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“Cure de rajeunissement et de professionnalisation” Compte-rendu de notre table ronde avec trois agences événementielles

AUTOUR DE LA TABLE AVEC EXPERIENCE MAGAZINE

AGENCIES LES AGENCES ÉVÉNEMENTIELLES EN 2022: CURE DE RAJEUNISSEMENT ET DE PROFESSIONNALISATION

Maintenant que nous sommes enfin passés au code jaune, le secteur événementiel peut reprendre ses activités sans restrictions. Néanmoins, les deux dernières années auront laissé des traces indélébiles. Empreintes d’éléments positifs et négatifs. Au cours d’une table ronde, nous avons abordé les principaux défis et préoccupations pour nos agences événementielles.

Le 23 février, Experience Magazine a organisé l’événement de networking ‘Back 2 Live’ au site événementiel anversois AEC (Antwerp Engineering Company). Deux heures avant le début de cet événement, nous nous sommes mis à table avec Tom Bellens (Push To Talk), Karin Van Passel (d-side) et Jan De Wieuw (JADA events) pour une discussion transparente sur leur métier en l’an 2022.

REDÉMARRAGE Le code rouge a fait place au code orange. Le code orange s’est mué en code jaune. Les agences événementielles voient enfin le bout du tunnel. Mais elles sont bien conscientes que 2022 sera encore une année tout sauf évidente. Karin Van Passel (d-side): “Oui, nous avons redémarré. Mais les grands événements manquent encore à l’appel. De plus, nous devons commencer par des événements qui ont déjà été déplacés deux fois, avec des budgets fixés il y a parfois trois ans. Des budgets qui, aujourd’hui, ne permettent plus de faire des événements du même calibre. Il faut compter un supplément de 15 à 20%.” Jan De Wieuw (JADA events): “D’un autre côté, en n’organisant rien pendant deux ans, les entreprises ont également pu faire des économies. Cela peut paraître fou, mais toutes les entreprises n’ont pas connu la crise. Maintenant que c’est à nouveau autorisé, elles voudraient organiser quelque chose pour leurs clients et leurs collaborateurs. Des événements pour lesquels elles sont prêtes à délier davantage les cordons de la bourse. Les gens ont dû travailler dur pendant deux ans, depuis chez eux. Ce qui a parfois eu totalement raison de la cohésion. Ils trépignent d’impatience. Et dès qu’ils pourront se retrouver, ils se lâcheront.” Karin Van Passel: “Les petits événements ont en effet déjà le vent en poupe. Pourtant, je prévois encore une période difficile d’avril à juin, pour différentes raisons. Le redémarrage n’est en effet pas si évident. Les fournisseurs éprouvent des difficultés. Les personnes de contact habituelles ont disparu. L’élaboration d’offres prend plus de temps parce que le directeur doit lui aussi souvent mettre la main à la pâte sur le terrain. Et puis, il y a le problème de la trésorerie. Les événements que nous préparons maintenant ne nous seront parfois payés qu’à l’automne.” Tom Bellens (Push To Talk): “Heureusement, nous avons continué à organiser des événements, principalement des événements digitaux. Je remarque que – comme ces deux dernières années – il ne faut pas sous-estimer le pouvoir du LIVE. Notre agence reçoit actuellement beaucoup de demandes et de nouveaux briefings, non seulement pour des événements purement en présentiel, mais aussi pour des associations avec du digital.”

DAVANTAGE DE PROFESSIONNALISATION Le terrain de jeu sur lequel opèrent les agences événementielles a lui aussi quelque peu changé. Karin Van Passel: “De nombreuses règles ont changé par rapport à il y a deux ans. Cela complique encore les choses. D’autre part, les annonceurs se rendent compte qu’ils ne peuvent plus tout faire eux-mêmes. ‘Je réserve une salle et un traiteur, et le tour est joué.’ Non, ça ne marchera plus. Parce qu’ils doivent prendre en compte la sécurité, les règles du RGPD, les accords de confidentialité, etc.” Tom Bellens: “En raison des circonstances, la professionnalisation de notre secteur va donc se poursuivre. Tout devient plus complexe, les risques liés à l’organisation sont plus nombreux: responsabilité civile, élaboration de procédures, analyses des risques, trésorerie... Les freelances vont désormais réfléchir à deux fois avant de se lancer dans un projet en solo. Malheureusement, un freelance ou une structure trop petite ne pourra plus tout supporter seul(e). Parce que si le client dit à un moment donné ‘nous allons reporter l’événement’, vous vous retrouverez alors dans de sales draps.” Karin Van Passel: “Pour poursuivre cette professionnalisation, il importe également que nous continuions à grandir avec l’ACC. En faisant entendre notre voix, nous pourrons faire bien plus. Il est donc important de se parler régulièrement et de réfléchir ensemble. Cela pourra nous rendre mutuellement beaucoup plus forts..”

DE BONS ACCORDS AVEC LE CLIENT A la veille de la relance du secteur, l’ACC envoie un quadruple message aux clients. Plan well ahead. Adapt your timing. Respect the Pitch Charter. Adapt your budgets. Karin Van Passel: “Ces quatre points ne doivent pas constituer un fardeau, mais plutôt une base pour survivre agréablement à cette année tempétueuse. Le problème des pitches trop larges demeure encore et toujours. Pourquoi encore réunir 10 agences – qui ont souffert deux ans – dans un même pitch? C’est une perte de temps et d’argent pour tout le monde.” Jan De Wieuw: “Je distingue deux types de clients. D’un côté, il y a ceux qui disent: ‘tout le monde cherche du travail, autant élargir le pitch’. De l’autre côté, il y a ceux qui sont compréhensifs: ‘vous avez déjà souffert deux ans, nous n’allons pas lancer de pitch. Ce projet est pour vous’.” Karin Van Passel: “Nous analysons toujours très méticuleusement les pitches. Je demande constamment combien d’agences sont en lice. Et j’envoie aussi la charte relative aux pitches. Certains clients tombent alors totalement du ciel.” Tom Bellens: “J’aime aussi savoir qui je vais devoir affronter. Je n’ai pas besoin de connaître les noms exacts, mais bien le type d’agence. Nous investissons par exemple beaucoup de travail dans le contenu. Si vous êtes ensuite mis en concurrence avec un traiteur amélioré – avec tout le respect que j’ai pour eux – ou un fournisseur audiovisuel qui propose également des événements digitaux, vous pouvez alors vous demander ce que les gens attendent réellement. Pour moi, le défi consiste à m’immiscer le plus haut possible dans l’organisation pour aider à traduire sa stratégie. C’est en effet à ce niveau que l’on peut se faire une idée précise des attentes et de la vision de l’entreprise.”

L’EXODE DES TALENTS Pendant la période du Corona, le secteur événementiel a été touché par un exode massif des talents. Avec comme conséquence le fait que les forces vives restantes attirent aussi les convoitises des collègues. Karin Van Passel: “Notre secteur est évidemment libre, et les gens peuvent naturellement y postuler. Mais nous devons faire attention à ne pas débaucher mutuellement nos collaborateurs, parfois même par trois d’un coup. Cela n’aidera pas notre secteur à avancer.” Tom Bellens: “Pourtant, nos plus grands concurrents sont les autres secteurs. Nos collaborateurs sont dynamiques, agiles, flexibles, proactifs... Ils ont l’esprit pratique et savent ce qu’est un deadline. Autant de qualités également appréciées dans de nombreux autres secteurs. Notre secteur a créé de nombreuses personnes extrêmement talentueuses qui sont maintenant parties tenter leur chance ailleurs.” Karin Van Passel: “Ceux qui sont encore là maintenant, ce sont les survivants, qui se sont vraiment battus pour cela. Mais je pense aussi que certains reviendront. Parce qu’ils ont une certaine passion qu’ils ne pourront continuer à réprimer. Si nous nous y prenons correctement, ils reviendront.” Jan De Wieuw: “Tout ce capital humain que nous avons perdu en tant que secteur se reconstruira, j’en suis également convaincu. Mais il faudra beaucoup de temps pour reconstituer cette expertise et cette expérience.”

“IL EST IMPORTANT DE SE PARLER RÉGULIÈREMENT ET DE RÉFLÉCHIR ENSEMBLE. CELA POURRA NOUS RENDRE MUTUELLEMENT BEAUCOUP PLUS FORTS.” – KARIN VAN PASSEL

FORMER ET SOUTENIR LA NOUVELLE GÉNÉRATION Le personnel des agences événementielles va donc fortement se rajeunir dans un avenir proche, c’est inéluctable. Tom Bellens: “Je suis professeur, chargé d’une formation dans l’événementiel. Quelque 200 étudiants sont diplômés de cette formation chaque année, mais d’un autre côté, il n’y avait auparavant que 5 à 10 places disponibles dans les agences. Cela va maintenant changer. Nous allons avoir un afflux de très nombreux jeunes qui n’avaient pas d’opportunités auparavant. C’est donc positif! Le problème est que les quelques aînés n’auront pratiquement pas le temps de les former. Nous allons donc vraiment devoir jeter certains jeunes aux loups.” Jan De Wieuw: “Le problème ne se situe pas uniquement au niveau des agences événementielles, mais à tous les niveaux. Les étudiants qui allaient normalement travailler chez des traiteurs n’ont plus pu acquérir d’expérience depuis deux ans. Idem pour les hôtesses. Et le personnel expérimenté, qui devrait normalement transmettre son savoir, est parti. Il y a donc un manque d’expérience.” Tom Bellens: “Il est peut-être aussi temps d’attirer d’autres personnes. J’ai récemment accueilli quelqu’un ayant une formation d’anthropologue. Cela devrait également pouvoir fonctionner, non? Les événements n’ont-ils pas pour but de rassembler les gens? De les faire bouger, de les mettre en relation? Et c’est précisément la force de la live communication. Je pense que nous devrions aussi nous ouvrir à de tels profils. Pendant des années, nous avons vu 99% des mêmes personnes aux mêmes postes. Mais dans les prochaines années, nous allons rencontrer de nombreux inconnus et nouveaux visages lors d’événements comme les BEA Awards. Et cela peut aussi s’avérer positif.” Jan De Wieuw: “Malgré les nombreux départs recensés, les gens veulent cependant encore vraiment travailler dans notre secteur. Nous avons par exemple reçu plus de 40 réactions à notre dernière offre d’emploi. Cela m’a tout de même agréablement surpris.”

“MALGRÉ LES NOMBREUX DÉPARTS RECENSÉS, LES GENS VEULENT CEPENDANT ENCORE VRAIMENT TRAVAILLER DANS NOTRE SECTEUR.” – JAN DE WIEUW

LA RÉVOLUTION DIGITALE En très peu de temps, le secteur événementiel a connu une révolution digitale. Et il ne s’agissait pas d’une solution temporaire, car les événements digitaux sont bien partis pour rester. Tom Bellens: “Durant la période du Corona, nous avons touché un nouveau marché. Je pense aux entreprises qui n’étaient pas en mesure d’organiser des événements auparavant parce qu’elles travaillaient 24h/24 sous un régime d’équipes, aux hôpitaux et établissements de soins, aux organisations dont la taille est telle qu’un événement en présentiel s’avère impossible dans la pratique ou financièrement difficile... Elles ont désormais goûté à la possibilité d’établir cette connexion via le monde digital. De telle sorte que nous recevons désormais des demandes pour des événements physiques mais aussi digitaux. C’est fantastique. Ces événements digitaux offrent-ils le même niveau de connexion? Peut-être pas. Mais c’est un moyen efficace de communiquer. Je pense que nous devrions nous concentrer davantage sur ce que nous avons pu faire au cours des derniers mois, et pouvons faire aujourd’hui, plutôt que sur ce que nous n’avons pas pu faire.” Karin Van Passel: “Le digital ne disparaîtra plus. Les entreprises qui avaient l’habitude de se réunir deux fois par an optent désormais pour une réunion physique et une réunion digitale. Et elles se mettent à réfléchir beaucoup plus au contenu, ce qui n’est pas une mauvaise chose en soi.” Tom Bellens: “C’est très chouette lorsqu’un client veut combiner le physique et le digital. D’un autre côté, cela complique notre travail. Parce que vous devez avoir le même jour à la fois un bon traiteur et un bon partenaire technique... Vous organisez en même temps une émission de télévision et un événement physique. Ainsi, en termes de planning

et d’organisation, nous vivons une époque chouette mais complexe. Avec plus de préparation, plus de cahiers des charges et plus de stress pour l’agence. Il n’est plus possible de se dire ‘cela sera rapidement plié’.” Karin Van Passel: “D’un autre côté, le Corona a fait prendre conscience de deux choses: we love live et we need live. La tape dans le dos à la fin d’une négociation commerciale lors d’un événement physique a encore et toujours plus d’impact qu’un clin d’œil sur un écran.” Jan De Wieuw: “La sensation derrière un écran est donc loin d’être identique. Lors des événements en ligne, on remarque que les gens sont facilement distraits ou n’allument même pas leur caméra.”

FINIS LES LONGS DISCOURS Les événements physiques vont eux aussi changer en raison des enseignements tirés au cours des deux dernières années. Tom Bellens: “Les gens exigent désormais la même rapidité et la même compacité pour les événements physiques que pour les événements digitaux. Les longs discours appartiendront au passé. Une évolution en faveur de laquelle nous plaidions d’ailleurs déjà depuis un certain temps, mais le client y était attaché. Lors des événements digitaux, les gens décrochaient facilement dès que ce n’était plus intéressant. Maintenant, ils font de même lors des événements physiques. Nous constatons également que les gens commencent à faire une distinction entre le contenu et les autres aspects. J’observe par exemple que des entreprises proposent du contenu sous forme digitale le vendredi après-midi, pendant les heures de travail. Le samedi après-midi, il y a ensuite du temps pour la connexion et l’intégration. Je suis un partisan de la scission entre informer et enthousiasmer.” Jan De Wieuw: “Naturellement, la donne est différente pour les véritables événements clients. Ici, vous continuerez à adapter votre message dans le cadre d’événements physiques. Même si je suis d’accord pour affirmer qu’il existe des manières beaucoup plus intéressantes de le faire que via le discours typique.” Karin Van Passel: “Nous sommes maintenant plus avancés dans le domaine de la durabilité. Nous avons dû nous battre pendant si longtemps, notamment via l’initiative ‘Don’t Spoil the Party’. Il y a aujourd’hui une prise de conscience, et les gens y réfléchissent plus consciemment. Je pense, par exemple, au fait de faire venir certaines personnes par avion. Si vous faites encore venir des gens par avion, c’est pour un programme complet via lequel vous ne les lâcherez pas. Mais on ne fait plus venir quelqu’un pour l’écouter uniquement pendant deux heures.” Tom Bellens: “Nous avons peut-être tous travaillé trop longtemps de la même manière. Mais nous avons maintenant dû nous réinventer. Et nous l’avons fait.” Jan De Wieuw: “D’un autre côté, en tant qu’agences événementielles, on nous lance tout de même continuellement des

“LES GENS EXIGENT DÉSORMAIS LA MÊME RAPIDITÉ ET LA MÊME COMPACITÉ POUR LES ÉVÉNEMENTS PHYSIQUES QUE POUR LES ÉVÉNEMENTS DIGITAUX. LES LONGS DISCOURS APPARTIENDRONT AU PASSÉ.” – TOM BELLENS

défis. Parce que les responsables marketing et communication attendent toujours quelque chose de différent, de mieux.”

LES DÉFIS POUR 2022 Tous les participants à notre table ronde nourrissent de grands espoirs pour 2022. Même s’ils sont bien conscients que les défis à relever dans le secteur sont encore et toujours très importants. Karin Van Passel: “Tout d’abord, je pense que nous devrions essayer d’obtenir l’adhésion de tous. Je pense que les difficultés vont seulement arriver, et ce pour tout le monde. Les garanties bancaires vont disparaître, les prêts temporaires vont devoir être remboursés, le chômage temporaire va s’arrêter... Les temps vont être difficiles pour notre petit monde.” Tom Bellens: “Les agences qui considèrent le digital – et toutes les autres formes qui se sont développées au cours des deux dernières années – comme un terrain de jeu et qui ont donc évolué sur celui-ci, en cueillent maintenant les fruits et pourront grandir, comme c’est notre cas. Malheureusement, certains collègues me disent que leur téléphone ne sonne pas encore à plein régime. Je leur souhaite sincèrement bonne chance.” Karin Van Passel: “En tant qu’agences, nous ne sommes peutêtre que les petites victimes de la crise. D’accord, nous avons vu partir un important capital humain. Certaines agences plus que d’autres. Mais pour nos fournisseurs, cela a souvent été bien pire. Ils ne sont pas encore tirés d’affaire. Donc oui, notre secteur a encore besoin de soutien.”

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