Sciences Po Lyon
70 ans
Sous la direction de Renaud Payre Assistante éditoriale Julie Vaslin Comité éditorial Philippe Birken, Jérôme Blanc, Anne Blanc-Boge, Nathalie Brun, Stéphanie Farris, Marc Frangi, Lucy Halliday, Charlotte Quelin, Hélène Surrel
Pre ac s Georges Képénékian Maire de Lyon David Kimelfeld Président de la Métropole de Lyon Gaël Perdriau Maire de Saint-Étienne Laurent Wauquiez Président de la Région Auvergne-Rhône-Alpes
Sciences Po Lyon
C’est un bel anniversaire que fête Sciences Po Lyon en 2018 : 70 ans d’une histoire lyonnaise intimement liée à celle du pays. Car c’est en pleine dynamique nationale de reconstruction d’après-guerre qu’a été fondée cette école. Ainsi depuis 70 ans, l’Institut d’études politiques de notre région prépare les jeunes générations à appréhender les enjeux du monde contemporain et ses évolutions constantes. Installé au cœur d’un quartier des Facultés désormais transformé, avec le nouveau Pôle Universitaire des Quais ou encore la Maison des Étudiants entièrement réaménagée en 2017, Sciences Po Lyon est aujourd’hui l’un des pivots de l’excellence académique de notre cité et de notre Métropole. Avec ses 1800 étudiants annuels, cette école exigeante s’affirme comme l’un des tout premiers Instituts d’études politiques au niveau national. À l’image de sa ville, l’établissement rayonne à l’échelle d’un vaste territoire en dispensant aussi ses enseignements sur son nouveau campus de Saint-Étienne. Audelà, dans un monde de plus en plus complexe où les perspectives doivent toujours être élargies, cette école a su se démarquer par sa très forte internationalisation en accueillant plus de 300 étudiants étrangers à chaque rentrée. L’institut a également développé une ambitieuse politique pour la vie étudiante, forte de plus d’une quarantaine d’associations.
Une grande école de la cité
Pour servir une haute idée de l’enseignement, Sciences Po Lyon s’implique enfin dans le programme Égalité des Chances et Démocratisation : une démarche qui donne corps à notre idéal républicain en offrant aux lycéens volontaires les ressources et l’appui nécessaires à la préparation du concours d’entrée. Le mérite, la rigueur, l’exigence envers soimême, mais aussi l’opportunité pour chacune et chacun de mettre à l’épreuve ces principes, voilà les fondements qui portent Sciences Po Lyon depuis maintenant 70 ans. Par la rigueur de son enseignement et son engagement pour un égal accès aux études supérieures, par l’énergie de ses équipes et de ses élèves, cette école contribue à faire de Lyon l’une des meilleures villes étudiantes de France. Georges Képénékian
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aVa T ProPoS Renaud Payre Directeur de Sciences Po Lyon
Sciences Po Lyon a 70 ans. Nous réunissons 70 portraits et témoignages pour fêter cet anniversaire exceptionnel. Deux lectures peuvent être faites de cet ouvrage. Deux parties organisent le propos. La première « Sciences Po Lyon. Une histoire de 70 ans » propose un ensemble de repères historiques. L’histoire de notre école n’a encore jamais été écrite*. Vous découvrirez que le premier « Sciences Po » à Lyon ouvre ses portes dans les locaux de la faculté de droit à l’automne 1940. C’est l’École libre des sciences politiques de la rue SaintGuillaume qui s’installe alors en zone libre. Jacques Chapsal dans L’École et la guerre écrit en 1963 que « le Quai Claude-Bernard fut, si l’on peut dire, un élément essentiel de la Rue Saint-Guillaume ». L’Institut d’études politiques est créé dans la première vague des Instituts d’études politiques après Paris et Strasbourg (1945) et en même temps que Bordeaux, Toulouse et Grenoble (1948). C’est l’esprit de la Libération et celui de Reconstruction qui marquent ces nouvelles institutions devant former les cadres de la Nation. Ce sens de l’intérêt général, ce goût du public marquent toujours la culture forgée à Sciences Po Lyon. Longtemps l’école a dû lutter contre son université de rattachement pour disposer de moyens nécessaires à son développement. Longtemps l’école a dû mobiliser les exemples de Bordeaux, Grenoble pour chercher à gagner en visibilité. Et puis l’Institut d’études politiques s’est autonomisé. Après l’introduction du concours dans les années 1980, l’école a internationalisé fortement sa formation passée de trois à cinq ans dans les années 2000. L’IEP de Lyon s’est transformé en Sciences Po Lyon.
Une grande école de la cité
La seconde partie « Sciences Po Lyon. 70 ans d’histoire(s) » présente une variété de trajectoires nées au sein de notre école. En créant une formation pluridisciplinaire en sciences humaines et sociales, les fondateurs des Instituts d’études politiques ne se doutaient pas de la grande modernité et de la souplesse de ces écoles. Si on a souvent regretté que Sciences Po ne forme pas à un métier donné, c’est aujourd’hui une force. Les trajectoires en témoignent : vous allez retrouver des parcours attendus et prestigieux, mais également être étonnés par des récits plus originaux et non moins admirables. Le diplôme ouvre à des carrières prestigieuses dans la haute fonction publique, dans les entreprises (petites, moyennes et grandes) dans les institutions culturelles, dans les médias, dans les ONG en France comme à l’international. Les témoignages rendent compte de la vitalité d’une institution favorisant les initiatives, la prise en charge de projets complexes et surtout l’ouverture vers le monde. Tel est l’esprit Sciences Po Lyon que nous vous invitons à découvrir à l’occasion de notre anniversaire. Renaud Payre
* Je remercie chaleureusement l’ensemble des auteurs de cet ouvrage et tout particulièrement celles et ceux qui ont permis de rédiger par leur contribution scientifique l’histoire de notre établissement : Paul Bacot, Anne-Sophie Chambost, Laure Chebbah Malicet, Laurent Douzou, Catherine Fillon, Jérôme Henning, Charles Lagier, Gilles Pollet, Jean Solchany, Hélène Surrel.
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SommaIr
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PRÉFACES
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AVANT-PROPOS
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SCIENCES PO LYON, UNE HISTOIRE DE 70 ANS SCIENCES PO LYON : D’UN INSTITUT D’ADMINISTRATION PROVINCIAL À UNE GRANDE ÉCOLE DE LA CITÉ
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LA GENÈSE : SCIENCES PO LYON, UNE FORMATION COMPLÉMENTAIRE DU DROIT (1948-1961)
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ANNÉES 1960-1990 : UN INSTITUT SINGULIER
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AU SEIN DE L’UNIVERSITÉ ANNÉES 2000 : UNE GRANDE ÉCOLE DES SCIENCES DE LA CITÉ, AUTONOME ET INTERNATIONALISÉE
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SCIENCES PO LYON, 70 ANS D’HISTOIRE(S) QU’EST-CE QUE « L’ESPRIT SCIENCES PO LYON » ? GENÈSE DES IEP MAI 1968 UN INSTITUT D’ÉTUDES POLITIQUES NOMADE DES FIGURES INTELLECTUELLES SCIENCES PO LYON DÉMÉNAGE LA COMMUNAUTÉ SCIENCES PO LYON AUJOURD’HUI
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GLOSSAIRE
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INDICATIONS BIBLIOGRAPHIQUES
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REMERCIEMENTS
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un hIstoIr d 0 a s Sciences Po Lyon
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Une formation complĂŠmentaire du droit (1948-1961)
maxIm IcoLas
Doyen de la faculté de droit de Lyon, avant l’Institut d’études politiques de Lyon
Né en 1890 à Belley (Ain) où il devait terminer sa vie en 1980, ce fils d’un militaire de carrière a poursuivi ses études secondaires et supérieures, au gré des affectations paternelles. Il s’inscrit en 1909 à la faculté de droit de Lyon dont, quelques décennies plus tard, il devait devenir le doyen. La Première Guerre mondiale bouleverse ses projets initiaux : alors qu’il avait été exempté du service militaire, il renonce à soutenir, en 1914, la thèse de doctorat en science politique et économique, consacrée aux mouvements de capitaux, qu’il avait entreprise sous la direction du professeur Brouilhet, et préfère souscrire un engagement volontaire dans l’artillerie. Le canonnier Maxime Nicolas termine la guerre en 1919, avec le grade de lieutenant. Au sortir du conflit, la faculté de Lyon, soucieuse de reconstituer au plus vite le cadre enseignant décimé de l’École française de droit qu’elle avait ouverte à Beyrouth en novembre 1913, propose au jeune démobilisé un poste de professeur à plein temps. Pendant près de neuf ans, Maxime Nicolas enseigne à Beyrouth le droit constitutionnel, l’économie politique et la science financière. En plus de ses fonctions pédagogiques, il exerce auprès du Haut Commissaire au Liban et en Syrie les fonctions de conseiller législatif, tout en obtenant, enfin, les deux doctorats de science politique et économique (Les questions monétaires en Syrie, 1921) et de science juridique (La nationalité au Liban, 1928) qui étaient alors nécessaires pour concourir à l’agrégation de droit public. Reçu premier au concours de 1930, et
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bien déterminé à demeurer en métropole en dépit du pont d’or que lui proposait le Haut-Commissaire Ponsot, il est nommé agrégé près la faculté de droit de Lyon et titularisé l’année suivante sur une chaire de droit administratif qu’il a occupée jusqu’en 1961. En 1936, Maxime Nicolas soumet au doyen Pierre Garraud un projet qui reçoit rapidement l’aval de l’ensemble de la Faculté et celui, décisif, du ministère : la création d’un Institut de science administrative qui se donne pour mission de mieux préparer à divers concours administratifs non seulement les étudiants en droit, mais encore les fonctionnaires déjà en poste. Pour ce faire, l’institut dispense des enseignements théoriques et techniques dont la charge est confiée aussi bien à des praticiens de la fonction publique qu’à des enseignants de la faculté de droit. L’existence de cet institut, dont Maxime Nicolas prend la direction dès 1936, n’a peut-être pas été étrangère au choix de l’École libre des sciences politiques d’ouvrir à Lyon à partir de 1940 une annexe dénommée « Centre d’études politiques et administratives » qui accueillit dès son ouverture 350 élèves. En 1941, le doyen Pierre Garraud se félicite de cette entreprise qui conduit les professeurs de l’École libre des sciences politiques à collaborer avec leurs collègues des facultés de lettres et de droit, parmi lesquels, outre Suzanne Bastid et François Trévoux, l’on trouvait bien sûr Maxime Nicolas. Pierre Garraud ne dissimulait pas son espoir : « Les résultats de l’expérience ainsi faite, les services rendus aux étudiants de la région
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lyonnaise, les contacts cordiaux et utiles entre les corps enseignants de l’école et de la Faculté font souhaiter que le Centre, sous des formes et avec une tâche qu’il y aura lieu d’étudier et de préciser, puisse devenir une institution stable. » Sans surprise, une fois venue la Libération, la faculté de droit de Lyon se met sur les rangs dès l’automne 1945 afin d’obtenir en son sein la création d’un Institut d’études politiques. L’année suivante, le doyen Garraud laisse à Maxime Nicolas, son assesseur depuis 1943 et désormais son successeur à la tête de la faculté de droit, le soin de concrétiser cette aspiration collective, soutenue tant par le recteur Allix que par le conseil de l’université. Il faut pourtant attendre 1948 pour que l’IEP de Lyon soit officiellement créé. Dans l’intervalle, à la demande des pouvoirs publics qui ne souhaitaient pas s’engager dans pareille création sans être certains qu’elle trouverait son public étudiant, un nouveau « Centre d’études administratives et politiques », conçu sur le modèle de l’année préparatoire parisienne, est mis sur pied par le doyen Nicolas. Il y assure l’enseignement du cours d’introduction au droit public et à la science politique et, bien évidemment, il fait partie du conseil de perfectionnement au sein duquel il continue à siéger, une fois l’IEP de Lyon fondé, jusqu’à la fin de son décanat en 1956.
Ouverture du Centre d'études politiques et adminsitratives, Le Progrès, 23 septembre 1940.
Catherine Fillon
La genèse, 1948-1961
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Un institut singulier au sein de l’universitÊ
mich L s ura
Sociologue du Moyen-Orient (1947-1986)
Pour moi, Michel Seurat était un nom et un visage qui, à compter du 22 mai 1985, date de son enlèvement à Beyrouth, était devenu un familier via la télévision qui diffusa quotidiennement pendant près de 1000 jours son portrait et celui des autres français également détenus au Liban. Et pourtant, nous ne savions rien de lui, si ce n’est qu’il était « otage » au milieu d’un pays en guerre depuis près de dix ans, aux mains d’un groupe islamiste armé. De tous les otages français du Liban, il fut le seul à ne pas rentrer. En 1991, alors étudiante, ma route croise à nouveau celle de Michel Seurat. Travaillant sur le Moyen-Orient, c’est le chercheur que je découvre. Dans son œuvre majeure, Syrie, l’État de barbarie, il décortique sans concession et avec minutie le système de domination des Assad en Syrie, mobilisant notamment Ibn Khaldoun, ce père de la sociologie comme certains aiment à le qualifier, né en Tunisie comme lui, 600 ans auparavant. Alors que le Moyen-Orient s’enflamme à nouveau en Irak, les écrits de Michel Seurat offrent alors un éclairage passionnant sur ce qui se jouait dans la région. Plus tard, la lecture des Corbeaux d’Alep écrit par son épouse Marie m’offre une facette plus personnelle et douloureuse de ce destin, celui d’un homme passionnément attaché à ce monde arabe qu’il s’est employé à décrypter, comprendre et faire connaître. Diplômé en juillet 1969 de l’IEP de Lyon et après une spécialisation
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en sociologie, il fut boursier à l’Institut d’études arabes de Damas en 1973 avant d’y être pensionnaire deux ans plus tard. Devenu chercheur au CNRS, il choisit la route du Liban où il deviendra secrétaire scientifique du Centre d’études et de recherches sur le Moyen-Orient contemporain (CERMOC), s’attachant à défendre ce dernier institut de recherche en sciences sociales du Liban alors en pleine guerre civile. Peut-être a-t-il mésestimé les risques, comme le diront son épouse ou André Raymond, fondateur de l’IREMAM à Aix-en-Provence. Traducteur de Ghassan Kafani, auteur et journaliste palestinien, responsable du FPLP et assassiné en 1976, il connaîtra finalement un sort similaire. Après des décennies de doutes, le corps de Michel Seurat a été retrouvé et rapatrié en France en 2006, et il repose désormais au cimetière Montparnasse. Pour toute une génération d’arabisants, il reste une figure exemplaire et ses écrits continuent d’éclairer une région, un pays, la Syrie, toujours déchirés par la violence. Laure Chebbah Malicet
Étudiants en cours, 1993.
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Un institut singulier, les annĂŠes 1960-1990
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Une grande ĂŠcole des sciences de la citĂŠ, autonome et internationalisĂŠe
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Directeur de l’IEP de Lyon, 1999-2004
Avoir pu diriger de 1999 à 2004 l’IEP de Lyon m’a permis de partager une aventure collective captivante. L’emménagement dans de nouveaux locaux, le passage du diplôme de trois à quatre puis cinq ans ont exigé des personnels, toutes catégories confondues, une mobilisation et un dévouement exemplaires. Grâce à la Lettre de l’IEP, instrument de communication externe créé par Céline Martinez, on peut (re)découvrir des moments symboliques de la réussite de cette action collective. En 2002, trois majors à des concours prestigieux étaient issus de la préparation du CPAG, assurée par François Laplanche-Servigne. La formation continue, s’ouvrant notamment aux élus municipaux, fut relayée au niveau du 3e cycle par la création, en partenariat avec la banque DEXIA Crédit local, de l’Observatoire du secteur public local, dirigé par Anne Blanc-Boge et Dominique Deporcq. Il faut aussi rappeler la vitesse avec laquelle les services s’approprient les innovations techniques : un laboratoire de langues flambant neuf, l’informatisation de la bibliothèque et les nombreuses conventions partenariales qu’elle rend possible. Enfin nous avons créé ex nihilo l’Espace Avenir dirigé par Jacqueline Plantin, le bureau des stages qui, sous la responsabilité de Max Sanier, a assuré le suivi des étudiant.e.s, ainsi qu’un centre de formation à distance dirigé par Christian Desmaris, IEPEL (Institut d’études politiques en ligne),qui connut un succès immé-
diat. S’agissant des relations internationales, parallèlement à l’accès des étudiant.e.s aux DESS Affaires asiatiques et Droit des relations et des échanges culturels internationaux (DRECI) dès 2003, la mobilité étudiante s’est élargie dans un temps record : Michel Boyer, Patrick Martellet et Jean-Claude Bibolet ont conclu des accords pour ouvrir des destinations nombreuses vers toutes les aires culturelles. Au final, c’est le souvenir du lumineux colloque « La culture dans le champ multilatéral » (Lyon, 10-12 mai 2001) organisé sous la direction de François Roche qui m’enchante le plus. Un seul regret : la salle Michel Seurat, connue sous ce nom dès la rentrée 2003, ne pourra être intronisée dans des circonstances plus opportunes qu’à l’occasion du 60e anniversaire de l’IEP le 26 mai 2008. Je souhaite à tous et toutes, à l’occasion de ce 70e anniversaire, la chance de partager de tels moments de bonheur au service de l’éducation et de la recherche.
Salle informatique dans les locaux de la rue Appleton. L’Écornifleur n° 25, décembre 2000.
Une grande école des sciences de la cité, les années 2000
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gILL s PoLL
Directeur de l’IEP de Lyon, 2004-2014
Soixante-dix ans, c’est un âge déjà respectable pour une institution comme Sciences Po Lyon et cette inscription dans le temps, cette épaisseur historique, montrent bien que le modèle de départ était un pari gagnant. En se modernisant et en s’adaptant aux évolutions du contexte global, national et territorial, il a pleinement trouvé sa place dans le système français, européen et désormais de plus en plus international d’enseignement supérieur et de recherche : une grande école professionnalisante avec une vraie culture universitaire caractérisée par un enseignement de haut niveau appuyé sur une recherche de pointe en SHS. J’ai eu le plaisir et l’honneur de diriger l’établissement lors de deux mandats de 2004 à 2014. Cette décennie a sans aucun doute été un moment de changement majeur pour notre institut et pour les IEP plus généralement. Lorsque je balaye rapidement cette période, je revois d’abord des visages familiers de collègues et de personnels, mais également d’étudiants et de diplômés. Plusieurs grands événements et quelques changements majeurs me viennent en tête : le passage du diplôme en cinq ans, le concours commun à trois puis à six et désormais à sept, la création puis l’incroyable développement du laboratoire Triangle et de notre Master de Politiques Publiques (MaPP), l’importante rénovation de nos locaux, le développe-
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ment du « Programme Égalité des Chances et Démocratisation », l’adhésion à la Conférence des Grandes Écoles (une première pour un IEP à l’époque !), la formidable aventure du Collège des Hautes Études Lyon Sciences (CHELS), l’inscription de Sciences Po Lyon comme un acteur incontournable de l’université de Lyon, du site Lyon/Saint-Étienne et du réseau national des IEP. De ces années de direction, je garde personnellement le souvenir de plusieurs missions importantes qui nous ont permis de renforcer nos liens avec nos partenaires internationaux et de rencontrer nos étudiants sur le lieu de leur mobilité académique ou de leur stage. Je voudrais témoigner ici de quelques réussites exemplaires d’étudiants et diplômés qui, dans le cadre de leurs stages ou de leurs premiers emplois, utilisent comme langue de travail l’anglais bien sûr, mais également le chinois, le japonais, l’arabe, l’espagnol ou encore le portugais. J’ai été frappé par leur capacité à s’ouvrir au monde, à s’adapter à des cultures, us et coutumes étrangers, tout en tirant profit de leur formation initiale et des bases qu’ils avaient pu acquérir dans le cadre de la formation Sciences Po.
En face et page suivante : Instantanés de cours à Sciences Po Lyon, 2010.
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VIc mIch Lo
Directeur de l’IEP de Lyon, 2014-2016
En 2018, Sciences Po Lyon célèbre son 70e anniversaire. En 2019, l’Université de Virginie célébrera son bicentenaire. Cent trente et un ans certes, mais l’éloignement temporel est aussi fort que la proximité intellectuelle. Thomas Jefferson fonda l’Université de Virginie en 1819 dans une « jeune république » en construction qui inventait par l’expérimentation de nouveaux modèles démocratiques, élargissant lentement, via le droit de vote, les cercles concentriques de la citoyenneté et de la tolérance pour donner sens à la Déclaration des Droits. Le « village académique » de l’auteur de la Déclaration d’indépendance préparerait les jeunes Virginiens aux humanités d’une cité qui n’était encore qu’un projet aux forts accents agraires. En 1948, sont créés par décret quatre IEP de province, à Bordeaux, Grenoble, Lyon et Toulouse. La République française entamait alors une refondation institutionnelle dont les deux grands concepts étaient démocratisation et décentralisation, une refondation qui passait par la formation aux sciences du gouvernement qui, au sortir de la guerre, s’enrichissaient par l’interdisciplinarité, la comparaison internationale, la rencontre avec le management de l’entreprise et une confrontation pédagogique plus directe avec la pratique de la chose publique. Ces destinées institutionnelles tissées autour des « Républiques sœurs » s’écrivent dans ces destins personnels croisés qui se lisent comme les
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Lettres persanes des Français à Charlottesville, des Américains à Lyon. Parcours initiatiques transatlantiques de ces yankees plongés dans la brutalité du nazisme au Centre d’Histoire de la Résistance et de la Déportation, déstabilisés par nos modèles pédagogiques parfois antiques, amusés par nos odes au « terroir » et au « service public » et perplexes face à ce concept étrange qu’est la laïcité. Cheminements initiatiques à Charlottesville le long des murs serpentins dessinés par Thomas Jefferson, incrédulité face à une « communauté » qui se construit ouvertement autour de l’appartenance ethnique, du genre et surtout de la religion, inaptitude aussi à réconcilier le port d’armes, la célébration du Sud confédéré et de sa symbolique ségrégationniste, la tolérance dans la sphère publique de tous les discours, même les plus extrêmes, avec l’idéalisation des droits de la personne et la religion civile. J’ai toujours vécu mon métier de passeur d’idées transatlantiques non pas comme un lecteur du Choc des Civilisations, mais comme un vigneron de l’enseignement supérieur qui mélange les cépages de la République.
Étudiants dans le hall des locaux de la rue Raulin, 1993. L’Écornifleur n° 3, avril 1993.
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Une capacité d’initiative Il est souvent dit que dans l’enseignement supérieur, les étudiants ou élèves apprennent plus des uns et des autres que des enseignements qui leur sont dispensés. Cela ne se dément pas à Sciences Po Lyon. La capacité d’initiative des étudiants distingue nettement cette école de ses homologues. Le nombre d’associations ne cesse de croître et concerne tant l’humanitaire, la politique, l’échange intellectuel, le développement durable, les médias, la création artistique que le sport. Disposant d’un budget autonome, les étudiants peuvent porter des projets locaux, nationaux ou internationaux. La culture de l’entrepreneuriat avait en partie disparu de Sciences Po Lyon avec la fin de la traditionnelle section EcoFi. Elle ressurgit dans les années 2010 avant tout par les projets des étudiants eux-mêmes avec notamment la création de la Junior Conseil Stratégie (à partir de 2009). La culture projet s’entretient donc par les associations, les stages et enfin par les enseignements. Les cours projet veulent transformer cette prédisposition des étudiants Sciences Po en une compétence pleinement reconnue et distinctive des diplômés. À partir de la rentrée 2018, une fabrique des politiques publiques, la Public Factory, complétera la formation et permettra à Sciences Po Lyon – par la contribution de tous les étudiants – de s’ouvrir encore davantage à son territoire et aux enjeux de la transformation de l’action publique initiée par les administrations d’État, par les collectivités et par les entreprises. Sciences Po Lyon est bien une des très rares grandes écoles à faire des sciences humaines et sociales le cœur de sa formation. Sa mission – à travers sa politique de recherche et son projet pédagogique – est de montrer que les sciences humaines et sociales ont une place incontournable dans le monde contemporain et sa complexité. C’est ainsi que nous porterons encore longtemps le projet de 1948 qui a permis au cours des soixante-dix dernières années de développer une grande école de la cité aujourd’hui pleinement reconnue.
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a halI BI V L Nom Nathalie Binvel
Promotion 2009
Membre de la première promotion formée en cinq ans à Sciences Po Lyon, j’ai suivi un parcours en relations internationales, ainsi que le master 2 « Gestion de la Coopération et de Projets de Développement en Amérique latine », tout juste créé par Jacky Buffet, maître de conférences en économie. En 2005, j’ai choisi d’intégrer Sciences Po Lyon pour son ouverture vers l’international, et la possibilité qu’offrait l’institut de travailler une année à l’étranger. Entrée directement en deuxième année, j’étais impatiente d’arriver en troisième année, pour partir en stage en Amérique latine. Je garde un souvenir très fort de mon année de mobilité en Amérique latine. Pendant un an, j’ai travaillé à l’Ambassade de France au Paraguay, puis à l’Alliance Française au Costa Rica. Grâce au programme de bourses de la région RhôneAlpes et à force de candidatures, de relances et d’un peu de pugnacité, j’ai ainsi pu réaliser un rêve : découvrir l’Amérique du Sud et l’Amérique centrale, toucher du doigt la diversité historique, culturelle et politique de ce continent.
Fonction en 2018 Chargée de communication, responsable de la cellule hispanophone, ministère de l’Europe et des Affaires étrangères. de travailler, tant en grande entreprise qu’en PME, en association ou dans l’administration publique. C’est finalement en entrant au ministère de l’Europe et des Affaires étrangères que je suis devenue responsable de la cellule hispanophone à la direction de la Communication et de la Presse. Ce poste entre en totale cohérence avec le master 2 que j’ai suivi à Sciences Po Lyon et mes centres d’intérêt, mêlant relations internationales, Amérique latine et communication en espagnol. Je suis reconnaissante d’avoir pu suivre ce master, dont le contenu résonne encore dans ma vie professionnelle, neuf ans après. Si mes études à Sciences Po Lyon étaient à refaire, je n’hésiterais pas une seule seconde. Ma scolarité m’a permis d’acquérir une connaissance fondamentale des enjeux internationaux, juridiques, historiques, politiques et sociaux du monde contemporain. J’y ai acquis une ouverture d’esprit et un sens critique indispensables pour comprendre et évoluer dans notre société.
Après l’IEP, mon parcours professionnel s’est construit dans le domaine de la communication. Curieuse et cherchant à diversifier mes expériences professionnelles, j’ai travaillé dans différentes structures et découvert de nouvelles façons
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j a -PascaL Bo ho aL Nom Jean-Pascal Bonhotal
Promotion 1980
Quel honneur, de pouvoir m’exprimer sur une institution à laquelle tant de dettes intellectuelles me relient encore, 40 ans après en avoir été diplômé ! Premier souvenir, premier cours, un cours d’histoire économique un soir d’octobre 1977. J’étais là un peu par hasard, mais vite conquis par l’aventure intellectuelle qui m’était offerte. Je suis entré à Sciences Po Lyon après quelques semaines en hypokhâgne au lycée du Parc, où le travail de bachotage semblait peu compatible avec mon militantisme révolutionnaire d’alors ! L’IEP était peu attractif, on y accédait sans concours, ses locaux de la rue Raulin étaient anciens, son personnel enseignant peu nombreux... Mais on y était confronté d’emblée aux savoirs critiques, aux sciences sociales à travers une initiation à la recherche et à de riches et très formateurs débats. Deuxième souvenir, l’annonce des résultats du diplôme. Classé premier, alors que j’étais issu d’un milieu populaire et qu’aucun membre de ma famille n’avait fini des études secondaires, je garde une grande fierté de ce moment.
Fonction en 2018 Secrétaire général de l’Agence universitaire de la Francophonie rer l’IEP dans les locaux du centre Berthelot, suite transfert de l’École de santé militaire réalisé… mais 20 ans plus tard ! De cette expérience au CA de l’IEP est née ma vocation pour l’administration universitaire. Outre un bref détour par une formation à l’ENA, j’y ai mené une carrière continue dès 1983, jusqu’à devenir directeur général adjoint au ministère de l’Enseignement supérieur puis inspecteur général de l’administration de l’Éducation nationale et de la recherche, où je devins un moment spécialiste des questions relatives… aux IEP ! Je dois également aux trois années passées rue Raulin des méthodes de travail intellectuel suffisamment robustes pour porter leurs fruits dix ans après ma diplomation et me faciliter l’entrée à l’ENA. Je dois encore à ces années une grande ouverture culturelle au monde, qui m’a conduit à une fonction internationale que j’exerce depuis près de trois ans, celle de secrétaire général de l’Agence universitaire de la Francophonie. Petite organisation internationale hybride, cette association mondiale des universités francophones est notamment l’opérateur, pour l’enseignement supérieur et la recherche, du Sommet de la Francophonie.
Troisième souvenir, élu au conseil d’administration en 1979, le débonnaire directeur Marcel Pacaut annonça en séance le projet de transfé-
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Genèse des IEP L’histoire des IEP, dont sept fêtent cette année les 10 ans du concours commun du « Réseau ScPO », a pour origine commune le décret du 9 octobre 1945. À peine sortis de la Seconde Guerre mondiale, les membres du gouvernement provisoire de la République française envisagent de réformer la fonction publique. Prenant acte de l’implication d’une partie de l’administration dans la collaboration et souhaitant démocratiser l’accès aux plus hautes fonctions administratives, cette réforme a pour pilier la création d’une École nationale d’administration (ENA), ouverte à tous sur concours. Après que Jules Ferry a tenté en vain de nationaliser en 1881 l’École libre des sciences politiques fondée par Émile Boutmy en 1872, après la tentative infructueuse de Jean Zay de créer en 1936 une École nationale d’administrations, l’année 1945 est celle de l’aboutissement des transformations de la formation des élites administratives. À Paris, l’ELSP est nationalisée, rattachée à la toute nouvelle Fondation nationale des sciences politiques (FNSP).
En province, on prévoit la création d’Instituts d’études administratives et politiques qui ont pour objet de « faciliter l’étude des matières d’ordre économique, politique ou social » traitées dans les facultés de droits et de lettres, et de compléter ces enseignements « par l’institution de cours spéciaux sur ces mêmes matières », tout en organisant « des conférences destinées à former les jeunes gens aux méthodes de travail et d’exposition et à les initier aux problèmes concrets de l’Administration ». L’ordonnance n°452 283 du 9 octobre 1945 crée les « des instituts d’université dites IEP […] ces instituts pourront recevoir dans la même forme le statut d’établissement public ». L’État confie à la FNSP la tâche d’organiser la mise en place des IEP. Paris et Strasbourg sont créés en 1945. Trois ans plus tard, le 4 mai 1948, les IEP de Lyon, Grenoble et Toulouse sont créés, suivis le 13 août 1948 par l’IEP de Bordeaux et le 27 mars 1956 par l’IEP d’Aix-Marseille.
Journal officiel du 10 octobre 1945.
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j a garag o Nom Jean Garagnon
Promotion 1951
Je suis entré en 1948, je suis de la première promotion, mais ce n’est pas exactement la première promotion. Avant l’institut, il y avait un Centre d’études politiques et quand il a reçu le titre d’Institut d’études politiques en 1948, une première promotion est entrée dans cet établissement, sous ce nom. Mais les deux promotions précédentes qui étaient là avec le centre et qui ont continué les études sont sorties avec le diplôme de l’IEP. Aussi, dans la liste des anciens, vous avez une promotion 1949 et une promotion 1950, mais qui ont commencé alors que ce n’était pas l’IEP. Ce qui fait que je suis de la troisième promotion en un sens et de la première dans l’autre. Il y a eu, en 1951, seize diplômés. En réalité, nous étions plus nombreux parce que le système ne comportait qu’une année A et une année B en alternance, c’est-à-dire que deuxième et troisième année étaient ensemble, nous étions donc une bonne trentaine, c’était tout à fait sympathique parce qu’on se connaissait bien. Nous avions tous fait nos études dans des lycées de garçons ou dans des lycées de filles et là, ensemble pour la première fois sur les mêmes bancs. L’émulation n’était pas qu’intellectuelle… J’étais très hésitant, comme beaucoup, à la sortie du bac. Après un an de droit, je suis entré à l’IEP en même temps que j’entrais en 2e année de droit. Le système était organisé pour permettre
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Fonction en 2018 Professeur à la faculté de droit de Lyon, ancien recteur d’Académie de faire les études en parallèle : les cours de droit étaient le matin, ceux de l’IEP l’après-midi. Il y avait un petit amphi pour l’année préparatoire, qu’on partageait avec des mathématiciens de l’institut des assurances, et une salle pour la deuxième année, dans les mêmes bâtiments que la faculté de droit. Le souvenir le plus marquant peut-être, c’est la première année, qui était conçue comme très générale, une année d’ouverture d’esprit. Nous avions trois passionnants profs de khâgne qui nous donnaient une vue des choses totalement différente de celle de la faculté de droit, dans la rédaction et dans l’approche des problèmes. Les cours d’histoire de Joseph Hours, la philosophie des idées politiques de Jean Lacroix, ça nous marquait profondément. Avec Victor-Henri Debidour et Maurice Le Lannou, ils étaient par ailleurs des Lyonnais très importants à cette époque : les feuilletons du Monde qui étaient la lecture obligatoire, étaient rédigés en géographie par Le Lannou et c’était Jean Lacroix qui faisait la philosophie. Cette formation était un complément, un élargissement des études de droit qui étaient très traditionnelles à l’époque, alors que les études de science politique paraissaient modernes ! La formation de l’IEP est certainement pour une bonne part dans ma réussite à l’agrégation de droit public.
Sciences Po Lyon
B r ra d gaum Nom Bertrand Gaume
Promotion 1995
Je lui dois tant, à l’IEP de Lyon. C’est là où j’ai pu poser les jalons de ma vie professionnelle et même personnelle. À dire vrai, le choix de Sciences Po Lyon s’est fait un peu par hasard, au salon de l’étudiant de Clermont-Ferrand, où j’ai passé mon bac B (ES) en 1992. N’étant pas issu d’une famille connaissant bien ce type de filières et sans information particulière sur les différents IEP, je me suis inscrit au concours et j’ai intégré un cursus qui durait alors trois ans. De 1992 à 1995, ces trois années universitaires furent riches en apprentissages académiques et formels au sein de la section « politique et administration ». Elles furent surtout riches de rencontres humaines, de moments de fêtes, d’engagements associatifs et militants. Je me souviens moins de moments précis que de cette vie étudiante épanouie. Après plus de vingt ans, quelques rencontres gardent une valeur inaltérable : certaines durent dans une amitié profonde, alors que d’autres m’ont marqué. Je pense aussi aux professeurs ou aux maîtres de conférences emprunts de cette qualité majeure qu’incarnait le directeur d’alors, Georges Mutin : la diversité.
Fonction en 2018 Préfet du Vaucluse
chance qui nous est offerte de suivre, après la formation, des parcours d’une extrême variété, car oui, il y a une vie après l’IEP. Pour ma part, ce fut une suite faite d’un troisième cycle de droit et de science politique de l’université Paris-X Nanterre, puis la préparation des concours administratifs. Admis à l’ENA en 1998, je suis formé dans cette école de 2000 à 2002, après un passage par le service national en 1999. J’ai choisi le corps préfectoral pour sa diversité, un goût aiguisé à Sciences Po Lyon. Après des expériences en administration territoriale comme sous-préfet – à Besançon, à Bordeaux, à la préfecture de police de Paris – puis en administration centrale – au bureau des cultes du ministère de l’Intérieur, au ministère de la Défense – et en cabinets ministériels. Vingt ans après être sorti de Sciences Po Lyon, j’ai été nommé préfet de la Corrèze en août 2015. Depuis juin 2018, je suis devenu préfet du Vaucluse.
Cette diversité, c’est la chance que donne Sciences Po Lyon à ses étudiants, à travers sa scolarité, ses sections, ses profs. C’est surtout la
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Sciences Po Lyon déménage Il y a vingt ans, le cinquantenaire de Sciences Po Lyon fut célébré en demi-teinte. Lancé depuis plus de dix ans, le projet de déménagement du dernier IEP à ne pas disposer de locaux propres s’éternise. Directeur de l’IEP depuis 1981, Georges Mutin a pourtant fait de la recherche de locaux son cheval de bataille, car les bâtiments de la rue Raulin ne suffisent plus à accueillir dignement les étudiants qui fréquentent l’école. Par ailleurs, l’autonomie acquise depuis la loi Savary de 1984 peine à s’incarner dans les faits, puisque l’IEP reste paradoxalement coincé dans des locaux appartenant à l’Université Lyon 2. En 1989, la ville de Lyon prend la décision de mettre une partie des locaux de l’ancienne École du service de santé militaire pour héberger l’institut. Mais pour Georges Mutin « s’il y a déménagement, il doit être total » (Georges Mutin, Figaro Lyon, 18.10.89) et pour cela, l’IEP a besoin de 6000m² de locaux propres. Suite au concours lancé en 1994, les architectes Louis Girodet et Antoine Dassonville proposent en 1995 les plans d’un nouveau bâtiment, intégré à l’ancien. Fondé sur la rénovation du bâtiment jadis utilisé par les sous-officiers de l’école de santé militaire, le nouvel IEP est également composé d’un bâtiment moderne, relié à l’ancien par un atrium vitré.
Ce projet architectural s’inscrit dans l’histoire mouvementée de l’espace Berthelot. Construite entre 1882 et 1895, l’École de santé militaire devient, au printemps 1943, le siège de la Gestapo, où les nazis torturent, dans les caves, de nombreux résistants. Détruite par les bombardements alliés du 26 mai 1944, la façade nord du bâtiment, celle qui accueille aujourd’hui en partie le centre de documentations de l’IEP est reconstruite entre 1958 et 1962. Lieu d’histoire, le centre Berthelot est aujourd’hui un lieu de mémoire où loge le Centre d’Histoire de la Résistance et de la Déportation. Abritant la Maison des Sciences de l’Homme et les nombreux laboratoires de sciences sociales qui la composent, l’Institut d’urbanisme de Lyon et finalement Sciences Po Lyon à partir de 1999, le centre Berthelot est enfin un lieu de savoirs, en plein quartier universitaire.
Couverture du journal-école L’Écornifleur, 1993.
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Vue du bâtiment pédagogique, rue Appleton (à gauche) et bibliothèque de Sciences Po Lyon (à droite).
Une grande école de la cité
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Glossaire IEP : Institut d’études politiques ENA : École nationale d’administration CA : conseil d’administration IRA : Institut Régional d’Administration ELSP : École libre des sciences politiques (Sciences Po Paris) FNSP : Fondation nationale des sciences politiques CNRS : Centre national de la recherche scientifique
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Légendes des images – Pages 12-13 : École du service de santé militaire, projet 1888-1890. Archives municiaples de Lyon, côte 479WP. – Page 22 : Faculté de droit, quai Claude-Bernard, Lyon. – Page 38 : Étudiant dans les locaux de Sciences Po Lyon, rue Appleton. Sciences Po Lyon © Aurore Marquez-Santo. – Page 50 : Élément du bâtiment pédagogique, rue Appleton. Sciences Po Lyon © Aurore Marquez-Santo. – Pages 62-63 : Vue du bâtiment administratif, avenue Berthelot. Sciences Po Lyon © Aurore Marquez-Santo. – Page 65 : Étudiants en examen, 2017. Sciences Po Lyon © Aurore Marquez-Santo.
Édition Libel, Lyon www.editions-libel.fr
Conception graphique Yannick Bailly / item Photogravure Résolution HD, Lyon Crédits photographiques Archives nationales (p. 81) / Archives municipales de Lyon (p. 12-13 côte 479WP, p. 43 côte 1C 300 542, p. 48 côte 94WP75) / Archives Sciences Po Lyon (p. 28-29, p. 32-33, p. 36-37, p. 93) / Guillaume Atger (p. 47, p. 53, p. 54) / Bibliothèque municipale de Lyon (p. 103) / Bibliothèque de Sciences Po Lyon (p. 40, p. 44) / Tommy Dessine (p. 57, p. 58-59) / Elvira Geleijnse – Sciences Po Lyon (p. 140-141) / Thomas Lemot (p. 68-69) / David Morel – Editing (p. 127) / Fabrice Schiff (p. 139) / Philippe Schuller – Signatures (p. 61, p. 115) Impression Kopa Dépôt légal : octobre 2018 ISBN 978-2-917659-80-9 Tous droits réservés. Aucune partie de ce livre ne peut être reproduite sous quelque forme ou par quelque moyen électronique ou mécanique que ce soit, y compris des systèmes de stockage d’information ou de recherche documentaire, sans l’autorisation écrite de l’éditeur. Première édition © Libel.