3 minute read

La terre

Next Article
Bibliographie

Bibliographie

18

Cantercel 2020

Advertisement

Mur en pisé réalisé au cours d’une formation Crédits Lise Maruéjouls D’un point de vue environnemental, le réemploi représente une réponse soutenable à la crise de matière que nous connaissons. Pour preuve, le matériau ayant été sauvé du circuit de la benne aura un coût moindre, ainsi qu’un bilan carbone équivalent à celui du transport, mais aussi une énergie grise nulle.

La terre

Cet intérêt à propos de la provenance de la matière fait ressurgir un intérêt pour les matériaux biosourcés, et nous allons nous intéresser à la terre, qui déclassée jusqu’alors connaît un renouveau considérable.

La terre est aujourd’hui un matériau révélateur des savoirs-faire vernaculaires mis de côté qui reviennent au goût du jour face aux enjeux climatiques. Pisé, torchis, BTC, adobes, tant de techniques constructives utilisant les différentes propriétés de la terre à travers le monde. Il y a plusieurs raisons pour lesquelles l’usage de la terre revient au goût du jour en Europe face aux prises de consciences sur les enjeux environnementaux du XXIe siècle : c’est un gisement extrêmement abondant à faible énergie grise, dont les propriétés thermiques sont tout autant remarquables que les propriétés hygiénistes puisque la terre n’a pas d’effet nocif sur la santé, contrairement à bon nombre d’autres matériaux utilisés en conventionnel. Pour autant, de même que pour le réemploi, ces techniques de construction à base de terre demandent plus de temps de main

d’œuvre par rapport aux autres types de constructions conventionnels (briques, béton…).

Le parcours de Sylvie Wheeler, artisane spécialiste des enduits terre crue illustre parfaitement ce phénomène de regain d’intérêt. Elle raconte comment suite à plusieurs événements marquants du XXe siècle, elle décida d’adapter sa pratique en réapprenant des techniques écartées des mises en œuvre conventionnelles.14 Initialement peintre en bâtiment, c’est suite à la crise du pétrole de 1973 puis la crise de l’amiante qu’elle prend conscience de l’impact des matériaux du bâtiment sur nos vies et notre milieu. Lors d’un voyage au Japon elle est séduite par les enduits intérieurs lumineux qu’elle y voit (ignorant alors qu’il pouvait s’agir de terre), et en 1986 elle décide de s’engager dans une pratique durable de son métier. Le savoir-faire de la terre en France est à réapprendre. Elle se forme alors dans ses débuts aux côtés de Acterre par des expérimentations, en recherchant des recettes. C’est ensuite autour de Craterre où elle enseigne, que renaissent les savoirs-faire de la terre et leur transmission. Aujourd’hui elle met en avant le fait que la terre soit réservée à une clientèle aisée à cause de son coût de mise en œuvre, tandis que pour des artisans venus du continent Africain, cela semble impensable de se construire une maison en terre : cela peut être étiqueté comme un retour en arrière. La construction en terre n’est actuellement pas présente au sein de nos enseignements en école d’architecture, ce qui nous demande d’aller nous former de nous même auprès de spécialistes, comme à Cantercel par exemple.

Pourtant, on peut citer l’exemple de l’architecte Whang Shu, lauréat du Pritzker price en 2012 qui a su conjuguer réemploi et pisé à travers son projet de la Wa Shan en 2013. Ayant un fort intérêt pour l’existant dans sa pratique en Chine, il y fait la démonstration que ces deux pratiques peuvent sortir du cadre vernaculaire en les révélant comme des finesses architecturales. Selon lui, « l’architecture en tant que création artificielle n’a de sens que si elle est une transposition de ce qui a été vu par l’homme dans la nature.

»15 Il se pose la question de la quantité mise en œuvre de matériaux, et de la qualité de production. Il n’hésite pas à détourner des processus de l’architecture traditionnelle afin de les réinterpréter ; on y voit la trace de la main qui a appareillé et disposé les différents composants du mur.

14 Entretien avec Marine Dupont architecte & Sylvie Wheeler artisane terre crue 29/04/21 15 Documentaire Arte Architectures – Wa Shan, La maison d’hôtes

This article is from: