Un artiste en Italie (extrait)

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Mainssieux se dévoile. Surtout connu comme orientaliste, l’artiste voironnais a également fait l’expérience du voyage à Rome dès le tout début de sa carrière. De ses quatre premiers séjours entre 1910 et 1914, il a rapporté des peintures et dessins dont une centaine sont conservés au Musée Mainssieux. Ces œuvres, auxquelles s’ajoutent les nombreux écrits de Mainssieux présents dans ses archives, nous racontent l’Italie, classique, mais aussi sensible et éminemment émouvante, d’un jeune homme à l’orée de sa carrière et reconnaissance, entre tourisme et voyage d’étude.

un artiste en italie

musée

de France

voyages de lucien mainssieux, 1910-1926

Un nouveau pan de la vie et de l’œuvre de l’artiste-voyageur Lucien

19,50 € www.editions-libel.fr ISBN : 978-2-917659-36-6 Dépôt légal : mai 2014



PRÉFACE Julien Polat, maire de Voiron Jean-Paul Bret, président de la Communauté d’agglomération du Pays Voironnais

Dix ans déjà que le Musée Mainssieux a obtenu l’appellation « Musée de France ». Depuis, les expositions, publications et manifestations proposées confirment toutes la qualité et la richesse de la collection ainsi distinguée. Un public de plus en plus nombreux est invité à partager cette découverte progressive d’un artiste, de son œuvre et à travers eux d’une époque et d’une manière d’être au monde. Un Artiste en Italie apporte une nouvelle pierre à l’édifice. L’exposition traite un sujet jamais abordé jusqu’à présent. Le catalogue est le premier qui publie autant de peintures et de dessins de Lucien Mainssieux, dont le nom comme le souvenir restent indéfectiblement liés à son Voiron natal. Ses carnets de croquis d’Italie sont pour la première fois reproduits et des textes inédits sont entièrement retranscrits. L’ensemble de ce matériau est mis à la disposition du public grâce à l’exposition, par nature temporaire, et le restera par l’intermédiaire du catalogue. Ce dernier bénéficie de la très belle contribution de Gilles Bertrand, professeur d’histoire moderne à l’Université de Grenoble, que nous remercions chaleureusement. Nous tenons également à féliciter l’ensemble de l’équipe du Musée Mainssieux pour ce travail d’envergure mené sous l’égide conjointe de la ville de Voiron et de la Communauté d’agglomération du Pays Voironnais. Un partenariat fructueux qui en appelle d’autres à l’avenir. Souhaitons que cette invitation au voyage ne soit pas la dernière. Car si, comme Mainssieux, nous pensons que « dans les voyages nous laissons autant que nous rapportons », nous ne pouvons qu’être touchés par l’expérience à laquelle nous sommes conviés.

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Ce catalogue accompagne l'exposition Un Artiste en Italie. Les voyages de Lucien Mainssieux, présentée au Musée Mainssieux à Voiron du 1er mars au 31 décembre 2014.

Les œuvres ont été restaurées grâce au soutien du FRAR – Fonds régional d'aide à la restauration, co-financé par l'état et la Région Rhône-Alpes.

Afin de valoriser le patrimoine rhônalpin et son insertion dans des réseaux internationaux, la Région Rhône-Alpes dispose d'une structure, celle des ARC, associant les laboratoires de recherche universitaire à des institutions culturelles (bibliothèques, musées, archives...). C'est dans le cadre de l'ARC5 que le CRHIPA (Centre de recherche en Histoire et histoire de l'art. Italie, pays alpins, interactions internationales) a entrepris à l'Université de Grenoble la réalisation d'un atlas culturel des villes italiennes destiné à cartographier les parcours et principaux sites culturels fréquentés par les voyageurs européens, artistes ou non, au sein de quelques grandes villes italiennes de la Renaissance à nos jours.


sommaire 6

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27

63

L'esprit des lieux

Mainssieux et l’Italie

les paysages

les portraits

77

83

97

les antiques

les carnets de croquis

archives de mainssieux

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L'esprit des lieux Emmanuelle Macaigne, directrice MusĂŠe Mainssieux

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« Aujourd’hui je dis Rome et c’est assez. Il me paraît que j’ai évoqué un paradis et le summum de mon énergie d’artiste ainsi que de mon âme juvénile d’amoureux »1 . Lucien Mainssieux Aujourd’hui encore, la reconnaissance de Lucien Mainssieux (18851958) est surtout circonscrite à son Dauphiné natal ou à ses peintures dites orientalistes. Cette connaissance partielle ne reflète pas une réalité plus complexe et originale, d’autant plus insaisissable que le person-

1. Sauf mention contraire, les citations sont extraites de : L. Mainssieux, Tablettes quotidiennes d’un artiste (1945-1954), qui ont fait l’objet d’une édition en deux tomes par le Musée Mainssieux en 2005 et 2006.

nage, comme sa carrière et son œuvre, furent éminemment multiples. Tellement partagé entre la musique, la peinture, la collection, l’écriture – journalistique ou plus personnelle – pour ne citer que les principales activités, tellement soucieux d’expérimenter sans se répéter, de respecter la tradition sans tomber dans l’académisme ni « se perdre » dans les mouvements de l’avant-garde du début du XXe siècle, Lucien Mainssieux est finalement largement retombé dans l’oubli après sa mort en 1958. Sa redécouverte se fait progressivement : inauguration d’un musée en 1989, série d’expositions consacrées à des artistes proches dans les années 1990, inventaire de la collection et des archives dans les années 2000, couronné par l’obtention de l’appellation Musée de France en 2004. Depuis 2008, les expositions et publications du Musée Mainssieux viennent affiner les connaissances par petites touches croisant éclairages chronologiques et thématiques. L’exposition consacrée aux voyages italiens de Lucien Mainssieux ne déroge pas à ce principe. Elle s’appuie sur une unité de temps (1910-1914, puis 1924-1926) et de lieu (l’Italie, essentiellement Rome) et aborde les problématiques de la première formation de l’artiste, du voyage et de l’importance de l’écriture chez Lucien Mainssieux. À ce titre, la contribution de Gilles Bertrand, Lucien Mainssieux et l’Italie : aux sources de la lumière dans le contact avec une tradition classique, replace le Voironnais dans la tradition du voyage d’artiste et du récit de voyage en Italie ; ce faisant, elle vient éclairer d’un jour nouveau l'un des moments fondateurs de la vie et de l’œuvre de Mainssieux.

Les « lieux saints »

L’exploration des œuvres italiennes de Lucien Mainssieux se place dans la continuité de celle des premières œuvres voironnaises, qui avaient fait l’objet d’une exposition en 20082 , montrant déjà combien l’artiste était sensible aux lieux qu’il peignait. Lorsqu’il évoque ses « lieux saints » – certes de manière rétrospective –, Mainssieux liste : Rome, Voiron, Alger,

2. L’Âme du Paysage. Lucien Mainssieux à Voiron (14 février – 6 juillet 2008).

Tipaza. On pourrait encore ajouter Bonnu dans la Creuse. Ces lieux ont pour lui la même résonance que Barbizon, Arles, Pont-Aven, Chatou, Fontainebleau pour ses illustres prédécesseurs. Dans le sillage de Corot

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qu’il vénérait, Mainssieux est assurément un peintre voyageur, ou du moins en mouvement, essentiellement en France et dans ses colonies, ponctuellement en Suisse et pour une courte mais fondatrice période en Italie. Il écrit dans ses Tablettes : « J’ai toujours affectionné vivre en pays étranger, j’ai ainsi l’impression qu’autour de moi les propos sont d’ordre moins banal et j’en conçois mieux le côté romanesque. Il me paraît que je sois au théâtre. J’ai eu tant l’âme d’un spectateur. Je connais trop les sens et les ressources de ma langue maternelle pour ne pas ressentir de lassitude et de monotonie à ce que j’entends quand je me trouve dans un milieu français. L’italien, l’allemand, l’arabe conservent pour moi plus de charme dans la vie, le charme du mystère. Il me semble alors n’avoir encore point tout vécu, et avoir quelque nouveau à espérer. Tout est à mes yeux plus pittoresque »3 .

Il précise encore être à la recherche de « sites plus sauvages, plus sombres

3. Tome 1, p. 62, vers 19461947 (cf. note 1).

ou plus colorés ». Ces mots sont écrits de manière rétrospective, près de quarante ans après son premier voyage, et ne peuvent à eux seuls rendre compte des motivations du départ. Le jeune homme qu’était Lucien Mainssieux en 1910 – il avait alors 25 ans – part bien en quête d’une Italie considérée comme « tout à la fois le cœur de la culture européenne et un socle incontournable », y compris pour tous les artistes qui ne se situent pas dans une démarche académique4 .

Ordonnance romaine et modulations colorées

Lucien Mainssieux séjournera essentiellement à Rome et y complétera à loisir sa formation. Ses autres motivations, ses centres d’intérêt, ainsi que l’originalité de sa posture sont analysés dans le texte de Gilles Bertrand ci-après. Le jeune artiste prend son temps, en particulier celui de vivre et d’appréhender les sites qu’il peindra. En premier lieu, il s’attache à la Rome antique, à travers des vues du Forum et de ses arcs – qu’il retournera peindre dans les années 1920 –, du Colisée et des ruines du mont Palatin. Il se rend également dans la campagne romaine, visite les musées et les églises, copie les antiques, croque quelques nus et peint des portraits, essentiellement de femmes et de fillettes 5 . Il va au spectacle comme il en a déjà l’habitude à Paris, rencontre des artistes, notamment à la Villa Médicis 6 . Les dessins de Lucien Mainssieux, croquis en carnets ou en feuilles, traduisent cette activité avec une grande liberté et souplesse de style. Il emploie et expérimente de très nombreuses techniques monochromes ou polychromes : mine de plomb, crayons de couleur, fusain, sanguine, encre, lavis, aquarelle… Il réalise même ses premiers essais de gravure. Il nous reste aujourd’hui un petit portrait lithographié qui représente une femme de profil, dédicacée « à mon vieil ami Flandrin mon premier essai de lithographie » (p. 68). Il lui arrive

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4. B. Chavanne et al., Fascinante Italie. De Manet à Picasso, 1853-1917, Paris, Gallimard, 2009, p. 11.

5. La seule exception, parmi les œuvres conservées au Musée Mainssieux, concerne un portrait au crayon de couleur d’un jeune Napolitain (p. 76). 6. Il cite des musiciens et le peintre Jean Dupas, Grand Prix de Rome de 1910, à l’origine d’un renouveau classique à la Villa Médicis dans les années 1920, représentatif de l’Art Déco. Pour en savoir plus, voir les travaux de France Lechleiter, notamment sa thèse: Les Envois de Rome des pensionnaires peintres de l'Académie de France à Rome de 1863 à 1914, Université Paris IV-Sorbonne, 2008.


Archives Lucien Mainssieux

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Lucien Mainssieux Portrait de Max Weber Huile sur toile 1907 INV.MMV.1958.1.611

également de reproduire certains dessins dans ses œuvres comme dans le portrait en pied La Petite Romaine (p. 66). Cette dernière contraste, avec ses cheveux noirs et sa robe à rayures blanches et rouges, sur le fond vert, nu à l’exception de quelques feuilles punaisées au mur dont un portrait qui fait partie de la collection (p. 67). Cette auto-citation renvoie également à l'un des premiers tableaux de Mainssieux présentés au Salon des Indépendants en 1907. Il s’agit d’un portrait du peintre américain Max Weber, assis de profil, tout de noir vêtu, ressortant sur un fond vert uniforme, uniquement animé d’une estampe japonaise. Les peintures italiennes de Lucien Mainssieux révèlent un grand sens de la construction, que l’artiste associe d’ailleurs à la langue : « L’italien, et même le lourd parler romain, a son rôle à jouer dans la peinture de mes arcs de Rome ». Il précise même que le caractère ferme et stable de ses compositions perdurera tout au long de sa carrière : « Je suis malgré tout poursuivi en tous pays, jusqu’au tréfonds de moi-même, par l’ordonnance romaine ». Il est certain que Lucien Mainssieux peindra

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en Italie parmi ses premières toiles de grand format, beaucoup plus structurées que les nombreuses petites pochades sur carton qu’il continuera de réaliser toute sa vie. En 1913, outre ses premiers arcs romains, ses deux grands panoramas du mont Palatin (p. 38-39) sont particulièrement représentatifs de cette tendance. Elle se retrouve également dans une petite peinture aboutie qui représente une vue de la baie de Naples (p. 31). Son sujet balnéaire et ses couleurs douces prêteraient à la rêverie, s’il n’y avait cette présence imposante de la silhouette du Vésuve à l’arrière-plan et les contrastes fortement marqués de la barque et des rochers au premier plan. Ainsi, Lucien Mainssieux ne s’intéresse pas vraiment aux reflets de la lumière sur l’eau, comme avaient pu le faire les impressionnistes et les post-impressionnistes avant lui, nombreux à se rendre à Venise pour y étudier le phénomène. Mainssieux n’y mettra pas les pieds, contrairement à certains artistes qu’il admirait particulièrement comme Renoir. Cela ne l’empêchera pas de développer, au contact de la lumière particulière de l’Italie, et par contraste avec celle du Dauphiné, une peinture faite à la fois de simplification et de tons modulés. Lucien Mainssieux en parle incidemment dans un manuscrit inédit datant du début des années 1930 : « En peinture il m’apparaissait de même que seule la ligne capitale devait être conservée, la colonne vertébrale des choses, enfin ; quant à la couleur, je la poussai jusqu’à la simplification la plus absolue. Je m’aperçus cependant qu’un ton, pour être simple, devait, à l’exemple de la Nature, être décomposé et marbré d’infinies modulations : le ton plat, au contraire ne fournissait qu’une apparence fausse, hors cadre et cadavérique. Ce que je cherchai laborieusement était la souplesse dans l’expression de cette vérité. C’est pourquoi je me trouvais comme dans une mine familière au milieu des vénérables marbres romains. Le blond, le rose, le doré et le brique se mêlaient au bleu froid et à l’ardoise sur ces pierres sublimes deux fois patinées, une fois par le temps, une deuxième fois par le soleil d’Italie. Au retour de ces pays dorés par cette lumière intense et chaude, le Dauphiné me semblait cru (…) Ce n’étaient plus les verdures noires et graves des « quercies » de la campagne romaine, mais des verts-de-gris fins aux transparences citrines ; ni les espaces fauves des déserts qui enserrent la Ville Éternelle, mais de fraîches prairies, clairières brillant au soleil en purs jaunes de Naples sous un acide soleil dauphinois »7.

Si Lucien Mainssieux poursuit son propos en expliquant que ce retour au pays natal le ravit et repose son âme, jamais il n’oubliera complètement son « voyage à Rome ». En 1913, entre deux séjours italiens, l’artiste obtient

7. L. Mainssieux, Souvenirs. Voiron. Rêverie d’une âme en quête de l’Éternel Féminin. Commencé le 1er février 1932. Archives L. Mainssieux.

sa première exposition personnelle à la galerie Marseille. Il montre également son grand diptyque du mont Palatin au Salon d’automne (p. 25). À la veille de la Première Guerre mondiale, sa carrière était lancée.

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Mainssieux et l’Italie : aux sources de la lumière dans le contact avec une tradition classique Gilles Bertrand, professeur d'histoire moderne Université de Grenoble, CRHIPA

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Lucien Mainssieux (1885-1958), peintre « dauphinois », se mit à l’école du vaste monde en optant pour des horizons qui contribuèrent à fixer sa singularité. En France, cet artiste voyageur s’établit à Paris à partir de 1905 et n’oublia jamais son Dauphiné natal où il revint longtemps peindre chaque été dans le pays de Voiron, ne négligeant pas de séjourner également à partir de 1918 dans la Creuse et dans l’Indre, un peu plus tard à Cagnes, en Bretagne et ailleurs. Mais il voyagea aussi par six fois en Italie entre 1910 et 1926 avant de se mettre à développer à partir de 1921 et jusqu’à sa mort une curiosité durable pour les orients de l’Empire colonial français d’Afrique du Nord, de la Tunisie à l’Algérie et au Maroc, devenu un protectorat, ce qui le fit longtemps ranger parmi les « peintres orientalistes »1 . Quittant peu le territoire national et ses prolongements coloniaux, c’est en Italie qu’il préféra se rendre en 1924 après dix ans d’absence plutôt que vers une destination plus septentrionale, renonçant à rejoindre Prague

1. Voir à ce propos Victor Barrucand, L’Algérie et ses peintres orientalistes, Grenoble, Arthaud, 1930, 2 vol.

où on l’avait invité en qualité de critique musical. L’Italie qu’il n’avait pas revue depuis dix ans s’imposait à lui, réveillant ses premières expériences hors de Paris et le confirmant dans la voie d’un certain succès. En brassant les matériaux visuels et les archives écrites que Mainssieux nous a laissés – peintures, croquis, carnets de voyage, cahiers, dossiers de feuilles éparses et correspondance –, on peut reconstituer la chronologie de ses voyages et mesurer combien la relation qu’il entretint avec l’Italie fut tout autre que passagère. Ses quatre premiers séjours à Rome entre décembre 1910 et juin 1914 contribuèrent à le lancer comme peintre et se situèrent entre son besoin de Paris et le moment de sa découverte du Maghreb. Il se ressourça encore à Rome au printemps 1924 et au printemps 1926, alors que montait sa fièvre de voyages vers la Tunisie (1921-1922, 1923, 1925), l’Algérie (1925, 1929) et le Maroc (1929). Il est vrai qu’il ne retourna plus en Italie et qu’il privilégia dans les décennies suivantes le Maroc, où il séjourna dix-huit mois en 1931-1932 et à nouveau en 1958 à Agadir, et surtout l’Algérie où il finit quasiment par s’installer de février 1942 à août 1946, se rendant en outre plusieurs fois à Tipaza dans les dernières années de sa vie. On se doit néanmoins de chercher à comprendre l’importance majeure que la péninsule eut dans sa formation d’homme et d’artiste, le rôle décisif qu’elle joua dans sa carrière et enfin la nature de la mémoire qu’il s’en forgea, l’identifiant à une part de lui-même bien que son tropisme parisien autant que son attrait pour le Maghreb finirent par en émousser les contours.

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Le voyage de formation d’un artiste débutant

L’Italie représenta un moment essentiel dans l’itinéraire de Mainssieux. Esquissant en quelques lignes son autobiographie, comme il le fit à plusieurs reprises, il rappelle en 1948 qu’après avoir été envoyé en 1905 par son père à Paris en vue de préparer une entrée à l’École des Beaux-Arts qui n’eut pas lieu, il partit pour Rome. Certes Paris était un lieu d’effervescence créatrice, mais, selon ses propres mots, il s’agissait d’échapper à une atmosphère familiale étouffante : « Plus tard comme ma tante m’ennuyait, toujours à mes trousses, j’acceptai d’aller quatre années à Rome pour lui échapper. Ce fut le début de ma réputation, mes envois aux Salons d’arts

2. L. Mainssieux, Tablettes quotidiennes d’un artiste, éd. Isabelle Experton, Voiron, Musée Mainssieux, t. 1 (1945-1949), 2005, p. 98. Voir aussi son dossier de feuilles éparses recueillies sous le titre Profils romains, ci-après, p. 123. 3. Archives Mainssieux, Boîte 36, photographie de L’Italienne de Marseille, 15 juillet 1909.

de Rome (entendons : depuis Rome) ayant été remarqués »2 . D’autres raisons avaient justifié le départ, dont la culture classique de son père et la peur que ce dernier, pharmacien à Voiron, éprouvait pour la santé de son fils dans la froide humidité de Paris où il venait de passer cinq années. Divers indices traduisent aussi à partir de l’été 1909 un désir croissant d’Italie de la part du jeune homme : sa brève rencontre au bal du 14 juillet avec une « sauvage et primitive enfant » dont il fit son modèle pour le tableau L’Italienne de Marseille3 , les impressions de voyage de son maître Jules Flandrin en septembre 1909 vantant les œuvres d’art, les villes, la grandiose architecture de Florence et le plaisir qu’en Italie procurait le peuple4 , le départ pour la campagne de Rome de son ami le Suisse Lüscher à la fin du mois de février 1910. Ce dernier, écrit Mainssieux, « vient de partir, dégoûté de l’humidité ». Le projet qu’aussitôt il forma d’aller « faire un tour en Italie jusqu’à fin mai » ne se réalisa pas, mais il traduisait sa recherche d’un climat différent de celui de Paris5 . Rome domina de manière incontestée sa géographie italienne et constitua le but de chacun de ses séjours dans la péninsule. Le train à l’aller faisait halte à Pise et ce pouvait être l’occasion d’une visite. Mainssieux connut d’autres lieux lors de son premier voyage, le plus long puisqu’il dura plus de sept mois du 5 décembre 1910 au 10 juillet 1911 : les notes prises lors de ce séjour dans un petit carnet de 118 pages (ci-après p. 98 à 122) attestent un tour à Naples, Sorrente et Pompéi à la fin de l’hiver et s’achèvent sur un itinéraire en juin 1911 à Assise, Pérouse

L'Italienne de Marseille Archives Lucien Mainssieux

et Florence. Mais des cinq autres voyages, sur lesquels nous ne disposons plus de journal précis, seul le quatrième au printemps 1914 a laissé la trace d’une descente à Naples et à Capri et d’ailleurs en dehors d’une huile et de trois aquarelles napolitaines, d’une toile de Pompéi et de trois à cinq dessins de Pérouse, les peintures et croquis de Mainssieux conservés à Voiron se concentrent presque exclusivement sur Rome et sa campagne 6 . Conformément à la tradition des artistes héritée des siècles précédents, c’est un « voyage à Rome » que Mainssieux accomplit lorsqu’il se rend en Italie. Ces séjours répétés relèvent d’un parcours de formation où on le voit se mettre à l’école des artistes de la tradition italienne ancienne, de

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4. Lettre de Jules Flandrin à Mainssieux, septembre 1909 (Archives Mainssieux, Boîte 5). 5. Lettre de Mainssieux à son père, de Paris, 1er mars 1910 (Archives Mainssieux, Boîte 9). 6. On décompte ainsi 94 œuvres créées à Rome et dans ses alentours pour un total de 102 huiles, lavis, aquarelles et autres dessins autonomes sur l’Italie inventoriés au Musée Mainssieux. À cet ensemble s’ajoutent 71 dessins figurant dans 5 carnets de croquis, pour la plupart de Rome à l’exception de deux vues notées comme étant de Pérouse.


Mainssieux à son père, de Pise, 6 décembre 1910

Mainssieux à son père, de Rome, 14 décembre 1911 Recto et verso

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Michel-Ange à Claude Lorrain, en même temps qu’à celle des paysages et des réalités humaines qu’il était en mesure d’y saisir sur place. Rome fut pour lui un champ d’expérimentation, où il alla périodiquement travailler en hiver ou au printemps en alternance avec ses ateliers de Montmartre 7. Les trois premiers des six voyages commencent en hiver : du début décembre 1910 au début de juillet 1911, de la mi-décembre 1911 à la fin février 1912, de décembre 1912 à la fin avril ou au tout début de mai 1913. Celui de 1914 et ceux de 1924 et 1926 se déroulent au printemps, en général d’avril à juin sauf le dernier qui paraît débuter en mars.

et Voiron7. Il pouvait y satisfaire son exigence d’une terre sèche et lumineuse, opposée à l’humidité qu’il percevait lui-même de façon négative lorsqu’il se trouvait en France, et que ses correspondants de Paris, du Dauphiné ou de la Savoie ne manquaient pas de lui rappeler comme une marque insistante de leur pays. L’Italie paraissait jouir d’un climat incontestablement meilleur, propice au bien-être du peintre dont la jeunesse avait été marquée par la perte de sa mère alors qu’il avait 19 mois et par une coxalgie qui l’avait cloué de longues années au lit. À en juger par le premier carnet, le seul qui rende réellement compte de son expérience du voyage (Un séjour en Italie 1910-1911. Notes personnelles et générales), Mainssieux au début de son premier séjour prit possession de l’espace en commençant par le Forum et le Colisée puis en découvrant un peu plus tard la jouissance du mont Palatin. Si son jugement sur la basilique San Pietro resta mitigé, il se rendit dans de nombreuses églises dont il admira sans relâche les mosaïques et quelquefois les fresques. Il lui arriva d’y écouter des chœurs et de noter dans leurs abords la présence d’enfants ou un coucher de soleil. Au Vatican le saisirent la Sixtine et les chambres de Raphaël. Il aima descendre aux catacombes de Santa Priscilla et dans la basilique souterraine de San Clemente et un jour de janvier 1911, le 11, il accomplit en train l’excursion de Tivoli. Ses itinéraires, somme toute classiques, furent organisés les premières semaines avec une certaine précision : il établit des plans de visite, récapitule ce qui lui reste à voir et dresse la liste des monuments vus chaque jour de la semaine, ce qu’il se remet à faire à Florence sur le chemin du retour ; il note en outre souvent dans son carnet les dates, fût-ce de façon aléatoire. Assez vite cependant on le voit retourner sur des lieux de prédilection et élaborer une Rome plus personnelle. En continuité avec son activité musicale parisienne, il assiste à divers concerts tels ceux des violonistes Eugène Isaÿe (1858-1931) ou Jan Kubelik (1880-1940). Si certains spectacles le déçoivent au théâtre Manzoni ou à l’Umberto, le Te Deum de Bruckner l’éblouit et il suit assidûment pendant une semaine et demie du 18 au 30 mai 1911 les ballets russes avec Karsavina et Nijinski. Surtout Mainssieux au cours de ce premier séjour explore avec assiduité la campagne romaine pour y travailler, tant du côté de la via Appia qu’au-delà de

➞ Voir les dessins pages 74 et 75

la porta Nomentana ou sur la via Latina. Parfois il s’y perd comme dans la campagne de San Giovanni. Les commentaires sur les lieux visités s’estompent à mi-route dès ce premier carnet. D’ailleurs, quand il est à Capri en juin 1914, c’est sa

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catalogue des ナ置vres

les paysages


Le Voilier 1911 Aquarelle sur papier 19,6 x 14,4 cm INV.MMV.1989.1.80 Voilier dans la baie de Naples 1911 Aquarelle sur papier 14,9 x 20 cm INV.MMV.1989.1.81

30


La Mer Ă Naples 1911 Huile sur toile 33,9 x 44,7 cm INV.MMV.1958.1.190

31


PompĂŠi 1911 Lavis noir sur papier 19,5 x 26,5 cm INV.MMV.1989.1.184

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Pompéi 1911 Huile sur toile 60 x 80 cm INV.MMV.1958.1.169

33


Le Lac de Castel Gandolfo Vers avril 1913 Aquarelle sur traits Ă la mine de plomb sur papier 21 x 30,9 cm INV.MMV.1958.1.697

34


Le Lac de Castel Gandolfo Avril 1913 Huile sur toile 42,2 x 81,5 cm INV.MMV.1958.1.165

35


Campagne italienne Vers 1912 Huile sur carton 50,2 x 72,5 cm INV.MMV.1958.1.391 Rome 1912 1912 Pinceau encre noire sur papier 23,4 x 32 cm INV.MMV.2003.1.23

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Fermes romaines 1912 Huile sur toile 34,5 x 94,4 cm INV.MMV.1958.1.495 La Campagne romaine 1926 Huile sur toile 24,7 x 44,5 cm INV.MMV.1958.1.142

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L’Arc de Constantin à Rome Non daté Lavis noir sur traits à la mine de plomb sur papier 21,4 x 29,7 cm INV.MMV.1958.1.938 L’Arc de Constantin à Rome Non daté Mine de plomb, rehauts d’aquarelle et lavis gris sur papier 89 x 15 cm INV.MMV.1958.1.676

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L'Arc de Constantin Ă Rome Vers 1912 Huile sur carton 76,6 x 107 cm INV.MMV.1958.1.582

49


Arc de Titus 1924 Huile sur toile 73,3 x 92,2 cm INV.MMV.1988.1.1 Paysage de Rome Non datĂŠ Pinceau encre noire et lavis sur papier 8,9 x 14,9 cm INV.MMV.1958.1.1698

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Arc de Constantin 1924 Huile sur toile 65,3 x 100 cm INV.MMV.1958.1.494

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Les environs de Rome Non daté Lavis gris sur traits à la mine de plomb sur papier 89 x 14,8 cm INV.MMV.1958.1.674 Paysage de Rome Non daté Mine de plomb et lavis brun sur papier 20 x 27,3 cm INV.MMV.2003.1.402

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catalogue des ナ置vres

les portraits

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Italienne au chapeau Ă plumes 1912 Huile sur toile 61,3 x 50,8 cm INV.MMV.1958.1.27

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Italienne au chignon 1912 – Huile sur carton – 54,9 x 45,4 cm INV.MMV.1958.1.247

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La Petite Romaine 1911 Huile sur toile 196,5 x 97,3 cm INV.MMV.1958.1.185

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Portrait de femme de profil 1911 Pinceau encre noire sur papier 12,1 x 11,2 cm INV.MMV.2003.1.72

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Femme nue couchée 1912 Aquarelle sur traits à la mine de plomb sur papier 19,6 x 26,3 cm INV.MMV.1958.1.831 Jeune femme allongée 1911 Pinceau encre brune et mine de plomb sur papier 20,2 x 27,2 cm INV.MMV.2003.1.77

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Buste de femme nue 16 mai 1911 Crayon violet et lavis brun sur papier 27,5 x 19,5 cm INV.MMV.1958.1.1373

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Femme en rouge Non datĂŠ Aquarelle sur traits Ă la mine de plomb sur papier 26,7 x 20,8 cm INV.MMV.1958.1.684 Le jeune Napolitain 1911 Crayon bleu sur papier 26 x 16,8 cm INV.MMV.1989.1.72

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catalogue des ナ置vres

les antiques

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Buste antique, marbre grec 1912 Huile sur carton 54,7 x 45,6 cm INV.MMV.1958.1.294

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Buste antique 1912 Mine de plomb et rehauts d’aquarelle sur papier 28,3 x 19,5 cm INV.MMV.1958.1.1497

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Étude d’antique Non daté Aquarelle sur papier 27 x 18,9 cm INV.MMV.1958.1.1372 Saints – Étude Non daté Mine de plomb et aquarelle sur papier 28,3 x 20 cm INV.MMV.1958.1.1374

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catalogue des ナ置vres

les carnets de croquis

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Carnet de croquis Antique 1911 Aquarelle sur papier INV.MMV.2003.1.663(16) Carnet de croquis Paysage d’Italie Non daté Lavis brun sur traits à la mine de plomb sur papier INV.MMV.2003.1.663(20)

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Carnet de croquis 1910-1911 ? 16,8 x 26,5 cm INV.MMV.2003.1.663(1-20)

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Carnet de croquis Paysage Non daté Sanguine sur papier INV.MMV.2003.1.667(12) Carnet de croquis La Porteuse d’eau Non daté Mine de plomb sur papier INV.MMV.2003.1.667(28)

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Carnet de croquis 1910-1911 18,3 x 26,5 cm INV.MMV.2003.1.667(1-29)

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Édition : Libel, Lyon – www.editions-libel.fr Crédits : Photographies © Gilles Galoyer ; Musée de Grenoble (p. 26) ; P. Avavian (p. 38-39) Textes © Gilles Bertrand, Emmanuelle Macaigne Préparation documentaire & iconographique : Lucile Chevallier Conception graphique & mise en page : Olivier Umecker Impression : Musumeci S.p.A., Quart (Aoste) Dépôt légal : mai 2014 ISBN : 978-2-917659-36-6 En couverture : La Mer à Naples (1911, huile sur toile)

Tous droits réservés. Aucune partie de ce livre ne peut être reproduite sous quelque forme ou par quelque moyen électronique ou mécanique que ce soit, y compris des systèmes de stockage d'information ou de recherche documentaire, sans l'autorisation écrite de l'éditeur. Première édition © Éditions Libel. Imprimé sur un papier issu de forêts gérées durablement.


archives de mainssieux Un sĂŠjour en Italie, 1910-1911 profils romains, 1924-1926


Les archives de Lucien Mainssieux en rapport avec l'Italie sont multiformes (carnets de voyage, correspondance, annotations accompagnant des images, résumés dactylographiés d'ouvrages ou commentaires sur Michel-Ange...). On a choisi de proposer ici la transcription de l'essentiel du premier des deux carnets de voyage (1910-1911) ainsi qu'un dossier datant de l'un des deux derniers voyages à Rome (1924-1926). La transcription du premier carnet manuscrit de Mainssieux a été réalisée en gardant trace des repentirs, rajouts, ratures ou fautes. Les phrases ou mots en italique ont été écrits au crayon à papier, ceux rajoutés par Mainssieux sont repérés par des barres obliques. Les parties qui n'ont pu être lues correctement sont notées XXX. Ce carnet de voyage de 1910-1911 n'est retranscrit que jusqu'à la page 93 incluse. Les suivantes sont en effet constituées de copies – par Mainssieux lui-même – de ses propres courriers rédigés à son retour à Voiron. Le deuxième document présenté ici associe 25 feuillets manuscrits dans un dossier intitulé par Mainssieux Profils romains.

Un Séjour en Italie Extrait du carnet de voyage 1910-1911, p. 18-19


CARNET de voyage Un séjour en Italie, 1910-1911

[p. 1]

PELERINAGE ARTISTIQUE à ROME L’ANTIQUE

________________________________________ Comment graver dans un Mabre digne de telle cité ce qui ne fut souvent qu’ondoyants frissons et impressions fugitives ________________________________________

[p. 2] Un séjour en Italie 1910-1911 Notes personnelles et générales. _______________ Celui qui lira ces notes comme des exactitudes pourra se croire près de la vérité même. A moi que m’importe ! Celui qui me comprend en tout temps me comprendra en celui-ci.

[p. 3] Je pars pour Rome le lundi 5 déc. 1910. Impressions ultra désagréables du côté de la parenté ; petites choses rendues énormes. Enfin seul. Je croyais devoir renoncer à rien voir de la traversée des Alpes ; mais sitôt dans les montagnes le ciel est devenu clair et étoilé. Les monts couverts de neige prenaient làdessus une puissance et une éloquence sauvage. avant Turin il neigeait. Le jour s’est levé sur un pays grisâtre, lavé par une pluie infatigable. fondrières, champs de boue pétrie pendant des km. quelques arbres. Avant Genova des monts courts et trapus se soulèvent ; herbages secs ; pays merveilleux calme et tourmenté, un fleuve tortueux et puissant roulant des flots jaunâtres serpente dans le bas fond ; de temps en temps des villages, perchés comme des forteresses. Mais tout cela assez fatiguant à cause

des tunels perpétuels ; en effet notre train ne quitte l’un que pour s’engouffrer dans un autre. Cependant ce pays produit sur moi une telle impression que je forme le désir de faire une saison de peinture dans ce beau Japon. Chez moi qu’est-ce qui est projet, quoi désir ??... Jusqu’à Pise, une remarquable platitude Non j’oublie que l’on suit très longtemps [p. 4] le bord de la mer. Il y a quelques petits villages, des orangers, des pins. Pise. Malgré la fatigue et l’ennui que me causent toujours de nouveaux lieux, dès le lendemain de mon arrivée je suis très heureux de me trouver dans cette aimable ville. Claire, pure, sonore, intelligente, voilà comment elle se rappelle à moi. On peut facilement se croire au temps où les grands artisans qu’étaient Orcagna, Lorenzetti, ou tout autre puisque rien n’est sûr, allaient au Campo Santo pour édifier de leur puissantes mains un rêve qui dure encore ! Je ne puis rendre l’impression de cette place, semblable à un polygone et sur laquelle s’élève ces quatre merveilles le Campanile, le Dôme, le Baptistère et le Campo Santo. Au loin, comme un accompagnement parfait s’allongent les basses et curieuses collines qui ferment l’horizon de Pise. Ici je note un très curieux effet de lumière sur ces collines, le matin de mon départ, je vis l’une demi-vertes (mais vert, bleu métallique) demirose (mais garance mauve vif) absolument prismatique. Il faisait temps gris et le soleil passait par derrière des nuages. Pour le Dôme l’intérieur m’a déçu, égard à ce que l’extérieur m’avait fait espérer. [p. 5] Il n’y a d’homogène que le Grand Christ de Cimabue et les bas reliefs très haut, de chaque côté du chœur. le Baptistère de toute beauté. effet d’orgue (acoustique) faisant sonner les harmoniques d’une note. Quant au Campo Santo je ne dirai que quelques mots tant la matière en est connue. J’insisterai surtout sur une des plus belles fresques : la Thébaïde. Pourquoi attribuet-on à Orcagna (ou un autre) le Triomphe de la mort et à tout autre artiste la Thébaïde qui est assurément et évidemment de la même main ? Pour les yeux plus difficile à ouvrir je n’en donnerai qu’un exemple le personnage d’un épisode central (le démon, paraît-il) en costume de voyageur, avec un cénobite. Il y a aussi une très belle fresque de l’Ascension qui me fait tellement penser à Giotto que pour un peu je le lui attribuerais. Mais je me méfie de mon imagination qui porte a enrichir encore celui qui est déjà assez riche. J’ai essayé de copier une figure de Mort de la fresque d’Orcagna et cela m’a été d’une salutaire expérience pour comparer le procédé de la fresque et de l’huile. A l’huile ou jaunâtre ou criard. Vu au museo civico, des parchemins enluminés, [p. 6] de l’école byzantine, d’une frugalité et d’un éclat magnifique. On est étonné comme plus on recule vers la genèse d’une œuvre d’art comme on trouve de plus en plus beau. Ceci est vraiment le plus près de la nature. Ainsi dessine et colorie le petit modèle qui n’a jamais dessiné et qui chipe quelques peu de vos couleurs pendant le repos. Vraiment Pise est ainsi claire et coloriée reposant au bord de son fleuve bien serré dans les deux forts quais de briques. 99


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J’allais oublier de mentionner mon dernier souvenir de Pise et pas le plus mauvais. Le matin du départ je m’avise que je n’avais pas visité la petite chapelle de la Spina, un bijou curieux de marbre tout blanc. Et à l’intérieur j’ai contemplé avec un vrai bonheur une vierge de Giovanni Pisano donnant le sein à l’enfant Jésus (marbre également blanc avec rehauts d’or) pleine d’émotion et de vérité. Il y a la vérité du moment physique et l’expression de bonheur de cette mère qui sont vraiment extraordinaires. Comme je regrette de ne pas avoir d’amis l’ayant vue et remarquée afin de n’être pas réduit à m’en entretenir tout seul ! Entre Pise et Rome on suit les bords de la mer ; le soleil était bas et doré la mer brillait doucement et venait en écume argent sur des rochers [p. 7] sombres et d’une couleur somptueuse. J’ai vu là exactement des tableaux du Lorrain : c’était cette même lumière enveloppant tout et ne cachant rien ; cette lumière qui coule comme magique splendeur. Je commençais à blasphémer Poussin. Mais la nuit est tombée et le train s’est mis à galoper dans un désert immense : la campagne romaine ; et la lune s’est levée. mais on la voyait peu, au travers de nuées poussées par un vent puissant. C’est alors que j’ai ressenti la véritable impression de Rome : une ligne ou deux pour le sol, un arbuste, un vieux mur, mais là haut un ciel formidable, à faire peur. Le principal caractère est la grandeur ; on voit que les nuées peuvent s’y pousser en tout sens sans se rencontrer, s’enfler, se fondre et disparaître imédiatement ; et de plus rien n’est noir, rien n’est blanc, pas même la lune, le tout est noyé dans une lumière fiévreuse qui met tout à une distance immense. Donc un sol énergique d’une énergie immuable ; quelques lignes absolues ; et un ciel tourmenté jusqu’à la férocité ; mais ceci tellement lointain que de jour cela n’est pas sensible. [p. 8] Vu le forum, colisée, calme plaisir du matin ; alentours vieux quartiers vivants et coloriés. Je jouis plus des ruines par le souvenir que dans le moment où je les vois. Pourquoi ? San Pietro. Toujours une impression détestable. Tout enorme, colossal, mais sans grandeur. Cela me repousse vraiment plus que tout ce style Jésuite qui veut toujours paraître ce qu’il n’est pas ; or il n’est qu’une chose : riche ; il est riche et ostentatoire. Comme ridicule achevé je vous recommande la facade avec les figures toutes gesticulantes qui la la couronnent, chacune brandissant son propre attribut ; et comme si ce n’était pas suffisant, cette famille de statues se continue sur les colonnades de côté. Que la religion est donc peu de chose sans sentiment vrai ! C’est même sa seule raison d’être. rencontré de beaux capucins au pas hardi de montagnards, rappelant de vivants bustes d’empereurs romains. partout très belles femmes, un peu… positives, mais sans sécheresse. Toujours noble gravité. Quelques chevelures comme bien oxygéné/yeux et reflets mordorés/samedi 10 Académie de France. [p. 9] Promenade interminable dans la campagne romaine. Porta Giovanni, via Appia nuova, via Appia vec100

chia, Porte Sébastiane, Porte giovanni. 15 km env. Petites mendiantes obsédantes mais gentilles. Je regrette d’avoir jeté l’argent car c’est toujours la plus grande qui a eu ; j’aurais du écouter mon sentiment et donner à la petite. -- St Pietro le matin avant la messe pour parler à l’abbé Ravanat. En attendant je me suis assis dans la sacristie et me suis amusé au manège de tous les personnages nécessités par les préparatifs d’un office divin. Oui la Chrétienté est en bonnes mains ! Toute une végétation humaine particulière s’y est attachée et y prospère/s’y engraisse. J’ai observé beaucoup de milieux, je n’ai jamais vu physionomies et anatomies d’une telle bestialité. Lorsqu’ils se mettent à chanter, et à se répondre à chaque verset de chaque côté du Chœur cela touche au gâtisme. Figures de vieilles femmes. Ils semblaient comme de gros perroquets perchés face à face ; et ils marmonnaient, ronronnaient, grognaient, prisaient parlaient entre eux en hochant la tête, clignant de leurs gros yeux, assis douillettement, ou écroulés suivant leur caractère. Mais il y avait là un exemple admirable de [p. 10] l’unité de développement physiognomonique dans la diversité : L’un était sec et cauteleux comme une vieille fille, de ces vieilles filles que l’on rencontre vêtues de noir et parlant de vertus ; un autre ne marchait plus, il se roulait ; deux de ses semblables plus jeunes, le soutenaient et l’aidaient. C’était lui l’officiant ; tout entier enveloppé dans le vêtement sacerdotal, seule émergait sa tête, comme un cône rose et lisse. Cette espèce grasse était de beaucoup la plus fréquente. Là-dessus tout à coup ont sonné comme une trompette les voix d’enfants là haut invisibles et des voix plus mâles s’y mêlèrent. Alors l’office, le vrai, le divin, commença. Musique tu es vraiment au dessus de tout. Comme tu es chaste, comme tu es pure et comme ainsi que l’épée et la flamme car ce que tu touches tu le transfigures ! (notes illisibles au crayon à papier : comment une chose laide peut…) Villa Borghese, gallerie de peinture. Vrai Véronèse et Tizien ; gris, clair et frais : comme Puvis, comme……… jamais bleue quelconque : tout à une couleur : ciel rose (vermillon), montagne bleu céleste. peint comme l’aquarelle [rajouté] Après Forum par la pluie ; je [p. 11] crois qu’il faut faire une promenade favorite de ces pays de ruines, mais peu chaque fois ; c’est à la longue que j’arriverai à en avoir une vraie image dans ma en tête et à les aimer comme des paysages familiers. Le plus beau site, qui vous est étranger, n’est rien.


plan de visites pour une semaine matin :

lundi

Musée Borgia 10h-1h Vatican.Chambres, Sixtine, Nicolas V. Antiques

après midi : Villa Doria ( ?) soir 8h :

Mardi

m.

violon. carte

Concert Weingartner

matin. Belle Arti chercher permission. Museo gallerie Doria Vatican. Chambres. Chap Sixtine Nicolas V 10h-1h Ap.midi. Musée Barocco. Sculp. Antique. 10h-3h soir matin

mercredi

ap.midi soir

prendre la 1e matinée belle pour aller de bonne heure peindre au forum, ou à l’ar[c] de Constantin. [p.12] m. Jeudi

a. s. m.

Vendredi

a. s. m.

Samedi

a. s.

Dimanche

a. s.

_______________________________________________________ alternativement ouvrent Galerie des Candélabres, Cammere, Sixtine, Loggie, Cappella Niccolas V, musée des Antiques Lundi.mercredi,ect…………. ________________________ et Galerie Borgia. Bibl. … mardi, jeudi. etc….. ______________________________________ prendre permission pour dessiner les antiques. ______________________________________ Samedi gratuit. ______________________________________ [p. 13] Visité le Vatican. Chambres, Sixtine, Chapelle Nicolas V, antiques, loges. Plus forte chose : la Sixtine. La conception y est plus entière et moins de monde que dans Raphael. Ce dernier a d’étonnants morceaux de nature : les cardinaux dans le couronnement de Charlemagne ainsi que le petit enfant qui tient le manteau, le parquet vert ; le clair de lune (admirable) du St Pierre délivré, la lumière des anges, (sur les cuirasses en reflet) Mais cependant ce n’est pas « copié sur nature » mais pensé. Nous modernes, nous copions trop. Ce qui est dans notre esprit doit être bien, ou alors c’est que lui-même ne vaut rien. La Sixtine est vraiment la plus « peinture » possible, bien moins coloriée que les chambres. Les loges n’ont pas une ligne de Raphael. Tout Michelange est le mouvement poussé à sa plus immense et profonde expression. Mouvement déifié. Les antiques à dessiner sur toutes les faces ; c’est là qu’il y a à apprendre (sépia) Mosaïques (aquarelle) l’après-midi. Transtevère. par la pluie. île à revoir longuement (au pont Garibaldi) Ste Marie et Sta Cécilla. Mosaïques à devenir byzantin (surtout celles de Sta Maria). A chercher en carte postale. C’est plus fort que tout. Soir concert du Roi. A le revoir une seconde fois, surtout à côté du chef d’orchestre italien, Weingartner en devient encore plus cher (si possible). Son énergie héroïque et son émotion entraînante. Chanteurs vraiment bons (similitudes avec les chanteurs allemands ; mieux pour la voix) en France. on ne chante vraiment pas : on produit des sons en ouvrant la bouche sur des mots…. [p. 14] J’interromps ma relation deux ou trois jours, pressé par les évènements et les nouvelles beautés qui se découvrent à moi.

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Comme souvenir d’importance, je retrouve : A la Galleria Doria des Claude Lorrain inouis ; un Titien demeuré en préparation : grisaille frottée et c’est aussi beau de couleur. Bêtise de la peinture - recette. Dans le célèbre portait du Pape, je remarque le manteau rouge. Il est étonnamment rouge : eh bien seule la demi-teinte est pourpre, les clairs : blancs + terre de Sienne brulée ; nous faisons Trop de la couleur nominale. après-midi aux antiques Barroco. A peindre une tête grecque belle entre les belles. mercredi : Après-midi vu l’Aurore. Couleur détestable justement un exemple de couleur nominale. Commencé à voir le soleil se lever sur Rome, ou plutôt se coucher, car il était bien 3h1/2. Vu le quartier israélite ; Le plus populeux avec des gosses en multitude ; belles petites filles aux cheveux plus noirs que noir, d’autres rouges. Isola : les ponts moyen-âgeux et antiques plongent dans le Tibre au coucher du soleil. Le soir, théâtre Manzoni ; détestable représentation d’opérette. Effet du hasard qui vous cherche; je trouve un monsieur qui m’offre une chambre, au moment où j’y pensais le moins. jeudi. été à la Via Appia, avec le bagage : fait une petite étude ; rien que du terrain, mais ici, il faudrait longtemps pour mettre un terrain d’aplomb. lignes d’une énergie et d’une [p. 15] grandeur extraordinaire. Rien n’est mesquin, à Rome. Bonne école, rien que de dessiner ces mouvements de terrains et ces vieux murs. mais murs pas ordinaires, qui quoique vieilles pierres ont encore toute l’apparence de splendeur et la richesse des palais qu’ils furent. Après dîner entré également par désoeuvrement au Mont Palatin. Je n’avais pas vu la plus belle cité de Rome ! et je ne m’en doutais pas !! Je souhaite à tous ceux que j’estime et à tous mes amis, je leur souhaite de jouir une fois du spectacle du Mont Palatin, et sous un jour pareil à celui où il m’apparut ; le soleil descendait lentement à l’horizon, les palais de la ville et les collines lointaines étaient dans une brume d’or. Et j’étais moimême dans une cité de palais, de jardins, de ruines menaçantes comme des montagnes et d’immenses pins qui là-haut balançaient leurs têtes noires. Entre, des vallées profondes, qui étaient simplement des appartements inférieurs (plus bas) Mais il fallut redescendre angoissé par craintes de se faire enfermer l’heure de la fermeture. « Je n’ai point envie de passer redescendre par le versant du forum, parce que de là nous sera cachée la vue du soleil s’éteignant dans sa splendeur. Comme tout se tourne vers ce centre de vie ! On le voit alors. » Puis il s’est couché tout rouge. Enfin j’ai vu le soleil sur Rome !! [p. 16] jeudi matin : acheté quelques antiquailles « O mont Palatin séjour des dieux et des oiseaux, comme je te revis avec plaisir bonheur ! là-haut dans les pins inclinés vous chantiez oiseaux, et le ciel était bleu. Vous, ruines, vous étiez calmes ; et au loin dans le lointain les mille palais de Rome bleuissaient. Les hommes t’ont quitté, séjour trop heureux et ils sont descendus vers le fleuve. Voici pourquoi je te salue ainsi, Palatin : séjour des dieux et des oiseaux ! » 102

--Apprenez qu’il faut avoir un œil extraordinaire pour voir quelque chose d’extraordinaire où que ce soit ! --- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -- - - - - - - - - - - - - - - - - - Raphaël fait les chairs marron et les vénitiens grises --à la bibliothèque Vaticane : les plus belles choses sont les manuscrits ou les mosaïques byzantines (matisse, fausses imitations) Le plus beau de tout est peut être tout ce qui est demeuré des premières cathédrales romanes byzantines, malgré les Jésuites. Entendu l’Office de Noël à Santa Maria Maggiore chœurs extraordinaires, voix, décor du coeur mosaïques immense de l’époque 1re ; les figures des prêtres et ce fond de mosaïque comme un soleil d’or pâle, ces majestueuses figures du Christ et de la Vierge sur un fond bleu passé mais sombre, les guirlandes de cierges, suspendus devant comme d’autres astres illuminés, chœur en quatre partie, comme un monde entier et merveilleux

[p. 17] cardinaux disparaissant. cardinal président dans sa chaise rouge. Spectacle entier comme retour à l’âge de ces mosaïques. / Pensé à Clovis, disant : est-ce le paradis promis ? » / Observations sur la voix et le son musical. Ce qui fait la beauté d’une voix, c’est qu’elle doit avoir le son long. Sans ralentir la mesure, et ses vibrations doivent être très serrées. (à étudier pour les instruments.) St Pierre, malgré tous les soins et la richesse qu’on peut apporter aux cérémonies et à la musique, n’arrive jamais à être imposant, encore moins à être émotionant. Tout y sent le larbin de grande maison... « S t Giovanni ; intérieur magnifique. Statues jésuitiques immenses énormes de ridicule, mais tout le fond admirable ; Le prêche du moine avec feu et avec flamme. Non comme les curés qui sont vraiment de simples concierges ! « San Stephan Rotondo. peuple assemblé et circulant tout autour de cette église circulair pour voir les peintures(supplices) 80 séminaristes allemand chantent le plein chant de l’Office, vêtus de rouge. --Porte Latina. pluie, ruines arbres puissants temps gris, paysages magnifiques. La boue de Rome ! --La petite prédicatrice a Santa M. Aracoeli. Riant avant, jouant sitôt commencé, gravité extraordinaire ; cette emphase poétique et simple qui donne à un paysans de Rome des gestes de prince roi antique.


[p. 18] Santa Agnese. belle église romane à peu près conservée. Splendide mosaïque au fond ; celle où il y a trois immenses longs personnages mais temps sombre. à coté Santa Constanza, ronde et antique. forme baptistère. Les plus anciennes mosaïques. Sans or, tout à fait comme les romaines (un peu XXX) sur fond blanc. Autour magnifique campagne plate avec au loin de longues montagnes bleues. Catacombes monogramme du Christ [croquis d’arcades romanes] dessin au trait, dans pierre ou marbre d’un très haut style, agneaux en 5 traits d’une force inouïe, tous semblable de compréhension, pas un pareil. Reste de lampes, de verres où mettre les parfums. ossements (1700 ans). Chapelles, taillées dans le roc. colonnes, chapiteaux, et…[croquis] de là est certainement né le style roman. Retourner une matinée pour voir les mosaïques par temps clair. --Entendu Ysaye accompagné par Molinari. De loin le son prestigieux d’Ysaye mettait absolument l’orchestre comme dans le lointain. Le capelmeister [p. 19] semblait s’agiter, grêle et sans force. Je m’approchais et vis alors qu’il était d’une habilité/ adresse/ merveilleuse, et tout à fait comme un frère de Weingartner même souplesse, même énergie cassante, et même intelligence de l’orchestre. Probablement cependant un peu plus faible à distance. Molinari -- Si l’on doit tourner la langue sept fois dans la bouche avant de parler ; il convient de noter immédiatement nos pensées et impressions. sous peine de les perdre pour toujours. Je m’en suis aperçu à propos des églises et cérémonies de Noël ou j’ai renvoyé au lendemain et même surlendemain. Je pense de plus en plus à ce que je pourrai réaliser à Rome ; des têtes femmes ou enfants, aux yeux noirs et pleins de vie, animés et immobiles avec boucles. justes de volume. Il faut aussi plein d’éclat mais sans blancs Voilà l’ennemi. Et ruines fortes rougeâtres brunâtres, par pleins volumes, par temps gris et lourds. Lourds poèmes, avec gros nuages. Le long de la Voie Claudia (forum, Colisée) (Les petites filles 57 rue S. Chiarra) Porta Nomentana (plat) [p. 20] San Silvestro 1910. ultime Giorno. Au catacombes de San Priscilla (3 km de la Porte Salaria) Messe solennelle dans la basilique aérienne( ?) restaurée. Voix puissantes et juvéniles ; office plein de dignité et fougue Tous de jeunes prêtres. 10 lampes à huile suspendues devant l’autel [croquis d’autel] sur l’autel 6 candélabres en fer ( forgé) simple après l’office conférence en français ( !) Dernières preuves apportées au fait que le cimetière de San Priscilla est le premier cimetière chrétien ( IIe siècle) et que ainsi que la première basilique , agrandie par la suite ; et aussi le berceau de la Chrétienté car d’après ces dernières

San Pietro y aurait établi son séjour. Primitivement villa civile et particulière de riches Romains (Pudens.................) puis transformée en cimetière et en chapelle privée puis par la suite publique. (Villa souterraines où les Romains descendaient par les chaleurs !) Nymphéum transformée en chapelle. 3 papes y ont leur tombeau. Chapelle grecque, avec fresques ; les peintures tout à fait romaines. 1ère image connue de la Vierge. Ensuite visite des catacombes, avec l’archéologue [p. 21] pour guide. quantité d’abbés français, d’autres allemands, anglais. foule. --Art romain ___ né du Grec païen Art roman-byzantin ___ né du Grec Chrétien Toujours le grec. Quel art Que celui qui peut ainsi renaître de lui-même en des formes aussi différentes ! Un caractère de la puissance d’Ysaye. Il emploie énormément le clair-obscur. Voici ce que j’entends : [croquis de ligne ondulée] au lieu de : [croquis de ligne ondulée] Nicolet plus linéaire ; teintes plates. Ysaye Au lieu de lumières puissantes sur certaines notes. A distance donne une rondeur sculpturale. 1911 1j. Allé au Transtévère pour la fête de la Epiphanie … Mosaïques qui me remplissent toujours d’admiration : sobriété, éclat, puissance, vérité, surnaturel. (surtout une étonnante exactitude des volumes) Sensibilité non émoussée. Mais pour les chants et l’Office, détestable que j’ai dû m’enfuir. De plus l’acoustique y est impossible [p. 22] sûrement par suite des agrandissements ultérieurs [croquis de choeur] Soir à l’Aracoeli.. enfants. peut être trouvé des modèles. Coucher de soleil magnifique. orange et violet (les lorrains) --2j. San Paolo. mosaïques fades et non plastiques. boursoufflures. l’une est bien de sujet interprétation de l’époque, mais celui qui l’a exécutée pas artiste. --3j. concert Balling à l’Augusteo. Te deum de Bruckner : génie éblouissant ; ………………. ; --temps affreux, pluie diluvienne ; neige.

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Un SĂŠjour en Italie Extrait du carnet de voyage 1910-1911, p. 20-23

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notes de voyage Profils romains (1924-1926)

Mainssieux à Rome Mainssieux, avec ses arcs romains atteignit à une faveur dont il fut le premier étonné. Sans doute la grandeur qu’il sut conserver à ces majestueux monuments, jointe à la lumière qu’il lui plût/fut donné d’y répandre trouvait un écho dans nos âmes latines. Si faire fortune l’eût intéressé il eût pu toute sa vie durant confectionner des arcs de triomphe… et les vendre ; comme Corot des sous-bois, Henner des baigneuses et Ziem des Venises… Mais qu’eût été cette vie de galérien pour ce farouche indépendant ! Pour se vouer à cette sempiternelle fabrication, point n’était besoin d’embrasser une carrière artistique. Et il saisit l’exemple de Corot qui, fit bien des sous-bois, mais s’obstina aussi aux figures de femmes dont les critiques du temps trouvent qu’elles ne ressemblaient que de bien loin à l’espèce humaine. Mainssieux ne fut donc pas grisé par la faveur qui lui valaient ses arcs de Rome, pas plus qu’il ne le fut par les perspectives que lui aurait ouvertes l’exploitation d’une telle faveur. Il suivit modestement l’exemple que anciens et probes artistes du passé lui donnaient : il peignit des portraits, des sites agrestes ou sauvages, des vertes prairies et parfois de vieilles routes et les pierres d’antiques murs – une masure pour lui étant aussi riche que les plus orgueilleux marbres antiques de ces tons patinés par la pluie et le soleil. Un moment on songea à le surnommer le peintre des routes et une autre fois le peintre des murs – et le nom lui en serait peut-être demeuré si la vogue d’Utrillo n’était arrivée au même moment qui lui ravit ce titre. Comment Mainssieux fut-il attiré à Rome ? Oh, tout à fait fortuitement : en voici l’histoire authentique : Depuis son enfance il était soigné par une vieille tante qui n’avait pas su discerner que l’enfant chétif avait grandi et son affection soupçonneuse et tatillonne pesait fort à l’âme aventureuse du jeune artiste. Depuis quatre ans à Paris, il était toujours tenu en lisière. Un jour qu’il s’en plaignait à son père, celui-ci, qui redoutait pour son fils les séjours dans la capitale, lui promit qu’il aurait licence de partir en voyage seul à condition qu’il partit pour Rome – « Allons donc à Rome » répondit le jeune Lucien. Et un beau jour de décembre 1910 il prenait le train avec dans l’âme un grand sentiment de liberté.

C’est donc son père, féru de traditionnelle culture classique, qui le mit sur la voie qui devait lui être si profitable. A Rome ce n’est pas la peinture Italienne qui frappa tout d’abord l’artiste (il connaissait déjà les musées d’Italie) mais les sculptures antiques et les aspects si grandioses de la ville éternelle – les places monumentales, les fontaines, les ruines, les jardins, les couvents et la campagne ! *** PROFILS ROMAINS Béatrice Cenci, ton noir palais, moyenâgeux au point de n’être qu’une prison, verrouillée de fer en gros barreaux croisés, semble un amoncellement de pierres brûlées sur une place étroite comme une cour ! En plein Ghetto, comme un monstre se cache dans l’ombre – et de l’autre côté de la place unfriteur juif : « Carcioffi alla Guidia » Il est des lieux prédestinés : celui-ci est-il gibet, prison ou pilori ? Il dégage à coup sûr quelque chose de sinistre. *** PROFILS ROMAINS Rome, terre d’héroïsme, les files bien ordonnées des jeunes filles marchant au pas militaire et chantant de leurs voix bien timbrées. Filles merveilleuses, vous êtes légions et votre tendre héroïsme est bien fils de la Louve ancestrale. Comme vos voix sont émotionnantes ! Chantant sur les stades, chantant aux processions du jour de Corpus Domini, vous êtes vestales modernes du culte de musique. Moi qui suis du Nord gaulois vous me touchez aux larmes et vos cortèges gracieux réveillent un vieux sens latin qui dort en moi. Je me sens l’âme des constructeurs qui firent la civilisation romaine. Oui, plus romain que gaulois, car le gaulois s’endort aux nuées – et même si nous rêvons des dieux ce seront des dieux concrets. Vous êtes, ô jeunes enfants romaines, le creuset de notre civilisation – et vos voix/bouches si justes et si mélodieuses conservent pour l’avenir les inflexions précieuses du divin langage. *** [Raphaël] Le plus étonnant chez Raphaël est la douceur et la perfection de son modelé, ainsi que ses blancs qui chantent comme chantent les cors chez Mozart. 123


l e s c ar n e ts d e mai ns si eux

Harmonies en lie de vin, jaune d’or, bleu céleste et blanc pur ou blanc gris. Génie païen, peu à l’aise dans l’exégèse catholique. Un groupe qui reste saisissant de beauté éternelle est celui du Parnasse, vestige de pure Antiquité grecque. Certains ciels sont divins. Je me remémore voluptueusement celui, bleu rayé d’argent, qui apparaît entre les colonnades d’un palais, dans la Messe de Bolsène, varié seulement ici de l’ocre rouge sombre des robes cardinalices. Raphaël, lui, ne prodigue pas les cadmiums. Comme nos grands peintres d’aujourd’hui ! Ce sont des riches et des prodigues. Il n’était que Raphaël, en un temps ou le progrès de l’art de peindre n’était sans doute pas définitif ; et il se contentait d’un peu de blanc et d’ocre doux pour allumer la flamme de ses cierges. Seulement son œil était juste. Quoi de plus simple aussi que ce clair de lune, reflété dans les cuirasses des gardes endormis, de la Délivrance de St Pierre ! La froide lune blanchit, demi-voilée d’un nuage gris. Cette lumière est roussâtre par le bas. La fenêtre est si malencontreusement placée, aveuglante de plein jour véritable, en plein centre de cette merveille de nuit, que je dois abriter mes yeux du revers de ma main pour la contempler à l’aise. Les lumières chaudes que reflètent les visages s’opposent avec un bonheur inouï aux blancheurs du ciel lunaire ; et cela avec rien, un peu de cette ocre magique que nous avons dite. Et l’ange illumine le cachet du prisonnier de cette ocre iréelle. Aujourd’hui de quel bleu intense ne peindrait-on pas cette nuit ! A quels jaunes ne forcerait-on ces lumières !… Le cheval d’Héliodore, et son cavalier (si beau, beau comme un Apollon) possède un fond de paysage formidable de rêve, une échappée (comme toujours) de montagnes nocturnes avec un ciel gris nuageux pommelé et des cierges aux flammes rougeâtres agitées par le vent du soir qui souffle de la vallée. Là, sous des voûtes et des portiques d’or, le Saint Pontife prie, agenouillé, prélude à notre Amfortas de Parsifal. Tout cela avec rien, presque rien, des tons si gris, si proches, des valeurs si voisines… Le propre du génie. Et ici le groupe réaliste du pape et de ses porteurs. Et plus loin revenons à la Messe de Bolsena pour admirer cet étonnant groupe de mères assises et d’enfants, comme on en peut voir partout encore à Rome dans les quartiers populaires. Et cette femme qui parle, dans l’Incendie du Bourg ! Rafael est invraisemblable de véracité. Pourrait-on oublier les jeunes abbés en surplis penchés sur une chaire et les évêques du Couronnement de Charlemagne ; 124

le Pape conférant la couronne, le jeune enfant qui la présente, tout cela d’une vie touchant à la magie et au fantasmagorique ! Et dire que ce Divin naît du familier, d’un doux réalisme ! On reconnaît de suite la main sacrilège de ses élèves, notamment du maçon Guglio Romano dans les tableaux où il vint étouffer la voluptueuse transparence de Raphaël sous ses ombres opaques et dures sans transition avec ses lumières crues et cuivrées. Plus rien de l’amoureux frisson qui signale le peintre des Madones. Témoin l’Ascension, que je persiste à trouver un méchant tableau. Ce Jules Romains, c’était, (déjà !) le Goulinat de l’époque… Raphaël, déjà, comme Corot, savait prodiguer les tons gris argentés, au contraire. Je ne puis m’empêcher de me remémorer ce ciel d’un bleu céleste pastel et presque mauve, si clair et si matinal de l’Ecole d’Athènes, fresque si ingrate d’autre part de par son sujet et sa composition. Il y aurait en effet tout un livre à écrire spécialement sur ces ouvertures de paysages entrevus dans toutes les fresques raphaélesques. *** [Rome moderne/ancienne] Et dans les graves cyprès verticaux, dressés sur ma tête jusqu’au ciel de velours intense, se poursuivent des colonies d’oiseaux. Quel calme et quelle majesté sereine ! Aujourd’hui la Rome moderne jure, avec son faux luxe, ses autos criardes, poursuivant les passants au travers des ruelles sans trottoirs. Et cet air d’importance, de sérieux voulu peint sur les visages comme tendus et anxieux. Les vieilles rues, de pierre et de marbre, résonnent des trompes brutales des autos, qui ne sont pas faites pour virer ainsi en rond. Je leur abandonnerais volontiers ces avenues modernes et orgueilleuses, ouvertes au soleil, au vent et à la poussière. Je pense au Monument Vittorio Emmanuel d’un blanc à offenser l’œil, au bout de sa place éblouissante et désertique. Cela n’est plus adapté au climat. Combien étaient plus sages les créateurs de la vieille ville aux ruelles tortueuses, qui faisaient de cette Rome un refuge intime ! Cela n’empêchait point, des places ou des terrasses, de jeter le regard sur les magnifiques perspectives qui entourent la cité unique. Le ton de la brique et les reflets du marbre doré se mariaient si heureusement à ceux des noirs cyprès ! Et le bruit des frontières n’était pas couvert des rugissements mécaniques de nos trop rapides et brutaux véhicules.


On ne les entend plus qu’au clair de lune – quand Rome est déserte. Oh, le silence auguste de la Rome nocturne ! *** [Mussolini] Quel peuple nombreux de charretiers, de cochers et de maçons ! Tout comme un autre il eût pu se livrer aux excès de la populace sortie de son lit où la sagesse des siècles lui a tracé ses limites. Mais Mussolini est venu, qui a su le contenir en lui ouvrant les horizons de la gloire ordonnée, car le peuple a besoin qu’on lui livre une carrière grandiose. Sinon il s’égare. Mussolini a su le polariser. Tout est là, positif ou négatif. Car ce peuple n’est pas bourgeois, immobile, à la manière du peuple français. Il est passionné et a besoin de s’enthousiasmer. « Il nous faut, à nous autres Italiens, me disait une dame rencontrée au Colosseo, de temps en temps de ces manifestations d’Italianità ». Comment ! Ces évènements qui m’apparaissent comme si petits seront sans doute plus tard la grandeur de notre histoire ! Cet homme, qui semble un subtil et nerveux intellectuel, qui vient entre quatre amis à côté de moi au cinéma, sera, je le sens, pour les générations futures un prodigieux César ! Ces jeunes hommes en chemises noires qui jouent aux soldats dans la rue et que quelques gamins acclament seront nommés Légions… Combien sont ravalés pour leurs spectateurs les plus grands faits et les plus grands fastes de l’Histoire ! Si l’amour, selon Stendhal est une cristallisation, la gloire et la puissance sur les hommes procèdent de même. *** Peindre à Rome Comment rendre l’aspect de ces antiques pierres, de ces marbres calcinés par l’action solaire ? Les lumières sont blondes et brique sans aller jusqu’à l’orangé. Il faut mêler intimement les tons chauds et les tons froids, voilà tout. Ces reflets froids, ces tons aciers ou bleuis – un seul bleu en approche : le Bleu de Prusse ou Indigo. Ces lumières sont aussi des rougeâtres froids – quelquefois inclinant au violacé ou au lie de vin – toujours mêlés de Terre de Sienne néanmoins. Au Diable les cadmiums et les faciles pelures d’orange ! Je veux toujours, dans mes paysages – pouvoir ajouter l’éclat d’une femme vêtue d’un manteau orangé, si elle se trouve d’y passer. Faire des ciels de bleu lessive, un ciel contient toujours

du soleil, et du blond, si peu que ce soit – tandis que l’outremer ne recèle que du noir, de la nuit, et encore une nuit sans transparence – une nuit morte. Et comment rendre ces ciels plombés, ces ombres droites et figées ? Ou les pierres bleuies seront froides et le ciel virant au coeruleum, ou elles contiendront du Bleu de Prusse verdi et le ciel tournera au mauve ou tout au moins au cobalt froid. Les nuages, s’il en passe, seront réchauffés à la garance, avec une pointe d’ocre ou d’orangé, et un atome de bleu – pour qu’il[s] ne soient ni blanc cru et froid, ni dorés et solides ce qui les feraient lutter avec les terrains. Ceux-ci, horizontaux, sont généralement plus gris que les murailles et les plans verticaux, contenant soit du jaunâtre, soit du reflet du ciel. Plus de reflets l’été que l’hiver – plus baigné de soleil. Moins d’oppositions. *** Rome – pensées romaines A Rome la pensée ne vient pas en vous comme ailleurs. Est-ce l’air de ce pays aux robustes collines, de ces verdures en noirs massifs découpés, de cette lumière royale et saine qui baigne les lointains ; de cette terre construite en cirques, et en criques géométriques ; est-ce la force de perpétuité des inscriptions inscrites en la pierre par la Sagesse Antique… L’idée naît en notre cerveau, toute armée, toute forgée comme Minerve nouvelle ! Poèmes de la pierre sur la pierre ; Pensées lapidaires ; l’eau glissant et gravant sur les dalles brillantes au clair de lune ; et magnifiant les marbres des fontaines. Bruit de jaillissements parure des nuits romaines. Sur les parvis déserts le voyageur, soudain romantique, suit les parcours de la lune ronde et pleine au ciel de velours. Silence, noblesse, robustesse, dignité. Les vénus au bassin rond, au col modelé comme une colonne ; aux étoffes harmonieuses, à la voix de colombe. Les sages vieillards, aux barbes sacrées, aux toges aux plis rigides, gardiens des lois. Rien n’est ici mesquin et toute vie, en se faisant plus vivante, plus âpre et plus sculpturale, tend à la contemplation. Toute pensée naissante trouve sa forme pour l’accueillir au berceau – et les pas peuvent s’assurer d’une surface solide. Vieille dialectique, antique logique, lois de l’esprit humain. L’olivier ombrage les campagne, Pallas/Junon et Cérès. Ce flot bouillonnant de pensées et de sentiments qui jaillissent sous notre plume faute d’éclore sur nos lèvres. Quelle 125


Mainssieux se dévoile. Surtout connu comme orientaliste, l’artiste voironnais a également fait l’expérience du voyage à Rome dès le tout début de sa carrière. De ses quatre premiers séjours entre 1910 et 1914, il a rapporté des peintures et dessins dont une centaine sont conservés au Musée Mainssieux. Ces œuvres, auxquelles s’ajoutent les nombreux écrits de Mainssieux présents dans ses archives, nous racontent l’Italie, classique, mais aussi sensible et éminemment émouvante, d’un jeune homme à l’orée de sa carrière et reconnaissance, entre tourisme et voyage d’étude.

un artiste en italie

musée

de France

voyages de lucien mainssieux, 1910-1926

Un nouveau pan de la vie et de l’œuvre de l’artiste-voyageur Lucien

19,50 € www.editions-libel.fr ISBN : 978-2-917659-36-6 Dépôt légal : mai 2014


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