La propriété forestière du Chenet Les origines de la propriété Les domaines du Chenet et du Golet Sapin entrent dans la famille Ulliet en 1817 grâce au mariage de Pierre-Romain Ulliet (1787-1871) avec Marie Josèphe Sophie Favre, fille d’Isidore Favre et de Catherine Mathieu, laquelle possédait un vaste domaine dans le Haut-Valromey. Au décès d’Isidore Favre en 1851, le domaine sera partagé entre ses 2 filles Julie et Marie Josèphe Sophie, épouse de Pierre-Romain. Les droits de Marie Josèphe Sophie sont immédiatement transmis à Jean-Louis, fils de PierreRomain Ulliet. Au décès de Jean-Louis Ulliet à 38 ans en 1870, la propriété est placée en indivision entre ses 5 enfants, Marie, Esther, Antonin, Benjamin et Nestor. Leur mère, Heloïse Favre, reste usufruitière de la propriété du Chenet jusqu’à son décès en 1907. En 1907, Antonin devient l’unique propriétaire du Chenet en rachetant les parts détenues par son frère Benjamin. Depuis cette date, la propriété du Chenet ne sera plus morcelée. Elle sera exploitée en indivision familiale, d’abord entre ses 4 filles à partir de 1910, puis entre ses petits enfants et ses arrières petits enfants au fur et à mesure des successions. Le Groupement Forestier du Chenet créé en 1969 remplace l’indivision. Il est constitué de l’apport de toutes les parts détenues par chaque membre de la famille. Aujourd’hui, 5° génération après Antonin Ulliet, le Groupement Forestier du Chenet compte plus d’une centaine d’ayant-droits vivants sur 4 générations, tous descendants direct d’Antonin Ulliet.
L’exploitation agricole Les fermiers Si autrefois l’exploitation forestière était le propre de la famille Ulliet, l’exploitation agricole était confiée à un fermier qui louait à bail les terres et le bâtiment. Il faisait également office de garde forestier de la propriété. Jusqu’en 1940, les terrains agricoles (terres, prés, pâtures, …) représentaient 26 ha, soit plus de 50% de la propriété (aujourd’hui, suite aux plantations réalisées et à la progression naturelle de la forêt, seuls 11 ha sont encore constitués de prés et de landes). Par une bonne année, le fermier pouvait récolter 20 tonnes de foin sur les prés du Chenet et tenir une dizaine de bovins sur la propriété. Les fermiers successifs ont toujours été de la famille Mathieu et ont habité la ferme jusqu’en 1934, été comme hiver: Pierre Mathieu en 1829, puis Philippe (fils de Pierre) jusqu’en 1877, Jules (fils de Philippe) de 1877 à 1901, et Constant (fils de Jules) de 1901 à 1934.
Après 1934, Xavier (frère de Constant) prit la succession mais habitait la ferme du Golet Sapin et utilisait la ferme du Chenet comme bâtiment agricole. Son fils Robert a habité la ferme quelques années de 1946 à 1951. Puis vers 1953, Pierre (fils de Xavier), reprit l’exploitation agricole, mais sans habiter la ferme. En 1982, Maurice (fils de Pierre) utilisera les quelques prés et pâtures encore disponibles jusqu’en 1999.
Les conditions de fermages En 1829, Pierre Mathieu devait s’acquitter de 360 francs par an pour l’exploitation de la ferme et des terres du Chenet. Puis, en 1867, le fermage est passé à 500 Francs + 20 livres de beurre, puis à 500 Francs + 20 livres de beurre + 2 voitures de bois rendues à Lachat en 1896. En 1935 la partie numéraire atteint 1050 francs, et en 1951, elle est remplacée par la contrevaleur en argent de 50Kg de beurre fermier + 10 Kg de beurre en nature. Les dernières modifications du fermage indiquaient 28 000 anciens francs/an en 1956, 350 NF/an en 1969 et 500 F/an en 1982.
Les activités annexes La carrière de pierres lithographique : En 1874, Mr Salendre de Chatillon en Michaille propose d’exploiter la pierre du Chenet à des fins lithographiques. Une petite parcelle est concédée pour des sondages, et si les résultats sont satisfaisants, une plus grosse parcelle serait concédée pour 9 ans au prix de 8000 Francs. Les essais n’ayant pas été concluant, le projet est abandonné. En 1885, DELISLE de Paris souhaite créer au Chenet une Société Nationale de Pierre Lithographiques… projet abandonné par la suite. En 1886, L’HUILLIER de Genève signe un bail pour l’exploitation d’une parcelle de 5000 m2. La qualité des pierres n’étant pas suffisante pour les travaux lithographiques, le bail est résilié au bout d’une année.
L’évolution technologique à la fin du XIX° siècle, et l’apparition de la gravure sur zinc a rendu moins pressante la demande des pierres lithographiques. Les carrières sont encore visibles à 300 m l’Est de la ferme. Pour en savoir plus sur la lithographie sur pierre calcaire, cliquez sur ces liens :
La tornade de 1980 et la rénovation de la ferme Dans la nuit du 30 Novembre 1980, une violente tornade a traversé la propriété du Chenet du Sud au Nord, déracinant et cassant de nombreux arbres. Environ 14 hectares de forêt ont été détruites à 60% (sur les zones E, F, G, H, I, J).
Après débardage et cubage, il a été compté plus de 2500 arbres d’un diamètre supérieur à 20 cm abattus, et plus de 2000 autres entre 10 et 20 cm, sans compter toute la jeunesse (arbres de moins de 10 cm, arbrisseau, jeunes pousses, …) détruite par la tempête et par les opérations de débardage. Cette nuit là, en quelques minutes, 1/3 des arbres la forêt ont été détruits ; cela représentait 46% du volume de la propriété.
Cette tornade qui a atteint non seulement le Chenet, mais aussi toute la zone alentour, a amené sur le marché une quantité considérable de chablis, d’où l’effondrement des cours du bois dans la région. Le prix moyen au m3 est passé de 350 Fr en 1980 à 188 Fr après la tornade. Néanmoins, la quantité d’arbre vendu a entraîné un surplus de trésorerie pour le GFC, et il a été décidé de consacrer cette manne à la sauvegarde de la ferme en entreprenant en 1982, 83 et 84 d’importantes réparations : consolidation du mur Nord, remplacement de la charpente et de la toiture, réfection des sols de l’ex-écurie, installation électrique… (voir chapitre sur la ferme du Chenet). Dès lors, la ferme du Chenet a été préservée pour les générations futures, et son usage est désormais réservé aux événement familiaux (pique-niques, fêtes, mariages, anniversaires, …)
La ferme du Chenet La ferme du Chenet se trouve au cœur du domaine forestier. Elle est du type classique du Haut-Valromey. On trouve sa trace dans les cartes de Cassini de 1770, et bien sûr sur le cadastre Napoléon de 1837.
C’est une bâtisse en pierre, rectangulaire d’environ 20 m sur 16 m, dont la façade principale donne au Sud. La ferme est composée d’une habitation, d’une grange et d’une étable (appelée écurie). Le toit a 2 pentes fortement inclinées pour éviter que la neige ne s’y entasse en trop grande quantité, descendant très bas au Nord, et couvrant une galerie au Sud appelée « dreffia » qui sert à entreposer le bois de chauffage A l’Ouest, le corps du four à pain fait une saillie arrondie, et à l’Est, une grande porte charretière avec un plan incliné permettait l’entrée des chars à foin dans la grange. Celle-ci est placée juste au dessus de l’écurie et le foin entoure la partie habitation. L’écurie pouvait contenir une dizaine de bovins (bœufs, vaches laitières et élèves).
La toiture La couverture était faite en « tavaillons », lamelles de sapin éclatées et superposées en écaille, soutenue par une solide charpente en sapin, taillée à l’herminette. Les pannes et les chevrons étaient chacun d’une seule pièce et l’assemblage était fait à tenons et mortaises chevillées de buis. Toute la clouterie était forgée main. Cette charpente et cette toiture en tavaillon ont sans doute été posée en 1846, date gravée sur la face Nord de la cheminée en haut du toit. Auparavant, comme dans la plupart des fermes de la région, la toiture devait être couverte de chaume
En 1933, elle était encore telle qu‘elle, mais en bien mauvais état. C’est pourquoi les tavaillons ont été doublés d’une couverture en tôles galvanisées dans le années 1933-1937. La rouille, la vétusté, la neige et un entretien irrégulier a rendu nécessaire une rénovation totale de la charpente et de la toiture en 1982. Cela a été rendu possible grâce aux rentrées de liquidité importantes dues à la vente des arbres déracinés par la tornade de fin Novembre 1980. La charpente a été réalisé avec les sapins du Chenet.
Le logis d’habitation Le logis occupe un quart de la surface au sol de la maison et se distribue sur 2 niveaux : en bas, on entre directement dans la pièce cuisine, avec sa cheminée et sa grande hotte, le four à pain et dessous, le « cendrier » dans lequel on accumulait les cendres des flambées pour la lessive annuelle de printemps.
Cette pièce principale communique directement avec l’étable, avec l’escalier qui monte à l’étage et avec la deuxième pièce du rez-de-chaussée qui se chauffait grâce à la plaque en fonte murale de la cheminée encastrée dans le mur de séparation. De cette pièce, on accède au cellier et à la cave dont les parois en tuf gardent la fraîcheur. Au 1° étage se trouvent 2 chambres communicantes dont la 2° donnait directement accès au fenil. Ces 2 chambres sont chauffées par la hotte de l’âtre qui les traverse. Ces 4 pièces d’habitation, de dimension modeste, étaient fort bien isolées en hiver car elles étaient à côté de l’étable et la chaleur des vaches, et entourées par la quantité importante de foin en vrac du fenil.
La ferme a gardé les marques du passage de nombreux forestiers. Au fil des siècles, ils ont laissé des traces gravées sur les poutres autour de la cheminée avec leur marteau de bucheron.
L’eau, l’électricité, les sanitaires L’alimentation en eau était autrefois assurée par une citerne enterrée à l’Est de la ferme. Elle était alimentée par la source de la marre située 100 m en amont (aujourd’hui inactive) et par les eaux de pluie de la pente Sud du toit de la ferme. Ces eaux étaient amenées vers la citerne par des gouttières en bois faites de troncs évidés de jeunes sapins. N’ayant pas d’eau courante dans la ferme, il fallait puiser l’eau de la citerne par un « chadouf », un appareil à bascule (voir photo), puis plus tard par une pompe à main placée dans l’étable, et aujourd’hui par une pompe électrique immergée.
Le puits avec son système à bascule en 1945
Vers 1930, dans le cadre de l’électrification des campagnes, une ligne électrique a été emmenée gratuitement jusqu’à la ferme. Mais les fermiers qui y habitaient à l’époque ont refusé de l’installer à l’intérieur de la ferme. La première ampoule électrique ne s’est allumée à l’intérieur de la ferme qu’en 1975. Pour les sanitaires, comme dans toutes les fermes, il y avait le cabanon avec la planche percée à l’extérieur du bâtiment.