Journal Anniversaire
2005/2015
10 ans d’expositions au Grand Séchoir - Maison du Pays de la noix
Prix : 15 € ISBN : 978-2-917659-48-9 Dépôt légal : novembre 2015
— Préfaces Laura Bonnefoy Vice-présidente du Département de l’Isère Présidente de la Communauté de communes Chambaran Vinay Vercors Maire de Vinay Voilà 10 ans que le Grand Séchoir-Maison du Pays de la noix a ouvert ses portes au grand public. En une décennie, le musée aura accueilli plus de 150 000 visiteurs, conquis par cet espace muséographique contemporain dédié à notre cher produit de terroir. Conçu comme un équipement singulier alliant la dimension culturelle à la promotion touristique et économique de notre territoire, le Grand Séchoir a répondu à la volonté politique des élus de la Communauté de communes Chambaran Vinay Vercors de faire de cet espace un véritable outil de développement local. Produit de grande qualité, la noix de Grenoble est la première à posséder une Appellation d’Origine Contrôlée (AOC), attribuée en 1938. Son terroir comprend 6 500 hectares de vergers situés le long de la vallée de l’Isère, de Montmélian en Savoie aux portes de la Drôme. Véritable fleuron de l’agriculture du département de l’Isère, la production annuelle varie entre 10 000 et 15 000 tonnes de noix, représentant à elle seule 50 à 60 % de la production française ! Le Grand Séchoir, en exposant avec rigueur et poésie les contours d’une « civilisation de la noix » qui a façonné notre territoire depuis plus d’un siècle, représente un formidable soutien à la filière nucicole. Plus que jamais, dans une économie mondialisée, il importe de nous appuyer sur ces maisons porteuses de sens pour réaffirmer les valeurs de qualité qui caractérisent nos produits de terroir. Le Grand Séchoir assure tout à la fois la promotion d’un patrimoine culturel singulier ainsi que l’ancrage territorial et historique indispensable à la renommée de la noix de Grenoble auprès des visiteurs rhônalpins, des enfants de nos écoles ou des touristes de passage. Situé à Vinay, au cœur de la zone AOP noix de Grenoble, face à la coopérative Coopénoix-Euronoix, le Grand Séchoir se trouve à proximité des grandes agglomérations que sont Grenoble et Valence, sur un 2—
axe autoroutier bien fréquenté. Il constitue le point de départ pour une découverte du patrimoine et des paysages, des savoir-faire locaux ou des bonnes adresses de producteurs de toute la vallée de la noix. Sa vocation d’entrée culturelle et sa situation géographique constituent un pôle d’attraction touristique majeur pour l’ensemble du Sud Grésivaudan. Le succès que représente le tourisme dit « gastronomique », comme en témoigne la bonne fréquentation de la boutique du Grand Séchoir, est un atout pour le développement touristique de notre territoire. J’appelle ainsi de tous mes vœux la concrétisation du projet de création d’une route des produits du terroir qui rassemblerait nos prestigieux voisins du Saint Marcellin et du Bleu du VercorsSassenage. Cette visibilité donnée à la richesse de notre gastronomie locale contribuerait j’en suis sûre à la bonne vitalité de la destination touristique alpine auprès des touristes français et étrangers. Je souhaite au Grand Séchoir une aussi belle décennie que celle qui vient de s’écouler, riche d’expositions de grande qualité mises en scène par des scénographes de talent. Je veux également faire part ici de toute ma reconnaissance et mon admiration à l’endroit de l’équipe du Grand Séchoir, emmenée par sa directrice Marion Carcano. Disposant d’un enthousiasme et d’une énergie débordante, l’équipe du Grand Séchoir, à la croisée de toutes ces ambitions, met au service de cette Maison du Pays de la noix, ses compétences tant touristiques que culturelles pour faire de cet outil un lieu culturel, patrimonial et touristique à la portée du plus grand nombre. Qu’elle en soit ainsi remerciée avec le même enthousiasme et la même énergie !
Georges Pelletier Ancien Président du Grand Séchoir Vice-président de la Communauté de communes Chambaran Vinay Vercors
11 juin 2005, inauguration du Grand Séchoir : son empreinte dans le territoire. L‘inauguration : un grand moment, mais un instant fugace tant le programme de travail au fil des jours qui s’enchaînaient était chargé. Un temps partagé, empreint de plaisir et de satisfaction pour toutes les personnes présentes ce jour-là dans ce nouvel espace culturel dont la communauté de communes de Vinay venait de se doter après dix ans de travail et de réflexion engagés en 1995. Ce 11 juin-là, nombreux étaient celles et ceux qui revendiquaient la paternité de cette Maison du Pays de la noix de Grenoble. Nous nous en réjouissions avec, reconnaissons-le, une certaine délectation tant la tâche avait été rude. On ne peut pas ne pas se rappeler que cette réalisation a vu le jour dans le cadre du contrat de pays Tullins-Vinay qui réunissait dans un syndicat mixte les vingt et une communes des deux cantons des dites villes. C’est dans ce contrat, souvent qualifié d’exemplaire, que les sentiers de randonnées ont vu le jour, ainsi que le bois-énergie, la restauration de séchoirs à noix, de bâtiments en pisé, de la chapelle de Chasselay, etc. L’intercommunalité était en marche. Pour l’une des toutes premières fois, nous nous formions à cette nouvelle modalité de travail. Nous allions nous efforcer de mettre en œuvre une politique de développement local en milieu rural et montrer ainsi notre volonté de créer des liens entre les items économiques, sociaux et culturels autour desquels se construit encore et toujours la vie des citoyens de notre territoire. Notre intention n’était pas de rassembler en un lieu tout ce qui aurait pu témoigner et raconter de manière exhaustive l’histoire de la noix et de celles et ceux qui l’ont écrite. Nous avons souhaité simplement construire tout à la fois un espace de mémoire, de connaissance et de découverte autour de la noix et de ses mystères
pour lesquels nous n’avions pas nécessairement de réponses. L’anachronisme de cette démarche ne manquait pas d’intérêt tant les élus politiques, dont je faisais partie, sont toujours préoccupés d’afficher une connaissance universelle. « Tout savoir tout connaître, avoir réponse à tout ». Ce propos, certainement trop caricatural, illustre malgré tout la volonté politique qui était la nôtre de laisser de la place à celles et ceux qui allaient pousser la porte du Grand Séchoir et plus particulièrement à l’enfant, grâce aux expositions temporaires. La place laissée à l’imaginaire, à l’invitation au voyage et à la littérature enfantine s’est inscrite pleinement dans cette démarche. Donner la possibilité à chacune et à chacun de découvrir, d’apprendre et de marquer de son empreinte personnelle ce territoire de la noix par sa différence, son vécu et la force de son propos. « Ce que vous montrez n’est pas ce que j’ai vécu ; nous faisions comme ceci, comme cela », etc. Cette intention est-elle aujourd’hui le reflet de la réalité ? La question reste ouverte. Michel Ducros dans Le livre de la noix évoque longuement la place de la noix dans le monde. Il parle sans retenue de la « civilisation de la noix ». La noix est une histoire d’amour. Le Grand Séchoir qui en abrite l’épopée trouvera bien une place dans cette civilisation, si ce n’est déjà fait. Quitte à n’en être qu’une ponctuation, quelle place et quelle fonction pourrions-nous lui assigner en 2015 ? Si la noix a un territoire de cœur et possède véritablement ce caractère universel qu’on lui attribue, il appartient alors au Grand Séchoir de le mettre plus encore en valeur. Des pouvoirs maléfiques chassent des hommes et des femmes de l’ombre bienfaisante des arbres de leurs pays. Parmi ces arbres, y aurait-il, par hasard, des noyers dont ces hommes et ces femmes pourraient nous conter l’histoire ? Invitons-les, accueillons-les dans notre maison de la noix, à Vinay.
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Photographe professionnel depuis 1998 installé à Vinay, Christophe Huret photographie tout d’abord les hommes au travail, les chantiers de construction, l’architecture. En 2002, il réalise le reportage « Gestes et métiers de la noix » pour le projet muséographique du Grand Séchoir.
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— Avant-propos Jean Guibal Conservateur en Chef du Patrimoine, directeur du Musée dauphinois (Grenoble)
Dans les premières années du XXIe siècle, l’évolution de la notion de patrimoine autorisait un nouveau regard sur notre héritage culturel. Les vieilles pierres étant sous la protection des Monuments historiques, les traditions et pratiques sociales étant mises en valeur dans les musées dits « de société », il devenait possible de s’intéresser à des aspects de l’activité humaine jusqu’alors peu considérés, sinon ignorés. Les produits de l’agriculture et de l’élevage, avec le trésor – d’une si rare et si riche diversité – des savoir-faire liés à leur transformation à des fins alimentaires, entraient ainsi avec quelque éclat dans la sphère patrimoniale et dans le champ culturel. Certes, des chercheurs avaient de longue date considéré ce domaine à sa vraie mesure et avaient posé les principes de l’analyse anthropologique de ces faits. Mais la « patrimonialisation » était en cours, d’autant plus encouragée et salutaire que l’ère de la malbouffe progressait à grands pas. C’est dans ce contexte qu’est apparu le projet d’une « maison de la noix », dans cette basse vallée de l’Isère qui avait depuis plus d’un siècle développé jusqu’à la monoculture la production de ce fruit. Dans un département dont la politique culturelle et patrimoniale était alors très engagée, c’était un dessein réalisable, pour autant qu’une détermination sans faille anime ses fondateurs. Ce qui fut le cas autour de Georges Pelletier, alors vice-président de la Communauté de communes de Vinay qui devait assurer la maîtrise d’ouvrage : aucun projet ne voit le jour, dans le domaine culturel plus que dans tout autre, s’il ne se trouve une personnalité capable de l’incarner et de faire preuve de quelque obstination. Restait à inventer un outil culturel original pour évoquer… la noix ! Et bien évidemment pour élargir le propos, aborder l’histoire (mais aussi la préhistoire) de cette production sur notre domaine régional, et pas seulement son histoire naturelle. Il fallait surtout décrire tous les faits culturels qui entourent cette pratique, jusqu’à envisager de dresser un portrait de la société locale qui évolue dans ce
paysage de noyeraies. Car si le projet ne cache pas qu’il a aussi une finalité économique (en mettant en valeur ce produit et en faisant valoir ses qualités), il faut convenir qu’il a aussi une mission à l’égard des habitants du territoire, qui ont besoin de tels repères, voire d’un tel retour d’image et d’histoire de leur pays : le fondateur des écomusées, Georges Henri Rivière, qualifiait de « miroir » la fonction de ces musées d’un genre nouveau. Enfin, en interprétant le patrimoine du « pays de la noix », le Grand Séchoir est aussi un outil de promotion et de découverte touristique de ce territoire dont Stendhal a écrit, entre autres qualificatifs élogieux, qu’il évoquait pour lui… la Toscane. Entourée de compétences rares (notamment des architectes Milena Stefanova et Bruno Marielle et d’une scénographe, Karen Guibert), Marion Carcano va conduire ce projet de main de maître. Le résultat est unanimement apprécié et le portrait dressé de cette société locale est complet. Mais les meilleurs musées et autres maisons du patrimoine peuvent s’assoupir vite sur leur exposition permanente. C’est donc dans la politique d’animation de cette institution que se reconnaissent aujourd’hui et la valeur de l’équipe qui la fait vivre au jour le jour et la qualité du projet culturel. Les expositions temporaires ont traité de sujets toujours originaux, les concerts, festivités diverses et autres dégustations se succèdent tout au long de l’année, assurant le renouvellement indispensable de l’offre culturelle sur tout le territoire. Cet ouvrage qui clôt la première décennie est là pour en rendre compte. Tous éléments qui font du Grand Séchoir un équipement majeur dans le paysage patrimonial isérois. Son originalité demeure, tant le patrimoine alimentaire – dernier marqueur de la diversité des cultures régionales de la France – ne dispose pas, ou insuffisamment, d’outils de diffusion à la mesure de sa richesse. La noix, comme les cultures issues de cette production, ont fort heureusement leur « maison ». —5
Visuel : Marie Vallier, Cnossos
2005 De la ferme Gaillard au Grand Séchoir — 2006 Veines et merveilles, le bois de noyer — 2007 Portraits d’ateliers, Alfred Vourey, photographe à Vinay, 1900-1936 — 2008 Le tour du monde en coquille de noix — 2009 Jean Vinay, ma vallée heureuse — 2010 Fragments de cinéma. Reflet d’une collecte de films amateurs — 2011 Voyages à l’intérieur d’une noix D’après « Les voyages d’Hyppolite Podilarius », de Maria Jalibert — 2012 Pisé, entrez en matière ! — 2013 Poucette, d’après H.C. Andersen — 2015 Gourmandises La noix de Grenoble, reine des desserts et des confiseries —
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Vue sur les noyers depuis Vatilieu, Christophe Huret, 2015
10 — Journal « L’histoire d’amour anniversaire de la noix »,/ Titre reportage de l’exposition réalisé par Christophe Huret dans l’intimité des noyeraies pour la muséographie du Grand Séchoir
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12 — quatre « Les Journal saisons anniversaire du noyer » /présentées Titre de l’exposition dans le hall du musée, photographiées par Christophe Huret
Journal anniversaire / Titre de l’exposition — 13
2005
— De la ferme Gaillard au Grand Séchoir « Je suis arrivé tout à coup à une des plus belles vues du monde » Stendhal, Mémoires d’un touriste, 1837
© Marie Vallier, Cnossos
durée. Voilà bientôt dix années que l’on rêvait, au cœur de la noyeraie iséroise, d’une maison qui raconterait l’histoire du pays de la noix de Grenoble et des hommes qui ont fait la renommée de ce fruit mondialement connu, couronné d’une appellation d’origine contrôlée dès 1938 ! C’est chose faite quand le Grand Séchoir ouvre ses portes au public le 12 juin 2005 à Vinay, porté par la Communauté de communes de Vinay, soutenu par le Conseil général de l’Isère, la Région Rhône-Alpes et l’Union européenne. Pour tous les curieux, les touristes de passage, les enfants du territoire, le Grand Séchoir porte la promesse d’une belle rencontre avec les hommes du pays de la noix tournés vers une production devenue essentielle.
nuciculture, tandis que l’alignement des variétés « franquette », « mayette » et « parisienne » renvoie à l’intensification de la culture de la noix de Grenoble. Au détour d’une clairière de coquilles de noix, les noyers du monde entier composent l’arboretum en devenir tandis que les variétés locales anciennes sont rassemblées autour de la « fabrique » du parc destinée à accueillir les groupes scolaires. Depuis le parvis du musée, près du mur en pisé, on découvre les majestueux contreforts du Vercors qui s’imposent face aux coteaux et collines ensoleillés des Chambaran tandis que la plaine du parc est une évocation de la vallée de l’Isère inondée de noyers.
la « civilisation de la noix » Une architecture traditionnelle dans un écrin de verre Lors de son voyage en Dauphiné, Stendhal parcourt le bas Grésivaudan, aujourd’hui dénommé « Sud Grésivaudan ». Il découvre, en passant le petit village de Cras, une vue sur la plaine de l’Isère qu’il compare « aux plus riches paysages du Titien ». Séduit par la beauté de l’Isère qui serpente jusqu’à Grenoble et par la force des montagnes en arrière-plan, il s’étonne de « la force de végétation des champs couverts d’arbres rapprochés, vigoureux, touffus ». L’immense verger de noyers qui recouvre aujourd’hui la plaine de l’Isère suscite toujours l’étonnement et l’admiration. Face aux milliers d’arbres qui s’étendent à perte de vue, comment ne pas être interpellé par ce paysage à ce point façonné par la main de l’homme ? Les nombreuses fermes préservées offrent au regard une multitude de séchoirs à noix, témoignages de l’histoire et de l’activité humaine sur la longue 14 — Journal anniversaire / 2005
Le séchoir à noix constitue le cœur de ce bâtiment rénové. La préservation de son authenticité est pour les architectes une façon d’insuffler l’âme d’une époque et de ses habitants, établissant un lien tangible entre passé et présent. Tout en préservant l’architecture emblématique du pays de la noix, la nouvelle fonction du lieu impose des apports nouveaux comme une entrée visible traitée de façon résolument contemporaine. Ainsi, une grande enveloppe de verre accueille le visiteur dans une harmonieuse continuité avec le parc. Elle rappelle, par sa transparence, l’air qui circulait librement vers le séchoir à noix préservé. Le Grand Séchoir se présente au cœur d’un parc paysager composé par une équipe de paysagistes soucieux de créer un parcours sensible et pédagogique. La vigne et les mûriers racontent l’histoire du pays avant le développement de la
L’aménagement intérieur est à la fois le prolongement du jardin et la mise en valeur de cette bâtisse originale. Il s’inspire des paysages, de la dimension végétale de la noix et du noyer pour accompagner le visiteur dans son parcours. La présence des hommes et de leur environnement économique, social et architectural est omniprésente dans le discours muséographique. Il s’agit bien de rendre compte de la richesse d’une « civilisation de la noix » forgée autour d’une culture spécifique et laissant comme témoignages des coutumes, des savoir-faire, des outils ou un habitat singulier. —
Architecture Miléna Stéfanova et Bruno Marielle (Design et Architecture), paysage Jean-Claude Dubois (ADP), scénographie Karen Guibert, programmation muséographique Marion Carcano, communication/promotion agences Cnossos et Tam’s
Reportage de Christophe Huret sur le Grand Séchoir en activité : l’ancien séchoir à noix conservé et l’espace consacré aux savoir-faire des années 1930 scénographié par Karen Guibert.
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À la rentrée 2003, le vaste chantier de réhabilitation de la « Maison du Pays de la noix » démarre sous la houlette des architectes Miléna Stéfanova et Bruno Marielle, accompagnés par l’économiste Christian Teypaz. Peu à peu, les espaces agricoles de l’ancienne « ferme Gaillard » cèdent la place à une architecture contemporaine qui préserve les matériaux traditionnels, tout en faisant une large place au verre et au métal. Une année durant, le photographe Christophe Huret suit le chantier de travaux pour garder la mémoire de ce lieu en mutation, valoriser la dimension patrimoniale du projet et conserver la trace des gestes des hommes engagés dans ce chantier dans l’exposition temporaire « De la ferme Gaillard au Grand Séchoir ».
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2006
— Veines et merveilles, le bois de noyer
© Sylvain Barbier
l’histoire du mobilier français. Dès le milieu du XVIIe siècle et jusqu’à la fin du XVIIIe, alors que l’ébénisterie parisienne connaît son heure de gloire, Thomas, Pierre, Jean-François et Christophe-André Hache réalisent à Grenoble des meubles d’une qualité et d’une diversité extraordinaires. La ronce de noyer est magnifiée dans les pièces de marqueterie tandis que les commodes, armoires, et secrétaires réalisés en noyer massif révèlent la beauté des veines du bois.
Finesse de grain, teinte mordorée striée de veines sombres et chaudes, le noyer est un bois d’œuvre remarquable. En lui consacrant sa première exposition temporaire, le musée présente au public quelques-unes des exceptionnelles réalisations des ébénistes Hache conservées au Musée dauphinois et raconte l’histoire, moins connue, des scieurs de noyers et artisans ambulants du pays de la noix. HACHE, ébénistes à Grenoble Le bois de noyer, présent en bord de chemin dans les basses vallées de l’Isère bien avant le développement de la nuciculture, a connu avec les ébénistes Hache une mise en œuvre exceptionnelle qui a fait référence dans 18 — Journal anniversaire / 2006
À partir du milieu du XVIIIe siècle, le mobilier se diversifie dans les intérieurs ruraux. Dans la région, « bonnetière » et « homme debout » en bois de noyer semblent avoir été des formes particulièrement répandues. Pièce maîtresse dans la dot de la fiancée, l’armoire fait son apparition dans les fermes aisées, supplantant le simple coffre de bois. Sa fabrication plus complexe impose de la commander ou de l’acheter à un artisan. Aussi l’influence des styles savants y est-elle plus sensible que sur le reste de l’équipement domestique. L’ornementation de l’armoire dauphinoise reste cependant d’une grande sobriété. Scieurs de noyer et artisans ambulants Au XIXe siècle, avec la densification des vergers, de nombreuses scieries voient le jour entre Grenoble et Valence. À Chatte, village proche de Saint-Marcellin, A. Forest décide de mettre à profit la force motrice de l’eau utilisée dans sa foulonnerie en déclin (atelier de traitement des tissus) au profit du sciage de noyers. Dès lors, la vocation de scieurs de noyers coule dans les veines de cinq générations. Le métier est délicat : il faut courir de propriété en propriété pour choisir les grumes, les abattre, les mettre à port de camion et les rentrer en
scierie avant une longue préparation. Mais la qualité du noyer du Dauphiné est reconnue dans toute la France, et plus particulièrement dans le Midi où s’exporte la majorité de la production locale, destinée notamment à la confection du mobilier provençal. Le noyer constitue pour les habitants des basses vallées de l’Isère la ressource principale en bois pour la confection d’un mobilier simple et rustique répondant à des fonctions utilitaires. Ainsi, avec les branches mises de côté, les paysans les plus habiles réalisent euxmêmes les meubles dont ils ont besoin. Mais il existe également des artisans ambulants, qui, tels les colporteurs, effectuent des tournées dans les villages pour fabriquer sur place, à partir du noyer qu’on leur confie, des chaises, tables ou armoires adaptées aux besoins des fermes et au volume des pièces de la maison. Une ressource devenue rare Mais la ressource en bois de noyer s’est tarie dans la région au cours des dernières décennies et la qualité du bois n’égale plus celle des billes du début du siècle. En donnant la faveur à la production de noix, les producteurs ne sont plus en mesure de fournir le bois noble tant prisé. Aujourd’hui, la création de mobilier en noyer consiste bien souvent en la réalisation de meubles en noyer massif qui reproduisent les formes traditionnelles du mobilier régional. Pourtant, le noyer, par la qualité de son placage, par la beauté de sa couleur se prête bien à la réalisation de meubles contemporains aptes à renouveler son image un peu rustique. —
Scénographie Karen Guibert, mobilier Claude Grégory, programmation Marion Carcano
Dans la première moitié du XXe siècle, les noyers sont conduits en haute tige. Les billes de bois de belle taille sont vendues aux scieries et rapportent un revenu considérable aux producteurs.
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Scierie Bourgeat de l’Albenc. Collections privées Famille Forest et les ouvriers de la scierie de Chatte en 1904, 1958 et 1997 — Maquette de la scierie Veyret, à Saint-Quentin-sur-Isère Réalisation par l’atelier maquette du Sud Grésivaudan, 1/120e Spécialisée dans le « pré-débit » de pièces en noyer à destination du Midi de la France, la scierie Veyret est en activité de 1911 à l’été 2005. La raréfaction des billes de belle taille et la moindre qualité de bois de noyers conduits en basse tige a peu à peu rendu le commerce du bois de noyer moins rémunérateur. Les nombreuses maquettes réalisées par l’atelier d’insertion encadré par le talentueux maquettiste-sculpteur Joël Gaillard ont considérablement enrichi les présentations muséographiques du Grand Séchoir.
Portrait de Jean-François Hache, XVIIIe Anonyme, pastel, reproduction Charles Piccardy — Armoire de type « bonnetière », XVIIIe Eybens, Grésivaudan Collection Musée dauphinois, Grenoble — Armoire de type « homme debout », XVIIIe Saint Marcellin Collection Musée dauphinois, Grenoble — Commode Jean-François Hache, 1778 Placage et marqueterie de bois polychromes, marbre, bronze doré
Collection Musée dauphinois, Grenoble Parmi les essences de bois qui composent le décor géométrique « à dés » et le cartouche abondamment fleuri, le noyer est largement utilisé. — Commode Jean-François Hache, vers 1770 Noyer, sapin pour l’intérieur des tiroirs, bronze, marbre Collection Musée dauphinois, Grenoble Ce modèle de commode en noyer de style Louis XV, galbée sur les trois faces et présentant un pied « à pastille » est très représentatif de la production des Hache et connaît de nombreux exemplaires.
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2007
— Portraits d’ateliers, Alfred Vourey, photographe à Vinay, 1900-1936 Alfred Vourey, horloger-bijoutier de métier, aménage un atelier de prise de vue dans l’arrière de sa boutique de la Grande Rue de Vinay. L’utilisation de plaques de verre enduites de gélatino-bromure d’argent facilite la pratique de la photographie et offre à l’horloger de nouvelles perspectives pour son commerce. Malgré la place secondaire de cette activité, Alfred Vourey reste cependant celui qui, de 1900 à 1936, favorise l’introduction de la photographie dans la vie des individus et de la collectivité.
1900-1936
d’atelier
Cnossos / © A. Vourey
© Marie Vallier, Cnossos
PORTRAITS
ALFRED VOUREY
PHOTOGRAPHE À VINAY
30 JUIN 2007
22 JUIN 2008
VINAY ISÈRE FRANCE
Louis Rony, instituteur à la retraite demeurant à Vinay, sauve de la destruction une collection de plaques de verre en provenance de l’atelier d’Alfred Vourey, horloger-bijoutier-photographe installé dans la grande rue commerçante de Vinay dès la fin du XIXe siècle. C’est l’occasion pour le Grand Séchoir de proposer au public un aperçu de la vie du pays de Vinay. Une sélection d’une centaine de photographies saisies de 1900 à 1936 par l’objectif de ce commerçant, pionnier de la photographie en Sud Grésivaudan, est ainsi révélée dans l’exposition. Le meilleur de soi En 1900, quatre-vingts ans après l’invention de la photographie, une dizaine de studios de photographies sont en activité à Grenoble. Cette même année, 22 — Journal anniversaire / 2007
L’apparition d’un atelier de photographie à Vinay en 1900 permet à une large part de la population locale de se faire photographier. Longtemps réservé à une élite, le portrait se démocratise grâce à la baisse des coûts de production. La photographie devient alors très vite un rite indissociable des moments importants jalonnant la vie familiale, de la naissance au mariage, en passant par la communion, le service militaire pour les jeunes hommes puis le portrait à l’âge adulte. Vêtu de ses plus beaux atours, chacun cherche à donner le meilleur de soi, découvrant, grâce à la photographie, la possibilité de se voir et d’être vu, de laisser une trace indélébile dans l’histoire familiale et dans la mémoire collective. Portraits de groupes Les progrès techniques de la fin du XIXe siècle dotent les photographes d’appareils plus légers au temps de pose très réduit. Après avoir privilégié les portraits familiaux pris dans l’intimité du studio photo, Alfred Vourey saisit au grand jour les orchestres, les équipes sportives, les classes de conscrits ou quelques scènes de travail. Ils témoignent du partage d’une même expérience entre les hommes et les femmes de la communauté villageoise et constituent au-
tant de petits trésors de mémoire pour ceux qui les conservent et les regardent. L’apparition de la pellicule couleur plus complexe à traiter et l’achat d’appareils par les familles sonnent le glas de nombreux petits ateliers au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, favorisant l’installation de photographes professionnels. Alfred Vourey cesse quant à lui ses prises de vue en 1936. Sauvées in extremis de la destruction, ce sont plus de sept cents plaques de verre qui ont été retrouvées en 2006 et confiées au Grand Séchoir. Lors de l’exposition, les habitants du Sud Grésivaudan ont été conviés à venir se reconnaître ou reconnaître un parent, un proche ou un voisin dans cette galerie de portraits qui n’ont pas pu tous être identifiés. Grâce au travail de numérisation réalisé par Christophe Huret et à la complicité des studios photo Faurie de Vinay, ils ont pu refaire tirer le portrait de leurs ancêtres ! Pour garantir la bonne conservation des plaques de verre, la collection est cédée au Musée dauphinois qui, en l’inscrivant dans ses collections, lui assure en outre l’inaliénabilité. Cette collection vient compléter un fonds photographique régional déjà riche de plus de 100 000 clichés qui font régulièrement l’objet de grandes expositions. Quelques clichés d’Alfred Vourey ont d’ailleurs été présentés lors de l’exposition « À l’arrière comme au front, Les Isérois dans la Grande Guerre », consacrée à la commémoration du centenaire de la Première Guerre mondiale. —
Scénographie Karen Guibert, graphisme Noémie Lelievre, numérisation Christophe Huret, programmation Marion Carcano, mobilier Claude Grégory
Dans le studio d’Alfred Vourey, Mélanie Rony, la mère de Louis Rony, pose en pied avec sa sœur et la « cousine Sissi ».
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Les clichés exposés, dont les sujets n’ont pas tous été identifiés, sont présentés dans l’exposition selon huit thématiques : l’enfance ; l’âge d’être soldat ; la famille ; le portrait adulte ; la noce ; les travaux ; les conscrits ; les divertissements.
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10 ans d’expositions au Grand Séchoir - Maison du Pays de la noix
Prix : 15 € ISBN : 978-2-917659-48-9 Dépôt légal : novembre 2015