? En entrevue exclusive, son ministre de l’Agriculture, Jeff Leal, explique l’ADN de la stratégie agricole ontarienne, très axée sur le secteur horticole, et qui inclut… le Québec !
Okras et aubergines pour conquérir les palais du monde producteurs pour voir comment se comportent ces nouvelles productions. Et il compte établir un partenariat prochainement avec des semenciers pour distribuer les variétés les plus prometteuses.
Les défis du champ au palais Jason Verkaik, producteur de légumes et de fruits de troisième génération, exploite la ferme familiale de 125 ha à Bradford, au nord de Toronto. Il approvisionne déjà Sobeys en carottes et en oignons, le MPAO et diverses entreprises du secteur alimentaire. Pour ce producteur d’ori‑ gine néerlandaise, « les nouveaux légumes du monde » ne sont pas réellement une nouveauté.
PHOTO : CRI DE VINELAND, ONTARIO
« Nous avons fait venir 800 variétés de semences de légumes des quatre coins de la planète pour évaluer leur potentiel », explique le Pr Michael Brownbridge, responsable du pro‑ gramme de développement des produits agricoles du monde au Centre de recherche et d’innovation de Vineland (CRIV). Situé dans la région de Nia‑ gara, au sud de l’Ontario, le CRIV est au cœur de la stratégie de la production horticole ontarienne, la plus importante au Canada, avec un chiffre d’affaires de 2,2 milliards $. Le Pr Brownbridge n’a retenu qu’une ving‑ taine de variétés pour les quatre légumes importés et testés au centre : l’okra, l’aubergine, le haricot asperge et l’amarante comestible. « Il faut vérifier quelle variété pousse le mieux en Ontario, quelle variété offre le meilleur rendement et, enfin, quelle variété offre la meilleure rentabilité pour les producteurs », poursuit-il. Les importations de légumes au Marché des produits alimentaires de l’Ontario (MPAO), sorte de Bourse des fruits et légumes située à Toronto, se chiffrent à 80 millions $ par mois, dont une très grande partie pour satisfaire la demande d’ori‑ gine chinoise, indienne ou pakistanaise. Pour le moment, l’attention du chercheur se concentre sur deux légumes prometteurs : l’okra et l’auber‑ gine. Selon Statistique Canada, depuis 2008, la consommation d’okra a bondi de 55 % et celle d’aubergine de 27 %. Si on remplaçait les impor‑ tations annuelles de ces deux légumes par une production locale, le chercheur évalue le potentiel de production à près de 10 000 tm d’aubergines cultivées sur 400 ha de terre et de 5600 tm d’okras cultivés sur 1200 ha de terre. Selon une étude amé‑ ricaine, les profits sur les coûts variables ont été de 3950 $ l’hectare pour l’aubergine et de 3460 $ pour l’okra, soit des cultures beaucoup plus ren‑ tables que le maïs sucré ou les pommes de terre. Le Pr Brownbridge travaille avec une poignée de
L’okra, ou gombo, est grandement consommé en Asie et en Afrique. Vineland mise aussi sur les aubergines pour conquérir les palais du monde.
Depuis 25 ans, l’immigration d’origine indienne a complètement transformé le visage d’une ville voisine, Brampton, qui compte aujourd’hui plus d’un demi-million d’habitants. Un des employés du producteur, Gourmet Singh, lui a suggéré d’approvisionner ce marché en lui fournissant des semences rapportées par ces nouveaux immigrants. Ceux-ci ont le pouce vert et possè‑ dent tous un petit jardin dans leur pays d’origine. Mais sélectionner les meilleures semences selon
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Stratégie Ontario PHOTO : CRI DE VINELAND, ONTARIO
Les communautés chinoise, indienne et pakistanaise ont fait bondir de 27 % la demande pour l’aubergine depuis 2008.
la couleur et la taille d’une carotte est très loin de garantir un succès commercial. « Je croyais avoir les plus belles carottes du monde, mais le goût n’y était pas, dit Verkaik. Je n’aurais même pas pu les donner ! C’est la plus grande leçon que j’aie apprise : il faut comprendre l’autre culture pour pouvoir répondre correctement à ses attentes. » Dans la culture indienne, les carottes servent à concocter de nombreuses salades ou horsd’œuvre épicés, souvent servis avec du yogourt, entre autres durant les cérémonies de mariage. « Le goût est capital », renchérit le Pr Brown‑ bridge, dont le travail englobe des dégustations faites par des groupes témoins issus des diverses communautés culturelles du grand Toronto. Outre ce feu vert crucial de la part des consom‑ mateurs, les producteurs doivent faire face à plusieurs défis dans le champ même. Planter des aubergines ou de l’okra ne nécessite pas de nou‑ velle machinerie, ce qui est un avantage. Le hic, c’est que ces légumes sont fragiles. Ils requièrent beaucoup de main-d’œuvre, car leur récolte doit être faite à la main et ne peut être mécanisée. De plus, quand on n’a pas grandi avec ces pro‑ ductions, quel est le meilleur moment pour les récolter, quand on sait qu’à quelques jours près la taille, le goût ou la couleur peuvent être altérés ? Et sur le plan agronomique, les molécules pour protéger la croissance de ces nouvelles récoltes ne sont souvent pas encore homologuées. Shirley Mo, elle, n’a aucun problème pour cultiver et récolter des aubergines chinoises. Originaires de la province du Guangdong, dans l’Empire du Milieu, la productrice et son mari se sont établis à Simcoe, au sud de l’Ontario, en 1990, en achetant quelque 16 ha. Incapable d’acheter de la nouvelle terre à cause de son prix exorbitant, le couple loue aujourd’hui environ 4 ha pour répondre à la demande. Mais c’est la hausse du salaire minimum de 10,25 $ à 11 $, décrétée par le gouvernement ontarien en juin dernier, qui fait très mal aux entreprises horticoles.
Un engagement de la part des grandes chaînes d’alimentation ? Jason Verkaik emploie 35 personnes pour faire tourner ses deux usines d’empaquetage de légumes. « Contrairement à d’autres secteurs, on ne peut pas refiler cette hausse de salaire aux
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consommateurs. Les chaînes d’alimentation peu‑ vent s’approvisionner ailleurs dans le monde à moindres coûts », souligne le producteur, qui voit fondre ses minces marges de profit. Et Mme Mo, elle, recrute cinq travailleurs saisonniers en provenance du Mexique pour faire tourner son entreprise. « Le gouvernement devrait fermer les frontières durant notre saison de récolte pour empêcher les grandes chaînes d’importer les mêmes légumes à moindre prix », renchérit-elle. La productrice dit perdre plusieurs milliers de dollars cette année, parce que la boîte d’auber‑ gines chinoises se vend 70 ¢ la livre, comparati‑ vement à 1 $ la livre la saison dernière. La vente et la distribution de ces nouveaux légumes produits localement posent un immense défi. « Je me suis prouvé que je peux faire pousser de l’okra et des aubergines, mais j’en ai tellement produit il y deux ans que Loblaw et Sobeys n’ont pas pris la moitié de ma récolte, ajoute Jason Ver‑ kaik. J’ai perdu de l’argent. » Selon le maraîcher, ces grands acteurs devront s’engager auprès des producteurs ontariens en limitant leurs impor‑ tations pour graduellement faire place à plus de production locale. L’intérêt des grands détaillants alimentaires pour les nouveaux légumes du monde est bien présent. En juillet dernier, Loblaw a acheté le plus grand détaillant alimentaire asiatique, T&T, qui possède 17 magasins en Colombie-Britannique, en Alberta et en Ontario ainsi qu’un centre de distribution dans cette dernière province, rap‑ porte la CBC. Reste à voir jusqu’où la pression des consommateurs ontariens pour l’achat local changera les modes d’approvisionnement. De son côté, le P r Brownbridge cherche à susciter un intérêt au Québec pour la production de ces nouveaux légumes en travaillant avec le Conseil québécois de l’horticulture. Jason Ver‑ kaik, quant à lui, y va d’un conseil à ses pairs : il faut commencer ces nouvelles cultures en cultivant d’abord un petit jardin d’environ 0,2 ha (0,5 acre) pour s’y familiariser, avant de faire le bond à une superficie de 3 à 4 ha.
L’ambition californienne de l’Ontario Des multinationales quittent l’Ontario
PHOTO : INGIMAGE.COM
L’Ontario compte sur son abondance d’eau pour perpétuer sa production maraîchère.
A
vec plus de 3000 entreprises et un chiffre d’affaires qui frise les 40 milliards $ – presque deux fois plus important que celui du Québec –, le secteur de la trans‑ formation alimentaire ontarien est directement interpelé par la première ministre de l’Ontario, Kathleen Wynne. Celle-ci invite le milieu à créer 120 000 emplois et à générer des revenus de 54 milliards $ d’ici 2020. « Soixante-cinq pour cent de la production agricole ontarienne est trans‑ formée dans la province. Nous devons augmenter ce pourcentage tout en exportant plus de pro‑ duits transformés au lieu de simples produits de base », explique Steve Peters, directeur général de l’Alliance of Ontario Food Processors. La recette du succès, selon M. Peters, passe entre autres par un renforcement du développement de filières des producteurs aux transformateurs. Les produc‑ teurs ontariens fournissent plus de 200 produits aux usines de transformation ontariennes.
Au cours de la dernière année, la province voisine a été frappée par une série de fermeture d’usines de multinationales, telles celles de Heinz et de Kellogg, ce qui a mis des centaines d’em‑ ployés sur le pavé. Quelques entreprises du sec‑ teur de la transformation de viande porcine ont aussi mis la clé sous la porte. « Les usines de Heinz et de Kellogg étaient âgées respectivement d’une centaine d’années et de 90 ans, et elles n’avaient pas bénéficié des investissements nécessaires pour assurer leur continuité », dit Steve Peters. Ce dernier tient à rappeler que les membres de l’Alliance ne sont pas tous des multinationales, mais en majorité des PME, comme au Québec. Par contre, indique le directeur général, il faudra comprendre les raisons de ces récentes fermetures, liées aussi, selon lui, aux coûts de l’énergie (gaz naturel) et de l’eau, deux onéreux postes de production du secteur de la transfor‑ mation alimentaire. Selon M. Peters, Queen’s Park devra trouver des solutions pour diminuer ces coûts afin de favoriser l’atteinte de ses objectifs. M. Peters voit dans le visage changeant de la province, dû à l’immigration en provenance d’Asie (Chine, Inde, Pakistan, Philippines), une occa‑ sion favorable au développement de filières. « On doit travailler sur une stratégie pour remplacer les importations et réduire le déficit agroalimen‑ taire », dit-il. John Kelly, vice-président directeur de l’Ontario Fruit and Vegetable Growers’ Asso‑ ciation, abonde dans le même sens : « J’ai vu un superbe paquet d’okras surgelés individuellement dans une chaîne d’épiceries. Il provenait de l’Inde. Il n’y a aucune raison pour ne pas produire ce légume en Ontario ! »
Du Nutella entièrement fabriqué en Ontario ! Si certaines multinationales délaissent la province, d’autres y trouvent un climat d’affaires propice. M. Kelly dit travailler, entre
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Stratégie Ontario
L’Ontario produit les deux tiers de la production de maïs au pays (le Québec, 27 %). Voici son utilisation.
15,5 % 55,1 %
0,1 %
29,3 %
0,1 % : Semences 15,5 % : Exportation 29,3 % : Éthanol 55,1 % : Consommation humaine et animale Source : MAAARO
autres, à l’implantation d’une filière de produc‑ tion de noisettes pour approvisionner Ferrero. Construite il y a sept ans à Brantford, pour un coût de 400 millions $, l’usine de la multinatio‑ nale italienne du chocolat aux noisettes emploie 1700 personnes. L’entreprise importe toutes ses avelines de la Turquie (le plus gros producteur mondial), de l’Oregon, de l’Italie et du Chili. Pour approvisionner l’usine, explique M. Kelly, il faut résoudre trois problèmes : 1) trouver des variétés résistantes à la brûlure orientale du noisetier, une maladie dévastatrice causée par un petit champignon; 2) trouver des variétés résistantes au froid; et enfin, 3) trouver des noisettes dont le goût et le profil chimique répondent aux besoins de l’entreprise. Après plusieurs années d’essais, ces variétés sont maintenant disponibles. Et l’Ontario Hazel‑ nuts Association a été mise sur pied l’année dernière. Elle regroupe des producteurs, des pépi‑ niéristes, des chercheurs, et des représentants de Ferrero. Selon M. Kelly, il se cultive à peine 20 ha de noisettes dans la province, alors qu’il y a de la place pour en cultiver 8000. Les profits estimés de la culture de noisettes sont de quelque 5000 $ l’hectare.
Le salaire minimum, la bête noire des entrepreneurs
Pour en savoir plus : • Sur les défis lancés par la première ministre Kathleen Wynne au secteur agroalimentaire : http://goo.gl/e5A23y • Sur le programme d’achat local Ontario, terre nourricière : www.ontario. ca/fr/terre-nourriciere/ ontario-terre-nourriciere • Sur le Centre de recherche et d’innovation de Vineland (CRIV) : www. vinelandresearch.com/ Default.asp ?id=1&l=1
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En juin dernier, l’Ontario a haussé le salaire minimum des ouvriers agricoles de 10,25 $ à 11 $ l’heure. Les producteurs ontariens emploient 15 000 travailleurs saisonniers, surtout dans le secteur horticole. « Cette augmentation de salaire va toucher directement nos producteurs et acculer certains à la faillite », déplore John Kelly. Pour contrecarrer cette hausse, il faut que les pro‑ ducteurs maîtrisent leurs coûts de production, mécanisent, promeuvent les normes sévères de salubrité qui existent au Canada ainsi que les pratiques durables de la production à la ferme, affirme-t-il. Outre l’enjeu d’un salaire concurrentiel, le système fiscal devra être modifié pour encourager la transformation à la ferme. « En ce moment, un producteur qui désire par exemple transformer ses fruits en confiture est pénalisé, parce que sa petite usine est taxée au même titre qu’un grand industriel », soutient Mark Wales, président de la Fédération de l’agriculture de l’Ontario, la plus grosse organisation agricole volontaire de la province, avec ses 35 000 membres. À l’instar
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des grands transformateurs, le gouvernement ontarien devra se pencher sur une solution pour atténuer les coûts de l’énergie et de l’eau (d’irri‑ gation, entre autres) à la ferme, s’il veut atteindre ses objectifs.
Remplacer la Californie ? L’Ontario peut-elle remplacer en partie la Californie comme le bol de fruits et légumes de l’Amérique du Nord ? Depuis plusieurs années, le « Golden State » est aux prises avec de très graves problèmes de sècheresse dus aux changements climatiques. « Oui ! De nombreuses entreprises américaines nous courtisent en tant que nou‑ velles sources d’approvisionnement », affirme John Kelly, qui préfère taire le nom de ces entre‑ prises tant que les accords commerciaux ne sont pas concrétisés. Même si Heinz a quitté la pro‑ vince, l’Ontario compte sur son abondance d’eau pour perpétuer, par exemple, sa production de tomates (l’usine Heinz a été rachetée par la société canadienne Highbury Canco). Par ailleurs, la première ministre Wynne a annoncé l’allocation d’un fonds de 400 millions $ voué surtout à l’innovation du secteur de la trans‑ formation alimentaire, soit 40 millions par année répartis sur les prochains 10 ans. « Nous sommes en train de peaufiner les détails de notre stratégie, indique Steve Peters. Celle-ci devrait être prête cet automne. » L’Ontario vise certes à remplacer les impor‑ tations de légumes du monde par une produc‑ tion locale. Mais elle entend aussi se servir de la demande du grand Toronto comme d’un tremplin pour conquérir les marchés indiens et chinois. L’objectif : diversifier la destination de ses expor‑ tations agroalimentaires, dont 80 %, pour le moment, vont aux États-Unis. L’Ontario remportera-t-il son pari ? La province compte plusieurs faits d’armes à son actif. Elle a su développer une industrie vinicole prospère, le climat de la péninsule du Niagara s’y prêtant. Le chiffre d’affaires annuel généré par ses vignobles surpasse les 100 millions $. Même chose pour le ginseng produit sur les anciennes terres à tabac autour du lac Érié et dont les ventes en Asie explosent. Pas impossible donc que la grosse ferme d’à côté remporte son pari. u
Superficie de terres agricoles Ontario : 5 126 633 ha Québec : 3 462 936 ha (Sources : Statistique Canada 2006, MAAARO 2011)
Nombre de fermes et d’exploitants Ontario : 51 950 fermes, 74 480 exploitants Québec : 29 079 fermes, 41 936 exploitants (Sources : MAAARO 2011, UPA 2012)
Transformation alimentaire Ontario : plus de 3000 usines, 730 000 emplois, génère 34 milliards $, 65 % de la production ontarienne transformée dans la province Québec : 2000 usines, 165 000 emplois, génère 22,3 milliards $, 70 % de la production agricole transformée dans la province (Sources : Ontario Alliance Food Processors, CTAC)
Exportations agroalimentaires Ontario : 11,86 milliards $ (pain à cacheter, soya, maïs, pelleteries, biscuits, porc, tomates) Québec : 6,1 milliards $ (porc, soya, cacao, produits de l’érable, huile végétale) (Sources : MAAARO 2013, MAPAQ 2012)
Importations agroalimentaires Ontario : 21,12 milliards $ (2013) (grains, légumes, boissons, viande rouge, huile végétale) Québec : 5,23 milliards $ (2012) (boissons, alcool, cacao, noix et fruits frais, poissons, fruits de mer)
Vineland, au cœur de la stratégie horticole de l’Ontario Depuis 2011, la Vineland Growers Co-operative distribue et coordonne la distribution de la variété canadienne Sundown (petite poire à la peau verte ferme et à la chair sucrée) dans l’est du Canada et de 70 % des poires en Ontario. La Sundown est le résultat d’une entente commerciale entre la coopérative et le Centre de recherche et d’innovation de Vineland (CRIV). Celui-ci compte aussi dans sa trousse de nouvelles variétés de pêches, de nectarines et de prunes mises au point en collaboration avec l’Université de Guelph, avec Agriculture et Agroalimentaire Canada ou encore avec le ministère de l’Agriculture de l’Ontario. L’équipe du CRIV planche également sur la sélection de Le Pr Jim Brandle variétés de patates douces, une n’hésite pas à dépêculture très prometteuse; sur cher un de ses homun procédé de séchage du raisin mes pour ramener à appelé appassimento, l’Ontario la station des variétés de pommes de la abritant la plus importante Nouvelle-Zélande, de industrie vinicole au pays; sur la l’État de Washingproduction en serre de tomates, ton, de la Belgique et de la Colombie- de concombres et de poivrons, la Britannique, afin de province abritant la plus impor‑ voir comment elles poussent et de faire des tante production de légumes en croisements. « Les importations de pommes serre d’Amérique du Nord. Et elle augmentent, alors que notre production diminue, dit-il. Il y a quelque chose qui cloche dans engrange la moitié des revenus cette équation. » L’objectif est de remplacer d’ici provenant de la floriculture et quelques années deux variétés de pommes sur de la production en pépinière les sept importées et d’en trouver de nouvelles. cultivées au Canada.
(Sources : MAAARO 2013, MAPAQ 2012)
Le tout dernier bébé du CRIV est la construction d’une serre ultramoderne d’une superficie de 0,4 ha et axée sur la robotique. Si l’on a construit des moissonneusesbatteuses pour récolter le grain, c’est un tout autre défi dans le secteur horticole, explique le Pr Brandle. On met donc au point dans cette serre des robots pour planter des bulbes de tulipes ou encore couper des tiges. Certains robots existent déjà pour récolter des champignons ! « La mécanisation fait partie de l’innovation, dit-il. En horticulture, la main-d’œuvre représente de 40 à 60 % des frais d’exploitation. » Il espère commercialiser un jour ses robots pour permettre à ce secteur de ne plus reposer sur la main-d’œuvre étrangère et d’être ainsi plus concurrentiel. Il envisage même d’exporter dans le reste du monde ses machines « made in Canada ».
Surplus/déficit de la balance commerciale agroalimentaire Ontario : – 9,26 milliards $ (2013) Québec : + 870 millions $ (2012) (Sources : MAAARO 2013, MAPAQ 2012)
Industrie vinicole Ontario : 130 vignobles (80 % de la production canadienne), 2835 ha (7000 acres), récolte de 78 000 tm de raisin, chiffre d’affaires de 100 millions $ Québec : 67 vignobles, 500 ha, récolte et chiffre d’affaires non accessibles
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PHOTOS : CRIV
La grosse ferme d’à côté en chiffres
Stratégie Ontario
« La prospérité de l’Ontario et du Québec passe par une collaboration entre nos deux provinces » Ministre de l’Agriculture, de l’Alimentation et des Affaires rurales de l’Ontario, Jeff Leal est l’homme désigné par la première ministre ontarienne pour mettre en place sa stratégie agroalimentaire. Lors d’une entrevue téléphonique exclusive d’une demi-heure, il nous a livré l’ADN de cette stratégie. Et il entend développer l’agriculture ontarienne avec son homologue québécois, Pierre Paradis.
Le Coopérateur agricole : La première ministre de l’Ontario, Kathleen Wynne, semble considérer le secteur agricole comme un moteur économique aussi important que l’industrie automobile. Est-ce le cas ? Jeff Leal : Il n’y a aucun doute que l’agriculture est devenue un des fers de lance de l’économie ontarienne depuis une ou deux décennies. Ce secteur contribue à raison de 34 milliards $ au PIB de la province et génère 740 000 emplois. Oui, il rivalise avec le secteur automobile, qui a connu une profonde mutation depuis la crise économique de 2008-2009. Le secteur agroalimentaire n’est pas seulement prometteur économiquement pour l’Ontario, où la première ministre veut créer 120 000 nouveaux emplois d’ici 2020, mais aussi pour le Québec.
Jeff Leal, ministre de l’Agriculture, de l’Alimentation et des Affaires rurales de l’Ontario
Vous comptez aussi réduire le déficit commercial agroalimentaire de la province, qui est de 9 milliards $. Quelle est votre stratégie pour réaliser cet objectif ? Quand on parle d’alimentation, pas un pays n’a aussi bonne réputation que le Canada. On voit de nouvelles classes émergentes poindre en Chine et en Inde. Mais on n’a pas une grande présence en Afrique, en dehors de la francophonie. On se doit d’être plus dynamiques pour promouvoir les produits transformés du Canada, de l’Ontario et du Québec. On reconnaît tous que les États-Unis sont notre plus important partenaire commercial, mais on doit se diversifier. Si j’en crois le premier ministre Harper, l’accord avec l’Union européenne offrira des occasions d’affaires, mais ça reste à voir.
PHOTO : CABINET DU MINISTRE LEAL
Si je comprends bien, l’Ontario va chercher à diversifier ses exportations agroalimentaires, qui, pour le moment, vont à 80 % aux États-Unis ? Oui. La première ministre Wynne et mon collègue Michael Chan, ministre de l’Immigration, de la Citoyenneté et du Commerce international, doivent se rendre en Chine fin octobre, début novembre. Et Mme Wynne entend utiliser les projecteurs nécessaires pour assurer la visibilité de nos entreprises agroalimentaires dans cet énorme marché. La Fédération de l’agriculture de l’Ontario dit que ses membres sont capables d’atteindre les objectifs de la première ministre, à trois conditions : l’accès à une énergie moins coûteuse, une réforme de la fiscalité et des salaires concurrentiels pour les ouvriers agricoles. Comment comptez-vous répondre à ces trois demandes ? Le secteur énergétique est un élément clé de notre plateforme électorale, pour lequel les Ontariens nous ont élus le 12 juin dernier. Nous avons l’intention de développer un réseau d’infrastructures de gaz naturel en partenariat avec Enbridge et Union Gas, pour approvisionner les collectivités rurales et les producteurs dans tout l’Ontario. Qu’en est-il de la possibilité d’importer de l’électricité du Québec pour approvisionner à moindre coût les collectivités rurales et les producteurs ontariens ? Nos premiers ministres, M. Couillard et Mme Wynne, ont de sérieuses discussions sur ce sujet depuis plusieurs mois. Je crois que le Canada a besoin d’infrastructures nationales d’est en ouest pour approvisionner le pays en électricité et que l’Ontario et le Québec ont un rôle important pour concrétiser ce projet.
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Revenons à la réforme fiscale pour les producteurs. Si, par exemple, un horticulteur décide de transformer ses fruits en confiture, sa petite usine est taxée au même taux qu’un grand industriel. Quelles solutions envisagez-vous ? Mon ministère travaille avec la Fédération de l’agriculture de l’Ontario pour faire les changements appropriés, et nous allons continuer de le faire. Qu’en est-il de la récente hausse du salaire minimum ? L’enjeu actuel est le Programme des travailleurs étrangers temporaires, sous autorité fédérale, et pour lequel nous sommes en discussion. Ce programme a un impact certain sur nos entreprises de transformation et de congélation alimentaires, surtout dans le grand Toronto. Quelle est l’importance du secteur horticole dans votre stratégie ? Il est très important. Plus nous allons promouvoir et mettre en évidence nos fruits et légumes produits locale‑ ment et aider à conscientiser les consommateurs, mieux ce sera. On encourage les gens à acheter dans les marchés champêtres. À titre d’exemple, nous avons depuis le mois de mai un projet-pilote de ventes de vins ontariens dans ces marchés, et à ce jour, il s’en est vendu pour un quart de million de dollars. Le programme « Ontario, terre nourricière » est donc stratégique pour vous ? Pour vous donner une idée de son importance, la reconnaissance de la marque « Ontario, terre nourricière » dans notre province est à égalité avec celle de McDonald’s. Je reviens à la récente hausse du salaire minimum à 11 $ l’heure pour les ouvriers agricoles. Les producteurs de fruits et légumes de l’Ontario disent qu’ils ne peuvent pas transférer cette hausse aux consommateurs et qu’il y va de la survie de leurs entreprises. Nous sommes très sensibles à l’accroissement du salaire minimum et à ses impacts. Nous continuons nos dis‑ cussions avec les principales organisations agricoles de la province. Envisageriez-vous de faire pression pour qu’on ferme la frontière pendant un certain temps de l’année afin de permettre aux producteurs ontariens d’écouler leurs fruits et légumes à bon prix ? Nous devons être prudents. Le Canada est une nation commerçante, et toutes les provinces dépendent du commerce international. Déclencher une guerre commerciale peut avoir de sérieuses répercussions. Prenons par exemple la situation actuelle en Ukraine, qui a amené la Russie à imposer un embargo sur le porc canadien. On veut éviter ce genre de situation, et c’est pourquoi nous encourageons nos serriculteurs à produire plus de fruits et légumes pour approvisionner le marché au cours des quatre saisons de l’année. Plusieurs usines de multinationales, telles celles de Kellogg et de Heinz, ont quitté récemment l’Ontario, et des usines de transformation de viande ont aussi mis la clé sous la porte. Quelles en sont les raisons et que comptez-vous faire pour les retenir ? Plusieurs de ces sociétés ont bénéficié du taux de change quand le dollar canadien valait 63 ¢ US. C’était un escompte de 40 %, qui masquait un manque de compétitivité et d’investissement. Mais j’ai visité récemment l’usine de Bonduelle, reconstruite après un très gros incendie. Grâce aux investissements en technologie et procédés, l’usine fournit tous les légumes en conserve des marques Green Giant et President’s Choice en Amérique du Nord. Ce sont des initiatives comme celle-là que nous voulons seconder avec notre fonds de 40 millions $ voué à la trans‑ formation alimentaire. Quel est ce fonds ? Nous avons annoncé ce fonds annuel de 40 millions $ pour appuyer la transformation alimentaire – 400 millions sur 10 ans – lors de notre dernier budget, approuvé par le Parlement en juillet. Nous croyons que c’est un moyen d’assurer le succès de notre industrie et de permettre l’atteinte de l’objectif de la première ministre de créer 120 000 emplois d’ici 2020. Croyez-vous que l’Ontario peut, totalement ou en partie, remplacer la Californie en tant que bol de fruits et légumes de l’Amérique du Nord, en raison des sérieux problèmes de sècheresse du « Golden State » ? Les changements climatiques ont un gros impact sur la Californie, et les sècheresses consécutives transforment certains de ses plans d’eau en lacs salés. L’Ontario cherche énergiquement de nouveaux marchés, et si l’on cogne à notre porte pour nous demander de répondre à une demande américaine ou mondiale, nous serons prêts. L’Ontario et le Québec ont signé un Accord de commerce et de coopération en 2009. Qu’aimeriez-vous voir dans ce partenariat ? Nous croyons que la prospérité de l’Ontario et du Québec passe par une collaboration entre nos deux provinces. J’ai discuté avec le ministre Pierre Paradis et nous avons ciblé en particulier le nord-est de l’Ontario. Nous y faisons d’ambitieux travaux de drainage pour développer des terres agricoles. Nous voulons travailler avec le Québec, car nous avons un intérêt commun en agriculture. D’autres intérêts communs ? L’Ontario et le Québec sont les deux centres de la gestion de l’offre au pays. Nous devons être vigilants pour que ce système ne serve pas de monnaie d’échange à l’avenir.
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C h e vau x
Le petit cheval de fer et son incroyable histoire Il est de ces histoires si liées à un peuple qu’elles en deviennent indissociables. C’est le cas du cheval Canadien, compagnon des colons débarqués en Nouvelle-France, et qui survit encore, 350 ans plus tard.
I
Par Céline Normandin
PHOTO : CÉLINE NORMANDIN
nconnu de la majorité de la population, le Canadien tire pourtant son nom des premiers habitants de la vallée du Saint-Laurent. Près de 100 ans après l’arrivée de ses ancêtres sur le continent nord-américain, il était déjà devenu une race distincte, dont l’histoire remonte au début de la colonisation française.
La naissance d’une race C’est le roi Louis XIV qui donne l’ordre d’envoyer outre-mer les premiers chevaux, alors absents de cette partie du Nouveau Monde. Douze arriveront à bon port, en 1665, afin d’aider au développement de la colonie, pour un total de 82 chevaux quand cessent les envois, en 1673. Peu
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d’écrits subsistent sur l’origine de ces chevaux, qui formeront le terreau de la future race : ils seraient issus des haras du roi nouvellement mis en place, qui contenaient en plus des chevaux de type breton et normand. On sait par contre que les chevaux étaient d’excellente qualité. En 1763, la colonie compte 14 000 chevaux. Le climat rude et les tâches multiples qu’on leur confie (défrichage, labour, récolte, attelage, équi‑ tation) donnent naissance à une race tout à fait distincte. Ses exploits font l’objet des récits des chroniqueurs de l’époque. Doté d’une crinière abondante et frisée, le petit cheval de NouvelleFrance est reconnu pour sa vigueur peu com‑ mune, dépassant celle de chevaux plus lourds, et pour sa docilité remarquable. Son agilité lui permet de traverser aisément les bancs de neige. D’un appétit modeste, il peut travailler toute la journée et conserver assez d’énergie pour s’ébattre dans le pré. Tous ces traits lui vaudront le surnom de « petit cheval de fer ».
Une survie toujours difficile après 350 ans Depuis, le cheval Canadien a repris du galon. Il a été choisi comme race patrimoniale au Québec en 1999 et comme race nationale au Canada en 2002. Mais sa survie est loin d’être acquise. Avec 2400 à 2500 chevaux Canadien confirmés au Québec en 2013, les éleveurs doivent conjuguer leur passion avec un travail à l’extérieur pour s’acquitter des coûts. Un sondage exécuté l’an dernier auprès des propriétaires et éleveurs révèle aussi que le nombre de juments en âge de pouliner décline d’année en année. La survie de la race est d’ailleurs jugée critique par la Société américaine de conservation des races d’élevage, rapporte le cinéaste Richard Blackburn, qui a réalisé en 2009 La légende du cheval Canadien. De plus, l’inter‑ diction en 2007 d’abattre des chevaux aux ÉtatsUnis a eu pour effet d’inonder le marché canadien d’animaux de qualité médiocre et bon marché, et de plomber le prix des chevaux locaux.
Pour en savoir plus : www.chevalcanadien.org www.lechevalcanadien.ca
PHOTO : SOCIÉTÉ DES ÉLEVEURS DE CHEVAUX CANADIENS
Claude Richer, secrétaire de l’Association québécoise du cheval canadien (AQCC), termine l’écriture d’un livre sur l’histoire de cet animal devant paraître au printemps 2015. Elle s’inquiète de la tendance visant à modifier certaines caracté‑ ristiques de la race. « Les standards actuels sont un patrimoine protégé, mais qu’il faut aussi conserver .» Un programme de classification pourrait aider les éleveurs à mieux connaître le potentiel réel de leur élevage, estime l’AQCC. Le cinéaste Richard Blackburn souhaiterait de son côté voir renaître une ferme d’élevage du Canadien. Une initiative de ce genre aux États-Unis a permis de faire renaître la race Morgan. « Si cette histoire s’était produite aux États-Unis, le cheval Canadien serait devenu une icône et un mythe fondateur de l’histoire du pays », dit-il. Myriam Sarrazin, de la Ferme Sarabelle, incarne la relève équestre québécoise, majori‑ tairement féminine et trentenaire. Elle gagne sa vie comme coiffeuse, mais aimerait bien prendre la relève familiale, malgré le défi financier que cela représente. Elle se dit tout de même confiante quant à l’avenir de la race. « De plus en plus de gens connaissent le Canadien et l’apprécient. » Le président de l’AQCC, Denis Demars, invite les Québécois à manifester leur appui au cheval Canadien et à découvrir ce pan méconnu de leur propre histoire. « Reste à voir si les Québécois sou‑ haiteront que le cheval Canadien fasse partie de leur histoire dans l’avenir, comme il le fait depuis 350 ans. »
Après avoir été snobé, le cheval Canadien est de plus en plus utilisé pour les compétitions équestres en raison de sa docilité et de sa vigueur.
Le président et la secrétairetrésorière de l’Association québécoise du cheval canadien, Denis Demars et Claude Richer. Tous deux agronomes retraités d’Agriculture Canada, ils forment un couple dans la vie et consacrent bénévolement près de 40 heures par semaine à l’Association.
PHOTO : CÉLINE NORMANDIN
Il tient presque du miracle que le cheval Canadien ait réussi à survivre après la Conquête de 1760. Il sera croisé avec des Clydesdale et des Thoroughbred, chevaux anglais jugés supérieurs, afin d’alourdir et d’agrandir la race. Il sera aussi vendu en grand nombre aux États-Unis en raison de ses qualités de trotteur. Il deviendra même la source de plusieurs lignées de champions. Vers 1860, la race est estimée éteinte. Des efforts concertés de la part de passionnés et un coup de pouce des deux paliers de gouver‑ nement permettent de lancer plusieurs initiatives dont les traces sont encore visibles. Un système d’enregistrement est organisé en 1895 et donne naissance à la Société des éleveurs de chevaux canadiens (SECC), active encore aujourd’hui. Le gouvernement fédéral fonde une ferme d’élevage en 1912, et les caractéristiques de la race sont mises sur papier pour la première fois. Un journal agri‑ cole de l’époque indique que le cheval Canadien est de petite taille, rarement plus de 15 mains, qu’il a des sabots larges, les jambes solides, la poitrine et la croupe larges, et beaucoup de crins. De 1895 à 1905, la SECC enregistre 1801 chevaux de souche dans son premier livre de généalogie. Avec l’industrialisation, les voitures et les tracteurs remplacent peu à peu les chevaux. À la fermeture de la ferme d’élevage, en 1980, seule‑ ment 200 Canadien subsistent au Québec.
Quand la science et le cinéma se mettent au service de l’histoire En 2009, Richard Blackburn (à gauche) a parcouru 4000 km à dos de cheval jusqu’au Texas pour livrer 50 échantillons d’ADN de la race Canadien au généticien équestre Gus Cothran, de l’Université A&M, une aventure dont il a tiré un film, La légende du cheval Canadien. Depuis, le Pr Cothran a fait une découverte renversante : le Canadien est la toute première race chevaline d’Amérique du Nord, l’ancêtre du célèbre Morgan, de toutes les races indiennes et de la plupart des races dites américaines. Les résultats seront publiés cet automne dans le Journal of Heredity.
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PHOTO : PHOTO GRACIEUSETÉ DE RICHARD BLACKBURN
Un patrimoine presque perdu
Vi e ru r a l e
Le mont Sutton à l’heure suisse
La Fédération des sociétés suisses de l’est du Canada a célébré le 2 août dernier la 38e édition de la fête nationale suisse au mont Sutton, au cœur de l’Estrie. Une longue tradition qui contribue à cimenter cette communauté bien intégrée et dynamique. Texte et photos de David Bessenay
D Avec son impressionnant cor des Alpes, Marc-Antoine Grec avait fait le trajet depuis la Suisse pour participer aux festivités du mont Sutton.
ès la traversée du village de Sutton, le ton est donné. Les drapeaux suisses – la célèbre croix fédérale blanche sur fond rouge – flottent dans les rues ou devant les auberges, prises d’assaut par la communauté helvétique. Chaque premier dimanche du mois d’août depuis 1977, le mont Sutton devient le fief de cette communauté. « Peut-être parce qu’il y a ici une ambiance montagnarde qui rappelle notre pays », suggère le vice-président du comité organisateur, Peter Fuhrer.
La plus grosse fête nationale en dehors de la Suisse Il est vrai que la région de l’Estrie a accueilli ces dernières décennies de nombreux fermiers suisses (les familles Schweizer, Francey, Lenga‑ cher, Krieg, Felber…). Au total, le Québec compte environ 10 000 ressortissants suisses. Au fil des ans, l’attrait pour la fête ne se dément pas. « C’est tout simplement la plus grosse fête nationale célébrée hors de notre pays », se félicite
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Peter Fuhrer. Près de 3000 personnes, Suisses ou amis de cette communauté, font le déplacement jusqu’à la petite station chaque année. « Je n’ai pas les moyens de me payer des vacances en Suisse, alors je viens au mont Sutton », plaisante une Montréalaise. L’enjeu de cette célébration est de perpétuer l’attachement au pays d’origine. Et si cela est évident pour les natifs du Vieux Continent, c’est tout un défi pour les immigrés de deuxième, troisième, voire quatrième génération. Sur la scène principale, après le culte œcumé‑ nique, les groupes folkloriques se sont succédé tout au long de la journée. Parmi eux, deux venaient directement de Suisse. À quelques pas de là, sur la sciure, enfants et adultes pratiquaient assidûment la lutte alpestre. Les règles sont simples – il s’agit de mettre son adversaire dos à terre –, mais la tenue est origi‑ nale. Les lutteurs s’accrochent aux culottes en toile de jute de leur rival, comme jadis ! Une journée réussie, qui prouve qu’une communauté peut être à la fois très fière de ses racines et parfaitement à l’aise dans son pays d’adoption.
Pourquoi nos agriculteurs aiment cette fête… « Tout le folklore de notre pays » « Nous sommes arrivés au Québec il y a 25 ans, depuis la région de Lucerne, en Suisse alémanique. Nous sommes bénévoles pour la fête nationale. Le vendredi, nous participons aux préparatifs et à la mise en place. Mon mari, Urban, chante dans la chorale MGV Harmonie. Cette fête, c’est tout le folklore de notre pays. On rencontre des gens qui viennent de loin et que l’on voit juste à cette occasion. Et puis le mont Sutton, ça nous rappelle les paysages suisses. » Urban et Maria Buetler, exploitants d’une ferme laitière à Henryville (135 ha)
« Une fête appréciée aussi par les Québécois » « Cela fait 43 ans que nous sommes au Québec. Nous venons d’une petite ville entre Lucerne et Zurich. Mon épouse est présidente de l’Association suisse des Cantons-de-l’Est. Au départ, cette fête était juste un souper entre amis avec un feu, des lampions. Puis, les autres clubs se sont joints à nous et la fête a évolué. Ma femme est très impliquée, elle gère les bénévoles. Moi, je bouche les trous. On rencontre beaucoup de compatriotes, mais c’est une fête aussi très appréciée des Québécois. Tout au long de l’année, le club organise des activités; la communauté suisse est dynamique. » Joseph et Marlis Husler, exploitants d’une ferme laitière à Farnham en association avec leurs trois enfants (300 ha)
« Toujours bien reçus à Sutton »
PHOTO : DANILO GIACOMINI
« Je suis venu au Canada une première fois en 1967, mais je me suis réellement installé au Québec en 1975. Je me suis impliqué dans la fête au sein du comité organisateur pendant 12 ans et je suis heureux que cela continue. Nous avons toujours été bien reçus à Sutton. J’essaie de venir tous les ans, si mon emploi du temps le permet, car c’est une période intense à la ferme. Au moins, cela nous fait un jour de congé ! C’est plaisant de voir des compatriotes. Personnellement, je joue du baryton depuis deux ans, mais je n’ai pas encore eu l’occasion d’en jouer pour la fête nationale. » Max Ruckstuhl, exploitant d’une ferme laitière à Sainte-Sabine avec sa femme et ses deux enfants (240 ha)
Hans Bieri, histoire d’une immigration réussie Hans Bieri a débarqué au Québec en 1969. « Mon père était agriculteur, mais mon frère aîné allait reprendre la ferme familiale. Alors je suis venu tenter ma chance ici. Au départ, c’était pour un an… », se souvient-il. Un pari pas si facile. Originaire de la région de Berne, donc de Suisse alémanique, Hans a dû apprendre sur place le français et l’anglais. Mais il n’est pas un cas isolé. « Il y a eu toute une vague d’immigration de fermiers suisses dans les années 1950, et une autre dans les années 1980 », explique-t-il. Après un an passé dans la Belle Province, Hans est parti travailler en Alberta puis en Ontario dans des exploitations agricoles. Ses économies en poche, il s’est acheté une ferme de quelque 100 ha du côté de Saint-Blaise-sur-Richelieu. Et il n’a pas tardé à se faire une place. « J’ai pu m’agrandir tranquillement. Mon troupeau est monté jusqu’à 65 vaches en lactation. » Plus tard, il a aidé son fils à s’installer dans sa propre ferme. À partir de ce moment, Hans Bieri a abandonné l’élevage laitier. « Mon fils élève 70 vaches, et moi, je me consacre aux grandes cultures avec ma fille et mon beau-fils. » Sur 300 ha, ils font pousser maïs, soya et blé. Fidèle à ses origines, il s’est impliqué pendant 20 ans dans l’organisation de la fête nationale au mont Sutton. « J’y consacrais 15 jours par an ! » Si aujourd’hui il a pris un peu de recul, il n’est quand même jamais très loin pour donner un coup de main. Son épouse non plus, affairée ce jour-là à vendre des pâtisseries suisses. « Aujourd’hui, mes enfants se sentent plus canadiens que suisses. C’est bien normal, ils sont nés ici. Mais mes petits-enfants adorent encore les gourmandises suisses », note-t-il, amusé.
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A c é r i c u lt u r e
Citadelle certifiée équitable Citadelle est devenue la première entreprise nord-américaine à obtenir la certification de commerce équitable Fair for Life. « Au-delà de la qualité de nos produits, cette reconnaissance officielle décernée par un tiers indépendant va nous permettre de vendre ce que nous sommes en tant qu’organisation coopérative », se réjouit Martin Plante, directeur général de Citadelle. PHOTO : CITADELLE
Par Hélène Cossette
C
réée conjointement par la Bio-Fondation Suisse et l’Institute for Marketecology en 2006, la certification Fair for Life dépasse la simple notion de juste prix offert aux producteurs des pays en développement. Elle témoigne du respect de standards élevés en matière de conditions de travail, de relations avec les producteurs, de pratiques écoresponsables et de bilan social. « C’est une certification montante à l’échelle internationale, souligne Martin Plante. Elle est reconnue en Europe et aux États-Unis, notamment par la chaîne Whole Foods. »
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C’est lors d’une foire commerciale de coopé ratives en Inde que Martin Plante a constaté une forte parenté entre les valeurs et les pratiques d’affaires du commerce équitable et celles de Citadelle. Conscient que le sceau 100 % Coop avait une portée limitée hors du milieu coopératif, il a dès lors cherché une manière de faire recon‑ naître cette distinction dans les autres segments de marché de Citadelle. Le défi était cependant de taille, dans la mesure où tous les programmes de certification équitable existants étaient destinés aux produits
issus de pays émergents. « Nous avons travaillé pendant plusieurs années pour trouver un orga‑ nisme certificateur ouvert à réfléchir avec nous à la possibilité de certifier des produits venant de l’hémisphère Nord. Fair for Life est le premier qui a accepté de le faire », confie Martin Plante. Selon lui, l’organisme de certification se positionne ainsi à l’avant-garde d’une grande ten‑ dance. « À l’heure actuelle, un fournisseur ne peut plus entrer dans une chaîne d’alimentation sans avoir une certification de qualité et de sécurité, comme SQF, GFSI ou BRC. La même chose va se produire d’ici quelques années dans le domaine de la responsabilité sociale », prédit-il.
Fair for Life En effet, plusieurs organismes de certification dans les domaines de la responsabilité sociale, du développement durable et du commerce équitable s’affairent présentement à élaborer des normes internationales communes. Sous l’égide du Global Social Compliance Programme, cette démarche se fait en concertation avec de grandes chaînes, comme Carrefour, en France, et Walmart, aux États-Unis. « Pour répondre aux exigences de plus en plus élevées des consommateurs, les chaînes d’alimentation veulent pouvoir apposer sur leurs produits des sceaux qui prouvent qu’ils sont issus d’entreprises socialement responsables », explique M. Plante. Si de nombreuses entreprises nord-améri‑ caines et européennes qui importent des denrées produites dans le Sud bénéficient de la certifica‑ tion Fair for Life, Citadelle est la toute première à s’en prévaloir pour des aliments produits et transformés en Amérique du Nord. Le processus a nécessité pas moins de trois ans de travail, sou‑ ligne le directeur général. « Les inspecteurs sont venus nous visiter à plusieurs reprises. Il nous a fallu les initier à notre réalité, car on sortait
des modèles de certification auxquels ils étaient habitués. » Dépassant toutes les exigences de la norme en matière de relations avec les producteurs, de traitement équitable des membres et employés, d’éthique, de transparence, de pratiques environ‑ nementales et d’engagement dans la collectivité, Citadelle est agréée en tant qu’entreprise. Bon nombre d’acériculteurs membres le sont éga‑ lement de façon individuelle. En effet, en vertu des lois et règlements en vigueur au Canada, l’ensemble des membres satisfont déjà à presque toutes les normes, exception faite de certains cri‑ tères plus stricts concernant la sécurité des lieux de production. La coopération étant une adhésion libre, le processus de certification l’est tout autant pour les membres, tient toutefois à préciser le directeur général. Mais seul le sirop provenant d’acéricul‑ teurs certifiés pourra porter le sceau Fair for Life, poursuit-il. Ce sirop sera manutentionné sépa‑ rément de la production courante. « Il y aura une pleine traçabilité. On pourra remonter jusqu’au producteur », soutient M. Plante. Au moment où nous écrivions ces lignes, les étiquettes étaient en préparation pour une pre‑ mière livraison de sirop destiné à l’exportation et produit par des acériculteurs certifiés dans le cadre d’un projet-pilote au printemps 2014. À la lumière des résultats obtenus pour le sirop d’érable, la certification Fair for Life s’étendra éventuellement aux autres familles de produits de Citadelle, dit le gestionnaire. « Parfaitement compatible avec notre nouvelle image de marque symbolisée par un cœur, la certification Fair for Life deviendra aussi un levier important pour promouvoir à l’échelle mondiale nos valeurs coopératives, telles que l’esprit d’équipe, la qualité, l’intégrité, le respect, le leadership et l’innovation », conclut Martin Plante.
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D é c o r at i o n
Par Hélène Cossette
Dans les aires de circulation principales, par exemple, il faut prévoir une largeur minimum de 30 po pour éviter de se cogner aux meubles, recommande-t-elle. Dans une salle de bain, par ailleurs, elle conseille un dégagement d’au moins 18 po de chaque côté à partir du centre de la toilette. « Dans une cuisine, poursuit-elle, il est également utile de disposer d’un espace de comptoir de 18 po des deux côtés de l’évier et de la cuisinière pour y travailler efficacement. De plus, un positionnement ergonomique en triangle de l’évier, de la cuisinière et du réfrigérateur permet de limiter ses pas en cuisinant. »
Éclairage
Un aménagement
réfléchi
PHOTO : LA COOP AGRISCAR
Pour que tout, dans notre chez-soi, s’amalgame harmonieusement.
Annie Morin, décoratrice à la Boutique Inov du centre de rénovation Unimat de La Coop Agriscar
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Fraîchement émoulue du cégep de Rivièredu-Loup en design d’intérieur, Annie Morin offre ses services-conseils à la Boutique Inov du tout nouveau centre de rénovation Unimat de La Coop Agriscar, situé à Saint-Antonin. S’il s’agit là de son premier emploi dans le domaine, sa formation professionnelle de trois ans lui a permis d’acquérir de solides compétences en décoration, en éclairage résidentiel, en architecture, en rénovation et en conception de plans et de mobilier sur mesure. « J’aime beaucoup concevoir des aménagements qui intègrent l’architecture déjà présente. J’essaie de faire en sorte que tout s’amalgame harmonieusement », dit Annie. Son rôle consiste en outre à penser à une foule de petits détails importants – orientation des fenêtres, ergonomie, circulation, lumière, etc. – qui ne viennent pas toujours à l’esprit de ses clients. Le dégagement, par exemple, constitue pour elle un élément essentiel, mais souvent négligé, pour qu’un aménagement intérieur soit à la fois esthétique et fonctionnel. « J’essaie de dégager les espaces pour que l’environnement soit confortable et sécuritaire. C’est particulièrement important en présence de jeunes enfants et de personnes âgées », souligne-t-elle.
Le Coopérateur agricole | OCTOBRE 2014
L’éclairage est un autre élément qui mérite d’être soigneusement planifié en fonction de l’utilisation d’une pièce. « Si le salon ne sert qu’à regarder la télé, l’éclairage ne sera pas le même que si on y lit beaucoup », illustre-t-elle. Dans le deuxième cas, en effet, il faudra prévoir un luminaire d’appoint pour le coin lecture, en plus de l’éclairage d’ambiance. Dans la même veine, elle suggère d’illuminer un long couloir avec des appliques murales dans le bas des murs et d’installer un gradateur. « En plus d’animer le corridor de façon originale à pleine intensité, elles pourront servir de veilleuses la nuit venue. »
Vestibule Grande oubliée en décoration, l’entrée mérite aussi qu’on s’y attarde, « surtout avec nos hivers québécois ! » estime Annie Morin. L’idéal consiste à aménager un vestibule fermé pour conserver la chaleur de la maison, ou sa fraîcheur en été. Comme cela n’est pas toujours faisable, cette professionnelle sera en mesure de suggérer des solutions ingénieuses pour rendre l’espace disponible le plus fonctionnel possible. La designer et sa collègue, Valérie Chassée, se déplacent à domicile pour offrir un service personnalisé de design intérieur et extérieur. Elles reçoivent aussi les clients à la Boutique Inov. Ouverte depuis seulement mai 2014, la boutique est encore en installation, précise Mme Morin. « Nous sommes en train de rehausser la qualité et la variété de nos produits par rapport à ce qui était offert sous l’ancienne enseigne. Notamment en matière de luminaires et d’habillage de fenêtre. Nous proposons déjà une très belle sélection d’accessoires et de nouvelles gammes de couvreplanchers », conclut-elle.
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Plus de 250 personnes ont pris part à la journée Parcelles La Coop 2014, le 7 août, tenue dans le magnifique site de la Ferme Clémar, à Saint-Anselme, propriété de Carole Baillargeon, Jean-Clément Lacasse et Martin Lacasse. L’activité a été organisée par le regroupement du Centre de services de Québec/ChaudièreAppalaches SENC, qui regroupe les coopératives Agrivoix, Langevin, Montmagny, Rivière-du-Sud et Unicoop.
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Présentation et démonstration d’équipements agricoles, notamment un épandeur à engrais Amazone et une faucheuse New Holland 313 munie d’un GPS. Les participants ont également pu assister à une pulvérisation aérienne par hélicoptère, gracieuseté de la société Héli Mistral Service. En outre, des ateliers ont permis d’aborder des sujets d’actualité : choix des meilleures variétés de plantes fourragères, applications de fongicides sur le soya, implantation du blé d’automne, nouveaux hybrides de maïs et cultures intercalaires (ray-grass), profil de sol et culture du maïs sous plastique. Une trentaine de variétés avaient été ensemencées dans de multiples parcelles.
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Un 75e anniversaire pour Agrodor La Coop Agrodor a convié ses membres à célébrer ses 75 ans lors d’une journée haute en couleur, le 10 août dernier, à la Ferme Brylee. Au programme, des activités pour toute la famille : bingo, tirs à la corde, jeux gonflables, magiciens, maquilleurs, etc. Fondée en 1939, La Coop Agrodor est la principale coopérative agricole des vallées OutaouaisLaurentides. Elle a pour mission de participer à la prospérité de ses membres en leur offrant des biens et services de qualité aux meilleures conditions et en leur redistribuant la richesse créée par ses activités.
PHOTO : LA COOP DES BOIS-FRANCS
Machinerie C. & H. célèbre ses 45 ans Propriété de La Coop des Bois-Francs, Machinerie C. & H. est issue du regroupement de deux concessionnaires New Holland, lors de leur acquisition commune, en 2010, du garage Machinerie C. & H., situé à Saint-Guillaume. L’entreprise, qui offre un très large stock de pièces et de machines neuves et usagées, réunit aujourd’hui les succursales New Holland de Victoriaville, Nicolet-Yamaska, Saint-Guillaume, Cookshire-Eaton et Sainte-Martine. Plus de 350 membres, clients et employés ont participé aux festivités, le 16 août dernier. « Depuis la création du garage de Saint-Guillaume, en 1969, les trois propriétaires, Raymond Houle, Léo Corriveau et Denise Corriveau, ont su développer une belle structure et surtout une culture d’entreprise solide et efficace. C’est dans cette optique que tous les employés de Machinerie C. & H. s’efforcent de travailler afin d’offrir le meilleur service qui soit à ses clients », affirme Gilles Denette, directeur général de Machinerie C. & H. Cette journée était également une belle occasion de rendre hommage aux trois anciens propriétaires et fondateurs de l’entreprise. Pour ce faire, trois chandails de hockey aux couleurs de Machinerie C. & H. ont été créés et leur ont été remis en témoignage de reconnaissance.
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Le Coopérateur agricole | OCTOBRE 2014
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