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Les conséquences sur le pouvoir présidentiel

LES CONSÉQUENCES PRÉSIDENTIEL SUR LE POUVOIR

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affaire du watergate

PAR AMAURY ERNST

Connaissez-vous vraiment le Watergate? Nous avons tous entendu parler de cette affaire mais souvent que de manière parcellaire. Les premiers mots qui nous viennent à l’esprit sont cambriolage, journaliste, informateur, enquête, scandale, enregistrement, démission, etc. Mais, comme le dit l’expression: «Le diable est dans les détails». Le Watergate est un scandale s’étant déroulé en plusieurs étapes et je vais, pour vous, les retracer pas à pas. Dans l’histoire des États-Unis, il représente un moment charnière, tant sur le plan politique que médiatique. À la suite de ce chamboulement, la fonction présidentielle fut nettement touchée et c’est l’une des conséquences des plus intéressantes que je m’attacherai à analyser.

Tout démarra avec un cambriolage au siège du Parti démocrate situé dans l’immeuble du Watergate dans la nuit du 17 juin 1972, en pleine période d’élection présidentielle. La police fut prévenue par un témoin, et en arrivant sur place, elle arrêta les cinq cambrioleurs. Parmi eux, se trouvaient un ancien agent de la CIA et du FBI ainsi qu’un membre du Comité de la réélection du Président Nixon. Une action en justice fut donc lancée par le Comité national démocrate mais le directeur du FBI décida de ne pas pousser l’enquête vers la Maison-Blanche. À la suite de cela, le président finira par annoncer: «The White House had no involvement whatever in this particular incident».

Le monde médiatique prit le parti de ne pas suivre le déroulement de cette histoire à l’exception du Washington Post, lequel choisit de placer sur l’affaire Bob Woodward et Carl Bernstein. Assez rapidement, le duo découvrit les liens entre les cambrioleurs et le Comité de la réélection du Président. Durant l’été 1972, l’enquête piétina mais le Washington Post reçut de l’aide du célèbre mais néanmoins mystérieux informateur dénommé «Gorge profonde». Ce ne fut qu’en 2005 que son identité fut révélée: il s’agissait de Mark Felt, le numéro deux du FBI à cette époque. Il apparut que de nombreux acteurs du scandale étaient reliés, par des paiements, à l’entourage du président Nixon. Les révélations se succédèrent mais n’eurent pas un grand retentissement, en ce qu’elles n’empêchèrent pas Nixon d’être réélu avec une majorité confortable.

Face à cette victoire, la majorité démocrate du Sénat ouvrit une commission d’enquête parlementaire sur les abus commis par les Républicains lors de la campagne électorale. Les hostilités furent alors clairement lancées entre l’administration Nixon et le Sénat. En effet, le président, en raison du principe de la séparation des pouvoirs et de la protection de la sécurité nationale, s’opposa à la commission sénatoriale. À partir d’avril 1973, il y eut tellement de personnes qui commencèrent à en parler que cela engendra des tensions à la MaisonBlanche. Même le directeur du FBI et l’attorney general, le ministre de la Justice, démissionnèrent. En outre, en juillet 1973, les sénateurs apprirent qu’un système d’enregistrements avait été utilisé par Nixon pour archiver toutes les conversations telles que les réunions. Le président refusa de remettre les bandes magnétiques, mais la cour d’appel de Washington lui ordonna leur livraison.

Après des mois de batailles et de manœuvres pour empêcher la remise des enregistrements, le 24 juillet 1974, la Cour suprême prononça à l’unanimité la restitution des bandes magnétiques.

Les audiences du Watergate à la commission judiciaire.

À la suite de l’analyse des 7000 pages de dépositions, la procédure d’impeachment à l’encontre de Nixon put enfin commencer. Celle-ci débuta par un vote de la commission judiciaire suivie par la Chambre des Représentants puis par le Sénat. La cible de toutes ces démarches était bien entendu la destitution de Nixon. Ce dernier sentit le vent tourner en sa défaveur, mais décida malgré tout de continuer à se défendre. Ce ne fut que le 9 août 1974 qu’il démissionna officiellement de la fonction présidentielle. Gerald Ford devint alors président et le gracia pour mettre fin aux procédures. Mais tandis que Nixon fut protégé des poursuites, le scandale du Watergate prit fin dans une suite de condamnations orientées vers les acteurs du cambriolage et ceux qui avaient fait obstruction à la justice.

Si un tel scandale eut de nombreuses conséquences dans bien des domaines. Cette affaire resta fondamentalement liée à la fonction présidentielle. Tout d’abord, l’une des premières conséquences du Watergate – peut-être la plus oubliée mais qui n’en reste pas moins importante – est celle de la perte de prestige de cette fonction. Cela peut paraître secondaire mais c’est, à mon avis, une raison suffisante pour en faire hésiter plus d’un à s’engager dans une campagne électorale. Certes, le rôle de président reste attirant, mais depuis le scandale, ce dernier doit régulièrement rendre compte de son action. En complément, l’affaire du Watergate est un frein aux futures administrations présidentielles ; cette affaire força par exemple à remanier les façons de procéder. Des personnalités moins modérées que leurs prédécesseurs arrivèrent ainsi au pouvoir avec notamment l’instauration de Dick Cheney comme chef de cabinet de la MaisonBlanche. Tout cela dans le but d’avoir un avis plus tranché au niveau décisionnel. De plus, le scandale explosa en pleine période de guerre froide. De mon point de vue, le remaniement politique joua certainement un rôle dans la fin de la détente entre les deux blocs, ce qui provoqua un retour à des tensions internationales.

Une autre grosse conséquence du Watergate reste également le renforcement des contrepouvoirs. En effet, le Congrès en profita pour mettre des barrières à la fonction présidentielle. Le président des États-Unis demeure l’homme à la tête de la plus grande nation mondiale, mais il doit composer avec de nombreux contre-pouvoirs qui le bloquent dans un grand panel de décision. Il est néanmoins évident que c’est un gage de démocratie ; mais dans le cas du président américain, son administration doit bien plus faire face aux contre-pouvoirs que son homologue français. Cela peut se voir notamment par la War Powers Resolution qui limite l’initiative présidentielle dans un cas de conflit militaire, et l’oblige à obtenir l’autorisation du Congrès pour une intervention de plus de 60 jours.

Enfin, la plus évidente des conséquences du scandale est l’impeachment. Cette procédure de destitution représente l’épée de Damoclès au-dessus du président. Le Watergate a permis la démocratisation de l’impeachment. En effet, si un nouveau scandale devait arriver, la procédure serait toujours utilisable. Cela est encore plus flagrant aujourd’hui, avec la récente mise en accusation de Donald Trump. Pourtant, selon moi, une telle menace reste peu efficace. Pour preuve, quatre procédures ont été lancées mais aucune n’a réellement abouti. Malgré tout, les répercussions du Watergate sur la présidence américaine se ressentent encore de nos jours.

Par ses nombreuses conséquences, l’affaire du Watergate traversa le temps, changea la face de l’Histoire et modifia tout le paysage politique américain. C’est ce qui rend ce scandale intemporel. D’après moi, ce fut assez bénéfique. En effet, la situation d’avant pouvait se résumer par une phrase de Nixon issue de sa célèbre interview avec David Frost: «Well, when the president does it, that it is not illegal.» Grâce à ce scandale, la fonction présidentielle doit à présent composer avec bons nombres de contrepouvoirs. C’est à mon sens, une évolution positive vers une démocratie américaine plus saine. 

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