Le déficit commercial de la filière bois française, Léon DOSSE

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Le déficit commercial de la filière bois française

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Le déficit commercial de la filière bois française

Léon DOSSE Mémoire de fin d’études 2022 ENSA - Paris Val de Seine - Encadré par Sandra Parvu


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sommaire avant-propos p.6

remerciements p.7

introduction p.8 - 16

la gestion des forêts françaises

a. la matière première et la politique des forêts p.17 - 19 b. le concept de gestion durable p.19 - 21

matière première et industrie, le paradoxe a. un morcellement parcellaire p.22 -26

b. cas d’étude, l’inflation des feuillus et notamment du Chêne, impacts sur la filière p.27 - 31 c. un problème d’industrialisation p.31 - 38 d. le plan de relance de l’Etat p.38 - 41

la gestion des déchets de la filière p.42 - 49

conclusion p.50 - 53

bibliographie et annexes p.54 - 81

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avant-propos

Je crois qu’un sujet de mémoire trouve toujours son assise dans une sensibilité personnelle, dans un lien fort parfois inconscient entre une thématique concrète et un affect pour certaines choses qui s’y rattachent. Pour moi, l’image d’un travail autour du bois se lie au paysage dans lequel j’ai grandi, les collines de l’Ain, les crêtes du Jura ou les pitons rocheux de Haute-Savoie. C’est une sorte de bulle fictive qui m’aide à apprécier un travail d’écriture et de recherche que j’appréhendais beaucoup, toujours. Davantage durant certains entretiens où je finissais après avoir fait dire à mon interlocuteur des choses que je savais déjà. Cet avant-propos est quelque part une manière d’exprimer certaines émotions qui accompagnent un travail plus formel, d’analyse de chiffres, de résultats, de changements et de déductions. Cet environnement mental et cette envie de travailler la question de cette ressource s’est aussi construit après plusieurs expériences professionnelles enrichissantes, notamment un stage dans une entreprise de construction bois, celle qui a réalisé la charpente de la maison où j’ai grandi, et celle qui m’a permis d’obtenir un témoignage précieux dans la construction de la réflexion qui suit. C’est aussi un sujet qui alimente la formation d’une culture générale et constructive autour du matériau bois, qui nourrit mon projet de fin d’étude. Ce dernier traite d’un pôle formateur et sensibilisateur à l’utilisation d’un matériau très présent sur notre vaste territoire. Une façon d’anticiper des lectures ou des formations post-diplôme. J’aime penser que le bois révèle plus que tous les autres éléments structurels, le travail de conception et d’ingénierie qui permet à une toiture ou un porte-à-faux de tenir en place, il est vivant.

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remerciements

Tout d’abord je tiens à remercier Sandra Parvu, ma professeure référente, rencontrée dans un groupe de projet en deuxième année, qui a plus qu’assuré son devoir d’enseignante tout au long de l’écriture parfois laborieuse de ce mémoire, a su balayer mes doutes pendant des phases hésitantes, corriger assidûment mes premiers jets, et se rendre largement disponible durant ces courts mois de réflexion. Je tiens également à remercier les différents interlocuteurs qui ont pris le temps de répondre à mes interrogations, l’entreprise Girod Moretti, le Centre national de la propriété forestière, le Comité national pour le développement du bois. Merci à Eva Cojean de la Fédération nationale du bois. Merci à Baptiste Mingoia, ancien collègue étudiant et ami, qui passait son diplôme quand j’entrais en première année, qui a grandement participé à développer ma curiosité architecturale et aujourd’hui à donner plus de corps à ce mémoire. Merci à la Maison de l’architecture d’organiser au bon moment des conférences riches et précises à propos du developpement de la filière bois française. Merci à tous ceux qui, de près ou de loin, ont rendu ces années d’études vraiment superbes.

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INTRODUCTION

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D

e plus en plus de médias du domaine public non

scientifique alertent à la surexploitation des mines de sable qui détruit les fonds marins ainsi que les lacs pour nourrir le secteur du bâtiment. Aujourd’hui, après l’eau, le sable est la seconde ressource la plus convoitée au monde. On le retrouve absolument partout, dans le béton, l’électronique, le verre, l’asphalte, dans certains cosmétiques, mais aussi dans des domaines moins évidents comme certains engrais agricoles. Dans un article du journal Slate, un magazine en ligne sui traite de l’actualité de plusieurs domaines en interrogeant régulièrement des chercheurs, Christian Buchet, directeur du centre d’études de la mer de l’Institut catholique de Paris, et docteur en histoire et économie maritime, va jusqu’à indiquer que le sable est « le défi majeur du 21e siècle ». Dans le même article, Pascal Peduzzi, directeur du programme des Nations

unies

pour

l’environnement

à

Genève,

indique

que

« globalement, chaque individu sur terre consomme 18kg de sable par jour ». A titre de comparaison, en France, le Centre de l’information sur l’eau indique qu’aujourd’hui, chaque habitant consomme en moyenne 148 litres d’eau par jour, au sein de son propre foyer. Imaginez, qu’un peu plus de 12% de votre consommation d’eau journalière représente votre consommation en sable quotidienne. C’est énorme si l’on compare le cycle de l’eau, naturel ou son parcours au sein du réseau de la ville, et le temps de régénération du sable qui correspond à des milliers d’années. Eric Chaumillon, chercheur au CNRS, poursuit, « nous avons besoin de sable, ou plutôt de granulats, qui se créent grâce aux vagues ou via la roche. Ce matériau tient mieux pour les matériaux de construction ». Le problème semble aussi tenir du fait qu’une grande quantité du sable terrestre n’est pas utilisable en construction. En effet, dans le béton, le ciment, seul le sable marin est utilisable, celui du désert est trop arrondi pour coller au ciment.

Alors certains territoires comme Dubaï, en plein désert, doivent importer le sable nécessaire à l’érection de leurs nouvelles constructions. 9


Pour appréhender l’ampleur de cette exploitation et établir un second rapport d’échelle, l’extraction du sable est neuf fois supérieure à celle du pétrole. Ainsi l’industrie se concentre sur les fonds marins, les plages, les rivières et les carrières, une extraction qui n’est pas sans conséquences. En effet l’exploitation du sable n’est pas régulée de la même manière en Europe que dans beaucoup de pays en voie de développement où la demande devient très importante. Pascal Peduzzi ajoute que les plages fonctionnent comme des boucliers anti-tempête. « Concernant les rivières, on en change la forme avec l’extraction du sable. On joue sur l’érosion des berges et le risque est alors d’amplifier les sécheresses ou les inondations. » Cette surexploitation mondiale entraine une érosion prématurée des littoraux. Ainsi, au fil du temps, le sable des plages vient combler le vide créé, puis le sable des côtes glisse vers les fonds marins pour finalement disparaître à son tour. Il n’est alors pas absurde de penser que certains ouragans n’auraient pas été aussi dévastateurs il y a un 1

siècle.

Ce constat inquiète beaucoup de chercheurs qui, comme Eric Chaumillon, qualifient de « complètement déraisonnable » l’appauvrissement en sédiments des plages, alors même que c’est le meilleur rempart. Cette exploitation est rentable aujourd’hui, mais contribue à affaiblir le socle sur lequel nous bâtissons. De plus, en considérant le changement climatique actuel et la montée des eaux, il ajoute que « l’utilité du sable est d’autant plus cruciale. Son extraction facilite l’érosion marine, entrainant une infiltration des eaux salées via les estuaires ». De ce fait, l’extraction du sable impacte les peuples en détruisant la faune et la flore après une salinisation des terres agricoles proches des zones de prélèvement. Le continent asiatique est plus particulièrement concerné. Il y a donc une pression énorme sur l’extraction de ce matériau, qui plus est en constante augmentation.

Pascal Peduzzi, indique que la Chine utilise 58% des ressources en sable, seule. Entre 2015 et 2019, elle utilise cent fois la quantité de sable exploitée aux Etats–Unis.

Selon Mathieu Combe, journaliste pour Natura-Sciences, depuis 30 ans, la demande mondiale de sable a augmentée de 360%, mais seulement un peu moins de 5% du sable terrestre peut être utilisé si l’on suit le chemin de l’érosion des roches. 10

1. Voir schéma annexe p.63


Exploitation d’une carrière de sable marocaine, 2019 Entre la croissance de la demande, sa facilité d’extraction, et sa disponibilité, il semblerait que plusieurs mafias du sable soient apparues. Christian Buchet alerte sur le fait que « moins il y aura de sable, plus il va coûter cher et plus on va aiguiser l’appétit, des mafias ». D’après un rapport du Programme des Nations Unies pour l’environnement, datant de février 2019, la moitié du sable utilisé chaque année au Maroc dans le secteur de la construction, soit une dizaine de millions de mètres cubes, serait extrait illégalement. En Inde, plusieurs journalistes enquêtant sur ces mafias ont été assassinés. En France, la demande s’élève à 400 millions de tonnes par an, soit 1% de la demande mondiale. La part de sable marin récolté ne représente que 6 millions de tonnes à l’année. Elle est faible, mais c’est une source d’approvisionnement indispensable pour les départements côtiers. Il existe déjà des solutions qui tentent de réguler l’extraction du sable, de fournir des matériaux de substitution au sable, comme le béton cellulaire qui ne demande pas de granulats, ou encore de recycler certains déchets pour en faire des routes. Le problème souligne Pascal Peduzzi, « c’est qu’il est aujourd’hui moins cher d’exploiter le sable que de recycler du béton ». Face à cela, certaines entreprises tentent aujourd’hui de remplacer le sable par de la sciure de bois, par exemple. C’est le cas de l’entreprise grenobloise Greentech, qui propose le premier béton de bois à bilan carbone négatif.

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AdivBois déclare que le bâtiment a bien sûr un rôle majeur à jouer dans la réduction des gaz à effet de serre. En France, c’est en effet le 3e secteur le plus émissif derrière le transport et l’agriculture en 2018. Environ 30% 2

des émissions de G.E.S du secteur du bâtiment sont liées à la fabrication des matériaux nécessaires à la construction. Ces chiffres importants forcent les acteurs du bâtiment à trouver ensemble une alternative durable locale est inévitable. La réglementation environnementale accompagne cette alternative en instaurant des normes environnementales plus sévères, et plus ambitieuses contre le réchauffement climatique. Elle élargit l’évaluation de l’empreinte carbone des bâtiments à leurs cycles de vie. De l’extraction de la matière première, à la transformation, au transport, à la mise en œuvre, à la vie en œuvre, jusqu’à la fin de vie, démolition, réemploi... Dès 2022, la RE2020 instaure de nouveaux seuils, qui s’abaisseront et deviendront plus sévères tous les trois ans, afin de diminuer l’empreinte carbone des bâtiments. C’est un tournant, un moment charnière, un élan pour la filière bois française puisque, face à cela, on trouve une solution 3

prioritaire et inéluctable, les matériaux biosourcés , (la paille, le chanvre, 4

le roseau, le bois...), qu’elle impose en certaine quantité par m². Un rapport de l’ONU sur l’exploitation des forêts en 2020 indique que dans le monde, 420 millions d’hectares

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Un rapport de la WWF , estime qu’en réponse à ces changements, la quantité de bois extraite dans le monde pourrait être amenée à tripler d’ici 2050.

ont étés perdus lors de la conversion de terres vers d’autres usages. Bien que la vitesse de déforestation ait ralentit au cours des 30 dernières années, on observe plus d’incendies dus au réchauffement climatique, plus de sécheresse, de maladies et de nuisibles migrateurs, ainsi qu’une expansion de l’agriculture et de l’élevage intensif. En 2019, les tropiques ont perdu l’équivalent de 30 terrains de foot/minute. En France, la surface boisée représente 31% du territoire métropolitain. 6

Selon l’ONF , en 200 ans, ce chiffre a doublé, et n’a jamais été aussi important depuis le Moyen Age. Si on se tourne alors vers une construction bois plus démocratisée, son enjeu est évidemment sa durabilité.

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1. Association pour le Développement des Immeubles à Vivre en bois 2. GES, gaz à effet de serre 3. Matériau issu de la biomasse végétale ou animale 4. Voir schéma annexe p.64,65 5. Wood as a Sustainable Building Material. Journal Forest Products. 2009, Vol. 59, No. 9 6. ONF, Office National des Forêts


Les constructions bois restent largement préférables aux constructions classiques, c’est une ressource facilement renouvelable ; si l’extraction est réalisée correctement, la forêt continue de croître. Selon le comité stratégique de la filière bois, un organisme visant à établir un « contrat de filière » en ciblant des priorités et un plan d’action en faveur de la filière, si l’utilisation des produits bois dans le bâtiment doublait, le bâtiment pourrait réduire ses émissions de G.E.S de 30% par an. Cette massification de l’usage du bois, représente un enjeu stratégique de la transition écologique et des objectifs bas carbone. La propriété du bois à séquestrer le carbone reste donc l’un de ses atouts majeurs. Elle est d’ailleurs plus importante au début de sa croissance. Planter et faire pousser de nouvelles forêts est donc un moyen plus efficace de réduire l’effet de serre que la conservation de forêts anciennes. De plus, la construction bois répond aux attentes et aux nombreuses exigences actuelles. Elle permet, par exemple, la surélévation de bâtiments pour contrer l’étalement urbain, l’apport des pièces préfabriquées en ateliers sur chantiers pour éviter les nuisances, réduire réduction d’allées et venues des camions, ainsi que des chantiers propres aux déchets souvent secs... Au-delà de la construction, la ressource servira aussi à la production de potentiels nouveaux biocarburants, dans les industries pharmaceutiques et dans le textile. Malgré cela, en France le bois n’a pas toujours bonne image auprès du public, il est souvent associé à l’idée qu’il pourrit en extérieure, qu’il est sujet aux attaques des termites, qu’il se fragilise au fil des années. Ce manque de culture et de connaissances du matériau est sans doute lié à une culture constructive française très marquée par l’usage du béton. En effet il trouve ses racines en France au 19ème siècle où Joseph Monier, un jardinier, dépose des brevets qui relatent un système à base de ciment et de fer dans le but de construire des bacs à fleurs. Il serait ainsi possible, même si ce n’est pas l’enjeu de ce mémoire de recherche, de poser l’hypothèse selon laquelle l’obstacle culturel est le frein majeur au développement du bois.

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Un exemple assez parlant, de mes premières années d’études en école d’architecture permet de mieux saisir à quel point cela est ancré dans une certaine façon de concevoir le bâti : l’élément de construction donné est un mur de 30cm, 15 de béton, 15 d’isolant. C’est notre première donnée, la première information qui nous est transmise. Certes, cette donnée est là pour faciliter l’apprentissage et pour nous faire mettre le pied dans la technique sans pour autant se contraindre, et se concentrer sur l’espace. Mais dans une majeure partie de nos trois années de licence, nous mettons de côte la technique dans le projet, même en master, le cursus permet en partie de l’éviter. Les cours proposant une première sensibilisation sont souvent limités et contingentés. Nous en arrivons au point où l’apprentissage et la formation d’une culture constructive autour de matériaux moins démocratisés reposent sur une curiosité personnelle. Le bois est un matériau vivant, moins évident à mettre en œuvre, comprenant beaucoup de traitements différents selon les situations, et des produits qui dépendent beaucoup des fournisseurs.

L’usage du béton, c’est s’affranchir d’une réflexion chronophage, une sorte de paresse intellectuelle qui freine un usage plus fréquent du matériau qui réduira sûrement une grande partie des émissions de G.E.S du secteur de la construction.

Pour qu’une solution constructive moins évidente soit employée au sein d’un projet, il faut qu’une personne impliquée dans la conception s’y intéresse

et convainc le reste de l’équipe. C’est plus de temps passé, des systèmes souvent plus chers surtout quand il s’agit de feuillus, alors face au béton simple et moins onéreux, les impacts environnementaux passent souvent après le temps et les coûts de construction. Cependant, certains parcours d’études traduisent un regain d’intérêt pour le bois. Baptiste Mingoia, architecte diplômé, avec qui je me suis entretenu, a poursuivi son cursus chez les compagnons du tour de France, puis dans un atelier de construction bois. Depuis quelques années le nombre d’étudiants diplômés, et d’agences qui souhaitent se former, se sensibiliser au matériau, augmente. La forêt française génère grâce à son exploitation et à 1

l’industrie 400.000 emplois directs . Étant une source d’énergie renouvelable, elle permet de moins dépendre des énergies fossiles importées, gaz, pétroles... Elle contribue à la qualité de vie des citoyens, au respect 2

de nos engagements internationaux sur le plan de réduction des G.E.S, et surtout au maintien de la biodiversité. 14

1. Voir cartes réalisées en annexe p. 66,67 2. Voir graphiques tirés de l’INIES en annexe p. 68,69


Aujourd’hui, bien que la construction bois soit en hausse, la France, troisième territoire européen quant à sa surface boisée et premier quant à sa 1

diversité d’essences , affiche le plus gros déficit commercial d’Europe. En d’autres termes, les importations sont largement supérieures aux ex2

portations. Lors d’une conférence organisée par FiBois à la Maison de 3

l’Architecture de Paris , Rémi Foucher, propriétaire forestier, parle à ce propos de « catastrophe économique ». En 2019, ce déficit commercial atteint près de 7.4 milliards d’euros, une hausse de presque 8% par rap4

port à 2018 . Les importations augmentent tandis que les exportations diminuent, un véritable paradoxe lorsqu’on considère la ressource forestière française. Concernant le segment des produits de l’industrie bois, la majeure partie du déficit concerne les meubles et les pâtes à papier, cartons. Mais le déficit s’aggrave également du côté des produits d’exploitation forestière et des scieries. Ma problématique émerge d’une enquête, d’une série d’entretiens, de lectures, de conférences autour des différents acteurs de la filière bois française, gestionnaires, scieurs, constructeurs. Le terme de filière bois désigne l’ensemble des acteurs et des activités que comprend l’exploitation, la transformation et la mise en œuvre du matériau bois. Dans la perspective de la nouvelle règlementation environnementale, la politique forestière française doit répondre aux attentes de la société dans une optique de développement durable. Mon enquête permet de mettre en exergue que la valorisation de la richesse économique et sociale de la forêt, la conservation et l’amélioration de sa richesse écologique et paysagère, pour vertueuse qu’elle est, pose néanmoins certains problèmes. En construction, la plupart des pièces structurelles sont réalisées en résineux, pins, épicéas, douglas, d’une part leur

Aujourd’hui la France est peuplée en partie par des feuillus, de l’ordre de deux tiers pour 5 un tiers de résineux.

croissance est plus rapide que la plupart des feuillus, de l’ordre de 40 6

à 50 ans avant la coupe contre plus de 150 ans . D’autre part, parce que ces utilisations sont le résultat d’un équilibre entre le prix des produits, leurs caractéristiques, et la demande. 1. La France accueille 137 essences de bois différentes (voir annexe p.71) 2. FiBois, l’association qui fédère les 12 interprofessions régionales de la filière forêt-bois 3. conférence, janvier 2022, La ressource forestière et la construction en feuillus 4. Selon les rapports de la Fédération nationale du bois 5. Voir carte annexe p.70 6. Informations tirées du site de l’ONF

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Je construis mon questionnement sur l’élan dont semble bénéficier la construction bois, et ainsi, ma réflexion s’articule autour des problèmes soulevés aujourd’hui par mes interlocuteurs. Comment le morcellement parcellaire forestier impacte-t-il la ressource ? Pourquoi les feuillus, majoritairement présents, restent sous exploités ? Quel est l’impact de la concurrence chinoise sur l’utilisation du bois français ? L’industrie française est-elle à la hauteur du changement d’échelle imminent concernant le nombre de constructions bois ? Comment l’Etat réagit-il face aux problèmes mis en lumière ? Comment s’organise la gestion des nombreux déchets de la filière ? En d’autres termes, je tenterai d’expliquer les causes d’un tel déficit commercial à partir des points de vue fournis par les acteurs impliqués dans l’industrie, la mise en œuvre et la gestion de la filière bois, car ces questions souvent soulevées sont aussi au cœur de l’enquête que j’ai menée à petite échelle. Celle-ci permet de mettre en lumière certains problèmes, notamment l’absence d’un positionnement politique sur le remembrement des parcelles, une concurrence déloyale à l’achat de matières premières, un retard conséquent des industriels français sur leurs voisins européens, et aussi une gestion des déchets insatisfaisante.

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LA GESTION DES FORÊTS FRANÇAISES

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a. La matière première et la politique des forêts françaises Je construis le premier axe de mon questionnement sur ce qui apparaît comme un contre sens en ce qui concerne la quantité de matière première disponible sur le territoire. Si l’on considère qu’un nombre croissant de projets viendra dans un très court terme à utiliser la ressource bois, la France sera-t-elle capable de fournir, et dans les temps, la quantité de bois nécessaire sur les chantiers ? Sur le plan forestier, celui de la matière première, Léa Boubet, ingénieure et responsable de communication au Centre National de la propriété Fo1

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restière me répond lors d’un entretien que En effet, selon l’inventaire fo4

restier 2020 de l’IGN , en trente ans, la forêt française a gagné 2.7 millions d’hectares, soit

« La France est capable d’assurer cette transition, parce que la surface boisée augmente. (…) Aujourd’hui, on ne mobilise que 50% de 3 la surface totale de bois sur pied . »

l’équivalent de la Bretagne. Près de 90.000ha sont gagnés chaque année. Derrière la Suède et la Finlande, la France est le troisième pays le plus boisé d’Europe avec des forêts couvrant plus d’un tiers du territoire. Si une telle croissance est possible, c’est grâce à la politique forestière française en vigueur. Pour comprendre son organisation et les raisons de cette croissance, voici quelques jalons fournis par le CNPF, dont la mission consiste à orienter les propriétaires forestiers (forêts privées). Elle agrée au nom de la loi les documents forestiers, c’est à dire qu’elle rend légale l’exploitation de leurs forêts selon un code forestier dont l’origine remonte au 19e siècle et dont je retrace ci-dessous les grandes lignes. Pour les forêts privées, cette législation impose au propriétaire de produire un plan simple de gestion validé par le pouvoir public pour toutes forêt supérieure 25ha. Le CNPF fait le lien avec l’Etat, il permet un suivi de la forêt. Une fois ce plan de gestion rédigé, il n’est plus nécessaire de faire des déclarations de demande de coupe. Ces plans sont valables sur dix à vingt ans, suivant souvent le cycle humain, avant une potentielle transmission.

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1. Dit, CNPF 2. Entretien téléphonique avec le CNPF, le 10/11/2021 3. Expression qui désigne souvent les arbres dits «recensables», ceux dont la circonférence à 1m30 de hauteur est >/= à 23.5 cm (soit environ 7.5 de diamètre). 4. IGN, Institut national de l’information géographique et forestière


Dans les forêts publiques, les forestiers de l’Office Nationale des Forêts, assurent la pérennité et la vitalité de celles-ci, en répondant à trois objectifs : Fournir du bois, préserver l’environnement, et accueillir. Les jalons mentionnés ci-dessus font la spécificité de la forêt française, et expliquent en partie sa croissance. Ailleurs, au Danemark par exemple, la totalité de la surface boisée est éclaircie puis coupée en l’espace d’une 1

vie humaine, on remplace seulement les bois existants . Cependant, j’émets également l’hypothèse qu’en France, cette surface croissante est plutôt dû à l’abandon des terres agricoles par le fort exode rural qui suit la Seconde Guerre Mondiale guerre que pas la gestion volontariste du CNPF. Mais si cette croissance est néanmoins possible, c’est parce que cette politique de gestion forestière est combinée à une gestion durable des forêts.

b. Le concept de gestion durable Selon le Ministère de l’agriculture, « l’objectif est de transmettre aux générations futures un patrimoine forestier au moins équivalent (en quantité, et en qualité) à celui reçu de nos prédécesseurs. Voire si possible, de l’améliorer. » Il ne s’agit donc pas de transmettre en conservant, mais de transmettre en valorisant ce dernier. D’après un entretien mené par le Ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation avec Albert Maillet, directeur forêts et risques naturels à l’ONF, (en charge des forêts publiques) les actions menées pour y parvenir sont les suivantes : D’une part, ne pas couper plus que l’accroissement naturel des forêts, remplacer les générations adultes d’arbres par des générations jeunes en privilégiant une régénération naturelle qui consiste à accompagner l’ensemencement naturel par les graines tombées des arbres au sol. Ainsi, dès lors qu’il y a au sol un tapis de jeunes pousses assez dense, on coupe alors les arbres au-dessus pour engager un nouveau cycle. Parfois cependant, Albert Maillet indique que l’ONF est contraint de recourir à une plantation artificielle, auquel cas les forestiers coupent d’abord les grands arbres avant d’installer de jeunes plans élevés en pépinières.

1. Parlement Européen : La situation forestière actuelle : aperçu du contexte et appréciation des principales contraintes

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Tout cela nécessite un système de planification à long terme. Il faut savoir quoi prélever, où le prélever, et quand le prélever. Les plans de gestion établissent les orientations, au cas par cas, des actions à mener. Selon l’ONF, le cycle d’une forêt gérée est défini selon un plan d’aménagement sur vingt ans, d’après un exemple de

« Si l’on n’a pas la certitude de recréer une forêt adulte derrière celle que l’on veut cou1 per, on ne la coupera pas.»

chênaie. De 0 à 5 ans, il y a une multitude de semis. Tous ne pourront pas s’épanouir, faute de lumière et d’espace. On dégage pour assurer la croissance de certains et lutter contre la concurrence. Parfois, on pose des clôtures pour que les animaux évitent de les manger. De 25 à 50 ans, les semis ont grandi, certains arbres sont marqués pour signaler qu’ils seront coupés et laisseront place aux plus beaux spécimens. Ces derniers seront accompagnés d’autres essences pour ombrager leurs troncs et favoriseront la biodiversité. On réalise des tracés, dits cloisonnements d’exploitation, pour faciliter les travaux forestiers et protéger le reste lors des travaux de récolte. Les arbres coupés durant cette phase sont destinés aux produits quotidiens, papiers, cartons, bois agglomérés, bois d’énergie... De 75 à 150 ans, une seconde génération de forestiers vient poursuivre le travail. Elle réalise de nouvelles coupes. Des arbres morts sont conservés pour accueillir la faune et les champignons. Les travaux sont interrompus pendant la période de reproduction de certaines espèces protégées. Durant le temps de la dernière récolte, les jeunes arbres et les arbres plus âgés se côtoient et un autre cycle commence. En réponse à ma question, Léa Boubet m’explique que le CNPF réagit très bien à l’élan dont bénéficie le matériau bois, qui semble donner des débouchés à des bois encore trop peu valorisés (entretien Boubet, 202x). C’est notamment le cas de certains feuillus comme le peuplier, grâce aux nombreuses nouvelles aides qui accentuent la recherche autour du développement de nouvelles essences.

1. Albert Maillet, au Ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation

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Sur le plan de la matière première, la France semble donc prête à supporter une augmentation notable de la consommation de bois sans aucun risque de déforestation. Pourtant, d’après le CNPF, il n’est « pas sûr que les transformateurs, eux, soient prêts, ça dépend des types...»

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L’incertitude signalée par le CNPF engagent dans la partie suivante ma recherche sur les problèmes liés à l’industrie.

Comment la France, première en termes de surface boisée et de diversité des essences, peut-elle ne pas être prête à prendre ce tournant ?

1. Entretien téléphonique avec le CNPF, le 10/11/2021

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2 MATIÈRE PREMIÈRE ET INDUSTRIE. LE PARADOXE 22


L

’industrialisation semble être un des points faibles de l’état 1

de la filière. Dans un article de L’Usine Nouvelle , Jean-Marie Ballu, 2

co-rédacteur du rapport Puech (2009) sur l’état de la filière bois française, déclare que « la filière bois ne s’est jamais portée aussi mal ». A partir de 2022, la RE2020 impose que toutes les nouvelles constructions françaises intègrent du bois. La France, pays aux essences les plus diversifiées, devrait logiquement exporter plus qu’elle n’importe car la demande mondiale de bois ne cesse d’augmenter. Or, ce n’est pas le cas. Lors d’une intervention à la conférence Fibois, Rémi Foucher, met en lumière l’un des problèmes les plus significatifs que pose l’exploitation de la forêt française. Il prend position à partir d’un constat simple : la France, première nation agricole d’Europe, mais dernière nation forestière.

« C’est comme si je vous disais que le premier poste déficitaire du Koweït, c’était la filière pétrolière, vous seriez tous morts de rire. Et bien en France, on est dans ce cas-là. La filière bois est un exemple de tout ce que l’on a loupé, alors qu’on avait les outils pour réussir et être les premiers, on arrive en dernière position. » Rémi Foucher fait ici référence au fait que la plupart de nos bois sciés sont importés. En effet, bien que la surface boisée n’ait cessé d’augmenter durant les dernières décennies, le déficit commercial de la filière était de 7.4 milliards en 2019. Ces nombres concernant les importations 3

concordent avec ceux rapportés par France Bois Forêt . En d’autres mots, les importations restent largement supérieures aux exportations.

a. Un morcellement parcellaire Pour comprendre ce qui semble être un des premiers freins au développement de la filière, Rémi Foucher nous plonge dans l’analyse d’un massif forestier et agricole superposé sur un plan cadastral. 1. L’Usine Nouvelle, un magazine hebdomadaire français consacré à l’économie et aux technologies dans le monde industriel. 2. Le rapport Puech, Mise en valeur de la forêt française et développement de la filière bois, remis à Nicolas Sarcozy 3. France Bois Forêt, l’interprofession nationale

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Regardons de plus près, si l’on observe ce massif forestier de 200 hectares, vous voyez qu’en dessous, il y a des champs agricoles qui ont l’air d’être exploités, une belle forêt au-dessus. […] Vous voyez que le champ, en fait, ce sont plusieurs parcelles mais qui sont exploitées par le même agriculteur, on voit très bien les sillons, on voit que c’est un seul immense champ qui est exploité. Mais si on regarde la forêt, si j’enlève la photo et que je ne laisse apparaître, que le cadastre, regardez la différence. La forêt française est une multitude de petits confettis inexploitables. Alors, on a beau avoir des millions d’hectares, si ce sont des parcelles qui font 300m², vous ne pourrez rien en faire. (Foucher, 2022)

Exemple type, vue aérienne d’une forêt de Seine-et-Marne

Exemple type, plan cadastral d’une forêt de Seine-et-Marne

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Ce cas de figure est significatif. Il représente la situation morcelée des trois quarts de la forêt française. Si l’on prend de la hauteur et qu’on élargit le plan, il y a autant de parcelles que de propriétaires différents. En pratique, cela veut dire que pour exploiter le bois de ces parcelles, il faut emprunter des chemins qui n’appartiennent pas à l’exploitant. Cela implique d’obtenir l’accord d’un droit de passage de la part des propriétaires dont la parcelle est traversée, détruisant ainsi avec un tracteur forestier leurs forêts au passage. Evidemment, leur potentiel refus est compréhensible et probable. De plus, le respect du principe qui stipule qu’il faut arriver sur un chemin forestier à 45°, pour que les grumiers puissent sortir et ramener les bois, revient à solliciter davantage de propriétaires.

De ce point de vue, l’exploitation de la forêt privée française est quasiment impossible. Sur les 200ha concernés, on ne pourra pratiquement rien exploiter. A titre d’exemple, voici l’état actuelle d’une forêt détruite en 1999 par la 1

tempête Lothar . Elle est tellement morcelée et par conséquent inexploitable que depuis plus de vingt ans. C’est une forêt dont la production est ainsi nulle. Ce sont des arbres morts, qui plus est, si l’on envisage ce cas de figure dans des zones plus sèches et chaudes dans le sud de la France par exemple, partiraient en fumée à la moindre étincelle. Pour Rémi Foucher, cela est une des réalités les plus poignantes de la forêt privée française. Toutes les forêts privées ne sont pas dans cet état, mais lorsque l’on évoque le redoublement en surface de la forêt en 200 ans, c’est souvent à partir de terres agricoles qui ont été délaissées et de petits vergers à l’abandon. Donc, en dehors des grands domaines, cet accroissement est fait de petites parcelles inexploitables. Lorsque l’on évoque que la France à plus de forêts que l’Allemagne, cela est certes vrai en termes de surface, mais non pas à la dimension exploitable de ses domaines. Rémi Foucher déplore qu’aucun dirigeant n’ait su remédier au morcellement parcellaire. En 1950, les politiques publiques avaient abordé cette question très tôt et permis de propulser la France en première position des nations agricoles européennes.

1. Voir annexe p.71

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Selon lui, ce morcellement est en partie responsable de notre déficit actuel, mais ce déficit vient également d’un problème lié à l’exploitation de la diversité de nos essences. Pour rendre compte de la situation, Rémi Foucher fait la comparaison suivante : La France, pays de gastronomie, de Gaulle disait qu’on avait 346 sortes de fromages, je crois, on en a en fait 1200. Imaginez que l’ensemble de la gastronomie française n’utilise que du cheddar, de la mozzarella, et du gouda […] Et bien on en est là en matière forestière et d’utilisation de nos bois feuillus. Avec nos 138 essences, on utilise... allez, le chêne. Le châtaigner on l’exporte en Italie. Le peuplier aussi, on en utilise un petit peu en France. Le reste, on ne sait pas les utiliser. (Foucher, conférence Fibois, 2022) Ce chiffre semble aberrant si l’on considère notre ressource en feuillus. La plupart des entreprises françaises de

En France, 70% des essences sont des feuillus (chênes, hêtre, châtaigner...) mais 80% des sciages concernent les résineux (pins, douglas, sapin, épicéa.).

construction bois veulent du résineux, car il est moins cher à transformer. Il pousse plus rapidement et de manière plus droite. Pour comprendre ce déséquilibre, plusieurs facteurs rentrent en jeu. Selon Phillipe x

Siat , président de la Fédération Nationale du Bois, le feuillu est l’un des seuls acteurs de la filière bois dont la balance commerciale est positive, nous l’exportons plus que ne l’importons. Mais cette donnée n’est pas aussi positive qu’elle pourrait paraître de premier abord. En effet, si les essences feuillues sont tant exportées, c’est parce que la France ne peut pas encore les valoriser correctement. Cela est plus complexe que pour les pays frontaliers, à cause précisément de l’hétérogénéité de la forêt française, riche en essences, qui nécéssitent des traitements et machines différentes. Par ailleurs, j’énoncerais ici l’hypothèse selon laquelle l’utilisation majoritaire des résineux est aussi le résultat d’un combat perdu sur le marché des feuillus. Pour valider cette dernière et ainsi poursuivre mon enquête, il est nécessaire de comprendre comment la filière en est arrivée à utiliser essentiellement des résineux.

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1. Durant un entretien avec France Bois Forêt, Questions réponses, le bois dans la construction, Livret distribué sur place.


b. Cas d’étude, l’inflation des prix des feuillus et notamment du chêne, impacts sur la filière Le chêne possède des propriétés mécaniques importantes, une couleur agréable et son utilisation en extérieur est possible. En 2017, d’après les statistiques de la Fédération Nationale du Bois, la récolte de chêne destinée au sciage représentait 26.000 emplois. La production de chêne à très largement augmenté au cours des dernières années, plus particulièrement dans les forêts privées. Selon l’ONF, cela s’explique par une augmentation des prix du bois du chêne de 65% entre 2007 et 2017. Cependant, au cours des dix dernières années, Alec Bickersteth, responsable filière chez FiBois, signale que plus de 1000 scieries, notamment les petites et moyennes entreprises, ont mis la clef sous la porte. (Bickersteth, 2022) Cette situation met en danger toute la filière. François Feuillet, scieur en Normandie, évoque une concurrence déloyale : Dans notre chaîne de production, il y a de multiples qualités de chêne qui entrent. Certains bois servent à faire de tonneaux, d’autres à fabriquer de grands contenants de vin, et il y a enfin le bois d’œuvre, que nous produisons beaucoup et qui sert pour les maisons à ossature bois. Nous apportons ainsi de la valeur ajoutée à notre pays. Mais les traders achètent du bois comme toute autre matière première et remplissent des porte-conteneurs avec du bois français. Nous nous battons en famille tout au long du jour pour résister à cette logique de la mondialisation, qui se traduit par le fait que des commerciaux rasent de nombreuses petites forêts privées de quelques hectares. Il faut dénoncer cette exportation de 1

grumes de chêne, qui est scandaleuse pour la forêt et pour l’économie locale. Je m’oppose à leur export et je pense que les Français sont capables de travailler le bois. On parle de transition écologique, mais en même temps on charge des porte-containers polluants qui font le tour de la planète pour faire travailler des personnes à moins de dix euros par jour, ceci pour alimenter la grande distribu2

tion européenne. (Témoignage Feuillet ) François Feuillet fait ici référence au fait que la production, et ainsi le prix de la ressource, répondent à une demande mondiale grandissante, notamment du côté asiatique, où la Chine, deuxième économie mondiale connait une très forte consommation nationale de bois de bonne qualité. Pour contribuer en grande partie à sa production qui sera à son 1. Bois encore couvert de son écorce 2. Témoignage reccueilli par le journal Canopée forêts vivantes dans l’article, Exporter nos chênes vers la Chine, une menace pour nos forêts, avril 2021

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tour exportée, la Chine importe cette ressource dont elle ne dispose pas. Plusieurs régions sont particulièrement concernées par ces changements, le Grand-Est, le Centre-Val de Loire, La Nou-

En dix ans, cette demande a multiplié par dix les exportations de chêne français, au point que la Chine représente aujourd’hui cinquante pourcents des exportations fran1 çaises.

velle Aquitaine et la Bourgogne Franche Comté qui représentent à elles seules les trois quarts des récoltes. Ainsi, cette exportation massive est une vraie menace, d’abord pour le paysage forestier français qui subit de nombreux rasages soudains, mais surtout pour nos industriels qui perdent graduellement leurs emplois. En réalité, ces exportations vers la Chine sont encore plus importantes car plusieurs cargaisons passent d’abord par des pays transits aux ports adaptés à l’export et ne sont ainsi pas comptées dans ces chiffres. D’après un article de Canopées & Forêts vivantes, « Exporter nos chênes vers la Chine, une menace pour nos forêts », les exports de chêne vers la Chine représentaient jusqu’à 17.5% de la production française, et ce chiffre ne cesse d’augmenter.

Pourquoi la France exporte-t-elle tant, plutôt que d’exploiter une ressource extrêmement riche et prometteuse face aux défis climatiques que nous devons relever ? La Chine livre une grande quantité de marchandises en Europe et ses cargos reviennent souvent vides. Elle profite de ce retour pour acheminer de la matière première et étant donné que le coût de ce transport est déjà rentabilisé, elle peut acheter à un prix plus élevé le m3 de chêne, défiant ainsi la concurrence européenne. Si l’on tient également compte d’une main d’œuvre très peu chère et des normes environnementales moins sévères, le duel Chine - France est rapidement gagné. Ce marché a pris une ampleur telle que selon Bruno Doucet, rédacteur de l’article cité plus haut, plusieurs acteurs français se sont spécialisés dans cette exportation chinoise. Laurent Maréchaux, Délégué général du Syndicat des exploitants de la filière informe que les grumes de belle qualité sont vendues aux scieurs français, mais que le bois de qualité secondaire ne trouve pas d’acheteur en France. Cette version des faits est remise en cause par les français scieurs qui peinent à s’approvisionner.

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1. Canopée forêts vivantes, Exporter nos chênes vers la Chine, une menace pour nos forêts, avril 2021


De nombreuses scieries tournent à bas régime. Certain ferment, alors que d’autres transformateurs français choisissent de travailler davantage les résineux, moins nombreux sur le territoire, et souvent mono-cultivés. Si l’hypothèse selon laquelle l’utilisation majoritaire des résineux est aussi le résultat d’un combat perdu sur le marché des feuillus est confirmée, il en découle la question de savoir si ces nouvelles pratiques ne vont pas créer une pénurie de résineux. A ce propos, plusieurs scénarios sont envisageables. Un premier dans lequel le peu de débouchés français concernant les grumes de chênes pourrait naturellement conduire à un remplacement progressif des forêts. Nous planterons de plus en plus de résineux, mieux adaptés aux besoins de l’industrie actuelle. Un second selon lequel si l’on ne plante plus beaucoup de pins, d’épicéas, on devra considérer le retour d’une taxe imposée aux transformateurs. Selon J.M. Ballu, ce serait le plus important outil de modernisation qui en plus d’alimenter un fond commun pour moderniser ou faire émerger des usines à feuillus, pourrait également ralentir l’import. Taxe à coupler peut-être cette fois-ci avec une taxe carbone, car la France se dirige vers une pénurie de résineux dans dix ans. Si l’on se réfère au rapport de la Fédération nationale du bois, ce serait d’ailleurs déjà le cas. La plupart de nos importations concernent les résineux. Cette concurrence est donc un vrai frein au développement de la filière bois française. Elle engage une perte de la matière première bois, et par conséquent tout le secteur attenant d’activités économique et industrielle. L’hypothèse de cette taxe aurait le mérite d’engager les industriels français à se fournir en bois français. Il ressort de ces différents scénarios, l’urgence d’agir pour relocaliser la transformation du chêne en France. Françoise le Failler, salariée de l’ONF, explique que plusieurs mesures permettraient aux scieries françaises de pouvoir s’approvisionner de nouveau. Dans un premier temps, il faudrait établir des quotas maximaux d’exportation, laissant une part de ce que prend le marché asiatique aux transformateurs français. Par ailleurs, elle indique que les petites et moyennes scieries pourraient être soutenues par des fonds publics.

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Un label conditionnant les aides publiques à une transformation en Europe pourrait être mis en place, comme c’est déjà le cas pour le bois issu 1

des forêts publiques. En effet, Françoise le Failler raconte que « depuis 2015, afin de faire face à la crise d’approvisionnement qui touche la filière de transformation bois, en particulier pour le bois de chêne, l’Etat a mis en place un label UE auquel doivent adhérer les acheteurs souhaitant prendre part aux ventes publiques de chênes organisées par l’ONF. Ainsi les chênes issus des forêts publiques ne sont donc pas exportés en Chine. » Les premiers effets de cette labellisation semblent déjà perceptibles. En France seulement, le solde de la filière chêne est passé de 149 millions d’euros, à 285 de 2015 à 2017. Donc l’extension de ce principe au bois issu des forêts privées représente un levier de relocalisation majeur. Selon Laurent Hutinet, journaliste rédacteur pour Canopée, « si les subventions à l’exploitation de bois et les exonérations d’impôts à l’achat de forêts étaient liées à un engagement de transformation sur le sol français, comme pour les bois publics, les exportations de chêne vers la Chine diminueraient. » Cette formule faciliterait les actions des pouvoirs publics qui pourraient ainsi peser sur les coopératives forestières, en les forçant à œuvrer davantage avec les scieries locales ou du moins françaises. Il est également indispensable d’augmenter le soutien aux petites scieries de feuillus, pour créer des débouchés et encourager la filière en rééquilibrant la production de feuillus et de résineux.

A titre exemplaire, la Russie, l’un des plus gros exportateurs de bois vers la Chine a annoncé début 2021, qu’elle mettrait fin à l’exportation de bois non transformés dès 2022. Cette décision montre à la fois qu’il est possible d’agir, mais augmente aussi la pression sur le chêne français, vers lequel la Chine se tournera davantage.

1. Directrice de communication de l’ONF

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1

Le Grenelle de l’environnement place la filière bois au centre des enjeux qui permettront de relever le défi du changement climatique. Cependant, dans une chronique radio sur Europe 1, Maud Descamps, journaliste économique indique que « la production française n’arrive pas à suivre. » Elle met en cause « un manque d’organisation et d’outils indus2

triels adaptés. »

c. Un problème d’industrialisation Pour mieux comprendre la situation de l’industrie aujourd’hui, je me suis entretenu avec Daniel Zarlengua, patron d’une entreprise de construction bois dans l’Ain. Le frein au développement, c’est le manque d’industrie, ce n’est pas un problème de ressource, dire en France qu’on n’a pas la ressource c’est faux. En France, le métier de charpentier par le passé, c’était un mec qui maitrisait la géométrie, le tracé, d’ailleurs si on remonte plus loin, le charpentier était architecte avant, et l’archi était charpentier, dans n’’importe quel sens. Il traçait sa charpente, il allait dans la forêt, il coupait ses arbres, et il disait : cet arbre, il me le faut comme ça parce que je ne veux pas qu’il strie dans ce sens-là, il maitrisait tout le processus. Entre la forêt et la construction, n’y avait que le bucheron et le charpentier. Aujourd’hui, le métier a tellement évolué, on veut des arbres qui viennent de la forêt mais qui sont passés par une usine qui les a séchés, rabotés, peint, mis en section standard, donc enfaite le charpentier avant, il allait voir son scieur, et lui il était la deuxième transformation. Aujourd’hui le charpentier, il emploie des matériaux qui viennent de la 2ème, 3ème, voir 4ème transformation.

De nos jours, le matériau qu’on met en œuvre est beaucoup plus élaboré, et quel est le frein au développement du bois ? C’est que nous n’avons pas assez d’industries qui transforment le bois. […] il manque de scieries, il manque de raboteries, il manque d’usines de lamellé collé, d’usines d’aboutage, d’usines de fabrication de dalle bois, ces processus que nous mettons en œuvre sur nos chantiers. (Zarlengua, entretien 23/11/2022) 1. Ensemble de rencontres politiques organisées en France en septembre et décembre 2007, visant à prendre des décisions à long terme en matière d’environnement et de développement durable 2. Emisison radio, Europe 1, 2 juin 2021, Pourquoi la filière bois n’arrive pas à suivre la demande

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Daniel Zarlengua met en exergue le fait que le monde de la construction demande des produits de plus en plus techniques. Selon lui, il y a en France un problème d’industrialisation notamment concernant la quantité d’usines présentes sur le territoire. En effet, selon Guillaume Erner, jour1

naliste de France Culture, dans une émission diffusée en novembre 2020 ,

nous sommes passés d’environ 15 000 scieries dans les années 1960 à 1400 aujourd’hui. Ce phénomène est en grande partie dû à cette demande et à cette concurrence mondiale croissante qui prend des parts de marché au acteurs français. Aujourd’hui, d’après Daniel Zarlengua, lorsque nous construisons avec du bois massif, c’est du bois français, lorsque que nous construisons avec du lamellé collé, ce qui est plus souvent le cas, c’est essentiellement du bois des pays scandinaves, et lorsque nous construisons des produits manufacturés, transformés, tels que les bardages traités et peints par exemple, ce sont souvent des bois importés des pays d’Europe de l’est, comme l’Allemagne, l’Autriche, ou la Pologne. Ainsi, on observe une divergence avec l’interlocuteur précédent, car ce point de vue peut différer par la région, le département dans lequel l’acteur opère, et surtout des bois avec lesquels il construit. En effet, dans l’Ain, les bois semblent encore peu touchés par la sur demande à l’exportation, car c’est un territoire extrêmement boisé, riche et hétérogène en termes d’essences. Alors même si Daniel Zarlengua utilise quand il peut du bois français, il opère en majeure partie avec des résineux et ne rencontre peut-être pas les mêmes obstacles que Francois Feuillet. Lorsque je l’interroge à propos des liens qu’il entretient avec ses fournisseurs, il évoque un problème de standardisation des pièces. On a des liens assez étroits avec notre fournisseur, un scieur principal quasiment exclusif, et on est aussi son charpentier quasi exclusif. Quand ils font un truc ils nous appellent, y’a des années où pour moi, juste lui c’est deux millions de chiffre d’affaires, mon plus gros client, ou mon plus gros fournisseur. On a une relation d’affinité, d’affaire mais ce que je peux déplorer c’est qu’ils sont tellement gros par rapport à nous qu’ils n’ont pas toujours l’écoute pour nous livrer les produits dont on a besoin. Un scieur, quand un archi dessine un poteau de 18x18, parce que t’as tramé ta maison, parce que t’as calculé comme il 32

1. Le Pin de Douglas, catastrophe des forêts ?, diffusée le 22/11/20


faut, l’esthétisme impose 18x18, le scieur va dire moi j’ai du 20x20, le problème c’est que les scieurs n’ont pas standardisé leurs sections, quand on discute des agglos, la taille c’est des 20x40, mais dans notre métier ce n’est pas normé. - Arrivez-vous à faire un travail de dé-standardisation, ou le subissez-vous ? J’aurais tendance à dire qu’on arrive à anticiper, on arrive à ne plus en faire une contrainte mais une anticipation on va dire. C’est à dire que quand on dessine un projet on se cale tout de suite sur les sections du scieur, par contre ou lors de la phase pro, ça te limite énormément, et niveau prix, quand le mec sait que t’as conçu avec sa section, bah il se met bien.

Donc aujourd’hui je pense que pour se développer, la filière bois, doit standardiser ses bois, et quand tu entends parler au sens large du bois local, je crois qu’il faut qu’on ait cette honnêteté en France de dire que, déjà si on emploie du bois français c’est un bout de victoire, la plus grande. (Zarlengua, entretien 23/11/2022) Ces paroles mettent également en lumière un conflit de modernisation entre les constructeurs et les transformateurs. Cet engouement pour le matériau va engendrer un vrai changement d’échelle. Pour l’assurer, Nicolas Douzain-Didier, de la Fédération nationale du bois explique qu’ « on veut opérer cette bascule pour avoir une meilleure représentativité du bois français, transformé dans des usines françaises. Ce sont ces usines qui ont été montées en Allemagne et en Autriche que l’on doit dupliquer sur le territoire national. »

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Il faut donc développer des usines modernisées un peu partout en France. Un des premiers exemples significatifs de cet élan est l’usine Piveteau en Vendée. Ouverte en 2018, elle capte un tiers du marché hexagonal. Spécialisé dans la fabrication de bois lamellé croisé, ce site de production a été conçu pour valoriser 50.000m3 de résineux par an, en panneaux lamellés-croisés. Le site est alimenté par une unité de sciage moderne, dotée de rayons X, qui optimise le rendement de matière en contrôlant la résistance mécanique des bois, et en éliminant les nœuds trop gros ou les bois fendus. 1. Emisison radio, Europe 1, 2 juin 2021, Pourquoi la filière bois n’arrive pas à suivre la demande

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Les bois choisis alimentent une ligne automatique d’aboutage qui presse en continu et dont la vitesse atteint 120 mètres par minute. Le développement de l’usine s’inscrit dans celui du marché des panneaux lamellés-croisés : Sur ces produits, la concurrence ce sont les Allemands et les Autrichiens, il faut que nous soyons au même niveau de prix. Nous avons donc conçu une usine au top du top niveau performance pour pouvoir faire face à nos concurrents.” (Entretien Piveteau, avec France Bois Forêt 2021) Cependant, d’après son directeur, les autres concurrents sont en retard, mais c’est quelque chose qui peut se rattraper. Malgré tout, les délais d’installation sont longs et il y a un métier à réapprendre. D’après la Fédération nationale du bois, pour que la France devienne autonome et n’ait plus à se fournir à l’est, il faudrait quinze usines comme celleci. Selon lui, tout va se jouer sur la capacité de la France à équiper son industrie différemment, « sur le papier, il y a tous les ingrédients. Il faut maintenant que la production suive. » Néanmoins, ces installations concernent pour la plupart des bois résineux, plus tendres et plus simples à scier. Ainsi, aujourd’hui, seule une usine équivalente en quantité de production existe du côté des feuillus, L’usine Manubois, du groupe Lefebvre en Normandie façonne plus particulièrement le bois de hêtre. Lors de la conférence FiBois, Maxime Castele, prescripteur chez Manubois, explique les raisons qui bloquent la commercialisation du hêtre en France. C’est une essence dure, qui nécessite de outils spécifiques nombreux et coûteux. L’usine transforme un volume bien moins important que celles spécialisées dans le traitement des résineux. Elle n’est vraiment compétitive que sur les poteaux, mais elle est aujourd’hui assez développée pour pouvoir valoriser le Hêtre. D’après le CNPF, la plupart des grands chantiers immobiliers utilisent encore des résineux, des sapins douglas par exemple, français ou importés, qui sont souvent plantés en monoculture, un système très controversé qui pour certains va à l’encontre d’une pensée durable de la forêt. En effet, comme le souligne Gaspard D’Allens dans l’ouvrage Main basse sur nos forêts, dans les années 1960, l’importation du sapin douglas depuis les 34

1. Durant un entretien avec France Bois Forêt, Questions réponses, le bois dans la construction, Livret distribué sur place.


puis les forêts nord-américaines s’est accompagnée d’une logique de production industrielle. Cette production privilégie les monocultures, et entraine une perte de biodiversité, un désert biologique. En plus de ça, le douglas est souvent coupé prématurément, vers 35 ans, il n’a ainsi pas le temps de redonner à son environnement ce qu’il lui a pris pour grandir, cela engendre une stérilisation des sols et une potentielle désertification des forêts.

Parce qu’il n’y a pas d’arbre mort, il n’y a pas d’arbre naissant. Il faut imaginer que ce sont des arbres qui ont tous le même âge, la même hauteur et que l’on va ensuite faucher 1 au même moment.»

Cependant, d’autres usines tendent également à valoriser des bois encore 2

peu répandus. Selon une intervention d’un membre du FCBA Hauts-de France à la conférence Fibois, plusieurs scieries savent travailler le peuplier pour la production d’emballages et de palettes. Il existe donc des unités compétentes de première transformation, qui s’orientent vers une utilisation croissante de certains feuillus. Mais pour l’utilisation du bois de construction, il faut le classer selon ses propriétés mécaniques, et règlementairement, on a le droit de construire en peuplier. D’un point de vue mécanique, il est équivalent aux résineux, qui sont tendres et faciles à couper. Si les chênes, les charmes, et les hêtres sont solides, le rapport du poids à la performance du peuplier est très intéressant. Aujourd’hui, les scieurs attribuent aux planches une résistance mécanique qui dépend de ses défauts, et de sa typologie. Le FCBA forme depuis plus de trois ans les scieurs de la région au marquage visuel structurel des planches pour qu’ils aient réglementairement le droit de vendre du bois de structure à des charpentiers ou à des gens qui souhaitent construire. Malgré tout, cette réglementation semble défaillante. Le FCBA indique qu’on ne peut pas regarder une planche de résineux ou de peuplier et la classer de la même façon. “Même si cela est légal, le critère majeur, c’est sa nodosité, la présence et la forme des nœuds et le sens des fibres, ce qu’on cherche dans une planche pour construire avec, c’est ça rigidité”. Le classement visuel du résineux fonctionne, parce que les bureaux d’études ont l’habitude de surdimensionner les pièces. Par contre, quand le scieur classe visuellement le peuplier, il n’arrive pas à 1. Gaspard D’Allens, Main basse sur nos forêts, Ed Seuil, 2019 2. L’Institut technologique FCBA est un centre technique industriel français, chargé des secteurs de la forêt, de la cellulose, du bois-construction et de l’ameublement.

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obtenir des planches suffisamment rigides pour construire, car les bureaux d’études ne sont pas habitués à construire en feuillus. « Donc depuis qu’on construit en peuplier, nous dans les Hauts-de-France, on dit surtout aux scieurs, si vous voulez construire en peuplier, il faut utiliser une machine de classement mécanique. » (FCBA, conférence FiBois) C’est un vérin qui pousse sur la planche, toujours avec la même force, et on mesure la déformation, si la planche est fortement déformée, elle se casse, sinon, selon le niveau de déformation, des résistances sont attribuées. D’après le FCBA, on utilise beaucoup de C18, C24, qui sont la norme de classement pour les bois résineux. Quand on parle de feuillus, les transformateurs parlent souvent en D, mais le peuplier et le châtaigner se classent en C. Dans un article scientifique, Vers une meilleure valorisation des chênes de qualité secondaire, publié en 2016, Jean Croisel et Robert Collet rejoignent ce point de vue. En tant que docteurs en sciences forestières, ils indiquent que

les bois de chêne ont des qualités très hétérogènes au sein d’une même parcelle ou d’un même arbre, ce qui rend leur classement difficile.

Selon eux, le « classement visuel sous-estime fortement les qualités du chêne mais reste fréquemment employé par les industriels, faute d’alternative ». L’Inventaire forestier national répartit les qualités de chênes selon plusieurs catégories.

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Ces chênes considérés “de qualité”, seront utilisés en ébénisterie ou en menuiserie fine. Les chênes sans qualités trouvent eux aussi des débouchés dans la fabrication de charpentes, de coffrage ou de traverses. Cependant, l’utilisation des chênes de qualités secondaires, de plus petites sections et moins robustes, connait une décroissance, qui pourrait expliquer en partie la baisse de leur récolte. Cependant, si l’on ne tient pas compte de leurs défauts esthétiques, les pièces de bois issues de ces volumes pourrait être intégrées à des produits de constructions développés. Comme indiqué dans le tableau, en 2014, la méthode de classement de la qualité de ces bois est revue. Le nombre de catégories de qualité passe de quatre à cinq, et le tronc n’est plus fractionné. Cela veut dire que pour simplifier les tris, on range un seul arbre dans une seule catégorie de qualité. Ainsi si l’on considère une utilisation croissante du bois dans la construction, dans une optique de durabilité, et face au déséquilibre entre feuillus et résineux, on pourrait émettre l’hypothèse selon laquelle cette méthode permettrait à l’importante ressource en chênes de qualités secondaires de trouver des débouchés.

Pour optimiser ce potentiel, Jean Croisel et Robert Collet indiquent que le premier verrou à lever est aussi dans le cas du chêne, celui du classement par machine pour des emplois en structure des pièces de bois de qualité secondaire. A ce propos, le laboratoire bourguignon des Matériaux et Procédés de l’Ecole supérieure d’Arts et Métiers développe des travaux de recherche autour de cette question pour essayer de prédire le comportement mécanique des sciages sans les détruire. Dans cette recherche, on développe deux modèles de prédiction des propriétés mécaniques basés sur une campagne expérimentale de contrôle non destructif, avec validation par essais destructifs. Il y a d’une part un premier modèle statistique, basé sur l’analyse de signaux vibratoires. Ce classement par machine réside 1

sur une estimation, de trois propriétés : l’élasticité, la nodosité , ainsi que la densité. La résistance du sciage est donc déduite par leur mesure. Cependant, lors de la croissance du chêne, de nombreuses caractéristiques et singularités affectent son comportement mécanique. 1. La présence de noeuds qui se forment sur le bois d’un arbre

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Il y a d’autre part, un second modèle analytique, qui exploite l’orientation des fibres pour déterminer la résistance et l’élasticité, et ainsi en déduire des propriétés globales. D’après Jean Croisel et Robert Collet, si les résultats indiquent que la première méthode vibratoire longitudinale, très employée dans l’industrie des résineux, n’est pas adaptée pour classer le chêne de qualité secondaire, la méthode vibratoire transversale semble au contraire permettre d’obtenir des rendements de classement pertinents même si elle nécessite, selon eux, des efforts de développement pour être industrialisée. La deuxième méthode, basé sur l’orientation des fibres offre également des rendements supérieurs et des résultats stables.

d. Le plan de relance de l’Etat Face au déficit commercial qui semble en grande partie dû au morcellement parcellaire, à la sous-exploitation des feuillus et au manque d’investissement dans l’industrie moderne, l’Etat français et les acteurs de la filière bois se sont engagés en 2020 à préserver les forêts et développer une filière bois compétitive. Le 22 décembre 2020, les acteurs de la filière et le ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation se sont réunis pour signer accord visant à lancer officiellement un plan de relance forestier des forêts publiques et privées. Quatre grands axes d’intervention sont mis en lumière : 1) accompagner la forêt vers plus de résilience et d’adaptation face au changement climatique ; 2) anticiper les essences qui résisteront à une augmentation de la température et ainsi constituer les nouveaux peuplements ; 3) promouvoir le bois en tant que ressource renouvelable et écologique, réconcilier et créer un lien indéfectible entre l’amont et l’aval au service d’une production de bois souveraine, compétitive et durable ; 4) reconnaître et valoriser la multifonctionnalité de la forêt dans toutes ses dimensions. Le plan de relance se décompose en plusieurs budgets alloués au volet forestier, dont cent cinquante millions pour le renouvellement forestier, visant à inciter les propriétaires à investir pour adapter leurs forêts ou améliorer leur contribution à l’atténuation du changement climatique. Selon le ministère de l’Agriculture, ce sont plus de 45.000 hectares qui devraient pouvoir être regénérés. Cette enveloppe permettra de renou-

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veler les peuplements forestiers malades touchés par la crise des scolytes (à définir bas de page), et plus généralement adapter les peuplements qui montre des vulnérabilités. Il s’agira également de renforcer l’effet d’atténuation du puits de carbone forestier en améliorant les peuplements pour permettre la production de plus de bois d’œuvre. Vingt millions sont alloués au soutien à l’industrie de transformation du bois, pour développer des projets d’investissement dans les industries de première transformation du bois. Cela concerne donc surtout les scieries qui souhaitent se moderniser pour améliorer leur compétitivité. Selon le ministère, l’industrie du sciage doit poursuivre sa modernisation et s’attacher à développer des produits techniques portés par une demande croissante de son débouché principal, qui est la construction. Aujourd’hui, cette forte demande est en partie le résultat déficitaire de la balance commerciale. En juillet 2021, le premier ministre Jean Castex annonce que 100 millions d’euros supplémentaires seront alloués à la filière.

Cependant, mon entretien avec Daniel Zarlengua souligne que « l’industrie dans l’état actuel part de tellement loin que ce sont les très gros qui en profitent. » En effet, les grandes entreprises, même si elles sont de plus en plus compétitives grâce à des projets innovants d’investissement, ont un grand monopole. En favorisant ce type de projets, l’Etat contribue à créer ce monopole, et à créer une filière qui a des œillères plutôt que des solutions. En 2017, Marc Gizard, avocat à l’Académie d’agriculture de France, évoque la question du remembrement parcellaire. Il souligne qu’en 1954, un décret repris dans le code forestier actuel permettait un groupement parcellaire en vue de constituer une unité de gestion forestière, y compris en forçant certains membres récalcitrants. Mais cette formule a échoué, seuls dix groupements ont été effectués. En 2019, la Fédération nationale des communes forestières et France bois forêt lançaient un programme de lutte contre le morcellement forestier. Aujourd’hui, il n’a que très peu participé à regrouper des terres. Bien que l’Etat français parait aujourd’hui plus qu’impliqué dans la revalorisation de notre patrimoine forestier, aucune ligne ne semble évoquer la question d’un remembrement parcellaire forestier identifiée lors de mon enquête.

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Au-delà de l’Etat, plusieurs chercheurs tentent de mettre en place des processus qui pourraient participer à démocratiser l’utilisation des feuillus en construction et rééquilibrer la balance face aux résineux. Le Groupement de recherche sciences du bois, est un réseau de quatrevingt-quinze équipes de recherche françaises composé de plus de quatre cent chercheurs. Il a pour mission de structurer la recherche sur le bois et lui donner une visibilité nationale. En 2016, un collectif de quatre chercheurs appartenant à ce groupement labellisé CNRS tente d’élaborer collectivement un projet de valorisation des chênes de qualité secondaire. Les forces et les faiblesses de son système actuel de transformation sont 1

analysées.

Comme expliqué précédemment, la faible valorisation des bois feuillus est un sujet qui préoccupe l’Etat et la filière de bois française. Le collectif dresse un tableau qui rend compte des qualités, des faiblesses, des opportunités ainsi que des menaces identifiées dans le système actuel de la transformation du chêne.

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1. La châine du chêne, Une idée de projet d’innovation sur la valorisation des bois feuillus de qualité secondaire, issue de l’école chercheur 2015 #35Pluribois du GDR Sciences du Bois. Meriem Fournier, Claire Alix, Louis Denaud, Julien Ruelle, Nicolas Sauvat


Il indique qu’il ne « prétendait pas apporter une solution miracle à un problème compliqué que beaucoup traitent déjà, mais livrer des réflexions d’un groupe de chercheurs aux expertises variées qui a travaillé librement et de manière totalement dégagée d’un contexte industriel et économique particulier, sur ce qui pourrait être un système d’innovation d’une filière chêne au sein d’un territoire ». Selon ce collectif, on assiste à une montée en puissance des initiatives de normalisation de création de produits, notamment en Bourgogne, une région leader dans la valorisation des chênes de qualité secondaire dans les nouveaux usages constructifs. Le groupe s’est entendu sur la « nécessité de développer un système d’innovation plutôt qu’un projet académique ». Il explore plusieurs sujets qui mènent à réfléchir autour d’un système d’innovation territorial, “ la chaîne du chêne”. Une sorte de plateforme forestière utopique ou se concentrerait toutes les étapes de la chaine du bois, combinant ses activités à de la recherche et des projets plus artisanaux à potentielle forte valeur ajoutée. Elle servirait de lieu de test, hébergerait tout type de projet à différents niveaux de maturation technologique. Evidemment cette utopie ne peut exister que si le développement d’un marché de masse de la construction bois continue. C’est la notion d’intelligence collective qui est mise au cœur du projet.

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3 LA GESTION DES DECHETS DE LA FILIERE 42


A

fin d’inclure mon processus de réflexion dans le cycle de

vie et d’utilisation d’un bois, durant mes entretiens, j’ai évoqué la gestion des déchets issus de leurs activités. Le ton sur lequel répondent mes interlocuteurs semble à chaque fois traduire l’importance du sujet, car celle-ci est difficile à traiter et elle est très coûteuse à mettre en place et à gérer. J’interroge Baptiste Mingoia, qui dans un premier temps a effectué une formation chez les compagnons, puis dans un petit atelier de montage d’éléments en ossature bois très récent sur la façon dont il a abordé la gestion des déchets dans ces diverses expériences professionnelles : Chez les compagnons c’était assez formel, c’est à dire plus réglo, il y’avait plusieurs bennes différentes, le bois brut, le bois modifié, traité, la maçonnerie etc… Tous ces déchets étaient emmenés par une asso, je ne sais où mais surement dans des centres de déchetterie pro. Dans mon entreprise de construction, y’avait aussi du tri, mais c’était un peu plus informel. Tu avais le bois dont tu savais que tu pouvais en refaire quelque chose, par exemple du chêne brut, un morceau de 15x15, y’avait une petite section au bord de l’autoroute avec écrit « servez-vous », on posait les éléments en bois ici, et ça partait très rapidement. Sinon tout ce qui est ferraille, quincaillerie, zinguerie, c’était les gens du voyage qui venaient les chercher, ils étaient habitués à faire ça ; ils faisaient le tour des entreprises pour savoir s’il y’avait de la ferraille, ça fait partie de leur mode de vie, pour alimenter leurs ressources en construction, ou pour la revente. Ils retournent souvent à la déchetterie pour revendre les matériaux, et se faire un peu d’argent. Et après y’avait aussi tout ce qui était bois pourri, celui-ci on le brûlait nous-même donc pas forcément légal, et on emmenait à la déchetterie ce qu’on ne pouvait pas jeter, recycler

- Dans n’importe qu’elle entreprise, ou chez les compagnons, est ce que c’est possible de séparer l’espace pour pouvoir trier la sciure de bois brut, de celle de bois traité ?

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C’est possible, en fait chaque machine a besoin d’un aspirateur, tu peux très bien avoir deux aspirateurs avec un socle par aspirateur qui contient d’un côté, soit la sciure de brut, soit la sciure de bois traité, ça demande juste une certaine rigueur, mais t’es pas à l’abri d’avoir des mélanges, c’est fin, volatile, donc on ne peut pas garantir qu’il y ait zéro mélange. Cette rigueur dépend des déchets que tu veux ou peux valoriser. (Entretien Baptiste Mingoia, 19/11/21) A ce sujet, Daniel Zarlengua témoigne de la chose suivante : On a mis en place des déchetteries, on a une benne bois, traité, non traité, une benne fer, puis voilà. Chez nous, la sciure c’est tout dans la même benne, parce qu’on ne vient pas valoriser. […] - Et quand vous arrivez à de petites sections qui ne peuvent plus resservir mais qui ne sont pas à l’état de sciure, comment ça se passe ? Ah ! Tu veux que je te raconte la réalité ? La réalité c’est qu’aujourd’hui on en brûle beaucoup du bois. Culturellement déjà. Donc nous, on a mis des bennes, le bois brut est valorisé ailleurs (une compagnie de recyclage vient l’enlever et le broyer ailleurs pour en faire des panneaux de bois ou autres dérivés cités plus haut). Les bois traités partent dans des centres de tri puis d’incinérations, je ne sais pas ce qu’ils en font, mais c’est valorisé. Pour ton information, moi, ça fait vingt ans que je dirige la boîte, et ça ne fait même pas un an qu’on a mis en place une déchetterie, avant on avait un gros troue à l’atelier, le mec reculait, bennait tout, quand je te dis tout, c’est vraiment tout, bois, plastiques, cartons, palettes, tout le merdier, et on y mettait le feu. Je peux te montrer des feux énormes qu’on a fait, on brulait tout, pas très vertueux ni responsable, mais c’était la réalité. - Pourquoi ça fait si peu de temps que vous avez mis la déchetterie en place ? La répression, les gendarmes nous ont expliqué qu’il était interdit de faire du feu. Enfaite, il faut une vraie volonté politique pour faire ça, il y a le discours, puis il y a les actions.

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- Oui je suppose que vous y perdez beaucoup même si ça s’inscrit dans une démarche écologique responsable... (il me coupe) Oui, ça coûte très cher, pour ton information, pour une société comme la nôtre, le poste déchet, c’est cinq mille euros par mois donc entre cinquante et soixante mille par an, c’est une marge qu’on enlève, voilà. (Entretien Zarlengua, 2021) Ces témoignages mettent en lumière plusieurs cas de figures, un premier très formel où l’entreprise met en place un système de tri complet qui suit le schéma classique de valorisation des différents coproduits de l’industrie bois. En d’autres termes, l’entreprise met en place plusieurs bennes, l’une pour le bois massif et l’autre pour le bois traité. Parmi ces déchets, on ne jette que les très petites sections qui ne serviront plus, et on garde les grosses pour en faire des plus petites. Une entreprise de recyclage vient enlever ces bennes, le bois naturel est valorisé en bois énergie, le bois pollué est utilisé pour des palettes, cimenteries ou incinéré spécifiquement. Ce système fonctionne de manière pérenne dans le cas où l’entreprise est sûre de pouvoir assurer financièrement et humainement son fonctionnement. Le deuxième cas de figure est plus informel. Il y a une vraie volonté de réemploi et de gestion mais les moyens de l’entreprise ne permettent pas encore d’assurer des enlèvements réguliers. L’entreprise procède alors de façons différentes, parmi lesquels il y a les dons, ou les dépôts publics renseignés, afin de donner une seconde vie à ces déchets. Ce cas se limite aux déchets facilement réemployables, et ne peut s’appliquer aux déchets de type sciure. Le troisième cas plus subtil comporte une prise de conscience, soit après une répression, soit en lien avec une volonté politique de s’engager dans une économie circulaire sérieuse et organisée. Une volonté politique, parce que dans ces situations, les entreprises font face à un dilemme moral important, ces postes représentent des sommes, du temps et des espaces de travail conséquents. La question de la gestion des déchets est aujourd’hui aussi importante que celle de la gestion forestière. En France, face à l’augmentation de l’utilisation du bois en construction ainsi que dans la consommation des ménages, selon un article paru dans le journal Les Echos en 2017, les stocks de bois-déchets des recycleurs ne cessent de gonfler. 45


En effet, Federec, la Fédération professionnelle des entreprises du recyclage, alerte que les stocks nationaux ont augmentés de 6% en 2016. Pascal Léon, responsable de la filière chez Federec explique à la rédactrice de l’article que pour éviter un procès-verbal, certains recycleurs se voient contraints de poser du bois en décharge. Cependant ce paradoxe, ne semble concerné que les bois pollués, dits bois traités. Les bois non traités venant en grande partie des palettes s’écoulent sans problème et servent surtout de bois de chauffage. Il reste à déterminer si cette augmentation des stocks provient d’une difficulté pour les recycleurs à trouver preneur en France ou d’une augmentation du nombre d’entreprises effectuant un tri plus ordonné.

Selon l’Ademe, l’Agence de la transition écologique, 79% des déchets de la filière bois française sont valorisés. Sur ce chiffre, 57% sont valorisés en matière, et 22% en énergie. Il existe trois types de valorisations : une valorisation matière, broyage puis conversion en panneaux de particules, panneaux OSB, pâte à papier, composte ; une valorisation énergétique, chaufferie, incinérateur, cimenterie ; une valorisation réemploi qui correspond à de la récupération, ou à de la réparation. Lorsqu’on parle de déchets bois, on évoque trois grandes catégories. Le bois de classe A, qui n’est pas traité – le plus à même d’être recyclé, qui provient des sous-produits de l’industrie du bois, c’est à dire de la modification de bois bruts, de bois secs, non traités ou non peints, de palettes, de caisses, de cagettes, de poutres, de planches. Ces bois font majoritairement l’objet d’une valorisation matière et organique. Ils sont broyés pour servir à la fabrication de panneaux de particules, de pâte à papier, de compostage, de dégraissage à pièce métallique ou de litière animale. Les bois de classe B sont des bois traités considérés non-dangereux, ce sont souvent des produits manufacturés, armoires, portes, panneaux, des bois de coffrage déjà utilisés, des vieux meubles. Les bois de classe C sont fortement adjuvantés et souillés par des produits toxiques et par conséquent très souvent impropres à une valorisation de matière, (poteaux téléphoniques, bois de chemin de fer, piquet de vigne...). Pour ces deux dernières catégories, une valorisation énergétique est possible 46


mais dans des conditions d’incinérations très spécifiques. Ils peuvent également être utilisés en cimenterie. mais dans des conditions d’incinérations très spécifiques. Ils peuvent également être utilisés en cimenterie. D’après Jean-Philippe Carpentier, président de la FEDEREC, en 2017 le bois de classe B représentait 85% des déchets collectés. Face à cette croissance, ajoute Pascal Léon, 65 à 70% de bois de classe B étaient vendus par les recycleurs aux producteurs de panneaux agglomérés pour meubles ou produits de construction, et la moitié étaient vendu à l’export, vers la Belgique, l’Italie, et l’Espagne. Selon la Fédération, la production de panneautiers français n’augmente pas, et ils n’incorporent en moyenne que 35% de bois-déchet dans leur production contre 70 à 90% en Belgique, et jusqu’à 100% en Italie. Pour y remédier, Pascal Léon évoque une modulation de l’écotaxe incluse dans le prix de vente des pièces neuves, pour inciter à employer plus de bois recyclé. En parallèle, les bois de type medium sont de plus en plus présents dans l’ameublement. C’est un bois qui n’a plus de fibres, réduit à l’état de poussière et qui n’est donc pas propice à un recyclage en nouveau panneau, ne permettant pas de l’incorporer à une économie circulaire et qui ne servira qu’en bois de chauffage. Dans ce domaine, Pascal Léon indique que l’Allemagne à dix ans d’avance sur la France qui d’après lui « a pris du retard, car la filtration coûte cher, et vu le faible prix du gaz actuel, cette solution est concurrencée par les centrales à gaz classiques » (Léon, 2017). Ce témoignage traduit d’une part une concurrence due à des divergences normatives concernant le taux d’incorporation de bois-déchet dans les nouveaux panneaux, ou divers produits recyclés mais aussi, comme dans l’usinage du bois d’œuvre en pièce de construction, un retard industriel conséquent.

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Cas d’étude - le rapport CODIFAB-GFK A propos du fonctionnement des entreprises de la filière quant à la gestion de leurs déchets, étant donné que le recyclage des produits du bâtiment est largement devenu un enjeu majeur, le CODIFAB (Comité professionnel du développement des industries françaises de l’ameublement et du bois) missionne en 2019 le GFK, un organisme d’étude de marché pour dresser un rapport très complet suite à un sondage méthodique de plusieurs entreprises7. Ils réalisent une étude quantitative auprès de nombreuses structures de la filière à laquelle 606 entreprises répondent, comprenant des entreprises de travaux de la filière bois et des industriels. Les entreprises sollicitées répondent à un questionnaire sur la gestion actuelle de leurs coproduits et la perception qu’ils avaient à propos des solutions existantes. Les résultats obtenus après cet échantillon ont été extrapolés jusqu’à l’échelle nationale afin d’obtenir une vision globale de cette gestion, des volumes concernés et donc de son coût. Les 606 entreprises interrogées comprennent 274 charpentiers/constructeurs bois, 328 menuisiers agenceurs, quatre industriels du panneau. Il est important de préciser que 88% des entreprises ont des structures de moins de dix salariés. Les raisons de ces utilisations sont détaillées et font parfaitement le lien avec les deux témoignages récoltés précédemment.

Dans presque tous les cas, c’est le plus simple, ou la solution la plus proche de l’entreprise concernée. Les déchetteries publiques ou professionnelles sont souvent utilisées pour des raisons de proximité ou de simplicité. L’évocation d’une raison environnementale quant à l’utilisation d’une des solutions reste cependant plutôt minime. Concernant une potentielle augmentation du nombre d’entreprises effectuant le tri, impactant les recycleurs à trouver preneur en France à force d’accumuler trop de matière, je ne parviens pas à trouver d’information précise. En revanche, dans un rapport de la FEDEREC de 2018, le marché du recyclage, envisager le déchet comme la ressource de demain, il figure une information importante. 48


Une augmentation de la production des panneautiers. En effet, de 2017 à 2018, les volumes valorisés en bois matière ont fortement augmenté, passant de 2.2 millions de tonnes à 3. D’après eux, cette forte croissante a pour conséquence une forte baisse des volumes envoyé à l’élimination, au profit de la valorisation, soit 500.000 tonnes supplémentaires. Après avoir connu un pic d’exportation en 2017, les flux de bois exportés ont reculé au profit d’une valorisation énergétique dans des installations françaises. Passant de près de 50% à 5% de matière exportée. Les valorisations en chaufferie ont alors nettement augmenté, et le chauffage au bois et toujours aujourd’hui remis en question. Malgré tout, le premier semestre de 2018 a permis de réguler le surplus de stocks présent dans les plateformes de recyclage. De plus, cette relance est aussi due à une reprise de la croissance économique qui a poussé les panneautiers à demander davantage de matière première. Mais la FEDEREC déplore que cette croissance ait brutalement pris fin en septembre 2018. Elle a pour cause de nombreuses tensions régionales concernant les dépôts de déchets. L’Agence de la transition écologique évoque son ambition, qui est de rompre le lien entre croissance économique et production de déchets. Parallèlement, en 2018 de nouvelles installations commençaient à consommer du bois énergie issu du recyclage.

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CONCLUSION 50


P

our conclure, ce travail est un état des lieux, une prise en

compte des problèmes et des solutions politiques à un échelon étatique. Entrer dans la recherche à partir du recueil de plusieurs témoignages ne donne pas une vue d’ensemble mais permet de suivre et de comprendre ces problèmes plus humainement. Aujourd’hui, bien que la construction bois soit en hausse, la France, troisième territoire européen quant à sa surface boisée et première quant à sa diversité d’essences, affiche le plus gros déficit commercial d’Europe. En d’autres termes, les importations sont largement supérieures aux exportations. Cette enquête met en lumière certaines des causes de ce déficit commercial qui atteint 7.4 milliards d’euros en 2019, soit 8% de plus que l’année précédente. Je construis le premier axe de mon questionnement sur ce qui apparaît comme un contre sens en ce qui concerne la quantité de matière première disponible sur le territoire. Si l’on considère qu’un nombre croissant de projets viendra dans un très court terme à utiliser la ressource bois, la France sera-t-elle capable de fournir, et dans les temps, la quantité de bois nécessaire sur les chantiers ? Après un entretien avec le Centre national de la propriété forestière, et d’après les rapports de l’ONF, on peut éloigner la question de la disponibilité de la matière première. En France, la filière n’exploite et ne mobilise aujourd’hui que la moitié du volume total de bois sur pied, et près de 90.000ha sont gagnés chaque année. Cependant, Le CNPF m’indique qu’il n’est pas certain que les transformateurs, eux, soient prêt pour ce changement d’échelle. Ce grand paradoxe semble résider d’une part dans le morcellement des surfaces forestières privées. En France, cette surface qui représente 75% de la surface totale boisée est divisée en une multitude de parcelle dont plus de 60% n’atteignent pas un hectare, rendant ainsi leur exploitation difficile voire impossible au regard du nombre de propriétaires concernés par les traversées.

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D’autre part le défi à relever semble tout autant se trouver dans la relocalisation de la transformation des bois feuillus français. Aujourd’hui, faute d’industries adaptées et d’une concurrence commerciale déloyale, une grande partie des grumes de Chêne partent à l’export vers la Chine. Alors, la plupart des constructeurs emploient aujourd’hui du bois résineux, qui ne représente qu’un tiers de la surface boisée, faisant courir la France vers une pénurie proche. Plusieurs scénarios se dégagent de l’analyse de ces situations. Un premier dans lequel le peu de débouchés français concernant les grumes de chênes pourrait naturellement conduire à un remplacement progressif des forêts de feuillus pas des résineux. De plus, l’importation du sapin douglas depuis les forêts nord-américaines s’est accompagnée d’une logique de production industrielle. Cette production privilégie les monocultures, et entraine une perte de biodiversité, un désert biologique. Un second, dans lequel on ne plante plus beaucoup de pins, d’épicéas, et on considère le retour d’une taxe imposée aux transformateurs, qui était selon J.M. Ballu, co-rédacteur du rapport Puech sur l’Etat de la Filière en 2012, leur plus important outil de modernisation, qui en plus d’alimenter un fond commun pour moderniser ou faire émerger des usines à feuillus, pourrait également ralentir l’import. Cette relocalisation passe donc par une modernisation des industries françaises accompagnée par un plan de relance de l’Etat, mais aussi par l’instauration de nouvelles lois, comme l’hypothèse d’une taxe à l’import qui forcerai les acteurs à se tourner vers les feuillus disponibles. Par ailleurs, la question de la gestion des déchets est devenue de plus en plus centrale au fur et à mesure de mon enquête, tant celle-ci représente un dilemme économique et écologique majeurs pour les entreprises, en plus d’être un enjeu environnemental important. Selon l’Ademe, l’Agence de la transition écologique, 79% des déchets de la filière bois française sont valorisés. Sur ce chiffre, 57% sont valorisés en matière, et 22% en énergie. Les raisons de ces utilisations sont détaillées, et dans presque tous les cas, c’est le plus simple, ou la solution la plus proche de l’entreprise concernée qui est retenue. 52


Les déchetteries publiques ou professionnelles sont souvent utilisées pour des raisons de proximité ou de simplicité. L’évocation d’une raison environnementale quant à l’utilisation d’une des solutions reste minime. Les conclusions de ce mémoire alimentent la réflexion de mon projet de fin d’étude. En effet, parallèlement, je m’intéresse à la construction d’un nouveau pôle de sensibilisation à la construction bois. Un pôle d’information, de formation et de production répondant à la croissance actuelle du secteur. Ainsi, les résultats de cette recherche ont permis de mettre en évidence plusieurs problèmes qui peuvent se transformer en réponses architecturales adaptées. Alors, chaque problème soulevé dans cette recherche devient une donnée supplémentaire d’entrée dans le projet.

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« Dossier spécial : retour sur les importations de bois 2018 ». France Bois Forêt. Eté 2019. https://observatoire.franceboisforet.com/wp-content/uploads/2014/06/Bilan-importations-2018-LCB.pdf « Engagement pour la croissance verte relatif à la valorisation des déchets de bois issus du bâtiment en cimenterie » Ministère de la transition écologique et solidaire – Ministère de l’économie et des finances. 17.01.2018 https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/ECV%20-%20Valorisation%20des%20d%C3%A9chets%20de%20bois%20issus%20du%20 b%C3%A2timent%20en%20cimenterie.pdf « Danemark - La situation forestière actuelle : aperçu du contexte et appréciation des principales contraintes ». Parlement Européen – 1991 https://www.europarl.europa.eu/workingpapers/agri/dan-1_fr.htm

REVUES «Immeubles à Vivre bois : Vade-mecum à l’usage des maîtres d’ouvrages.» AdivBois Edition 2021. « Commerce extérieur, bois et dérivés ». Agreste. Décembre 2020, N.364 p.1-12 https://agreste.agriculture.gouv.fr/agreste-web/download/publication/publie/ SynBoi20364/consyn364202012Cex-Bois&D%C3%A9riv%C3%A9s.pdf « La filière bois en France, les déficits commerciaux chroniques » Chambre d’agriculture N.1030 p.25-27 https://chambresagriculture.fr/fileadmin/user_upload/National/FAL_commun/ publications/National/Revue_Chambres-agriculture_1030_2014_Filiere_Bois. pdf «Questions/réponses, le bois dans la construction» France Bois Forêt Distribué lors de la conférence FiBois. «Les filières de déchets bois sont faites de paradoxes ». FORUM DECHETS n.102 p. 1-8. Mars 2015 http://www.forumdechets.ch/themes/FD102/FD102.pdf 59


CONFÉRENCES Conférence FiBois, Maison de l’Architecture, Paris, janvier 2022, La ressource forestière et la construction en feuillus (2h). Replay disponible en envoyant un e-mail à : contact@fibois-idf.fr ou sur leur site internet d’ici là.

RECHERCHES SCIENTIFIQUES CROISEL Jean, COLLET Robert. Vers une meilleure valorisation des chênes secondaires. http://documents.irevues.inist.fr/bitstream/handle/2042/61866/ RFF_2016_68_2_167-172_Croisel.pdf?sequence FOURNIER Meriem, ALIX Claire, et al. La chaine du chêne. Une idée de projet d’innovation sur la valorisation des bois feuillus de qualité secondaire. Issue de l’école chercheur 2015 #35 Pluribois du GDR Sciences du Bois https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-02179955/document

SITES INTERNET DIVERS BrangeonGroup. Recyclage https://www.brangeon.fr/gestion-globale-dechets/dechets-industriels/collecte-tri-traitement-valorisation/bois/ EcoDrop. « Le recyclage et la valorisation de vos déchets bois ». https://www.ecodrop.net/recyclage-et-valorisation-des-dechets-de-bois-batiment/ Site de l’inventaire forestier de l’IGN https://inventaire-forestier.ign.fr/ PaprecAgro, « La valorisation du bois et des déchets verts ». https://www.paprec-agro.com/le-bois Liste des organismes ayant trait au bois - Seila https://www.seila.fr/uploads/news/D-222.pdf

60


Valoservices. « Recyclage palettes, valoriser vos bois de classe A » https://www.valoservices.suez.fr/conseils/blog/recyclage-palette-bois-a-entreprise/

61


ANNEXES

62


63

ON EXTRAIT

BETON =

1%

1 KM D’AUTO ROUTE

MILLIARDS DE TONNES EXTRAITENT (MONDE)

(FRANCE)

TONNES

400M

CHAQUE ANNEE

DE SABLE

2/3

+360%

LA DEMANDE

DEPUIS 30 ANS

QUE DE PETROLE

DE SABLE

9x +

30.000t

1 AN = 40

L’EAU

DE SABLE 1 MAISON

200t

APRES

UTILISE

MATERIAU LE PLUS

la place du sable dans la construction

TERRITOIRES SABLEUX

DE CERTAINS

DISPARITION

NATURELLES

CATASTROPHES

DES DEGATS CAUSES PAR

AUGMENTATION

ET CYCLONES

ANTI TEMPETES

NATURELLES

DES BARRIERES

DISPARITION

LITTORAUX

ET DES

DES COTES

PREMATUREE

EROSION

LE VIDE CREE

COMBLE

LE SABLE COTIER

DES FONDS, FAUNE, ET FLORE AQUATIQUE

DESTRUCTION

ses conséquences sur le territoire


T

M

- de transports

+ Vitesse, - de nuisances

Chantier propre et sec

PAR SA MISE EN PLACE REPONDANT AUX EXIGENCES ACTUELLES

Après la recolte, le stocke

LA FILLIERE CONTRIBUE A L’ENTRETIENT DES FORETS ET PAYSAGES FRANCAIS

GALEM SE EN AI

Absorbe le C02 pdt sa croissance

PAR SA GRANDE CAPACITE A STOCKER DU CARBONE

OUR L NP E A L

+ AMBITIEUSE CONTRE LE RECHAUFFEMENT CLIMATIQUE

IS BO

Préfabrication

GALEM SE EN I A

UN E

E

UN

UVELLE E T NO DIM IN

Fabrication Transport

Mat. 1ère Transport

Le bois

’IMPACT CA RL RB UE

La paille

Ex.

Fin de vie

Vie en oeuvre

Le roseau Le chanvre

LE BIOSOURCE, INELUCTABLE POUR UN FUTUR ECO RESPONSABLE

TION PRIO RI LU O

Mise en oeuvre

ELARGIR L’EVALUATION DES BATIMENTS A LEURS CYCLES DE VIES

IRE TA

M

PE A UNE S

64 NE O

DE

Schéma potentiel des conséquences de la RE2020

DES 2022, PUIS TOUS LES 3 ANS, LES BILANS CARBONE DOIVENT DIMINUER

VEAUX SE OU U N

S IL

T


le bois comme solution durable. LE CYCLE

DU BOIS

EST «RAPIDE»

31% DE

LA FRANCE

EST BOISE

UN RECORD

DEPUIS LE

MOYEN AGE

31%

SI LA VITESSE DEFORESTA°

DIMINUE DEPUIS

30 ANS DEPUIS 1990 420M ha

PERDUS M O N DE EN 2019 LES

D’ICI 2050 POPULATION

+47%

PENURIE DE RESSOURCES

AUX CYCLES LONGS

TROPIQUES

ONT PERDUS L’EQUIVALENT

30 terrains minutes DONC SI AUGMENTATION DE LA CONSTUC°

BOIS

=

GESTION ET DURABILITE

LA WWF PREVOIE

3x + D’EXTRACTION DE BOIS

65


Taux de boisement par département Taux de boisement par département

66

50%


Taux de boisement par région

HAUTS DE FRANCE

0.1 NORMANDIE

0.45

IDF

0.08

BRETAGNE

0.54

GRAND - EST

0.4

PAYS DE LA LOIRE

0.47

CENTRE VAL DE LOIRE

BOURGOGNE

0.33

N. AQUITAINE

0.59

AUVERGNE RHÔNE - ALPES

0.48

0.45

OCCITANIE

0.29

PACA/CORSE

0.21

Nombre d’entreprises de construction bois par région pour 10.000 hbt Nombre d’entreprise de construction bois par région pour 10.000 habitants

67


Taux de boisement par département

50% 42%

30%

60%

46% 43%

50%

40%

63%

50%

45%

41%

Part de la construction bois dans le chiffre d’affaire total des Part de la construction bois dans lerégion chiffre d’affaires total entreprises de constructions de la

des entreprises de constructions de la région

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Données INIES Données environnementales et sanitaires de référence pour le bâtiment Comparaison des bilans carbones selon le matériau

Structures verticales

Planchers

Revêtements de façades 69


Répartition de la composition des peuplements, carte réalisée par l’IGN

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Répartition du volume de bois vivant sur pied par essences (IGN)

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RETRANSCRIPTIONS ENTRETIENS

Baptiste MINGOIA, Architecte diplomé, entretien téléphonique du 19 novembre 2021. 17 minutes. - Qu’est ce qui t’as poussé à faire une seconde formation ? Pourquoi tu as voulu le faire ? - Pour deux raisons, une raison profesionnelle, d’un point de vue personnel, je ne me vois pas travailler derrière un ordinateur tous les jours, j’avais besoin de faire un métier plus physique et qui me fait sortir, donc d’un point de vue pro, je voulais avoir une double casquette et un métier « multi-tâche ». Et d’un point de vu plus personnel, j’ai comme projet de monter un refuge et d’y construire des cabanes pour accueillir des voyageurs, et j’ai envie de les construire tout seul, faire des chantiers participatifs, un peu d’enseignement. - Concernant la formation, c’était une formation de charpentier ou de construction bois en général ? - J’ai choisi la formation charpentier des compagnons du devoir, sur 1 an, qui délivre le diplôme de CAP charpentier, qui est normalement un diplôme que tu passes quand t’as entre 16 et 18 ans. C’est pour ça qu’on le fait sur 1 an et eux 2. Et je me suis concentré sur la charpente et non pas la menuiserie, zinguerie par exemple. La charpente parce que je voulais ce rapport à un matériau biosourcé, et ce rapport à la structure du bâtiment. Le point de départ pour apprendre à construire. - Pendant ta formation, est ce que tu as réussi à avoir vent de comment les compagnons s’approvisionnent en matière 1ère, leurs liens avec les scieries ? -Je pense que chaque entreprise à son fonctionnement, pour mes deux expériences, parce que cette année je suis dans une entreprise de construction, L’année passée dans une entreprise de charpente/couverture à Villefranche sur chère, et le patron avait une coopérative, une structure où collaborent plusieurs chefs

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d’entreprises dans le secteur du BAT et ils achètent la matière 1ère ensemble pour avoir des prix. Cette année c’est différent, je suis dans l’atelier hirondelle, à Plailly et il y a 2 fonctionnements différents : S’approvisionner directement dans les scieries, du bois brut non traité, et sinon on avait aussi du bois contreplaqué en peuplier, et ça on s’approvisionnait chez des fournisseurs comme Déscampsbois, une entreprise de revente de matériaux. - Dans les expériences que tu cites, Comment vous abordiez la gestion des déchets ? - Chez les compagnons c’était un peu plus formel, c’est à dire, plus réglo, il y’avait plusieurs bennes différentes, le bois brut, le bois modifié, traité, la maçonnerie etc… Tous ces déchets étaient emmenés par une asso, je ne sais ou mais surement dans des centres de déchetterie pro. Dans mon entreprise de construction, y’avait aussi du tri, mais c’était un peu plus informel. Tu avais le bois dont tu savais que tu pouvais en refaire quelque chose, par ex’ du chêne brut, un morceau de 15x15, y’avait une petite section au bord de l’autoroute avec écrit « servez-vous », on posait les éléments en bois ici, et ça partait très rapidement. Sinon tout ce qui est ferraille, quincaillerie, zinguerie, ça c’était les gitans qui venaient chercher, ils étaient habitués à faire ça ; ils faisaient le tour des entreprises pour savoir si il y’avait de la ferraille, ça fait partie de leur mode de vie, leur ressource en construction, ou pour la revente. Ils retournent souvent à la déchetterie pour revendre les matériaux, et se faire un peu d’argent. Et après y’avait aussi tout ce qui était bois pourris, celui-ci on le brûlait nous même donc pas forcément légal, et on emmenait à la déchetterie ce qu’on ne pouvait pas jeter, recycler nous-même. - Dans n’importe qu’elle entreprise, ou chez les compagnons, est ce que c’est possible de séparer l’espace pour pouvoir trier la sciure de bois brut, de celle de bois recomposé ? - C’est possible, enfaite chaque machine à besoin d’un aspirateur, tu peux très bien avoir deux aspirateurs avec un socle par aspirateur qui contient d’un côté, soit la sciure de brut, soit la sciure de bois traité, ça demande juste une certaine rigueur, mais t’es pas à l’abri d’avoir des mélanges, c’est fin, volatile, donc on ne peut pas garantir qu’il y ai zéro mélange.

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- Toi est ce que dans ton chemin, t’as senti cet élan pour le bois ? - Oui, je pense pas que la charpente traditionnelle bois, avec des fermes tradi, des assemblages encore tradi etc.. Soit énormément recherchée mais la maison ossature bois et même le contreplaqué, plutôt que le plâtre à l’intérieur oui. Mais je ne pense pas que ça soit nouveau, je pense que comme il ya de plus en plus de gens sensibilisés à l’écologie, et que le milieu de la construction fait partie de ces pbs là, les gens prennent conscience de tout ça et s’intéressent de plus en plus au bois, ce n’est plus qu’esthétique. - Penses-tu que cet engouement est accompagné par la RE2020 les nouveaux calculs des impacts carbones ? - Oui bien sûr, après ça concerne des plus grosses entreprises qui font du collectif, chez les particuliers ça ne leur parlait pas forcément.Durant le peu de temps que j’ai bossé en agence, lorsqu’on travaillait le bois, c’était au centre, forcément, ça n’a que des vertus le bois, il faut arrêter de se voiler la face, et c’est un matériau d’avenir, un impact faible, mais y’a un gros problème dans la filière bois. Du peu que je sais, dans le stockage du bois, dans le séchage, nos bois français on les emmène dans les pays de l’est pour sécher, ils reviennent c’est même plus nos bois, donc quelque chose ne va pas quoi. On ne peut plus réfléchir que d’un point de vue économique. - Chez nous, dans notre cursus d’archi du – à paris, l’utilisation du bois est quand même peu évoquée, comment penses-tu qu’il est possible d’introduire ça ? - Déjà je trouve que c’est une bonne chose d’avoir introduit le concours archi bois, cet élan doit venir des professeurs, ils choisissent les sujets de travail, les projets archi et Co, c’est à eux d’imposer une certaine rigueur dans l’intelligence de construction, de par les choix des matériaux et de la provenance. Je pense qu’il y a plein de monde qui serait partant pour des td de construction bois concret, ne serait ce que pour toucher la matière, les assemblages à petite échelle, bois ou pas d’ailleurs. Il y a une sorte de paresse intellectuelle de construire en béton parce que c’est facile et que ça permet de tout faire.

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En ce qui concerne ta recherche, u devrais regarder au niveau des parcs touristiques, certains attraits touristiques, valorisation patrimoniale, bref, beaucoupde foret donc la question de la gestion ça leur parle énormément, ils ont toujours des pôles foret/bois au sein du parc, eux ils ont une vision économique mais pas que donc peut être que ça peut t’apporter un autre regarde je ne sais pas, nous avions discutés avec un mec du parc naturel des vallons des Vosges - Pour finir est ce que tu sentais que y’avait besoin de main d’œuvre ou que plus de gens voulaient être formés ? - Y’a besoin de main d’œuvre, Ya de moins en moins d’apprentis jeunes, le métier de charpente ne parle plus comme avant, c’est plus la maçonnerie, couverture peinture etc.. Mais par contre y’a de plus en plus de formation charpentier mais dans les personnes qui ont des profils alternatifs comme le mien, c’est à dire que par exemple, il y avait l’an dernier moins de jeunes chez les compagnons, par contre nous on était beaucoup trop quoi... Il y a une vraie volonté d’assurer cette transition en étant expérimenté !

ZARLENGUA Daniel, Directeur de Girod-Moretti Construction Bois. Entretien téléphonique réalise le 23 novembre 2021, 19 minutes. - A ton échelle, celle de l’entreprise est ce que tu sens une différence qui est notable, un engouement pour la construction bois ? notamment avec l’arrivée de la RE2020 peut être ? - Alors oui, on sent un intérêt, pas mal au niveau du marché public, les collectivités ont cette volonté de construire en bois, je pense plus que ce soit un effet de mode, que parce que c’est un acte « éco-responsable ». Alors est ce que c’est tous des « écolos-bobos » qui veulent construire en bois, est ce que c’est tous des gens qui ont cette sensibilité au matériau et qui en sont convaincus ? ou est ce que c’est juste des gens qui veulent adhérer à une image ? Après peu importe, mais on se rend que ya un engouement en effet, donc ça c’est le côté positif. Le cote négatif, c’est un nouveau mode de construction, qui demande de l’ingénierie, c’est une ingénierie spécifique, qui n’est peut-être pas forcément toujours présente.

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- OK, donc tu penses qu’il y’aurait besoin de plus de main d’œuvre qualifiée ? - Je ne pense pas à plus de main d’œuvre, mais de plus d’ingénierie, de matière grise, de matière grise, des gens qui sont capables de faire des études d’exécutions, des gens qui conçoivent avec du réalisme. Cad que vous archi, vous allez avoir des attentes, et ces attentes il faut les concrétiser techniquement. Comme quand tu dis, que tu veux faire un bâtiment en béton, tu dis je vais voir « Chapuis », (BET dans l’Ain), et il dimensionne, trouve des solutions, donne ces infos-là, ben il faudrait qu’il y ai le pendant de Chapuis en bois. Alors, Greffe (encore un autre), ça fait 15 ans que je le sensibilise, donc moi j’avais un BET qui a arrêté y’a deux trois ans, un mec qui avait 65 ans, qui était un puis de science, mais de science terrain, c’ets de ça dont on a besoin. Des ingénieurs d’exécutions et pas des ingés qui théorisent trop, et qui sont confrontés aux codes et qui mettent tous dans des logiciels et qui disent on va modéliser, il faut des gens qui aient ce sens constructif. Ce pragmatisme, cette intelligence constructive. Greffe l’a pas mal celle-là, parce que c’est quelqu’un qui ci intéresse. Enfaite on a un matériau qui est relativement simple, et attirant, si tu t’y intéresse. Si tu commences à t’y intéresser tu vas te dire que le champ des possibles est très large. Le frein au developpement, c’est le manque d’ingénierie bois, c’est ça , et l’autre frein, c’est le manque d’industrie, c’est pas un pb de ressource, dire en France on n’a pas la ressource c’est faux, en France, le métier de charpentier par le passé, c’est un métier qui demandait quoi comme compétence, c’était un mec qui maitrise la géométrie, le tracé, d’ailleurs si on remonte plus loin, le charpentier était architecte avant, l’archi était charpentier, dans n’’importe quel sens. Il traçait sa charpente, il allait dans la forêt, il coupait ses arbres, et il disait non mais cet arbre, il me le faut comme ça parce que je ne veux pas qu’il strie dans ce sens-là, il maitrisait tout le processus. Entre la forêt et la construction, y’avait que le bucheron et le charpentier. Aujourd’hui, le métier a tellement évolué, parce qu’on veut plus des arbres qui viennent de la foret, on veut des arbres qui viennent de la foret mais qui sont passés par une usine qui les a séché, raboté, peint, mis en section standard, donc en fait le charpentier avant, il allait voir son scieur, et lui il était la deuxième transformation. Aujourd’hui le charpentier, il emploie des matériaux qui viennent de la 2ème, 3ème, voir 4ème transformation. Donc ajd, le matériau qu’on met en œuvre est beaucoup plus élaboré, et quel est le frein au développement du bois ? c’est qu’on a pas assez d’industrie qui transforme 76


le bois. - Il manque de scierie, transporteurs, exploitants ou.. ? - Alors, il manque de scierie, il manque de raboterie, il manque d’usine de lamellé collé, d’usine d’aboutage, d’usine de fabrication de dalle bois, ces process que nous mettons en œuvre sur nos chantiers. Mais la ressource ne manque pas, par ex le département de l’Ain, est l’un des département forestier les plus fournis, on s’en rend plus compte, c’est familier mais on a vraiment une grosse capacité en foret. - D’ailleurs quels sont vos liens avec les fournisseurs ? - On a des liens assez étroits, un scieur principale quasi exclusif, et on est aussi son charpentier quasi exclusif. Quand ils font un truc ils nous appellent, y’a des années ou pour moi juste lui c’est 2M de CA, mon plus gros client, ou mon plus gros fournisseur. On a une relation d’affinité, d’affaire mais ce que je peux déplorer c’est qu’ils sont tellement gros par rapport à nous qu’ils n’ont pas toujours l’écoute pour nous livrer les produits dont on a besoin. Un scieur, quand un archi dessine un poteau de 18x18, parceque t’as tramé ta maison, parce que t’as calculé comme il faut, l’esthétisme impose 18x18, le scieur va dire moi j’ai du 20.20, le pb c’est que les scieurs n’ont pas standardisé leurs sections, quand on discute des agglos, la taille c’est des 20/40, dans notre métier ce n’est oas normé. - Arrivez-vous à faire un travail de déstandardisassions, ou le subissez-vous ? - J’aurai tendance à dire qu’on arrive à anticiper, on n’arrive à ne plus en faire une contrainte mais une anticipation on va dire. Cad que quand on dessine un projet on se cale tout de suite sur les sections du scieur, par contre au niveau a pro, ça te limite énormément, et niveau prix, quand le mec c’est que t’as conçu avec sa section, bah il se met bien. Donc aujourd’hui je pense que pour se développer, la filière bois, doit standardiser ses bois, et quand tu entends parler au sens large du bois local, je crois qu’il faut qu’on ai cette honnêteté en France de dire que, déjà si on emploi du bois français c’est un bout de victoire, la plus grande.

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- D’ailleurs, vous construisez essentiellement avec du bois français ? - Quand tu construits en bois massifs t’es avec du bois français, quand tu construits avec du lamellé collé c’est essentiellement du bois du nord, quand tu travail de produits manufactures, transformes, bardage, traite peint etc, c’est souvent des bois d’importations. 9a rejoint le pb de manque d’industrie ici. C’est pour ça que l’état a lance un plan de relance, de subventions de 300m pour l’industrialisation bois fr, mais le pb c’est que dans l’état actuel, on part de tellement loin que c’est les gros qui en profitent, les gros ont déjà un pseudo monopole, donc ajd, en favorisant ces projets-là, on contribue à créer un monopole, et à créer une filière qui a plus des œillères que des solutions. C’est un avis de charpentier, le scieur te dira peut-être autre chose, je te dis ça sans sincèrement quoi. - Au niveau, de la gestion des déchets comme ça se passe chez vous ? - On a mis en place des déchetteries, on a une benne bois, une benne fer, traité, non traité, puis voilà. Et chez nous la sciure c’est tout dans la même benne, parce qu’on ne vient pas valoriser. Ceux qui valorisent très bien ce sont les scieurs, il fait le connexe, le scieur prend un morceau de bois et les branches donc il peut les faire passer en composte, après il prend l’arbre, il enlève les écorces, il les fait partir dans la cogénération, il fait des chaufferies des choses comme ça. Après une fois qu’il a raboté, qu’il a scié, les copeaux, la sciure, il valorise, les copeaux partent en panneaux, la sciure, panneau en fonction de qualité. Le bois énergie, le bois part vers des centrales de cogénération. Donc le scieur quand il acheté, il fait très peu de déchets, il valorise tout, c’est les rois de l’optimisation du matériau. - Et vous quand vous arrivez à des petites sections qui peuvent plus resservir mais qui ne sont pas à l’état de sciure comment ça se passe ? - Ah ! tu veux que je te raconte la réalité ? Bah la réalité c’est qu’aujourd’hui on en brûle beaucoup du bois, culturellement déjà. Donc je te dis-nous on a mis des bennes, le bois brut est valorise ailleurs, les bois traités ça part dans des centre de tri, et je ne sais pas ce qu’ils en font, mais c’est valorisé aussi.. Mais pour ton information, moi ça fait 20 ans que je dirige la boite, ça ne fait même pas 1 an qu’on a mis en place une déchetterie, avant on avait un gros troue à l’atelier, 78


le mec il reculait, il bennait tout, quand je te dis tout c’est vraiment tout, bois, plastique, carton, palette, tout le merdier, et on y mettait le feu. Je peux te montrer des feux énormes qu’on a fait, on brulait tout, pas très vertueux ni responsable mais c’était la réalité. - Pourquoi ça fait si peu de temps que vous avez mis la déchetterie en place ? -Les gendarmes nous ont expliqué qu’il était interdit de faire du feu, c’est la répression. Enfaite faut une vraie volonté politique pour faire ça, y’a le discours, puis y’a les actions. - Oui, je suppose que vous y perdez beaucoup, même si ça s’inscrit dans une démarche eco.. - Ouais, ça coute très cher, pour ton info pour une société comme la nôtre, le post déchet, c’est 5000e/mois donc 50/60k/an, c’est une marge qu’on enlève quoi, voilà.

COJEAN Eva, Fédération Nationale du Bois. Entretien physique annulé, questions/réponses par e-mail. - A votre échelle, au sein de votre organisme, en tant qu’interlocuteur, acteur de la mobilisation, comment percevez-vous un élan/engouement particulier pour la construction bois ? - Au sein des scieurs et industriels du bois de France de la FNB l’engouement pour la construction bois a fait énormément augmenter la quantité demandée sur tous les produits de la construction (structure, enveloppe, aménagement, etc.) - Comment réagissez-vous face à cette demande grandissante ? - Au niveau de la FNB nous tâchons de communiquer à nos adhérents les informations dont ils ont besoin sur l’évolution du marché au niveau internationale sur la récolte et la transformation du bois. Nous apportons les outils de communication et de prescription technique pour présenter l’offre collective aux acteurs 79


de la filière pour apporter de la visibilité aux produits de construction fabriqués par nos adhérents (catalogue de l’offre française, FDES des produits bois français, guide pédagogique) - Comment réagissez-vous face à cette demande grandissante ? - Pour la FNB, nous communiquons et répondons aux questions de nos adhérents… La demande grandit, les difficultés d’approvisionnement rencontrées ne viennent pas de la ressource comme on pourrait le croire (en France la surface forestière augmente même), la forêt est bien gérée pour ne pas surexploiter sa capacité à se régénérer (il y a une règlementation à suivre). Les capacités de productions n’augmentent pas aussi vite - Comment agissez-vous sur le cycle de gestion du bois, quels sont vos liens avec les exploitations forestières, les scieries, l’acheminement de cette matière première vers les entreprises de construction ? La fédération Nationale du bois = exploitant forestier, scieurs et industriels de la 2nde transformation, négoces du bois

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contrats (comme partout)

Le mieux serait d’avoir des réponses d’un scieur directement



Le déficit commercial de la filière bois française En 2019, le déficit commercial de la filière bois française atteint près de 7.4 milliards d’euros, une hausse de presque 8% par rapport à 2018. Les importations augmentent tandis que les exportations diminuent, un véritable paradoxe lorsqu’on considère la ressource forestière française. Je construis mon questionnement sur l’élan dont semble bénéficier la construction bois, et ainsi, ma réflexion s’articule autour des problèmes soulevés aujourd’hui par mes interlocuteurs. Comment le morcellement parcellaire forestier impacte-t-il la ressource ? Pourquoi les feuillus, majoritairement présents, restent sous exploités ? Quel est l’impact de la concurrence chinoise sur l’utilisation du bois français ? L’industrie française est-elle à la hauteur du changement d’échelle imminent concernant le nombre de constructions bois ? Comment l’Etat réagit-il face aux problèmes mis en lumière ? Comment s’organise la gestion des nombreux déchets de la filière ? En d’autres termes, je tenterai d’expliquer les causes d’un tel déficit commercial à partir des points de vue fournis par les acteurs impliqués dans l’industrie, la mise en œuvre et la gestion de la filière bois, car ces questions souvent soulevées sont aussi au cœur de l’enquête que j’ai menée à petite échelle. Celle-ci permet de mettre en lumière certains problèmes, notamment l’absence d’un positionnement politique sur le remembrement des parcelles, une concurrence déloyale à l’achat de matières premières, un retard conséquent des industriels français sur leurs voisins européens, et aussi une gestion des déchets insatisfaisante.

Léon DOSSE


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