Newsletter n°10 avril 2014

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n° 10 – avril 2014

la

n e w s l e t t e r dc

La lettre d’information de la l d c à Tanger

Paraît chaque mois

Édito

Transmissions Le passé n’est pas ce qui a disparu mais ce qui a fait de nous ce que nous sommes, et ce qui peut encore certainement nous enrichir si nous en avons une réelle connaissance. Que le nouveau numéro de Nejma (la revue que nous éditons) soit notre « coup de cœur » ne relève pas de la forfanterie, plutôt de la fierté d’être un relais, de participer à la redécouverte d’un créateur, Ahmed Bouanani, encore largement méconnu. Un auteur passionné par les arts populaires qui aurait sûrement apprécié son voisinage avec cet autre livre présentant dans toute sa richesse la culture amazigh et les femmes berbères du Maroc. Pourtant, tout est insignifiant, nous soufflerait peut-être Kundera… Sans doute. Sauf le désir de transmettre, ne serait-ce qu’un état d’esprit, ou tout simplement l’esprit.

Coup de cœur

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Beau livre

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Premières lignes

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A hmed B ouanani NEJMA n ° 9 Femmes berbères du Maroc R ue involontaire de S. Krzyzanowski La

de

Littérature

fête de l’ insignifiance

MILAN KUNDERA

& l a sélection de livres du mois : Lit térature, essais…, Edward Said, Edgar Morin… www.librairie-des-colonnes.com

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Coup de cœur

A h m e d B o ua n a n i

Comme Le

n o u v e au n u m é ro d e

par la

Il

la terre sous la pluie NEJMA n ° 9

L i bra i r i e

des

N e jma ,

C o lo n n e s

la r e v u e é d i t é e v i e n t d e para î t r e .

A h m e d B o ua n a n i , sc è n e i n t e ll e c -

e s t e n t i è r e m e n t c o n sacr é à

f i g u r e i n c o n to u r n abl e d e la

t u e ll e m aro ca i n e e t p o u rta n t t ro p s o u v e n t méconnu.

Vers une résurrection Le nom d’Ahmed Bouanani commence à surgir de l’ombre. Nous l’avons déjà évoqué ici même à plusieurs reprises. Son roman, L’Hôpital, le seul N e j m a n ° 9, publié de son vivant, introuvable pendant vingt-trois ans, est de nouveau Ahmed Bouanani, disponible au Maroc (DK éditions) et en France (éditions Verdier) et Comme la terre des traductions en arabe et en anglais sont en cours ; dans le numéro sous la pluie, qu’elle a consacré à la littérature du Maroc, la revue Europe faisait figurer Librairie des Colonnes en bonne place textes de lui et sur lui ; les plus grands musées de par le éditions, 208 p., 100 dh monde montrent de nouveaux ses œuvres cinématographiques : la Tate Modern à Londres, le MoMA à New York, le musée du Jeu de Paume à Paris ; des lectures sont organisées rappelant qu’Ahmed Bouanani était également poète ; La Septième Porte, son Histoire du cinéma au Maroc, restée inédite, va enfin paraître prochainement (chez DK éditions)... De façon discontinue, par touches successives et dispersées, se dessinent ainsi les traits d’un artiste, chercheur, archiviste hors du commun. Ce nouveau numéro de Nejma, coordonné par sa fille, Touda Bouanani, voulait accompagner et prolonger ce mouvement. Pour la première fois, les différentes facettes de l’homme, tout autant dessinateur, romancier, poète, nouvelliste, cinéaste, passionné par les arts populaires trouvent donc place en un seul volume à travers de nombreux documents, entretiens, textes, introuvables voire inédits. Éclairés par des présentations et des analyses d’Ali Essafi, Omar Berrada, David Ruffel, Abdallah Stouky, ils donnent toute la mesure d’un créateur marocain qui aurait du, déjà, devenir un classique. Au sommaire : Touda Bouanani, Mémoire sauvée du feu ; Ahmed Bouanani, La Chronique resplendissante ; Omar Berrada, Le monteur réticent ; M. Hajji, À l’hôpital de la vie ; Ahmed Bouanani, Extraits de L’Hôpital en français, anglais et arabe ; Ali Essafi, La medersa bouanania li cinema maghribia, Ahmed Bouanani, Un cinéma marocain – entretien ; Ahmed Bouanani, Mémorialiste d’un cinéma sans mémoire – entretien ; David Ruffel, Quelques lignes en marge du cinématographe ; Ahmed Bouanani, Mohamed Osfour à la recherche du trésor perdu ; Naïma Saoudi, « Le film national est victime d’un égoïsme maladif » – entretien ; Ahmed Bouanani, La maison des Mokrane ; Ahmed Bouanani, Un homme avec sa sale gueule de Robinson ; Adria Geerz, Photogrammes : fragments et continuité ; Mohammed Khaïr-Eddine,  À propos des Persiennes d’A. Bouanani ; Ahmed Bouanani, Introduction à la poésie populaire marocaine ;  Abdallah Stouky,  La création bifide. + des illustrations, dessins, poèmes, extraits des carnets d’Ahmed Bouanani + un cahier couleur de 20 pages.


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Beau livre

Femmes berbères du Maroc Depuis

le

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m ars , e t j u s q u ’ au

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2014, s e t i e n t à P ar i s u n e e x M aro c . L e l i v r e q u i l ’ acc o m pa g n e ,

j u i ll e t

p o s i t i o n s u r l e s f e m m e s b e rb è r e s d u

r i c h e m e n t i llu s t r é r é u n i t é g al e m e n t u n e n s e m bl e d e t e x t e s sc i e n t i f i q u e s p e r m e t ta n t d e m i e u x c o m p r e n d r e la c u lt u r e e t l ’ art i m a z i g h e n .

Un patrimoine à (re)découvrir Dans son discours du 9 mars 2011, Sa Majesté Mohammed VI, évoquait « la pluralité de l’identité marocaine unie et riche de la diversité de ses affluents, et au cœur de laquelle figure l’amazighité, patrimoine commun de tous les Marocains ». C’est ce patrimoine que ce nouveau livre permet de découvrir ou redécouvrir, de parcourir et de comprendre. Un patrimoine accumulé au fil des siècles par ceux qui sont les plus anciens habitants de l’Afrique du Nord et que les femmes, garantes depuis toujours de la transmission, ont souvent eu à charge de conserver encore vivant aujourd’hui. Ces femmes sont à l’honneur ici à travers des portraits, à travers des savoir-faire et un artisanat mais aussi à travers parures et costumes, toutes choses marquées par une origine, des cheminements qui ont apportés une diversité et une richesse incroyables. C’est tout cela que les photos anciennes ou contemporaines et les peintures présentées nous donnent à voir. L’ensemble des textes écrits par des historiens de l’art, anthropologues, ethnologues, conservateurs de musées, spécialistes en tissage et en linguistique ou bien architectes nous permettent de saisir dans leur complexité, traçant des généalogies, scrutant les techniques, nous aidant à déchiffrer les symboles que l’on retrouve dans le tatouage, le henné, le maquillage, les bijoux, la vannerie, la poterie et la tapisserie. Attirant par la richesse du sujet et la beauté de ses illustrations, le livre retient par la connaissance qu’il apporte et les savoirs qu’il transmet.

Collectif, Femmes berbères du Maroc, préface de Pierre Bergé, Fondation Jardin Majorelle, 192 pages, 350 dh

▲ Femmes Aït Bou Iknifen parées pour un mariage Ouaklim [détail] (© photographie : Mireille Morin-Barde – Coiffures féminines du Maroc, Édisud)


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Premières lignes

de

R ue involontaire Sigismund Krzyzanowski

Un livre nouveau se découvre, chaque mois, à travers ses premières lignes. Ce mois-ci, c’est un roman de Dominique Sigaud, Partir, Calcutta.

À six longs coups de sonnette 4e étage, gauche 4, rue Tverskaïa, ou peut-être 3

J’ai fait votre connaissance en suivant le zigzag de votre escalier étroit et plutôt obscur. Sur la plaque à l’entrée de l’appartement, sur un fond blanc encadré de rouge, figurait votre nom, inscrit tout en bas. Pardonnez-moi, mais je l’ai oublié. Je me souviens seulement que vous, c’est six longs coups de sonnette. C’est déjà une information! Le premier coup de sonnette, de préférence bref, est accaparé par le locataire le plus respectable de l’appartement. En général, un enchef, un homme à cartable. Il n’a pas le temps d’écouter et de dénombrer les sonneries. Dès que le premier coup métallique lui heurte l’oreille, il cesse de compter et retourne à ses chiffres et ses rapports. L’homme aux deux coups de sonnette, lui, n’est pas un être à cartable, mais un adjoint au cartable. Il est respectable grosso modo, il bénéficie d’une ration ipso facto, mais il travaille vingt-quatre heures sur vingt-quatre, qu’il dorme ou qu’il veille. Alors que le locataire aux six coups de sonnette ne compte pas. C’est un homme qui pâtit patiemment. Rien de plus. Et je sais que vous, qui comptez avec patience vos six sonneries, vous êtes si docile que vous tournerez jusqu’au dernier feuillet cette lettre indésirée. Au fond, c’est tout ce qu’il me faut. Être entendu. Voilà comment j’ai contracté cette étrange maladie qu’on pourrait appeler épistolomanie. C’était il y a deux ans, quand la vodka suscitait de longues et soudaines files d’attente, et qu’on nous rendait la monnaie en timbres-poste. Je bois. À cause de quoi ? me demanderez-vous. Un regard trop sobre sur la réalité. Je suis vieux – j’ai les cheveux filasse et les dents jaunasses – et la vie est jeune, donc il faut me laver, comme une tache, m’effacer avec de la vodka. C’est tout. Comment je commence mes matinées? Levé de bonne heure, je vais au croisement et j’attends. Comme un chasseur à l’affût. Assez vite, ou parfois pas vite du tout, d’un côté ou de l’autre du carrefour apparaît une carriole remplie de caisses en bois. Dedans, bien fermé sous du verre et des bouchons, il y a de l’alcool. Je sors de mon immobilité et je suis la carriole, où qu’elle aille, jusqu’à l’arrêt et le déchargement. Voilà qui vous donne l’impression de marcher d’un pas solennel derrière un catafalque portant vos propres cendres. Mais il ne s’agit pas de ça. Il s’agit des timbres, dont on se servait à l’époque pour remplacer la monnaie qui manquait. Que pouvait bien faire un homme vivant à l’écart des autres, loin de tous, avec des timbres ? Ces petits rectangles dentelés et collants destinés à ceux qui communiquent rapprochent leurs cœurs, se collent les uns contre les autres. J’avais accumulé une bonne quantité de timbres. Ils étaient mis de côté, à l’écart, au bout de la table. Et ils voulaient travailler, être compris. Je ne sais trop comment – j’étais à moitié saoul – j’ai séparé leurs dentelures et j’ai décidé (nous autres, les ivrognes, nous ne sommes pas de mauvaises gens) de faire plaisir à un timbre. S igismund K rzyzanowski , Rue involontaire, Verdier, 64 pages, 115 dh. ◄


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La

Littérature

f ê t e d e l’ i n s i g n i f i a n c e de Milan Kundera

I l y ava i t 11 a n s q u e M i la n K u n d e ra n e n o u s ava i t pas o f f e rt u n ro m a n . L’ a n n o n c e d e c e t t e paru t i o n n e p o u va i t d è s lo rs ê t r e q u ’ u n é v é n e m e n t , u n e f ê t e . Q u ’ e ll e s o i t c e ll e d e l ’ i n s i g n i f i a n c e n e d o i t pas n o u s e f f ray e r . « I l fau t a i m e r l ’ i n s i g n i f i a n c e », n o u s d i t K u n d e ra

Contre l’esprit de sérieux Quatre amis se promènent et discutent ensemble. Au jardin du Luxembourg, le long de ses larges allées rectilignes, ils ont de petites conversations, qu’un narrateur un brin ironique nous rapporte. Alain, Charles, Ramon et Caliban ne philosophent pas, ils semblent revenus de tout. S’ils ont un point commun, c’est de ne pas se prendre au sérieux. Ils s’entretiennent de Staline et de son humour, de la mère de l’un qui l’a quitté à la naissance, de l’érotisation du nombril des jeunes femmes, d’une exposition de Chagall qu’un autre aimerait voir sans jamais arriver à pénétrer dans le musée, du monde qu’ils observent et dont parfois ils se jouent… Les sept parties du roman, elles-mêmes divisées en de nombreux chapitres, tous titrés d’une petite phrase toute simple, ne constituent pas à proprement parler une « histoire «. Milan Kundera, pas plus ici que dans ses précédents livres n’entend se faire conteur. À 85 ans, certains pensaient peut-être que l’auteur de L’Insoutenable Légèreté de l’être, qui a scrupuleusement suivi l’édition de ses œuvres complètes, en deux tomes, dans la prestigieuse collection la Pléiade, n’écrirait plus de romans. Il revient pourtant avec celui-ci, une fantaisie qui nous tient par sa désinvolture, une sorte de quintessence de la vision du monde et de la vie distillée dans chacun de ses précédents textes. Un court livre où les questions existentielles se posent sans avoir l’air, où la mélancolie s’oublie dans une simplicité qui n’a rien de factice, ne laissant derrière elle qu’un sourire.

Milan Kundera, La fête de l’insignifiance, Gallimard, coll. « Blanche », 144 pages, 125 dh.

« L’insignifiance, mon ami, c’est l’essence de l’existence. Elle est avec nous partout et toujours. Elle est présente même là où personne ne veut la voir : dans les horreurs, dans les luttes sanglantes, dans les pires malheurs. Cela exige souvent du courage pour la reconnaître dans des conditions aussi dramatiques et pour l’appeler par son nom. Mais il ne s’agit pas seulement de la reconnaître, il faut... apprendre à l’aimer… mon ami, respirez cette insignifiance qui nous entoure, elle est la clé de la sagesse, elle est la clé de la bonne humeur… » (p. 139)

+

R Une émission de France Inter revenait en 2011 sur l’œuvre de Milan Kundera, à l’occasion de la parution de ce qui était alors ses œuvres complètes dans la collection la Pléiade..

R Une courte lecture du début du roman est disponible sur Youtube, sur la chaîne Les lectures de Valériane.


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Entretiens

C o n v e r s at i o n s av e c Ta r i q A l i d ’EDWARD SAID Contre les or thodoxies « Ces conversations au cours desquelles Edward Said s’entretient avec Tariq Ali ont été enregistrées à New York en 1994. Ayant su préserver la saveur de l’oralité, leurs échanges offrent l’occasion rare de voir au plus près s’entretenir deux figures vivant et travaillant en Occident après avoir grandi dans des sociétés et des cultures orientales, et défendant ardemment leur droit à la critique face aux orthodoxies. Ils nous font connaître l’homme, ses origines, son approche de la musique ou de la littérature, sa relation à la Palestine et aux États-Unis, et apportent ainsi un éclairage unique sur ce qui anime la pensée d’Edward Said. Né à Jérusalem en 1936, exilé adolescent en Égypte puis aux États-Unis où il arrive avec sa famille en 1950, Edward Said incarnait la cause de la Palestine en intellectuel engagé. Professeur à la Columbia University de New York, il a bâti une œuvre cohérente, au sein de laquelle L’Orientalisme a connu à sa parution en 1978 un retentissement international et contribué à asseoir la pensée postcoloniale. Edward Said est mort en 2003. » [Présentation de l’éditeur] E dward S aid , Conversations avec Tariq Ali, Galaade éditions, 128 pages, 188 dh.

Entretiens

A u péril des idées d’EDGAR MORIN & TARIQ RAMADAN Les grandes questions de notre temps « Rencontre peu banale : le penseur de la complexité face à l’islamologue réformiste, le descendant de Marranes face au petit-fils du fondateur des Frères musulmans, le juif agnostique engagé pour les droits palestiniens face à l’intellectuel musulman qui dénonce les relais de la propagande israélienne, l’ex-communiste qui dialogue avec Hessel et Hollande face à l’islamologue préféré d’une certaine gauche altermondialiste, le fréquentable Edgar Morin face à l’infréquentable Tariq Ramadan… Loin des clichés attachés à leurs réputations, ce sont surtout deux intellectuels ancrés dans leur époque qui débattent ici de tous les sujets qui les rapprochent ou les éloignent : le conflit israélo-palestinien, l’islamisme et le terrorisme, l’antisémitisme et l’islamophobie, le communautarisme et la laïcité, les droits des femmes, la mondialisation et les révolutions arabes… Mais aussi leur conception de l’éducation républicaine. » [Présentation de l’éditeur] E dgar M orin & T ariq R amadan , Au péril des idées, éditions du Châtelet, 288 pages, 256 dh.


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Sélection

nouveautés

EN BREF

Littérature

Littérature

Essai

Jaouad Mdidech, Vers le large, Marsam, 168 pages, 60 dh.

Mohammed Ennaji, Le Fils du Prophète, La Croisée des Chemins, 216 pages, 85 dh.

Adonis, Printemps arabes, La Différence, 187 pages, 130 dh.

GRAND FORMAT POCHE Entretiens

Essai

Littérature

William Burroughs, Andy Warhol, Conversations, 10/18, 192 pages, 89 dh.

Shlomo Sand, Comment la terre d’Israël fut inventée, Champs Histoire, 424 pages, 125 dh.

Amin Maalouf, Les désorientés, Le livre de poche, 552 pages, 107 dh.


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