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Dissociation main/tête

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Conclusion

Conclusion

Dissociation main/tête

Aujourd’hui nous laissons peu de place à l’incrémental : ce qui est construit doit avoir été intégralement dessiné, afin de répondre aux attendus du maître d’ouvrage, aux normes requises et validations de bureaux de contrôle.

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Le plan comme élément de communication graphique est systématiquement effectué à travers l’outil numérique. La conception assistée par ordinateur (CAO) facilite les modifications de projet, cependant elle freine aussi la prise de décision définitive, puisqu’elle permet des modifications infinies : son impact a moins de poids qu’un trait ineffaçable, auquel on réfléchit à deux fois avant de tracer. « Le trait du feutre a un poids »6 comme le revendique Bernard Kohn, tandis que le trait numérique est sans échelle, le zoom sur l’écran peut être infini, nous faisant perdre la vision d’ensemble du dessin. De même, alors que le dessin numérique est une variabilité de donnée, le dessin manuel sort de soi. De ce fait le dessin sur papier a une part d’inconnu : d’après Franck Hahn enseignant en Arts appliqués, le dessin a une part de hasard : « C’est comme la relation entre le conscient et l’inconscient : il y a une part de nous même que nous ne connaissons pas. Quand on dessine, on est parti sur une piste, et si l’on a le regard assez attentif on peut voir dans son dessin des possibilités que nous n’avions pas du tout envisagé. » 7 Ainsi notre créativité aura plus tendance à affirmer une individualité à travers le dessin manuel

6 Rencontre avec Bernard Kohn architecte et Franck Hahn enseignant à Lodève 28/04/21 7 Ibidem qui convie la tête et la main communément. Le projet peut tirer parti de cette forme d'incertitude.

C’est parfois aussi en passant par la maquette, en coupant un morceau de carton, que l’on se confronte réellement aux dimensions, et que l’on trouve les justes mesures de nos édifices. Cela nous permet aussi d’approcher des questions de matérialité au contact de l’existant sur le site de notre projet.

La querelle ingénieur/architecte est également révélatrice de cette dissociation tête/main puisque elle conçoit que l’architecte est chargé de produire un geste artistique, alors que l’ingénieur se charge de répondre à la faisabilité technique de cette idée. Les méthodes de projet leur sont différentes, ce qui conduit à des issues écartées. Il est intéressant de noter que dans d’autres temps les deux compétences n’étaient pas dissociées l’une de l’autre. Comme le traduit Richard Sennett « Telle est l’arrête du problème de la compétence ; la tête et la main sont séparées intellectuellement, mais aussi socialement.». 8 Puisque fondamentalement, le manuel est déclassé. Il subsiste une valorisation des études et des métiers intellectuels (cadres, « grandes » écoles) et une dévalorisation des études et des métiers manuels (ouvriers, CAP).

L’architecte doit pourtant avoir cette double compétence, en passant par une formation avant tout intellectuelle.

8 Richard Sennett – Ce que sait la Main | La culture de l’artisanat - 2008

Projet de S2 à l’ENSAM – plan masse réalisé à la main avant apprentissage de la CAO 9

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