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Astereotypie

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Vladimir Cauchemar

Vladimir Cauchemar

l’étonnement astéréotypique

YANN LANDRY KÉVIN GOMBERT

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« Je veux, je dois, je veux être un pacha. » « Vivre soit deux. » « Je t’aime 20 €, tu es tout pour moi. » « J’aime les vaches bretonnes, elles sont bilingues, elles sont mignonnes. » « Je ne veux pas tes 100 vitesses. » « Jeudi 20 janvier 2050. »

De Dvorák à Magma en passant par les Spice Girls, la musique transporte l’âme et le cœur, encore faut-il qu’elle puisse rencontrer son public. Ceci est la mission de chaque groupe. Pour le collectif Astéréotypie, la logique est différente puisqu’il n’a ni plan de carrière ni ambition, et que son album s’intitule Aucun mec ne ressemble à Brad Pitt dans la Drôme dont les textes écrits, par des

«Les gens cherchent des catégories, c’est compliqué d’en trouver pour Astéréotypie.»

autistes, percutent sans fard le réel sur fond de post-punk, joué notamment par deux musiciens de Moriarty. «Quand on s’est regardé à la fin du disque avec mon pote Benoît, le clavier, on était assez satisfaits puis il m’a dit: “En revanche, c’est invendable! ”, on s’est tapé un fou rire. Celui d’avant était plus accessible. Là, les textes sont vraiment singuliers, on a plus axé sur les personnages qui composent le collectif que sur la musique qui en est devenue d’autant plus singulière» explique Christophe L’Huillier, alors éducateur spécialisé autour duquel le collectif s’est progressivement monté pendant ses ateliers d’écriture. «On a commencé à faire des concerts devant le public du champ social. Le directeur de l’institution m’a poussé à faire exister le groupe hors des institutions car il sentait que ce n’était pas là que ça marcherait. Et il avait raison». Pour rencontrer le public, la plupart des groupes surfent sur la vague porteuse du moment, là encore, ce n’est pas le cas. «Les gens cherchent des catégories, et dans le monde ordinaire, c’est compliqué d’en trouver pour Astéréotypie». Tant mieux! Le groupe est à mille lieues de ce que l’on peut entendre partout. C’en est même déroutant, encore faut-il passer le cap d’une écoute du disque, car ce n’est pas un groupe que l’on savoure en fond sonore. « On se disait que ça pourrait plaire à des gens qui aiment une écriture un peu étrange, des objets sonores, des cadavres exquis, mais on ne pensait pas que ça prendrait plus largement. » À tel point qu’au moment de l’interview, Christophe attendait un appel d’un journaliste de Technikart. France Inter parle d’un slam rock libérateur, Politis du beau chaotique, et cela a fait les délices des pointus pointilleux Mowno et Gonzaï. On est encore loin du grand public, mais on dépasse largement le public de niche, à la grande surprise du groupe. « On est très surpris par l’accueil des médias. En général, les gens sont étonnés. On a de la chance, on a toujours du monde à nos concerts, d’autant qu’ils sont précieux, on ne peut pas beaucoup tourner. » S’il n’attendait rien, le groupe a au moins réussi un beau pied-de-nez à une industrie bien trop calibrée. Leur charisme scénique fait le reste. i dfacebook.com/Astereotypie

Aucun mec ne ressemble à Brad Pitt dans la Drôme Air Rytmo

L’Oulipo a été créé par Raymond Queneau pour amplifier le potentiel du langage. Là où des centaines d’auteurs se sont torturés pour créer du neuf, du différent, là où avant eux les auteurs surréalistes prenaient diverses drogues pour se transcender, c’est finalement un collectif d’autistes qui les surpasse sans forcer. «La vie réelle est agaçante» déclament-ils, et ils ont bien raison. Antonin Artaud se damnerait en lisant les textes fulgurants de Claire Ottaway, Yohann Goetzmann, Stanislas Carmont, Aurélien Lobjoit et Félix Giubergia. L’album a le mérite d’exploser notre lecture des textes musicaux comme aucun auparavant, si ce n’est peut-être ceux de Philippe Katerine. À lire conscient.

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