L’interview
« Je m’en veux pour le Mediator »
Tiens, des pilules Les experts « naturelles » ! de l’inventaire
dÉcryptage p. 24 ANALYSE p. XX
enquÊte p. 30
investissement p. 42 enquête p. XX
No 1247 février 2013
Place des infirmiers
Pessoa sur la brèche
Chance
Jean-François Bergmann
Le business des nouvelles
Pharmacien référent
missions
08:10
00-COUV [P].indd 1
pa r t é
Boulevard des génériques
En To tr pa uc eti r h en pa ez s ti 4 AV en 0 € K t
Gare des groupements
Espace de confidentialité
D
ENtretiens Asthme
Rue de l’industrie
L’heure n’est plus aux discussions mais aux investissements.
25/01/13 16:47
L’Éditorial
Le PHaRMaCIeN DEFRANCE
Nouvelle vie (professionnelle)
Philippe Gaertner
© Miguel Medina
Président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France
No 1247 I 55e année I 4/02/13 ISSN 0031-6938 I CPPAP : 0217 T 81323 www.lepharmacien.fr LE PHARMACIEN DE FRANCE 13, rue Ballu, 75311 Paris Cedex 09 Tél. : 01 42 81 15 96 Télécopie : 01 42 81 96 61 DIRECTEUR de la publication : Éric Garnier DIRECTEUR DE LA RÉDACTION : Jocelyne Wittevrongel RÉDACTEUR EN CHEF : Laurent Simon (lsimon@lepharmacien.fr) RÉDACTRICE EN CHEF ADJOINTE : Anne-Laure Mercier (almercier@lepharmacien.fr) RÉDACTRICE : Joëlle Maraschin (jmaraschin@lepharmacien.fr) secrétaire de rédaction : Joséphine Volat (jvolat@lepharmacien.fr) Ont collaboré à ce numéro : Anaïs Bellan I Claire Grevot I Gaëlle Guérin I François Silvan créatioN et réalisation : Rampazzo & Associés www.rampazzo.com - blog.rampazzo.com correction : Francys Gramet IMPRESSION : Lescure Théol 27120 Douains ILLUSTRATIONS : Photos : Miguel Medina Dessins : Martin Vidberg DIRECTEUR commercial ET RESPONSABLE DE LA PUBLICITÉ : Christophe Bentz (cbentz@lepharmacien. fr). Tél. : 01 42 81 56 85 Fax. : 01 42 81 96 61 ABONNEMENTS : Tél. : 01 42 81 15 96 L’abonnement d’un an France-Corse : 90 € TTC I Guyane : 89,08 € TTC Guadeloupe, Martinique, Réunion : 89,08 € Étranger : 154 € I Achat au numéro : 12 € TTC I Certificat d’inscription à la Commission paritaire de la presse : no 0212 T 81323 ORGANE D’INFORMATIONS SCIENTIFIQUES ET PROFESSIONNELLES PHARMACEUTIQUES Le Pharmacien de France est édité par la SARL « Le Pharmacien de France ». Siège : 13, rue Ballu, 75311 Paris Cedex 09. Durée 99 ans à compter de 1977 Capital : 93 000 euros I Cogérants : Éric Garnier I Jocelyne Wittevrongel I Date du contrôle OJD : 28/11/2011.
P
our la première Retenez bien ces mots : la proximité et le service fois à l’officine, ne sont pas délocalisables. La récente autorisanotre comptoir tion de la vente par correspondance des médine nous suffira caments sur Internet, que nous combattons, le plus. Au moment prouvera : rien ne remplace le face-à-face entre où j’écris ces un patient et un professionnel de santé. Le bon lignes, il ne manque qu’une parution au Journal usage du médicament ne se pratique pas à disofficiel pour entériner ce qui a déjà été signé tance. L’Assurance maladie, notre partenaire avec l’Assurance maladie : les entretiens phar- conventionnel, ne se contentera pas de verser maceutiques sur les AVK – et très bientôt sur les sans sourciller les 40 euros par patient et par an anticoagulants de manière générale – sont deve- auxquels nous aurons droit pour ces entretiens. nus une réalité tangible. C’est un grand événe- L’Assurance maladie exigera des résultats. Avec ment dans l’histoire d’une profession que de 17 000 hospitalisations et près de 4 000 décès, pouvoir exploser les cadres et sortir de ses limites les AVK sont un sujet majeur de santé publique. naturelles et c’est une Et puisqu’il faut parler opportunité que nous d’objectifs, en voici : je ne devons tous saisir dès « Retenez bien ces m’avouerai pas satisfait cette année 2013. tant que deux tiers des mots : la proximité Dans les prochains mois, patients concernés ne et le service ne sont vous entendrez des mots seront pas suivis dans le rares, manipulerez des pas délocalisables. » cadre de ces entretiens. Et notions inconnues – colau moins 80 % des offiloque singulier, écoute cines devront proposer ce active, transfert/contreservice dans moins de transfert… –, vous vous frotterez à un art différent, deux ans. Il est des trains qui ne passent pas celui de la conduite d’un entretien. Bref, vous deux fois. Et celui des entretiens pharmaceuapprendrez. Et je suis sûr qu’une profession qui tiques va bientôt entrer en gare. a soif de connaissance comme la nôtre s’y met- Je ne peux toutefois finir cet éditorial sans raptra de très bonne grâce. Ce n’est même pas de peler la mise en garde que j’avais déjà adressée l’optimisme mais la simple constatation que tous à notre ministre et à l’Assurance maladie le mois les pharmaciens que j’ai pu rencontrer – offici- dernier : notre patience a des limites. En naux de base, leaders d’opinions – avouent le quelques semaines, les négociations sur les même enthousiasme. Oui, les entretiens phar- honoraires pharmaceutiques n’ont que trop peu maceutiques seront l’occasion de réinventer évolué. Il ne reste que quelques jours pour notre métier mais aussi, plus pragmatiquement, espérer que nous n’aurons pas à ouvrir les hosun moyen d’assurer l’avenir de la profession. tilités. Soyez alors au rendez-vous.
Février 2013 I No 1247 I 1
février 2013 Sommaire
Le PHaRMaCIeN DEFRANCE
Actualité
16
4
10 15
Officine
30
50
J ean-François Bergmann : « Je m’en veux pour le Mediator »
30 ENQUÊTE Tiens, des pilules « naturelles » !
L’actu en bref Le kiosque
32 Panorama 36 conseil HSV1/HSV2 ou le mélange des genres 37 fiche conseil L’herpès labial ou bouton de fièvre 40 International L’hiver sera chaud
42 investissement Les experts de l’inventaire 44 En bref 46 Produits 48 SUBSTITUONS !
L’INTERVIEW
16 enjeux Le business des nouvelles missions 20
Santé
DOSSIERS DE LA FÉDÉ
décryptage
Pantoprazole
50 BANC D’ESSAI Les genouillères de contention 52
Aperçu
54 56
culture humour
Pessoa sur la brèche L’université privée portugaise Fernando-Pessoa de Toulon a défrayé la chronique en lançant un cursus complet de pharmacie sans numerus clausus. Info ou intox ? C’est le petit jeu auquel elle et ses adversaires semblent se livrer,
24 entre failles réglementaires et arguties transfrontalières. Les diplômes qu’elle délivre étant portugais et reconnus dans toute l’Union européenne, s’achemine-t-on vers la fin du système de sélection « à la française » ?
ABONNEZ-VOUS maintenant au Pharmacien de France. Rendez-vous sur www.lepharmacien.fr Ce numéro comporte une affiche de la campagne « Les génériques, ça devrait être systématique ! ». Février 2013 I No 1247 I 3
Actualité En bref
Le PHaRMaCIeN DEFRANCE
ils l’ont dit
INTERPRO ❙❙« La septième année consécutive de baisse des tarifs de biologie met la profession en situation de décrochage. » C’est en ces termes que le Syndicat des biologistes interpelle la ministre de la Santé, Marisol Touraine, dans une lettre qu’il lui a adressée le 9 janvier dernier. ❙❙L’apprentissage pour les libéraux de santé ? Pas question pour le Centre national des professions libérales de santé. Il s’insurge dans un communiqué contre un projet de directive européenne qui tendrait à la « création d’une filière de formation initiale des infirmiers par la voie de l’apprentissage, dès l’âge de 16 ans ». ❙❙L’enquête de représentativité chez les kinés a rendu ses résultats : la Fédération française des masseurs kinésithérapeutes rééducateurs (FFMKR) se classe première, suivi par l’UNSMKL (Union nationale des syndicats de masseurskinésithérapeutes libéraux). ❙❙Les cardiologues réfléchissent à une réorganisation de leur métier, devant la menace de la désertification, notamment en zones rurales mais aussi dans les petites agglomérations, a-t-on appris lors du Congrès de la société française de cardiologie. ❙❙Le Conseil constitutionnel a tranché dans une décision publiée au Journal officiel : au titre de manquements à la déontologie et dans le cadre des contrôles de son activité par l’Assurance maladie, un médecin poursuivi pour les mêmes faits dans des procédures distinctes ne peut encourir une sanction supérieure à la plus forte des sanctions possibles.
10 I No 1247 I Février 2013
« Les professionnels, en particulier les médecins, n’ont pas encore compris que les relations soignants/ soignés ont énormément changé. »
« J’espère que le gouvernement autorisera nos 200 pharmaciens à vendre les mêmes médicaments. »
Claude Rambaud, nouvelle présidente du Collectif interassociatif sur la santé, lors d’un débat organisé par l’agence Nile le 9 janvier.
Michel Édouard Leclerc dans Le Parisien-Aujourd’hui en France à propos de la vente d’OTC sur Internet.
dr
Martin Winckler, sur www.martinwinckler.com.
© CÉline Reuilly
DR
« Beaucoup de médecins français ne connaissent que le petit univers égocentrique et phobique que leur ont imposé leurs profs de faculté. »
concurrence
Les médicaments au menu En 2013, l’Autorité de la concurrence va se penchera sur la formation des prix des médicaments sur le marché français.
L
es génériques sont décidément dans l’air du temps. Après un rapport rendu public par l’Inspection générale des affaires sociales fin 2012, c’est au tour de l’Autorité de la concurrence d’en faire une de ses priorités pour l’an-
née prochaine. L’institution a déjà trois dossiers en instruction dans le secteur, ceux des génériques du Subutex, du Durogesic et, enfin, du Plavix, dont la générication avait été marquée par de nombreuses pratiques « limites ». En outre, dans le cadre de la grande enquête sectorielle qu’elle compte lancer en 2013, l’Autorité de la concurrence passera au scanner tout le mécanisme de formation des prix des médicaments. Une démarche
identique à celle entreprise dans d’autres secteurs, comme la réparation automobile. Les inspecteurs entendront tous les acteurs de la chaîne du médicament : grossistes-répartiteurs, laboratoires pharmaceutiques ou génériqueurs et, bien sûr, pharmaciens d’officine. Que l’on se rassure néanmoins, la démarche n’est pas contentieuse… à condition que les inspecteurs ne lèvent pas quelques lièvres. Résultats attendus courant 2013. ❙
vétérinaire
représentativité
L’Union européenne n’apporte pas que de mauvaises nouvelles. Pour preuve, le Parlement européen a adopté le 11 décembre dernier une résolution sur les « menaces croissantes de la résistance aux antimicrobiens ». Il y estime « que la révision en cours de la directive 2001/82/CE [sur les médicaments vétérinaires] offre une excellente occasion de prendre des mesures efficaces pour limiter la résistance aux antimicrobiens […], notamment […] en séparant le droit de prescrire du droit de vendre des antimicrobiens, ce qui supprime les incitants économiques liés aux prescriptions »… Le texte n’a pas valeur de loi, certes, mais affiche une tendance intéressante. ❙
Avec 10,38 % de participation, un taux faible, les élections pour les représentants des salariés des très petites entreprises (TPE) n’ont pas rassemblé. Parmi les centrales syndicales en lice, c’est la Confédération générale du travail (CGT) qui arrive en tête, avec 29,54 % des voix, suivie par la Confédération française démocratique du travail (CFDT, 19,26 %). Viennent ensuite Force ouvrière (FO, 15,25 %), puis l’Union nationale des syndicats autonomes (Unsa, 7,35 %) qui s’est félicité de son score prometteur. La Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC) ferme le peloton avec 6,53 % des voix. ❙
L’UE veut séparer Percée de la CGT ordo et vente aux élections TPE
En bref Actualité
Le PHaRMaCIeN DEFRANCE
REPÈRES
152
360 000
C’est le nombre de présentations de l’ibuprofène sur le marché français, calculé grâce à la base de données Médiquick 7 (Esculapepro.com). Advil, Algifène, Spifen..., ce n’est pas le choix qui manque.
ont à ce jour reçu leur carte de professionnel de santé de troisième génération ou CPS3. Le déploiement est, selon l’Asip santé, effectif chez les pharmaciens depuis octobre 2012.
(Source : VIP santé Réunion)
professionnels de santé
800
1 461
C’est le montant des baisses de prix pour l’année 2012, selon Dominique Giorgi, président du Comité économique des produits de santé. Il a prédit un chiffre similaire pour 2013, lors du séminaire de l’Association des pharmaciens de l’industrie.
de supposées victimes du Mediator ont été examinées sur les 7 695 déposés à l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux (Oniam) au 31 décembre dernier. Un processus très lent.
millions d’euros
dossiers d’indemnisation
(Source Ese)
L’IMAGE DUMOIS
Le feu aux poudres Après le Mediator, les pilules de troisième et quatrième génération. La plainte de Marion Larat – cette patiente qui soupçonne la pilule Meliane d’avoir provoqué son AVC – en Une du Monde (voir ci-contre), marque le début d’une nouvelle polémique. Ce cas, orchestré médiatiquement par un cabinet d’avocats spécialisés, est-il une exception ou un nouveau cas d’école ? (Lire aussi notre enquête pp. 30-31.)
laquestiondumois
Soutenez-vous la vente de médicaments sur Internet ? 3 % Même dans les conditions prévues par le ministère de la Santé, c’est non ! Une écrasante majorité (87 %) d’entre vous rejette en bloc la vente de médicaments OTC et, à plus forte raison, la vente de médicaments de prescription par l’intermédiaire de sites Internet, y compris quand ceux-ci sont adossés à une officine « physique ». La décision surprise du ministère de la
Santé a pris tout le monde de court. Toujours est-il que la possibilité de vendre en ligne de l’OTC en libre accès est ouverte depuis le 1er janvier dernier, en application du droit européen. Comment la profession va-t-elle s’adapter à cette nouvelle donne ? Une chose est sûre : les prestataires de sites Web se pressent déjà à vos portes pour vous proposer leurs offres.
9 % NSP
Oui, mais uniquement pour l’OTC.
1 %
Oui, pour tous les médicaments.
87 %
Non, en aucun cas.
Étude réalisée par le département Gestion de Call Center de Celtipharm, sur un échantillon représentatif stratifié de 400 officines françaises sélectionnées dans sa base de données (étude administrée entre le 17/01/2013 et le 22/01/2013).
Février 2013 I No 1247 I 11
Actualité Enjeux
Le PHaRMaCIeN DEFRANCE
Les nouvelles missions font parler d’elles depuis maintenant plusieurs années. Avec le lancement des entretiens pharmaceutiques sur les AVK financés par l’Assurance maladie, le temps n’est plus à la réflexion mais au calcul. par Laurent Simon
LE business des nouvelles missions Vous avez rarement été autant courtisés.
Sites Internet, outils pratiques, soirées de débat et d’information sur tout le territoire…, par les grossistes-répartiteurs, les organismes de formation, les groupements : tous les prestataires de l’officine se sont donné rendez-vous pour vous accompagner lors du lancement des entretiens pharmaceutiques sur les antivitamines K (AVK). La plus symbolique des nouvelles missions, lesquelles regroupent aussi l’éducation thérapeutique ou le pharmacien référent dans la droite ligne de la loi Hôpital, patients, santé et territoires (HPST) de 2009, a donné le coup d’envoi que beaucoup attendaient. Premier « Près de la moitié d’entre eux : les groupements. Ce sont certainement les plus des pharmaciens impatients de promouvoir ces souhaitent proposer nouvelles missions. « Nous préparons les entretiens pharmades entretiens de suivi. » ceutiques depuis plus de quatre Direct Medica mois, témoigne Lucien Bennatan, président du groupe PHR. Nous avons investi 154 000 euros pour nos 2 200 officines avec des formations in situ, du e-learning… » Les nouvelles missions sont en effet un bon produit d’appel pour les groupements, l’occasion de proposerdes services « plus », comme de l’agencement ou de la formation. Quitte à dépasser certaines limites. « Certains groupements que je ne citerai pas distribuent des affichettes près de leurs pharmacies à la sortie des transports en commun. Le réseau dans le réseau, ce n’est pas l’idée », déplore Martial Fraysse, vice-président du conseil régional de l’Ordre des pharmaciens d’Île-de-France. « Attention à ne pas transformer les entretiens en une démarche commerciale. Les médecins nous attendent au tournant », prévient Lucien Benna16 I No 1247 I Février 2013
tan. Le « tact et la mesure » chers à l’Ordre des pharmaciens devront donc être de mise pour les officinaux, y compris sur leurs sites Web, même si pour certains la tentation de faire de ces entretiens un argument promotionnel sera grande. Néanmoins, si les règles du jeu déontologiques sont respectées, l’argument de différenciation de l’officine sera limité : le recrutement des patients se fait uniquement au comptoir. Les premiers mois de l’année 2013 seront d’ailleurs cruciaux pour le lancement des entretiens AVK. Besoin de formation du personnel, aménagement d’un espace de confidentialité, qu’il soit situé dans le bureau du titulaire ou créé de novo…, il faudra que les officines qui se lancent arrivent vite à convaincre suffisamment de patients pour créer une dynamique. En attendant le modèle économique Ces entretiens seront d’abord une démarche de pionniers, avant de devenir l’affaire de tous. Si la formation scientifique fait partie du tronc commun de la profession, la conduite d’un entretien ne s’invente pas. Néanmoins, « les pharmaciens ont la volonté de s’impliquer. Près de la moitié d’entre eux affirment vouloir proposer dès 2013 les entretiens rémunérés de suivi des patients […]. Ils n’y voient pas un intérêt économique mais la valorisation de leur rôle de professionnel de santé et un service supplémentaire pour leurs patients », note Direct Medica, qui a réalisé fin 2012 une étude sur les nouvelles missions des pharmaciens (voir encadré p. 16), à partir d’un panel de professionnels. « Si les nouvelles missions ne font pas partie de leur projet à court terme de refonte de leur espace de vente, demain cela deviendra indispensable mais ce ne sont pas les honoraires qui leur permettront d’investir dans un
DEFRANCE
espace de confidentialité : la mise en place sera progressive. Regardez l’exemple du libre accès : il a fallu trois ans », témoigne Joëlle Hermouet, fondatrice de Forma Plus, agence de conseil en merchandising officinal. « Ce n’est pas ce qui va transformer la rémunération pour le moment mais c’est une orientation professionnelle majeure », renchérit François Martial, en charge de la protection sociale à la FSPF. En clair : le modèle économique des entretiens, et plus largement des nouvelles missions, n’existe pas encore. La pharmacie doit apprendre à se fondre dans une économie de services. Concurrence externe Mais elle a intérêt à le faire rapidement : d’autres professions, comme les infirmières, ont aussi des arguments à faire valoir. « Pour résumer, 25 % des patients AVK ne font pas un INR [International Normalized Ratio] tous les mois. Il est évident qu’on ne peut pas régler un problème aussi grave en ne faisant appel qu’à une profession », résume Jean-Claude Lastmann, fondateur de la société de formation Préventime. Le dispositif Asalée – pour Action de santé libérale en équipe – de délégation de tâches entre médecins et infirmières de santé publique pourrait par exemple être adapté au schéma des AVK. L’officine a tout de même quelques arguments : en tant qu’entreprise, elle est capable de III
Enjeux Actualité
Et l’industrie pharmaceutique ? La place de l’industrie pharmaceutique dans les nouvelles missions n’est pas encore arrêtée et elle est pour l’instant marginale. Plusieurs raisons à cela : un cadre légal très strict et des attentes parfois contradictoires des professionnels, coincés entre demande d’informations et risque potentiel de conflit d’intérêts avec les patients. Néanmoins, « 80 % des titulaires expriment souhaiter bénéficier de documents à remettre aux patients et de testeurs pour illustrer leurs explications aux patients », note Direct Medica dans une récente enquête sur les nouvelles missions. Dans le cas des futurs entretiens pharmaceutiques autour de l’asthme, la mise à disposition d’inhalateurs aux pharmaciens sera en effet incontournable. Pour ce qui est des entretiens AVK, les choses sont moins claires. Il faut dire que les AVK sont des produits anciens. Seuls les laboratoires commercialisant les nouveaux anticoagulants – BMS avec l’Eliquis, Bayer avec Xarelto, Boehringer Ingelheim avec Pradaxa – pourraient être potentiellement intéressés mais il faudra pour cela attendre que ces ACO soient officiellement intégrés aux entretiens pharmaceutiques. Les génériqueurs, qui paradoxalement ne proposent pas de génériques des AVK, devraient aussi être amenés à se lancer dans l’accompagnement des pharmaciens. Les laboratoires Teva ont été les premiers : « Nous voulions nous démarquer par rapport à nos concurrents, en proposant ce service en plus pour les pharmaciens », témoigne Bruno Barcelos, directeur marketing ville.
© Miguel Medina
Le PHaRMaCIeN
Février 2013 I No 1247 I 17
Actualité Enjeux [Le business des nouvelles missions]
notabene La sortie des décrets sur les entretiens AVK, dont l’avenant a été officiellement signé entre syndicats et Assurance maladie fin décembre 2012, est prévue pour le courant du mois de mars 2013.
Le PHaRMaCIeN DEFRANCE
mettre en place des process standardisés. pas philanthropes : c’est un service supplémentaire « Le pharmacien pourra régler les problèmes de pour se différencier de leurs concurrents », analyse manière uniforme parce qu’il n’est pas en perpé- Pascal Louis, président du Collectif des groupetuel déplacement », abonde Jean-Claude Last- ments de pharmaciens d’officine. Le CNGPO a mann. Comme souvent, la profession devra d’ailleurs lancé en 2011 son propre partenariat aussi mettre en avant sa première force : la avec l’assureur Allianz et revendique 1 000 pharprésence à peu près homogène de 23 000 offi- macies participantes à ce programme de dépiscines sur le territoire hexagonal. Reste que pour tage cardiovasculaire rémunéré « au prix pérenniser cette démarche avec l’Assurance conseillé » de 18 euros pour une durée de maladie, elle devra 20 minutes. Un modèle s’étendre au-delà des AVK. économique proche des Si les entretiens sur La pharmacie doit entretiens AVK. Outre cet l’asthme sont déjà entéri- apprendre à se fondre éternel argument de la difnés pour juillet prochain, férenciation, l’intérêt finanpour la suite, tout reste à dans une économie cier des complémentaires inventer, même si le suivi de services. n’est pas évident. Pourquoi du diabète de type 2 est investir sans certitude de souvent évoqué. retour sur investissement ? En retrait pour le moment, les complémentaires « Parce qu’une personne malade, même prise en surveillent activement les nouvelles missions. charge à 100 % par la Sécurité sociale, est un La Fédération française des sociétés d’assurance patient cher pour elles, qui consomme du soin, avait monté un projet avec la FSPF précisément analyse François Martial. Alors elles nous sur les AVK, afin d’en améliorer le bon usage. observent. Nous sommes en train de créer avec Un projet finalement abandonné quand les syn- l’Assurance maladie un premier cadre dans lequel dicats se sont lancés dans leurs négociations elles modéliseront leurs propres entretiens. » Ne avec l’Assurance maladie. « Les assureurs ne sont reste donc qu'à transformer l'essai. x III
Des nouvelles missions, oui, mais lesquelles ? Motivée mais précautionneuse, la profession a un immense chantier devant elle. Point positif, seuls 1 % des pharmaciens interrogés dans le cadre d’une étude Direct Medica déclarent ne pas vouloir se lancer et un tiers sont encore indécis. Pour le reste, les pharmaciens ont l’embarras du choix, avec une préférence marquée pour la prévention, le dépistage et les entretiens pharmaceutiques. On remarque également une plus forte propension des officines au chiffre d’affaires au-dessus de la moyenne nationale à vouloir se lancer dans la bataille. Questions de moyens humains.
51 % 45 %
51 % 45 %
> 2 M€ National
Comptez-vous proposer à partir de 2013 à votre patientèle…
36 % 28 %
27 %
30 %
29 % 23 %
1 % Des actions de prévention et de dépistage
Un suivi personnalisé sous forme d’entretiens pharmaceutiques
Je n’ai pas encore pris de décision
Source : enquête Direct Research auprès de 304 pharmaciens d’officine, septembre 2012
18 I No 1247 I Février 2013
Des bilans de médication
Des sessions d’éducation thérapeutique (ETP)
1 %
Aucun des services
Testez la différence ! L’INTERVIEW Un entretien sans concession
DÉCRYPTAGE Le dossier du mois, où santé rime avec société ÉCO&VOUS Le panorama économique du mois
L’ACTU EN BREF Six pages d’infos à chaud BANC D’ESSAI Toutes les clés pour bien référencer
Tous les mois plus d’informations, plus d’analyses, plus de réactions
L’HEBDO du Pharmacien de France Chaque semaine, un condensé de l’actualité par mail. Pour vous abonner ou joindre la rédaction, une seule adresse : contact@lepharmacien.fr
autopromo.indd 1
21/12/12 12:30