ISBN : 978-2-35348-181-1
Makoto est maladroit depuis la naissance, et n’a jamais été capable de mener autre chose qu’une vie médiocre. Cette vie, c’était la même que celle de son père. De petites anecdotes insignifiantes au premier abord mais pleines de finesse et d’acuité, et surtout remplies d’une douceur qui vous fait chaud au cœur, inspirées de la vraie vie de Yarô Abe, l’auteur de La Cantine de minuit, qui a grandi à Shimanto, dans le département de Kôchi, au sud de l’île de Shikoku.
TRADUIT DU JAPONAIS PAR MIYAKO SLOCOMBE
… et mon père n’avait pas trop la personnalité d’Ittetsu.
Qu’estce qui y aaa ?
…
… je n’avais pas la carrure de Hyûma…
Rien. J’vais pisser. beurk …
Si tu y crois, prends le chemin semé d’embûches …
ut o r P
♬ À cette époque, il était sur le point … la perséde prendre une importante décision. vérance d’un homme…
N’importe où dans le jardin…
♬
C’est ça…
… mon père urinait.
♪
Acheter Maladroit de Naissance
… de tout le Japon.
Je suis le meilleur ouvrier journalier …
S n i f Ittetsu Hoshi, le père du héros…
Mon père s’est peut-être identifié à lui.
… travaillait sans relâche, couvert de sueur et de boue…
Makoto, mon fils !
Hyûma, mon fils !
Il essaya de devenir Ittetsu Hoshi, mais…
32
♬
Si tu y crois, prends le chemin semé d’embûches C’est ça, la persévérance d’un homme…
♪
(L’étoile des géants)
Jusqu’à saisir l’étoile des géants C’est ça, la marque des champions…
♬
C’était la grande vogue d’Ikki Kajiwara*.
♬
Tu dois suer sang et eau, ne sèche pas tes larmes…
Lancetoiiii…
♪
Vas-y, Hyûma !
♪ * Scénariste de mangas, romancier et producteur de cinéma, Ikki Kajiwara (1936-1987) a écrit le scénario de célèbres mangas de sport tels que kyojin no hoshi (L’étoile des géants) et Ashita no Joe.
31
Ça suffit, maintenant.
Gniii …
Gniii …
Ma mère craignait que ça rende Izumi colérique.
Ce jour-là, pour la première fois, j’étais sorti dans le jardin en la portant avec moi.
Je suis sorti en te portant dans mes bras Petite sœur Et je t’ai fait tomber
J’ai encore une photo de moi de l’époque, où je tiens Izumi dans mes bras.
Mais elle était tellement lourde…
… et moi j’étais si faible…
30
“Maaa”, ça voulait dire “Makoto”. C’était moi, donc.
Maaa …
Gniii…
Izumi s’est mise à faire du quatre pattes et à parler rapidement. Même si elle avait toujours la tête d’un lutteur de sumo…
Gniii…
… a apprise à Izumi…
À chaque fois qu’Izumi poussait, il était content.
29
Ha ha ha !
Gniii…
La première chose que mon père…
… c’est de pousser fort en disant : “Gniii”.
Nommée Izumi, ma petite sœur a grandi sans jamais tomber malade.
J’ai essayé de les ouvrir, mais… À sa naissance, elle avait les poings serrés.
Quand j’y suis enfin parvenu, j’ai trouvé à l’intérieur un truc blanc et visqueux, comme de la sueur agglutinée.
… elle avait une force impressionnante…
… et ce n’était pas évident.
28
Mont’nous ça.
Dans le petit lit…
… dormait un bébé tout rond et bien gros qui ressemblait au lutteur de sumo Asashio IV.
En observant ma petite sœur, mon père…
… était peutêtre en train d’imaginer son futur…
27
C’est ton papa et ton frangin.
Novembre de l’an 42 de l’ère Shôwa (1967)
(Hôpital Matsuki - Obstétrique - Médecine généraliste)
Alors, ça y est ?
Une petite sœur ?!
Makoto, t’as une p’tite sœur.
26
Chapitre 2
Un chemin semé d’embûches
J’étais content de pouvoir manger deux bonbons, mais c’est surtout le fait que la maîtresse ne soit plus fâchée qui m’a réjoui.
Mais peu après, Mme Okada a quitté la maternelle.
Ha ha ha ! Si la maîtresse est partie, c’est parce qu’elle va avoir un bébé. T’inquiète pas, Makoto.
Même un mauviard Peut-il devenir grand frère ?
Si la maîtresse elle a arrêté, c’est peutêtre parce que j’ai fait tomber le vase…
Comme j’étais d’un naturel inquiet…
…
Un bébé …
Toi aussi, tu seras bientôt grand frère. Alors faut qu’tu sois fort, hein.
24
Ah !
Dis donc, toi ! Qu’estce qui t’a pris ?
Euh …
La maîtresse s’était fâchée contre moi. Sous le choc, j’ai eu une poussée de fièvre et le lendemain, je suis resté à la maison.
Le surlendemain…
Oui, parce que tu n’étais pas là. C’est ta part d’hier et celle d’aujourd’hui.
Hein, j’en ai deux ?!
23
Mon rêve, c’était d’en manger deux ou trois d’un coup, ne serait-ce qu’une fois.
Mais on n’avait droit qu’à un bonbon par jour.
Dans la classe, on appelait ces bonbons des “jellies” mais en fait ça devait plutôt être des “kanyu drops”.
Ils étaient délicieux et sucrés…
Ce jour-là, Mme Okada écrivait quelque chose sur son bureau et les enfants s’étaient regroupés autour d’elle.
Je garde un souvenir de cette année-là que je n’oublierai jamais.
Mais à l’instant où j’ai sauté de la barre, le bureau s’est penché et le vase est tombé.
clac
Moi aussi, j’étais là.
Je me tenais debout sur la barre horizontale en bois au pied du bureau…
Classe des fleurs de cerisier, moyenne section
Joignez les mains pour faire une tulipe. Ensuite, faites-la fleurir …
Mme Okada glissait toujours un petit bonbon rouge à l’intérieur.
21
An 42 de l’ère Shôwa (1967) – Entrée à l’école maternelle Nakamura
Ma maîtresse, Mme Okada, était une belle femme au teint de porcelaine.
Avant de rentrer chez nous, on chantait une chanson et on formait une tulipe avec les mains.
SALLE DE CONSULTATION
Je veux pas la piqûre ! Pas la piqûre ! Naaan !
Moi, j’étais un habitué de la clinique et je m’entendais bien avec le docteur et les infirmières…
Oh, comme tu es courageux.
Naan !
Ouiiin !
Ils sont têtus, Les mauviards
Souvent, les endémenés sont peureux et pleurnichards.
Les piqûres, je connaissais ça…
… et je ne pleurais pas.
20
Hé ! ne fais pas ça ! Désolée, mon petit.
Arrête.
[Endémené] (adj.) : fou, turbulent. C’était plus ou moins un antonyme de mauviard.
Permettez …
19
C’est qu’il est endémené.
Kazunori Ôe ?
Il a de l’énergie, votre fils.
Dès qu’il rentrait, il se mettait en caleçon. C’était un homme simple.
Qu’estce qui lui arrive encore, à Makoto ?
Dehors, mon père portait une chemise et des knickerbockers confectionnés par ma mère.
On dirait qu’il a de la fièvre.
[Mauviard] (n.m.) : Mauviette. Comme j’étais fragile de corps et d’esprit, on m’appelait souvent ainsi.
Le dr Kubota était pédiatre, et j’allais le voir deux à trois fois par mois.
Il a encore attrapé un rhume, c’te mauviard ?
On ira voir le dr Kubota demain, il te donnera un médicament sucré.
D’accord.
Clinique Kubota pédiatrie
18
De nature fragile, j’étais souvent enrhumé ou fiévreux.
Maman… J’ai le nez tellement bouché que je crois que je vais mourir.
Coucou, c’est moi.
Allez, fais “froush” !
Froush.
Elles m’ont tellement piqué le visage que j’étais méconnaissable.
La vengeance des abeilles a été terrible.
Mais j’étais si inquiet… Bah, tu seras bientôt guéri. T’inquiète pas.
Oui.
Elles t’ont pas raté, dis donc. T’as eu mal ?
Âgé de trois ans, Face au miroir, Je plonge dans le désespoir
… qu’à chaque fois que je me regardais dans le miroir de ma grandmère…
… je posais la même question (d’après ma grandmère).
Mamie, estce qu’un jour mon visage va redevenir comme avant ?
16
J’aimais particulièrement ces séries…
À la télévision, je regardais le sumo, les mélodrames de l’été, les séries historiques…
… et je jouais souvent tout seul en agitant un sabre en jouet.
z Bzz
Yaah !
… j’ai donné un coup sur une des ruches.
15
Yah !
Un jour, je ne sais pas ce qui m’a pris, mais…
À l’époque, mon père élevait des abeilles et l’hiver, il posait les ruches au soleil, dans le jardin.
J’étais très proche de mes grandsparents.
Mon grandpère travaillait dans une imprimerie.
Ex-sergent de l’armée de terre, c’était un homme sérieux, à l’opposé de mon père.
é
n iso e Ma ipal c n i pr
e tr No on is a m
N sa ave um t e ur n e
Th
On vivait sur le même terrain, et eux occupaient la maison principale.
Quand on passe du temps avec des personnes âgées…
Ma grand-mère était d’un naturel く aimable. Elle avait beaucoup d’amies et connaissait toutes les rumeurs du quartier.
Aah …
… on développe des goûts de vieux.
14
Aucun regreeet pour ma femme qui s’est Barréée…
Lors des fêtes de famille, on me faisait souvent chanter pour amuser la galerie.
Mais qu’il m’attendrit, cet enfant qui demande le sein…
Zentendez comme il pousse sa voix ?
Connaître une chanson par cœur Sans en comprendre les paroles
À force de pousser…
… il m’est aussi arrivé ça, un jour…
13
Maman, j’ai fait caca…
… pour ma femme qui s’est barréée… Aucun regreeet …
Hé, Makoto… Faut pousser plus fort ta voix sur “ma femme qui s’est barrée”.
Ma femme qui s’est Barréée…
Plus.
Voilà, c’est beaucoup mieux.
Ma femme qui s’est Barréée …
Plus, plus.
Ma femme qui s’est Barréée …
12
Les berceuses je sais pas les chanter, mais la chanson de l’imbécile je la connais…
C’était une chanson populaire à la mode, interprétée par Tarô Hitofushi.
Ouais, c’est bien !
La chansooon de l’imbéciiile…
Écoute-le donc, mon fédodooo…
11
Écoute-le donc, mon “fais dodooo”…
Mon père était employé à la succursale Watarigawa du ministère de la Construction. Bien qu’étant fonctionnaire, il travaillait aussi sur les chantiers, ce qui expliquait peut-être pourquoi il appréciait cette chanson qui célébrait les ouvriers.
Le repas est prêt, hein…
Alors chante après moi.
Makoto, tu veux que j’t’apprenne une chanson ?
D’accord.
Oui …
Aucun regreeet pour ma femme qui s’est barrééée…
Aucun reugrééé pour ma femme qui sébarrééée…
Mais qu’il m’attendriiit, cet enfant qui demande le sein…
…
10
Ma mère, Masami.
Viens voir, Makoto. J’ai un p’tit cadeau pour toi.
Il adorait faire ce genre de choses.
Beuuurk …
… ses pets dans sa main pour me les faire sentir.
C’est quoi ?
Mon père capturait souvent …
9
Viens, j’te dis.
An 40 de l’ère Shôwa (1965)
Ploc
Nakamura, département de Kôchi (actuelle ville de Shimanto)
Ploc
Moi, c’est Makoto.
Lui c’est mon père, Akira.
Je passe mes journées à dessiner à la maison.
prout
8
Chapitre 1
La berceuse
Ils exprimaient la maladresse dont je faisais preuve dans l’agence de publicité où je travaillais à l’époque, mais aussi la vie que j’avais menée jusqu’ici, malhabile et pleine de détours. (Maladroit de naissance)
Maladroit de naissance …
À force de les répéter à voix haute, je me suis souvenu qu’il y avait un autre homme à qui ces mots correspondaient à merveille.
Cinq ans après mon entrée dans la vie active, je me suis remis au dessin.
J’ai décidé de réaliser un manga sur mon père et moi.
C’était mon père, décédé quand j’étais en terminale.
Papa…
6
Ah, cette toux interminable… Soudain, je me suis remémoré un vers d’Ozaki Hôsai** que j’avais lu autrefois dans un manuel scolaire.
** Poète japonais (1885-1926).
Koffff Ko
Koff… Koff… Koff…
Alors que l’ère Shôwa venait de s’achever*, j’étais cloué au lit dans ma modeste chambre située dans un coin reculé du quartier de Kôenji.
* L’ère Shôwa s’est étendue de 1926 à 1989.
Même quand je tousse, je suis seul
Ce vers m’a beaucoup marqué.
Un matin, j’ai imaginé ces mots… Une fois guéri, je me suis mis à composer des vers imitant le style de Hôsai.
Sommaire Chapitre 1 - La berceuse p. 5 Chapitre 2 - Un chemin semé d’embûches p. 25 Chapitre 3 - La classe des chrysanthèmes p. 41 Chapitre 4 - Première année à l’école primaire Nakamura p. 58 Chapitre 5 - Le retour du père p. 73 Chapitre 6 - Les vacances d’été p. 89 Chapitre 7 - Le daruma borgne p. 105 Chapitre 8 - La fête des sports p. 121 Ouverture exceptionnelle de la Cantine de minuit p. 135 Chapitre 9 - À propos de Saitô p. 141 Chapitre 10 - L’avenir appartient à ceux qui se lèvent tôt p. 157 Chapitre 11 - L’exposition universelle d’Ôsaka p. 173 Chapitre 12 - Les canaris p. 189 Chapitre 13 - Premier amour et grimper de mât p. 205 Chapitre 14 - La visite scolaire des pères p. 221 Chapitre 15 - Le shôgi et le koto p. 237 Chapitre 16 - Le début de ma puberté p. 253 Dernier chapitre - Un père et son fils p. 270 À propos de M. Sanogawa p. 286 Cette édition regroupe les deux volumes de l’édition japonaise.
Maladroit
de naissance YarĹ? Abe