L’INTERVIEW
« Arrêtons le corporatisme ! » Gérard Raymond, AFD
Les insoumis de la santé
Les mystères de l’aspirine
L’enjeu Datamatrix
DÉCRYPTAGE P. 22
ENQUÊTE P. 26
INVESTISSEMENT P. 38
No 1241 JUIN 2012
É T N A S A A L L N O L E E S H C U A G rès , s ap n a ubry s ze A u t o n d e re e et vernem es Affai ? é s s i ive l s le gou istère d maciens ress g é sou min har es p rge d titution ênes du l a e r m la bs sr end près it de su prend le nt s’att a s o dr t an qui oi doive Ving ntion du uraine u e To .Àq l’obt isol a Santé . r a l tM ve c’es es et de ospecti l r a soci ses et p s i l Cou
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L’Éditorial
Le PHaRMaCIeN DEFRANCE
Les cinq ans à venir
Philippe Gaertner
© Miguel Medina
Président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France
No 1241 I 55e année I05/06/12 ISSN 0031-6938 I CPPAP : 0212 T 81323 www.lepharmacien.fr LE PHARMACIEN DE FRANCE 13, rue Ballu, 75311 Paris Cedex 09 Tél. : 01 42 81 15 96 I Fax : 01 42 81 96 61 DIRECTEUR de la publication : Éric Garnier DIRECTEUR DE LA RÉDACTION : Jocelyne Wittevrongel RÉDACTEUR EN CHEF : Laurent Simon (lsimon@lepharmacien.fr) RÉDACTRICE EN CHEF ADJOINTE : Anne-Laure Mercier (almercier@lepharmacien.fr) RÉDACTRICE : Pauline Michel (pmichel@lepharmacien.fr) secrétaire de rédaction : Joséphine Volat (jvolat@lepharmacien.fr) Ont collaboré à ce numéro : Jacqueline MachuI Claire Grevot IFrançois Silvan création et réalisation : Rampazzo & Associés www.rampazzo.com - blog.rampazzo.com correction : Francys Gramet IMPRESSION : Lescure ThéolI 27120 Douains ILLUSTRATIONS : Photos : Virginie de Galzain I Raphaël Dautigny IMiguel Medina ISebastian Scheffel Dessins : Martin Vidberg DIRECTEUR commercial ET RESPONSABLE DE LA PUBLICITÉ : Christophe Bentz (cbentz@lepharmacien. fr). Tél. : 01 42 81 56 85 Fax. : 01 42 81 96 61 ABONNEMENTS : Tél. : 01 42 81 15 96 L’abonnement d’un an France-Corse : 90 € TTC I Guyane : 89,08 € TTC Guadeloupe, Martinique, Réunion : 89,08 € Étranger : 154 € I Achat au numéro : 12 € TTC I Certificat d’inscription à la Commission paritaire de la presse : no 0212 T 81323 ORGANE D’INFORMATIONS SCIENTIFIQUES ET PROFESSIONNELLES PHARMACEUTIQUES Le Pharmacien de France est édité par la SARL « Le Pharmacien de France ». Siège : 13, rue Ballu, 75311 Paris Cedex 09. Durée 99 ans à compter de 1977 Capital : 93 000 euros I Cogérants : Éric Garnier I Jocelyne Wittevrongel I Date du contrôle OJD : 28/11/2011.
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a présidentielle, les Convention que nous pourrons nous avouer législatives… la gagnants. Reste, au-delà de ces réformes, de Convention phar- nombreux points sur lesquels nous sommes en maceutique. Par attente de solutions pragmatiques. Je ne citerais un de ces hasards parmi ces dossiers que les sociétés de particique les négocia- pation financière des professions libérales, les tions favorisent, les calendriers électoraux et fameuses holdings, ou encore la question brûlante professionnels se sont harmonisés. En ces temps de la fourniture de médicaments aux maisons d’alternance politique s’ouvre donc également de retraite. Concernant ces deux dossiers et bien un nouveau champ conventionnel pour les phar- d’autres, comme le développement professionnel maciens. Paiement à la performance sur les continu ou la rétrocession, les réponses se font génériques, entretiens pharmaceutiques, rému- attendre depuis trop longtemps. nération au forfait : ce que la profession a gagné En attendant de commencer le travail avec les à force de discussions, elle ne le perdra plus. équipes ministérielles qui se mettent en place, Droite, gauche et centre se sont toujours accor- je voudrais juste rappeler quelques règles dés dans l’intérêt du patient : simples sur lesil n’y a évidemment rien de quelles nous ne tranpartisan à vouloir mieux suivre sigerons jamais. et mieux prendre en charge Ce que la profession Elles sont au nombre certaines pathologies et cette a gagné à force de trois et constinouvelle Convention ne traite tuent les piliers de de discussions, elle bien que de cela. notre profession, Mais, c’est le paradoxe, rien ne le perdra plus. ceux qui nous ont n’est encore gagné pour les permis à la fois de pharmaciens : certaines étapes construire notre hiscruciales nous attendent. La première d’entre toire et de préparer notre avenir : le médicament, elles sera la prochaine loi de financement de la quel qu’il soit, doit rester à l’officine, sa proSécurité sociale. Cette étape annuelle aura cette priété doit rester exclusive aux pharmaciens qui année une grande originalité : elle devra conte- y exercent, gage de leur indépendance, et, enfin, nir tous les éléments législatifs de la rémunéra- les officines doivent être harmonieusement tion mixte. La seconde sera le rendez-vous du réparties sur le territoire. Je ne doute pas que 1er janvier prochain, lorsque la possibilité sera l’équipe gouvernementale en place connaisse enfin ouverte aux pharmaciens de débuter les déjà ces règles capitales mais notre persévérance entretiens de suivi sur les anticoagulants oraux. à les maintenir est la garantie de leur moderCe n’est qu’après avoir remporté la confiance nité pour tous les quinquennats à venir, quels des patients et mis des actes sur les mots de la qu’ils soient.
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juin 2012 Sommaire
Le PHaRMaCIeN DEFRANCE
Actualité
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Santé
26
L’INTERVIEW
4
50
Gérard Raymond : « Arrêtons le corporatisme ! »
26
28
PANORAMA
8 13
L’ACTU EN BREF LE KIOSQUE
32
16
ENJEUX La santé selon la gauche
33
LES DOSSIERS DE LA FÉDÉ
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CONSEIL Le Laser s’attaque aux onychomycoses FICHE CONSEIL Traitements des onychomycoses INTERNATIONAL Dr Vidéo et Mr Games
20
DÉCRYPTAGE
Officine
ENQUÊTE Les mystères de l’aspirine
38 40 43 44 47 48
INVESTISSEMENT L’enjeu Datamatrix SUBSTITUONS ! EN BREF NOUVELLES TECHNOS Envoyer des gros fichiers ÉCO&VOUS PRODUITS
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BANC D’ESSAI Les produits anti-jambes lourdes
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APERÇU
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CULTURE AUTO-MOTO
Les insoumis de la santé Associations, revues militantes, blogs… Au fil des polémiques sanitaires, une nouvelle façon d’informer les professionnels de santé et le grand public est née. Dans le sillage de la revue médicale indépendante Prescrire, c’est un
22 mouvement de fond qui s’organise depuis une dizaine d’années. Les sites internet médicaux alimentés par les professionnels de santé et indépendants de tout financement industriel connaissent un véritable essor.
ABONNEZ-VOUS maintenant au Pharmacien de France. Rendez-vous sur www.lepharmacien.fr Ce numéro comporte un encart jeté de 4 pages « Congrès des pharmaciens » et un encart jeté de 1 page « Agenda des pharmaciens ». Juin 2012 I No 1241 I 3
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Actualité En bref
Le PHaRMaCIeN DEFRANCE
« Il ne faut pas se laisser enfermer dans un piège intellectuel selon lequel l’augmentation des dépenses de santé […] représenterait une charge intolérable pour la société. »
Lucien Abenhaim, auditionné dans le cadre du procès Mediator.
Lucy Vincent, directrice générale de Servier.
Jacques Attali, économiste, lors d’un discours au congrès Hôpital Expo.
Gérer la sortie des seniors Comment coordonner le parcours de soins des personnes âgées en sortie d’hôpital ? Des expérimentations vont commencer dans sept régions : Bourgogne, Bretagne, Île-de-France, Limousin, Lorraine, Pays de la Loire et Provence-AlpesCôte d’Azur. Les pharmaciens sont présents dans le comité de pilotage par l’intermédiaire de l’Union nationale des professionnels de santé. À suivre. ❙
vétérinaire
Les vermifuges en OTC Il était attendu depuis des mois (voir Le Pharmacien de France, no 1239) : un décret paru au Journal officiel du 10 mai dernier exonère désormais la quasi-totalité des vermifuges pour chiens et chats, au moins pour les petites présentations. Peuvent donc être délivrés sans prescription le flubendazole (Flubenol pâte, Felivers Biocanina), le lévamisole (Stromiten, Vermifuge Clement chat, Vermex Biocanina, Gelminthe Clément-Thékan, Teniverm 0,5), le praziquantel (Drontal P, Drontal P pâte et Drontal chat, Ascatryl trio, Prazical, Milbemax cp, cp appétent et tab, Dolpac 2, 10 et 25, Plerion 5 et 10), le fenbendazole (Panacur 250 et 500) ou l’oxfendazole (Dolthene). ❙
humanitaire
Au chevet de la Syrie Issam Moussly, titulaire à Pleurs, dans la Marne, a mis en place un réseau d’approvisionnement pour les insurgés syriens.
«J
e repars demain en Turquie. » La mission entamée par Issam Moussly en janvier 2012, n’est malheureusement pas prête de s’achever : « Je dois amener 200 kilos de matériel médical qui seront livrés par des passeurs à des hôpitaux de campagne dans tout le pays. » Le
pharmacien a pour cela fondé une organisation non gouvernementale, Solidarité Syrie, qui lui permet de lever des fonds : « La première collecte de dons nous a permis de réunir 9 000 euros, exclusivement réservés à l’achat de trois tonnes de médicaments bien ciblés à partir d’une liste que nous avaient confiée les médecins syriens. » Manquent particulièrement les anesthésiques par voie parentérale, difficiles à acheter, difficiles à convoyer et à exporter mais indispensables pour soigner les blessés. L’association créée par Issam Moussly accepte tous les dons. Vous pouvez adresser vos chèques à Solidarité Syrie, 31 rue du Général-Leclerc, 51230 Pleurs. ❙
Prise en charge
Des parcours semés de professionnels BPCO, maladie rénale chronique, Parkinson ou insuffisance cardiaque… où sont les pharmaciens ? La Haute Autorité de santé a publié le 15 mai dernier des « parcours de soins personnalisés » à destination des professionnels gérant les patients en ALD. Des guides pour comprendre la place d’une profession dans le système de soin. Résultat : dans la bronchopneumopathie, les pharmaciens sont cités au niveau de la dispensation des médicaments et du sevrage tabagique. Dans l’insuffisance
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hôpital
© miguel medina
« Sur les 200 rapports de l’Oniam, 20 ou 30 suggèrent l’imputabilité du Mediator. [...] Les dégâts annoncés ne correspondent pas à la réalité. » DR
« Si on m’avait signalé que [le Mediator] était un anorexigène, le produit ne serait pas resté deux heures dans une pharmacie. »
DR
© sénat
ce qu’ils ils l’ont dit ont dit
cardiaque, les potards sont mentionnés pour leur rôle d’éducateurs thérapeutiques ou pour limiter l’automédication, notamment le recours aux AINS. En revanche, dans la maladie de Parkinson, l’officine n’apparaît pas en cas de prise en charge multidiscipli-
naire… Pour la maladie rénale, le pharmacien est classiquement cité pour son apport dans le « contrôle des prescriptions médicamenteuses, l’information et l’éducation » du patient. « C’est un net progrès dans la mesure où nous n‘étions même pas présents dans des recommandations antérieures », se félicite néanmoins Philippe Denry, en charge de la formation professionnelle à la FSPF. La suite aux prochaines recommandations… ❙ Ces documents sont consultables sur http://tinyurl.com/cduhhxt.
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Actualité
Le PHaRMaCIeN DEFRANCE
REPÈRES
15 000 – 4,6 % 20 fois 14 % euros
C’est la somme remise par Optipharm au Centre de lutte contre le cancer d’Auvergne, grâce à une campagne de dépistage du cancer colorectal dans ses pharmacies.
Le nombre de déclarations d’embauche de plus d’un mois, hors intérim, a baissé au mois d’avril. Le baromètre de l’Agence centrale des organismes de Sécurité sociale confirme ainsi la tendance observée depuis neuf mois.
C’est l’écart maximal de rémunération entre le plus bas et le plus haut salaire d’une même entreprise que des sénateurs veulent voir appliquer. Leur proposition de loi déposée le 21 mai intégrerait les rémunérations de toute nature.
des étudiants en médecine et pharmacie ont renoncé à des soins pour raisons financières au cours des douze derniers mois, selon la troisième enquête nationale de La Mutuelle des étudiants.
belgique
états-unis
Les mesures d’économies imposées par le ministère de la Santé publique belge continuent d’affluer (voir Le Pharmacien de France, no 1240). Au 1er juillet, elles toucheront l’oxygénothérapie. L’Association pharmaceutique belge (APB) explique que « l’oxygénothérapie chronique est déplacée vers le milieu hospitalier où est utilisé l’oxygène liquide. Cela revient à dire que la nouvelle réglementation réduit le rôle du pharmacien aux cas d‘urgence. » Pour commencer, le pharmacien n’est plus tenu de détenir une bouteille d’oxygène en stock (pour une garde, par exemple). L’APB juge la mesure « totalement inacceptable ». ❙
De l’OTC « plus » ? La Food and Drug Administration réfléchit sérieusement à donner aux pharmaciens un rôle élargi en autorisant notamment la délivrance directement aux patients et sans ordonnance de certains médicaments, dans l’asthme, le diabète ou la migraine, par exemple. Plus surprenant, l’agence américaine pousse également à l’utilisation de kiosques d’autodiagnostic où, par l’intermédiaire d’un écran tactile, le patient pourrait donc « s’autoprescrire » des spécialités comme les antihypertenseurs. Inutile de dire que ces mesures plutôt novatrices sont encore en évaluation. ❙
L’oxygène quitte l’officine Prescription facultative
MACRO / ÉCO
Le circuit des parapharmacies en France Ce sont les parapharmacies Leclerc qui tiennent le haut du pavé dans le marché de la parapharmacie en France, avec 170 points de vente début 2012, suivies par Monoprix (102) et Carrefour (84). Hors officine, le circuit français des parapharmacies compte 760 points de vente physiques.
Parapharmacies non issues de la grande distribution : 235 points de vente environ
Parapharmacies en ligne : 200 sites internet
Parapharmacies en ligne Environ 200 sites internet
Parapharmacies indépendantes 100 points de vente
Chaînes de parapharmacies 135 points de vente
Parapharmacies de la grande distribution : 525 points de vente environ
Shop-in-shop
Enseignes de parapharmacies
Parapharmacies en ligne : 200 sites Internet
lecomptoiresante.com, monguidesante.com, ma-parapharmacie.com, santessima.com.
Parashop, Paraland-Beautéland, Nocibé, Tanguy Cosmétiques, etc. + Parapharmacies des grands magasins (Printemps, Galeries Lafayette)
Leclerc, Monoprix, Carrefour, Auchan, Casino, Cora, Intermarché, Système U.
Source : Le circuit français des parapharmacies en 2012 © Eurostaf
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Actualité Enjeux
Le PHaRMaCIeN DEFRANCE
L’INTERVIEW
« Arrêtons le corporatisme ! » Gérard Raymond, AFD
Les insoumis de la santé
Les mystères de l’aspirine
L’enjeu Datamatrix
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INVESTISSEMENT P. 38
No 1241 JUIN 2012
É ANT LA SON LA SEL CHE GAU s aprè ry, ze ans nt Aub s dou e et verneme Affaires ? des ive lissé le gou istère rmacien ress sous du min ge dég tion s les pha mar rêne tendre s la substitu d les s’at aprè t de pren ent t ans du droi e qui i doiv Ving ion rain quo Tou té. À l’obtent isol t Mar de la San ive. c’es et pect ales et pros soci s lisse Cou
Vingt ans après la marge dégressive lissée et douze ans après l’obtention du droit de substitution sous le gouvernement Aubry, c’est Marisol Touraine qui prend les rênes du ministère des Affaires sociales et de la Santé. À quoi doivent s’attendre les pharmaciens ? Coulisses et prospective. par Laurent Simon
LA SANTÉ SELON LA GAUCHE La politique est affaire de symboles. Alors
s’est félicité Frédéric Valletoux, président de la Fédération hospitalière de France. Quid de la médecine de ville et des professionnels de santé ? En l’absence de ministre ou de secrétaire d’État spécifiquement chargé de la Santé ou de référent « ambulatoire » dans le gouvernement Ayrault, la question se pose. Dans son discours, la ministre n’a tout de même pas oublié la seule réforme qui concernera la « ville » à court terme : le secteur 2. La limitation des dépassements d’honoraires médicaux sera intégrée au projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour l’année 2013. Une priorité pour le nouveau gouvernement : en ce domaine, les résultats ne pourront attendre plus de « quelques mois », a précisé la ministre.
encore candidat à la présidence de la République, François Hollande avait prononcé son grand discours sur la santé à l’issue de la visite de l’hôpital Robert-Debré et avait consacré au secteur hospitalier la majorité de ses propositions. Bis repetita lors du premier déplacement et du premier discours de Marisol Touraine : à peine nommée, la numéro 6 du gouvernement, qui cumule les portefeuilles des Affaires sociales et de la Santé, a livré les grands axes de sa politique au salon Hôpital Expo porte de Versailles, à Paris. « C’est important, c’est le premier signal qu’elle envoie et il va dans la bonne direction »,
3QUESTIONSÀ…
Didier Tabuteau Quels seront les premiers chantiers du gouvernement ? À mon sens, les sujets prioritaires seront l’hôpital public sur différents thèmes, comme la convergence tarifaire ou la tarification à l’activité, et les dépassements d’honoraires chez les médecins. Ce sont des chantiers majeurs, en particulier l’hôpital où il existe une vraie désespérance des professionnels. Avec un Ondam prévu à + 3 %, la question du déficit de la Sécu sera-t-elle débattue ? Il faudra que le gouvernement garantisse le financement de cette augmentation
de 0,5 % : que l’Ondam soit à 2,5 % ou à 3 %, cela ne préjuge pas des mesures de réduction des déficits qui pourront être prises. Y aura-t-il un changement de mentalité en matière de remboursement des soins ? La vraie question est : quelle Assurance maladie voulons-nous pour demain ? Le partage entre régimes complémentaires et obligatoires est aujourd’hui de 50/50. Il y a une dérive engagée depuis une dizaine d’années.
©MIGUEL MEDINA
titulaire de la chaire Santé à Sciences-Po Paris
Hospitalocentrite aiguë Au vu du parcours de député du Premier ministre Jean-marc Ayrault, on est tenté de le croire : en 2008, il interrogeait déjà la ministre de l’époque Roselyne Bachelot sur les dépassements d’honoraires qui « pénalisent grandement les patients […] et fragilisent les personnes âgées ». Il ira jusqu’à proposer, en mars 2011, un « bouclier rural ». Ce texte de loi finalement rejeté prévoyait quelques mesures bien senties. Extraits : « Il convient désormais de revoir sans tabou le dogme de la liberté d’installation des praticiens médicaux » ou bien : « Le temps est venu pour la représentation nationale de prendre ses responsabilités à l’égard des populations dépourvues d’accès au soin. » Le gouvernement conservera-t-il cette ligne dure ? Quant à Marisol Touraine, si elle n’est pas spécialiste ni du médicament ni des soins de ville, elle s’est néanmoins emparée de ces dossiers à son
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ancien poste de députée à la commission des Affaires sociales de l’Assemblée nationale. En témoigne cette question posée le 31 janvier dernier « sur les difficultés que rencontrent les structures de regroupement à l’achat des pharmaciens titulaires » où elle pointe les insuffisances de ce système mis en place par la loi HPST en 2009 avec pour objectif de « baisser le prix des médicaments non remboursés auprès des laboratoires pratiquant des remises quantitatives et de permettre une certaine stabilité tarifaire entre différentes officines ». Elle y égratigne au passage « l’usage de la rétrocession entre pharmacies, pratique d’ailleurs non conforme aux dispositions […] du Code de santé publique. Il est urgent de favoriser la baisse du prix des médicaments non remboursés ». Le premier sujet de discussion entre les pharmaciens et les équipes de Marisol Touraine semble donc tout trouvé. Concernant le médicament, la campagne électorale avait été avare en propositions originales, les deux principaux candidats ayant peu ou prou proposé une continuation de la politique actuelle basée sur une baisse des prix et une baisse des volumes, ainsi qu’un renforcement de la politique générique. Le gouvernement pourra s’appuyer pour ce faire sur Gilles Johannet : directeur de la Cnam-TS jusqu’en 2002, il est président du Comité économique des produits de santé (CEPS) depuis 2011 et, sous la houlette de Marisol Touraine, appliquera la politique de prix du gouvernement. Pas de rupture à prévoir, malgré la « réforme profonde » sur le médicament qu’a évoquée la ministre. La loi de financement de la Sécurité sociale pour 2013 apportera donc son lot de baisses de prix : « Certainement plus de 1 milliard d’euros sur les prix fabricant hors taxes », avance-t-on à la FSPF. Et ce, malgré la promesse de passer l’Objectif national des dépenses d’Assurance maladie (Ondam) à 3 % au lieu des 2,5 % initialement prévus.
Enjeux Actualité « Il faut une réforme profonde du médicament. » Marisol Touraine, lors de l’émission Les 4 vérités
L’air du temps Concernant les réformes engagées par les pharmaciens, que doit espérer ou craindre la profession ? Les signaux positifs se sont multipliés pour accompagner leur mutation. « Le paiement à l’acte exclusif doit être remplacé par un paiement mixte comportant des paiements forfaitaires pour la prise en III Juin 2012 I No 1241 I 17
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Actualité Enjeux [La santé selon la Gauche]
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charge des patients atteints de maladie Jacques Barrot et Hervé Gaymard en 1995. Au chronique et la réalisation de missions de service moment de sa conclusion, Martine Aubry, devepublic », peut-on ainsi lire dans l’Appel des 123 nue ministre, nous a fait retravailler le texte penpour une santé plus juste, un manifeste coré- dant un an. Finalement, en 1999, le parlement digé par cinq personnalités influentes dans le l’a adopté. L’État et les pharmaciens avaient à petit monde de la santé, dont Olivier Lyon-Caen, l’époque besoin l’un de l’autre. » La politique professeur de neurologie à la Pitié-Salpêtrière générique, un des atouts majeurs de la profes(Paris), qui a été nommé conseiller santé et sion lors de ses négociations avec les gouverrecherche médicale, un poste directement rat- nements et l’Assurance maladie, est donc née sous un gouvernement socialiste. taché à la présidence de la République. « C’était déjà la logique de la convention mise en Ce texte décidément très riche comportait égaplace à l’époque sous le gouvernement Jospin : lement la mise en place du système Sesamla forfaitisation est favorisée par rapport aux Vitale et la fin des créations d’officines par voie rémunérations à la marge ou à l’acte. Tous les dérogatoire, le système plutôt opaque qui avait observateurs considèrent que c’est la bonne voie prévalu jusque-là. Autre mesure plus ancienne mais cette logique est loin d’être aboutie », concernant directement les pharmaciens : la marge dégressive lissée. Ce témoigne Didier Tabuteau, système de rémunération titulaire de la chaire santé à « En 1999, l’État – toujours en vigueur actuelSciences-Po Paris et co- et les pharmaciens lement – prévoyant une auteur de la charte des 123. notabene marge diminuant en pourLa marge de négociation avaient besoin Les premières rencontres centage avec l’augmentation serait donc encore grande en l’un de l’autre. » des professionnels de santé avec du prix des médicaments a ce domaine. C’est ce même le gouvernement– syndicats Bernard Capdeville, été mis en place en mars Didier Tabuteau, alors direcde médecins en tête – se ex-président de la FSPF dérouleront à partir de fin mai 1990 lors du Plan Évin, en teur adjoint du cabinet de et pendant tout le mois de juin. même temps que la diminuMartine Aubry au ministère À quand les pharmaciens ? des Affaires sociales, qui avait négocié avec les tion de la TVA sur les produits remboursables, pharmaciens le droit de substitution en 1999. passée de 5,5 % à 2,1 %. D’autres indices Une avancée historique pour la profession et laissent également penser que l’évolution du une « grande loi sur laquelle la profession vit métier de pharmacien est sur de bons rails. depuis par aménagements successifs, se souvient Parmi les auteurs du rapport de l’Inspection Bernard Capdeville, président de la FSPF de générale des affaires sociales (Igas) sur la phar1995 à 2004. Le chantier de la réforme de l’offi- macie d’officine figurent Pierre-Louis Bras et cine, acté en 1999, avait été ouvert au départ par Bruno Maquart. Le premier a participé à la campagne et au programme du candidat François Hollande et vient d’être nommé conseiller spécial en charge des comptes sociaux au cabinet de Jérôme Cahuzac (voir encadré ci-contre), et Bruno Maquart est un ancien directeur adjoint du cabinet de Martine Aubry, lorsqu’elle était ministre des Affaires sociales. Qui aura les rênes du financement de III
la Sécurité sociale ? Les périmètres des ministères se sont âprement négociés. Marisol Touraine, installée avenue de Ségur, voulait ramener sous sa tutelle les comptes de la Sécu mais elle n’était pas la seule : Pierre Moscovici, ministre de l’Economie et Jérôme Cahuzac, délégué au Budget, auront en fait la haute main sur la rédaction de la loi de financement de la Sécurité sociale. Marisol Touraine interviendra en seconde ligne. Les arbitrages risquent d’être tendus : le déficit de la Sécu s’est encore élevé à 8,6 milliards d’euros l’année dernière.
©MIGUEL MEDINA
Bataille pour la Sécu
Encore de nouvelles missions ? Ce rapport, commandé par Xavier Bertrand, a préfiguré les évolutions majeures contenues dans la Convention pharmaceutique signée en mars dernier. Sur certains points, il est même allé plus loin en évoquant la « rétribution de l’acte vaccinal du pharmacien [dans le cadre de la grippe, NDLR] sur la même base que celle des infirmières ». Rémunérer les pharmaciens pour pratiquer la vaccination ! Une mesure très avantgardiste. Cela ne peut donc être plus clair : situées au-delà des clivages politiques, les avancées actées dans la dernière Convention pharmaceutique semblent désormais acquises. ❙
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CONGRèS NATIONAL DES PH A RM ACIENS 13 - 14 octobre
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Grand Palais
e c i c r e x e l e v u o n n u r e i t é m n u r pou r i n e v a d’
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Santé Enquête
Le PHaRMaCIeN DEFRANCE
L’aspirine est popularisée durant la Première Guerre mondiale. De nos jours, son indication essentielle est son effet antiagrégant plaquettaire : elle n’arrive qu’en troisième position comme antalgique derrière le paracétamol et l’ibuprofène.
Les mystères de l’aspirine Remède de grand-mère ou molécule miracle ? Médicament à part, l’acide acétylsalicylique (AAS) n’en finit plus de livrer ses secrets.
notabene Dans le Vidal de 1958, les effets secondaires de l’aspirine ne sont pratiquement jamais indiqués, observe Thierry Lefebvre, directeur de la Revue d’histoire de la pharmacie. Tout juste signale-t-on l’Aspirine Vicario comme « la mieux tolérée par les estomacs fragiles », ce qui sous-entend des problèmes… Un demi-siècle plus tard, certaines contre-indications deviennent formelles : allaitement, 6e mois de grossesse, insuffisance rénale, HTA, antécédents d’ulcère/ gastrite, anomalies de la coagulation, asthme avec polypes nasaux, insuffisance hépatique, crises de goutte, cas d’affections virales (risque de syndrome de Reye, notamment chez les enfants), association avec un autre AINS ou un autre anticoagulant, etc., sans oublier les allergies qui touchent 2 % de la population.
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aspirine est le médicament le plus consommé au monde : 40 000 tonnes produites annuellement, soit 80 milliards de comprimés, dont 1 500 tonnes pour l’Hexagone. « Un “médicament miracle” qui déroge au principe de précaution », titrent les professeurs Bohuon et Manneret, de l’Académie de pharmacie, dans leur Histoire de la découverte de médicaments. Rien que ça. « Ce n’est certainement pas un remède miracle, réagit le Pr Jean-Paul Giroud, pharmacologue, membre des commissions d’AMM et de pharmacovigilance ANSM. C’est un grand médicament mais aussi un grand méconnu, en particulier de ses utilisateurs. Certains lui prêtent même une action stimulante mais cela relève plus de l’effet placebo ! » Sur le site du National Institute of Health américain, on recense aujourd’hui 600 études impliquant
l’aspirine. Dans le diabète, la migraine, la régénération périodontale ou… la prévention du cancer. L’aspirine présente tous les espoirs d’un produit « moderne » or son utilisation sous forme de plante remonte aux Sumériens ! Il faudra attendre la fin du xixe siècle pour que Bayer le produise industriellement après la synthèse de Félix Hoffmann. « On envisageait à l’époque de l’utiliser contre les rhumatismes, continue Thierry Lefebvre, directeur de la Revue d’histoire de la pharmacie. C’est son utilisation par un dentiste sur ses patients qui en banalisera l’usage comme analgésique. » Couteau suisse Et son rôle en prophylaxie cardiovasculaire ? Évoqué dès la fin du xixe siècle, il n’est envisagé que dans les années 1940-1950 et totalement démontré dans les années 1980. En mai dernier, la HAS a même recommandé l’aspi-
rine comme antiagrégant plaquettaire de première intention. Suite à une publication du Lancet sur le rôle de l’AAS dans… la prévention du cancer, le Pr Malka, cancérologue, s’entousiasme devant « ce produit mystérieux, ce plus banal des médicaments aux effets aussi spectaculaires ». Cet article paru le 21 mars dernier dans la revue britannique, portant sur trois études regroupant plusieurs dizaines de milliers de patients suivis pour risque cardiovasculaire, a montré un effet préventif de l’aspirine. La première conclut en effet à une réduction de 20 % du risque après quatre ans de prise quotidienne (75 mg) et jusqu’à 40 % après cinq ans ; la seconde, une réduction de 31 % du risque d’adénocarcinome métastasé et de 55 % de l’apparition de futures métastases ; la troisième situe la réduction de risque de cancer colorectal à 40 %. Reste à les confirmer par des
Enquête Santé
Le PHaRMaCIeN DEFRANCE
© SEBASTIAN SCHEFFEL
Tois études publiées en mars 2012 dans The Lancet tendent à montrer un effet préventif à court terme sur les cancers d’une prise quotidienne à faible dose. De précédentes études avaient déjà montré un effet bénéfique à long terme, après au moins dix ans de prise. Le mécanisme d’action reste à démontrer.
Une part d’ombre À lire une étude de l’université de Liverpool (Pirmohame, BMJ, 2004), l’aspirine est en effet l’un des produits les plus impliqués dans les hospitalisations pour iatrogénie médicamenteuse (20 %), même si les chiffres semblent plus rassurants en France (voir encadré ci-contre). L’aspirine possède une « aura » qui lui fait très souvent accorder le bénéfice
du doute. Prenons cet exemple d’une enfant atteinte de la maladie rare de Moya-Moya, opérée du cerveau suite à un AVC, traitée quotidiennement depuis déjà six ans… et peut-être à vie sans preuve d’efficacité : « Même si nous n’avons aucun recul sur les éventuelles conséquences de la prise d’aspirine à très long terme, nous maintenons ce traitement, en dépit de l’absence de consensus scientifique et même de preuve formelle de son utilité dans ce cas », expliqueront le neurochirurgien et la neuropédiatre qui la suivent à l’hôpital Necker (Paris). En dépit d’un risque de saignement des vaisseaux du cerveau déjà inhérent à cette maladie. « C’est un médicament à la fois efficace et dangereux, conclut Jean-Paul Giroud. J’insiste sur l’importance de la communi cation qui doit accompagner sa délivrance. » La molécule a manifestement encore de beaux jours devant elle. Sans compter qu’elle a un dernier atout qui se révélera déterminant en ces temps de crise : son très faible coût. ❙
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essais spécifiques, dont les résultats ne seraient pas attendus avant quatre ou cinq ans. En attendant, que répondre aux curieux tentés par une automédication sauvage ? « Si des résultats sont constatés, on n’en connaît pas encore les mécanismes d’action », note Thierry Lefebvre. Raymond Dubois, viceprésident de l’Anderson Cancer Center, qui a mené des essais sur la prévention du cancer colorectal par l’aspirine, indique que, bien que les résultats soient prometteurs, les patients doivent rester prudents et se rapprocher de leur médecin. Une automédication sauvage est toujours dangereuse.
Bernard Delorme responsable de l’information patient-grand public à l’ANSM
L’aspirine obtiendrait-elle son AMM de nos jours? S’agissant de son statut de prescription facultative, sur les critères actuels d’élaboration du dossier, aujourd’hui ça ne passerait pas. Nous faudrait-il pour autant revenir en arrière sur ce volet de l’AMM ? Non car il n’y a pas de signaux de pharmacovigilance qui le justifieraient. C’est une situation assez insolite. Allons-nous vers une utilisation dans la prévention du cancer ? Dans la prévention du cancer, le bénéfice de l’aspirine n’est pas encore clairement établi. Pour le cancer du colon, il l’est, mais on ne peut pas pour autant préconiser de traite-
ment à l’aspirine au long cours : le rapport bénéfice/risque pose quand même question. Pourtant, l’aspirine semble souvent avoir le bénéfice du doute ? Oui, c’est vrai. Une étude de 2008 sur les admissions en France pour iatrogénie n’implique l’ensemble des analgésiques en général que dans 9 % des cas (avec en tête le paracétamol, l’aspirine ne devant pas excéder 2 à 3 % des cas) derrière les antinéoplasiques (17 % des cas) ou les anticoagulants (12,6 %).
François Silvan Juin 2012 I No 1241 I 27