fant么mes japonais Atsushi Sakai
Depuis les temps anciens, on raconte au Japon de nombreux kaïdan, des histoires de fantômes. La croyance veut que, quand un homme meurt, il ne reste de lui que son âme, qui rejoint le monde des morts. Mais il arrive parfois que l’un de ces esprits reste dans notre monde, ou revienne de l’au-delà. C’est de ces fantômes qu’il est question, aujourd’hui encore, dans les kaïdan. Le premier récit de ce livre s’inspire de la nouvelle L’Impure passion d’un serpent, extraite du recueil Contes de pluie et de lune d’Akinari Ueda. Un homme se fait aimer d’un serpent maléfique. L’animal se transforme en une belle jeune femme et tente d’ensorceler l’homme, mais grâce à l’intervention d’un moine le serpent finit par être terrassé. La deuxième histoire est une adaptation de Kôya hijiri [Le Saint homme du mont Kôya] de Kyôka Izumi. Un moine en apprentissage au mont Kôya rencontre sur son chemin une belle jeune femme et en tombe amoureux. La femme se révèle être un terrifiant yôkaï qui tente de le changer en animal, mais le moine parvient à lui résister en récitant des soutras, et peut ainsi poursuivre son voyage initiatique. Ces deux premiers récits sont donc issus d’œuvres classiques de la littérature japonaise, tandis que j’ai moi-même écrit les textes suivants.
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Le saint homme du mont Koya
Dans les montagnes reculées, sur le chemin de traverse qui relie Hida à Shinshû, il n'y a pas un seul arbre pour se reposer, et, à droite comme à gauche, ce ne sont que des montagnes. Dès qu'apparaît une cime que l'on croirait presque pouvoir toucher de la main, en surgit une nouvelle, et le sommet est tellement imposant que même les oiseaux qui volent ne distinguent pas la forme des nuages. C'est en un pareil lieu que je respire, de manière subtile – serait-ce l'air de la montagne, ou la senteur d'une femme ? – , un doux parfum. Il n'y a personne aux alentours. Cependant, je me dis que cela ne peut pas être l'heure des démons. À nouveau une pente, d'environ deux ri 1, ondulant comme un énorme serpent. Mes jambes en tremblent, mais si je tombe, cette chaleur moite va m'étouffer, alors je fais encore un pas. Comme si j’observais discrètement, sous le vague clair de lune empli d’une sinistre atmosphère, la silhouette d’une belle jeune femme, je me concentre, sombrement. Alors que je la vois ouvrir son dessous de kimono au niveau de sa poitrine généreuse et dévoiler son corps nu, je me dis que tout ceci est un rêve. Si, entouré par d’étranges figures, reflets au clair de lune de la peinture de l’enfer de la voie des bêtes, on m’enveloppait doucement de pétales de fleurs au parfum délicat, j’accepterais de disparaître, même si mon âme quittait mon corps à jamais.
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Le voyage aux enfers de la fille de joie
Dès l'âge de huit ans gardant des nourrissons, Oharu à seize ans fut vendue au bordel Ses parents ont signé un contrat de cinq ans Mais cet engagement s'enfonça dans l'oubli Et dix ans elle erra sur la mer des douleurs Là où, cruel, le maquereau sans coeur la guide, L'enfer sur terre avant d'atteindre l'au-delà L'accompagne Oyuki, vendue à dix-sept ans Soeurs éphémères jusqu'au prochain quartier de putes Ces filles-là n'ont pas le droit d'avoir d'enfant Rêver de vivre comme une femme de ce monde Le moulin de papier, seul, crépite dans le noir Ajouter un caillou en offrande à mon père, Ajouter un caillou en offrande à ma mère, Qu'il est triste d'user sa couche avec des larmes L'avenir d'Oharu et d'Oyuki ressemble A un océan noir coulant vers l'infini Se consolant l'une l'autre, elles rêvent un instant.
Le double suicide à tête de taureau
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