« JE NE SUIS PAS COPILOTE JE SUIS PILOTE » Pendant cinq mois Tristan Champion a vécu le congé paternité en Norvège alors que sa femme reprenait le boulot. Son quotidien avec sa fille, la gestion de la maison, la rencontre avec d’autres pères en congé pat’ lui ont inspiré un blog truffé de conseils pratiques et de témoignages drôles et percutants : labarbapapa.blog. Cette année, c’est dans un ouvrage engagé que Tristan témoigne de son expérience, pour changer notre regard sur la paternité, la maternité, la vie familiale. Pour Nœuf, Tristan a bien voulu faire la peau aux clichés coriaces sur les pères. Textes et photographie Tristan Champion Illustrations Cathy Angleraud
« L’instinct maternel n’existe pas plus que l’instinct paternel. Nous sommes parents, nous apprenons sur le tas. »
Je m’appelle Tristan, j’ai 35 ans. Ma femme, Louise, est Norvégienne. Nous avons deux enfants. Notre premier, Émile, est né en 2014 à Paris. J’avais alors bénéficié de 11 jours de congé paternité. Pour notre deuxième, Nora, née en 2017 à Oslo, j’ai eu la surprise de découvrir le congé parental norvégien. Il permet au couple de se répartir 10 mois de congés parentaux indemnisés par l’État à 100 % du salaire. Louise attachait de l’importance à couper la poire en deux : elle commencera par cinq mois de congé maternité et j’enchaînerai avec cinq mois de congé paternité. Je m’occuperai seul de ma fille pendant cette période car en Norvège, le congé parental est alterné. Les parents se relaient pour s’occuper de l’enfant. J’étais si étonné de ce système que j’ai spontanément eu envie de partager mon immersion dans le mode de vie nordique. Plutôt inquiet au début à l’idée de lâcher mon travail si longtemps, changer des couches à longueur de journée, accepter cette inversion des rôles dans le foyer, je craignais surtout une période d’ennui. Confronté à un plongeon grandeur 44
nature dans la modernité, je me rassure en observant la société qui m’entoure : 70 % des hommes prennent au moins trois mois de congé paternité. Si j’avais un message à transmettre aux futurs pères, c’est de dire qu’une mère ne s’occupe pas mieux que vous de l’enfant. Juste différemment, vous êtes tout aussi légitime à vous impliquer, à prendre plaisir comme à galérer. Commettre des erreurs fait partie de la parentalité. Les femmes en commettent des tonnes, la mienne a fait tomber notre nouveau-né du lit plusieurs fois et m’a appelé paniquée. On peut tous se planter : les premières couches, les biberons à bonne température, déboucher les narines de son bébé. L’instinct maternel n’existe pas plus que l’instinct paternel. Nous sommes parents, nous apprenons sur le tas. Et si on joue le jeu, on y prend plaisir. La société évolue très vite et les hommes sont de plus en plus libérés. Ils prennent plaisir à s’occuper de leurs enfants et le montrer. La nouvelle masculinité induit clairement que