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DOSSIER RENTRÉE

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Eva Doumbia

Eva Doumbia

dossier ren t r é e

L'Amour du risque

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C’est une école pas tout à fait comme les autres. Pour cause, ici on forme les cascadeurs de demain. Installé au Cateau-Cambrésis, ce campus est reconnu comme centre de formation professionnelle, et même une référence mondiale dans le domaine de la cabriole. Du genre spectaculaire : chutes de plusieurs mètres, combats chorégraphiés, torches humaines, sauts au milieu d’explosions… bref, la routine pour qui rêve de jouer les doublures dans le prochain James Bond ou se glisser dans la peau de Spiderman. Lumière sur un métier de l’ombre du septième art. •••

Dure journée pour Stefano. En ce chaud mois de juillet, ce Bruxellois de 29 ans a dû combattre une bande de malfrats, esquiver des coups de couteau, se jeter d’un immeuble… Pas mal pour un type qui sort tout juste d’une fusillade.

Enfin, tout cela pour le tournage d’un film. Car Stefano Limina n’est pas un super-héros (quoique) mais un apprenti-cascadeur. En parallèle de son emploi dans le bâtiment, ce grand fan de Jackie Chan a déboursé près de 6 000 euros pour faire partie des 90 stagiaires du Campus Univers Cascades, soit « la plus grande école de cascades au monde » assure son fondateur, Lucas Dollfus. Depuis qu’il est haut comme trois pommes, ce fils de profs de sport rêve d’exercer ce métier. Le bac en poche, il s’est inscrit dans le seul centre de formation existant en France, à l’époque à Paris, pour en ressortir « très déçu », confie le trentenaire. « J'ai alors créé mon école idéale ». Celle-ci vit le jour en 2008, d’abord dans le sud-ouest de la France, à Villeneuve-sur-Lot, avant de s’installer en 2017 à la Maison familiale rurale du Cateau-Cambrésis, dans les Hauts-de-France. Soit un terrain de jeu mieux situé, proche de la capitale, et plus vaste. En l’occurrence un espace de cinq hectares comprenant un centre d’hébergement et de restauration, des dojos

« La plus grande école de cascades au monde »

aménagés, une zone d’acrobaties, un parkour modulable, une salle d’escalade… En somme, tout ce qu’il faut pour devenir le prochain Belmondo.

Les professionnels

Ici se côtoient les profils les plus divers, du gymnaste au pratiquant de sport de combat, et les élèves sont issus du monde entier. Un seul prérequis : « avoir une condition physique irréprochable, sinon ça peut devenir dangereux ». Au programme ? « Combat chorégraphié, chute dans les escaliers, torche humaine, maniement d’armes, descente en rappel, travail sur les explosifs avec des artificiers, acting..., énumère notre hôte. En gros, il faut maîtriser une quinzaine d’activités

Tout feu, tout flamme

pour être polyvalent ». La formation est dispensée lors d’une dizaine de stages de deux semaines, répartis sur deux ans, à raison de huit heures de cours par jour.

Ceux-ci sont assurés par des cadors de la discipline. Citons Malik Diouf, le fameux Yamakasi, Jérôme Gaspard (« la référence ») ou encore Vincent Bouillon, doublure de Keanu Reeves dans John Wick 4.

« Avoir une condition physique irréprochable »

Wonder Women

Si les parcs d’attractions restent les plus gros pourvoyeurs d’emplois, le cinéma et les séries demeurent le Graal. •••

Sur près de 600 professionnels formés par le CUC, certains ont ainsi fait des galipettes dans, pêle-mêle, le dernier Star Wars, Jurassic World, Les Gardiens de la galaxie… « D’autres sont en ce moment-même sur le tournage de Fast and Furious 10 », se réjouit Lucas Dollfus, qui cite aussi Bac Nord ou la série Braquo.

« Il faut maîtriser une quinzaine d’activités »

« En France, presque plus aucun tournage n’a lieu sans nos cascadeurs ». Et cascadeuses, bien sûr ! Certes, le milieu reste largement masculin, mais les femmes sont de plus en plus nombreuses, « à mesure que les super-héroïnes ont

À la guerre comme à la guerre

conquis les écrans ». Au CateauCambrésis, elles suivent exactement le même cursus que les garçons, à l’instar de Mégane Declef. Petite fille, cette Parisienne de 24 ans ne rêvait pas forcément de jouer les casse-cous. Elle est plutôt devenue danseuse. « Et puis, à force de côtoyer des cascadeurs lors des shows, ça m’a motivée », avoue la jeune femme, du genre accro à l’adrénaline. Comme les autres, elle espère désormais briller dans l’ombre des plus prestigieux plateaux. En attendant, silence, moteur et surtout… action !

Texte Julien Damien Photos © Campus Univers Cascades

Campus Univers Cascades

Le Cateau-Cambrésis – 70 rue Faidherbe + 33 (0)1 30 32 38 03 www.campus-universcascades.com

© Gauz © St é phane Kerrad

interview

MANU HOUDART

Le boss des maths

dossier ren t r é e

Voici l’homme qui va nous réconcilier avec les mathématiques. Ancien prof devenu comédien, Manu Houdart a créé un "one math show" détonnant, apte à donner le goût de cette matière souvent mal aimée (voire haïe !) aux plus récalcitrants. Dans Very Math Trip, ce vulgarisateur belge nous démontre par A + B comment Pythagore peut se glisser dans un match de foot, que vous serez sans doute plus d’un à fêter votre anniversaire le même jour dans la salle, ou encore que le bonheur tient parfois à une équation. On a pris quelques notes avant son passage au Colisée de Roubaix – histoire de fayoter.

Avant de monter sur scène, vous étiez prof de maths, n’est-ce pas ? Oui, j’ai commencé à enseigner en 1999. Dès l’âge de 15 ans, j’ai su que je voulais exercer ce métier. Après des études à l’université de Mons, j’ai eu la chance d’être titularisé dans un chouette établissement, le collège de la Berlière à Ath, et j’ai bien cru que j’allais y passer ma vie.

Mais ça ne s’est pas passé comme ça…

Eh non ! En 2003, j’ai créé une association, Entr’aide, pour soutenir les élèves en difficulté. Je faisais ça en parallèle de mon métier, le mercredi après-midi et le samedi matin. Les inscriptions ont grimpé en flèche. En 2011, on en accueillait plus d’un millier !

Comment gériez-vous ces deux activités ?

En 2012, j’ai mis ma carrière d’enseignant entre parenthèses pour me consacrer pleinement à cette structure. Je n’aurais pas su faire autre chose qu’un métier lié à l’apprentissage, la vulgarisation, mais j’ai aussi un petit côté entrepreneur… Trois ans plus tard, j’ai donc créé la Maison des maths, dont le but était de donner goût à cette matière. Le succès fut total, et j’ai été nommé Wallon de l’année ! •••

© Gilles Lemoine

Pourquoi cette matière est-elle si mal aimée ?

Les élèves sont en mesure de la comprendre, mais ils ne voient pas à quoi elle sert. Et lorsque quelqu’un n’est pas motivé, pourquoi se torturerait-il l’esprit ? J'essaie alors de montrer les applications concrètes des mathématiques car elles se cachent partout dans notre vie.

Quel enseignant étiez-vous ? Utilisiez-vous des méthodes non-académiques ?

Sans doute, j’ai toujours démythifié les mathématiciens en rappelant le contexte de leurs découvertes, mais aussi leurs erreurs. Pythagore a dit beaucoup de choses vraies mais aussi fausses.

N'étiez pas vous-même assez mauvais en mathématiques à l'école ?

En effet, j’affiche d’ailleurs mon bulletin au début du spectacle. En seconde, je culminais à 9 sur 20 !

« Montrer les applications concrètes des mathématiques »

Pourtant, j’adorais ça. Particulièrement l’étincelle qui jaillit lorsque tout s’éclaire. Et je la devais beaucoup à mon frère aîné, qui m’expliquait les choses simplement.

Comment ce one-man-show est-il né ?

À un moment, la Maison des maths a dû fermer. J'ai alors décidé de l'emporter sur le dos. J’ai donc écrit un spectacle en dix jours, résumant ce que je transmettais depuis 20 ans ! Au départ, j’ai donné dix dates pour me faire plaisir. Aujourd’hui, j'en recense 600 et j’interviens aussi dans les collèges et les lycées.

À quoi ressemble ce spectacle ? Globalement, il se déroule en deux parties. Je pose des problèmes amusants et les résous avec les gens. Leur première réponse est souvent fausse. Par contre, après quelques minutes de réflexion, on parvient à trouver la solution !

C’est très interactif. Il y a aussi une dimension culturelle, où j’explique les maths comme une histoire, avec des anecdotes.

« J’affiche mon bulletin scolaire au début du spectacle »

Qu’est-ce que "l’effet waooh" dont vous parlez souvent ?

C’est la surprise, et même l’émotion, que procurent les mathématiques. Cet éclair de stupéfaction qui vous traverse au moment du résultat. Prenons un exemple simple. La probabilité de gagner le jackpot à l’EuroMillions est très faible : une chance sur 140 millions. Mais qu’est-ce-que cela signifie ? Le problème avec les grands nombres, c’est qu’ils ne nous parlent pas. Je cherche donc des comparaisons frappantes. En l’occurrence, il faut imaginer quelqu’un marcher de Bruxelles jusqu'à Rome. Sur ce trajet de 1 400 km, on focalise sur un petit centimètre : eh bien c’est votre chance de gagner à l’EuroMillions ! Ça, c’est un effet waooh.

Un autre exemple ?

En 1943, un mathématicien américain, Edward Kasner, décide de créer un nombre. Il pressent qu’à l’avenir on aura besoin de grandes séries. Il invente le 1 suivi de 100 zéros, 10 à la puissance 100. Ceci fait, Kasner demande à son neveu de 9 ans de trouver un nom à sa création. L'enfant décide alors de la baptiser "googol" (que l'on prononcera "gogol" en français) et qui deviendra... Google lorsqu’en 1995 Larry Page et Sergey Brin lancent leur moteur de recherche censé rassembler toutes les connaissances de l’univers… Waooh !

Propos recueillis par Julien Damien

Roubaix, 05.10, Le Colisée, 20h, 23 > 7 €, www.coliseeroubaix.com À visiter / www.verymathtrip.com À lire / Very Math Trip, de Manu Houdart (Flammarion), 304 p., 19,90€, editions.flammarion.com La version longue de cette interview sur lm-magazine.com

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