Canut, qui es-tu ? (Extrait)

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En collaboration avec Ombline d’AbovilleÂ

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e qui s-t Virginie Varenne & Philibert Varenne



Summary

PRÉFACE

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LYON ET LA SOIE p.09 Chapter 1 - Lyon and Silk - p.37

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CANUT, QUI ES-TU ? p.49 Chapter 2 - Who Was The Canut - p.95

BIBLIOGRAPHIE p.111


Préface Ludovic Frobert

Ce volume aurait pu s’intituler : « Tout (ou presque) ce que vous avez toujours voulu savoir, sans jamais oser le demander, sur les canuts, leurs révoltes et la Fabrique ». Opportun travail de synthèse, il fixe les principaux jalons d’une histoire longue et mouvementée, celle d’une industrie – la soierie –, de ses principaux acteurs, dont bien sûr les canuts, et celle du développement de la cité lyonnaise au long des XVIIe-XIXe siècles. La description des caractéristiques « objectives » de la Fabrique – une manufacture dispersée –, la qualification précise de ce qu’était le canut – un artisan qualifié –, les grandes étapes industrielles, techniques, urbaines, sociales sont constamment rappelées dans le texte. Mais on y trouve aussi l’envie de parler plus généralement et plus simplement de la vie des canuts : le travail, mais pas seulement, car contrairement à ce que disait, fielleux, Alphonse de Lamartine dans son « éloge » de Jacquard, le canut n’était pas une « machine menant une autre machine ». Dans nombre de cas, il était au contraire, dans son atelier, mais aussi son immeuble, son quartier, sa ville, auteur et acteur de la vie industrielle, politique, sociale, culturelle : seul, ou le plus souvent dans le cadre collectif d’associations. Il savait alors précisément et opportunément exprimer ses désaccords, faire retentir sa souffrance et, en regard, définir pour sa communauté, ses attentes et espoirs, ses exigences aussi : les conditions d’une vie juste, bonne et digne pour lui et les siens. Et il sut l’exprimer sous de multiples formes : en criant « Vivre en travaillant ou mourir en combattant » lorsque la domination de l’homme (artisan) par l’homme (négociant) devenait par trop physiquement et moralement intolérable, mais aussi en formulant des revendications précises dans ses journaux, brochures, pamphlets, revendications en faveur le plus souvent d’une réglementation raisonnable et négociée de son industrie, ou parfois tout simplement en riant, même jaune. « Un prince a dit : “les intérêts des 04 — Préface


uns doivent être les intérêts des autres”. Les ouvriers sont toujours les uns, quand seront-ils donc les autres ? », plaisante amèrement un Coup de navette – brève de L’Écho de la Fabrique du 22 janvier 1832 –, soit quelques semaines après la première insurrection, celle de novembre 1831 : on a là aussi un précipité du canut et de son histoire.

This volume could be titled “Everything (or almost everything) you have always wanted to know, but never dared to ask, about the ‘Canuts’ silk workers, their uprisings and the Manufactory.” This timely work of synthesis sets out the main milestones in a long and eventful history, that of an industry – silk manufacturing –, of its principal actors, notably the Canuts, and of the development of the city of Lyon through the 17th to the 19th centuries. The text constantly recalls the description of the ‘objective’ characteristics of the Industry – a decentralised manufacturing process –, the precise status of the Canut – a qualified artisan –, and the major industrial, technical, urban and social stages of the process. However, there is also a need to speak more generally and more simply of the life of the Canuts: their work, but not only that, for contrary to what Alphonse de Lamartine said, unkindly, in his ‘tribute’ to Jacquard, the Canut was not “a machine guiding another machine”. In many cases, on the contrary, in his workshop as well as in his house, his neighbourhood, his town, he was an actor in industrial, political, social and cultural life: whether alone, or more often in the collective setting of associations. He knew therefore how to express his differences in a precise and a timely fashion, how to make his suffering known and, in contrast, to define for his community its expectations and hopes, and its demands too: fair, good and dignified living conditions for himself and his loved ones. And he knew how to express this in multiple ways: chanting “Live working or die fighting” when the domination of man (artisan) by man (merchant) became too physically and psychologically intolerable; but also in formulating specific claims in newspapers, brochures and pamphlets, claims most often in favour of reasonable and negotiated regulation of his industry; or sometimes simply just by laughing, albeit hollowly. “A prince once said: ‘the interests of the few should become the interests of the many’. The workers are always the few, when will they be the many?” – so ran the bitter joke in Coups de navette, a piece in the Écho de la Fabrique on 22 January 1832, a few weeks after the first uprising, that of November 1831. And there we have a brief overview of the Canuts and their history. Préface — 05




Plan scénographique de Lyon au XVIe siècle. Archives municipales de Lyon © Gilles Bernasconi


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LYON ET LA SOIE




Origine de la fabrication des étoffes de soie à Lyon. Thomas II de Gadagne présente Étienne Turquet et Barthélémy Naris au consulat de Lyon, pour un projet de développement de la soie. Pierre Bonirote (1811-1891), huile sur toile, 1536. Musée des Beaux-Arts de Lyon, A 2831

Comment Lyon est devenue la capitale de la soie L’histoire de la soie en France ne commence qu’au XVe siècle. Depuis fort longtemps, des ateliers tissent dans tout le royaume du lin, du chanvre ou de la laine, mais, jusqu’au règne de Louis XI, aucun d’entre eux n’est en mesure de travailler le fil de soie. Pourtant, les Français en sont friands ! Mais les soieries sont toutes importées, le plus souvent d’Italie, et la ville de Lyon joue un rôle essentiel dans cette affaire. Placée au cœur de l’Europe, irriguée par le Rhône et la Saône, elle est un centre d’échanges commerciaux incontournable. Le négoce y est particulièrement florissant depuis que Charles VII a autorisé l’organisation de foires annuelles où sont écoulées de nombreuses denrées importées. Leur commerce est même encouragé grâce à l’exemption de tous droits et taxes. C’est là, parmi les épices et la quincaillerie, que les fameuses soies tissées dans l’Italie voisine sont vendues au plus offrant. Soucieux de voir ainsi les devises françaises s’échapper à l’étranger, Louis XI souhaite que s’installent dans le royaume des ateliers de tissage de la

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soie. La ville de Lyon présenterait de nombreux atouts pour accueillir cette activité, mais ses habitants, trop occupés à s’assurer de la bonne santé de leur commerce, ne souhaitent pas se lancer dans une entreprise si concurrentielle. C’est ainsi que la première manufacture de soie française est aménagée dans le château royal de Plessis-lès-Tours en 1466. L’idée n’a cependant pas quitté tous les esprits. En 1536, François Ier accorde à Étienne Turquet et Barthélémy Naris, marchands piémontais installés à Lyon, des lettres patentes les autorisant à fabriquer des étoffes de fils d’or, d’argent et de soie. Le roi, en conflit ouvert avec l’Italie, y voit un intérêt économique certain et sa proposition est audacieuse : les tisseurs étrangers qui souhaiteraient s’établir dans la cité seront affranchis de toutes taxes. C’est un succès. Des Italiens s’installent à Lyon, apportant leur savoir-faire et leurs outils. En 1540, la ville obtient dans le pays le monopole de l’importation de la soie grège, qui est le premier fil brut prélevé sur le cocon de soie. À compter de cette date, toutes les étapes de la fabrication du tissu sont sous le contrôle des Lyonnais, hormis la production de matière première. Il faut en effet attendre le règne d’Henri IV pour que l’élevage du ver à soie se développe en France. Vers 1600, les travaux de l’agronome ardéchois Olivier de Serres, considéré comme le père de la sériciculture, connaissent un grand retentissement. Des millions de mûriers sont plantés dans tout le royaume, et plus particulièrement dans les régions du sud-est. Dès lors, les tisseurs lyonnais sont directement approvisionnés par les magnaneries d’Ardèche et de Provence. La filière se développe tant et si bien que les historiens estiment qu’en 1553, douze mille Lyonnais vivent de la soie : du tissage bien sûr, mais aussi des multiples activités qui lui sont liées (montage, dévidage, ourdissage, etc.). Les ateliers sont nombreux, installés dans les quartiers de Saint-Georges et de Saint-Jean, plus tard en Presqu’île, et la main-d’œuvre est abondante. Les effectifs sont de surcroît renforcés par les enfants abandonnés que l’on forme dans les hospices. Toute la ville résonne désormais des claquements des métiers à tisser.

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LYON AND SILK

How Lyon became the capital of silk The history of silk in France doesn’t begin until the 15th century. For a very long time, workshops all over the kingdom wove flax, hemp or wool, but, until the reign of Louis XI, not one of them was able to work with silk yarn. Still, the French were fans of it! But the silks were all imported, most often from Italy, and the town of Lyon played an essential role in this business. Located in the heart of Europe, fed by the Rhône and the Saône, it was an unrivalled centre of commercial trade. Commerce there was especially thriving after Charles VII authorised the organisation of annual fairs where numerous imported commodities were sold. Their trade was encouraged further

by exemption from all duties and taxes. It was there, among the spices and the hardware, that the famous woven silks from neighbouring Italy were sold to the highest bidder. Worried by seeing French currency leaking abroad in this way, Louis XI wanted silk weaving workshops to set up in the kingdom. The city of Lyon presented numerous advantages for welcoming this activity, but its inhabitants, too busy ensuring the good health of their trade, did not want to launch themselves into such a competitive enterprise. It was thus that the first French silk factory was set up in the royal Château de Plessis-lès-Tours in 1466. The idea did not leave everyone’s minds, however. In 1536, François I gave Piemontese merchants Étienne Turquet and Barthélémy Naris letters patent authorising them to manufacture fabrics of

Handling: often a woman’s job, which consisted of making bundles of silk threads while controlling its quality and homogeneity. Lyon Museum of History – Gadagne / Fonds Justin Godart.

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Intérieur d’un tisseur lyonnais, dessin d’après nature de Gérardin. Musée d’histoire de Lyon – Gadagne / Fonds Justin Godart

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CANUT, QUI ES-TU ?

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La Croix-Rousse est, depuis le XIXe siècle, peuplée d’immeubles dédiés au travail de la soie. Édifiés rapidement en l’espace de quelques décennies, ils présentent une homogénéité de construction privilégiant la fonctionnalité à l’esthétique. Les façades comptent généralement quatre à six étages, rythmés par de hautes fenêtres agrémentées de lambrequins qui éclairent généreusement les ateliers. C’est là le seul ornement dont elles sont pourvues, à une exception près : une statue de la Vierge, sous la protection de laquelle se placent les canuts, est souvent installée en façade. Au rez-de-chaussée de chaque immeuble sont installés des petits commerces ou cafés, mais aussi des activités liées au tissage de la soie, telles que des fabricants de navettes ou fournisseurs de quincaillerie. Les appartements-ateliers se répartissent les étages. À l’intérieur, les métiers à tisser, fixés aux poutres en sapin du plafond et placés au plus près des fenêtres, occupent la majeure partie de l’espace. Les quatre mètres de hauteur sous plafond nécessaires à leur installation permettent d’aménager aisément une mezzanine, appelée suspente, pour le couchage des enfants. Le soir, les apprentis se joignent à eux, parfois même les compagnons quand ils ne bénéficient pas d’une


Atelier de canut : atelier familial avec son métier, son rouet et sa mécanique ronde. La soie au point de vue scientifique et industriel, Léo Vignon, Paris, 1890. Musée d’histoire de Lyon – Gadagne

chambre sous les combles. Le plus souvent, une alcôve est aménagée dans l’atelier pour le repos du couple de canuts. Ainsi, le fonctionnement de l’atelier n’est pas sans évoquer celui d’un artiste de la Renaissance. Le canut assure le gîte et le couvert à ses employés : aux compagnons, et aussi aux jeunes apprentis qui sont placés chez lui dès l’âge de 13 ans. Ces derniers vivent au sein de la famille et reçoivent une formation dispensée par le maître tisseur auquel ils doivent obéissance et l’exécution de certaines tâches subalternes. Les compagnons quant à eux perçoivent la moitié des revenus du tissage. Formant une communauté soudée dans l’effort, les ouvriers en soie sont ainsi liés par des engagements mutuels.

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La vie lyonnaise : autrefois – aujourd’hui, Emmanuel Vingtrinier, 1898. Musée d’histoire de Lyon – Gadagne

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Aussi bon vivant que Guignol et ses compères, le canut ne refuse pas un « fricot chenu », un bon repas lyonnais. Soupe de gaude (maïs), truffes en barboton (pommes de terre à l’étuvée), flageolets, carpe, paquets de couenne ou grattons, voilà quelques-uns des mets dont il se délecte. Au quotidien, le mérite de la cuisine revient à la bourgeoise, son épouse, qui prépare trois fois par jour des repas à base de pain et de soupe de légumes, agrémentée de viande ou de poisson selon les moyens du foyer. La fameuse cervelle de canuts à base de « claqueret », du fromage blanc, battu avec de l’ail et des oignons – aujourd’hui plus souvent avec de l’échalote et des herbes – est un incontournable du quotidien. En période de fête, place aux volailles, gigots, châtaignes, quenelles ! Le tout se déguste accompagné d’un pot lyonnais, 46 cl de vin du Beaujolais ou des Côtes du Rhône. En dessert, les matefaims et les bugnes sont des gourmandises fort appréciées, notamment avant le début du carême. Rabelais, dans son Pantagruel, les évoquait déjà.



Femme

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La femme tient un rôle essentiel dans l’histoire de la Fabrique. Bien entendu, l’épouse du canut, autrement appelée la bourgeoise, est le pilier de la maisonnée. Selon Nizier du Puitspelu, « quand la maison porte sur quatre piliers, la femme en tient trois, quand elle n’en tient pas quatre ! » Secondée par les apprentis, elle veille à la propreté de l’atelier et s’occupe de certaines tâches techniques telles que la réalisation des canettes ou la préparation du métier à tisser. C’est souvent elle qui se charge des relations avec les soyeux, négocie les contrats ou livre les commandes. Toutefois, la Canuserie est une société progressiste qui encourage les femmes à s’émanciper. Les statuts de la Fabrique mis à jour en 1783 les autorisent à devenir elles aussi maîtres-tisseurs. Elles peuvent dès lors assumer les mêmes fonctions qu’un homme et effectuer un apprentissage puis un compagnonnage avant d’accéder au statut de canuse. D’ailleurs, dans plus des trois quarts des couples de canuts, les deux époux exercent la profession. Sensibles aux idéaux sociaux défendus par les courants saint-simonien et fouriériste, les tisseurs soutiennent sincèrement le mouvement féministe, Canut, qui es-tu ? — 67


Le Conseiller des femmes. Journal hebdomadaire fondé et dirigé par Eugénie Niboyet (1796-1883) qui parut à Lyon de novembre 1833 à septembre 1834. Un des premiers journaux écrits uniquement par des femmes. Bibliothèque municipale de Lyon

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très actif dans les années 1830. Ainsi, L’Écho de la Fabrique salue en 1833 la parution du journal Le Conseiller des Femmes fondé à Lyon par Eugénie Niboyet, dans lequel l’engagement politique féminin, l’éducation des filles et l’union des femmes de toutes classes sont encouragés. En 1861, Jules Simon estime qu’un tiers des métiers à tisser sont tenus par des femmes, proportion très importante comparée au statut professionnel de la majorité des Françaises à cette époque.


(La) Grande Fabrique

g Sous ce vocable est regroupé l’ensemble des métiers qui concourent à la réalisation des étoffes de soie. Depuis le fil jusqu’au tissu, il existe en effet plus de vingt opérations distinctes, soit plus de vingt métiers et savoir-faire différents. Cette organisation très particulière, réglementée par Colbert en 1667, rassemble de nombreuses compétences et réclame une grande coordination. Tous ces métiers, indépendants les uns des autres, mais indispensables les uns aux autres, sont organisés en une multitude de petits ateliers et forment ce que l’on appelle la manufacture dispersée. Mouliniers, ovalistes, metteuses en main, dévideuses, ourdisseuses, remetteuses, tordeuses, monteurs, navetiers, cordiers, verriers, peigniers, dessinateurs, metteurs en carte, liseurs, piqueurs, tisseurs, teinturiers, apprêteurs, rondiers, négociants… Lyon est une véritable usine à ciel ouvert !

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Illustration de l’organisation de la manufacture dispersée (la Fabrique) à travers différents métiers et donc différentes étapes préparatoires au tissage. Musée d’histoire de Lyon – Gadagne / Fonds Justin Godart


the ceiling height essential for the installation of new looms equipped with Jacquard mechanics. In 1846, a census revealed that 75% of weaving looms operating in Lyon could be found in Croix-Rousse. The concentration would strengthen the links between silk workers and promote their sense of belonging to a community. After having been a hill of piety and flowers for so long, it became “the hill that works”, as expressed by Jules Michelet, in contrast to Fourvière’s “the hill which prays”. Through its unique history and authentic atmosphere, the municipality attached to Lyon in 1852 remains one of the most popular districts of Lyon.

prepared meals based on bread and vegetable soup, garnished with meat or fish depending on the financial means of the household. The famous cervelle de canuts (silk workers’ brain) made with claqueret, cream cheese, whipped with garlic and onions – now usually with shallots and herbs – was an indispensable daily food. At festival time, it was poultry, joints of meat, sweet chestnuts and dumplings. It all went down with a Lyonnais jog, 46 cl of Beaujolais or Côtes du Rhône wine. For dessert, matefaims (deep pancakes) and doughnuts were very popular delicacies, especially before Lent. They were described by Rabelais, in his Pantagruel.

Dinner Plate

L’Écho de la Fabrique Newspaper

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Living as well as Guignol and his companions, the Canut did not refuse a fricot chenu, a good Lyonnais meal. Gaude (sweetcorn) soup, truffes en barboton (steamed potatoes), flageolets beans, carp, packets of bacon rind or pork scratchings were a few of the things that they relished. Day to day, credit for the food went to the middle-class wives who, three times a day,

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In the aftermath of the July Revolution, the French press enjoyed a newfound freedom of expression. The Canuts, who so loved to express themselves and debate, got involved enthusiastically in this journalistic moment. L’Écho de la Fabrique, published for the first time on the 30th of October 1831, would be used as much

Page 59 / Main street and Place de la Croix-Rousse: Canuts deep in conversation about the state of their factory, their difficulties, their hopes, their daily life… Food market on Place de la Croix-Rousse which still exists today. Le Progrès Illustré n° 216, 3rd February 1895, page 5 / Lyon municipal library.

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to relay professional demands as to initiate societal discussions. In the writings of Joachim Falconnet, Marius Chastaing and others, one can read jumbled calls for the revaluation of the set tariff, reports of the meetings of the industrial tribunal, reflections on the industry or the condition of women, testimonies of life in the Manufactory, songs and poems. With its angry outbursts and humour, the newspaper disseminated ideas that would serve as the breeding ground for the societal changes initiated by the Canuts. As summed up by the historian and researcher Ludovic Frobert: “For about fifty months the workshop foremen and silk workers would get along, get information, debate and have their say in their newspapers, week after week, in an attempt to adapt the complex regime of the Lyonnais Manufactory to the industrial revolution in progress, in such a way as to preserve their autonomy and freedom.” However, after the revolt of 1834, the freedom-killing laws enacted by the government would put an end to the distribution of many organs of the press. The last issue of L’Écho de la Fabrique appeared on the 4th of May 1834 before bowing out. It remains a remarkable human and intellectual testimony in the history of Lyon and the working world.

Entrepreneur Since the 19th century, historians have each tried in their own way to define the

Canut. His profession, his daily life, his involvements have all been the subjects of so many printed pages. But his social and professional status is more complicated to define, varying according to the sensibilities of each commentator. Sometimes exploited worker, sometimes luxury craftsman… precarious worker without a doubt. Originally, the Canut was a member of the “master weavers of gold, silver and silk” guild. He worked with his hands: he was a worker but a skilled worker. The regulations instituted by Colbert in 1667 in fact required ten years of apprenticeships before being able to claim the status of master weaver. In addition, he could read, count, write and received a thorough education, which made him an elite worker, an aristocrat of the working-class world, in the Marxist sense of the term. Lastly, the Canut was the owner of the tool of his work, the loom. He generally owned two, even three or four, sometimes even six. He was his own boss and worked to order. Ultimately, his daily life was closer to that of an entrepreneur than to a salaried worker in a factory. Of course, there were disparities as in any professional category. His responsibilities and his quality of life could vary according to the number of looms or workshops he owned and the type of fabric he wove. Above all, as Pierre Charnier, founder of the Société du devoir mutual (Society of Mutual Duty), described it, “the Canuserie, or class of weavers, is divided or subdivided like society. It has its poor and its rich, its aristocrats and its humble subjects.”

Page 60 / The Lyonnais Canuts’ game of boules, called boule à la lyonnaise. Illustration from 1840 by Gavarni (1804-1866) for Les Français peints par eux-mêmes. © Coll. Jonas / Kharbine-Tapabor

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g Great Manufactory (The) All of the occupations that contribute to the production of silk fabrics are grouped together under this term. From yarn to fabric there are in fact more than twenty distinct operations, that is more than twenty different professions and skill sets. This very particular organisation, regulated by Colbert in 1667, brings together many skills and requires great coordination. All these trades, essential to each other, but independent of each other, are organised in a multitude of small workshops and form what is called decentralised manufacturing. Millers, ovalists, helpers, reelers, warpers, menders, twisters, mounters, shuttle makers, corders, glassmakers, combers, draughtsmen, cardroomers, readers, pickers, weavers, dyers, finishers, roundsman, traders… Lyon was a real open-air factory!

Guignol Authentically popular, Guignol is without doubt the most popular Lyonnais in the world. Imagined around 1808 by Laurent Mourguet, son of a Canut, Guignol is the embodiment of the city’s identity. Cheerful and mischievous as well as mocking and teasing, he wears his heart on his sleeve and is always ready to defend the people. Accompanied by Gnafron, his faithful friend and lover of Beaujolais, he entertained city folk in small theatres and quickly became very successful. His hairstyle was typical of the Canuts: a ‘salsifis’ or long braided plait which left no hair protruding that could interfere with work. Spokesman for the silk workers, he said aloud what the people often though quietly. His vocabulary brought together an anthology of cheeky Canut expressions. They were brought together in the Littré de la Grand’Côte by Clair Tisseur, under the pseudonym of Nizier du Puitspelu, published in 1894, and bear witness to a colourful and expressive Lyonnais language.

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Page 63 / L’Écho de la fabrique, from the first anniversary of the uprising of November 1831. Weekly newspaper written and published by the Canuts between October 1831 and May 1834, it was a real source of information and debate for the Canuts. Available online at: www.echo-fabrique.ens-lyon.fr Lyon municipal library.

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Hygiene / Health The Canut was a tireless worker, installed at this work from sunrise to sunset, and whose activity was physically demanding. Apart from the obvious back problems, the noise of the loom sometimes caused hearing impairments and the effort required for the precision of weaving could impair his sight. In addition, the air in the workshop was often bad, its windows remaining closed to maintain a stable humidity level and protect the precious silk from street dust and sunlight. Thus, the sometimes-weakened bodies of the Canuts were sensitive to the surrounding unsanitary conditions, all the more so as they, like any self-employed worker, feared illness that would entail stopping the loom. This vulnerability made the Manufactory workers particularly receptive to hygiene issues. From the 1830s, L’Écho de la Fabrique was already dispensing expert advice: “Body cleanliness will be maintained by short baths at home, aromatic baths and frequent lotions of hot water, plain or with vinegar; clothing that touches the skin will be frequently washed and changed […]. Wash your mouth with a solution of 2 grains of lime chloride in one ounce of clean water […] Nothing that could rot, such as plant debris, washing water, etc, should be left in the courtyards, corridors or alleys; any unnecessary domestic animals will be disposed of, and rubbish will be collected promptly from those we look

after; chamber pots should be emptied early and washed; residents should pay particular attention to toileting areas. In houses where a single toilet serves several households, each in turn should be responsible for maintaining cleanliness. The toilet lid will be kept firmly shut. The owners will be asked to make the most urgent repairs that are linked to sanitation.”

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Industrial Tribunals Ardent defenders of social justice, the Canuts and the silk merchants, were behind the origin of industrial tribunals as we know them today. During the Revolution, when the French economy was sluggish, the Le Chapelier law abolished guilds. Within the Manufactory, many feared that the quality of Lyon’s silks would suffer, degraded by fraud and unfair competition. The old system of overseers needed to be modernised and the Lyonnais persistently petitioned Napoleon I on this matter. The emperor responded to them in 1806 with the creation of a local body to settle disputes between Canuts and silk merchants,

Page 64 / Exit from Mass on a school day, painting by Lacroix, 19th century. Lasalliennes de France Archives. Page 66 / Leaving the factory at noon: view from the left bank of the Rhône, the other side of Morand Bridge. The elegant rub shoulders with the Canuts, the manufacturers, the roundsmen, the workers, the warpers… with Croix-Rousse in the background. “In Lyon when the factory is going, everything is going!” Le Progrès Illustré n° 430, 12th March 1899, page 8 / Lyon municipal library

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Remerciements Nous tenons à remercier tout particulièrement Robert Luc, historien des canuts, malheureusement décédé, pour nos discussions sans fin ; Ludovic Frobert, pour les travaux qu’il a menés pour remettre les canuts en lumière et à leur juste place, ainsi que pour les nombreux échanges que nous avons eus et avons toujours ; Benoît Roux, notre éditeur exigeant, motivé et à l’écoute ; Gérard Truchet, Thierry Rodier et Michel Evieux pour leurs relectures et commentaires. Et bien sûr toute l’équipe de la Maison des Canuts, avec laquelle nous partageons au quotidien cette histoire passionnante, fascinante et pourtant si mal connue. Virginie et Philibert Varenne Retrouvez nos créations sur www.phileone.fr Venez nous rendre visite www.maisondescanuts.fr

Édition Libel, Lyon www.editions-libel.fr Conception graphique Élise Milonet Mise en forme et réécriture Ombline d’Aboville Photogravure Résolution HD, Lyon Impression Boost SpA Dépôt légal : novembre 2020 ISBN : 978-2-491924-03-4 Ouvrage publié avec le soutien de l’Union des Industries Textiles Auvergne-Rhône-Alpes

Tous droits réservés. Aucune partie de ce livre ne peut être reproduite sous quelque forme ou par quelque moyen électronique ou mécanique que ce soit, y compris des systèmes de stockage d’information ou de recherche documentaire, sans l’autorisation écrite de l’éditeur. Première édition © Libel


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