Jean Pascal Rolandez
HAUT VALROMEY
Les Abergements, des origines au temps prĂŠsent
Jean Pascal Rolandez
HAUT VALROMEY
Les Abergements, des origines au temps présent
L’association « Le Dreffia » d’Hauteville nous a conté le 10 août 2018 l’histoire de ces deux villages depuis leur création.
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Il y a 2000 ans, la contrée est alors peuplée de Gaulois. Les noms de leurs villages, bien exposés tel Hotonnes, ont souvent une terminaison en « od », ou « az ».
Le territoire est couvert de vastes forêts. Les Romains voulant coloniser les terres de ce val, bien orienté et relativement vide, donnent alors aux légionnaires en retraite à 40 ans des concessions à défricher, le long d’une route qu’ils créent pour relier Vieu à Izernore, à l’écart des villages gaulois. C’est ainsi que les lieux de ces concessions de ce Val Romain deviendront des villas, puis des villages. Leurs propriétaires sont l’origine de leurs noms ayant une terminaison en « ieu », et ce jusqu’à Ruffieu.
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Voies Antiques du Bugey – MC Guigue
Lors des grandes invasions démantelant l’empire romain, ce sont les Burgondes qui s’installèrent, vivotant tant bien que mal des structures existantes. Puis, après le bas de l’an 1000, un léger renouveau économique apparaît, largement dû à l’essor des chartreuses et des abbayes telles Meyriat, Nantua, St Sulpice, Arvières, exploitant avec courage et détermination le reste de ces territoires vides et ingrats.
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C’est à cette époque que la Savoie étend militairement et par acquisitions son territoire en Bugey.
Au XII ème siècle, le duc Louis de Savoie, décide de créer deux points de départ pour la colonisation de ses nouvelles possessions, avec des incitations fiscales à la clef, sous formes de concessions ou « abergements ». Ils s’appelleront Petit et Grand Abergements en rapport avec l’étendue de leurs deux territoires séparés par le ravin difficile à franchir crée par le Séran. 6
Pour ce faire sont construites deux églises similaires. L’église était là pour établir une autorité morale mais aussi pour collecter l’impôt sur ces nouvelles colonies, fonction qui lui était attribuée à l’époque. Simples, et de taille relativement modeste, elles ne comportaient à l’époque que deux cœurs.
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La Savoie découvrit qu’au-delà de Ruffieu et du beau Val Romey déjà exploité, le terrain n’était pas très fertile, et, compte tenu de l’altitude, le climat y était froid et humide. De plus s’abattit sur l’Europe une petite ère glaciaire, particulièrement rude dans le Haut-Valromey. Elle dura environ jusqu’au début du XVIIIème siècle.
Cette colonisation savoyarde via les deux Abergements ne fut pas vraiment un succès. Un envoyé du Duc constate vers 1550 qu’il n’y a sur les deux sites qu’environ 170 habitants « pauvres et obérés ». En 1601 lors du traité de Lyon entre la France et la Savoie, le territoire du Bugey actuel, assez austère et éloigné de Turin, est volontiers échangé contre le marquisat de Saluces et le territoire de Pignerol en Piémont. 8
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Une nouvelle relance de colonisation est entreprise par la France et, grâce la Renaissance et la contre-réforme, petit à petit les deux Abergements deviennent des centres d’échanges.
En effet, sur le plateau de Retord, les abbayes alors à leur apogée financière, créent des granges, et quelques fermes.
Duc, abbés et chartreux développent le pays, grâce notamment à des jurassiens envoyés de la région de Saint-Claude au climat similaire. Ceux-ci fuient la guerre de 30 ans, mais aussi une certaine surpopulation, alors qu’à l’inverse le territoire des Abergements est dépeuplé par la peste à plusieurs reprises. Plus tard, sous Louis XV la vieille route romaine fut rénovée complètement afin de faciliter ce redéveloppement. 10
La plume et le rabot – « Journal de Raison » de Claude Antoine Bellod – page 32 11
La période révolutionnaire connut son lot d’agitations et de destructions, comme celle du clocher du Petit Abergement. Après la révolution, les territoires ecclésiastiques étant dispersés, la civilisation des fermes du Retord s’épanouit alors malgré de rudes conditions de vie. Aux granges construites par les abbayes s’adjoignent des habitations.
Le territoire, ses combes notamment, se couvre à cette époque d’environ 200 fermes entre Brénod, Le Poizat et les deux Abergements. Des fruitières y sont créées pour mieux les exploiter. 12
Les deux Abergements atteignent en 1914 leur apogée avec commerces, auberges et hôtelleries. Ainsi, la commune du Petit Abergement compte alors plus de 1000 habitants. Il s’y tient chaque année deux foires animées. La grande guerre, puis l’exode rural affaiblirent les deux villages de leurs forces vives. Le déclin se poursuivit avec la seconde guerre mondiale, malgré les faits héroïques du maquis. La population déclina jusqu’à la fin des années 1970, puis se stabilisa. Enfin, grâce aux technologies et aux nouveaux conforts de vie, leurs habitations reprennent vie sous forme de jolies résidences secondaires et de paisibles lieux de retraites … d’autant que le réchauffement de la terre en ces froids territoires y rend la vie moins difficile (!). 13
Cette matinée s’en suivit de la visite des deux églises que Jean Pierre Baillet, architecte spécialiste de ces territoires, décrivit en intéressants et abondants détails.
L’église du Petit Abergement, très dépouillée lors de sa restauration, est sans doute maintenant la plus conforme aux origines. A l’inverse, celle du Grand Abergement conserve ses nombreux rajouts au fil des siècles. Autrefois elles étaient couvertes de peintures primitives, sortes de mangas qui permettaient d’enseigner au peuple la religion. Comme dans toutes les églises du Valromey, on y trouve un document et un plan explicatifs permettant d’en connaitre plus.
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Enfin, du fait de l’étendue de la commune du Grand Abergement, et de la vie en autarcie des fermes, la chapelle de Retord vit le jour ainsi qu’une chapelle consacrée à la ferme Bertrand.
Jean-Pierre Baillet clôtura par d’utiles et nombreux conseils en matière de préservation et de respect de l‘architecture locale cette agréable matinée réunissant une trentaine de visiteurs de tous horizons. 15