MAGAZINE JUIN 2011 - 5 €
Fukushima-sur-Loire
le scénario impossible Philippe Défossez (EDF)
Le train-train des retards
Pub
Point de vue
L’électricien et le cheminot, leurs routes se séparent
D
eux grandes sociétés nationales occupent depuis plusieurs semaines le devant de la scène, offrant une image contrastée du service public à la française. La première, concurrencée sur son marché intérieur mais ouverte vers les marchés extérieurs, s’est fixé comme objectif de devenir le premier électricien mondial. Elle devrait raisonnablement y parvenir. La seconde, fermée sur son pré carré du transport ferroviaire, perd progressivement la confiance de ses usagers-clients. La seule vraie question qui chahute aujourd’hui l’électricien national, c’est le débat sur la production nucléaire, relancé par l’accident de la centrale de Fukushima. Le président d’EDF a pourtant tracé une feuille de route à l’horizon 2020 qui laisse encore une large place à l’atome. Mais la campagne électorale qui s’annonce va s’emparer du sujet et aucune prise de décision n’est exclue, d’autant que deux pays voisins, l’Allemagne et la Suisse, fermeront leurs réacteurs à relativement court terme pour le premier (onze ans), à horizon plus lointain pour le second (vingt-trois ans). En région Centre, le débat qui suit l’affaire japonaise prend un tour très particulier. La fin du nucléaire entraînerait une secousse économique énorme pour le territoire : EDF emploie 7 500 personnes dans la région et autant chez ses sous-traitants. Philippe Défossez, délégué régional d’EDF, témoigne, dans l’interview qu’il
nous a accordée (lire pages 18 et 19), de sa confiance dans le niveau de sûreté des centrales françaises et de sa conviction que l’appareil électro-nucléaire du Val de Loire ne peut pas être démantelé. A la SNCF, cette sérénité n’est pas de mise. Confrontée au mécontentement d’un usager qu’elle a encore du mal à reconnaître comme un client, la société née de la nationalisation des chemins de fer réagit pesamment. Dégradation continuelle du service de transport des voyageurs, dégringolade de la branche fret en dépit de plans successifs de relance, opacité de la communication, incertitudes sur le financement des nouvelles lignes à grande vitesse, le tout compliqué par une dilution des responsabilités entre les autorités organisatrices, l’exploitant SNCF et le gestionnaire des réseaux ferroviaires RFF… Les trains français, longtemps montrés comme un modèle, déraillent. Nous nous sommes interrogés sur les causes de ces dysfonctionnements en chaîne (lire notre dossier pages 30 à 38). A l’heure où la question de l’impact environnemental du transport routier se pose avec acuité, le fer se montre incapable de prendre le relais. Introduire une vraie concurrence – en commençant peut-être par les TER – pour réveiller ce géant qui sommeille est devenue une urgence.
zon François−Xavier Beu
6-25
www.lettrevalloire.com Ce magazine est un hors série de La Lettre Valloire, bimensuel d’information politique et économique en région Centre. Edité par MCM Presse SAS au capital de 51 000 € RCS Tours B 341 914 273. Siège social : 14, boulevard Heurteloup à Tours Adresse postale : BP 92031 37020 Tours Cedex 1 02 47 70 60 00 contact@lettrevalloire.com Rédaction : François-Xavier Beuzon (rédacteur en chef) Jean-Christophe Savattier (rédacteur en chef adjoint) Aurélie Vouteau (assistante) Ont collaboré à ce numéro : Capucine Becker Christian Bidault Alexis Boddaert Stéphane de Laage Stéphane Frachet Alain Marry Guillaume Mollaret
Points Chauds 6-8
En Bref L’actualité du trimestre en bref. Christophe Chaillou a annoncé qu’il serait de nouveau candidat aux législatives.
16
« Marisol m’a tuer… » Claude Roiron a été évincée de la présidence du Conseil général d’Indre-et-Loire à l’issue d’une opération commando.
10
Estelle Touzin, la petite nouvelle Une élue écolo, la surprise orléanaise des cantonales.
18-19
11
Vers un scrutin plus disputé aux Sénatoriales Huit sièges de sénateurs régionaux seront renouvelés en septembre. Quelques surprises sont attendues.
A LA UNE « Jamais l’ASN n’aurait toléré un Fukushima en France » Trois mois après Fukushima, le délégué régional d’EDF assure que la région Centre est prémunie contre un accident nucléaire.
20
Le courant est rétabli entre ERDF et les collectivités Le gestionnaire des réseaux électriques fait évoluer ses relations avec les collectivités.
22-23
Il y a loin de Flamanville à Belleville Le vaste chantier de l’EPR de Flamanville s’achève. Pas sûr qu’il soit reproduit à Belleville-sur-Loire.
24-25
Les millions de l’atome Le nucléaire alimente aussi les carnets de commandes.
Maquette : Régis Beaune Stève Ankilbeau Révision et correction : Odile Ménard Publicité : Au support Diffusion : Annie Coupet Crédits photographiques : Jean Puyo (Une,18) • DR. (pages 6,7,8,10,11,14,15,25,37,38, 44,49,52,57,60,62,63,64, 65,66) • Jean-Christophe Savattier (12,16,17,30, 31,33, 36,47, 50) • François-Xavier Beuzon (20, 22, 28,42,49) • SKF (26) • SNCF (32) • Alain Marry (40) • Matmut (48)
12-13
Impression : Imprimerie Vincent, Tours (37) Informations légales : Abonnement annuel 2011 (23 numéros et 4 magazines hors série) : 350 € Abonnement électronique avec édition bihebdomadaire : 430 € Prix de ce numéro : 5 € CPPAP : 0111 I 85872 ISSN : 1246-4333 Dépôt légal : juin 2011
14-15
Cantonales : on solde avant la fermeture La faible participation des dernières cantonales montre qu’il était temps de rajeunir ce scrutin. Le Mercato de Momo Deux élus de gauche ont rejoint le camp du président du Conseil général de Loir-et-Cher.
Directeur de la publication : François-Xavier Beuzon
MCM presse 4 La Lettre Valloire - Juin 2011
26-57
Sommaire
JUIN 2011
32-34
35
36-37
Economie 26-27
28
29
38
L’usine SKF passe au vert L’industriel SKF prend le virage du développement durable.
30-31 SNCF : des retards qui peuvent en cacher d’autres La SNCF livrera d’ici à la fin de l’année un diagnostic partagé sur les causes profondes de ses dysfonctionnements.
Quand la SNCF déraille Les petites perles des usagers de la SNCF. Les Régions y croient toujours dur comme fer Le transport ferroviaire régional affiche un incontestable dynamisme.
48-49
50 François Pillot, un homme dans sa ville Portrait du fondateur d’Art Prom 52
Les chantiers
53-56
La lettre de l’innovation
57
Le bon sens de Claude Villain Le président du cabinet Soregor vient de publier un ouvrage à l’usage des entrepreneurs.
57
Un trophée pour les auto-entrepreneurs Orcom remettait ses premiers trophées des auto-entrepreneurs.
66
Le carnet
Le Blanc-Argent roule au pas Le lifting du Blanc-Argent est estimé à 11 M€. Julie Leibovici s’ouvre les portes du succès Julie Leibovici, 33 ans, dirige de main de maître la société Monin de Nogent-le-Rotrou.
Immobilier d’entreprises Les installations récentes d’entreprises.
40
Sita recycle son gaz de décharge à Sonzay Sita transforme le gaz issu de la fermentation des déchets organiques en énergie à Sonzay. Du biogaz pour l’emploi en Brenne En Brenne, des agriculteurs et des industriels se sont réunis pour valoriser la matière organique issue des élevages.
Rencontres avec Laurence Eymieu et Jean-Michel Bodin La directrice régionale Centre de la SNCF et le vice-président de la Région Centre en charge des transports livrent leurs points de vue sur les services ferroviaires.
42
Daher transforme Montrichard en Techno Valley Daher a choisi d’installer son nouveau centre de recherche à Montrichard.
44
Pendant la crise tunisienne, les affaires continuent La vie continue pour la filiale tunisienne du tourangeau Plastivaloire.
46-47
Axess Vision invente l’endoscope à usage unique La start-up tourangelle va commercialiser un dispositif médical stérile jetable.
59-65
Escapades ine fin de magaz Retrouvez en ues es économiq nos itinérair es régionaux. et touristiqu
La Lettre Valloire - Juin 2011 5
Points Chauds
En Bref
PAS DÉMENTI
I
l ne l’a pas dit, mais il n’a pas dit le contraire non plus. Invité le 30 avril par La République du Centre à décliner les identités des « talents » censés constituer une éventuelle majorité municipale de gauche à Orléans en 2014, Christophe Chaillou a cité le nom de quelques conseillers actuels, se réservant un statut de « fédérateur ». Si le maire de StJean-de-la-Ruelle a confirmé qu’il envisageait d’être candidat aux législatives de 2012 contre Serge Grouard, il n’a pas voulu se projeter jusqu’en 2014. A cette date, pourtant, rien ne lui interdirait de briguer une présidence de l’AgglO… voire la mairie d’Orléans. Les socialistes Jean-Marc Ayrault et Pierre Cohen ont bien quitté leur fauteuil de premier magistrat d’une commune de banlieue – St-Herblain pour le premier et Ramonville pour le second – pour se faire élire respectivement à Nantes (en 1989) et Toulouse (en 2008). Mais Christophe Chaillou reste prudent… et discret sur ses véritables intentions.
HÉROS DU JOUR Lors du conseil des ministres qui a suivi le second tour des élections cantonales, le Président de la République a félicité son ministre de la Ville Maurice Leroy pour avoir conforté son siège de
président du Conseil général de Loir-et-Cher en gagnant le canton de Montoire. « Preuve que lorsqu’on assume et que l’on mène le combat, on gagne », aurait même commenté le chef de l’Etat, rapporte Le Figaro.
DÉBOUTÉ Le tribunal administratif d’Orléans a débouté l’association TCSP 37, présidée par une conseillère municipale d’opposition de Tours, de son recours contre la déclaration d’utilité publique (DUP) de la première ligne du tramway de Tours. La DUP avait été prise le 21 décembre 2010 par le Préfet d’Indre-et-Loire et le recours introduit le 22 février dernier.
Reclassé Laurent Rabaté (Ecole normale supérieure, Ena), ancien conseiller régional socialiste et adjoint aux finances de Georges Lemoine à la mairie de Chartres (1989-2001), qui fut également directeur adjoint du cabinet de Catherine Tasca au ministère de la Culture (2000-2002), a pris le 1er juin les fonctions de directeur de la protection sociale de l’Union des industries et des métiers de la métallurgie (UIMM), héritière du comité des forges d’avant-guerre. L’élection présidentielle se rapproche, l’ouverture revient à la mode.
SCHIZO La semaine précédant les élections cantonales a été chaude dans le Loiret. Le président du Conseil général, l’UMP Eric Doligé, s’en est pris au conseiller général d’Orléans-La Source, le communiste Michel Ricoud, et aux deux autres membres de son groupe, fustigeant leur « schizophrénie ». Il leur reprochait de critiquer à la fois les aides à l’installation d’entreprises accordées par le Département mais d’insister pour que le même Département intervienne financièrement pour empêcher les fermetures et les licenciements d’entreprises en difficulté.
PLACÉS La cabinet Interel a donné le palmarès des sénateurs, établi à partir de cinq grands critères. On y trouve deux élus régionaux : JeanPierre Sueur pointe à la cinquième place et Dominique Leclerc à la dixième.
De Claude Roiron, encore présidente du Conseil général d’Indre-et-Loire, visant sans la nommer sa concurrente Marisol Touraine quelques jours avant que celle-ci ne la détrône : « Je ne suis pas une grande bourgeoise parisienne. On ne fait pas de la politique pour soi-même mais pour les autres ! ». De Gérard Hamel, maire UMP de Dreux à Jean-Pierre Gaboriau, président démissionnaire de la CdC du Thymerais et membre du MoDem : « Jean-Pierre Gaboriau est un caméléon qui a été à gauche puis au centre et qui risque de finir à droite. Il faut arrêter le saut à l’élastique ». D’André Laignel, à propos de Michel Sapin, éreinté dans « Un Gavroche en politique », l’ouvrage de Jean
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MEDIAPART MIS DANS LE COUP Quelques jours après l’élection de Marisol Touraine, la socialiste « roironiste » Monique Chevet, battue sur son canton de Tours Est dès le premier tour par le Vert Boulanger et le socialiste Dayan, envoyait à quelques journalistes un compte-rendu circonstancié du complot, publié par le site Mediapart. Titré « A Tours, le maire PS décide de changer sa présidente du conseil général », ce feuilleton en trois épisodes tentait de décortiquer les événements ayant abouti à la révolution de palais que l’on sait. Maniant alternativement l’encensoir (Laurent Baumel, Pierre-Alain Roiron…) et la férule (Alain Dayan…), l’auteur, parfaitement informé de l’intrigue – à moins qu’il n’en fût lui-même l’un des protagonistes – tentait de démontrer que Machiavel-Germain avait tiré les ficelles du meurtre rituel de Colombine-Roiron. Las, l’histoire est passée inaperçue, au grand dam des roironistes. Nous leur conseillerons, la prochaine fois, d’ajouter à ce brouet un peu fade les ingrédients qui transforment les libelles de Mediapart en best-sellers : du football, des quotas, un sélectionneur et des joueurs bi-nationaux.
SCISSIPARITÉ Le groupe d’opposition municipale tourangeau s’est divisé en deux entités de même taille : cinq membres de l’UMP d’un côté, cinq centristes et dissidents de l’UMP de l’autre. Philippe Briand et Hervé Novelli, les patrons de l’UMP en Indre-et-Loire, ont eu beau essayer de « siffler la fin de la récré » et tenter de ramener l’unité, ils ont seulement obtenu le retour au bercail d’un de leurs adhérents. Cette fission binaire a inspiré le commentaire désabusé d’un élu de droite : « Quand on choisit n’importe qui, il ne faut pas s’étonner qu’ils fassent n’importe quoi ».
CHIFFRE
DU TRIMESTRE
62,9% Le score obtenu au second tour des élections cantonales de mars 2011 par la candidate du Front national sur la commune de Saint-Hilaire-sur-Puiseaux (172 habitants), dans le Montargois.
DISSOLUTION « L’ambiance était devenue délétère » : c’est l’explication donnée par Daniel Guéret, président de la fédération eurélienne de l’UMP, pour expliquer la dissolution de la fédération
départementale des Jeunes Pop’, le mouvement jeune de l’UMP. « Je ne laisserai pas des mômes de vingt ans organiser la chienlit », a commenté Daniel Guéret, encore sous le coup de la colère.
REBELLES La préfète du Cher a refusé le budget 2011 du Conseil général au motif que celui-ci faisait figurer dans la colonne recettes une dotation virtuelle de 10,5 M€ de l’Etat ; l’exécutif départemental, présidé par le socialiste Alain Rafesthain, réclame cette somme en contrepartie de sa prise en charge de dépenses sociales qui n’auraient pas été compensées. Le Département va demander l’arbitrage de la Chambre régionale des comptes. Probablement sans plus de succès. Il lui faudra alors faire adopter un budget sans la fameuse dotation de l’Etat mais à l’équilibre. La rébellion berrichonne aura été étouffée dans l’œuf.
Diharsce consacré au maire d’Issoudun : « Pour moi, la politique c’est d’abord des idées avant une carrière, lui, c’est d’abord une carrière avant les idées ». Et le grand prix de l’humour politique à Bernard Chauvet, conseiller régional FN, interrogé sur l’identité de la future tête de liste frontiste pour les municipales à Orléans : « … Rien n’est encore défini. Peut-être qu’on découvrira un autre oiseau rare. Ce n’est pas Philippe Loiseau (tête de file du FN au Conseil régional, NDLR) ». Le confrère souligne que ce trait d’esprit a été ponctué de rires… Ça ne vole pas haut. De Jeanny Lorgeoux, maire PS et conseiller général de Romorantin-Lanthenay (41), à propos de sa candidature aux élections sénatoriales : « Je vais faire la campagne à fond, mais tranquillement ».
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Points Chauds
En Bref
LE ROUGE EST MIS Etait-ce la crainte d’être débordés par la fraction la plus rouge de leur famille politique ? Toujours est-il que le 24 mars, entre les deux tours des élections cantonales, les deux députés socialistes d’Indre-et-Loire Marisol Touraine et Jean-Patrick Gille ont franchi le Rubicon et pondu un virulent communiqué dénonçant l’inaction du gouvernement face à l’épidémie de rougeole. Rouges de colère – quoique la nouvelle présidente du Conseil général d’Indre-et-Loire sache rester souriante en toutes circonstances, comme on peut le constater cicontre –, les deux élus roses réclamaient l’organisation d’une campagne d’information pour rappeler les risques de la maladie et la nécessité de se faire vacciner.
VOIE LIBRE Catherine Soullie a finalement démissionné de son mandat d’eurodéputée
à la mi-mars, quelques jours après le bouclage de notre précédent magazine où l’élue s’interrogeait sur « un problème juridique » de nature à empêcher Brice Hortefeux de récupérer son siège. L’ex-parlementaire européenne se contentera donc de son siège de conseillère régionale. LE COMPTE EST BON Si la réforme va à son terme, 172 conseillers territoriaux du Centre remplaceront les 198 conseillers généraux et 77 conseillers régionaux actuels en 2014. Les parlementaires ont validé la répartition suivante : le Cher aura 25 conseillers territoriaux (contre 35 aujourd’hui), l’Eure-et-Loir
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29 (nombre inchangé), l’Indre 19 (au lieu de 26), l’Indre-et-Loire 35 (au lieu de 37), le Loir-et-Cher 25 (au lieu de 30) et le Loiret 39 (au lieu de 41). SUSPENDUS Il y a du tirage au sein du MoDem orléanais. Trois élus, dont le conseiller général d’Orléans-Carmes Jean-Pierre Gabelle et deux maires adjoints, Martine Grivot et Eric Valette, ont été suspendus à titre conservatoire et sommés de venir s’expliquer à Paris devant la « commission de litige, de conciliation et de contrôle » du parti : seul le dernier a accepté de faire le déplacement. Alexandrine Leclerc, une autre adjointe au maire d’Orléans, a préféré quitter le MoDem au mois d’avril pour s’engager au parti radical.
DÉCORÉ Pas rancunier, Maurice Leroy. Le ministre de la Ville – et président du Conseil général de Loir-et-Cher –
a fait figurer Jeanny Lorgeoux, maire socialiste de Romorantin et conseiller général d’opposition, sur la liste des personnalités qu’il souhaitait voir décorer de la Légion d’honneur.
Momo n’a pas tenu rigueur à son ami Jeanny des escarmouches qui se sont multipliées entre majorité et opposition au Conseil général depuis les dernières élections cantonales. PAS JUSTE Contrairement à ce qu’a prétendu Le Figaro courant avril, le Président de la République n’aurait pas reproché à Maurice Leroy son soutien à Jean-Louis Borloo à la fin d’un conseil des ministres. Il lui aurait simplement rappelé que la candidature présidentielle du leader centriste se faisait sans son accord.
REGRETS ÉTERNELS Début mai, le président du Conseil régional François Bonneau s’est fendu d’une épitaphe larmoyante pour le blog LibéOrléans qui a consciencieusement, tout au long de sa courte existence, soutenu les intérêts de l’ultra-gauche orléanaise : « Je tiens à exprimer mon très vif regret face à la décision du journal Libération de fermer le site de LibéOrléans.
Ce site animé par un journaliste de talent est devenu un lieu d’expression incontournable et un espace de liberté garant d’un véritable pluralisme facteur de qualité de la presse en région (…)». Contrairement à 2008 où elle avait déjà volé au secours de LibeOrléans en plaidant sa cause auprès de la direction du quotidien, la gauche orléanaise n’aura pas réussi à sauver le lieu d’expression du journaliste de talent précité… qui devra se contenter de ces regrets éternels présidentiels.
Points Chauds
Politique
Estelle Touzin, la petite nouvelle
E
stelle Touzin conseillère générale du Loiret ! Impensable il y a encore quelques mois pour les clients de cette ancienne restauratrice de la rue de Bourgogne, plus copine que patronne, au cœur de l’Orléans des noctambules. Estelle dans l’hémicycle policé du Conseil général ? C’était aussi improbable que d’imaginer un notable orléa-
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nais s’encanailler dans les quartiers chauds de la cité de la pucelle. Une petite folie. Justement, c’était le joli nom de son établissement, le titre d’une bluette des années cinquante, qui drainait tout ce que la capitale régionale compte de bobos, de sympathisants de gauche et de l’écologie politique. Ne dites surtout pas à la nouvelle conseillère générale du canton Bourgogne qu’elle est l’élue des bobos. Née dans le « neuf-trois », puis gamine du très parisien quartier des Batignolles, collégienne voyageuse en Iran et en Arabie saoudite dans les bagages d’un papa ingénieur chez Thales, c’est d’abord au contact de sa maman, militante de l’agriculture bio (ci-contre, à ses côtés) que cette jolie blonde de 35 ans, au caractère et aux convic-
tions bien trempées, est tombée dans la potion écologie. « J’ai toujours eu la fibre sociale et écolo », affirme mademoiselle Touzin qui, à la Petite folie, servait des produits bio et triait ses déchets. C’est Jean-Pierre Sueur qui s’est penché le premier sur le berceau de la benjamine du Département en l’intégrant à la liste en 2008. Puis ce furent les Européennes avec Jean-Paul Besset et les régionales en 2010. Ses collègues, y compris à droite, elle les trouve « courtois, serviables ». Déjà, elle a revêtu les habits de conseiller général. La preuve : elle a défilé aux fêtes johanniques. De quoi bien tenir son rang, elle qui vient de succéder au député radical Jean-Louis Bernard, « l’éphémaire » d’Orléans (octobre 1988 à mars 1989), en obtenant 69 voix de plus que Catherine Maurois, adjointe de Serge Grouard. Après Thierry Soler, elle est la deuxième écolo à entrer au Conseil général du Loiret. Un signe des temps. Christian Bidault
Sénatoriales 2011
Vers un scrutin plus disputé Le 25 septembre prochain, huit sièges de sénateurs de la région seront renouvelés. Quelques surprises ne sont pas à exclure, particulièrement en Indre-et-Loire. Dans le Loir-et-Cher, les centristes devraient conserver leurs deux sièges.
T
rois départements de la région Centre, l’Indre-etLoire, le Loir-et-Cher et le Loiret, sont concernés par les élections sénatoriales qui, le 25 septembre prochain, permettront le renouvellement de 170 des 343 fauteuils actuels du Palais du Luxembourg, auxquels s’ajouteront 5 sièges créés pour tenir compte des évolutions démographiques territoriales. Changement majeur depuis le dernier renouvellement, le vote dans les trois départements – comme la règle le prévoit pour les circonscriptions où sont élus entre un et trois sénateurs – sera un scrutin plurinominal majoritaire à deux tours et non plus un scrutin de liste à la proportionnelle.
Pierre Louault
En Indre-et-Loire, l’application de ces dispositions, compte tenu du contexte local, pourrait compromettre le leadership de la gauche qui détient deux des trois sièges. Ces derniers
sont en effet occupés par le socialiste Yves Dauge, 75 ans – qui a fait savoir qu’il ne briguerait pas un nouveau mandat –, Marie-France Beaufils, maire communiste de Saint-Pierredes-Corps, et l’UMP Dominique Leclerc, ancien maire de La Ville-auxDames et titulaire du siège depuis 1992. La gauche tourangelle présentera aux grands électeurs un ticket composé du maire socialiste de Tours, Jean Germain, de la sortante Marie-France Beaufils et du maire de Montlouis-sur-Loire, le socialiste JeanJacques Filleul. En face, la droite jouera sa partition en solo avec les candidatures du sortant Dominique Leclerc et du Nouveau Centre Pierre Louault qui conduit l’opposition à la majorité socialiste du Conseil général. Ce dernier entend bien profiter des divisions de la gauche tourangelle et de la volonté de revanche de certains élus, encore meurtris par l’éviction brutale de Claude Roiron. Dans le Loiret, où la sortante Janine Rozier (UMP) ne se représente pas, la droite et la gauche s’affronteront par tickets interposés. Le sortant Eric Doligé (UMP) tentera en effet le « grand chelem » aux côtés de JeanNoël Cardoux (UMP), vice-président du Conseil général et ancien président de l’influente association des maires de Loiret ainsi que – surprise du chef – de Brigitte Burdin. Cette dernière, qui n’a jamais exercé de mandat électif et reste inconnue du grand public, est cependant une vieille connaissance des élus locaux puisqu’elle dirige depuis des années l’association des maires du Loiret. Sera-ce suffisant pour faire mordre la poussière au socialiste sortant JeanPierre Sueur qui, lui aussi, ira collec-
Noël Cardoux
tivement à la bataille, entouré de Marie-Thérèse Bonneau, maire de Pithiviers, et de Bernard Delaveau, maire de Paucourt, un village du Montargois ? Dans le Loir-et-Cher, l’issue du scrutin sénatorial semble beaucoup moins indécise. L’un des deux fauteuils du département, laissé vacant le 23 janvier dernier suite à la nomination du centriste Pierre Fauchon au Conseil supérieur de la Magistrature, devrait être remporté sans coup férir par le Nouveau Centre Maurice Leroy. La sortante Jacqueline Gourault (MoDem), maire de La Chaussée-St-Victor, part favorite pour le second mais il faudra compter avec les ambitions à droite – on parle de Guy Vasseur – et à gauche. Mais le maire de Romorantin Jeanny Lorgeoux, flanqué de sa consœur maire de Vendôme Catherine Lockhart comme suppléante, aura du mal à s’imposer dans ce fief centriste. Jean-Christophe Savattier La Lettre Valloire - Juin 2011 11
Points Chauds
Politique
Cantonales : on solde avant Le dernier acte des élections cantonales, organisées sous cette forme depuis 1871, s’est peut-être joué au mois de mars. Le très faible taux de participation a montré qu’il était peut-être temps de rajeunir ce scrutin qui a vu se raffermir deux phénomènes en contrepoint : la montée du FN dans les espaces périurbains et ruraux et celle des écologistes au centre des grandes villes.
A
Dernier acte des élections cantonales.
-t-on vécu la dernière édition de ce grand classique de la vie publique française que sont les élections cantonales ? A en juger de l’audimat, plutôt faiblard, on pourrait considérer qu’il est temps de trouver une nouvelle formule. Les deux épisodes des 20 et 27 mars 2011 ont, en effet, enregistré deux des fréquentations d’isoloirs les plus basses de la Ve République. La région Centre n’a pas dérogé à la règle. Sur certains cantons, c’était même du jamais vu : 28 % de taux de participation au 1er tour sur celui de Blois IV, qui a réélu sept jours plus tard le maire de la ville Marc Gricourt. Ce dernier avait pourtant obtenu plus de la moitié des voix le 20 mars ; mais la loi électorale est ainsi faite qu’il faut obtenir, pour passer dès le 1er tour, un nombre de voix au moins égal au quart des inscrits. Au final, ceux des électeurs qui se seront exprimés auront renouvelé leur confiance aux six exécutifs : dans quatre départements, ils les auront même confortés, l’Indre maintenant le statu quo entre les forces en présence, le Loiret étant le seul où la
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majorité en place perd un siège. Les deux conseils généraux gagnés par la gauche ces dernières années renforcent leur assise : dans le Cher, où le changement de majorité remonte à 2004, le rapport gauchedroite est désormais de 22-13 (contre 20-15 avant le scrutin), tandis qu’en Indre-et-Loire, où il date de 2008, la gauche fait mieux encore avec 24 élus (22 à l’issue du précédent scrutin), le centre et la droite en totalisant 13.
Sologne du Cher) restant encore des fiefs de la droite. Dans le Loir-et-Cher, Maurice Leroy et sa majorité UPLC gagnent le canton de Montoire-sur-le-Loir et récupèrent même au passage celui de Mennetou-sur-Cher grâce au ralliement de son conseiller général, élu en 2008 avec des voix de gauche (lire, à ce sujet, « le Mercato de Momo »). En Eure-et-Loir, Albéric de Montgolfier et l’UMP engrangent un siège de plus avec le canton de Chartres Sud-
“ MAIS ON N’IMAGINAIT TOUT DE MÊME PAS QUE, CETTE FOIS, DE PARFAITS INCONNUS AFFICHENT DE TELS RÉSULTATS PARCE QU’ESTAMPILLÉS FN Dans ces deux départements, la nouvelle carte montre une scission entre les centres urbains et leurs zones d’influence, bien installés à gauche (avec, pour seuls îlots de résistance, les cantons résidentiels de Bourges 2 et de Tours Centre), les parties rurales du sud (le Boischaut pour le Cher, le Lochois et le Richelais pour l’Indre-et-Loire) et du nord (la
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Ouest, remporté par l’adjoint au maire de Chartres Franck Masselus. Dans le Loiret, la majorité conduite depuis 1994 par Eric Doligé (UMP) perd un siège. Elle reste toutefois très confortable, avec 27 élus sur 41 ; le sénateur du Loiret pourra exercer sereinement ce qu’il annonce comme son dernier mandat. Il a, en effet, indiqué qu’il jetterait l’éponge en 2014, année de ses 71 ans. C’est dans le département le plus peuplé de la région que le vote Front national a été le plus marqué. Ce qui n’est pas vraiment une surprise puisque Jean-Marie Le Pen avait déjà réalisé des scores très importants en 2002 dans le Pithiverais et le Montargois. Mais on n’imaginait tout de même pas que, cette fois, de parfaits inconnus affichent de tels résultats parce qu’estampillés FN : c’est ainsi qu’une
certaine Renée Recoussines, jamais croisée dans les environs, est arrivée en tête au 1er tour à Lorris avec 26,27 % des voix, atteignant même… 41,5 % au second. A Montargis, à Pithiviers, à Malesherbes, à ChâteauRenard, à Briare et même à Sully-surLoire, sur le fief du vice-président du Conseil général Jean-Noël Cardoux, le FN était présent au 2nd tour. Un phénomène qui serait propre aux marges des espaces périurbains, où une frange de la population réagit au déclassement social et à la précarisation professionnelle. On l’observe toujours en Eure-et-Loir (Maintenon, Châteauneuf-en-Thymerais et surtout Dreux Sud, où le FN dépasse les 20 % au 1er tour) et dans les parties de l’Ile-de-France les plus éloignées de Paris et de la proche banlieue. Les deux grands centres urbains régionaux, quant à eux, ont vu se confirmer l’arrivée des écologistes dans le paysage politique. A OrléansBourgogne, la restauratrice et militante associative Estelle Touzin l’a emporté de 69 voix sur l’ancien canton du vice-président sortant JeanLouis Bernard, contre Catherine Mauroy, une adjointe au maire. Elle est la deuxième représentante écologiste au Conseil général du Loiret après l’élection de Thierry Soler sur le canton de Chécy en 2008. A Tours, c’est beaucoup plus nettement qu’un autre Vert, Christophe Boulanger, a conservé à gauche le canton de Tours Est avec plus de 62 % des voix. Il s’est débarrassé au 1 er tour de la sortante socialiste Monique Chevet et au 2nd d’un autre socialiste, Alain Dayan. La première était soutenue par la rue de Solférino, le second par la fédération d’Indre-et-Loire ; la division aura été le fait dominant sur ce canton où les deux candidats de centredroit, dont l’un soutenu par l’UMP, ont joué les figurants.
LDES
la fermeture
S E D SOL Doit-on parler avec un brin de mépris de « boboïsation » des centres-villes ou reconnaître l’émergence d’une nouvelle population urbaine, plutôt aisée et socialement privilégiée, qui investit des quartiers autrefois déclassés dont elle contribue d’ailleurs à relever les prix de l’immobilier ; cet électorat, issu de la génération « think different », est sensible aux thèmes environnementaux et marque son désamour avec les partis politiques tradition-
nels. Il est le contrepoint de la permanence de l’ancrage du FN dans les zones d’ombre de l’économie de marché. Quelle que soit l’issue de la réforme territoriale, il faudra tenir compte de ces deux phénomènes. François-Xavier Beuzon
L’abstention, symptôme d’une société de « défiance » L’inquiétude sociale et économique, la crainte du déclassement, la défiance vis-à-vis des élites sont les composantes du cocktail à l’origine de l’abstention massive des dernières élections cantonales, indique Mariette Sineau, directrice de recherche au Cevipof et spécialiste des questions de confiance politique. C’est en effet un phénomène massif « qui a tout de même progressé de… 20 points depuis les élections cantonales de 2004 », rappelle Mariette Sineau qui indique que la précarité – réelle ou ressentie – constitue l’un des facteurs clés de ce comportement. « Nos études montrent que les situations de précarité engendrent de la défiance à l’égard des acteurs publics. Celle-ci est d’autant plus grande que l’on glisse vers le bas de l’échelle sociale ». Mais, nouveauté, si jusqu’alors l’échelon politique local semblait épargné, « le conseiller général ou le maire, que ce soit en zone urbaine ou rurale, se situent aujourd’hui en première ligne de cette société de défiance ». Plus inquiétant, l’abstention gagne du terrain, y compris dans les couches plus favorisées et mieux intégrées de la société : « Il y a une sorte d’effet de halo qui gagne les catégories d’électeurs où la précarité est moindre ». Mariette Sineau s’attend cependant à ce que cette défiance recule globalement au cours des prochains mois « au fur à mesure de l’entrée dans la campagne présidentielle et de la reconfiguration de l’offre politique ».
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Points Chauds
Politique
Le mercato de Momo Il y a peu, Maurice Leroy jetait ses filets dans les rangs du MoDem. Cette fois, le président du Conseil général de Loir-et-Cher voit plus grand. La pêche côtière ne lui suffit plus et c’est du large qu’il a ramené ses dernières prises. Deux élus de gauche ont rejoint son camp dans les premiers jours du printemps. Et le mercato de Momo n’est peut-être pas terminé.
«J
Béatrice Arruga et Jean-Louis Marchenoir, deux atouts supplémentaires dans la manche du président du Conseil général de Loir-et-Cher.
e ne crois plus au clivage droite-gauche, d’ailleurs y ai-je cru un jour ? », s’interroge Maurice Leroy dans « Parole d’Affranchi », l’autobiographie parue le 28 avril au Cherche-Midi (lire ci-dessous). Il n’y croit tellement plus qu’il se fait un devoir de rassembler tout le monde sous une même bannière : la sienne. Depuis quelques mois, Momo du 41 s’est détourné du MoDem, écaillé juste après l’élection de 2008 avec le ralliement de Jean-Paul Pinon, devenu conseiller général de Selles-surCher sous la casaque orange, pour jeter ses filets à gauche. Si la majorité départementale a pu craindre un moment la perte du canton de Marchenoir, convoité par le jeune lieutenant de François Bayrou et maire de la commune, Marc Fesneau, elle l’a finalement conservé haut la main et s’est même offert le luxe de récupérer le second Marchenoir du Loiret-Cher, prénommé JeanLouis celui-là, conseiller général
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depuis 2001 du canton sudiste de Mennetou-sur-Cher. Certes, ce Marchenoir-là siégeait déjà sur la marche gauche de l’étroite salle des délibérations du Conseil général. Un socialiste – pour combien de temps encore ? – tendance
on est d’accord avec la majorité », a-t-il confirmé à La Nouvelle République du Centre-Ouest au lendemain de sa traversée, à pied sec, du lac rose. Mais le transfuge garde sa liberté de pensée et tient à adresser une ferme mise au point à ses
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“ ON PEUT APPARTENIR À L’EXÉCUTIF ET RESTER EN OPPOSITION AVEC LE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE
rad-soc, comme on disait au temps où le parti radical-socialiste jouait les tampons entre les deux hémisphères de la vie publique. Une époque où les méchantes langues prétendaient que les radicaux ressemblaient aux radis : rouges à l’extérieur et blancs à l’intérieur. Jean-Louis Marchenoir était si proche du couloir central que le parti socialiste n’avait pas voulu le soutenir officiellement lors du renouvellement de 2008, gagné à l’issue d’une triangulaire. « Depuis dix ans que je suis conseiller général, je m’aperçois que sur 95 % des thèmes,
détracteurs : « Non, je ne me renie pas ! On peut appartenir à l’exécutif et rester en opposition avec le président de la République. » Qui pourrait en vouloir à Jean-Louis Marchenoir, opposant de Maurice Leroy depuis dix ans, d’avoir franchi le dernier degré qui le séparait de l’exécutif – en l’occurrence une viceprésidence à la culture et au patrimoine – pour ce qui seront peutêtre ses trois dernières années de conseiller général avant la réforme de 2014 et le redécoupage cantonal ? Du côté du groupe Socialiste et Républicain, réduit à neuf membres, on s’agace. Son président Gilles Clément, conseiller général du canton de Bracieux, s’étonne : « Pourquoi chercher à débaucher, à manœuvrer dans l’ombre et à déstabiliser lorsqu’on est en position légitime pour conduire (sa) politique ? ». Le maire de Mont-PrèsChambord aura pourtant, avec son collègue Jeanny Lorgeoux, tenté jusqu’au bout – la veille même de la séance d’installation de la nouvelle assemblée – de convaincre le
Maurice Leroy élargit sa majorité départementale en recrutant chez ses opposants.
dissident. Sans succès. Les interrogations du chef de file de la gauche au Département ont dû redoubler avec la défection, quelques jours après le scrutin, de Béatrice Arruga. On savait l’ex-vice-présidente du Conseil régional en charge de l’éducation et des lycées déçue, pour ne pas dire plus, d’avoir été écartée de la liste socialiste au dernier renouvellement de l’assemblée régionale
(lire, à ce sujet, notre magazine de décembre 2009). Blessée, elle avait exprimé son ressentiment à l’endroit du président François Bonneau, qui, selon elle, avait « orchestré l’éviction ». Depuis, ses relations s’étaient tendues avec les socialistes de son fief vendômois… et sérieusement réchauffées avec Maurice Leroy et le Nouveau Centre. L’ambiance au
Le Sénat en ligne de mire Bénéficiant d’une couverture médiatique réglée au millimètre par son éditeur le Cherche-Midi, le livre de Maurice Leroy a créé le buzz dès les jours précédant sa sortie officielle grâce à la révélation de l’accord qui aurait été conclu entre François Bayrou et Ségolène Royal lors des dernières élections présidentielles. Mais cette autobiographie va bien au-delà et balaye tout le parcours politique d’un homme aux fidélités successives. « Je n’ai jamais abandonné un régime avant qu’il ne se fût abandonné lui-même », disait Talleyrand, que le ministre de la Ville et du Grand Paris cite souvent. En lisant « Parole d’Affranchi », on comprendra pourquoi Maurice Leroy a traversé la mer rouge pour accoster chez Charles Pasqua, avant de jeter l’ancre à l’UDF puis au Nouveau Centre. Et on entrera dans l’intimité de l’enfance et de la jeunesse parisiennes, des premières années dans le modeste appartement familial jusqu’au secrétariat du groupe des sénateurs communistes. C’est durant ces années-là (1984-1990) que Maurice Leroy s’est pris d’un amour quasi exclusif pour la chambre haute. « Le Sénat reste ma maison de prédilection, j’en connais tout… », dit-il. Entre les deux chambres, le cœur de celui qui sera candidat aux sénatoriales de septembre prochain ne balance pas : « Je n’étais pas programmé pour devenir député. Je n’ai d’ailleurs jamais caché mon jeu. Je préfère le train de sénateur ». Mais qui pourrait croire que ce boulimique de la politique puisse, un jour, filer un train de sénateur ? « Parole d’Affranchi » (Maurice Leroy). Cherche-Midi. Prix : 15 €.
conseil municipal de Vendôme s’était aussi progressivement dégradée, et on sentait depuis un moment que le courant ne passait plus entre la 2e adjointe chargée des affaires scolaires et Catherine Lockhart, maire de la troisième ville du département. C’est dans ce contexte délétère, ponctué par l’épisode du policier municipal remettant sur le parking de la mairie le courrier lui retirant toutes ses délégations, qu’est intervenue, début avril, la nomination de Béatrice Arruga au poste de directrice de cabinet du président de Conseil général. Un cabinet qui s’est encore enrichi, trois semaines plus tard, d’un permanent de la CFDT, Philippe Poudrai, maire-adjoint de la petite commune de Naveil. Le nouveau salarié du Conseil général, qui souhaite rester adhérent de son syndicat, jure pourtant « n’avoir jamais affiché de sensibilité politique ». Alors, à qui le tour ? A droite et au centre, on assure qu’un ou deux élus départementaux pourraient encore basculer, au fur et à mesure des ambitions personnelles et des conflits entre courants du PS. Blois est devenu une place stratégique. La gauche, qui tient la mairie, l’agglo et quatre des cinq cantons, est bien placée pour ravir au Nouveau Centre Nicolas Perruchot la 1 ère circonscription de Loir-et-Cher (Blois et quatre cantons périphériques). Quoiqu’il s’en défende, reconnaissant toutefois que « les choses ne sont pas figées », Marc Gricourt, maire de la ville depuis 2008 et conseiller général de Blois IV, pourrait briguer l’investiture socialiste. Sa canditature décevrait forcément celle ou ceux qui estiment avoir fait leurs preuves lors de précédents scrutins. Et l’on sait que des déceptions découlent souvent les trahiFrançois-Xavier Beuzon sons… La Lettre Valloire - Juin 2011 15
Points Chauds
Politique
« Marisol m’a tuer…. » La guerre des Roses a fait rage en Touraine. La turbulente Claude Roiron a été évincée de la présidence du Conseil général par la députée Marisol Touraine et son allié Jean-Patrick Gille à l’issue d’une opération-commando exécutée avec maestria par l’appareil et les caciques locaux du parti socialiste.
«I
Marisol Touraine et Jean-Patrick Gille.
ls n’oseront jamais ! » : Tel fut, jusqu’au soir du second tour des cantonales, le credo de Claude Roiron, l’ex présidente socialiste du Conseil général d’Indre-et-Loire. Forte de son succès personnel sur le canton de Tours Nord, elle « s’est crue immunisée », confie l’un de ses proches. A tort ! Car l’appareil local du PS, emmené par son secrétaire fédéral, le député de Tours Jean-Patrick Gille, se démenait depuis plusieurs mois dans l’ombre pour précipiter sa chute. Lorsque Marisol Touraine, la députée socialiste de la 3e circonscription d’Indre-et-Loire, fut convaincue « qu’elle pouvait y aller avec profit »… et qu’elle disposerait de la bienveillance de Jean Germain, l’affaire fut pliée ! « Le complot s’est étalé sur plusieurs mois, estime un mili-
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tant influent et proche de Claude Roiron. Le binôme Jean-Patrick GilleMarisol Touraine, qui partage la même vision idéologique d’un parti socialiste ancré au centre-gauche, a travaillé les militants au corps et levé l’hostilité de Jean Germain au limogeage de la présidente… sans jamais le solliciter trop directement sur le sujet ».
dat Roiron », rapporte l’un des participants de ce festin barbare. Et puis, lentement mais sûrement, « Jean Germain a compris que sa créature allait lui échapper… et qu’elle pouvait le mettre en danger, notamment dans la perspective des sénatoriales », affirme l’un des comploteurs. En guerre ouverte avec la communauté d’agglomération
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“ JEAN GERMAIN A COMPRIS QUE SA CRÉATURE ALLAIT LUI ÉCHAPPER…ET QU’ELLE POUVAIT LE METTRE EN DANGER Les conjurés ont travaillé dans plusieurs directions. Il fallait, d’une part diffuser l’idée qu’une campagne sous l’étendard de la présidente serait électoralement contre-productive. Et il était indispensable de rallier à cette cause les élus municipaux tourangeaux siégeant également à l’assemblée départementale : Claude-Pierre Chauveau – un temps porte-flingue attitré de Claude Roiron avant de tourner casaque –, Nicolas Gautreau et Frédéric Thomas furent ainsi sondés sur leur loyauté future à l’égard de Marisol Touraine. C’est en s’appuyant sur ce noyau et sur l’hostilité de deux autres barons locaux du PS, Alain Michel, le maire de la Riche, et Philippe Le Breton, celui de Joué-lèsTours, que la fronde a pris ses appuis. Et réussi à marginaliser le camp des pro-Roiron. Mais il fallait encore obtenir le feu vert du maire de Tours. « Il y a six mois, lors d’un déjeuner, des émissaires de Jean-Patrick Gille et de Marisol Touraine ont tenté de faire fléchir Jean Germain. Rien n’y a fait. Il voulait encore sauver le sol-
Tour(s) Plus et la Région Centre sur plusieurs dossiers, Claude Roiron a défié son Pygmalion. Erreur fatale. Toute l’habileté a consisté à retarder l’annonce de la candidature de Marisol Touraine. « Et laisser se déclarer les contre-feux Claude-Pierre Chauveau et Alain Michel, avant tout motivés par leur ressentiment vis-à-vis de Claude », estime un ancien vice-président, proche de la présidente évincée. Il ne restait plus à Marisol Touraine qu’à jouer la femme providentielle au soir du premier tour et à requérir l’aval de militants conditionnés. « Ce putsch s’inscrit dans le plan de carrière de Marisol Touraine. Son élection, obtenue de justesse sur sa circonscription, lui a fait prendre conscience qu’un mandat de député est un CDD. Et il faut se méfier des statuts de ministrable. Parfois, on attend un coup de téléphone qui ne vient jamais… », distille avec une pointe de cruauté un soutien indéfectible de Claude Roiron. Jean-Christophe Savattier
LES RENDEZ-VOUS SERGE BABARY, PRÉSIDENT DE LA CCI TOURAINE Les grandes infrastructures routières, ferroviaires et aéroportuaires sont au centre des préoccupations de la CCI Touraine. Son président rappelle que les bonnes décisions doivent se prendre aujourd’hui.
Vous déplorez les lenteurs du boulevard périphérique de l’agglomération tourangelle…
SERGE BABARY : On a perdu un an pour l’ouverture du barreau nord-ouest du périphérique. Quant à la poursuite vers le nord et l’est de l’agglomération, personne n’en connaît le calendrier. Avec les travaux du tramway, la circulation est devenue difficile, voire impossible en centre-ville et elle ne peut pas se reporter sur le périphérique. Tout cela est préjudiciable à l’activité économique et nous avons le devoir de le dire.
Et l’A10 bis… ?
SERGE BABARY : L’A10 bis est un très grand projet structurant, qui doit permettre de dévier le trafic de transit de l’actuelle A10 à l’est de l’agglomération. Je rappelle que le trafic atteint 75 000 véhicules par jour sur la partie tourangelle de l’A10, dont 10 000 camions de grand gabarit. Et les études montrent qu’on atteindra 90 000 véhicules par jour en 2025. L’A10 bis avait été retenue par le schéma national des infrastructures de transport (Snit), mais elle a été retirée cet hiver. Et ce n’est pas en raison de la pertinence du projet, mais parce qu’il ne faisait pas l’unanimité au sein du département. Je suis inquiet parce que le retard que nous prenons n’est pas rattrapable.
« Je suis inquiet parce que le retard que nous prenons n’est pas rattrapable »
Et le projet de gare sur la LGV Paris-Bordeaux ?
SERGE BABARY : Je préfère employer le terme de « halte TGV ». Il correspond plus à ce qu’il est possible de faire. Nous devons obtenir un arrêt sur la nouvelle ligne à grande vitesse entre Paris et Bordeaux, sur le modèle de ce qui a été fait à Vendôme. Sachant qu’il faut pouvoir disposer d’une grande ligne droite, cette « halte » ne peut être créée qu’à Montlouis, à Chambray ou, plus loin vers le sud, du côté de Montbazon.
Mais les infrastructures de transport sont-elles du ressort des CCI ?
SERGE BABARY : Pleinement. Cela fait partie de nos missions historiques. C’est dans ce cadre que nous avons eu évidemment à prendre position sur l’avenir de l’aéroport de Tours Val de Loire, une plate-forme d’une grande importance économique aujourd’hui gérée par une société privée dans le cadre d’une délégation de service public. Parce que d’intérêt général, l’aéroport devrait échapper aux turbulences politiques. C’est du moins ce que j’espère.
Points Chauds
Energie
Philippe Défossez, délégué régional d’EDF
« Jamais l’ASN n’aurait toléré Trois mois après Fukushima, Philippe Défossez, le délégué régional EDF, assure que la France et la région Centre, deuxième région productrice d’électricité d’origine nucléaire après RhôneAlpes, sont prémunies contre un accident comme celui de la centrale japonaise. Il considère que si le débat sur la poursuite du programme électro-nucléaire est ouvert, la fermeture des centrales françaises obligerait à reconsidérer des choix essentiels pour le pays. La Lettre Valloire : L’accident à la centrale nucléaire de Fukushima, conséquence du séisme et du tsunami au Japon, était-il évitable ? Quelles sont les mesures prises par la France et par l’exploitant EDF pour protéger le parc nucléaire des conséquences de catastrophes naturelles ou d’attentats ? Philippe Défossez : Il faut tout d’abord ramener l’accident qui s’est produit à la centrale nucléalre de Fukushima et ses deux morts à la dimension du drame que vivent les Japonais à la suite de la catastrophe naturelle qui a ravagé leurs côtes le 11 mars dernier : on annonce 30 000 morts ou disparus et 12 000 corps sont encore recherchés par les familles. Je donnerai deux chiffres pour mesurer l’ampleur du sinistre : le tsunami a déplacé 125 kilomètres cubes d’eau de mer et l’archipel du Japon a été déplacé de cinq mètres. Sur le plan de la sûreté nucléaire, il est clair que Tepco n’avait pas pris en compte le risque tsunami à sa juste mesure : la vague géante a atteint quatorze mètres de haut et la digue censée protéger les installations avait une hauteur de six mètres. Pourtant, une trentaine d’autres tsunamis ont été rapportés ces six derniers siècles dans cette région du Pacifique. Le dernier en date remonte à 1993. La vague était plus haute, mais les dégâts matériels et humains très inférieurs. Dans toutes nos centrales, les dys18 La Lettre Valloire - Juin 2011
fonctionnements constatés à Fukushima sont prévus et les systèmes de protection en place. D’ailleurs, en France, jamais l’Autorité de sécurité nucléaire (ASN) n’aurait toléré un niveau de sécurité aussi faible qu’à Fukushima. Nous aurions évité les explosions d’hydrogène qui ont endommagé les bâtiments réacteurs au Japon avec nos recombineurs catalytiques qui auraient permis de transformer en eau le gaz concentré dans les enceintes. EDF a une démarche permanente de réévaluation de ses paramètres de sûreté. Nous sommes en train de tirer les enseignements de ce nouveau cas de figure apparu à Fukushima : un accident électro-nucléaire sur un territoire dévasté. A la rentrée 2011, notre dispositif sera prêt et présenté à l’ASN. La Lettre Valloire : L’Allemagne et la Suisse viennent d’annoncer qu’elles allaient renoncer à la production d’électricité d’origine nucléaire. La première, qui possède 17 réacteurs, devrait fermer le dernier en 2022 ; la seconde, qui n’en possède pourtant que cinq, se donnant jusqu’en 2034. Quel commentaire vous inspire cette double décision ? Ph.D. : Chaque pays est libre de déterminer sa politique énergétique. Mais, a minima, la décision de l’Allemagne aurait pu s’accompagner d’une concertation avec ses parte-
un Fukushima en France » naires européens. Car l’arrêt de toute production nucléaire outreRhin, si le projet est maintenu, devra être compensé par le recours aux deux seules ressources assurant la même sécurité d’approvisionnement : les énergies fossiles et les importations. Ces dernières entraîneront inéluctablement un déséquilibre du marché et donc, au terme de quelques années, une augmentation des prix de l’électricité dont pâtiront tous les utilisateurs du continent. Mais la conséquence la plus dommageable est l’augmentation des émissions de gaz à effet de serre qui découlera de l’utilisation d’énergies fossiles. La Lettre Valloire : Que répondez-vous à ceux qui veulent imposer un moratoire au programme nucléaire français, et notamment geler la construction de nouvelles centrales EPR ? Estil envisageable de sortir du nucléaire, y compris à l’horizon de trente ou quarante ans ? Ph.D. : Nous sommes clairement au début d’un débat sur l’énergie ; ce sera, sans nul doute, l’un des thèmes de la prochaine campagne électorale. Mais un tel débat ne doit pas être dicté par l’urgence. Quand on construit un équipement de production, qu’il s’agisse d’un barrage hydroélectrique ou une centrale, l’horizon est à un siècle si on additionne les délais pour les autorisations, la durée du chantier, l’exploitation commerciale et le démantèlement. Je répondrai par une alternative. Non, il n’est pas possible de sortir du nucléaire si on veut une électricité à un prix aussi bas qu’aujourd’hui et le maintien du facteur 4 du Grenelle de l’Environnement, c’est-à-dire la division par 4 des émissions de gaz à ef-
fet de serre d’ici à 2050. Oui, c’est possible de le faire si on renonce à ces exigences et si l’on est prêt à sacrifier aussi la sécurité de l’approvisionnement. La Lettre Valloire : Comment sera composé le mix énergétique de la France dans les prochaines années ? Ph.D. : Le président Henri Proglio a fixé des objectifs à 2020 : EDF doit devenir le premier électricien mondial et son chiffre d’affaires se partager pour moitié entre la France et ses autres marchés. Toujours sur le plan mondial, il nous a assigné un mix énergétique diversifié : 50 % d’électricité d’origine nucléaire, 25 % d’énergie hydraulique et autres énergies renouvelables et 25 % d’énergie thermique à flamme. Mais ce mix doit s’accompagner d’un renforcement des économies d’énergie et des réseaux électriques intelligents (smart grids) auxquels nous travaillons activement. La Lettre Valloire : EDF doit faire face depuis quelques années à la concurrence, en particulier celle de distributeurs alternatifs. Comment l’électricien national s’est-il adapté à cette nouvelle donne ? Ph.D. : Cela nous a, sans conteste, obligés à être plus proches de nos clients, notamment professionnels. Nous sommes plus attentifs à leurs demandes, plus réactifs aussi. Une des conséquences les plus marquantes de l’ouverture des marchés a été l’émergence d’un nouveau dispositif réglementaire, avec la loi Pope de 2005 (programme fixant les orientations de la politique énergétique) et la PPI 2009-2020 (programmation pluriannuelle des investissements de production d’électricité).
Le débat énergétique passe désormais par le Parlement. La Lettre Valloire : Entre la production d’électricité – notamment d’origine nucléaire –, sa distribution et les services annexes, EDF est un des plus gros employeurs de la région Centre. Comment vont évoluer ses effectifs dans le futur ? Ph.D. : EDF emploie 7 500 personnes en région Centre et 800 nouveaux collaborateurs nous ont rejoints ces cinq dernières années. La région Centre, placée entre deux régions qui consomment plus d’électricité qu’elles n’en produisent, l’Ilede-France et la Bretagne, a une mission d’approvisionnement essentielle. Avec ses quatre centrales nucléaires (Chinon, St-Laurent, Dampierre et Belleville), son barrage hydroélectrique (Eguzon) et ses éoliennes, elle produit plus de 17 % de l’électricité française. Il n’est, bien entendu, pas question de réduire ce potentiel dans les années à venir. Le nombre d’agents EDF affectés à des tâches autres, comme le transport, l’entretien des réseaux, la distribution et la commercialisation, n’est pas non plus appelé à diminuer : au contraire, certains services, comme le Centre national d’équipement de production d’électricité (Cnepe) de Tours, pourraient être appelés à renforcer leurs effectifs. Propos recueillis par François-Xavier Beuzon
Points Chauds
Energie
Le courant est rétabli
entre ERDF et les collectivités
Né en 2008 dans le contexte de l’ouverture du marché de l’électricité à la concurrence, ERDF fait évoluer ses relations avec les collectivités locales de la région Centre, qui lui concèdent l’entretien et la modernisation des 76 900 km de lignes du réseau basse et moyenne tension. Après quelques frictions, le dialogue semble renoué.
Jean-François Quinchon, directeur territorial Touraine d'ERDF, est conscient que les autorités concédantes veulent plus d'information.
D
ans notre édition de mars 2009, Jean-Luc Dupont, maire de l’Ile-Bouchard et président du SIEIL (Syndicat intercommunal d’énergie d’Indre-et-Loire) accusait ERDF, le gestionnaire des réseaux électriques, « de ne pas respecter ses engagements » vis-à-vis des collectivités locales concédantes. Deux ans après cette prise de position tranchée, qui avait interpellé la filiale de l’électricien national, JeanFrançois Quinchon, directeur territorial Touraine d’ERDF, assure que des progrès notables ont été réalisés. « Il ne faut pas perdre de vue que le paysage de l’électricité a énormément évolué ces dernières années, explique ce cadre qui est aussi en charge des relations avec les clients et les fournisseurs d’ERDF pour l’ensemble de la région Centre. Dans un système concurrentiel, nos autorités concé-
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dantes exigent plus d’information sur les réseaux dont elles sont propriétaires et que nous exploitons. Nous en sommes conscients et nous nous y adaptons progressivement ». Chaque année, ERDF remet aux treize autorités concédantes de la région (voir encadré) un compte-rendu annuel de concession qui, contrairement à ce que son acronyme – Crac (sic) – pourrait laisser supposer, est destiné à favoriser la compréhension mutuelle entre les acteurs. « Nous rendons compte aux collectivités et aux syndicats de l’état du réseau, des travaux engagés durant l’année, mais aussi de la qualité de la fourniture », précise Jean-François Quinchon. Deux accords viennent d’ailleurs d’être signés avec la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR) : l’un promet de don-
ner une meilleure information sur les raccordements, les réclamations des clients et la valorisation du patrimoine concédé, l’autre de mettre en place des conférences départementales, sous l’égide du préfet, pour « enrichir le dialogue contractuel entre les autorités concédantes et les organismes de distribution ». ERDF, filiale à 100 % d’EDF comme son homologue RTE (Réseau de transport d’électricité), en charge du transport à haute et très haute tension, tient donc à démontrer sa bonne volonté : pour la seule Touraine, l’entreprise a accru de 50 % ses investissements annuels sur le réseau départemental de transport d’électricité (basse et moyenne tension) entre 2006 et 2011, passant de 16,9 M€ à 25,4 M€. François-Xavier Beuzon
Treize concédants régionaux face à ERDF Héritage de l’histoire centenaire de la distribution d’électricité sur le territoire national, treize collectivités territoriales ou groupements se partagent la propriété du réseau électrique régional ; elles en confient par concession l’entretien et la modernisation à ERDF. Avec une exception, celle de la Sicap (Société coopérative d’intérêt agricole de la région de Pithiviers pour la distribution de l’énergie électrique) qui distribue l’électricité sur une centaine de communes du nord Loiret et assure elle-même l’entretien de son réseau. Ce n’est d’ailleurs pas la seule singularité du Loiret puisqu’il abrite, à lui seul, sept des autorités concédantes de la région (le Conseil général et les Villes d’Orléans, de Saran, de St-Jeande-Braye, de la Chapelle-St-Mesmin, de Gien et de Châlette-sur-Loing). Les six autres autorités régionales se répartissent entre l’Indre-et-Loire (le SIEIL et la Ville de Tours) et les quatre autres départements, qui en possèdent une chacun (SDE 18, SDE 28, le SDEI pour l’Indre et le SIDELC pour le Loir-et-Cher).
Points Chauds
Energie
Il y a loin de Flamanville Le gigantesque chantier du réacteur nucléaire de troisième génération s’achève sur le site EDF de Flamanville, au nord de la presqu’île du Cotentin. Mais l’EPR de Basse-Normandie, qui sera peutêtre reproduit à Penly, cette fois en Haute-Normandie, s’éloigne de Belleville-sur-Loire. Baisse de la consommation, diversification des sources d’énergie et lobbying anti-nucléaire rendent le rêve des élus berrichons bien incertain.
C’
Le gigantesque chantier du réacteur nucléaire sur le site EDF de Flamanville au nord de la presqu’île du Cotentin.
est l’un des plus grands chantiers d’Europe, sinon le plus grand. Plus de 4 000 personnes travaillent quotidiennement à la construction de l’EPR (European Pressurized Reactor ou Evolutionary Power Reactor, c’est au choix) de Flamanville, dans la Manche. Les travaux de génie civil, entamés en 2006, devraient être achevés l’an prochain pour une mise en service en 2014 du 59 e réacteur nucléaire français. Il ne sera pas le premier au monde de cette génération à être raccordé au réseau électrique, puisque celui d’Olkiluoto, en Finlande, le devancera d’environ un an. Les menaces régulières de moratoire sur le programme EPR, ravivées par la catastrophe de Fukushima, n’entra-
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vent pas la marche du chantier, même si EDF a décidé, l’été dernier, de repousser de deux ans l’exploitation commerciale, initialement programmée pour l’an prochain. Le dôme en béton coiffant le bâtiment du réacteur sera posé à la fin de cette année. Il ne restera qu’à construire le dernier bâtiment diesel sur l’emplacement laissé libre pour le passage de la grue géante qui déposera le chapeau du réacteur et à procéder à d’ultimes aménagements. Dès l’an prochain, la place sera libre pour les 350 agents en charge de l’exploitation de cette troisième tranche de la centrale de Flamanville dont la puissance atteindra 1 650 MW. Elle complètera les deux premiers réacteurs de deuxième génération (REP, pour réacteur à eau pressurisée) de
1 300 MW chacun, opérationnels depuis le milieu des années 80. Flamanville emploiera alors un millier d’agents EDF à l’exploitation des trois tranches et pratiquement autant dans les sociétés sous-traitantes. Isolé dans le nord Cotentin, au pied d’un promontoire rocheux en bord de mer, face à l’île anglo-normande de Guernesey, le site a été en partie aménagé sur une ancienne mine de fer désertée au début des années 60. Les écologistes, mobilisés dès l’origine contre le projet, n’avaient pas pu s’opposer à l’avis majoritairement favorable d’une population locale qui s’est habituée à vivre avec l’atome. Entre les sous-marins de la DCNS et l’usine de retraitement de La Hague, le nucléaire civil et militaire fait vivre une grande partie des 120 000 habi-
à Belleville tants de l’aire urbaine de Cherbourg. La décision de construire le premier EPR du parc français n’ayant pas suscité la même levée de boucliers qu’à Penly, dans la Seine-Maritime voisine, c’est donc Flamanville qui a décroché le jackpot, repoussant le projet de Penly à une hypothétique mise en service autour de 2020. Le rythme de construction des centrales nucléaires, déjà bien ralenti, devrait encore s’infléchir dans les années à venir, tant sous la pression du Grenelle de l’environnement et des exigences du mix énergétique qu’en raison de la quasi-stagnation de la consommation d’électricité en France (+1 % par an). Autant dire que l’horizon est encore bien dégagé au-dessus de Belleville-sur-Loire. Le chantier de Flamanville 3 aura absorbé 400 000 m 3 de béton et 120 000 tonnes de ferraillage pour l’armer, 400 km de tuyauterie, 1 600 km de câbles et 70 000 tonnes de charpente. Le coût avoisinera les 5 Md€, soit 45 % de plus que le devis initial. Rien n’a naturellement été laissé au hasard, les leçons ayant été tirées des accidents nucléaires du passé (Tchernobyl bien sûr, mais aussi Three Mile Island en 1979 ou StLaurent-des-Eaux l’année suivante) et de catastrophes comme le 11 septembre 2001. C’est ainsi que le bâtiment du réacteur, celui du combustible, la salle de commandes et deux des quatre locaux de sauvegarde sont enveloppés d’une coque de béton armé de 1,80 m d’épaisseur, conçue pour résister à la chute d’un aéronef. L’EPR, au contraire de ses devanciers, a prévu à l’intérieur même du réacteur une aire d’étalement destinée à refroidir le corium, cette matière en fusion issue du combustible radioactif et des éléments du cœur. Quatre systèmes de sauvegarde parallèles implantés dans des locaux distincts,
soit deux fois plus que dans les centrales actuellement en exploitation, doivent maintenir le refroidissement de l’installation de production en toutes circonstances, mais aussi contrôler et maîtriser les augmentations de pression et de température dans le bâtiment du réacteur en cas d’accident. La continuité de l’alimentation électrique étant essentielle, comme on l’a vu à Fukushima, Flamanville 3 aura des sources diversifiées de courant, pas moins de six groupes diesel devant prendre le relais de la production électrique de la centrale si elle devait s’arrêter. Bien sûr, quel que soit le niveau de sécurité, le risque 0 n’existe pas. En partie construit sur des terrains gagnés sur la mer, 12 mètres audessus des flots, il n’est pas totale-
ment exclu que le site de Flamanville soit, un jour, touché par une vague géante. Peu probable, rétorque EDF, qui se repose sur la configuration des plaques tectoniques de l’océan Atlantique et de la Mer du Nord pour écarter tout risque de tsunami. Une digue de 15 mètres a quand même été élevée pour protéger les bâtiments de la centrale. D’autres dispositifs de protection seront peut-être créés d’ici là. « Lorsque l’heure sera au bilan, nous saurons tirer les leçons de la tragédie japonaise pour rendre nos installations encore plus sûres », a déclaré au printemps Henri Proglio, le patron d’EDF. Une déclaration remplie de prudence qui, comme chacun le sait, est mère de sûreté. François-Xavier Beuzon, à Flamanville
Belleville voit s’envoler l’EPR Comme nous l’écrivions l’an passé (cf. notre magazine de juin 2010), le maire UMP de Belleville-sur-Loire et le conseiller général socialiste du canton verraient d’un bon œil la construction d’un réacteur EPR sur un site bellevillois qui exploite deux réacteurs REP depuis la fin des années 80. Ce lobbying, largement relayé par les milieux économiques du Cher, avait eu des répercussions sur la campagne des élections régionales, obligeant les têtes de liste à se déterminer pour ou contre le projet. Si la filière EPR et l’énergie nucléaire survivent à Fukushima, le deuxième réacteur français sera bâti à Penly, près de Dieppe (76). En 2020, il sera temps de s’interroger sur le troisième. Flamanville est prévu pour accueillir une quatrième tranche et, si on quitte la Normandie, Tricastin et la vallée du Rhône ont une longueur d’avance sur Bellevillesur-Loire qui, à ce rythme, arriverait quatrième, voire cinquième… sans préjuger de l’éclosion d’autres candidatures ! Et puis, outre que la durée de vie des centrales et donc de leur capacité à produire s’allongent sensiblement (60 ans pour Flamanville 3), les chercheurs travaillent à une nouvelle génération de réacteurs nucléaires marquant une vraie coupure avec le REP et l’EPR, les deux cousins à eau pressurisée. L’arrêt par le gouvernement Jospin du Superphénix de Creys-Malville (38) n’a pas totalement éteint les espoirs placés dans les réacteurs à neutrons rapides, beaucoup moins gourmands en combustibles que les centrales classiques. Phénix renaîtrat-il de ses cendres ? Et si oui, l’oiseau se posera-t-il en bordure de Loire ? L’histoire nous le dira dans quelques décennies.
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Points Chauds
Energie
Les millions de l’atome L’énergie nucléaire, pour les uns c’est Lucifer (« celui qui porte la lumière ») pour les autres, c’est le Veau d’Or : car non seulement la fée électricité éclaire les foyers, mais elle alimente aussi les carnets de commande des entreprises sous-traitantes et les budgets des collectivités locales.
C
omme si Fukushima n’avait pas existé ! Devant une poignée de lycéens, Christine Tavet, chargée de mission pour la Perene (Promotion de l’emploi et des ressources des entreprises prestataires du nucléaire), promet des embauches : « Au forum de Tours en 2010, nous avons recruté 50 personnes, nous aurons besoin de 100 salariés en 2011 et d’autant en 2012. » L’Allemagne vient d’annoncer la fin du nucléaire, les écologistes français poussent leurs alliés socialistes vers la sortie et ce 20 mai, au centre des conférences d’Orléans, les sous-traitants du nucléaire « recherchent des collaborateurs ». « Même si demain on devait stopper la filière, il y en aurait encore pour une trentaine d’années d’activités avec la déconstruction », poursuit Christine Tavet. Comme à Chinon (37), la plus ancienne centrale de la région, et à St-Laurent (41). En France, on estime à 70 000 les salariés du nucléaire, en régions Centre et Ile-France (quatre sites, Belleville, Dampierreen-Burly, St-Laurent et Chinon, et un cinquième avec Nogent-sur-Seine près de Paris), 20 000 salariés vivent du nucléaire, dont 5 000 pour la maintenance : dans les centrales françaises, 80 % de ces activités de maintenance sont confiées à des sous-traitants. « Au plan national, EDF travaille avec 500 entreprises. En grande région Centre, elles sont environ 70 », indique le président de la Perene. Une entreprise comme le spécialiste de l’ingénierie Oakridge Sciences & Services à Orléans a toutes les peines du monde à recruter des ingénieurs.
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Chez Crit Intérim, installé à Sully-surLoire (45) depuis dix ans, l’embauche de soudeurs, d’électriciens et de logisticiens pour des sous-traitants d’EDF représente 60 % de l’activité. « Les intérimaires viennent de partout, de Cosne-sur-Loire, de Lorris, d’Orléans, ils font 80 km pour travailler dans une centrale », expliquet-on chez Crit.
La Cli, c’est le cénacle composé des élus des huit communes les plus proches de Dampierre, d’associatifs, de syndicalistes et de deux écolos représentant pour l’un la Région, Jean-Philippe Grand, pour l’autre le Département, Thierry Soler. La Cli c’est, depuis Tchernobyl, la caution transparence d’EDF. Un représentant de l’ASN (Autorité de sûreté nuclé-
“ LES INTÉRIMAIRES VIENNENT DE PARTOUT, DE COSNE-SUR-LOIRE, DE LORRIS, D’ORLÉANS, ILS FONT 80 KM POUR TRAVAILLER DANS UNE CENTRALE Dans l’académie d’Orléans-Tours, six lycées proposent des formations liées au nucléaire en BTS et bac pro, dont le très spécifique « technicien de radio protection » au lycée Marguerite-Audoux de Gien (45). Pour les entreprises locales, les arrêts de tranches constituent des promesses de chantiers énormes. Le 16 mai, réunion de la Cli (Commission locale d’information) dans une des luxueuses salles de Dampierre-en-Burly. Ici, la fée électricité a donné le coup de baguette magique qui fait de ces communes accueillant des centrales nucléaires, des rendezvous 5 étoiles. Piscine, salle polyvalente, espace culturel et sportif, les candélabres sont alignés après la sortie du bourg jusqu’en campagne, là où il n’y a plus rien à éclairer. « Lorsque je suis arrivé, mon prédécesseur avait thésaurisé et une manne énorme avait été placée », justifie Claude de Ganay, maire de Dampierre et conseiller général du canton d’Ouzouer-sur-Loire, qui a beaucoup bâti chez lui.
”
aire) discourt vingt minutes sur le risque sismique (qui n’existe pas en région Centre) et… trois sur la sécheresse. « Descendre en dessous de 50 m3 à Gien représente un impact trop important ; à 43 c’est le début de crise, le début des restrictions. » On n’en saura pas plus. Dans ces réunions, on compte sur les écolos et les consommateurs pour titiller un peu les représentants d’EDF. Les élus, eux, savent trop bien ce qu’ils doivent au nucléaire. Première servie : Dampierre-en-Burly, la commune siège de la centrale. Jackpot avec la taxe foncière : en moyenne celle-ci rapporte en France 744 € par habitant, à Dampierre c’est… 13 000 ! Pour le reste, la manne est répartie d’une part entre les sept communes de la communauté de communes Val d’Or (sic !) et Forêt, d’autre part entre toutes les communes du Loiret. Au titre de la taxe professionnelle, (2 816 273 € en 2009), EDF représente 60 % des recettes de Val d’Or et Forêt. « En 2010, la totalité des taxes que nous avons versées représente
28,8 M€ », indique Yann Le Borgne, chef de mission communication à la centrale de Dampierre-en-Burly. Taxes qui se décomposent entre l’imposition forfaitaire sur les entreprises (10,5 M€), la taxe foncière (5,4 M€), l’Agence de l’eau (4,4 M€) et les autres taxes (apprentissage, occupation domaine public…). Avant que la réforme de la taxe professionnelle n’entre en vigueur, c’est le fonds départemental de péréquation du Conseil général du Loiret qui répartit encore cette année la manne des centrales. Pour comparer, la centrale de Dampierre reverse 6 566 406,70 €, alors que les laboratoires Servier à Gidy ne déboursent « que » 1 530 203 €. Une poignée de communes touchent un pécule (193 315 € ) au titre du préjudice environnemental. EDF dote aussi les communes qui accueillent ses salariés. A la roue de la fortune, c’est Ouzouer-sur-Loire, le chef-lieu de canton qui abrite 274 salariés de la centrale, qui gagne le plus (643 167 € ). A Ouzouer, comme à Dampierre et à Sully, le parc immobilier d’EDF comprend 600 logements, occupés à 90 % par des agents. Enfin, 60 % du fonds
– soit près de 6 M€ – est réparti entre les communes défavorisées selon des critères fiscaux : elles sont 227 dans le Loiret. L’avenir ? Pro-nucléaire, Claude de Ganay ne se fait pas trop de souci. Dampierre est proche de l’Ile-deFrance ; si la France reste droite dans ses réacteurs, des terrains ont été gelés par EDF autour du site et les électriciens pourraient se payer au moins une nouvelle tranche. Pour la communauté de communes, Claude de Ganay tient un discours un peu différent : « Charge à nous de déve-
lopper d’autres ressources ». A Ouzouer, on ne crache pas sur l’argent du nucléaire. Mais Madame le maire et son équipe se veulent les champions de la défense de l’environnement. Seule commune de la région à avoir un Agenda 21, Ouzouer-surLoire est le chantre du « zéro pesticide », fait du bio dans les cantines et Estelle Jouili envisage même de doter ses équipements municipaux (salle des fêtes, centre culturel, gymnase)… d’éoliennes individuelles. Un vrai pied de nez aux réacteurs voisins. Christian Bidault
Un vrai filon pour les PME La Chambre de commerce et d’industrie régionale estime à 5 000 le nombre d’emplois de la filière nucléaire en région Centre. Une étude réalisée par la Sofred en 2010 a recensé 257 entreprises travaillant directement ou non avec la filière. La moitié d’entre elles ont leur siège en Indre-et-Loire et dans le Loiret. Ce sont des PMI mais 72 % d’entre elles ont plus de 50 salariés. Une des caractéristiques de la région est que la plupart dépendent de grands groupes industriels. « Leurs secteurs d’activité concernent la fabrication, l’assemblage, l’installation, les bureaux d’étude et la conception », explique Mathieu Blin, responsable des études, de l’aménagement et de la prospective à la CCIR. Parmi les établissements de plus de 200 salariés, citons Baudin Châteauneuf, DV Construction (Bouygues), Goyer (Eiffage), Techman Industrie (groupe Onet), Prezioso Technilor, Radiall, MSL Circuits ou Redex.
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Economie
Développement durable
L’usine SKF passe au Chaudière biomasse, nouvelle génération de roulements pour les éoliennes et les moteurs intelligents, révision du plan de déplacement avant l’arrivée du tramway de Tours : l’industriel SKF prend le virage du développement durable. En espérant avoir un peu d’avance sur le peloton.
L’
usine tourangelle de SKF a beau être l’une des plus anciennes de l’agglomération, cela n’empêche pas cette pimpante septuagénaire (73 ans exactement) de se parer des récents atours du développement durable. Plus qu’un lifting marketing, on décrypte une réelle inflexion chez le leader suédois des roulements à billes. Premier acte. Après une crise qui l’a obligée à fermer une usine, celle de Fontenay-le-Comte, en Vendée, et à supprimer 6 500 postes, dont 110 à Tours, l’entreprise Svenska Kullager Fabriken (Fabrique Suédoise de Rou26 La Lettre Valloire - Juin 2011
lements-SKF) décide de moderniser son outil industriel, dont l’usine de St-Cyr-sur-Loire, « où sont investis 8 à 10 millions par an », résume Georges Laubry, son directeur. C’est la plus importante unité du groupe en France avec 1 300 personnes environ. Outre la rénovation du parc machines, elle a confié à Dalkia la construction de la toute première chaufferie bois qui équipera une usine en région Centre. Dès la fin de cette année, cette installation produira environ 8 MW d’énergie. Elle servira au chauffage des 7,7 ha couverts du site, grâce à une chaudière qui portera l’eau à 120°,
avant de la diffuser dans les bureaux et ateliers à 80°. « Nous conservons le chauffage au gaz pour les périodes de pointe en hiver », souligne Georges Laubry, le directeur du site, qui a convaincu son actionnaire d’investir 3,4 M€, d’autant que 800 000 € sont apportés par l’Ademe au titre du fonds Chaleur. Le retour sur investissement est projeté sur neuf ans. « Nous avions aussi envisagé la pose de panneaux photovoltaïques sur le parking, mais l’abaissement du coût d’achat du kw/h électrique rend l’investissement moins intéressant », compare Georges Laubry, qui dispose d’une emprise foncière de 29 hectares au nord de l’agglomération de Tours. Ce dossier n’est pas définitivement enterré. Le dirigeant a beau jeu de se mettre à l’unisson des préceptes du développement durable : « L’objectif est de réduire nos émissions de CO2 de 3 000 tonnes par an, soit plus d’un tiers des 8 500 tonnes produites par le site », détaille-t-il. En réalité, il s’agit surtout de réduire par trois la facture énergétique. « La révolution verte dans l’industrie ne fait que commencer. La consommation d’énergie dans les pro-
Chiffres clés de SKF • 42 500 salariés (+ 2 000 de Lincoln) • 110 usines dans 28 pays. • CA groupe : 6,8 Md€. RN : 588 M€. • Effectif de l’usine de Tours : 1 600 personnes, dont 1 300 CDI et CDD, 200 CTT et 100 salariés des entreprises sous-traitantes. • CA Tours : 400 M€
vert cess n’en est qu’à ses balbutiements. D’où une marge de progression importante », poursuit-il. Parmi les autres réalisations répondant à cet impératif de la maîtrise des coûts, figure la modification de la centrale des fluides, « qui a permis d’en économiser 30 % en quatre ans », se réjouit le directeur. Autre application méconnue : SKF transforme désormais ses boues huileuses en briquettes
viaire, mais aussi dans l’automobile, l’aéronautique, l’industrie au sens large (papeteries, logistique...). Classé « top manufacturing » (site d’excellence) par le groupe SKF, le site tourangeau abrite désormais une centaine de chercheurs en R&D. Parmi leurs travaux, des roulements écoénergétiques, qui consomment 30 % d’énergie en moins grâce à la maîtrise des aciers et leur alliage avec
L’objectif est de réduire nos émissions de CO2 de 3 000 tonnes par an, soit de plus d’un tiers ” solides. Ces combustibles alimentent les fourneaux des aciéristes. Bref, la chasse au gaspi, traduction terre à terre du développement durable, a investi le cœur de la production industrielle. Et SKF espère bien tirer profit de ce chamboulement sur l’ensemble des marchés. C’est le deuxième acte. Le raisonnement de SKF est simple : les roulements sont partout. Chaque foyer en utilise environ cent cinquante par jour. De la voiture au robot ménager en passant par le fauteuil de bureau, les stores, les perceuses... Mais les constructeurs indiens ou chinois ont trusté les marchés de ces rouages simples. A SKF de spécifier ses gammes. Le choix a commencé par une amputation. L’usine de St-Cyr-sur-Loire a dû se résoudre à transférer au Brésil et en Italie l’activité roues automobiles en 2009. Construite avant-guerre pour servir l’industrie ferroviaire à St-Pierre-des-Corps, l’usine de St-Cyr vend aujourd’hui 400 M€ de roulements par an. Des roulements haut de gamme, mais aussi des joints et des services associés à des clients dans le ferro-
des lubrifiants. « Pour Alstom, nous travaillons sur un roulement muni de capteurs qui renvoient des informations sur l’essieu », cite Georges Laubry. Dans l’automobile, « SKF participe au nouveau système « Stop and Start » de la Citroën C3, au côté de Valeo. Ce mécanisme réduit la consommation de la voiture. Mais il sollicite le roulement d’une manière extrêmement
intense. Nous l’avons conçu pour qu’il encaisse une variation de rotation de 1 à 10 000 tours/minute en un dixième de seconde », explique Georges Laubry. Autre marché en pleine révolution verte, celui des éoliennes, où SKF relève le pari du gigantisme pour le compte de Vestas et Gamesa, les leaders du secteur. A travers ces différents exemples, on voit bien que SKF n’est plus seulement un mécanicien de précision pour les roulements à billes. Electronique, mécatronique et génie des fluides sont entrés dans ses compétences. Pour les renforcer, SKF a d’ailleurs acquis l’américain Lincoln fin 2010. Ce spécialiste des lubrifiants basé dans le Missouri lui apporte 2 000 salariés, près de 300 M€ de CA et une présence géographique complémentaire en Amérique du Nord et en Asie. Là où les compétences en développement durable acquises par le site tourangeau ont des chances de trouver des débouchés. Stéphane Frachet .
Un second PDE pour « anticiper le tram » 8 500 tonnes de CO2 : c’est le total annuel des rejets dans l’atmosphère des 1 600 salariés de SKF lors de leurs déplacements domicile-travail. Pour faire baisser ce chiffre, SKF a obtenu un soutien de l’Ademe, de l’Etat et de la Région Centre pour le financement aux deux tiers d’une étude de 32 000 €. Résultat : la mise en place depuis deux ans d’un Plan de déplacements Entreprise (PDE), qui comporte des mesures d’incitations financières et des facilités pour utiliser le vélo, le covoiturage, les transports en commun, l’amélioration des accès pour les piétons... Outre l’aspect pratique pour les salariés, l’objectif est aussi de permettre à l’entreprise d’améliorer sa démarche qualité, voire d’obtenir des certifications complémentaires. « On espère aller encore plus loin lors de l’arrivée du tram », explique Georges Laubry. Le directeur de l’usine SKF indique que STMicroelectronics, à Tours Nord, et la clinique de L’Alliance, à St-Cyr, sont confrontés au même souci : « Les bus Fil Bleu font tout le tour de St-Cyr avant d’arriver à l’usine. Ce qui n’est pas attractif pour nos salariés. En 2013, le tramway s’arrêtera en haut de la Tranchée. Nous étudions la possibilité de mettre en place une navette interentreprises qui assurera le transport de nos salariés, malgré nos horaires décalés. » Reste à négocier le financement, en particulier avec le Syndicat intercommunal des transports de l’agglomération de Tours (Sitcat) qui prélève le versement transport (taxe au bénéfice des transports en commun).
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Economie
Développement durable
Sita recycle son gaz
de décharge à Sonzay
A la décharge de Sonzay, au nord de Tours, Sita transforme le gaz issu de la fermentation des déchets organiques en énergie. Si ce biogaz permet de produire aujourd’hui environ 20 MW/h par an d’électricité et de chaleur, il pourra aussi être injecté prochainement dans le réseau Gaz de France après purification.
L Yves Matichard, directeur délégué traitement de Sita Centre, devant les puits de captage et les collecteurs de biogaz de la décharge de Sonzay.
a décharge de Sonzay, à une quinzaine de kilomètres de Tours, recueille une grande partie des déchets dits « non dangereux » du département d’Indre-et-Loire. Chaque année, entre 130 000 et 140 000 tonnes d’ordures, pour l’essentiel issues de la consommation des ménages tourangeaux, sont acheminées et traitées par Sita (groupe Suez Environnement) sur ce site d’une soixantaine d’hectares, qui exploitera à terme une vingtaine d’hectares supplémentaires avec l’extension dont les terrassements sont en cours d’achèvement. Ouverte en 1985, la décharge de Sonzay a obtenu en 2007 une prolongation de son autorisation d’exploiter à 2034. A cette date, le site actuel, gagné sur la forêt, bénéficiera encore
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d’une surveillance jusqu’à la minéralisation complète des déchets. La nature géologique du sol, constitué d’une épaisse couche d’argile à très faible perméabilité, rend très improbable une contamination des couches profondes. La protection de l’environnement est d’ailleurs une préoccupation constante
d’énergie à partir du biogaz issu de la fermentation des déchets de Sonzay. Depuis 2001, le gaz est récupéré grâce à des puits de captage et acheminé par des collecteurs jusqu’à l’installation qui le valorise ; là, il est déshumidifié et filtré avant d’être comprimé et injecté dans trois groupes électrogènes représentant une puissance totale de 3 MW.
En 2010, Sonzay a produit 15,5 MW/h, dont l’essentiel a été vendu à EDF, soit 7 % de plus que l’année précédente ” de Sita qui s’est engagé depuis des années en faveur de la biodiversité. Le responsable de l’exploitation de Sonzay n’est pas peu fier de sa collaboration avec la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO) qui a relevé la présence, ces dernières années, d’espèces rares de volatiles. Dans le Loir-et-Cher voisin, le centre de stockage de déchets de Villeherviers, également exploité par Sita, présente un biotope exceptionnel, recensé en 2008 par le Muséum national d’histoire naturelle. Des inventaires approfondis ont permis de cartographier la faune et la flore et de préconiser des mesures pour favoriser leur développement. En conséquence, la société organise des visites découvertes avec des animateurs de l’association Sologne Nature Environnement pour présenter au grand public la diversité des espèces vivant sur le site. Mais la meilleure contribution de Sita au développement durable est certainement l’installation de production
Lorsque l’installation est arrêtée pour cause de maintenance, le biogaz est éliminé et brûlé par une torchère. En 2010, Sonzay a produit 15,5 MW/h, dont l’essentiel a été vendu à EDF, soit 7 % de plus que l’année précédente. Mais l’installation fournit aussi de la chaleur : 4,2 MW/h ont été produits en 2010 et utilisés pour les besoins de l’exploitation de Sonzay. D’ici à deux ou deux trois ans, Sonzay pourra même valoriser son biogaz en l’injectant dans le réseau Gaz de France, qui appartient désormais au même groupe que Sita. Le gaz de décharge est naturellement pauvre en méthane (environ 50 %), mais un système d’extraction des autres composants (CO2, eau, soufre) permet d’obtenir des taux de concentration en méthane (CH4) dépassant les 97 %. Ainsi, Sonzay et Sita seront à nouveau pionniers avec un système de trigénération électricité-gaz-chaleur. François-Xavier Beuzon .
Du biogaz pour l’emploi en Brenne A Ciron, bourgade de la Brenne où est installée la Stearinerie Dubois, des agriculteurs et des industriels se sont réunis pour valoriser la matière organique produite par les élevages et quelques industriels des environs.
D
ans l’Indre, l’association Méthanisation Brenne Elevage a lancé, en 2009, un projet mixte de valorisation énergétique des effluents d’élevage, des graisses alimentaires et des déchets d’abattoirs. Ce projet consiste d’abord à méthaniser les fumiers d’une trentaine d’élevages situés dans un rayon d’une quinzaine de kilomètres autour de Ciron, les acides gras de la Stearinerie Dubois et des déchets agroalimentaires comme ceux de la biscuiterie Kremer d’Argenton-sur-Creuse. La méthanisation est un processus de décomposition des matières putrescibles produisant du biogaz susceptible de fournir de l’énergie. En lien avec ce projet, il est question d’implanter, à proximité du nouveau
centre logistique de la même stearinerie, une unité de déshydratation permettant la production de luzerne pour nourrir les chèvres de l’aire d’appellation du pouligny-saint-pierre. Les fabricants de fromages sont demandeurs dans la mesure où, selon le cahier des charges, 80 % de la nourriture des caprins doit être fournie sur leur territoire. Ce qui suppose de planter aux alentours au moins 400 hectares de cette légumineuse riche en protéines. Chaque année, 60 000 à 70 000 tonnes de déchets pourraient ainsi être méthanisés : le biogaz servira à produire 2 MW d’électricité et 1,5 MW de chaleur nécessaire au fonctionnement de l’unité de déshydratation. Si le projet va à son terme, il sera opérationnel en
2014. « Mais il reste encore beaucoup de travail à faire, confie Geoffroy Vignes, président de l’association, notamment à convaincre les agriculteurs pour assurer la faisabilité ». Toutes ces installations ont un coût estimé à 14,5 M€. Le groupe Rhodia est partie prenante d’un projet qui devrait être soutenu par les collectivités du Parc naturel régional de la Brenne à hauteur de 1,5 M€. D’autres subventions pourraient suivre. Une petite dizaine d’emplois devraient être créés, en additionnant ceux de l’unité de méthanisation et ceux de l’installation de séchage de la luzerne. Une autre piste de raffinage d’huile végétale à partir de colza et de tournesol est aussi à l’étude. A.B .
Création : Conseil régional du Centre 2011
Salariés, Représentants du personnel, Demandeurs d’emploi, Chefs d’entreprise...
Vous aurez des réponses sur la formation professionnelle, les dispositifs permettant l’évolution des parcours professionnels...
Un service gratuit d’information en région Centre
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Economie
Transport
SNCF : des retards qui peu L’opérateur national a reconnu que douze de ses lignes connaissaient d’importantes difficultés. Trois d’entre elles, notamment la liaison TGV Tours-Paris, se situent sur le territoire régional. La SNCF livrera d’ici à la fin de l’année un diagnostic partagé sur les causes profondes de ces dysfonctionnements. Un préalable à la mise en œuvre d’un programme d’investissements sur les infrastructures et le matériel trop longtemps différé. Mais qui paiera l’addition ?
M
Gilles Marinet, secrétaire régional de la CGT Cheminots.
ais que se passe-t-il donc à la SNCF ? Depuis plusieurs mois, les indicateurs qui mesurent la régularité des trains ont plongé dans le rouge. Certes, les responsables de l’exploitation ont beau jeu de dénoncer « les conditions hivernales 2011 marquées par un enneigement inhabituel… et les trois semaines de grève de l’automne 2010 ». Mais ces explications ne convainquent plus personne. En particulier les associations d’usagers, remontées comme jamais contre les cheminots et leur direction. Selon David Charretier, le président de l’association des abonnés SNCF de la ligne TGV Tours-Paris, l’une des douze lignes déclarées « sensibles » par Guillaume Pépy, le pdg de l’opérateur ferroviaire national, « chaque abonné a en moyenne cumulé 42 heures de retard en 2010 sur cette desserte et ça continue ! Il ne suffira pas d’invoquer la responsabilité des feuilles mortes tombées sur le ballast pour justifier ces carences inacceptables ! ». La grogne
a fait place à la colère et conduit les associations d’usagers à engager – ô symbole – une grève de la présentation des titre de transports. « Nous ne sommes pas dans le déni. La direction a pris la mesure de ces problèmes qui pénalisent parfois très sérieusement nos clients », reconnaît
lant, la modernisation de la signalisation et les infrastructures n’ont pas été engagés à temps. Du coup, on essaie aujourd’hui de rattraper vaille que vaille le temps perdu en rapiéçant le réseau, « des chantiers indispensables qui contribuent d’ailleurs temporairement à nos difficul-
”
“ CHAQUE ABONNÉ A, EN MOYENNE, CUMULÉ 42 HEURES DE RETARD EN 2010 SUR LA LIGNE TGV TOURS-PARIS ET ÇA CONTINUE ! Laurence Eymieu, la directrice régionale Centre de la SNCF. Elle parle en connaissance de cause puisqu’elle a sur son territoire trois des douze liaisons défaillantes : la ligne TGV ParisTours, la ligne Paris-Chartres-Le Mans et enfin la ligne Corail Inter Cités placée sous l’autorité de l’Etat qui partage ses voies avec les dessertes TER qui sont sous la responsabilité de la Région Centre. Trois sillons maudits qui collectionnent depuis plusieurs mois les difficultés. La dégradation de la qualité de service est telle que la direction régionale… a refusé de nous communiquer les données relatives à l’exploitation. « Nous sommes confrontés à une crise de croissance. Il faut rappeler qu’à l’échelle nationale, le trafic du TER a progressé de 40 % en dix ans, de 27 % pour le trafic TER francilien et de 10 % pour le TGV en cinq ans ». Et dans le même temps, le réseau a vieilli. A mots couverts, les cadres dirigeants de la SNCF reconnaissent que certains investissements dans le matériel rou-
tés de production », soutient Laurence Eymieu. Si l’on ajoute à ces difficultés structurelles le problème saisonnier de la chute des feuilles sur les voies – un problème qui pourrait d’ailleurs être résolu si Réseau Ferré de France (RFF) se donnait la peine de défricher les abords du réseau… –, l’augmentation des vols de cuivre et les suicides pudiquement qualifiés « d’accidents de personnes », on obtient le sinistre tableau actuel. Un tableau dépeint sans concessions par les organisations syndicales auditionnées dans le cadre de la procédure d’état des lieux lancée afin de subjuguer la crise (cf. l’interview à suivre de Laurence Eymieu). « Ces dysfonctionnements viennent de loin. Ils sont à la fois la conséquence de la raréfaction des moyens humains et matériels et de changements organisationnels, notamment l’abandon de la polyvalence des cheminots », estime Gilles Marinet, secrétaire régional de la CGT Cheminots. Qui ne se cantonne pas à entonner le lamento classique de la centrale syndicale, mais
vent en cacher d’autres fournit des exemples précis. « Le report des travaux de maintenance pour des raisons budgétaires a conduit à ce que 160 rampes de préchauffage – des installations qui permettent de réchauffer les voies et les aiguillages par grand froid et par temps de neige, NDLR – soient hors service sur différents sites de la gare des Aubrais début novembre 2010 ». Le responsable syndical estime que l’allongement du « pas » de maintenance, c’est-à-dire la fréquence des tournées d’inspection et de révision, a un effet néfaste sur la disponibilité des infrastructures. Des infrastructures qui n’auraient pas suffisamment évolué au regard de l’augmentation de l’activité. Ainsi, l’alimentation électrique de la ligne qui supporte le trafic TGV entre Tours et Paris, qui date des années 90, ne serait plus du tout adaptée au niveau actuel de desserte. « Il lui arrive donc logiquement de disjoncter, comme le 6 février dernier où un incident de ce type a provoqué l’arrêt de cinq TGV et entraîné plus de 6 heures de retard cumulé », affirme Gilles Marinet. Le cégétiste pointe également l’abandon de la réserve, un terme qui désigne l’organisation d’astreintes permettant à des cheminots désignés de remplacer au pied levé des conducteurs n’ayant pu prendre
leur service. « Il faut tout de même savoir qu’entre 2003 et 2010, le secteur SNCF couvert par la direction régionale Centre a perdu, toutes activités confondues, près de 700 postes de cheminots ». « Sur le plan national comme sur le plan régional, la question des moyens n’est pas tabou », répond Laurence Eymieu, qui ne veut pas, pour autant, « ouvrir la boîte de Pandore ». Pour remédier aux dysfonctionnements, la SNCF est, certes, prête à mettre la
Recrutement : la vieille maison toujours aussi attractive La SNCF (235 000 salariés) ne se cantonne pas à collectionner les retards. Elle empile aussi les CV. Au premier trimestre 2011, la direction des ressources humaines a ainsi reçu 88 600 candidatures spontanées, soit deux fois plus qu’en 2010. Le groupe qui entend procéder à 9 000 embauches cette année, n’aurait donc que l’embarras du choix. « Pas tant que ça », affirment les responsables du recrutement. Les métiers sont devenus très techniques, aussi bien dans la maintenance que dans la conduite du matériel roulant. Par ailleurs, certains candidats ne soupçonnent pas le niveau d’astreinte auquel ils seront soumis pendant leur carrière. Ce qui a tendance à décourager les vocations. En 2011, le solde des départs et des embauches sera encore négatif avec 1 800 postes supprimés.
main au portefeuille, « sans perdre de vue l’objectif : produire au meilleur coût ». Des coûts qui, comparés à ceux de nos voisins, ne sont pas en sa faveur. Selon Jean-Paul Jacquot, le viceprésident de la Fédération nationale des associations d’usagers des transports (Fnaut), « ceux-ci sont déjà supérieurs de 20 à 30 % à ceux de la Deutsche Bahn. Il ne s’agit donc pas d’en rajouter, mais plutôt de rendre l’organisation plus efficace ». A l’issue de la phase d’audit en cours, un programme de remise à niveau des infrastructures et des matériels sera bien proposé. On peut d’ores et déjà prévoir que la répartition des investissements entre les autorités organisatrices (l’Etat, les Régions, dont le Centre), l’exploitant (SNCF) et le propriétaire du réseau (Réseau Ferré de France) fera l’objet d’âpres négociations. Qui risquent d’être menées… à un train de sénateur, compte tenu de la situation budgétaire respective des différents protagonistes. Jean-Christophe Savattier
La Lettre Valloire - Juin 2011 31
Economie
Transport
Laurence Eymieu, directrice régionale Centre de la SNCF
« On ne rattrapera pas en deux Chi va piano, va sano. Consciente des progrès à réaliser pour retrouver une qualité du service ferroviaire de nature à satisfaire les voyageurs, la SNCF ne compte pas, pour autant, mettre les wagons avant la locomotive. Sa directrice régionale estime que 2013 est un « horizon d’amélioration » acceptable. Mais elle prévient toutefois que l’exactitude suisse ne sera pas atteinte à cette date… De son côté, le vice-président de la Région Centre, autorité organisatrice des transports sur son territoire, est prêt à prendre son mal en patience… mais pas trop longtemps non plus. avant la fin de l’année 2011. La maîtrise de ce sujet est assurée par la SNCF qui est prête à s’engager a posteriori dans la limite de ses responsabilités.
La Lettre Valloire : La SNCF pilote aujourd’hui des audits sur les dysfonctionnements observés sur certaines lignes dites sensibles. Sur quel type d’actions correctives vont-ils déboucher ? Laurence Eymieu : Il s’agit d’aboutir à un plan d’actions chiffré et muni d’un objectif à atteindre en matière de régularité de la production. Ces audits qui, je le rappelle, sont menés par des organismes indépendants ont pour ambition d’aboutir à un diagnostic partagé par toutes les parties impliquées à des degrés divers, qu’il s’agisse de RFF, des autorités organisatrices des transports, des associations d’usagers ou des partenaires sociaux. Nous devrons avoir identifié les causes profondes de nos difficultés 32 La Lettre Valloire - Juin 2011
La Lettre Valloire : Doit-on s’attendre, à l’issue de cette phase d’enquête, à une foire d’empoigne où chacun des protagonistes essaiera de se défausser sur le voisin ? L.E. : Je ne partage pas du tout cette analyse. Les audits vont au contraire nous permettre de dégager des points de fragilité, tant sur le plan de l’organisation de l’exploitation et de la production que sur le plan des infrastructures. Ultérieurement, ce sera à chacun de prendre ses responsabilités. Pour autant, tout ne se règlera pas en un claquement de doigts. Nous devrions nous fixer un horizon d’amélioration à fin 2013, mais il ne faut pas croire que nous rattraperons en deux ans la régularité et l’exactitude des chemins de fer suisse qui font référence dans ce domaine. La Lettre Valloire : Est-ce à dire que les usagers vont devoir prendre leur mal en patience et attendre 2013 pour espérer bénéficier d’améliorations significatives ? L.E. : Vous pensez bien que non ! Nous avons évidemment pris des pre-
mières mesures d’urgence. Par exemple, nous avons redonné des capacités et de la souplesse au Technicentre de Montrouge qui est l’une de nos platesformes de maintenance de matériel roulant. Nous avons aussi affecté deux locomotives supplémentaires à la ligne Paris-Chartres-Le Mans et réaménagé une rame, ce qui a permis de lui donner un peu d’oxygène. Nous avons également travaillé sur la communication et l’information des voyageurs. Dans certaines conditions d’exploitation, notamment sur des trains à configuration dite en « agent seul », les personnels d’escale participent à l’information des voyageurs. Il ne faut pas laisser croire que nous sommes restés les bras ballants… La Lettre Valloire : Mais une telle politique de rustines peut-elle réellement conduire à une amélioration pérenne du service ? L.E. : Les actions dont je viens de donner quelques exemples ont déjà participé à l’amélioration de la production. Mais nous complétons ces dispositions par une réflexion sur notre organisation. Nous devons par exemple mieux gérer les départs de Tours ou de St-Pierre des Corps. Les retards pris initialement sont difficilement rattrapés et conduisent à des difficultés notamment dès l’entrée des trains en Ile-de-France où le trafic est intense.
ans l’exactitude suisse » La Lettre Valloire : Il est, en effet, préférable de partir à l’heure pour espérer arriver à l’heure ! L.E. : Les choses ne sont pas aussi évidentes. Nous sommes de plus en plus confrontés à certaines complexités au départ des trains, comme par exemple la prise en charge des personnes à mobilité réduite. Il faut mieux organiser les différentes tâches relatives à la préparation des trains. Ceci passera probablement par une meilleure appropriation par les personnels de certains gestes métiers. Nous sommes d’ailleurs conscients qu’il va nous falloir mener d’importantes actions de management. Et ces actions vont être, je l’espère, identifiées à l’issue des travaux des différents groupes de travail mis en place. Par ailleurs, dans la perspective de la refonte des horaires qui accompagnera en 2012
la mise en œuvre du cadencement, nous allons mieux organiser notre système de correspondances. Ce qui va nous permettre notamment de réduire la fréquence des navettes entre Tours et St-Pierre-des-Corps ; celles-ci ont plutôt tendance à polluer le fonctionnement de l’étoile ferroviaire. La Lettre Valloire : L’exploitant a semblé minimiser la gravité de la crise et invoquer des causes secondaires ? L.E. : Ce que vous appelez des causes secondaires sont tout de même des causes sérieuses. Mais l’hiver très rigoureux, marqué par un enneigement inhabituel et succédant à un long conflit social, a fortement impacté l’exploitation. La séquence grèves, chute des feuilles et fort enneigement a été difficile à gérer. C’est un fait. Mais je vous ac-
corde que certains de ces événements ont un caractère récurrent et qu’il convient de les prévenir avec davantage d’efficacité. La Lettre Valloire : Vous n’échapperez pas à la question des moyens supplémentaires que vous posent déjà les organisations syndicales ? L.E. : Cette question ne date pas de nos difficultés actuelles. Les organisations syndicales ne sont pas en accord avec la politique de verticalisation de nos activités sur laquelle il n’est pas question de revenir. J’ai cependant bon espoir que les partenaires sociaux participent activement à notre effort de redressement en dépassant ces postures un peu conventionnelles. Propos recueillis par Jean-Christophe Savattier
Jean-Michel Bodin, vice-président de la Région Centre, en charge des transports
« Le service public, ce n’est pas le statu quo » La Lettre Valloire : La Région Centre est autorité organisatrice des transports ferroviaires. Comment pouvez-vous accepter les problèmes de régularité de certaines dessertes ? Jean-Michel Bodin : Nous n’avons évidemment pas la main sur la production commerciale et n’avons pas, théoriquement, vocation à investir directement dans les infrastructures. Pour autant, j’ai demandé à la SNCF de nous fournir avant l’été un rapport présentant des actions correctives précises et chiffrées. Il pourrait faire l’objet d’une convention tripartite Région-SNCF-RFF qui préciserait les engagements des différents par-
tenaires. Je souhaite en toute logique, au moment où la Région s’apprête à investir 150 M€ dans du matériel roulant, que chacun prenne sa part de responsabilité. La Lettre Valloire : Avez-vous déjà identifié des raisons à ces problèmes de régularité ? J.-M. B. : Oui. Sur la ligne ParisChartres-Le Mans, par exemple, il semble que la SNCF a clairement sous-estimé les capacités qu’elle devait déployer afin de répondre à l’augmentation du trafic à certaines heures de pointe. La situation est d’ailleurs en voie d’amélioration, selon les derniers indicateurs qualité La Lettre Valloire - Juin 2011 33
Economie
Transport
qui nous ont été communiqués. Le problème réside aussi dans la saturation générale du trafic ferroviaire francilien, notamment sur la région de Versailles, qui ne pourra être résolu qu’au prix d’importants investissements dans les infrastructures. En ce qui concerne la ligne ToursBlois-Orléans-Paris, il apparaît que certains phénomènes climatiques saisonniers étaient mal anticipés. J’attends d’ailleurs que RFF, qui est en première ligne sur ce sujet, nous fasse des propositions très précises. Par ailleurs, cette ligne a aussi été perturbée par la mise en œuvre de travaux qui devraient, à terme, améliorer les conditions de circulation de trains. Il faut donc s’en féliciter et prendre son mal en patience. Enfin, l’exploitant a aussi rencontré des problèmes en gare de Blois dans ses manœuvres d’accrochage des rames aux motrices qui sont en passe d’être réglés.
n’a pas été augmenté depuis dix ans. Et aucune procédure de réexamen des conditions financières de ce volet essentiel de la décentralisation n’a été fixée au calendrier politique. Je réclame d’ailleurs depuis longtemps qu’une remise à plat soit effectuée. Mais, ne nous illusionnons pas. Compte tenu de la situation financière de l’Etat, il ne faut pas s’attendre à des miracles. Je crois qu’il sera nécessaire, pour assurer dans l’avenir la qualité du service rendu par le TER et pour ajuster ses capacités aux besoins de nos concitoyens, que d’autres collectivités, notamment les Départements et les agglomérations, s’associent à son financement. Les exploitants de transport urbain pourraient aussi être utilement sollicités. La Région ne pourra pas assumer seule la croissance de l’activité ferroviaire régionale qui profite à tous.
La Lettre Valloire : Ces dysfonctionnements signent-ils l’échec de la décentralisation des transports ferroviaires ? J.-M. B. : En aucun cas. Depuis que les Régions ont obtenu le statut d’autorité organisatrice des transports, il y a dix ans – en 1997 pour la Région Centre –, ce sont plus de 12 Md€ qui ont été investis dans le matériel roulant et parfois dans les infrastructures. Sur la période, le trafic voyageurs régional a crû de 40 %. Il y a pire comme signaux d’échec !
La Lettre Valloire : Etes-vous favorable à ce que certaines dessertes soient ouvertes à des opérateurs privés, comme l’exigera d’ailleurs la Commission européenne dès 2019 ? J.-M. B. : Je ne suis pas un dogmatique, mais je suis opposé à la déréglementation et à l’ouverture à la concurrence du transport ferroviaire régional. On l’a bien vu pour le fret où l’on nous promettait monts et merveilles, une telle démarche ne règle pas les difficultés. Bien au contraire ! Je vous ferai observer au passage que ce règlement européen ne contraint pas absolument les Régions à déréguler via l’organisation d’appels d’offres ouverts. Elles pourront continuer à choisir de gré à gré leur opérateur privé ou public si elles le souhaitent. Pour ma part, je considère que les opérateurs privés ne sau-
La Lettre Valloire : Vous devez admettre que le rythme des investissements n’a pas suivi cette croissance de l’activité... J.-M. B. : Sans doute, mais à qui la faute ? Les gouvernements qui se sont succédé depuis quelques années ont parfois considéré que le service public était une idée dépassée. Je ne partage évidemment pas ce point de vue. Le montant des dotations publiques pour le transport ferroviaire confié aux Régions 34 La Lettre Valloire - Juin 2011
raient s’intéresser qu’à la reprise de lignes rentables et à forte fréquentation. Est-ce cela la solution ? La Lettre Valloire : Est-ce à dire qu’il faut se contenter de la situation actuelle et ne rien modifier ? J.-M. B. : Je n’ai jamais prétendu que nous résoudrions les problèmes d’exploitation par l’immobilisme. Beaucoup de choses audacieuses peuvent être tentées. Le service public, ce n’est pas le statu quo. Mais je suis convaincu que nous devons cesser d’évaluer l’opportunité des investissements en fonction de leur rentabilité à court terme. Il faut remettre ces efforts dans la perspective de la durée. Lorsqu’on investit dans le ferroviaire, c’est pour le siècle à venir… Propos recueillis par Jean-Christophe Savattier
Quand le train déraille Les usagers pourraient croire que Père Ubu préside aux destinées de la SNCF, tant les situations abracadabrantesques se multiplient depuis quelques années. Et les usagers de Tours-Orléans-Paris, comme ceux de Le Mans-Chartres-Paris, sont aux premières loges pour apprécier la qualité du service public. JUSTE LE DÉCIDER Le 12 mai en début de soirée, une rame du Transilien est tombée en panne à Rambouillet, bloquant les trains à destination de Chartres durant 1 h 45. Selon l’association de défense des usagers, il aurait suffi que la vieille rame inox du Transilien, défaillante depuis VersaillesChantiers, soit bloquée à Versailles ou à Trappes pour éviter de pénaliser les voyageurs. Une rame identique, qui était sur un quai voisin, aurait pu voler au secours du train en panne en moins de 15 minutes : il fallait juste le décider. LES AVENTURIERS DE LA NAVETTE PERDUE Le 21 mai, les passagers de la navette Tours-StPierre-des-Corps de 7 h 45 sont restés à quai, la motrice ayant eu des ratés à l’allumage. Ceux qui voulaient prendre à St-Pierre-des-Corps le TGV de 7 h 58 pour Lyon Part-Dieu n’ont su qu’une demi-heure après que leur correspondance ne les avait pas attendus. Contrôleurs et chefs de gare « n’avaient pas l’information ».
DES NAVETTES AUX ABONNÉS ABSENTS Grosse colère des élus orléanais lorsqu’ils ont appris début mai que les navettes entre Orléans et Les Aubrais seraient supprimées à partir du 15 décembre 2011. La SCNF jure qu’elles « ne seront plus nécessaires » en raison de la réorganisation des lignes régionales. Si les habitués n’en sont pas persuadés, ils n’auront qu’à se rabattre sur la ligne A du tramway qui relie les deux gares. Au moins, les rames partent et arrivent à l’heure… L’AUTOMATE TÊTU A 7 h 03, c’est souvent un TER de la région Bourgogne qui assure la liaison Tours-Dijon, via Montrichard et Vierzon. Or, et contrairement à la Région Centre, la Région Bourgogne présidée par le strauss-kahnien François Patriat a supprimé sur ses TER une 1ère classe au luxe décidément trop ostentatoire. Imperturbablement, le guichet automatique de la gare de Tours continue à vendre des billets de 1ère pour le 7 h 03. Régler l’automate doit être trop compliqué.
MOTO OU LOCO ? Venu à Dreux pour le lancement du pôle gare, le 7 juin, le président de la SNCF Guillaume Pépy a préféré faire le trajet de Paris à Dreux en moto. Les horaires des trains étaient inconciliables avec son emploi du temps, a-t-il indiqué. Et pour arriver à l’heure, la moto c’est plus sûr que le train, aurait-il pu ajouter. UNE CONSIGNE POUR LA CONSIGNE Durant l’été 2008, un confrère a eu la stupeur de constater la fermeture brutale de la consigne de la gare de Nantes. Aucun agent de la SNCF ne fut jamais en mesure d’expliquer cette décision étonnante, intervenue en pleine période de grandes transhumances. Le journaliste relata l'affaire dans son média sur le mode humoristique. Du coup, l’information remonta jusqu’au pdg Guillaume Pépy qui donna… la consigne de rouvrir immédiatement le service.
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Economie
Transport
Les Régions y croient toujo Dix ans après le transfert de compétence aux Régions, le transport ferroviaire régional affiche un incontestable dynamisme. Pour autant, les autorités organisatrices sont en butte à une détérioration du service liée à des problèmes de production internes à la SNCF et à des investissements insuffisants dans les infrastructures.
«U
n acte majeur de la décentralisation », « une révolution » : Jean-Michel Bodin, le vice-président de la Région Centre, n’en démord pas. Le bilan de dix ans de décentralisation au profit des Régions du transport ferroviaire, dressé à l’occasion des 7e Rencontres nationales du transport régional de Tours (4 mai 2011), lui apparaît bien « globalement positif ». Engagé à l’époque où d’aucuns jugeaient que le ferroviaire de proximité n’avait plus d’avenir – « se souvient-on encore qu’un fameux rapport de la Cour des Comptes préconisait de fermer plus de 7 000 km de lignes régionales ? » indique Alain Fousseret, vice-président Europe Ecologie de la Région Franche-Comté – ce transfert de compétences a tenu la plupart de ses promesses. « Globalement, le trafic des transports régionaux de voyageurs, désignés par le terme de TER (Transport Express Patrick Le Hyaric
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Régional), a augmenté de 40 % sur la période grâce à un accroissement des dessertes et des tarifications attractives », estime ainsi Gilles Dansart, le responsable de Mobilettre, un site d’information dédié aux mobilités. Les Régions n’ont pas fui leurs responsabilités. Elles ont directement contribué à cette réussite en ne se can-
chaussure des autorités organisatrices. Deux dessertes en cause se trouvent sur le territoire régional : la liaison Intercités Tours- Blois-Orléans-Paris et la ligne Paris-Chartres-Le Mans, comme nous l’indiquons dans notre enquête consacrée à ces dysfonctionnements. Selon Jean-Michel Bodin, la Région était dans l’attente d’un rapport cir-
“ NOUS AVONS CONSACRÉ PLUS DE 800 M€ À DES ACQUISITIONS DE MATÉRIELS ROULANTS ET PRÈS DE 240 M€ DANS LES INFRASTRUCTURES tonnant pas à réorganiser l’offre commerciale. Depuis 2001, environ 12 Md€ auraient ainsi été engagés par les collectivités dans le matériel roulant. La Région Centre s’est plutôt montrée bon élève. « Nous avons consacré plus de 800 M€ à des acquisitions de matériels roulants et près de 240 M€ dans les infrastructures, ce qui d’ailleurs n’était pas prévu au titre du transfert de compétences », affirme Jean-Michel Bodin. Et à l’instar de la moyenne nationale, l’évolution du trafic TER – qui comprend aussi les transports routiers de substitution aux services ferroviaires – s’est également élevée à 40 % sur le territoire « avec un accroissement moins rapide ces dernières années parce que nous avons débuté l’expérience plus tôt que la plupart des autres Régions, dès 1997 ». Pour autant, de nombreuses interrogations restent en suspens. La question sensible de la détérioration de la qualité de service constatée par les usagers du TER depuis la fin 2010 constitue naturellement un caillou dans la
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constancié sur les raisons de ces retards, à l’heure où nous écrivons ces lignes. Pour autant, ces difficultés et l’écho qu’elles ont suscité dans l’opinion traduisent également le succès commercial du transport ferroviaire. « Il y a un véritable engouement qui ne se mesure pas uniquement à la fréquentation, mais également à l’implication des citoyens usagers et de leurs représentants dans les comités de ligne » indique-t-on à la SNCF. La question du financement était naturellement sur toutes les lèvres des participants à la manifestation tourangelle. « Il va impérativement falloir trouver de nouvelles ressources pour le transport ferroviaire régional. Pourquoi pas en réorientant le dispositif de la TIPP (taxe intérieure sur les produits pétroliers) ? » propose Alain Fousseret. « Suite à la récente réforme des collectivités territoriales, les Régions ne peuvent plus compter que sur la fiscalité indirecte, s’insurge Pierre Mathieu, viceprésident communiste de la Région Champagne-Ardenne, alors que les communautés d’agglomération peu-
urs dur comme fer vent s’appuyer sur le versement transport et bénéficier de dotations de l’Etat pour leurs infrastructures de transport en site propre ». Car les autorités organisatrices veulent aller plus loin. « Les besoins sont immenses et les capacités du réseau ferroviaire sont sous-exploitées », jugeait ainsi Alain Fousseret, qui plaide également pour une meilleure répartition des ressources entre le TGV et le TER. Officiellement, RFF et la SNCF jurent leurs grands dieux que ces deux pans de l’exploitation ne sont pas en opposition. « Pour autant, au moment où est inaugurée la section Est de la LGV Rhin-Rhône dans notre région, on continue sur certaines liaisons à mettre parfois plus d’une heure pour faire quelques dizaines de kilomètres », s’insurge l’élu franc-comtois. « Il ne s’agit pas uniquement, pour relancer le TER, de bâtir des offres commerciales et d’accroître les fréquences en généralisant le cadencement, c'est-à-dire en proposant pour une même liaison des départs toutes les heures ou toutes les deux heures à la même minute (6 h 32, 7 h 32, 8 h 32). Il est indispensa-
ble que les investissements dans les infrastructures suivent », affirme ce bon connaisseur des questions techniques relatives au ferroviaire. « Mais pour investir, il ne faut pas être lesté par 28 Md€ de dettes comme l’est RFF, une dette qui génère automatiquement le versement de 1 Md€ d’intérêt chaque année », estimait Patrick Le Hyaric, député européen communiste. Naturellement, ce mélange d’inquié-
Le rapport Grignon veut préparer les esprits à l’ouverture à la concurrence Prévue depuis plusieurs mois mais empêchée par l’agenda politique – en particulier le dossier des retraites – qui ne permettait pas de traiter un dossier aussi sensible, la remise du rapport du sénateur UMP Francis Grignon sur les conditions de l’ouverture du transport ferroviaire régional à la concurrence était imminente à l’heure où nous écrivons ces lignes. De premiers éléments, savamment distillés par les membres de la commission Grignon, laissaient supposer que cette dernière se prononcerait « en faveur de l’ouverture, si elle est souhaitée par les Régions, afin d’obtenir des diminutions de coûts d’exploitation à conditions égales de service, voire supérieures ». Pour certains adversaires, tel Jacques Auxiette, président socialiste de la Région des Pays de la Loire et ex-président du Gart (Groupement des Autorités Responsables des Transports), « les nombreux incidents de l’hiver auront très utilement contribué à préparer les esprits à une libéralisation programmée du transport ferroviaire de voyageurs pour laquelle un premier texte d’orientation semble prévu avant l’été ». Texte auquel, naturellement, il s’oppose.
tudes sincères… et de postures politiciennes doit être mesuré à l’aune des perspectives d’ouverture du marché du transport régional ferroviaire à la concurrence programmée – avec 2019 comme date butoir – par la Commission européenne. Des perspectives clairement rejetées par la majorité des participants à ces 7e Rencontres nationales, marquées par un fort attachement des participants au service public. Tous attendent de pied ferme les recommandations du rapport diligenté par le sénateur UMP Francis Grignon. Ce document explosif, qui sera remis au début de l’été, doit en effet échafauder les modalités de transfert de certaines dessertes TER au privé, expérience déjà en cours en Allemagne. « En théorie, les Régions françaises peuvent déjà lancer des appels d’offres ouvertes aux opérateurs privés, explique Gilles Dansart. Mais quel exécutif régional osera franchir le Rubicon ? ». Dans le concert d’indignations, seul Jean-François Troin, vice-président de la Fnaut (Fédération nationale des associations d’usagers des transports), se risquait timidement à espérer « que des expérimentations limitées à des lignes en difficulté et à faible fréquentation puissent être tentées ». Jean-Christophe Savattier
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Economie
Transport
Le Blanc-Argent roule au pas Faute de rénovation, le train Le Blanc-Argent (BA) ne roule plus qu'à 40 km/h. Le lifting est estimé à 11 M€. La majorité PS-PC-Verts du Conseil régional sollicite les autres collectivités et l'Etat. Ces derniers leur renvoient que le transport ferroviaire régional est du seul ressort de… la Région.
«C
Alors, lifting pour le Blanc-Argent ?
’est notre BA, un train où l'on se sent bien », clament trois lycéens en route pour leur établissement Claude-de-France, à Romorantin. « Il roule même quand il y a du verglas », précise un autre passager de la compagnie Le Blanc-Argent (BA), une filiale de Kéolis, elle-même filiale de la SNCF. Voyageurs, cheminots, élus locaux : la mobilisation s'accroît pour sauver ce train qui relie, sur 67 km, Salbris (41) à Luçay-le-Mâle (36), via Romorantin et Valençay, sur une voie unique. Depuis l'été 2010, sa vitesse commerciale a été abaissée de 70 à 40 km/h, en raison des normes de sécurité imposées par la SNCF. Résultat : les temps de trajet ont doublé. Les correspondances à Salbris, où il croise l'axe Paris-Toulouse, ne sont plus garanties. La fréquentation, estimée à 380 000 passagers par an, est en baisse « d'un quart », selon un cheminot. Bref, le BA se rapproche de la voie de garage. Les 75 cheminots ont d'abord dénoncé les règles trop strictes imposées par leur maison mère. Mais la
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SNCF campe sur ses positions : « Même s'il n'y a que deux trains par jour, sur une voie unique, on ne peut pas transiger avec la sécurité. Il en va de notre responsabilité », répète Laurence Eymieu, la directrice régionale du transporteur. La seule solution est donc de rénover l'infrastructure. Le dossier court depuis plusieurs années. Après moult calculs, le besoin de financement a été chiffré à 11 M€. La région a d'ores
(PC), rencontre pourtant les élus locaux un par un, en quête d'un consensus. « Je ne désespère pas de convaincre toutes les collectivités : les deux départements de l'Indre et du Loir-et-Cher, les communautés de communes, les mairies. Le BA, ce n'est pas seulement un train, c'est un outil d'aménagement du territoire, au service de la mobilité, de l'économie et du tourisme », glisse l'élu régional.
“ MÊME S'IL N'Y A QUE DEUX TRAINS PAR JOUR, ON NE PEUT PAS TRANSIGER AVEC LA SÉCURITÉ. IL EN VA DE NOTRE RESPONSABILITÉ et déjà accepté de payer. Une aide de 4,15 M€ a été débloquée par la Région et versée sous forme de subvention à RFF qui a aussi débloqué 4 M € . Il manque encore quelque 3 M€. Devant la grogne, plusieurs élus locaux sont montés au créneau et ont obtenu un rendez-vous chez le secrétaire d'Etat aux transports Thierry Mariani mi-février. En première ligne : Jeanny Lorgeoux, maire (PS) de Romorantin. « Comme la communauté de communes du Sellois-Cher Sologne, la communauté de communes du Romorantinais et du Monestois (CCRM) proposera dès cette année une aide de 125 000 € », promet-il. Jean-Pierre Albertini, maire (MoDem) de Salbris, défend aussi le BA, mais il n'a rien promis. Comme l'Etat et la SNCF. Depuis ce rendez-vous à Paris, le vice-président de la Région en charge des transports, Jean-Michel Bodin
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Mais Maurice Leroy, le président du Conseil général de Loir-et-Cher, est en accord avec son vice-président Patrice Martin-Lalande, en charge du dossier. « Le transport n'est pas une compétence départementale », assène le ministre de la Ville, qui rappelle qu’en gelant les crédits pour la route et en augmentant la TIPP, la Région a dégagé au total 60 M€ de ressources annuelles supplémentaires. « L’investissement pour le Blanc-Argent représente 5 % de ce montant », a-t-il calculé. Du côté du Département de l’Indre, présidé par le sénateur UMP Louis Pinton, on n’est pas non plus très décidé à contribuer à la rénovation de la ligne. La Région Centre et RFF ont lancé une étude. Fin mai, le propriétaire des voies devait dire combien coûterait la réfection de la voie ferrée. Mais cette année, les lycéens de Claudede-France iront passer leur bac à 40 km/h. Stéphane Frachet
Economie
Industrie
Julie Leibovici s’ouvre
les portes du succès
Julie Leibovici, 33 ans, dirige de main de maître la vénérable société Monin, de Nogent-leRotrou, spécialiste de la quincaillerie du bâtiment depuis… 1797 ! Un grand bol d’air frais apporté par une jeune femme qui rêvait d’architecture avant de se confronter aux rudes métiers de la métallurgie. 26 ans, fraîche émoulue d’HEC-Entrepreneurs, la voilà lancée dans le monde de l’entrepreneuriat. « J’avais tous les défauts, sourit-elle aujourd’hui. J’étais jeune, héritière, parisienne, sortant d’une grande école et, par dessus tout, une femme. Dans le monde de la métallurgie, ça faisait beaucoup .» C’est vrai que les choses, au début,
Aujourd’hui, le résultat d’exploitation de Monin a progressé de 10 % et son résultat net de 6 %. Pour un CA de 12 M€… « Avec les tensions sur les marchés des matières premières, et notamment celui de l’acier, ce n’est déjà pas si mal pour notre secteur », ose à peine se féliciter Julie Leibovici. En quelques années, Monin a inventé
J’étais jeune, héritière, parisienne, sortant d’une grande école et, par dessus tout, une femme ”
L
a « vieille dame » cumule aujourd’hui plus de deux siècles d’existence. Installée depuis le début des années 1970 à Nogent-le-Rotrou (28), au cœur du Perche, la société Monin n’a pas pris une ride dans une activité que l’on qualifie volontiers de mature : la quincaillerie industrielle pour le bâtiment, l’ameublement et l’emballage. Mais sous l’impulsion de sa jeune dirigeante Julie Leibovici, arrivée là il y a maintenant six ans, l’entreprise s’est diversifiée et développée sur des marchés de niche. Elle a surtout innové en réinventant des produits aussi basiques que des gonds de porte. Rien ne prédestinait cette jeune femme à une carrière de chef d’entreprise dans la métallurgie. Architecte DPLG, elle voulait se consacrer à l’industrie du luxe et dessiner des « concept-stores » pour des marques prestigieuses. La toute jeune Julie avait d’ailleurs entamé sa carrière au service de Louis Vuitton au moment de la disparition prématurée de son père industriel. A 40 La Lettre Valloire - Juin 2011
n’ont pas été simples. « Il a fallu s’armer de patience et s’imposer en crédibilité et en légitimité. Ça a pris trois ans », confie-t-elle. En 2008, son anticipation réussie de la crise lui offre, aux yeux de ses collaborateurs, ses premiers galons de capitaine d’industrie. « Il a fallu pour cela réorganiser le site de Nogent-le-Rotrou et confier à celui de Fougères (35) les étapes de la finition et du conditionnement de la production. Mais notre chiffre d’affaires a subi une baisse de 20 % entre 2008 et 2009 », résume la jeune femme.
le gond de porte universel et conçu un système de volets battants motorisés pour l’habitat, l’Electrovolet®. Mais le succès de ce printemps reste le portail aluminium sur mesure. « Ce secteur d’activité connaît la même saisonnalité que les jardineries. C’est quand il fait beau et que les gens sont dehors qu’ils envisagent de changer leur portail. Avec ce printemps exceptionnel, on aura bientôt du mal à honorer notre carnet de commandes », s’enthousiasme la jeune dirigeante. Alain Marry
Une acquisition pour Monin Paumelles, serrures, équipements de portails et volets et, désormais, motorisation de volets battants, charnières, crémaillères, équerres, consoles, loqueteaux magnétiques pour l’agencement, fermetures à levier et charnières fortes pour l’emballage… C’est la liste – non exhaustive – de tout ce que fabriquent les établissements Monin depuis 1797 ! Pour garnir encore son catalogue, pourtant riche de plus de 2 000 références, Monin finalise le rachat de l’entreprise stéphanoise Plum (une dizaine de salariés pour 1,6 M€ de CA), spécialisée dans la fabrication de crémaillères, taquets et consoles commercialisés sous le nom de Système Plum®.
BLOIS Benoît Plumel
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L’Immobilier d’Entreprises de la Région Centre La Lettre Valloire - Juin 2011 41
Economie
Industrie
Daher transforme Montrichard en Techno Valley
L’équipementier Daher a choisi d’installer la centaine d’ingénieurs et de techniciens de son nouveau centre de recherche sur les matériaux composites à Montrichard. L’industriel a été séduit par la réactivité du Loir-et-Cher qui a pris de vitesse ses concurrents potentiels.
Q
Philippe Lhotellier et François Lépinoy entourent Maurice Leroy.
uelques mois après avoir convaincu les matelas Treca de construire une nouvelle usine à Mer, le Loir-et-Cher vient de réussir un nouveau tour de force en enracinant solidement Daher à Montrichard, où l’équipementier emploie déjà 650 salariés. Aujourd’hui positionné sur trois secteurs d’activité – l’aéronautique, la défense et le nucléaire –, Daher (6 700 salariés pour environ 750 M€ de CA) va, en effet, y installer son Centre de développement et d’innovation (CDID) dédié aux matériaux métalliques et composites. Alors que toute la région Centre se désole de la rareté des unités de R&D privées, le bourg de la vallée du Cher et ses 3 500 habitants viennent de souffler à l’agglomération nantaise une implantation qui lui semblait promise. En 2009, Daher a choisi St-Aignan-Grandlieu, près de Nantes, pour y construire une usine de 25 000 m2, justement destinée à produire et assembler des pièces composites pour le secteur aéronautique. Y implanter le futur CDID aurait pu sembler naturel, d’autant que l’entreprise est membre du pôle de compétitivité
42 La Lettre Valloire - Juin 2011
ligérien EMC2, dédié aux aérostructures composites. « A Montrichard, nous possédons des équipes d’ingénieurs dans les domaines nucléaires et de la défense, justifiait lors de la présentation du projet, à la mimars, François Lépinoy, alors directeur général du groupe Daher et président de sa filiale aéronautique Daher-Socata (il a quitté le groupe depuis pour rejoindre Air Caraïbes). Jusqu’alors, nos équipes étaient éclatées et nous avons la
plus d’une centaine à terme. « Ce pôle s’appuiera sur nos développements en cours à Nantes. Nous avons voulu équilibrer nos deux centres d’ingénierie : celui de Tarbes, axé sur les matériaux métalliques pour la construction et l’assemblage d’avions, et celui de Montrichard pour les composites », ajoute François Lépinoy. La présence des deux anciennes unités Lhotellier de Montrichard et de St-Julien-de-Chédon a, bien entendu, été
Jusqu’alors, nos équipes étaient éclatées et nous avons la possibilité, avec ce projet, de les réunir sur un même plateau ” possibilité, avec ce projet, de les réunir sur un même plateau pour qu’elles puissent partager de puissants moyens de calcul et travailler sur les nouvelles technologies en recherche fondamentale. Il s’agit plus d’une concentration de moyens existants que d’une vraie création .» Environ 80 ingénieurs et techniciens devraient intégrer le CDID dans un premier temps, probablement
déterminante dans le choix du groupe. Philippe Lhotellier (à gauche ci-contre) a d’ailleurs rappelé, avec beaucoup d’émotion, que le maintien d’une activité industrielle dans la vallée du Cher avait fait partie de l’accord moral passé avec Patrick Daher lors de la vente de son entreprise, en 1999. Le 18 mars, lors de la présentation du projet, François Lépinoy a salué la réactivité du Département et de la communauté de communes du Cher à la Loire. La fibre optique, déjà présente sur la ZI Nord de Montrichard, sera amenée jusqu’au futur bâtiment de 2 000 m2 qui sera construit sous maîtrise d’ouvrage de la SEM Territoires et Développement, déjà sollicitée pour la construction du bâtiment Treca. Les permis de construire devraient être déposés au mois de juillet et les travaux démarrer dans le courant du dernier trimestre 2011. Et si rien ne vient perturber le chantier, les premiers ingénieurs de Daher s’installeront à leur bureau au début de l’été 2012. FXB
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La Lettre Valloire - Juin 2011 43
Novembre 2009
> La Caisse des Dépôts anime la plateforme régionale de financement des entreprises. Celle-ci permet une réponse rapide et adaptée aux besoins des entreprises.
Economie
Industrie
Pendant la crise tunisienne,
les affaires continuent
La vie continue pour la filiale tunisienne du groupe tourangeau Plastivaloire. Le jour du départ de Ben Ali, le 14 janvier, elle coulait la dalle d’une deuxième usine d’injection plastique, à quelques mètres de la première.
L
e vendeur de babouches se veut rassurant : « Ici, tout va bien. Tout est calme. » Trop calme même. A Sousse, charmante station balnéaire située entre Tunis et Hammamet, les touristes font défaut et les hôteliers cassent les prix. Heureusement, l’industrie a pris le relais grâce aux français Hutchinson et Tunisie Plastiques Systèmes, une filiale de Plastivaloire installée à Sousse depuis 2004. Avec 450 salariés et un CA de 20 M€, l’entreprise, dont 40 % du capital est actuellement gelé parce qu’appartenant à un membre de la famille de l’ancien président Ben Ali (lire ci-dessous), est le plus important plasturgiste du pays. C’est ici que l’on fabrique notamment les Livebox d’Orange. Les affaires marchent plutôt bien, selon Chekib Debbabi, le directeur général. « Nous devrions atteindre une croissance de 20 % cette année. » Une belle performance alors que l’on annonce pour le pays une croissance du PIB inférieure à 1 %... Pourtant TPS est impactée par la crise de confiance 44 La Lettre Valloire - Juin 2011
née de la situation politique instable du pays. Les autres années, la filiale tunisienne de Plastivaloire affichait une croissance « de 60 à 70 % », selon Chekib Debbabi. Depuis la révolution du 14 janvier et la fuite de Zine el-Abidine Ben Ali, TPS n’a connu « qu’une seule journée d’arrêt ». A Sousse, située à une heure et demie de route de la capitale, la population a davantage été téléspectatrice de la chute du régime qu’active dans les rues de cette cité entourée de remparts. Le 14 janvier, Plastivaloire coulait la dalle des 5 000 m² de sa seconde filiale
Injections Plastiques Systèmes, située à quelques mètres de la première usine. Montant de l’investissement : 5 M€ et mise en service programmée pour l’été. « Nous prévoyons d’embaucher 100 personnes d’ici à un an », avance le DG. IPS se consacrera à la soustraitance en officiant au service d’un équipementier de BMW. L’optimisme est donc de rigueur chez le plasturgiste, ce qui n’est pas forcément le cas de l’ensemble de l’économie… Lassaad Ennabli, directeur de Pramex, une filiale de Natixis spécialisée dans l’aide à l’installation de PME en Tunisie, explique que « les sociétés qui souhaitent s’installer aujourd’hui en Tunisie appartiennent plus souvent au secteur des services qu’à l’industrie. Il est plus facile de sécuriser un centre d’appel que des machines-outils ». La prudence est donc de mise alors que la situation politique demeure instable. Initialement prévues le 24 juillet, les élections pourraient finalement être repoussées de trois mois. Chekib Debbabi l’espère également : « Sans doute, y verrons-nous plus clair après les élections ». Guillaume Mollaret (à Sousse)
Slim Zarrouk, un Ben Ali chez Plastivaloire Le capital de Tunisie Plastiques Systèmes est à l’image d’une dizaine de sociétés françaises en Tunisie (Orange, Bricorama, Casino, Peugeot, Sodexo…) : une partie de son capital est détenue par un membre de la famille de l’ancien président Ben Ali. Slim Zarrouk, gendre de l’ancien dictateur, était, avant le 14 janvier, propriétaire de 40 % de TPS. Depuis, ses avoirs ont été gelés. Leur cas est examiné par une commission. Slim Zarrouk se tient, encore à ce jour, régulièrement informé de la santé de TPS. Libre, et resté en Tunisie, il appelle régulièrement Chekib Debbabi, le DG. Slim Zarrouk, qui a la réputation d’avoir « réellement investi dans l’industrie », selon Bertrand Furno de l’ambassade de France, espère récupérer ses actifs gelés au plus vite…
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Economie
Innovation
Axess Vision invente l’endoscope La start-up tourangelle devrait prochainement commercialiser un dispositif médical stérile jetable en passe d’affranchir l’endoscopie hospitalière des contraintes de décontamination. Une révolution… et des perspectives alléchantes.
P
eut-être s’agit-il de la success story régionale de ces prochaines années ! Installée à Tours, la start-up Axess Vision est sans doute sur le point de révolutionner l’endoscopie hospitalière. Dirigée par Olivier Fructus, la jeune pousse a développé un endoscope stérile à usage unique destiné, dans un premier temps, à la bronchoscopie « qui va permettre au personnel hospitalier de s’affranchir des tâches fastidieuses et coûteuses de décontamination ». L’affaire est très sérieuse puisqu’en dépit de ces efforts, « près de 1 % des patients qui subissent des endoscopies dans le monde sont rappelés chaque année pour une suspicion de contamination
infectieuse » poursuit Olivier Fructus. C’est fort de cette conviction, et en s’appuyant notamment sur les recommandations des médecins responsables du service de pneumologie du CHU Bretonneau de Tours, que le petit noyau d’ingénieurs s’est lancé dans un programme de développement d’un dispositif médical à usage unique qui requiert la maîtrise de plusieurs technologies des plus pointues. « Nous avons travaillé avec un réseau de sous-traitants experts dans le domaine des matériaux, de l’électronique et de l’optique », indique ainsi le dirigeant qui se souvient que certains composants du prototype qu’il exhibe fièrement ont nécessité
de longs mois de développement. Ainsi, la partie flexible de l’endoscope a fait l’objet d’incessants allers-retours avec l’un des partenaires de l’entreprise… assortis de fréquentes et douloureuses remises en question. « Il a fallu trouver un matériau biocompatible doté de propriétés mécaniques tout à fait caractéristiques », explique Olivier Fructus. Trop mou, le flexible ne parvenait pas à être guidé par torsion par le praticien, trop dur, l’endoscope se révélait trop invasif et risquait d’être difficilement accepté par le patient. De même, l’astucieuse miniaturisation de la carte électronique embarquée et la conception de l’optique ont sollicité
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46 La Lettre Valloire - Juin 2011
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à usage unique des ressources de très haut niveau. Pour un résultat visuel étonnant qui a bluffé les médecins. Rien d’étonnant dans ces conditions à ce que le montant au capital engagé depuis 2008 par les fonds d’amorçage, les collectivités locales et Oséo – qui a cru très tôt à ce projet – se soit élevé à 4,5 M€, dont 1,5 M€ pour Oséo. Mais le jeu en valait la chandelle. Axess Vision, qui a en parallèle entrepris un vaste chantier réglementaire et développé un système d’assurance qualité de haut vol, a réussi à obtenir le marquage CE qui l’autorise déjà à commercialiser son produit sur le marché européen. Si tout se passe selon les prévisions, Axess Vision pourrait « enregistrer un CA d’au moins 7 M€ d’ici à trois ans ». Irréaliste ? « Il y a dans le monde, chaque année, près de 10 millions d’actes impliquant l’utilisation d’un
endoscope. Près de 50 millions si l’on additionne toutes les applications en sus de la pneumologie. Pour parvenir à notre objectif, il nous suffit de commercialiser 30 000 unités, ce qui ne me semble pas inaccessible ». Pour financer le développement de son réseau commercial, la start-up devra faire de nouveau appel aux investisseurs dans le cadre d’un second round. « Rien n’est encore arrêté, mais notre besoin devrait probablement s’étager entre 3 et 5 M€ ». Naturellement, ces développements et l’industrialisation de l’endoscope à usage unique d’Axess Vision devraient conduire la société à quitter ses bureaux tourangeaux de la place Jean-Jaurès pour des locaux plus appropriés. Jean-Christophe Savattier
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La Lettre Valloire - Juin 2011 47
Economie
Immobilier
Locaux professionnels
Il faut du neuf et du bien placé
Ce n’est plus le marasme de 2009, mais ce n’est pas encore le retour des beaux jours. Dans les deux métropoles régionales, le volume des transactions de locaux professionnels aura légèrement repris l’an passé. Mais les professionnels demandent du neuf bien placé pour confirmer cette phase ascendante.
A
Le bâtiment de la Matmut à St-Cyr-sur-Loire
vec 30 000 m2 transactés, jamais l’immobilier de bureau orléanais ne se sera aussi bien porté qu’en 2010, année pourtant encore marquée par la crise. BNP Paribas Real Estate (BNPP-RE), qui examine à la loupe la situation d’une vingtaine d’agglomérations françaises, n’avait jamais vu cela, surtout après une année 2009 particulièrement morose (21 000 m²). Certes, le secteur public aura donné un sérieux coup de pouce au marché : les déménagements de la Dreal, de Pôle Emploi, de RFF et des services fiscaux auront contribué à hauteur de 5 000 m² au résultat, sans même qu’on ait besoin d’ajouter l’installation de la Direccte dans les anciens locaux de la Direction régionale de l’Equipement, place de l’Etape, transfert qui a échappé au décompte. Merci la RGPP. A contrario, l’agglomération tourangelle aura regardé passer le train de la reprise de l’immobilier tertiaire l’an passé : elle aura même enregistré un léger recul (– 4,6 %) sur le marché des bureaux, à 23 665 m2. L’étude
dévoilée chaque année à la même époque par l’Observatoire de l’économie et des territoires de Touraine relève néanmoins « quelques signes encourageants comme la reprise du neuf ou la diminution du stock de bureaux (qui) laissent présager d’un redémarrage de l’activité ». Parmi les transactions les plus significatives, citons Coface Services (2 762 m2) à Tours Nord (programme Aéronef) et Soregor (1 100 m2 rue de la Tuilerie à St-Avertin). Cette année et les suivantes, le secteur privé devra reprendre le flambeau pour se maintenir à ce niveau. Et pour cela, il faut des programmes neufs, qui stimulent la demande. A Tours, les projets ne manquent pas. Au nord, le programme de TAT Industries continue d’animer le marché, soutenu également par le quartier des DeuxLions et Sogeprom à côté de la gare de St-Pierre-des-Corps. Le même Sogeprom, décidément très attiré par les gares, projette 14 500 m2 au pied de celle d’Orléans : mais ce ne sera pas avant un ou deux ans. Cette
année, aucune mise en chantier n’est prévue en centre-ville d’Orléans et il faudra se rabattre sur la ZAC du Moulin, à Olivet, où Sogeprom – encore – et Lazard ont 7 000 m2 en cours. De quoi répondre à la demande pour les deux ans à venir. Côté locaux d’activité, on prend les mêmes et on inverse. A Tours, il y a un net mieux (+ 30 %) sur un marché qui présente toujours de très faibles volumes (36 450 m2) eu égard à la taille de l’agglomération. Bien heureusement, les supermarchés type « drive » boostent les transactions (Leclerc Drive à Chambray-lès-Tours, Carrefour Drive avenue du Danemark à Tours Nord) qui pâtissent d’une insuffisance de locaux neufs. Mais à Orléans, c’est le marasme. La logistique, longtemps enfant chérie de la ville, est au point mort. Eric Lecomte, directeur de l’agence BNPPRE d’Orléans, n’a recensé que deux transactions pour des locaux de plus de 5 000 m2 : le dépositaire pharmaceutique Movianto, qui a repris les quelque 29 000 m2 de Wincanton à St-Cyr-en-Val, assure, à lui seul, plus du quart des transactions totales sur les entrepôts, y compris ceux de moins de 5 000 m². On est loin de 2006, où les utilisateurs s’étaient partagé plus de 160 000 m2 de surfaces supérieures à 5 000 m2. Crise, attentisme des opérateurs, vieillissement du parc immobilier ? Certainement un peu tout cela à la fois. La capitale régionale, quatrième pôle logistique français, devra, là aussi, mettre des locaux neufs sur le marché pour profiter de la reprise. François-Xavier Beuzon
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L’ancien hôtel d’EDF réhabilité à Chartres La Société publique locale d’aménagement (SPLA) chartraine va conduire, pour le compte de la Ville de Chartres, la restructuration de l’ancien immeuble EDF de la rue Maunoury que l’électricien national a cédé à la Ville. Cet hôtel particulier sera transformé en centre d’affaires qui comprendra 1 000 m² de bureaux destinés à des activités tertiaires et des professions libérales. Il sera opérationnel à la rentrée 2012 ; l’investissement se monte à 3 M€. Ce programme sera complété par la construction d’une soixantaine de logements haut de gamme à l’arrière du bâtiment d’ici à 2014. Ce projet coûterait, quant à lui, près de 10 M€.
Le Crédit Agricole Centre-Loire se déploie à St-Jean-de-Braye de la Godde, dans 14 000 m2 d’immeubles répartis sur ce site de 8 ha. La caisse Centre Loire, qui couvre trois départements (Loiret, Cher et Nièvre), affiche un produit net bancaire de 387,6 M€ et un résultat net de 91,6 M€ : elle emploie quelque 2 000 personnes et s’appuie sur un réseau de 170 agences.
L
e nouveau bâtiment de la caisse régionale du Crédit Agricole Centre Loire sera achevé cet automne à St-Jeande-Braye, près d’Orléans, sur le site du siège administratif de la banque. Œuvre des architectes Andrault & Parat, ce bâtiment basse consommation (BBC) de 4 400 m2 pourra accueillir 220 personnes qui seront redéployées des autres services abraysiens de la banque : celle-ci emploie actuellement quelque 500 personnes rue
Une pépinière à Joué La communauté d’agglomération Tour(s) Plus va engager prochainement la construction d’une pépinière d’entreprises dans le quartier « sensible » de la Rabière à Joué-lès-Tours. Le bâtiment de 1 200 m2, dont l’architecture a été confiée à l’atelier Bernard Penneron, sera d’ossature métallique et bardé d’un audacieux voile PVC. Il sera situé non loin du stade Jean-Bouin, sur le tracé de la future première ligne de tramway. La pose de la première pierre devrait intervenir en juin prochain.
Bureaux neufs à louer à Tours Nord Emplacement exceptionnel
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Economie
Immobilier
François Pillot,
un homme dans sa ville
Le fondateur d’Art&Bat est plus connu au Mans qu’à Tours où il a tout de même construit près de 120 000 m2 de logements et de bureaux, avec souvent un ou plusieurs coups d’avance sur les tendances du marché. Portrait d’un bâtisseur sur le point de céder la truelle à ses deux fils.
«N
ul n’est prophète en son pays » : à 62 ans, François Pillot, le fondateur de la société tourangelle de promotion Art&Bat, devenue ArtProm à l’issue de diverses vicissitudes, enrage d’être sans doute plus (re)connu chez les voisins du Mans qu’à Tours. Il est vrai que le promoteur immobilier, au hasard d’une discussion avec Jean-Claude Boulard, le maire du Mans, est devenu l’un des principaux opérateurs du fameux quartier Novaxis, l’ensemble immobilier vedette adossé à la gare TGV de la cité mancelle. Près de 120 000 m2 de bureaux et de logements ont été construits depuis 1988 à son initiative et l’équipe d’ArtProm s’apprête à lancer – par étapes – un nouveau projet manceau de 100 000 m2. « Un éco-quartier de dernière génération », se rengorge François Pillot qui tient à corriger la première impression qui ferait de lui un exilé en terre tourangelle. « A Tours, n o u s avons également développé près
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de 120 000 m2 » mais sans doute « avec moins de visibilité », en dépit de très belles réalisations comme le quartier d’affaires Aéronef. Ces programmes ont souvent été conçus avec plusieurs coups d’avance sur les tendances du métier : « L’un des premiers bâtiments que j’ai réalisés en 1981, en
pour les questions écologiques, exulte. « Nous allons construire un bâtiment à énergie positive qui fournira, en plus de ses besoins propres, près de 40 kw/ h par m2 ». Une performance qui sera rendue possible par l’installation en toiture de 1 600 m2 de capteurs photovoltaïques, d’une solution de
Nous allons construire un bâtiment à énergie positive qui fournira, en plus de ses besoins propres, près de 40 kw/h par m2 ” lieu et place d’un laboratoire pharmaceutique de la rue de Clocheville (centre-ville de Tours, NDLR), est encore aujourd’hui conforme aux plus récentes normes environnementales (RT 2012), avec pompes à chaleur et plancher chauffant. » Et celui qui a réussi à survivre aux convulsions du marché immobilier – « une crise tous les dix ans, c’est la loi du métier » – ne désarme pas. S’il vient de passer le flambeau à ses fils Edouard et Antoine, on peut compter sur lui pour suivre jusqu’au bout un projet qu’il considère comme l’un de ses plus beaux fleurons. ArtProm devrait, en effet, lancer en septembre prochain les travaux de la Nef, un programme de réhabilitation de 13 000 m2 – 50 % logements, 50 % bureaux – de l’ancien centre de tri postal de la rue Blaise-Pascal, le long de la gare de Tours. François Pillot, qui s’est pris de passion
géothermie couplée à des pompes à chaleur et de divers systèmes ingénieux d’isolation, de récupération de calories et d’utilisation mutualisée de divers équipements tels que les ascenseurs. « Il y aura même du logement social » prévient le promoteur qui précise que le surcoût à l’achat – le prix sera de l’ordre de 3 500 € le m2 – sera plus que compensé par les gains générés par la vente de l’énergie produite. « Comme à chaque crise, il faut revoir tous nos modèles d’affaires et tous nos schémas mentaux », affirme François Pillot qui avoue sa passion pour la ville, « sa » ville… et les gares qui forment fréquemment le cœur de ses projets. « Il ne faut pas que nous réinventions le concept de ville. Il faut l’assumer. II faut rompre avec le concept idiot de ville à la campagne et ne pas hésiter à densifier nos centres-villes de manière intelligente en construisant par exemple en hauteur et en intégrant de très fortes contraintes environnementales .» JCS
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Economie
Chantiers
EURE-ET-LOIR La SEM Chartres Aménagement travaille actuellement à l’aménagement urbain de l’îlot Courtille, à la limite du Cœur-de-Ville de Chartres. Les premières constructions sont programmées sur le site de l’ancienne piscine. Cinq bâtiments, comptant au total une centaine de logements, devraient être livrés au 1er trimestre 2014. Le célèbre architecte parisien Paul Chemetov, qui a déjà réhabilité l’Hôtel des Postes de la ville en médiathèque, participe au concours d’architecte.
CHER La municipalité de Sury-en-Vaux vient d’approuver le plan de financement pour la reconstruction de sa station d’épuration. Le coût total est de 815 915 €, subventionné à 80 % et complété d’un apport communal de 163 420 €. A St-Amand-Montrond, l’Intermarché de la route de Bourges, qui exploite aujourd’hui 2 800 m² de surface de vente, va s’agrandir de 900 m². Le projet représente un investissement de 2 M€. Un établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes va voir le jour à Vierzon, sur le site de Bellevue rue Gay-Lussac. Le bâtiment de 4 700 m² habitables offrira 75 lits. Le chantier, géré par l’Office de l’habitat du Cher, devrait durer jusqu’en novembre 2012 ; les premiers résidents pourraient s’installer dès janvier 2013. Le montant de l’opération s’élève à 7,2 M€.
EURE-ET-LOIR Un permis de construire vient d’être accordé à la municipalité du Coudray pour la construction d’un nouveau restaurant scolaire de 595 m², baptisé Léonard-de-Vinci. Coût des travaux : 1,2 M€ pour une livraison fin 2012. Parallèlement, à Chartres, un projet identique sera réalisé à l’école Jules-Ferry pour un restaurant scolaire de 70 places. Le promoteur Ouest Tertiaire va lancer les études préalables
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pour la construction de 50 logements – répartis dans deux immeubles de quatre étages – sur l’ex-quartier Beaulieu à Chartres. Les travaux ne devraient pas commencer avant 2013, pour une livraison en 2014. Une nouvelle station d’épuration va être construite par l’entreprise Ternois à Gallardon, à l’emplacement de l’actuelle qui sera détruite. Elle aura une capacité de 5 800 équivalents/habitants. Les travaux débuteront en mai pour s’achever fin 2012. Le coût de l’opération s’élève à 2,6 M€.
en projet. Par ailleurs, les travaux de construction du village d’entreprises vont démarrer : l’investissement est de 3,5 M€.
de 3,4 ha et une zone d’activité de 1,5 ha. Bâtir Centre est l’aménageur de ce projet.
INDRE-ET-LOIRE
L’éco-quartier du clos du Hameau commencera à voir le jour en 2013 à St-Jean-de-Braye. Il s’étendra sur 22 ha et comprendra 800 logements ainsi qu’une maison de retraite de 67 places et des commerces. Les constructions s’étaleront sur une dizaine d’années.
Le Super U situé rue Lebon à Joué-lès-Tours va être déplacé près de la voie ferrée, lui permettant de passer de 2 000 à 3 530 m² de surface de vente. Il disposera d’un drive et d’une galerie marchande de 500 m² où s’installeront sept enseignes. Toujours à Joué-lès-Tours, boulevard Jean-Jaurès, environ 3 000 m² de locaux sont en cours de construction. Ils accueilleront différentes activités commerciales. L’enseigne de hard discount alimentaire Leader Price devrait prendre 800 m² : ouverture prévue en 2012. A Loches, le promoteur immobilier IEP2 réhabilite la maison StJoseph, au centre-ville, pour la transformer en un ensemble de 13 appartements et 100 m2 de bureau en RdC. Construit aux normes BBC, il devrait être livré fin 2012. Prix : entre 2 600 et 2 850 €/m2.
LOIR-ET-CHER Le groupe Idec va réhabiliter les bâtiments de l’îlot Ducoux, près de la gare de Blois, pour créer 4 700 m² de surfaces de bureaux et de commerces et 1 700 m² de logements. L’ensemble devrait être livré à la rentrée 2012. Un hôtel d’entreprises de 800 m² va voir le jour à Pierres, près de Maintenon. Il sera divisé en 4 box équivalents. Coût du projet : 850 000 €. Les premières entreprises devraient s’installer dès septembre prochain. Une crèche de 30 places va être construite à Lucé. Le coût des travaux s’élève à 2,5 M € pour 650 m² de bâtiments. La construction devrait démarrer cet été ; la livraison est prévue pour la fin 2012.
INDRE Une extension de 50 ha de la zone industrielle d’Issoudun, qui compte actuellement 250 ha, est
LOIRET Un programme de 13 M € va être lancé à Châlette-sur-Loing afin de rénover le lycée professionnel de Château-Blanc. Une 1ère tranche concernera la construction de nouveaux bâtiments dont la livraison est prévue au 2e trimestre 2013. La 2e tranche sera dédiée à la rénovation de l’existant : livraison en 2014. Les travaux de future ZAC d’Alleville à St- Jean-de-la-Ruelle vont débuter en 2013. Le site de 22 ha est destiné à accueillir près de 400 logements, deux terrains de football, un espace vert
Le promoteur tourangeau Icade Promotion vient de débuter les travaux d’extension de la clinique de l’Archette, à Olivet. Trois bâtiments d’une surface totale de 1 700 m² seront livrés en 2012. Le coût de l’extension est estimé à 4,2 M€. Un centre de tri postal va être construit sur un terrain de 4 300 m 2 à Beaune-la-Rolande. Le maître d’ouvrage est le société Finamur, une filiale du Crédit Agricole, qui sera le bailleur de La Poste.
INDRE-ET-LOIRE Le centre de formation des apprentis (CFA) de Joué-lèsTours sera terminé en 2013. Environ 5 000 m² de locaux vont être construits et 7 000 m² de locaux existants vont être rénovés pour constituer un campus des métiers. Celui-ci accueillera aussi bien les métiers de la mécanique que ceux d’art ou de la restauration. Les travaux devraient s’achever fin 2012.
Escapades 60-61
Chaumont, parce qu’il le vaut bien Trois ans déjà que la Région Centre est devenue propriétaire du Domaine de Chaumont-sur-Loire.
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Le nouveau châtelain de Palluau Le nouveau châtelain de Palluau Jean-Roger Morvan va transformer le château en centre d’échanges culturels franco-québecois.
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La Loire à vélo met le grand braquet Le vélo a conquis le Val de Loire. Les 730 000 cyclistes qui fréquentent chaque année les 700 km de la Loire à vélo dépensent individuellement 70 % de plus chaque jour que les automobilistes.
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Google mène la vie de châteaux Le célèbre moteur de recherche a mis en ligne quatre châteaux du Val de Loire sur son site Google Maps.
Escapades
Chaumont, parce qu’il le Trois ans déjà que la Région Centre est devenue propriétaire du Domaine de Chaumont-sur-Loire. Un premier bilan d’exploitation plutôt satisfaisant puisque la fréquentation du château et du Festival international des jardins a bondi de 75 % depuis 2007, dernière année de gestion par l’Etat. Un succès qui ferait presque oublier les quelque 3 M€ de subventions et de travaux pris en charge chaque année par le contribuable régional.
D
iane de Poitiers adorait son château de Chenonceau, don de son royal amant Henri II. A la mort de ce dernier, sa veuve Catherine de Médicis obligea sa rivale à échanger Chenonceau contre Chaumont-sur-Loire, reconstruit moins d’un siècle plus tôt, après que Louis XI l’eut fait brûler et raser pour punir la famille d’Amboise de sa trahison. Quatre siècles et demi après le troc autoritaire, l’Etat n’a pas forcé la Région Centre à récupérer les clés de Chaumont. Bien au contraire. On dit même que Michel Sapin, qui assurait la présidence de l’assemblée régionale au moment de la négociation, s’est plutôt bien sorti de l’affaire. En 2008, la Région est devenue officiellement propriétaire du château, de ses dépen-
Chantal Colleu-Dumond, directrice du château de Chaumont.
dances et des 30 ha du domaine, en échange de quoi elle s’est engagée à faire vivre le lieu, à payer les salaires et à acquitter la moitié du montant des travaux d’entretien. En cédant son fauteuil de président de Région à François Bonneau courant 2007, Michel Sapin n’aura pas profité de son beau château du mont chauve (le toponyme Chaumont a ce
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sens partout en France). Diane y sera restée plus longtemps. Après l’oukase de la reine, la veuve de Louis de Brézé ordonnera quelques travaux à Chaumont, faisant apposer sur la pierre ses chiffres et emblèmes (des « D » entrelacés et des références cynégétiques à la Diane Chasseresse), avant de se
contemporain depuis peu et retrouve progressivement la splendeur qui fut la sienne à l’époque de la famille de Broglie, qui entreprit de restaurer et d’embellir l’édifice à la fin du XIXe et au début du XXe siècle. Carole Canette, vice-présidente de la Région en charge de la culture, fait les comptes :
”
“ LA RECETTE FONCTIONNE ; LE NOMBRE D’ENTRÉES EST PASSÉ DE 200 000 EN 2007 À 350 000 EN 2010 retirer dans son petit château d’Anet, où elle décédera peu de temps après. Dès sa prise de possession, la Région confie la direction du domaine à Chantal Colleu-Dumond, une ancienne conseillère culturelle près l’ambassade de France en Allemagne. C’est elle qui va réunir les deux entités jusqu’alors indépendantes : le parc de 30 ha, dont une partie est dédiée depuis 1992 au Festival international des jardins, et le château, classé monument historique. « Nous avons constitué, au sein d’un établissement public de coopération culturelle (EPCC), un ensemble pluridisciplinaire qui unit le patrimoine, la création de jardins et l’art contemporain », explique-t-elle. Aujourd’hui, trois ans après le passage de témoin, le succès est au rendez-vous. Le Festival des jardins créé par Jean-Paul Pigeat est plus que jamais une pépinière de talents : il continue d’attirer de nombreux visiteurs qui viennent découvrir les travaux d’une nouvelle génération de paysagistes, d’architectes, de scénographes et de jardiniers. Quant au château, il expose de l’art
« La recette fonctionne ; le nombre d’entrées est passé de 200 000 en 2007 à 350 000 en 2010 ». La fréquentation est désormais comparable à celle d’autres bijoux de la vallée de la Loire, comme Amboise, Cheverny, Villandry, Azay-le-Rideau ou Blois. Mais la culture et l’art ont un prix : le budget annuel du Domaine avoisine les 6 M€, dont 1,8 M€ apportés par la Région Centre. Cette subvention couvre une partie des salaires, des expositions et les menus travaux d’entretien. « L’EPCC fait mieux que les structures de ce type en s’autofinançant à hauteur des deux tiers, explique Chantal Colleu-Dumond. Il le fait grâce à la billetterie, aux quatre points de restauration et à une activité de formation permanente de jardiniers de collectivités ». Pour cela, Chaumont emploie 75 équivalents temps plein qui assurent une ouverture 363 jours par an. Toujours propriété de l’Etat mais gérée par la Région Pays de la Loire, l’abbaye royale de Fontevraud, entre Chinon et Saumur, accueille 200 000 visiteurs chaque année pour un budget de 3,5 M€,
vaut bien alimenté à parts égales par les recettes d’exploitation et les subventions. Le coût de Fontevraud pour le contribuable ligérien est donc équivalent à celui de Chaumont… pour une fréquentation presque moitié moindre. Le ratio est donc plutôt favorable à la Région Centre. Mais la palme de la rentabilité revient sans conteste à deux édifices privés : Cheverny et Villandry. Le premier, placé il est vrai entre les deux locomotives que sont Chenonceau et Chambord (750 000 visiteurs chacun), équilibre sans mal son budget de 3 M€, à la faveur d’un château meublé et habité, d’une exposition « Tintin » créée il y a quinze ans, d’accueil régulier de séminaires, et d’une passion pour la vènerie. Charles-Antoine de Vibraye reconnaît sa chance « d’avoir hérité d’un bien que chaque génération a entretenu sans jamais attendre. Nous n’avons ainsi jamais sollicité de subvention », dit-il. Quant à Villandry, belle demeure Renaissance aux portes de Tours, il est, comme Chaumont, surtout connu pour la beauté de ses six hectares de jardins. L’édifice se visite depuis 1918, mais ce n’est qu’à la fin des années quatre-vingt dix que les comptes se
sont équilibrés ; aucune subvention n’est plus demandée à l’Etat depuis vingt ans. Le budget total est ici aussi de 3 M€, dont 400 000 € sont consacrés chaque année au gros-œuvre. « Nous avons investi 15 M€ au cours des vingt-cinq dernières années dans les lucarnes, les charpentes et les murs de soutènement », explique son propriétaire Henri Carvallo. Jean-Pierre Lefebvre, maire de Chau-
Investir encore et encore… Pour entretenir le patrimoine et aménager de nouvelles installations, les gestionnaires doivent investir lourdement dans des monuments parfois usés par le temps. La Région Centre aura injecté 7 M€ à Chaumont sur la totalité du contrat de projets Etat-Région 2007-2013 (avec une autorisation de programme ouverte jusqu’en 2014), soit environ 1 M€ par an, qui s’ajoutent aux 1,8 M€ de subventions annuelles d’exploitation. L’Etat (4,3 M€ en deux lignes), le fonds de compensation de la TVA (1,9 M€), l’Europe, le Département de Loir-et-Cher et les mécènes complètent cette enveloppe contractuelle qui atteint 14,6 M€. En comparaison, la Région des Pays de la Loire dépensera, quant à elle, 38 M€ entre 2011 et 2014 à Fontevraud ; une somme importante qui comprend aussi la rénovation de l’hôtel (dans l’un des monastères) et son passage de trois à quatre étoiles, ainsi qu’un projet de chaufferie bois pour l’ensemble des installations.
mont-sur-Loire, reconnaît que la double présence du château et du festival est une aubaine pour la commune : « Quel village d’un millier d’habitants peut se prévaloir de huit restaurants et d’autant de commerces ? ». Pascal Delferiès, le gérant de l’Hostellerie du Château, observe que « la fréquentation est en augmentation constante ». A raison de 52 couverts par service, le restaurant refuse du monde à l’heure du déjeuner. Et le boulanger, un jour de Pentecôte, s’est trouvé sans pain ni sandwichs ! Le phénomène a également dopé l’activité des chambres d’hôtes. Certaines, parfois éloignées de quinze ou vingt kilomètres, demandent d’ailleurs leur rattachement à l’office du tourisme local. De rares esprits chagrins déplorent que le château soit « une forteresse qui vit en autarcie ». Pourtant, JeanPierre Lefebvre admet que « la qualité des relations avec la direction est sans comparaison avec ce qu’elles étaient avec l’Etat ». Tout cela plaide en tout cas en faveur de la régionalisation. Plus de proximité, ça marche aussi pour le patrimoine. Stéphane de Laage et François-Xavier Beuzon
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Escapades
Le nouveau châtelain de Jean-Roger Morvan, un chef d’entreprise tourangeau, a racheté le château de Palluau pour le transformer en centre d’échanges culturels franco-québecois. En s’appuyant sur la vie exceptionnelle de l’un de ses propriétaires, Louis Buade de Frontenac. Un nom plus célèbre sur les rives du Saint-Laurent que sur celles de l’Indre.
«L
e nom de Frontenac ne dit pas grand-chose aux Français. Pourtant, il est célèbre au Québec. Celui qui l’a porté a défendu la NouvelleFrance au XVII e siècle contre les attaques des Anglais alliés aux Iroquois. J’ai voulu faire revivre son histoire en rachetant son château : celui de Palluau-sur-Indre » : L’homme qui s’exprime ainsi est un chef d’entreprise tourangeau, qui avant de prendre sa retraite, à 63 ans, a voulu se lancer un nouveau défi. Parisien, d’origine bretonne, JeanRoger Morvan d’Etiolles n’a jamais aimé les situations confortables. Directeur commercial chez Unilever, ce spécialiste de la chimie des corps gras donne sa démission, à quarante ans,
pour créer sa propre entreprise. Il s’installe en Touraine pour faire prospérer une société de distribution de produits chimiques qui lui a permis de devenir le plus gros distributeur européen de la société allemande Cognis, issue du groupe Henkel et rachetée récemment par BASF. La page professionnelle est maintenant tournée et Jean-Roger Morvan, restant fidèle à ses principes d’indépendance, a préféré revendre sa société AMI Chimie à deux de ses collaborateurs. L’homme, qui vit dans le château de La Boissière, à Hommes, a jeté son dévolu sur celui de Palluau, dans l’Indre. Passionné d’histoire, il cherchait « un tas de pierres pour le restaurer ». Mais Palluau, que l’on voit de loin, en roulant sur la route de Tours, après Buzançais, est bien plus que cela. Juché sur un promontoire, il apparaît, dès le XIe siècle, comme la tour de garde des marches du Berry. Dans l’apanage de Richard Plantagenêt par sa mère Aliénor d’Aquitaine, il est as-
siégé et pris par Philippe Auguste dont les troupes ont sapé le puits pour assoiffer les soldats adverses. Incendié par le Prince Noir, le château de Palluau subit de graves destructions pendant la guerre de Cent-Ans. En 1606, le roi de France Henri IV demande à l’un de ses plus fidèles compagnons, Antoine Buade de Frontenac, de l’acheter pour en faire une place forte. Palluau devient une baronnie et son propriétaire, gouverneur du château royal de St-Germainen-Laye, reçoit les ordres prestigieux du Saint-Esprit et de Saint-Michel. Ceux-ci entourent toujours le blason des Frontenac sur la cheminée d’une des salles d’apparat. Par hasard, JeanRoger Morvan a trouvé chez un marchand de matériaux de Tours une plaque en fonte de 350 kg qui les représentent. Elle va être scellée dans le foyer. Retour à l’histoire de l’édifice avec le petit-fils d’Antoine, Louis de Buade, comte de Frontenac et de Palluau, né en 1622 à St-Germain-enLaye. A l’âge de dix-sept ans, il s’enrôle dans l’armée et participe à
Palluau plusieurs campagnes de la guerre de Trente Ans. En 1648, il épouse Anne de la Grange-Trianon, célèbre pour sa beauté, qui donne naissance trois ans plus tard au seul enfant du couple. Louis de Frontenac a aujourd’hui sa station de métro et sa statue à Montréal, en hommage à l’une des figures les plus importantes de ce que l’on a appelé La Nouvelle-France. Le 7 avril 1672, Louis obtient du roi la charge de gouverneur de ces nouveaux territoires administrés par le Secrétariat de la Marine et comprenant cinq colonies : le Canada, l’Acadie, la Baie d’Hudson, Terre-Neuve et la Louisiane. Le nouveau gouverneur embarque à La Rochelle pour une mission américaine qui commencera par la découverte du Mississipi. Sur le lac Ontario, il fonde un fort qui porte son nom. S’il favorise l’expansion française en Amérique du Nord, Louis pense aussi à ses intérêts dans le commerce des fourrures. « Il aimait la gloire, aller voir sous la jupe des filles et les jeux, et s’il avait tant insisté pour être nommé gouverneur, c’était aussi
pour effacer ses dettes », raconte JeanRoger Morvan. Rappelé en France en 1682, Frontenac revient sept ans plus tard dans la « belle province » pour un deuxième gouvernement qui s’avérera plus fécond. Devant affronter les Anglais alliés à la Confédération Iroquoise, il réoccupe le Fort Frontenac et entreprend des travaux de fortification à Québec et Montréal. En 1690, il repousse l’attaque de William Phips, émissaire du roi d’Angleterre, qui exige la reddition de la colonie. L’Anglais finira par être bouté des lieux, et c’est Frontenac qui ramènera la paix entre les Amérindiens et les colons. Mort à Québec, en 1698, il sera inhumé en l’église des Récollets. Une telle histoire valait bien pour Jean-Roger Morvan « un projet pour une fin de vie ». Après voir dépensé 1,6 M€ pour racheter le château – ironie du sort – à un Anglais, il compte investir 3 M€ pour le restaurer et l’ouvrir au public « pour la première fois depuis mille ans ». Comme le nom de Frontenac n’aurait pu, à lui seul, attirer les Français,
Jean-Roger Morvan a eu l’idée d’exploiter le thème de La NouvelleFrance à l’époque de Louis XIV. « Je présente en vingt-quatre tableaux (originaux ou copies) les personnages côtoyés par l’intéressé : Molière, Louis XIII, Henri IV, Madame de Maintenon… » Sont également évoquées les vies de Marie de l’Incarnation, une Ursuline de Tours fondatrice d’un monastère à Québec et béatifiée en 1980, et de Franquelin, un Berrichon qui a réalisé les cinquante premières cartes de la Nouvelle-France. Enfin, un parcours découverte a été aménagé dans le parc de douze hectares ; il évoque la vie des colons au XVIIe siècle, les Amérindiens, les coureurs des bois et la traite des fourrures. Alexis Boddaert Le château qui s’appelle désormais PalluauFrontenac est ouvert à partir du 2 juillet, de 9 h à 12 h et 14 h à 19 h. Entrée : 7,50 € pour les adultes. Tarifs réduits en particulier pour les groupes. On peut pique-niquer sur place. Voir le site www.pallau-frontenac.com
La Vendée de Palluau Le Berry a eu aussi ses chouans et leur principal fait d’arme a eu pour décor Palluau-sur-Indre. Estce la mémoire de Louis Buade de Frontenac qui a inspiré ces contre-révolutionnaires ? Toujours estil que le 19 ventôse de l’an IV (9 mars 1796), alors que la guerre de Vendée s’achève, une poignée de paysans, d’artisans, de journaliers et de nobles secouent les confins du Berry et de la Touraine. L’insurrection de ces quelque 600 hommes, conduite par un gentilhomme auvergnat, Duprat ou du Prat, qui se fait appeler général Fauconnet, se termine cinq jours plus tard par le massacre de la Montée Rouge, sur le chemin qui relie St-Genou à Buzançais. Une soixantaine d’hommes sont tués et une quarantaine d’autres sont faits prisonniers, dont Fauconnet, qui s’évadera de la prison de Châteauroux. La grande majorité prend ses jambes à son cou, laissant sur place des centaines de souliers pour ce qui restera dans l’histoire locale comme « la journée des sabots ». Si ce soulèvement, dernier écho de la Vendée, a pour emblème la monarchie et la religion, ces motivations profondes semblent plus prosaïques. La récolte avait été mauvaise l’année précédente et l’assignat, complètement déprécié, vient d’être remplacé par le mandat territorial, qui ne tardera pas non plus à être retiré de la circulation pour faire place à une monnaie métallique ; de surcroît, la République impose lourdement les citoyens, réquisitionne et mobilise pour les besoins de l’armée : la campagne d’Italie, conduite par un nouveau général en chef du nom de Bonaparte, a commencé le 2 mars. Un monument, entre Buzançais et Palluau-sur-Indre, commémore le massacre de ces soixante « Vendéens de Palluau ».
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Escapades
La Loire à vélo
Orléans
met le grand braquet Blois
Angers St-Brévin-les-Pins
Tours Saumur
Le vélo a conquis le Val de Loire. Les 730 000 cyclistes qui fréquentent chaque année les 700 km de la Loire à vélo dépensent individuellement 70 % de plus par jour que les automobilistes. Une campagne de communication va être lancée pour séduire les Franciliens, acquis à la bicyclette grâce aux Vélib’. Nantes
T
rès tendance la bicyclette. Pas seulement parce que le prix des carburants s’offre des ascensions aussi raides que celles du Galibier et du Ventoux. 2011 sera l’année de la Loire à vélo. Au terme de plus de dix ans de travaux, la grande véloroute ligérienne aura bouclé l’aménagement de ses quelque 800 km, dont la moitié en région Centre. Le Loiret, longtemps accusé d’être la lanterne rouge, a fait l’effort de prendre une DUP sur ses itinéraires. Il finira l’année 2011 au sprint par les beaux tronçons, Belleville-sur-LoireBriare et Gien-Sully-sur-Loire jusqu’à Châteauneuf-sur-Loire par St-Benoît et Germigny (140 km). D’autres sections seront finalisées dans la région cette année, comme le tronçon de 24 km entre Couargues et Marseilles, dans le Cher. Ou encore les délicates traversées de Blois et de Tours. Avec ses 730 000 cyclistes chaque année, la Loire à vélo dope l’économie touristique régionale. Une étude pointue, réalisée en
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2010 par Inddigo-Altermodal pour le Comité régional du tourisme (CRT Centre), évalue l’impact direct de l’itinéraire à 10,6 M€ et les retombées totales à 16,5 M€. « Pour les 52 M€ investis, c’est un gros rendement », estime Alain Beignet, le président du CRT Centre. Rien que cette année 2011, la Région Centre mettra 3,6 M€ sur ce qui est devenu le nouveau produit phare du tourisme. Première clientèle visée : les Parisiens. « Aujourd’hui, ils disent : « On part en week- end en Normandie ou en Bretagne ». Je veux qu’ils aient le réflexe de penser aussi Loire à vélo », dit François Bonneau. La Loire à vélo va donc mettre le grand braquet et lancer une communication spécifique pour séduire l’Ile-de-France et ses 20 000 Vélib’. A la faveur de l’enquête du CRT, qui a scruté les tours de pédales de 13 300 cyclistes, on apprend que la majorité des usagers de la Loire à vélo sont des cyclistes dits de loisirs, que la fréquentation atteint un pic durant les ponts de mai et lors du week-end du 15 août et qu’à 72 % ces touristes d’un nouveau genre résident en région Centre. Et parmi la clientèle étrangère, les Néerlandais dis-
Couargues
tancent de très loin les Allemands, les Belges, les Suisses et les Britanniques. Les 300 partenaires économiques locaux labellisés, qu’ils soient loueurs, hôteliers, propriétaires de gîtes… y trouvent leur compte. En moyenne, le cycliste ligérien dépense 68 € par jour, contre 40 € seulement pour l’automobiliste de passage. Le label Loire à vélo, petit frère du Danube à vélo et de ses 3 600 km, a mis du temps à avoir pignon sur rue. Mais aujourd’hui, les voyagistes et les hébergeurs se frottent les mains. L’agence blésoise Loire Valley Travel, qui a créé le site web Rando Vélo, est devenue le plus gros opérateur français dans cette niche. Elle dispose d’un parc de 200 vélos. De la même façon, Détours de Loire, à Tours, qui avait commencé avec 40 vélos et 7 000 € en poche, est devenu le n°1 des loueurs de vélos en Val de Loire (400 vélos et 500 000 € de CA). Pour fêter l’ultime étape du chantier vélocipédique, le premier festival de la Loire à vélo aura lieu le 2 juillet, mêlant sport et gastronomie. Le programme et le reste dès cet été sur un nouveau site, www.loire-a-velo.fr Christian Bidault
Google mène la vie de château Le célèbre moteur de recherche a mis en ligne quatre châteaux de la Loire, bientôt cinq, sur son site Google Maps. Chacun peut désormais visiter virtuellement les jardins, cours et terrasses des célèbres monuments grâce au dispositif Street View. Pour les intérieurs, il faudra attendre encore un peu.
O
n peut désormais visiter quatre perles du Val de Loire en étant confortablement installé dans son fauteuil. Google a dépêché son tricycle Street View pour photographier les allées du château de Chenonceau, la terrasse de celui d’Amboise, la cour d’Ussé et les jardins de Villandry. Pour Chambord, c’est en cours. Le drôle d’engin à pédales et à groupe électrogène vient d’y faire escale ; il a parcouru 20 km pour faire découvrir aux internautes les abords du célèbre château de François Ier. Il est donc désormais possible, en cliquant sur Google Maps http://maps.google.fr/, de visionner à 360° ces sites prestigieux. Pour le moment, Google s’est limité à photo-
graphier les extérieurs, mais bientôt on pourra franchir la porte d’entrée et visiter l’intérieur. Le tout gratuitement, Google prenant l’intégralité des reportages à sa charge. Depuis peu, le groupe américain noue des partenariats avec des sites touristiques : les propriétaires et exploitants s’offrent ainsi une promotion gratuite sur le net. C’est sûr, il va y avoir des jaloux… Street View, né en 2008 aux Etats-Unis, a immédiatement traversé l’Atlantique pour aborder l’Europe en commençant par la France. Aujourd’hui, Street View est présent dans 27 pays avec des taux de couverture divers. Le tricycle, qui a succédé à l’automobile des débuts, est équipé d’une unité GPS et de neuf appareils photos qui prennent un cliché tous les mètres, de
façon à pouvoir obtenir des vues qui sont ensuite envoyées et assemblées aux Etats-Unis, comme dans un puzzle, pour reconstituer un panorama à 360°. En prime, Street View donne accès aux images de Panoramio, un site web de partage de photos. Les châteaux sur le web, c’est chic… FXB
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Carnet
RÉGION Xavier Nicolas, maire de Senonches et conseiller général, vient d’être porté à la présidence du Pôle énergie Centre, qui regroupe les syndicats départementaux d’énergie du Cher, de l’Eure-et-Loir, de l’Indre, de l’Indre-et-Loire et du Loir-et-Cher. Déjà président du SDE 28, Xavier Nicolas succède à Aymar de Germay, luimême président du SDE 18.
RÉGION Rémy Pointereau a été réélu président de l’Association TGV Grand Centre Auvergne. Serge Grouard, député-maire d’Orléans, en est le vice-président et Eric Doligé, sénateur et président du Conseil général du Loiret, le secrétaire adjoint. Jean-Paul Portron vient d’être nommé directeur régional chez Orange Normandie-Centre, territoire recouvrant les régions Centre, Haute et Basse-Normandie. Il remplace Claude Bouthier, directeur territorial, avec des missions élargies.
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Jean-Paul Portron sera responsable de la performance économique et commerciale mais aussi de la mise en œuvre du contrat social de l’entreprise sur son territoire qui compte plus de 6 200 collaborateurs.
INDRE-ET-LOIRE Hervé Novelli, député d’Indre-etLoire et secrétaire général adjoint de l’UMP, vient d’être élu à l’unanimité à la présidence de l’Association des élus régionaux de France (AERF). Cette association regroupe plus de 200 élus régionaux de la majorité présidentielle. Hervé Novelli succède à Philippe
Richert, nommé ministre aux Collectivités territoriales. Véronique Guille, directrice régionale de la Société Générale (22 agences en Touraine et en Loiret-Cher), quitte son poste ; elle est remplacée par Christian Bresson. Véronique Guille était également présidente de la fédération bancaire départementale (37) et est remplacée à ce poste par Bruno Hahusseau, du Crédit Mutuel.
INDRE Antoine Paliard succède à Stéphane Lagabarre comme directeur du centre d’affaires Sud Val de Loire de la banque LCL. Basé à Tours, il est responsable d’une équipe de 11 collaborateurs au service de plus de 500 clients entreprises en Indre-et-Loire, Loiret-Cher, ainsi que dans le Cher, l’Indre, la Vienne et la Nièvre.
RÉGION Le lauréat régional du challenge des Pyramides d’Argent, qui récompense les meilleurs programmes immobiliers de l’année, est l’agence Val de Loire (Tours, Angers, Orléans) de Bouygues Immobilier. Celle-ci est dirigée par Julien Hervé qui figure sur la photo cidessous à droite d’Alain Devineau, adjoint au maire de Tours en charge de l’urbanisme qui lui a remis son prix le 12 avril dernier. A gauche d’Alain Devineau figure Benoît Aiglon, président de la Fédération des promoteurs immobiliers du Centre (FPIC). Le promoteur orléanais Sully Promotion a été, de son côté, récompensé au titre de « l’innovation au service de l’environnement » pour son programme BBC « Les Hauts de Veigné », dans la commune éponyme d’Indre-et-Loire.