ANNEXE II au Texte de synthèse Marc WILMET (2009), dans A. DISTER et al., Penser l’orthographe de demain, Paris, Conseil international de la langue française, p. 8-34
L’accord du participe passé Projet de réforme1 Le mode de pensée qui a généré un problème ne peut être celui qui va le résoudre. (Einstein)
1/Introduction
Les premiers descripteurs du français (Dubois 1531, Meigret 1550, Ramus 1572…) allaient vite rencontrer la problématique de la « convenance » i.e. de l’accord du participe dit « passif » ou « parfait » hérité du perfectum participium latin. Clément Marot versifie dès 1558 les consignes qui, de Vaugelas (1647) à l’abbé d’Olivet (1767), fourniront la trame d’incessantes discussions mondaines, que recueille l’emblématique dictée de Mérimée (1857)2. Au XIXe siècle, la grammaire scolaire (prolongeant Lhomond 1780), exclusivement préoccupée d’orthographe, s’empare du thème pour en faire la pierre de touche de son enseignement. Les choses n’ont guère changé depuis. Les petits écoliers de France, de Navarre et d’ailleurs sont invités d’année en année et de classe inférieure en classe supérieure à maitriser — avec des bonheurs très inégaux — quelques « règles générales » progressivement assorties d’une kyrielle de « cas particuliers »3. Voici pour mémoire les quatre types de participes passés et les sept modèles d’accords qu’expose la doxa. 1
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Document établi dans le cadre de la Commission « Orthographe » du Conseil de la langue française et de la politique scientifique (Communauté française Wallonie-Bruxelles). L’auteur tient à remercier Georges Legros et Dan Van Raemdonck pour leur précieux concours. Sur l’histoire du participe passé, cf. Brunot (1905-1953). Voir le libellé de Marot en n. 13. Exemple de gymkhana lexico-grammatical qu’affectionne Mérimée : « …c'est bien à tort que la douairière, par un contresens exorbitant, s'est laissé entraîner à prendre un râteau et qu'elle s'est crue obligée de frapper l'exigeant marguillier sur son omoplate vieillie. » F. Cavanna, « Du participe passé », dans Mignonne, allons voir si la rose… (coll. du Livre de poche, 123) : « Quand, à l’horizon du cours de français, se lève pour la première fois, nuage lourd de menaces, le participe passé conjugué avec l’auxiliaire avoir, l’enfant comprend que ses belles années sont à jamais enfuies et que sa vie sera désormais un combat féroce et déloyal des éléments acharnés à sa perte. L’apparition, dans une phrase que l’on croyait innocente, du perfide participe passé déclenche, chez l’adulte le plus coriace, une épouvante que le fil des ans n’atténuera pas. Et, bien sûr, persuadé d’avance de son indignité et de l’inutilité du combat, l’infortuné qu’un implacable destin fit naitre sur une terre francophone perd ses moyens et commet la faute. À tous les coups. » Exagéré ? À peine.
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