La ville durable : entre idéal et réalité

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Institut d’Urbanisme et d’Aménagement Université Paris IV Sorbonne

2009-2010

La Ville Durable : entre idéal et réalité La Ville Durable : entre idéal et réalité

Laure VICHARD-CORMONT Mémoire de Master Professionnel GAELE Aménagement et Urbanisme sous la direction de Jean GIRARDON et la sous-direction de Jean-Antoine DUPRAT




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Remerciements Ce mémoire n’aurait jamais pu voir le jour dans le soutien actif d’un certain nombre de personnes que je tiens à remercier personnellement. À mon directeur de Recherche Monsieur Jean Girardon et mon sous-directeur Monsieur Jean-Antoine Duprat, qui ont su me laisser la liberté de traiter ce sujet, qui m’ont permis de relativiser la difficulté d’un tel travail et qui enfin m’ont permis de mieux délimiter le cadre d’un sujet qui aurait pu s’avérer inabordable dans le temps imparti compte tenu de la grande complexité du sujet. Ils m’ont permis d’élaborer les bases de ce travail grâce à leurs conseils judicieux, qui m’ont permis de développer mon esprit critique. A Monsieur Luc-Emile Bouche-Florin, sans qui je n’aurai jamais eu l’idée d’écrire sur ce sujet. A l’ensemble du corps professoral du Master GAELE de Paris IV-La Sorbonne, qui m’ont permis d’apprendre mon métier tout en m’épanouissant. À Monsieur Nicolas Cormont, qui a su m’encadrer affectivement et amicalement dans les moments difficiles et sans qui je n’aurais jamais pu écrire toutes ces pages. À Mesdames Sylvie Cormont, Christine Vichard et Aurélie Destrebecq et Monsieur Pascal Vichard, qui ont réalisé un important travail de corrections orthographiques et de synthaxe, et qui m’ont donnée de nombreux conseils de mise en forme. J’exprime ma gratitude à tous les consultants et internautes rencontrés lors des recherches effectuées et qui ont accepté de répondre à mes questions avec gentillesse. Un grand merci à ma famille et mes amis qui ont supporté mes angoisses tout au long de l’écriture de mon mémoire.

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Sommaire Introduction I. La Ville Durable idéale

1. «La» ville durable en définition(s)

a. Approche par les concepts

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Zoom sur un quartier durable : La Courrouze

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b. Approche par les finalités

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Zoom : Le péage urbain de Londres

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2. «La» ville durable en équation

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a. Principes législatifs et réglementaires

Zoom sur la ZAC de Bonne à Grenoble : Grand prix national du Concours EcoQuartier 2009 49

Zoom sur Marseille Euroméditerranée, lauréate de la démarche EcoCité 2009 54

Zoom : Quelles sont les attentes des maires ?

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b. La ville durable à l’épreuve de la diversité

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Zoom : Curitiba, ville «exemplaire» des Suds

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Zoom : Masdar, ville durable vitrine

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Zoom : La Chine sur les traces de la ville durable :Dongtan

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II. La Ville Durable à vivre

1. Ville durable choisie ou ville durable subie ?

a. La question de la densité : un argument qui fait peur

b. Promouvoir l’utilisation des transports en commun

c. La difficile mixité sociale

2. Comment faire la ville durable ?

a. Vers un génie urbain et des constructions durables ?

Zoom : La construction de grande hauteur peut-elle être durable ?

Zoom : La reconversion des friches du quartier Hammarby à Stockholm

Zoom : La première cité universitaire en conteneurs

b. Les instruments financiers «facilitateurs» de projets durables

c. Dépasser le simple argument de vente

3. Comment évaluer la ville durable ?

a. La mise en place d’indicateurs de durabilité

b. La nécessaire évaluation des politiques publiques en matière de développement durable : les Outils de Questionnement et

d’Analyse vis-à-vis des critères de développement durable

Conclusion 8

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Abréviations et sigles BBC : Bâtiment Basse Consommation BREEAM : Building Research Establishment Environmental Assessment COS : Coefficient d’Occupation du Sol DPE : Diagnostic de Performance Energétique EPCI : Etablissement Public de Coopération Intercommunale HQE : Haute Qualité Environnementale LEED : Leadership in Energy and Environmental Design MEEDDAT : Ministère de l’Ecologie, de l’Energie, du Développement Durable et de l’Aménagement du Territoire OCDE : Organisation de Coopération et de Développement Economiques ONG : Organisation Non Gouvernementale ONU : Organisation des Nations Unies OQADD : Outils de Questionnement et d’Analyse vis-à-vis des critères du Développement Durable PVD : Pays en Voie de Développement RER : Réseau Express Régional SNDD : Stratégie Nationale de Développement Durable SRU : Solidarité et Renouvellement Urbain STIF : Syndicat des Transports d’Ile de France TCSP : Transport en Commun en Site Propre THPE Enr : Très Haute Performance Energétique Energie Renouvelable ZAC : Zone d’Aménagement Concerté

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Le développement durable est aujourd’hui récurrent dans les discours politiques et ceux qui concernent l’urbanisme. Cette évolution s’ancre dans une certaine prise de conscience au niveau mondial, ces dernières décennies. L’industrialisation, la croissance continue des villes et les effets négatifs qui en découlent (pollutions, changement climatique…) font découvrir le caractère limité des ressources terrestres. La définition la plus commune du développement durable établit la nécessité d’assurer les besoins de la population actuelle sans compromettre ceux des générations à venir. Elle souligne aussi la nécessité de prendre en compte de façon égale des trois piliers du développement : économique, social et environnemental. Au fur et à mesure des différentes réunions internationales, des principes à respecter dans toute action de développement sont établis et adoptés pour permettre l’application concrète de la durabilité. Il s'agit des principes de précaution, de prévention, de participation, de responsabilité, d’équité, de mixité, de solidarité, de lien intergénérationnel / spatial / temporel… Ces principes prônent tous un changement des modes de vie, d’une croissance quantitative à une croissance qualitative auquel chacun doit participer.

Source : Construire Durable, Ed Le Moniteur

Les trois piliers du développement durable. Source : personnelle

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ans un contexte de rareté des ressources naturelles, de remise en cause des compor-tements humains actuels et passés, il apparaît nécessaire de repenser nos modes de vie. C’est dans ce cadre que le développement durable est apparu et prend chaque jour une dimension et une symbolique nouvelles. Véritable mode aujourd’hui, nous avons de plus en plus de mal à y apporter une définition précise, fédératrice et partagée par tous les hommes dans une optique de protection du patrimoine mondial. Le développement durable est voué à s’étendre sur de nombreuses sphères de notre organisation, et ce dans des délais assez courts. L’aménagement du territoire fait actuellement l’objet de nombreuses réflexions dans le but d’être plus «durable», mais la question est de savoir ce que l’on entend par «durable». Ecoquartiers, constructions HQE, villes durables sont autant d’outils créés pour instaurer un urbanisme durable. S’agit-il d’outils opérationnels ou d’un but à atteindre, d’une table de lois ? (réf : F.Ascher, La République contre la ville, Essai sur l’avenir de la France urbaine. Ed de l’Aube, La Tour d’Aigues). La ville est apparue comme un espace privilégié, de part son emprise sur le territoire mais aussi parce qu’elle accueille aujourd’hui la grande majorité de la population mondiale, dans la mise en application de l’esprit du développement durable. Cependant, la notion de ville durable fait débat. Chaque Etat en a sa vision. Il existe même une opposition entre politiques et scientifiques sur la définition même de cette ville. Comment donner un sens à cette ville, quand personne n’est d’accord sur ce que cette expression doit recouvrir. Courret, Ouallet et Tamru ont écrit que «la ville durable peut être définie comme un discours descendant et à consensus mou entre le développement urbain durable des agendas 21 locaux impliquant de nouvelles formes de planification urbaine intégrées et la vision économiste libérale qui réduit la ville durable à la ville économe». Mais la ville durable ne saurait être réduite à une ville économe. Alors que doit être la ville durable ? Un ville compacte ? Une ville mixte ? Une ville citoyenne ? La notion de ville durable telle que nous la connaissons aujourd’hui est le fruit d’une longue réflexion. L’une des premières initiatives apparaît avec la préparation du somme d’Istanbul Habitat II de 1996. Pourtant, dès 1990, l’Organisation des Nations Unies (ONU), relayée par l’OCDE et la Commission Européenne, ont développé une réflexion sur la ville et l’environnement, à travers la création des réseaux de villes, à l’initiative de l’International Council for Local and Environmental Initiatives (ICLEI, ONU), des colloques et des écrits, comme le Livre Vert, propositions pour améliorer l’environnement urbain, publié par la Commission Européenne. En 1992, lors de la conférence de Rio est rédigé l’agenda 21, à savoir un ensemble de mesures à mettre en place pour garantir à la terre un développement durable. Les pays signataires s’engagent à ce que leurs collectivités adoptent un agenda 21 local. Cet objectif est réaffirmé avec la Charte d’Aalborg (charte des villes européennes pour un développement durable), en 1994. En 1996, se tient la conférence des politiques urbaines, appelées à mettre en place davantage de concertation et de partenariat. La ville durable serait en somme un ensemble de bonnes intentions formulées par les hautes sphères politiques, mais dont les applications et les détournements sont propres à chaque pays, voire à chaque collectivité locale.

Mais le concept de ville durable est-il aussi récent ou simplement repris ? Certaines civili-

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sations n’ont-elles pas construit des villes dans cet esprit de durabilité avant même 1992 ? Les peuples méditerranéens ont créé des villes que l’on pourrait aujourd’hui qualifier de durables, il y a bien longtemps. Les premières villes méditerranéennes étaient des villes denses, compactes, dans lesquelles les urbanistes avaient déjà réfléchi à la croissance démographique et à son éventuel impact sur la ville, mais également à limiter le recours aux ressources naturelles. La ville méditerranéenne dès son origine est une ville participative, où chaque citoyen contribue à sa bonne gouvernance. Les constructions faisaient appel aux matériaux locaux. Le transport et les flux étaient réfléchis et organisés. La ville grecque comme la ville romaine étaient construites autour d’un centre ancien rassemblant les fonctions de décisions et les fonctions commerciales, accessibles par des rues en facilitant l’accès tout en évitant toute congestion urbaine. Certains centres sont devenus par la suite innaccessibles pour les véhicules motorisés, dans le but de préserver leur architecture et en limiter la pollution. Les architectes des villes nord-africaines utilisaient des techniques associant des matériaux (peinture) pour réduire l’effet de la chaleur aux périodes chaudes et au contraire utiliser cette même chaleur aux périodes froides. En Afrique, l’utilisation du bois, des torchis et autres techniques ancestrales ont conduit à la création de villes économes en ressources naturelles. Ainsi on pourrait dire que ces peuples, de part leurs techniques et leurs savois, ont su construire des villes durables, avant même le fondement de ce concept. Ainsi, on peut considérer que la ville durable n’est pas un concept nouveau. La ville durable a une histoire. Il ne s’agit pas pour autant d’un retour en arrière, mais il s’agit d’associer ces techniques ancestrales au progrès moderne pour bâtir des villes plus durables. Ainsi, la ville pourrait être perçue comme le fruit d’un partage de connaissances et de techniques entre les différents peuples de la Terre. Nous avons bien conscience aujourd’hui que nos pratiques urbanistiques sont dépassées. Il faut donc rompre avec notre modèle urbain et limiter notre usage des ressources non renouvelables. La ville est devenue très difficile à gérer. Etalement urbain, dysfonctionnement des réseaux de transports, rareté du foncier, inflaction du coût de la vie pour Los Angeles, exemple type du phénomène d’étalement les urbains, catastrophes naturelles, sont urbain.source : Internet autant d’enjeux auxquelles la ville doit aujourd’hui faire face. L’étalement urbain s’accompagne mécaniquement d’un accroissement de l’approvisionnement en énergie et du développement d’infrastructures, qui augmentent d’autant les pollutions atmosphériques et les émissions de gaz à effet de serre, favorisant du même coup le changement climatique, en somme tout ce qui est contraire au développement durable. La ville continue d’attirer des populations toujours plus nombreuses. Les dernières prévisions de l’ONU estiment qu’en 2030, la population urbaine avoisinera les 5 milliards d’habitants. D’après Alfonso Vegara, «la ville est un territoire qui va devenir un élément de compétition majeur à l’avenir». Pour répondre à la croissance urbaine, il faudrait bâtir une ville nouvelle d’un million d’habitants par semaine.

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Part de la population urbaine dans des régions et pays du monde, en 2003 (en % de la population totale de la région ou du pays)

France 76 %

Asie et Moyen Orient 39 %

Europe 73 %

Maroc 58 %

Afrique 39 %

Vietnam 26 %

Amérique Latine et Caraïbes 77 %

Monde 45 % Ile-de-France 90 %

Source : Fonds des Nations Unies pour la population - UNFPA - 2005 et IAURIF

Taux de croissance urbaine dans des régions et pays du monde, entre 2000 et 2005

France 0,7

Asie et Moyen Orient 2,7

Europe 0,1

Maroc 2,8

Afrique 3,6

Vietnam 3,2

Amérique Latine et Caraïbes 1,9

Monde 2,1 Source : Fonds des Nations Unies pour la population - UNFPA - 2005

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Dans les Pays en Voie de Développement (PVD), la ville est aussi un grand défi. L’essentiel de l’urbanisation échappe à tout contrôle. La majorité des logements qui se construisent, le sont en dehors de tout cadre législatif et réglementaire. Selon Mike Davis, «loin des structures de verre et d’acier imaginées par les générations passées d’urbanistes, les villes du futur seront pour l’essentiel faites de brique brute, de paille, de plastique recyclé, de parpaings, de tôle ondulée et de bois de récupération..., une bonne partie du monde urbain du XXIè siècle Prolifération des bidonvilles à Sao Paulo, Brésil vivra de façon sordide dans la pollution, source : Internet les excréments et la décomposition». BIen qu’alarmant, un tel constat montre que la ville de demain devra répondre à ces maux et limiter le développement des bidonvilles, et donner à chaque individu un égal accès à la ville. Mais la ville fait aussi peur. Tous les modèles de développement observés au cours du XXè siècle apparaissent remis en cause. Jusqu’à présent, l’urbanisation a toujours été liée aux développement économique, mais aujourd’hui il faut revoir tout cela. La ville doit limiter son emprise et se renouveler. Les villes consomment aujourd’hui 4% des terres émergées, mais elles consomment aussi 75% des ressources. L’homme est aujourd’hui perdu dans la ville. Il ne parvient pas à y jouer son rôle de citoyen. Les hommes ont du mal à se lier et à communiquer. La ville a aujourd’hui besoin de nouvelles utopies urbaines. Ainsi on peut se demander si la ville durable ne pourrait pas être l’une de ces utopies urbaines ? Dans un premier temps, il s’agira d’essayer d’apporter une définition de ce concept de ville durable : comment est-elle définit dans chaque pays ? A quoi doit-elle répondre ? Quels doivent être ses principes ? A-t-elle des limites ? La ville durable doit-elle être pensée comme un modèle unique ? Puis dans une seconde partie, nous étudierons la ville durable à vivre. Comment les citoyens peuvent-ils composer avec cette ville ? Qu’en attendent-ils ? Comment la mettre concrètement en oeuvre ? Quel pourrait être son impact ?

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Images virtuelles à Tokyo par le collectif Green Island

I. La Ville Durable idéale I. La Ville Durable idéale

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1. «La» ville durable en définition(s) Aujourd’hui, le concept de «ville durable» est très médiatisé. Il est au coeur de nombreux discours politiques. Son utilisation est très fréquente, mais son sens demeure flou. Il existe en effet autant de définitions que de citations du concept. Mais si l’on peut souhaite rendre la ville durable, faire adhérer le plus de personnes à cette ambition, peut-être serait-il important de définir clairement ce concept pour atteindre l’objectif de la durabilité. Se demander si la ville durable n’est pas une nouvelle utopie urbaine, implique en premier lieu de dépasser ce conflit sémantique. Pour définir le concept de ville durable tel qu’il sera utilisé dans l’ensemble de ce travail, deux approches seront privilégiées : une approche par les concepts et une approche par les finalités.

a. L’approche par les concepts

L’

idée de rendre la ville durable n’est pas une idée nouvelle contrairement à ce que l’on pourrait penser. La pensée urbaine sur le sujet est fournie aujourd’hui, mais son origine est ancrée dans les décénies passées. De nombreux urbanistes se sont d’ores et déjà penchés sur le sujet. Mais jusqu’à récemment, la ville durable n’était qu’une idéologie. Aujourd’hui, on dispose de concepts opérationnels qui permettent de rendre concrètement l’espace urbain plus durable. Jusque là, jamais on n’avait mis en place les moyens nécessaires pour mettre en oeuvre ces diverses idéologies, et c’est peut-être pour cela que l’on a l’impression que le concept de «ville durable» est nouveau. La pensée des urbanistes et autres chercheurs sur le sujet a beaucoup évolué depuis la fin des années 1970. Le concept de «ville durable», tel que nous le connaissons aujourd’hui, est le fruit d’une longue réflexion. Mais qu’est ce que la ville durable aujourd’hui ? Est-ce l’association de fragments de ville appelés écoquartiers ? Oscar Wild a dit : « il faut toujours viser la lune car même en cas d’échec, on atteint au mieux les étoiles.». Ne se retrouve-t-on pas dans la même situation ? L’ambition de rendre la ville durable n’est-elle pas démesurée ? Les écoquartiers sont-ils ces étoiles ?

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Ville compacte et ville écologique : prémisses de la pensée urbaine sur la ville durable Dès la fin des années 1970 émerge pour la première fois l’expression «ville durable». La ville durable est alors perçue comme la ville compacte, reflet de la «volonté exprimée par certains responsables politiques de stimuler la conservation des ressources, particulièrement les énergies fossiles et de minimiser l’impact négatif de l’émission de gaz à effet de serre.» (Burgess, 2000). Le développement de l’industrie automobile à la fin des Trente Glorieuses a accru la mobilité des personnes, et Evolution de la pensée urbaine en de ce fait, a permis aux gens d’habiter plus loin du centre de matière de développement urbain la ville. Ce phénomène, que l’on appelle étalement urbain, touche la grande majorité des villes. durable. Source : personnelle De ce constat émerge alors la ville compacte. Il s’agit de créer une ville où sont rapprochées les différentes fonctions : habiter, travailler, circuler et se divertir. La ville compacte reste une idéologie. Les gens préfèrent habiter loin du centre, dans des espaces où ils peuvent acquérir une maison individuelle, et de ce fait, la banlieue s’étend toujours plus. L’étalement urbain croissant, l’extension des périphéries sont contraires aux principes d’un développement urbain durable. Néanmoins le principe de rendre la ville plus compacte doit rester l’un des objectifs affichés par la ville durable. Dans les années 1990, la ville durable compacte laisse place à la ville écologique. Derrière ce concept, trois objectifs sont mis en avant : - rendre la ville accessible et desservie par les transports en commun - proner une ville dense et attractive - faire une ville verte et ouverte La ville écologique ne se veut durable que sur un aspect environnemental, mais dans le concept de développement durable, il y a trois piliers : l’économie, le social et l’environnement. Qu’en est-il des aspects économiques et sociaux ? La ville durable se réduit-elle à la prise en compte environnementale ? Cela veut-il dire que pour atteindre l’objectif d’une ville durable, il faut réduire ses attentes ? La ville écologique veut donner plus de place à l’environnement, aux espaces verts. Il s’agit pour les urbanistes de réintroduire la nature dans la ville, mais encore faut-il avoir les disponibilités foncières nécessaires, de même que les moyens financiers requis pour leur entretien. Penser la ville durable, uniquement sur le plan environnemental ne suffit pas à en faire une ville durable. Cela semble quelque peu réducteur. La substitution du concept de ville durable à celui de ville écologique a traduit un changement radical dans la perception du phénomène urbain. Il s’est opéré de fait : - de la prise en compte simultanée des dimensions environnementales, urbanistiques, économiques et sociales de l’urbanisation, - de l’attention portée aux effets globaux et à long terme du développement urbain, - de l’approche de la ville comme d’un «environnement spécifiquement urbain et social».

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Bien des villes accueillant d’importantes superficies d’espaces verts ne peuvent pas être qualifiées de villes durables. Paris, New York réservent d’importantes surfaces pour les espaces verts mais ne peuvent pas être qualifiées de villes durables. La ville de Washington est également un exemple type qui vient réfuter l’idée que la présence de nombreux espaces verts n’est pas un critère suffisant pour définir la ville durable. L’habitat dispersé et l’existence de grands axes routiers encouragent une mobilité croissante essentiellement fondée sur l’usage de l’auto- Extrait du plan de la ville de Washington. Source : internet mobile, ce qui ne va pas dans le sens d’un développement urbain durable. De plus, la forte ségrégation urbaine qui marque la ville est aussi un handicap pour être qualifiée de ville durable. Une fois encore, on ne peut réduire la ville durable à la ville écologique, signe que le cheminement vers la ville durable est complexe. Mais face au défi urbain, la nécessité d’instaurer une plus grande durabilité est de plus en plus flagrante. Mais instaurer la durabilité à l’échelle de la ville semble très difficile, aussi, différents pays ont mis en place des politiques plus locales.

L’agenda 21 : premier outil opérationnel pour la définition d’une politique de développement durable Avec la multiplication des atteintes faites à la planète, émerge une vraie prise de conscience mondiale sur le rôle des villes dans ces atteintes. C’est dans ce contexte qu’est organisé le Sommet de la Terre de Rio en 1992. Lors de ce Sommet, l’ensemble des dirigeants prend conscience de la nécessité de réorienter l’urbanisme vers des trajectoires plus soutenables. Pour cela, un outil est mis en place : l’agenda 21, première étape de définition d’une politique de développement durable, à l’échelle Evolution de la pensée ur- de la planète. baine en matière de déve- Cet outil va également être repris à des échelles plus locales : la région, loppement urbain durable. le département, l’intercommunalité voir même la commune. L’Agenda Source : personnelle 21 a besoin d’un fort portage politique mais également d’une forte implication des habitants, des entreprises, de l’ensemble des acteurs locaux. La démarche, fondée sur un diagnostic concerté, va permettre de concevoir un projet stratégique, traduit par un plan d’actions périodiquement évalué et renforcé si besoin. A terme, un Agenda 21 local vise à contribuer au développement durable de la planète en faisant évoluer dans ce sens, les activités humaines déployées sur un territoire. L’Agenda 21 ne s’ajout pas aux politiques déployées sur un territoire. Il s’agit bien davantage d’une

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référence globale pour les politiques publiques sectorielles et l’ensemble des projets sur le territoire. En France, on souhaite promouvoir la démarche d’élaboration des agendas 21 dans les collectivités locales. En juin 2009, la France a adopté une Stratégie Nationale de Développement Durable (SNDD) et s’est engagée à favoriser la mise en place de nouveaux agendas locaux. Aujourd’hui encore, la France affiche un certain retard au regard de ses objectifs fixés.

Schéma de principe du processus d’élaboration d’un Agenda 21. Source : personnelle.

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Les Agendas 21 dans les intercommunalités

Les collectivités disposant d’un Agenda 21 au 30 Avril 2009. Source : agenda21france.org Au 30 Avril 2009, plus de 372 villes se sont engagées dans une démarche d’élaboration d’agenda 21. Cela reste cependant assez peu au regard du nombre de communes en France. 19 Régions ont élaboré un Agenda 21, bien que les degrés de mise en oeuvre soient très divers. Un peu plus d’un tiers des départements français ont initié un agenda 21. Bien que l’intercommunalité semble l’échelon territorial le plus adapté à l’Agenda 21, peu se sont lancées dans l’élaboration. Force est de constater que les plus grandes intercommunalités n’en n’ont pas.

Quartiers durables et écoquartiers : le développement durable à l’échelle du quartier Parallèlement à la démarche d’Agenda 21, se sont développés des outils «plus opérationnels», les écoquartiers ou quartiers durables. Ces quartiers constituent un véritable laboratoire pour la ville durable. Ils sont le lieu d’expérimentation des nouvelles idées de l’urbanisme. Evolution de la pensée urbaine Il existe encore une fois de nombreux débats sur la définition à apen matière de développement porter à cet outil. Pour certains urbanistes, il ne faut pas amalgamer urbain durable. Source : personnelle

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les deux expressions car elles ne désignent pas la même chose. L’écoquartier (ou éco-quartier) est un projet urbain présentant des efforts dans le domaine environnemental. Le quartier durable est également un projet urbain mais se préoccupant davantage des aspects sociaux et économiques. Par souci de simplification, les deux expressions seront utilisées sans distinction de sens, car après tout, l’écoquartier et le quartier durable doivent prendre en compte l’ensemble des aspects du développement durable : le social, l’économique et l’environnemental. Les écoquartiers tels que nous les connaissons aujourd’hui sont issus d’une longue réflexion sur le sujet. Dès les années 1980, les urbanistes imaginent des proto-quartiers durables. Il s’agit d’un ensemble bâti restreint situé en périphérie des villes. Mais ce type de projets est totalement pensé sans prendre en compte son environnement support. Dans un premier temps, on conçoit le projet, puis on cherche un lieu pour l’implanter. C’est en Autriche, aux Pays-Bas ou encore en Allemagne que les premiers proto-quartiers durables ont été implantés. Dans les années 1990, les collectivités mettent à profit des évènements urbanistiques exceptionnels pour initier des quartiers durables sur leur territoire. Les Expositions Universelles ou encore les Jeux Olympiques sont des occasions favorables pour initier des démarches en rupture avec les usages courants. Ce fut le cas du quartier Hammarby à Stockholm construit dans la perspective des Jeux OlympiQuartier Hammarby, Stockholm. Source : internet ques. Le quartier durable Kronsberg en Allemagne a été construit dans le cadre de l’Exposition Universelle d’Hanovre en 2000. Le quartier BoO1 de Malmö a été construit dans le cadre de l’Exposition Européenne de l’éco-construction de 2007. Ces quartiers sont des opérations de démonstration pour les techniciens et pour les responsables locaux. Dans le milieu des années 1990, émerge le quartier durable tel que nous Quartier BoO1, Malmö. Source : internet le connaissons aujourd’hui. Il s’agit davantage d’un projet de dimension modeste, s’inscrivant dans des durées plus longues. Ils doivent tenter de répondre à des enjeux globaux (climat, biodiversité, empreinte écologique...) et locaux (resserrement urbain, bien être environnemental en ville, nouvelles formes de mobilité et de proximité, mixité sociale...). Ces quartiers sont caractérisés par la concentration de méthodes et de dispositifs écologiques : - réduction des émissions de gaz à effet de serre, par la multiplication des moyens de déplacements doux (tramway, vélo, covoiturage...) - amélioration de l’écoulement des eaux pluviales, et parfois de la récupération (baisse de la rétention, toitures végétalisées, réutilisation des eaux grises à l’intérieur des bâtiments...) - ...

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Ces quartiers visent à concilier : - le respect de l’environnement, - la présence d’espaces naturels, - la proximité des espaces urbains, - l’accès à différentes activités sociales et culturelles.

Utilisation des panneaux photovoltaïques dans l’écoquartier Västra Hamen à Malmö. Source : internet

Projet de toitures végétalisées dans un écoquartier de Lièges. Source : internet

Le quartier durable est aujourd’hui devenu un modèle basé sur la performance environnementale du quartier. Les déplacements des habitants doivent être majoritairement réalisés en vélo ou en transports collectifs. L’énergie doit être autoproduite et économisée. L’eau doit être réutilisée, les déchets réduits et recyclés, la biodiversité encouragée...

Source : internet

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Les quartiers durables ne visent pas seulement la préservation de l’environnement. Des initiatives sont aussi prises en matière sociale. Une attention particulière est portée aux espaces publics et à leurs sécurité. La mixité du peuplement est un objectif de ce type de quartier. On cherche également à mixer les fonctions : les commerces et les équiepements publics sont intégrés dans ce quartier pour minimiser les flux. Les habitants ne peuvent organiser qu’une partie de leur vie à l’échelle du quartier. De plus, tous les problèmes ne se résolvent pas à l’échelle du quartier. Il reste aujourd’hui à passer du quartier durable à la ville durable. Les quartiers durables constituent une réelle avancée vers la définition de la ville durable, à condition de les inscrire dans une politique plus globale et de veiller à ce que ces quartiers ne deviennent pas des enclaves dans la ville. Réduire une politique de ville durable à une politique d’écoquartiers est un non sens. Il paraît indispensable de pluraliser les démarches, en direction, à la fois de la transformation du bâti et des quartiers existants et des nouveaux espaces à urbaniser. La ville durable ne saurait être qu’une succession de quartiers durables.

Représentation populaire de l’écoquartier. Source : internet

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Zoom sur un quartier durable : la Courrouze à Rennes La Courrouze est une ancienne friche militaire et industrielle située sur les communes de Rennes et de Saint-Jacuqesde-la-Lande. Après l’abandon de ce terrain par les industriels locaux (établissements Langlois, Giat Industries et la Société Rennaise de Préfabrication) et par le ministère de la Défense, les deux communes ont confié en janvier 2002 à la communauté d’agglomération Rennes Métropole leur projet d’aménagement. En 2009, ont été achevés les travaux de dépollution et de démolition du site. Dès lors, le projet pilote d’écoquartier a pu voir le jour. Avant d’être un écoquartier, ce projet avait pour objectif de revaloriser cette friche militaire et industrielle pour répondre à la forte demande de logements dans la métropole bretonne. En 2020, 4 700 logements neufs y seront construits, permettant d’accueillir 10 000 habitants. Le programme Localisation du projet. Source : lacourrouze.fr prévoit également la création de 147 000 m² de bureaux, destinés à créer 3 000 emplois pour le secteur tertiaire.

Visage de la Courrouze avant démarrage des travaux. Source : internet Rapidement le projet de Bernardo Secchi et Paola Vigano (urbanistes milanais) a également pris en compte toute les préoccupations environnementales. La réalisation des logements, des commerces et activités laissera tout de même une place importante aux espaces verts (40 hectares sur les 89 hectares urbanisables). Le projet vise à maintenir l’activité agricole locale, favoriser la biodiversité, tout en privilégiant un cadre de vie agréable, créer un lien entre les différents pôles du quartier, structurés autour d’une coulée verte («véritable colonne vertébrale du site»). La Courrouze assurera ainsi une fonction de liaison paysagère entre le centre-ville de Rennes et le site naturel de la Prévalaye, reliant aussi les quartiers limitrophes Cleunay et Pigeon Blanc. En termes de déplacements, les urbanistes ont dessiné un maillage qui permet de se rendre d’un lieu à l’autre du quartier à pied, en traversant les bois par des sentiers ou à vélo par des pistes cyclables (à cet effet, 1 200 vélos vont être mis en libre service dans le quartier). Un bus en site propre et deux stations de métro sont prévus pour limiter le recours à l’automobile individuelle. Un «parc relais» va être aménagé à l’entrée de la ville : un parking lié au réseau de

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transport, permettant de garer les voitures, de prendre le métro, de revenir en vélo. Le projet a également vocation à participer à la densification de la ville de Rennes. On souhaite y développer une densité de type coeur d’agglomération. Le projet prévoit une densité moyenne de 110 habitants par hectares. De plus, la revitalisation de la friche permettra de lutter à l’échelle de l’agglomération, contre l’étalement urbain. La mixité est une des priorités de l’opération : une mixité fonctionnelle, mais aussi une mixité sociale. Le quartier proposera un large panel de formes d’habitat, du studio au T6, de la maison individuelle à l’immeuble, des logements locatifs sociaux, afin de favoriser la mixité sociale et générationnelle. La Courrouze veut attirer une population diverse : actifs, étudiants, familles nombreuses, personnes âgées. De nombreux équipements publics sont intégrés dans la programmation (crèches, écoles, équipements sportifs, maisons de retraite...) et des petits commerces, pour limiter les déplacements. L’ensemble des constructions devra respecter le label Haute Qualité Environnementale (HQE). Ces constructions prévoient également une gestion écologique des eaux, des énergies et des déchets. Un système de stockage des eaux pluviales est projeté via la réalisation de toitures végétalisées. La captation de l’énergie solaire est prévue à l’échelle du quartier, et devrait pouvoir répondre à 40 % des besoins en eau chaude sanitaire. Un ensemble de techniques novatrices (isolation par l’extérieur, pompes à chaleur...) permettront de réduire la consommation d’énergie au minimum de 20 % en dessous de la réglementation en vigueur. La collectivité a su associer les riverains aux différentes phases du projet, ce qui facilite le bon déroulement du projet.

Plan masse général et maquette du projet. Source : lacourrouze.fr

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La ville durable aujourd’hui : prise en compte globale des orientations du concept de développement durable ou synthèse des différentes pensées urbaines ? Les sociétés étant toujours plus urbaines, la question de l’avenir des villes est devenue centrale dans la perspective du développement durable à l’échelle de la planète. Le modèle urbain que nous connaissons aujourd’hui constitue la traduction, en termes d’organisation spatiale Evolution de la pensée ur- et de conception des infrastructures, d’un système de développement baine en matière de déve- construit sur l’illusion de ressources illimitées, ainsi que sur la sous-évaloppement urbain durable. luation systématique de ses impacts sur l’environnement et la santé. Source : personnelle On sait aujourd’hui que les ressources naturelles se raréfient ce qui condamne ce modèle urbain surconsommateur. La nécessité de repenser notre modèle urbain a permis au concept de «ville durable» de revenir sur le «devant de la scène». Mais personne n’a encore pu y apporter une définition. La ville durable représente un autre regard porté sur l’urbanisation et le développement durable, mais pas uniquement d’un point de vue environnemental. Réfléchir à la mise en place de la ville durable implique de se demander comment rendre la ville à la fois «supportable» pour la nature, et l’environnement urbain «supportable» pour l’homme ? La notion de «ville durable» ambitionne de réconcilier le développement urbain et la sauvegarde de l’environnement. Pour cela, il apparaît nécessaire de repenser les pratiques urbanistiques. La ville durable implique de penser la croissance métropolitaine en rupture avec le radioconcentrisme en nappe et sa logique centre-périphérie. Il importe tout autant que la poursuite de l’urbanisation du monde n’entre pas en conflit avec les exigences minimales du développement durable. Un nouveau modèle urbain pour l’avenir est à inventer, un modèle qui doit être réaliste. La ville durable est-elle la ville de demain ? La ville durable est une ville capable de se maintenir dans le temps, de garder une identité, un sens collectif, un dynamisme à long terme. Pour se projeter dans l’avenir, la ville s’appuie sur son passé. Mais se maintenir dans le temps ne veut pas dire immobilisme. Par ailleurs, la durabilité dont l’horizon serait seulement local n’a pas de sens en termes de développement durable, caractérisé par le souci des générations présentes et futures, du local au global. La ville se positionne sur le territoire comme un acteur essentiel du processus de développement durable. La ville durable ne doit être ni un renoncement, ni un remaniement, ni une collection de quartiers réservés à quelques élites, mais un projet urbain cohérent et partagé par tous. Il ne s’agit pas uniquement de repenser la façon de créer de nouveaux quartiers. La ville durable doit également porter une réflexion sur l’existant, car c’est davantage la rénovation de l’existant qui est un enjeu crurial sur le plan énergétique, car les bâtiments anciens sont à l’origine de la majeure partie des déperditions de chaleur. La ville durable est un tout. La mise en place de la ville durable doit permettre de réurbaniser la ville, associer les différentes fonctions «habiter» et «travailler» au sein d’un même espace, relier les quartiers entre eux, promouvoir une nouvelle citoyenneté, remailler la ville en associant les habitants aux processus de décisions. En somme, la ville durable c’est faire autrement.

Mais la ville durable se résume-t-elle à un projet, un horizon ou peut-il un jour s’agir d’une

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réalité ? La ville durable ne peut se faire à coût de normes, car c’est avant tout un état d’esprit, une prise de conscience. Pour la mettre en oeuvre, il faut associer : une forte volonté politique, des compétences techniques (urbanistes, paysagistes, architectes) et une participation active des acteurs de terrain.

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b. L’approche par les finalités our pouvoir être mise en place, la ville durable va devoir faire face à de nombreux P enjeux, mais il faudra également s’entendre sur les objectifs à fixer et sutout, pour qu’elle puisse répondre aux attentes, il ne faudrait pas être trop ambitieux. Mieux vaut réduire ses objectifs pour se donner toutes les possibilités de les atteindre, que d’en fixer trop et risquer de n’en atteindre aucun en diluant notre action. La ville durable doit tout de même répondre à des enjeux majeurs : - la croissance de la population urbaine et l’étalement urbain - l’hypertrophie des villes et la surconcentration de la population - la gestion de l’environnement urbain et le défi climatique - la mixité sociale et fonctionnelle - le défi des villes du Sud

Une ville économe en espace, mais répondant à la croissance urbaine et à la demande de logements Dans un contexte de forte croissance de la population urbaine, et par suite d’une très forte hausse de la demande de logements, la ville est face à des choix difficiles : Comment répondre à cette demande de logements ? Regagner les dents creuses ? Augmenter la capacité d’accueil des différentes formes de bâtis en augmentant la hauteur ? Investir des espaces non urbanisés en périphérie ? Le modèle urbain le plus répondu sur la planète est fortement marqué par le phénomène d’étalement urbain. L’extension des villes par la périurbanisation a paru être une façon privilégiée à titre individuel, de concilier les avantages de la ville et ceux de la campagne. Mais ce modèle urbain a rapidement montré ses limites. La ville a vu sa superficie considérablement accrue, créant d’importants besoins d’infrastructures et une croissance continue de la mobilité des habitants à l’origine d’un fréquent encombrement des grands axes conduisant aux zones d’habitat. Cette extension de la ville a conduit à créer d’importantes fractures dans le tissu urbain. Le modèle de la ville éclatée démontre le caractère non durable de l’urbanisation actuelle, d’autant plus dépassé que le besoin en logements est toujours plus important face à la croissance continue de la population urbaine. Comment répondre à cette forte demande de logements ? Comment faire face à l’explosion démographique sans accroître les surfaces urbanisées, conformément aux principes du développement durable ?

Part des urbains par continent - 19502030. Source : Durand, Martin, Placidi, TörnquistChesnier. Atlas de la Mondialisation. 2007

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Dynamique d’étalement urbain dans la ville de Manille. Source : internet La ville est aujourd’hui la somme de quartiers mal connectés les uns aux autres, créant de réelles fractures pour les habitants et le bon fonctionnement urbain. Il apparaît nécessaire de recoudre les tissus urbains et limiter les effets néphastes du fonctionnement urbain. De nombreuses dents creuses existent dans la ville, constituant de réelles opportunités foncières contribuant à améliorer l’offre de logements. Mais qui dit opportunités foncières dit aussi spéculation et hausse du prix du foncier. Si les prix sont trop élevés, les habitants sont poussés à chercher un logement en périphérie. Il s’agit d’une des principales causes du phénomène d’étalement urbain. Pour diminuer le coût du foncier, il faut réussir à le maîtriser et pour cela il faudrait renouer avec la planification urbaine. Développer durablement l’urbanisation nécessite, avant tout, une meilleure utilisation de la ressource sol. Pour cela, il apparaît nécessaire de densifier la ville, d’aménager les dents creuses pour limiter l’urbanisation de parcelles nouvelles. Il est impératif dans une logique de développement durable de contrecarrer la dillution des espaces urbanisés par le recyclage et l’intensification de l’usage des espaces construits existants, à la condition que cela conduise à la production de logements accessibles à tous les budgets. Ceci n’est possible que si la

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ville dispose d’un zonage stricte qui limite toute extension nouvelle en préservant les zones agricoles et naturelles, mais permettant tout de même de nouvelles opérations d’habitat ou d’activités,

Exemple d’outils pour limiter l’étalement urbain dans un village de la Marne. Source : internet

pour ne pas paralyser la croissance de la ville. Il s’agit bien davantage de canaliser la croissance future de la ville dans des espaces déjà urbanisés voir sous urbanisés. La densification de la ville et la maîtrise du foncier doivent permettre de rendre la ville accessible à tous, mais ne doivent pas conduire à une hypertrophie des villes et à une concentration de la population. Si la densification de la ville semble être une alternative viable à l’étalement urbain, la planification urbaine doit également améliorer les liaisons entre le centre et la périphérie. L’amélioration des liaisons passe par une amélioration de la desserte par les transports en commun. Aujourd’hui, la majorité des déplacements centre-périphérie se fait en véhicule individuel. Si cela peut être expliqué par la défaillance des réseaux de transport, par l’absence de liaisons, la principale raison du nombre important de flux est la préférence de l’homme pour le confort et la rapidité offertes par le transport individuel, ce qui est au contraire au développement durable. La ville durable est donc une ville plus compacte, plus dense qui limitera au maximum l’urbanisation de nouveaux espaces. La prévention de la périurbanisation à venir et l’adaption de celle qui existe figurent malgré tout parmi les défis les plus difficiles à relever en matière de développement urbain durable, parce qu’elles supposent qu’une série d’arbitrages aient été préalablement effectués. La périurbanisation est la résultante de choix politiques et de mécanismes économiques, qu’il n’est pas toujours simple à faire.

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Une ville ayant une consommation énergétique plus responsable La ville durable n’est pas uniquement une ville économe en espace. La ville est aujourd’hui une ville étendue, et il en sera toujours ainsi. Il ne s’agit pas de revenir en arrière, mais bien de composer avec l’existant. Améliorer les liaisons entre les espaces doit être l’un des enjeux prioritaires de la ville durable. La ville durable devra être dotée de réseaux de transports performants, fiables qui permettront à l’ensemble des urbains d’accéder à la ville, car la ville durable se doit d’être accessible à tous. Aujourd’hui, peu de villes disposent de réseaux de transports performants. Beaucoup de villes sont en proie à des encombrements fréquents de leurs axes de transports , qui ont également des répercussions sur la qualité du réseau de transports en commun. Des bus qui ne peuvent pas respecter les horaires, des métros et des RER surchargés et souvent en panne, Paris est l’exemple type de ces difficultés de liaisons. Le réseau ferré francilien est imparfait : beaucoup de retards, matériel défaillant... mais le plus grand problème est l’absence de liaison directe entre les banlieues du fait de la morphologie du réseau ferré francilien et de la convergence de l’ensemble des axes vers Paris. Par conséquent, la durée de certains trajets est dissuasive pour les usagers qui optent alors pour la voiture individuelle.

Encombrements quotidiens du périphérique de Paris. Source : internet

Le métro parisien bondé. Source : internet

Néanmoins de nombreux efforts sont faits pour accroître la performance des réseaux de transports en commun et réduire le trafic automobile : mise en place de lignes de tramway, extensions de lignes de métro, amélioration du cadencement des bus via la mise en place de voies propres, l’augmentation de la capacité d’accueil des RER... Mais ces diverses améliorations ne répondent pas uniquement à la demande des usagers d’avoir des réseaux plus performants, que les transports en commun deviennent une alternative solide à l’automobile, mais aussi à une volonté de promouvoir une Schéma de bus en site en propre. offre de transports plus économe en énergie et surSource : internet tout plus respectueuse de l’environnement. Dans un contexte de raréfaction des ressources pétrolières, le coût de l’usage de l’automobile est croissant. Mais en plus d’être cher, le transport en automobile est très polluant pour l’environnement (pollution de l’air, du sol, bruit, dégradation du bâti...). De nombreuses villes sont touchées par le phénomène de Smog, lui même à l’origine

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du développement de graves troubles respiratoires. La qualité de l’air est sérieusement compromise par l’automobile. Pour palier à cela, certaines villes ont mis en place des politiques pour limiter le nombre d’automobiles : incitation à prendre les transports en commun via le remboursement partiel des titres de transport, mise en place de péages urbains (Londres, Stockholm...). Mais l’économie énergétique ne passe La Chine touchée par le Smog. Source : internet pas uniquement par les transports. Le logement, les activités économiques sont également des forts consommateurs d’énergie. Pour agir sur la consommation d’énergie, il faut intervenir sur tous les points de consommation. Les logements existants sont de forts consommateurs d’énergie, de par leur structure et leur conception. Agir sur ce type de bâti devra être une priorité pour la ville durable, qui permettra de limiter au maximum les déperditions de chaleurs, mais proposera également d’utiliser davantage les énergies renouvelables dites propres, ce qui est permis par les grandes innovations techniques. La ville durable devra être basée, non pas sur les énergies fossiles, mais sur ces nouvelles énergies, encore largement sous-exploitées.

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Zoom sur le péage urbain de Londres Instaurer un péage urbain c’est instaurer un droit de circulation frappant certaines catégories de véhicules automobiles entrant dans le périmètre couvert par le péage. Il s’agit là d’un outil efficace pour maîtriser le trafic automobile dans une ville, et le limiter si besoin. C’est un outil qui a été expérimenté puis adopté dans de nombreuses villes à travers le monde : Oslo, Bergen, Trondheim, Stockholm, Milan ou encore Singapour... Le péage urbain de Lodres a été créé le 17 Février 2003. Il répond dès lors à deux objectifs majeurs : réduire le trafic routier de 15 % et le temps de parcours de 20 à 30 % d’ici 2010. La zone de péage couvre 21 km² du centre-ville de Londres, délimité par le périphérique qui va de Victoria à l’ouest jusqu’au Fenchurch Street à l’Est, et de Elephant and Castle au Sud à King’s Cross au Nord, soit l’équivalent 1,3 % de la superficie du Grand Londres. Le périmètre inclus les principaux centres d’affaires dont la City, les pôles commerciaux (Oxford Street, Carnaby Street, Covent Garden) et de loisirs (West End, Soho). Le coût du forfait pour une journée de 7h à 18h30, du lundi au vendredi, est de 8 livres par véhicule (environ 9,70 €). Les autobus, minibus, taxis, motos, véhicules à carburant alternatif sont dispensés de payer. Les résidents de la zone ont une remise de 90 %.

Source : Transport For London

L’objectif est d’encourager les voyageurs à utiliser les transports en commun ou des véhicules moins polluants. Les études prévoyaient le rabattement de 20 000 voyageurs vers les transports en commun : 15 000 vers les bus et 5 000 vers les trains et les métros. Chaque année, le péage urbain génère 200 à 230 millions d’euros de recettes, auxquels se rajoutent 46 millions d’euros d’amendes (impayés de péage). La majorité des recettes sont inves-

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ties dans les transports publics, notamment pour développer de nouvelles lignes de bus et acheter de nouveaux bus. Les premières estimations montrent que : - le trafic en jours de semaine a diminué de 20 %, mais le trafic en périphérie de la zone est lui en augmentation ; - les bus accueillent 9,5 % de passagers supplémentaires ; - la vitesse des bus aux heures de pointe s’est améliorée de 15 % La mise en place du péage urbain est considéré comme un succès. La ville de Londres a vu son centre-ville se décongestionner peu à peu. En 2005, la ville a lancé une vaste étude pour étendre la zone de péage vers l’Ouest, plan adopté en septembre 2005. Le prix du péage a ainsi augmenté. Le prix du péage pour la journée est de 12 livres (environ 14,50 €).

Source : Transport For London

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Une ville qui prend en compte et respecte son environnement Si ville durable ne signifie pas ville écologique, cette notion ambitionne tout de même de réconcilier le développement urbain et la sauvegarde de l’environnement. La ville durable devra faire face au défi climatique mais également l’anticiper. Nous avons pu le voir précédemment, une ville durable n’est pas forcément une ville qui dispose d’importantes surfaces d’espaces verts. Il ne s’agit pas non plus de dire que la ville durable est un retour aux cités jardins. Mais la ville durable aura pour tâche de valoriser ses espaces verts, d’en limiter la disparition au profit de programmes immobiliers. La ville durable vise à concilier au mieux les désirs de nature et d’espace habitable des urbains. La ville durable est aussi une ville qui saura faire face aux aléas climatiques (réchauffement, inondations, séismes...) par le biais de techniques de construction spécifiques qui lui permettent de se maintenir et de résister au temps. Mais ceci est à mettre aussi en lien avec les origines anthropiques de certains phénomènes. Certaines études attestent que les inondations, les canicules qui ont touchés l’Europe ces dernières semaines sont directement liées au réchauffement climatique, lui même imputable aux activités humaines. La ville durable se doit de prendre en compte ces changements dans son fonctionnement mais doit aussi oeuvrer pour limiter les émissions de gaz à effet de serre imputables aux activités humaines, aux transports... Par ailleurs, la poursuite de l’étalement urbain est fortement préjudiciable pour la ville. Chaque année, on estime, en France, que près de 620 km² de sols naturels ou agricoles sont «artificialisés» (soit l’équivalent d’un grand département tous les 10 ans), ce qui a de lourdes conséquences sur les milieux naturels et la biodiversité, qui ont eux même une forte influence sur la qualité de vie et la santé publique. La ville durable devra assurer la protection des milieux et la qualité de vie, en prenant davantage en compte son environnement. Une fois encore la planification s’avère être un outil efficace et adapté, accompagnée d’un projet politique partagé. Il ne s’agit pas d’imposer mais bien de faire adhérer la population à ce projet.

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Une ville mixte Pour limiter au maximum les externalités négatives dans la ville (augmentation de la pollution, hausse du trafic routier...), la ville durable devra développer encore davantage la mixité fonctionnelle : mettre dans un même espace de vie les activités économiques, l’habitat, les équipements de base et relier les différentes fonctions via un bon maillage des réseaux de transports en commun. La ville durable proposera une mixité des fonctions. On peut concevoir des bâtiments capables d’évoluer selon les besoins. Un immeuble de bureaux pourra facilement se transformer en logements et vice versa. Assurer la mixité des fonctions dans l’espace urbain doit être un des objectifs de la ville durable, qui permettrait de résoudre de nombreux «problèmes» de la ville à l’heure actuelle (congestion, pollution...). Mais la mixité fonctionnelle n’est pas le seul objectif. La ville durable doit pouvoir offrir une qualité de vie en tous lieux et des différentiels moins forts entre les cadres de vie. Cette exigence appelle une mixité sociale et fonctionnelle. La ville durable ne doit pas être réservée à une catégorie d’élites, mais doit être accessible au plus grand nombre. Elle devra offrir à chacun la possibilité de se loger dans ses moyens, en assurant une diversité dans les typologies de bâtis. La mixité sociale et fonctionnelle devra être appréhendée comme une ressource pour la ville et son évolution. La ville durable n’est certainement pas une ville dont est exclue, pour des raisons de coût du logement, une large proportion de classes moyennes et inférieures, de jeunes adultes dont la famille est en cours de constitution, d’étudiants... La ville durable est une ville où il y a une réelle mixité des âges, des catégories sociales, des origines. Sans mixité, la ville ne saurait être durable. L’individu doit être au centre de la ville durable. De plus en plus de personnes sont confrontées aux diverses facettes de la précarité, qui se traduit par de graves difficultés d’accès à certains biens fondamentaux. Pour ces personnes également devra être accessible la ville durable. La ville durable devra oeuvrer pour limiter, voir faire disparaître la ségrégation socio-spatiale qui touche de plus en plus de ville, et privilégier au contraire des espaces mixtes. Pour cela, il est nécessaire de développer dans la ville durable des politiques solidaires et participatives, d’associer les habitants aux processus de gouvernance et à la prise de décisions, car la ville durable doit également répondre aux attentes des habitants. Dans certains pays (notamment les «Pays du Sud»), la ville durable devra également apporter une réponse aux problématiques du logement informel. Si les conditions de vie sont globalement meilleures en milieu urbain que dans les campagnes (taux de pauvreté plus faibles, accès à l’école primaire assuré, services de santé à proximité...), elles restent loin d’être satisfaisantes. En raison des dynamiques démographiques, la pauvreté s’y accroît plus rapidement qu’en milieu rural. En 2005, 37 % de la population urbaine mondiale vivait dans des bidonvilles (51 % en Afrique, 35 % en Asie, 27 % en Amérique Latine). Il y a là un problème de taille pour la ville durale, car la croissance de la ville informelle a des impacts sociaux, économiques et environnementaux.

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Les cinquante premières unités urbaines mondiales. Source : «La folle urbanisation du monde», in Les Echos, 11/08/08, Anne Bauer

Population urbaine et population vivant dans des bidonvilles. Source : ONU

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2. «La» ville durable en équation a. Principes législatifs et réglementaires

S i précédemment, nous avons pu dire que la ville durable ne se fera pas à coup de normes, il ne faut pas nier l’impact de la législation sur l’avancée vers la mise en place de la ville durable. Depuis l’apparition du concept de développement durable, et plus spécifiquement du développement durable urbain, les conférences internationales se sont multipliées, sensibilisant un nombre toujours plus grand de pays et d’acteurs sur la nécessité d’instaurer un nouveau modèle urbain.

Les conférences internationales, initiatrices des politiques nationales et locales

Source : personnelle

Les Sommets de la Terre ont beaucoup contribué à ancrer le concept de développement durable dans les politiques nationales des Pays signataires. La majorité des pays du monde se sont accordés sur la nécéssité de protéger les ressources de la planète, mais ils ont également pris conscience de leurs responsabilités dans les problèmes environnementaux émergents. Lors de la Conférence de Rio, les pays signataires se sont engagés à agir de façon concrète pour que le développement économique n’épuise pas les ressources dont auront besoin les générations futures, mais également à se doter d’un cadre stratégique pour délimiter le contour de son action en faveur du développement durable. Les villes sont les plus grandes des entités capables de gérer les nombreux déséquilibres qui touchent les constructions, la société, l’économie, la politique, l’environnement et les ressources naturelles. De ce constat, ont commencé à être organisées des conférences plus spécifiques : les conférences sur la ville durable.

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source : personnelle

La Charte d’Aalborg, adoptée en 1994 lors de la Conférence Européenne des villes durables, constitue la première grande étape décisive vers la constitution de la ville durable, parce que c’est la première fois que les villes européennes reconnaissent leur rôle dans les atteintes environnementales. Le premier paragraphe de la Charte dit : «Nous comprenons qu’aujourd’hui notre mode de vie urbain, et en particulier nos structures - répartition du travail et des fonctions, occupation des sols, transports, production industrielle, agriculture, consommation et activités récréatives - et donc notre niveau de vie, nous rendent essentiellement responsables des nombreux problèmes environnementaux auxquels l’humanité est confrontée.» Lors de cette première conférence d’Aalborg, on prend conscience que le niveau de consommation des ressources des pays développés est tellement important que ces ressources ne pourront pas satisfaire l’ensemble de la population mais également les générations futures. Les villes ont donc un rôle essentiel à jouer pour faire évoluer les habitudes de vie, de production et de consommation. La Charte préconise de mettre en place des politiques d’aménagement du territoire appropriées, comportant aussi un volet évaluation des effets de toutes les initiatives sur l’environnement. (concentrations urbaines, rénovations des centres, combiner les différentes fonctions...) Le 2 Mai 2007, les ministres en charge du développement urbain des Etats membres de l’Union Européenne rédige la Charte de Leipzig sur la ville durable. La Charte reconnaît que les villes sont également les lieux où se manifeste l’exclusion sociale, les problèmes démographiques et les problèmes environnementaux. Par le biais de cette Charte, les ministres affirment que toutes les instances gouvernantes doivent oeuvrer pour la mise en place des villes durables au sein de l’Union Européenne. Pour ce faire, les ministres préconisent : - de mieux tirer profit des approches d’une politique de développement urbain intégrée, en mettant en place une planication urbaine basée sur un diagnostic préalable, d’associer davantage les habitants dans les processus décisionnels. Il est important que les villes se mettent en réseau pour ne plus traiter les problèmes de façon isolée. - de créer et préserver des espaces publics de qualité. Le patrimoine architectural et urbain est à valoriser autant par les états, les régions et la ville que par les entreprises et les habitants. - de moderniser les réseaux d’infrastructures et d’augmenter leur rendement énergétique - d’accorder un intérêt particulier aux quartiers urbains défavorisés. L’essentiel de ces conférences internationales n’aboutissent qu’à des intentions d’agir et n’ont que trop peu d’impacts sur les enjeux réels. Beaucoup de pays sont d’accord pour dire qu’il faut limiter l’impact de nos modes de vie sur la planète, mais le passage à l’acte est plus long. Prenons par exemple les Etats-Unis. Ce pays a mis très longtemps à ratifier les protocoles, à s’inscrire dans un axe d’ «actions durables» et pourtant il s’agit de l’un des plus gros pollueurs au monde. Les conférences ne sont pas toujours couronnées de succès. La récente conférence de Copenhague

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sur le Climat, organisée en 2009, est un échec. Cette conférence avait pour objet la renégociation, par les chefs d’état et de gouvernements, d’un accord international sur le climat en remplacement du protocole de Kyoto. Mais les participants n’ont pu s’entendre sur un accord contraignant qui aurait eu un réel impact. On peut alors s’interroger sur la réelle portée des conférences et sur la valeur des promesses qui y sont faites.

La réglementation française pour une ville durable

Depuis 2000, les réformes législatives et institutionnelles ont été engagées dans la majorité des pays européens pour intégrer les exigences de développement durable. La France ne fait pas exception. Bien avant 2000, la France a su développer son appareil législatif dans une optique de protection de l’environnement. (loi sur l’Eau, Code de l’Environnement, loi sur les Parcs Nationaux....). La loi Voynet du 25 Juin 1999 a rendu obligatoire l’intégration du concept de développement durable dans TOUS les documents de planification. Entre 2002 et 2003, la France s’est dotée de : - un Ministère de l’Ecologie et du Développement Durable (devenu par la suite le Ministère de l’Écologie, de l’Énergie, du Développement durable et de l’Aménagement du territoire) - un Comité Interministériel pour le Développement Durable - un Conseil national du Développement Durable - une Semaine du Développement Durable. Les différentes réformes, qui ont été opérées en France, ont donné de nouvelles obligations aux collectivités territoriales et favorisent des politiques qui incitent au renouvellement des démarches locales, notamment en termes de développement durable. La France a opté pour un redéploiement des méthodes et des outils de planification et à des partenariats entre collectivités territoriales de niveaux différents. La ville gagne de plus en plus de compétences en matière de développement durable. Mais une fois encore, on peut s’interroger sur l’application et la portée de ces réglements. Le transfert de compétences ne s’accompagne pas toujours de nouvelles dotations financières, nécessaires pour leur bonne application. Les conséquences de notre modèle urbain sur la planète et les accords et conventions que la France a signés, imposent d’approfondir nos lois. C’est dans ce cadre qu’a été organisé le Grenelle de l’Environnement fin octobre 2007.

Source : personnelle

Le Grenelle de l’Environnement constitue une étape importante dans l’histoire encore récente de la ville durable. Il visait à réunir dans un premier temps, lors des rencontres politiques et techniques, sous l’égide du Ministère de l’Ecologie, de l’Energie, du Développement Durable et de l’Aménagement du Territoire (MEEDDAT), les cinq catégories d’acteurs concernés par le développement durable : les collectivités locales, les organisations et syndicats professionnelles, les ONG, les acteurs de la société civile et les Ministères. L’objectif du Grenelle était de faire en sorte que l’ensemble des acteurs contribuent à diviser par 4 les émissions de gaz à effet de serre entre d’ici 2050. D’autres enjeux ont été soulevés : lutter contre les changements climatiques, maîtriser la demande en énergie, agir sur les transports et les déplacements. Le Grenelle a débouché sur une loi de programmation dite Loi Grenelle I, ainsi que sur la définition des modalités d’application de celle-ci, Loi Grenelle II. La ville durable : entre idéal et réalité Laure Vichard-Cormont, Master GAELE Aménagement et Urbanisme, Paris IV Sorbonne

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Source : personnelle

La Loi Grenelle I a été adoptée à la quasi-unanimité par l’Assemblée Nationale le 17 juin 2009, puis en seconde lecture par le Sénat le 2 Juillet 2009, puis définitivement adopté le 2 Août 2009 après examen par une commission mixte paritaire. Plusieurs articles de la loi concernent indirectement ou directement la ville : ils portent sur la réduction des consommations d’énergie des bâtiments (Chapitre I), l’urbanisme (Chapitre II) et les transports (Chapitre III). Par exemple, l’article 12 prévoit dans les zones urbaines et périurbaines une politique durable des transports pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, les pollutions et les nuisances. Si l’objectif de villes durables n’a pas été affiché comme tel (les articles de loi relatifs à l’habitat ne précisent pas leur localisation), on n’en retrouve pas moins le principe d’articuler le volet environnemental (économie d’énergie) et les volets économique et social (réduction de la fracture des ménages modestes bénéficiant d’un logement social). La notion de ville durable semble s’être imposée depuis comme un référentiel de l’action publique. En octobre 2008, la signature avec la FNAU par le Secrétaire d’Etat chargé de l’aménagement du territoire, d’une charte d’engagements réciproques en faveur de la ville durable. Le vote de la loi Grenelle II marque la fin du premier cycle du Grenelle de l’Environnement. La Loi Grenelle II confirme, consolide et concrétise les objectifs fixés par la Loi Grenelle I. La loi Grenelle II ou loi portant engagement national pour l’environnement concrétise les engagements pris et les traduit en obligations, interdictions et permissions. Elle aborde six thèmes principaux : - bâtiment et urbanisme (amélioration de la performance énergétique des bâtiments, modifications du Code de l’Urbanisme) - transports (taxe sur les plus-values immobilières effectives liées à la réalisation d’un élément du réseau de transport collectif) - énergie et climat (synthèse obligatoire des actions prévues pour diminuer les émissions de gaz à effet de serre, création d’un schéma régional du climat, de l’air et de l’énergie) - biodiversité, trames verte et bleue - santé et environnement - gouvernance La Loi Grenelle II permet également un dépassement du Coefficient d’Occupation du Sol (COS). Celui-ci est autorisé pour les constructions remplissant des critères de performances énergétiques ou comportant des équipements de production d’énergie renouvelable. Le dépassement est plafonné à 20 %. Les conditions pour en bénéficier sont : - pour tout bâtiment. Le demandeur du permis justifie que son projet respecte les critères de performances énergétiques correspondant aux lables THPE EnR 2005 ou BBC 2005. Source : ADEME - pour une maison individuelle. Le deman-

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deur s’engage à installer des équipements de production d’énergie renouvelable de nature à couvrir une part minimale de la consommation d’énergie du bâtiment. Dans la loi Grenelle II, il ne s’agit pas spécifiquement de la ville durable. Le Ministère a lanché des appels à projets pour initier des démarches d’aménagement durable, ainsi que le Plan Ville Durable.

Le Plan Ville Durable

Jean-Louis Borloo a présenté et lancé en conseil des ministres le 22 Octobre 2008, le Plan Ville Durable. Ce plan vise à favoriser l’émergence d’une nouvelle pratique de l’urbanisme, de l’aménagement urbain et de la gestion urbaine. La ville est amenée à être un grand acteur dans la durabilité. La ville concentre des enjeux allant de l’étalement urbain à la qualité de l’air, la congestion du trafic routier... Ce plan a pour vocation d’imaginer et de mettre en oeuvre une vision globale de la ville durable, partagée par tous les acteurs concernés. «La ville durable, c’est le défi du 21ème siècle.» (Benoist Apparu, Secrétaire d’Etat chargé du logement et de l’Urbanisme). Les projets EcoQuartier et EcoCité visent à réduire l’impact de l’urbanisme sur l’environnement : consommation d’eau et d’énergie, émission de gaz à effet de serre, matériaux polluants, chantiers toxiques... 160 projets ont été déposés pour l’appel à projets EcoQuartiers, 19 pour la démarche EcoCité.

L’appel à projets EcoQuartiers

Le Grenelle de l’Environnement a confirmé l’attente de la société française pour que des solutions locales d’aménagement durable, à l’échelle du quartier, soient identifiées et mises en oeuvre. «Sous l’impulsion des collectivités locales au moins un écoquartier avant 2012 (en continuité avec l’existant et intégré dans l’aménagement d’ensemble) dans toutes les communes qui ont des programmes de développement de l’habitat significatif. Définir un référentiel pour les écoquartiers.» Ce concours vise à assurer une reconnaissance aux collectivités ayant entamé des démarches exemplaires d’aménagement durable, et à attirer l’attention sur les vertues de ces projets, via l’octroi d’une distinction spécifique. Le Concours permettra chaque année d’enrichir la connaissance de tous sur les projets d’EcoQuartiers, et ainsi de promouvoir une nouvelle façon de construire et d’aménager, conforme aux principes du développement durable. Il s’agit d’une action en faveur de la ville durable.

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Liste des lauréats EcoQuartiers 2009 : Grenoble - ZAC de Bonne (Grand Prix National) / Douzy Les Petites Grèves / Faux la Montagne - Four à pain / Vitteaux - Saint-Germain / Châteaurenard - Vigneret / Claye-Souilly - Bois des Granges / Granville - La Clémentière / Lille et Lomme et Communauté Urbaine Lille Métropole - Les Rives de la Haute-Deûle / Douai, Sin-le Noble et Communauté d’Agglomération du Douaisis - Le Raquet / La Chapelle-sur-Erdre - ZAC des Perrières / Nantes et Communauté Urbaine Nantes Métropole - La Prairie au Duc / Bayonne - ZAC du Séqué / Bordeaux et Communauté Urbaine de Bordeaux - Ginko / Frontignan - ZAC des Pielles / Paris - Fréquel Fontarabie / Cognin et Ville et Communauté d’Agglomération Chambéry Métropole - Villeneuve / Nancy et Communauté Urbaine Grand Nancy - Nancy Grand-Cœur / Strasbourg et Communauté Urbaine de Strasbourg - Quartier durable « Danube » / Garges-lès-Gonesse - Quartier de la Muette / Lyon et Communauté Urbaine du Grand Lyon - Lyon Confluence / Nantes - ZAC Bottière Chénaie / Poitiers et Communauté d’Agglomération de Poitiers - Moulin Apparent / Reims et Communauté d’Agglomération de Reims Métropole - Dauphinot-Rémafer et 12ème Escadre d’Aviation / Ville et Communauté d’Agglomération du Pays de Meaux - Foch Roosevelt - Meaux / Perpignan - Pou de les Colobres / Tourcoing, Wattrelos et Communauté Urbaine Lille Métropole - L’Union - Roubaix / Vichy - Les Rives d’Allier.

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Zoom sur la ZAC de Bonne à Grenoble, Grand Prix National du Concours EcoQuartier 2009 Grenoble s’est engagée depuis plusieurs années dans la voie d’un urbanisme durable. Le projet «ZAC de Bonne» démarre en 2000, et se veut dès le départ une opération exemplaire, un modèle à suivre. Il s’agit d’un projet de reconversion de l’ancien terrain de la caserne. Lancée en 2004, la ZAC de Bonne a des objectifs de très haute qualité environnementale, de très haute performance énergétique des bâtiments associés aux énergies renouvelables. Le projet a également été présenté dans le cadre de l’appel à projets du programme européen s’engageant dans des opérations de qualité urbaine, utilisant des énergies renouvelables et recourant à des stratégies d’efficacité énergétique. «La ZAC de Bonne est une étape dans le parcours de développement écologique de Grenoble», Michel Destot, maire de la ville. A travers cette opération, la ville Plan de Grenoble. Source : ville de Grenoble de Grenoble veut préfigurer la ville de demain : compacte, économe en espace et en énergie, et associer l’ensemble des fonctions urbaines : habitat, économie, espaces publics... La Société d’Economie Mixte SEM-SAGES, où la municipalité est majoritaire, a été désignée comme maître d’ouvrage. C’est Terre-Eco, bureau d’études spécialisé en développement et énergie durable, qui a défini les objectifs du programme, centré autour de l’accessibilité. Les bâtiments, qui seront construits dans le programme, consommeront moins que ce que la réglementation impose. Caserne de Bonne avant l’opération. Source : Performances énergétiques de l’opération : - pour le chauffage : 50 kW/m²/an - pour l’eau chaude sanitaire : 20 kW/m²/an - pour l’électrictié : 15 kW/m²/an

ville de Grenoble

L’opération a été menée dans une logique de concertation permanente. Un cahier des charges très précis et un management fort ont permis d’atteindre les objectifs de départ : mixité sociale et fonctionnelle, qualité de l’accessibilité, développement durable et exigences énergétiques. L’opération ZAC de Bonne à terme. Source : ville de Grenoble

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La ville de Grenoble met en oeuvre ces pratiques sur ses nouveaux chantiers, expérimente de nouvelles méthodes, de nouveaux outils et de nouvelles formes de contractualisation. Le PLU de la ville affiche clairement les objectifs de développement durable, dont prioritairement le renforcement de la mixité sociale. 20 à 30 % de logements sociaux sont imposés à toute opération de plus de 10 logements. L’ensemble des équipes de maîtrise d’oeuvre a bénéficié d’une formation prise en charge par l’Agence Locale de l’Energie et dispensée par la Chambre des Métiers, pour optimiser la durabilité du projet et de son chantier. La ZAC de Bonne permet non seulement de démontrer les performances de l’éco-construction mais de développer le savoir-faire des entreprises grenobloises dans ce domaine, d’où l’implantation dans son périmètre d’un lieu dédié aussi bien à la sensibilisation aux enjeux du développement durable qu’à la formation des corps de métier à des techniques particulières. Ce qui a largement permis à la ZAC de Bonne d’être une réussite, c’est l’expérimentation préalable menée sur la ZAC Vigny-Musset en 2001. Laboratoire d’idées, cette opération a permis de tester les systèmes constructifs (isolation par l’extérieur) et l’équipe maîtrise d’ouvrage/maîtrise d’oeuvre. Une charte avait été annexée au compromis de vente pour que le promoteur s’engage à chacune des étapes du projet, à respecter les objectifs, dont la valorisation énergétique. L’ensemble des tests menés sur la ZAC Vigny-Musset ont été repris sur la ZAC de Bonne. La ZAC est localisée sur une opportunité foncière importante en plein centre-ville dans un site de vallée alpine contraint. Ce périmètre a été élargi aux parcelles publiques et privées mutables pour une meilleure insertion urbaine, doublant l’espace à aménager (15 ha). Cet espace est à la jonction d’un quartier du XVème siècle, d’un secteur des années 50 et d’un quartier social des années 80. Les deux premiers quartiers ont une population assez âgée et des ménages de petite taille et catégories sociales plutôt favorisées. Le dernier se distingue par une population plus jeune, des familles et des logements plus grands, jouxtant l’hyper-centre de Grenoble. La ZAC permettra de renforcer l’offre commerciale.

Plan Masse de la ZAC de Bonne. Source : lemoniteur.fr

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La programmation prévoit : - 850 logements, dont 35 à 45 % de logements sociaux - la réhabilitation de 2 bâtiments de caserne de 15 000 m² dédiés aux commerces, loisirs et services avec création de 30 nouveaux commerces - 6 000 m² de bureaux neufs et rénovés - 1 hôtel - 1 école primaire et une cantine scolaire - des logements étudiants - une résidence sénior CCAS et une résidence sénior de logements et services - un bâtiment de bureaux à énergie positive Sur le plan thermique, le programme comprenait 1 500 m² de panneaux solaires thermiques ainsi que 9 petites cogénérations au gaz alimentant les logements et des systèmes de ventilation par double flux. Il préconisait l’utilisation du réseau de chaleur urbain, le rafraichissement du pôle commercial à partir de la nappe phréatique et la gestion des eaux pluviales par rétention et refiltration. Chaque habitant de l’opération a été informé sur les conditions d’usage de leurs logements et a reçu un guide d’utilisation. Un important travail sur les espaces verts a été fait. 3,5 ha des 8,5 ha récupérés pour l’opération sont végétalisés. Les espaces verts jouent un rôle thermique en absorbant la chaleur estivale. Le prix du m² de construction est de 1 600 € contre 1 300 € de coût moyen actuel. Les 100 à 110 € supplémentaires sont imputables aux exigences d’économie énergétique. Le jury du concours EcoQuartier a vu en la ZAC de Bonne un projet exemplaire en termes de développement durable, de vision à long terme, de méthode et de concertation avec les occupants et les divers intervenants. Ce projet illustre l’esprit du Grenelle de l’Environnement. Il a été remarqué pour : - les méthodes de mise en oeuvre du projet, participatives et cohérentes avec l’ensemble de la société civile - la place essentielle des espaces verts et de l’eau - l’importance accordée à la mixité sociale - les performances énergétiques de l’ensemble - le soin apporté à la question de la mobilité et de l’accessibilité - l’attention donnée à la question du traitement des déchets - le souci d’une gestion durable des eaux pluviales et de la nappe phréatique

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La Démarche EcoCités

La démarche EcoCités a pour but de dynamiser la réalisation des projets d’aménagement durable. Elle vise à identifier les agglomérations, qui, en partenariat avec les acteurs économiques, sociaux et institutionnels, se portent volontaires pour initier une démarche novatrice en matière de conception et de réalisation urbaine, et à accompagner les projets les plus aptes à constituer des emblèmes de la ville durable. Les EcoCités devront s’inscrire dans la continuité d’agglomérations déjà existantes et promouvoir des liens étroits, au sens physique et fonctionnel, entre nouveaux et anciens quartiers. Inscrits dans la continuité des projets de territoires environnants, les projets devront s’appuyer sur les outils et les documents de planification existants ou indiquer les orientations et les modalités de leur révision. La Démarche EcoCité a fixé un premier ensemble de critères : situées dans une aire urbaine significative (plus de 100 000 habitants), les villes candidates doivent faire preuve d’une ambition de croissance soutenue (augmenter la population de plus de 30 % dans les communes de plus de 50 000 habitants au sein de l’aire urbaine, dans un horizon maximal de 20 à 25 ans), au sein d’un cadre institutionnel abouti (projet réalisé dans l’aire d’influence d’un EPCI, compétent en matière de documents d’urbanisme ou en voie de l’être). L’enjeu est d’assurer une croissance soutenue tout en organisant cette croissance de façon soutenable.

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Les villes lauréates de la démarche EcoCité. Source : MEEDDM Liste des lauréats EcoCité 2009 : Bordeaux - Plaine de Garonne / Rennes - Quadrant Nord-Est / Strasbourg/ Kehl - Métropole des Deux-Rives / Plaine Commune - Terre de partage et d’innovation urbaine / Montpellier - De Montpellier à la mer / Nantes - St Nazaire - Eco.Métropole : construire la ville autour du fleuve / Metz Métropole - EcoCité 128 / Clermont-Ferrand - EcoCité Clermont Métropole / Grenoble - Grenoble EcoCité / Marseille - Marseille Euroméditerranée / Nice - EcoCité Nice Côte d’Azur / Territoire de la Côte Ouest - La Réunion - EcoCité insulaire et tropicale / Pays Haut Val d’Alzette - EcoCité Alzette Belval.

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Zoom sur Marseille Euroméditerranée, lauréate de la démarche EcoCité 2009 Le projet Euroméditerranée, porté par l’EPA Euroméditerranée, est une grande opération de renouvellement urbain localisée dans le centre-ville de Marseille. L’opération a pour objectif de transformer la ville en faisant vivre 30 000 nouveaux habitants sur 170 ha (source : www.euromediterranee.fr), en transformant une zone pauvre et polluée en une ville au cadre de vie agréable et accessible à tous. Avec l’extension de l’Opération d’Intérêt National Euroméditerranée, opération lancée en 1995, les promoteurs du projet souhaitent engager une réflexion nouvelle sur un urbanisme durable méditerranéen, qui donnera à Marseille un rôle de métropole majeure d’échanges entre l’Europe et la Méditerranée. Le site du projet présente de nombreuses contraintes. Il se joue de l’interface entre la ville et le port, et vise à revaloriser une situation stratégique en entrée de ville, aujourd’hui occupée par de vastes emprises d’infrastructures routières et de friches ferroviaires. Le projet Euroméditerranée ambitionne de répondre aux besoins économiques et sociaux Source : www.euromediterranee.fr de Marseille. Le projet, lauréat de la démarche EcoCité, cherche à inventer et expérimenter un modèle méditerranéen de ville durable, exemplaire autour de la Méditerranée. Euroméditerranée a été conçu comme un projet de développement durable, qui ambitionne de recréer la ville sur la ville, sans consommer de nouveaux espaces.

Source : www.euromediterranee.fr

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Les ambitions du projet devrait prochainement être inscrits dans une charte. En cours d’élaboration avec l’appui d’un large réseau de partenaires, la Charte de l’Aménagement et du Développement Durable d’Euromed va influencer l’ensemble des aménagements sur le périmètre. De par sa localisation, les attentes ne seront pas les mêmes que celles d’autres projets. Les projets à venir devront mieux prendre en compte les spécificités climatiques et culturelles de la méditerranée. De par l’ensoleillement de Marseille, il semble inutile de mettre en place des procédés et moyens technologiques coûteux, en utilisant les «ressources naturelles» (soleil, vent) ce qui fait diminuer les coûts de production de bâtiments économes en énergie. Par exemple, le parc urbain prévu le long du ruisseau des Aygalades ne sera pas seulement une coulée de nature, mais aussi le moyen de contenir naturellement les crues du cours d’eau en cas d’orage. Le projet intègre des objectifs de mixité sociale et fonctionnelle, et une réduction de la présence automobile. Les objectifs du projet sont : - Etendre le centre-ville vers le Nord en liaison avec les quartiers périphériques - Promouvoir le rayonnement métropolitain - Assurer la mutation de ce secteur dégradé en créant un quartier attractif assurant la mixité fonctionnelle, sociale, générationnelle, et en diversifiant les modes de transports - Traiter l’interface entre la ville et le port

Source : www.euromediterranee.fr

La programmation prévoit sur les 480 ha de l’opération : - 18 000 logements - 1 000 000 m² de bureaux et activités - 60 ha d’espaces verts et d’espaces publics - 35 000 emplois - l’accueil de 38 000 habitants Le projet représente un investissement global de 7 milliards d’euros.

Le 4 Novembre 2009, le projet Euroméditerranée a obtenu le label EcoCité.

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Quelles sont les attentes des maires ? Les élus locaux plébiscitent massivement la ville durable, et sont demandeurs d’informations et de financements pour la mettre en place. Les maires sont très sensibilisés aux enjeux de la ville durable. L’Observatoire 2010 des Elus et des Villes Durables a interrogé les maires sur leurs attentes, et surtout sur leur définition du concept de «Ville Durable». S’il s’agit d’un concept positif, les contours de la notion de «ville durable» sont encore flous : près de 82 % des sondés ont entendu parler de projets et d’expériences de villes durables développés en France et à l’étranger, mais la moitié d’entre eux ne savent pas vraiment de quoi il s’agit. Globalement, les élus reconnaissent manquer d’informations sur le sujet. Il s’agira donc de développer des formations, des conférences pour que ces décideurs locaux soient plus à même de promouvoir la ville durable.

Source : General Electric / TNS Sofres

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Source : General Electric / TNS Sofres

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b. La ville durable à l’épreuve de la diversité

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our instaurer une ville durable, il convient que celle-ci prennent en compte le contexte dans lequel elle s’insère, or à chaque ville correspond un contexte. Il s’agit là de la première limite constatée. Chaque contexte est spécifique et requiert des mesures adaptées. Toutes les villes n’ont pas le même climat, la même topographie, la même typologie de peuplement... Certaines techniques expérimentées et promues pour la ville durable, ne peuvent pas s’appliquer à toutres les villes. La ville durable doit s’appuyer sur les ressources locales. Ainsi différents modèles ont émergé à travers le monde, au nord comme au sud de l’Equateur, du fait de la nécessité d’aboutir tous à une ville plus durable. Au Sud, l’urbanisation se caractérise par l’apparition de grandes métropoles pluri-millionnaires, un phénomène qui ne cesse de s’amplifier d’années en années. Demain, les Pays du Sud concentreront la majorité des plus grandes agglomérations mondiales. La réorientation de ce mouvement vers une situation d’équilibre entre le Nord et le Sud ne semble pas être à l’ordre du jour. Les mégapoles, énormes conurbations de plus de 20 millions d’habitants se développent en Asie, en Amérique Latine et en Afrique. Cette forte croissance des zones urbaines a de lourdes conséquences : - en termes de gouvernance et de gestion urbaine - dans le domaine social, en aggravant la pauvreté et les inégalités - développement des taudis, favelas et bidonvilles - développement de l’économie informelle. Ces villes se trouvent encore aujourd’hui dans l’incapacité de répondre à la demande des populations, en termes de logements, d’équipements, de services urbains, d’activités, d’emplois. La surcharge démographique qui pèse sur certains quartiers, conséquence d’une natalité continuellement en hausse et de l’acceuil de nouveaux urbains, est un facteur d’accélération de la dégradation de ces quartiers. En effet, une population plus nombreuse produit davantage d’effluents, plus d’ordures ménagères, plus de déchets, que la ville n’est bien souvent pas en mesure de gérer. Face à cette forte croissance urbaine, le déplacement est un problème pour les citadins, constituant la source de pollution majeure. Comme les services publics de transports collectifs sont défaillants, les transports sont pris en charge par un secteur privé «informel» qui recourt à des véhicules particulièrement polluants du fait de leur âge avancé. Cependant, face à ces nombreux problèmes, les villes du Sud ont commencé à adopter des approches plus durables de la gestion urbaine.

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Curitiba au Brésil, ville durable «exemplaire» des Suds Curitiba, dans le sud du Brésil, au sud-est des grands pôles urbains d’Amérique du Sud que sont Rio de Janeiro et Sao Paulo, prouve depuis longtemps son engagement écologique et sa politique de développement durable. Dès juin 1996, au Sommet mondial des maires à Istanbul, Curitiba fut distingué comme l’une des cités les plus innovantes au monde. Curitiba est la capitale de l’état du Parana. Sa population a rapidement augmenté. En l’espace de 25 ans, sa population a été multipliée par 3. En 2005, la ville abritait 1,8 millions d’habitants, et son agglomération 2,7 millions. Depuis une trentaine d’années, la municipalité de Curitiba a engagé des projets de développement dont certains ont été présentés comme des exemples dans le monde entier. Les principaux axes d’innovation furent la politique de transports, les actions en faveur de l’emploi et l’amélioration du cadre de vie. Depuis 40 ans, l’Institut d’études et de planification urbaine de Curitiba, financé par la municipalité, imagine et pilote les chantiers destinés à améliorer les conditions de vie des habitants. Premier axe de projet, développer l’utilisation des transports en commun pour améliorer la circulation dans la ville. Le système déployé est composé de 221 stations. Les 465 lignes parcourent 570 000 km et transportent 2 millions de passagers par jour. Plus de 85 % des habitants de la ville utilisent les transports en commun. Pour limiter les émissions de dioxyde de carbone, le matériel roulant est régulièrement remplacé. Pour optimiser l’utilisation des transports en commun, des commerces et des services publics ont été implantés à proximité de chaque terminal. Une politique tarifaire attractive est également un argument pour les utilisateurs. La ville a engagé des actions dans d’autres domaines comme le développement des espaces verts et la création de rues piétonnes. La municipalité a créé l’Université Libre de l’Environnement pour diffuser les connaissances et les pratiques environnementales et favoriser des comportements plus respectueux de l’environnement. La moyenne d’espaces verts par habitants est de 50 m² (< à Vue de Curitiba. Source : www.curitiba-pa- 3 m² à Paris). rana.net

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La ville joue de ce cadre de vie pour attirer de nouveaux investisseurs et de nouvelles activités économiques, comme les nouvelles technologies. Mais le modèle urbain de Curitiba commence à montrer ses limites. La ville est aujourd’hui «victime de son succès». Le trafic automobile s’est beaucoup développé, en lien avec la croissance démographique. La circulation des autobus est aujourd’hui de plus en plus paralysée. Aussi les autorités réfléchissent à de nouvelles alternatives, comme la création d’un métro, d’autant plus nécessaire à la veille de la Coupe du Monde de Football en 2014. La municipalité cherche également à maîtriser la pression foncière, notamment en instaurant des avantages fiscaux pour les propriétaires voulant convertir leurs terrains vierges en parcs et jardins publics. Une usine de traitement de déchets est en cours de constuction. Elle sera à même de traiter l’ensemble des 2 400 tonnes de déchets produites chaque jour par les Curitibanos, pour en faire des engrais et des matières premières. Curitiba a pour ambition de devenir une ville verte exemplaire, mais pour cela il apparaît nécessaire de développer sa périphérie pour stopper l’exode rural, notamment en y créant des emplois.

Vue de Curitiba. Source : www.curitiba-parana.net

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Masdar, ville durable vitrine Abu Dhabi a souhaité s’inscrire dans cette optique d’un développement urbain, et a lancé le projet de création de l’écoville de Masdar (source en arabe) dans le désert. Abu Dhabi est le pays qui a la pire empreinte écologique de la planète, mais qui ambitionne aujourd’hui de devenir la capitale du développement durable. Abu Dhabi devient ainsi le premier et le seul pays pétrolier à vouloir consacrer une partie de ses pétrodollars pour créer un avenir durable. La construction a débuté en 2008, et la ville devrait être livrée en 2013.La ville est destinée à accueillir 50 000 habitants, 1 500 entreprises, 90 000 emplois, une université spécialisée dans les énergies renouvelables sur 6,5 km². C’est le cabinet britannique Foster & Paterns qui a imaginé le projet en mettant en avant une approche bioclimatique, des transports à haute efficience énergétique et sans émission de gaz à effet de serre, l’utilisation d’énergies renouvelables. L’objectif est de faire de Masdar une vitrine des énergies propres. Le coût de construction de cette ville est de 15 milliards de dollars. Les plans de la ville Plan masse de Masdar. Source : www.lemoniteur.fr ont été dévoilés au World Futur Energy La ville durable : entre idéal et réalité Laure Vichard-Cormont, Master GAELE Aménagement et Urbanisme, Paris IV Sorbonne

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Summit, le 21 Janvier 2010. Pour devenir la première ville 100 % écologique, c’est à dire une cité écologique capable de fonctionner sans émission de gaz carbonique et sans production de déchets, la ville va être construite selon un plan compact afin de faciliter les déplacements, conçue pour tirer parti du vent et de l’ensoleillement du désert, via une orientation Nord-Est au Sud-Ouest. La ville sera carrée et ceinte de murs, qui la mettent à l’abri des vents chauds du désert, avec des ruelles étroites et bordées de cours d’eau. Elle sera protégée des nuisances sonores de l’aéroport d’Abu Dhabi. L’ensemble des constructions seront basses et équipées de panneaux solaires. L’électricité sera générée par des panneaux photovoltaïques. L’air conditionné sera produit via l’énergie solaire. Une usine de désalinisation va être construite, et fonctionnera à base d’énergie solaire, elle approvisionnera la ville en eau. Les espaces paysagers seront arrosés par les eaux usées. Une construction d’une centrale solaire de 100 mégawatts est annexée au projet, représentant un investissement de 350 milliards de dollars. Tout est prévu pour qu’aucun habitant n’aura à parcourir plus de 200 m pour accéder aux commerces et aux services. Le tramway et les systèmes de transports automatisés multiplieront les arrêts pour faciliter la desserte (un arrêt tous les 200 m). A l’heure actuelle, il est prévu d’interdire l’usage de l’automobile dans l’ensemble de Masdar.

Vues de Masdar. Source : www.lemoniteur.fr

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La Chine sur les traces de la ville durable : Dongtan DONGTAN Dongtan était un projet de ville écologique qui devait voir le jour pour l’Exposition Universelle de 2010 à Shanghai. Elle devait être située sur l’île de Chongming, à l’embouchure du Yangzi Jiang au nord de Shanghai. Elle devait s’étendre sur 86 km², et devait abriter 50 000 et 80 000 habitants d’ici 2050. La Société Mixte «Shanghai Industrial Investment Corporation» était en charge du projet, et sa conception était déléguée à la société britannique ARUP. Le projet a été gelé en 2010, bien qu’il existe en Chine, une vraie intention d’avancer dans la conception de villes durables. Il y a au contraire une prise de conscience que la ville, qui représente environ 50 % de la problématique de l’effet de serre, est un facteur important sur lequel il faut agir. Le site choisi était des étendues marécageuses sur la pointe sud-est de l’île, classées réserve naturelle et protégée au niveau international. Il ne s’agit pas d’un site judicieux en termes de conservation des espaces naturels. D’autres projets durables sont initiés en Chine, comme l’éco-village d’Huangayiu ou encore l’éco-ville «Sino Singapore Tianjin Eco-City Project».

Vues de Dongtan. Source : www.shanghai2010.fr/tag/dongtan/

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L’exemple des villes méditerranéennes Se demander si la ville méditerranéenne est une ville durable, c’est se demander tout d’abord ce qu’est une ville durable, mais aussi ce qu’est la ville méditerranéenne ? Aussi, la ville méditerranéenne type n’existe pas. Il existe différents modèles de villes autour du bassin méditerranéen. Si les premières villes méditerranéennes ont été des villes denses et compactes, dans lesquelles les urbanistes avaient déjà en tête l’enjeu de l’eau et de sa gestion, la création de chaleur avec le jeu de peintures appliqués aux bâtiments, un centre ancien aux ruelles étroites totalement inadaptées à l’automobile, on peut aujourd’hui se demander si la ville méditerranéenne peut toujours être qualifiée de durable ?

[Une multitude de modèles urbains méditerranéens] Une première distinction, bien que grossière, est à observer entre les villes du sud du bassin et celles du nord. Le pourtour méditerranéen est caractérisé par la périurbanisation au Nord, l’urbanisation galopante des pays du Sud et de l’Est, mais également par un processus généralisé de littoralisation de l’ensemble du pourtour. On ne peut pas rapprocher le modèle adopté à Valences avec celui du Caire. La rive septentrionale est caractérisée par une forte extension des surfaces urbanisées, avec des formes d’habitat très consommatrices d’espace induisant ainsi des consommations d’énergie préoccupantes. On y constate une forte périurbanisation, une spécialisation fonctionnelle des territoires urbains, une forte dispersion des activités, ainsi qu’un découplage flagrant entre zones d’emplois et zones d’habitats. Les mobilités explosent dans ces espaces, créant de fortes congestions de la circulation et une forte pollution. Les rives méridionale et orientale connaissent également un fort étalement des agglomérations, un desserrement résidentiel des centres villes vers les périphéries, couplés avec une forte croissance démographique et un exode rural toujours présent. La motorisation est forte mais les réseaux de transports en commun ne sont pas suffisamment développés. Mais si on distingue plusieurs modèles urbains méditerranéens, c’est davantage du fait d’une planification plus ou moins développée et appliquée, d’une absence de contrôle de la croissance, de la présence de pouvoirs publics puissants, de la culture locale des différents pays, des moyens financiers dont disposent les villes. Ainsi on peut dissocier 3 modèles : le modèle européen, le modèle africain et le modèle appliqué au Moyen-Orient.

[Une ville méditerranéenne durable ?] Après avoir défini la ville méditerranéenne, on peut alors se demander si la ville méditerranéenne est une ville durable ? C’est une question complexe à laquelle on ne peut répondre oui ou non, mais tenter de modérer sa réponse. La ville méditerranéenne est durable dans le sens où c’est généralement une ville à l’histoire riche, dont les traces sont toujours visibles aujourd’hui. Alep, Le Caire, Tunis sont marquées par leur longue histoire, et les politiques urbaines en place visent à conserver leur caractère typique, leurs particularités, ce qui fait qu’elles sont des pôles culturels et urbains importants aujourd’hui. De nombreuses politiques sont d’ores et déjà en œuvre pour maintenir les centres anciens des villes méditerranéennes, préserver le patrimoine monumental, ou tout simplement le patrimoine urbain de ces villes millénaires. Ces villes ont réussi malgré tout à garder leur identité, et ainsi perdurer. C’est le cas de Beyrouth, Naples, Athènes, Barcelone. Mais de tels projets sont bien souvent des accélérateurs d’attractivité et ne sont pas sans poser problème pour les villes, et dès lors on ne peut plus qualifier la ville méditerranéenne de durable. La ville méditerranéenne a de tout temps attiré de nombreuses populations, et toutes les villes n’ont pas pu répondre à cette attractivité, ce qui a posé des problèmes en terme de congestion urbaine, de logements aussi, des problèmes qui ont trouvé des solutions que l’on ne peut qualifier

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de durable. Ainsi la ville méditerranéenne ne serait pas totalement durable. La croissance démographique continue et incontrôlée dans les villes méditerranéennes a eu pour conséquence un étalement urbain tentaculaire. On pense à la ville du Caire, de Nice, de Tunis… Aujourd’hui, cet étalement urbain est plus que problématique. La pression foncière est d’ores et déjà très forte dans le Bassin Méditerranéen, et les terrains ou éléments bâtis disponibles sont très rares. Bien des villes ne sont plus en mesure de répondre à une demande de logements croissante, si bien que se développe dans les périphéries de ces villes, une ceinture d’habitats illégaux. Ce phénomène touche très largement les rives orientale et méridionale de la Méditerranée. Au Caire, à Tunis, à Alep, à Rabat, la ville est très dense et ne permet pas l’installation de nouveaux arrivants toujours plus nombreux. La ville durable prône une densification du bâti, un renouvellement de la ville, et surtout une ville compacte. Mais comment faire une ville compacte, quand la ville est déjà très densément peuplée, qu’aucune dent creuse n’est recensée ? La ville méditerranéenne a-t-elle les moyens d’appliquer ces concepts de compacité et de densité ? Il y a une forte nécessité de construire de nouveaux logements pour accueillir la population, mais parallèlement il y a une plus forte volonté de conserver l’identité de la ville méditerranéenne. Pour faire face à cette croissance urbaine, et répondre à la question du logement sans pour autant favoriser l’étalement urbain, plusieurs villes ont mis en place une politique de création de villes nouvelles. Cette politique vise à limiter ou plutôt à désengorger la ville. C’est par exemple le cas pour Le Caire, ou encore pour les principales villes du Maroc (Rabat, Casablanca, Tanger, Agadir, Marrakech). Par ailleurs, certains colonisateurs ont fait le choix d’implanter à proximité de la ville traditionnelle, une ville bâti sur le modèle européen (par exemple, le cas au Maroc). C’est ainsi une façon de préserver le caractère original, l’identité de la ville. Mais ce n’est pas une pratique totalement durable : on se trouve à l’opposé des concepts de compacité et de densité, et par ailleurs on augmente encore davantage l’emprise de la ville. Autre conséquence de cette forte croissance démographique et de cet étalement, c’est une forte croissance des mobilités au sein de la ville. Dans un contexte où l’automobile domine toujours les déplacements, il est difficile pour ces villes d’imposer leurs réseaux de transports en commun, d’autant plus quand ceux-ci sont défaillants ou tout simplement insuffisants. En conséquence, nombre d’urbains méditerranéens utilisent leur véhicule individuel, ce qui provoque de fortes congestions du réseau routier urbain, et par conséquent de fortes pollutions. C’est un phénomène qui touche l’ensemble des villes du pourtour méditerranéen : Nice, Marseille, Barcelone, Valence, Le Caire, Alep… Aucune politique ne semble venir à bout de ce problème, pourtant les projets ne manquent pas (tramway, métro, TCSP, bus…). Pour que la ville méditerranéenne soit durable, elle se doit de donner un égal accès à tous ses habitants aux services publics, à l’éducation, au logement, à l’emploi. Les rives méridionale et orientale souffrent également de problèmes spécifiques qui s’ajoutent à tous ceux déjà évoqués. Ces villes ont connu un développement plus récent, un développement encore inachevé, un développement que l’on ne peut entraver, mais qu’il est tout de même nécessaire de contrôler davantage. Le développement de l’habitat illégal a des conséquences néfastes sur l’ensemble de la ville : défaillance du système électrique, pollution des réseaux de distribution d’eau, pollution des sols et des nappes phréatiques, gestion défaillante des déchets.

[Une nécessité de prôner la ville durable méditerranéenne] Il apparaît évident que la ville méditerranéenne n’est pas durable, néanmoins il est nécessaire qu’elle s’oriente sur cette voie. La maîtrise du « phénomène urbain » représente un réel en enjeu en Méditerranée. Historiquement, la population du pourtour méditerranéen a toujours été une population très majoritairement urbaine, et cela tend à s’amplifier. En 2025, on estime que la population urbaine du pourtour méditerranéen représentera 243 millions de personnes, soit environ 100 millions d’urbains de plus qu’en 2000, dont un gros tiers sera concentré dans les agglomérations des régions côtières et dans les grandes métropoles. Autre problème qui se pose, c’est celui de la protection de l’environnement. Le changement cli La ville durable : entre idéal et réalité Laure Vichard-Cormont, Master GAELE Aménagement et Urbanisme, Paris IV Sorbonne

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matique risque d’avoir de multiples impacts sur les rives méditerranéennes : élévation du niveau de la mer, inondations urbaines, dégradation de la qualité de l’air consécutivement à la montée de la température ambiante… Autant d’impacts qui risquent d’amplifier des problèmes existants dans une majorité de villes méditerranéennes. Pour pallier à ces deux enjeux majeurs, il apparaît nécessaire de définir avec tous les partenaires concernés, une démarche articulée autour de ces questions, un point qui est prôné dans la ville durable. Plusieurs outils ont été mis en place ces dernières années pour promouvoir une ville durable méditerranéenne : différents programmes visant une ville méditerranéenne durable (avec la Caisse des Dépôts et Consignations), Plan Bleu... L’objectif est ainsi de prôner des démarches intégrées et exemplaires de développement urbain en proposant une expertise aux pays du pourtour, mais également en renforçant de dispositifs d’échanges et de coopération entre acteurs et opérateurs locaux et nationaux. L’Europe a également développé des programmes similaires assortis de fonds financiers. La maîtrise de l’étalement urbain, l’amélioration du cadre de vie, la dynamisation de l’économie urbaine valorisant le patrimoine et le système de vie méditerranéen sont autant d’enjeux pour la ville méditerranéenne. Il est nécessaire que cette ville renoue avec le modèle méditerranéen mixte et compacte. Il faut donc multiplier les opérations de régénération et de renouvellement urbain, adopter une planification associant transports et aménagements urbains, et valoriser les patrimoines historiques et culturels. Il est important de limiter les impacts sur l’environnement, en renforçant et en développement des transports collectifs non polluants, en limitant la circulation des véhicules individuels dans les centres villes, en réduisant le volume des déchets produits… Ainsi la ville méditerranéenne deviendra une ville durable. De nombreuses villes méditerranéennes se veulent exemplaires et mettent en place des démarches de développement s’inscrivant dans cette perspective de développement durable. Alep avec son programme de réhabilitation du centre ancien et son schéma de développement de la vieille ville font figure d’exemples. Naples a adopté une politique de revalorisation de son centre, une reconversion des complexes industrialo-portuaires en crise par un développement fondé sur ses ressources patrimoniales, culturelles et touristiques. Rabat-Salé travaille à la création d’une coulée verte dans la vallée du Bouregreg et à la mise en place d’un tramway. Le Caire fait également de grands projets pour développer son Grand Caire durable (TSCP, métro, renouvellement urbain, remaniement des villes nouvelles…). Beyrouth veut reconstruire son centre-ville. Faire la ville durable implique des moyens financiers conséquents, et on peut ainsi se demander si toutes les villes méditerranéennes en ont les capacités ? De nombreuses coopérations existent entre les pays européens et les pays du sud du pourtour méditerranéen. Alep, par exemple, s’est associée avec la ville de Lyon et avec l’Allemagne pour mettre en place un plan de déplacement urbain, un agenda 21 et valoriser son centre ancien. En France, des subventions existent pour aider les projets qualifiés de durables. Pour aider les villes méditerranéennes à s’orienter vers un urbanisme plus durable, a été mis en place le « Grenelle du développement durable en Méditerranée » qui vise à accompagner les pays dans leurs projets. Les Jeux Olympiques sont également un atout indéniable pour une plus grande durabilité des villes méditerranéennes : Barcelone et Athènes en sont de bons exemples. Il apparait majeur que les villes méditerranéennes prennent le chemin du développement durable, mais elles ne pourront prendre ce chemin seules, et ont besoin de moyens tant financiers, que techniques ou encore humains. La ville méditerranéenne est encore très loin d’être durable, et ceci est vrai pour l’ensemble du pourtour méditerranéen.

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La ville durable comme modèle unique existe-t-elle ? Il n’y a pas un unique modèle de ville durable. La définition de la ville durable dépend des héritages urbains et des trajectoires suivies par chaque ville. La durabilité se trouve au carrefour des héritages et de l’avenir. La durabilité d’ne ville tient à sa capacité à orienter son développement et limiter les effets dommageables que celui-ci génère sur les populations, les ressources, et les milieux. Aussi on peut en conclure qu’il existe autant de définitions de la ville durable qu’il existe de modèles urbains à l’heure actuelle. Plusieurs villes durables peuvent être imaginées selon les attentes, les idéologies, les cultures, la géographie. Il existe également différents traitements, selon la préexistence de la ville ou non. Prenons par exemple, Paris et Masdar. Si Masdar est destinée à devenir une ville durable, Paris ne pourra jamais suivre le même modèle. En somme, il s’agit avant tout de prendre en compte les spécificités culturelles des villes, sans jamais oublier que la ville durable n’est pas toujours perçue comme une priorité pour tous les dirigeants. La ville durable n’est pas un modèle, mais davantage un projet politique, un idéal, où il convient de penser différemment la gestion urbaine. Les politiques d’habitat, d’urbanisme, de transport et de protection environnementale doivent être concertées et coordonnées, afin de limiter les effets contradictoires que les unes peuvent potentiellement produire sur les autres.

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Images virtuelles de la ville durable Roger Stirk Harbour & Partners

II. La Ville Durable à vivre II. La Ville Durable à vivre

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1. Ville durable subie ou ville durable choisie ? On a aujourd’hui, plus que jamais, conscience de la nécessité de faire évoluer nos pratiques urbanistiques et de faire tendre notre modèle urbain vers quelque chose de plus durable. On a l’impression que l’idée de la ville durable vient des hautes sphères décisionnelles. Mais pour en assurer la bonne mise en place, la ville durable doit faire intervenir l’ensemble des acteurs concernés à commencer par les habitants, car la réussite de la ville durable est fonction de leur implication mais aussi de leur volonté à se plier aux principes de la ville durable. Aussi quelle est la place des habitants dans les processus d’élaboration de projets d’aménagement durables ? Les populations urbaines ont-elles conscience de leur impact sur leur milieu de vie ? Si elles en sont conscientes, ont-elles l’envie de faire évoluer leurs comportements ? La représentation de la ville durable des habitants est-elle la même que celle des administrateurs des collectivités locales ? N’y aurait-il pas une certaine divergence de représentation de la ville durable entre celle des habitants, verte et étalée, et celle des urbanistes, compacte. Les élus, urbanistes et architectes, à l’origine des projets, oublent encore trop souvent que l’élément fondamental de la réussite d’un projet est l’implication des habitants. Développer une démarche participative permettrait de mieux faire adhérer les habitants au projet urbain durable. Mais plus encore que le mot participation, c’est le mot partenariat qu’il faut mettre au coeur des projets durables : associer l’ensemble des acteurs, coordonner attentes et actions. Des progrès ont tout de même été réalisés dans la démarche participative. Aujourd’hui, on cherche à associer les habitants dans le processus de décision et l’élaboration des projets urbains, au travers de réunions d’informations, de consultation ou encore de concertation. Il arrive également, dans de rares cas encore, que ce soit les habitants qui soient à l’origine des projets d’écoquartiers. En Grande-Bretagne, par exemple, dans la stratégie de renouvellement urbain, un forum d’habitants a été créé au niveau national pour se réunir 5 à 6 fois dans l’année avec les responsables politiques, pour faire part de leur vision et de leur expérience d’habitants, et ainsi enrichir les projets futurs. Mais ce type d’exemple est rare. La ville durable n’est pas encore un choix viable, un choix à faire pour les habitants. Elle est encore trop souvent associée à des contraintes, à des obligations de changements de mode de vie. Ne s’agit-il pas davantage de convaincre les personnes ? De faire évoluer les attentes et les idéaux des habitants ?

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a. La question de la densité : un argument qui fait peur

omme nous C avons pu le voir précédemment, la

ville durable se veut être une ville plus compacte. Pour limiter toute nouvelle extension urbaine, les urbanistes préconisent des opérations de densification qui permettent d’accueillir davantage d’habitants sur un même espace. La ville durable suit cette logique. Mais bien souvent, la densité a une connotation négative pour bien des personnes. Aujourd’hui encore, la grande majorité des ménages préfèrent habiter en périphérie, où ils bénéficient Tokyo. Source : skyscrapercity.com d’une meilleure qualité de vie à moindre coût : possibilité d’habiter des logements plus grands et bien souvent individuels.

Source : Note rapide sur l’occupation du sol. n°383. Juin 2005. IAURIF

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Source : Note rapide sur l’occupation du sol. n°383. Juin 2005. IAURIF

La maison individuelle reste le rêve de la grande majorité des personnes : 3/4 des français souhaitent habiter ou habitent dans des logements individuels. Pour que les habitants adhèrent au projet de ville durable, il va falloir convaincre que la densité n’est pas forcément négative pour eux. Les urbanistes doivent donc jouer sur les représentations. Certaines villes ont mauvaise réputation en raison de leur extrême densité. Chacun appréhende la densité à partir de ses expériences et des images véhiculées par les médias, lesquels font apparaître certains lieux denses comme insupportables voire cauchemardesques. Les boulevards haussmanniens sont très appréciés, alors qu’ils sont très denses. A l’opposé, les grands ensembles sont décriés, alors que leur densité est beaucoup plus limitée. Les quartiers de tours ont la réputation d’être très denses, mais en réalité, nombre de grands ensembles de tours et de barres ont une densité équivalente à celle des maisons en bande qui, elles, paraissent peu denses. Même si on parle de densité, les projets sont toujours pensés par les urbanistes pour répondre aux multiples attentes, en proposant notamment une grande diversité dans les typologies d’habitat. Une ville compacte présente des atouts pour ses habitants, en leur permettant notamment de minimiser les déplacements et de gagner ainsi du temps supplémentaire pour leur vie.

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b. Promouvoir l’utilisation des transports en commun

D epuis les 50 dernières

années, le développement de presque toutes les grandes villes s’est effectué en fonction des grands axes routiers et autoroutiers. Le développement urbain axé sur l’automobile a entraîné avec lui tous les problèmes associés à son utilisation : pollution, congestion routière, bruit, étalement urbain, dépendance de plus en plus grande envers la voiture... Tout cela ne semble pas compatible avec la ville durable. 30 % des énergies fossiles sont consommées par le secteur transport et 26,5 % des émissions de gaz à effet de serre sont produites par ce même secteur. Par conséquent, ce secteur devient une priorité d’action pour les décideurs locaux. Pour palier à ce problème, et inverser la tendance, c’est à dire réduire l’impact négatif de l’utilisation de la voiture, des politiques ont été mises en place, notamment l’amélioration des infrastructures de transports collectifs, le développement d’infrastructures de transport alternatif (peu ou pas polluant) dans le but de faciliter les déplacements en autobus, en train, en métro, en tramway, à pied et à vélo, au lieu de construire des infrastructures encourageant l’usage de l’automobile.

Source : ADEME

Le Plan de Déplacements Urbains d’Ile-deFrance vise à assurer un équilibre durable entre les besoins en matière de mobilité, et la protection de l’environnement et de la santé. Le plan en vigueur vise à diminuer la circulation automobile de 3 % sur l’ensemble de la région : - 5 % dans Paris - 3 % en Petite Couronne - 2 % en Grande Couronne Il prévoit aussi d’augmenter de 2 % l’usage des transports en commun, une croissance de 10 % de la marche à pied et un doublement des déplacements en vélo.

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Améliorer le maillage du territoire par les transports en commun et favoriser l’intermodalité Pour pouvoir concurrencer l’usage de l’automobile, il faut pouvoir proposer une alternative viable et convainquante. Faut-il également que chaque individu puisse avoir accès à un réseau de transport en commun. Pour permettre à tous les individus d’accéder à la ville, sans pour autant avoir à y vivre, de nombreux réseaux de transports en commun ont été déployé pour mailler l’ensemble du territoire périphérique de la ville. Des transports durableS ? Prenons comme exemple la région francilienne (toute Source : internet autre région ou agglomération adopte cette même stratégie). Même si aujourd’hui encore, le réseau n’est pas parfait, qu’il est encore difficile d’accéder à l’ensemble des territoires de la région, de nombreaux projets sont mis au point pour réduire ses difficultés et permettre ainsi à tous franciliens de pouvoir accéder à la région en transport en commun : Réseau Express Régional (RER), Tramway, Métro, Bus. Le réseau de transport francilien semble suivre le développement de la région, et ainsi offre toujours plus de solutions pour ses utilisateurs. Ce ne sont pas sur les trajets de courte distance qu’il faut agir en priorité, mais bien sur les déplacements longue distance (domicile-travail). Toutes les villes ne disposant pas d’un réseau de transport en commun permettant de se rendre dans les gares, ou tout simplement parce que les usagers préfèreront toujours se rendre à la gare en automobile, l’ensemble des gares du Réseau Express Régional et du Réseau Transilien sont peu à peu pourvues de parcs relais, qui permettent ainsi de venir en automobile jusqu’à la gare la plus proche, d’y déposer son véhicule et d’ensuite prendre le train. Le but du parc relais est de favoriser le report modal : passer de la voiture à un autre mode de transport en commun. Le succès d’un parc relais dépend de plusieurs facteurs. Il doit être immédiatement accessible depuis les grands axes d’accès à la ville. L’automobiliste est d’autant plus enclin à laisser sa voiture qu’il pense pouvoir gagner du temps en le faisant. C’est pourquoi les parcs relais sont le plus souvent implantés à proximité d’un transport rapide. A cause de la concentration d’usagers, les parcs relais sont souvent desservis par des circuits comportant peu d’arrêts avant la destination finale et utilisant des voies réservées. Ils servent donc de collecteurs en banlieue pour le réseau urbain. Le STIF (Syndicat des Transports d’Ile-de-France) est l’organisme qui gère et coordonne les réseaux de transports en commun en Ile-de-France. Le STIF a lancé depuis quelques années de grands projets de création et d’extension du réseau de transports en commun francilien pour répondre à une demande toujours plus grande, et concurrencer l’automobile. La Région a établi un Plan de Déplacements Urbains dont l’objectif est d’assurer un équilibre entre les besoins en matière de mobilité, et la protection de l’environnement et de la santé. Le plan en vigueur vise à diminuer la circulation automobile de 3 % sur l’ensemble de la région : - 5 % dans Paris intra-muros - 3 % en Petite Couronne - 2 % en Grande Couronne Il prévoit aussi d’augmenter de 2 % l’usage des transports en commun, une croissance de 10 % de la marche à pied et un doublement des déplacements à vélo. Le métropolitain en est un premier exemple. Le métro parisien dessert Paris et son agglomération. Il comporte 16 lignes en site propre, essentiellement souterraines, totalisant 214 kilomètres. Le

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métro transporte aujourd’hui environ 3,9 millions de voyageurs par jour. Il dessert 300 stations, dont 62 offrent une correspondance avec une autre ligne. Le métro parisien se classe, pour le nombre de voyageurs transportés, en 4ème position derrière Tokyo (3,2 milliards), Moscou (2,4 milliards) et Séoul (2 milliards), en 7ème position pour la longueur de ses lignes derrière New York, Londres, Madrid... Le métro permet d’irriguer l’ensemble de la commune de Paris et de ses marges. Plusieurs projets d’extension sont en cours de réalisation, pour permettre l’accès à la capitale à tous les habitants de la proche périphérie.

Source : archives de la RATP

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Projet de prolongements du métro à horizon 2030 : - Ligne 1 jusqu’à Val-de-Fontenay (réalisation entre 2014 et 2027) - Ligne 4 jusqu’à Montrouge Sud et Bagneux (réalisation entre 2012 et 2017) - Ligne 4 jusqu’à Mairie de Saint-Ouen puis Docks de Saint-Ouen (réalisation entre 2021 et 2027) - Ligne 5 jusqu’à Place de Rungis (13ème) (entre 2021 et 2027) - Ligne 7 bis jusqu’à Château-Landon et raccordement avec la ligne 3 bis (entre 2007 et 2013) - Ligne 7 jusqu’au Bourget RER (entre 2014 et 2020) - Ligne 9 jusqu’à Montreuil (entre 2014 et 2020) - Ligne 11 jusqu’à Rosny-sous-Bois (entre 2007 et 2020) - Ligne 12 jusqu’à La Courneuve (entre 2014 et 2027) - Ligne 12 jusqu’à Issy Ville (entre 2014 et 2027) - Ligne 13 jusqu’au Port de Gennevilliers (entre 2014 et 2020) - Ligne 14 jusqu’à Rungis voire Orly vers le Sud (entre 2021 et 2027) et Roissy vers le nord

Une nouvelle offre a été mise à disposition des franciliens pour réaliser leur déplacement : le tramway. Ce n’est pas un mode de transport nouveau. Dans les années 30-50, l’automobile est préférée au tramway. Mais depuis une vingtaine d’années, le tramway regagne les villes. On es-

Villes françaises disposant d’un réseau de tramways. Source : letram-dijon.fr

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time aujourd’hui que la plupart des agglomérations françaises de plus de 200 000 habitants devraient en être équipées avant 2015. Paris a inauguré sa «première» ligne de tramway en 2006, le T3. Le tramway a permis de fluidifier un peu la circulation dans Paris. Des parkings-relais ont été créés à proximité des stations, pour permettre aux usagers d’y déposer leur voiture et de prendre leur tramway. La tarification de ces parkings est avantageuse, et revient moins chère qu’une ou deux heures de stationnement en centreville. Cette démarche favorise l’utilisation des transports en commun sans contrainte pour les usagers. Le tramway permet de transporter davantage de passagers que le bus : 200 à 300 personnes par tramway (selon les heures) contre une cenLe réseau tramway en Ile de France. Source : STIF taine pour le bus. Le tramway est électrique et s’avère donc moins polluant que l’autobus qui utilise encore majoritairement des énergies fossiles. Le tramway avance plus vite que le bus, puisqu’il roule en site propre et qu’il est prioritaire sur tous les autres véhicules. Les frais d’investissement du tramway sont importants mais restent inférieurs à ceux d’un métro : 1 km de ligne de tramway vaut le tiers de l’investissement pour 1 km d’une ligne de métro. Le tramway a permis de sortir de l’isolement les quartiers périphériques de Paris, marginalisés par rapport au centre-ville depuis des années. Les stations du tramway, proches des lignes de bus, métro et RER, facilitent les liaisons, et surtout «rapprochent» les communes périphériques de Paris avec la capitale (Ivry-sur-Seine, Le Kremlin-Bicêtre, Gentilly, Montrouge...). Globalement la mise en place du tramway dans la capitale est une réussite, et assez logiquement, le STIF a projeté l’extension et la création de nouvelles lignes dans Paris et sa périphérie.

Le projet Arc Express. Source : projets-architecte-urbanisme.fr La ville durable : entre idéal et réalité Laure Vichard-Cormont, Master GAELE Aménagement et Urbanisme, Paris IV Sorbonne

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L’articulation du projet Arc Express avec les autres projets de transports en commun Source : arcexpress.fr

Toujours dans un souci d’amélioration du maillage du territoire francilien et dans le cadre du Grand Paris, un grand projet de métro automatique est lancé en banlieue parisienne : Arc Express. Ce projet ambitionne de répondre aux nouveaux besoins de déplacement des franciliens de banlieue à banlieue. Arc Express a pour objectif de desservir efficacement et rapidement les pôles d’activités existants ou en devenir. Le projet va être réaliser en plusieurs phases, commençant par les zones jugées prioritaires, à savoir les Arcs Nord et Sud qui devraient être achevés en 2017. Arc Express permettra ainsi un report massif des automobilistes vers les transports en commun, la petite couronne représentant potentiellement 80 % des origines et des destinations des usagers de ce nouveau réseau. Il profitera également aux habitants de la grande couronne, en améliorant l’accessibilité aux emplois et au coeur d’agglomération, en déchargeant le réseau existant. On estime son trafic journalier à un million de voyageurs. Le tracé recherche des maillages avec les lignes ferroviaires existantes (transilien et RER), les lignes de métros et de tramways. 13 point de maillage seront ainsi créés sur l’Arc Sud, et 12 sur l’Arc Nord.

Diversifier l’offre de transport - La mise en place de vélos en libre service Aujourd’hui, dans la mouvance du développement durable, on souhaite optimiser l’utilisation des modes de circulation dits «doux», Source :lemonde.fr

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dont le vélo. Très tôt, quelques rares villes pionnières avaient compris l’intérêt du vélo en ville : La Rochelle, dès 1976, Rennes, Strasbourg ou encore Lyon dès 2005. Paris n’a pas échappé à cette tendance et a inauguré son système de vélos à la demande, Vélib’, le 15 juillet 2007. Dès l’inauguration du service, 7 500 bicyclettes ont été disponibles dans 750 stations. Le nombre de vélos mis à disposition a ensuite progressivement augmenté avec le déploiement de nouvelles stations jusqu’à atteindre 20 600 vélos répartis sur 1 202 stations. Huit mois après son lancement, Vélib’ comptait déjà 19 millions utilisations du service. Le vélo est considéré comme un mode de déplacement à part entière. Au printemps 2010, le nombre d’abonnés est de 160 000. Le 18 décembre 2007, le Conseil de Paris a voté l’extension de Vélib’ à 30 communes de la petite couronne : trois cent nouvelles stations, 4 500 vélos dans une bande de 1,5 km autour de Paris. Ces système de vélos en libre-service ont connu un très fort engouement. A mesure qu’elles déLa part des vélos partagés par rapport à la population des communes et EPCI enquêtées en 2009 Dunkerque Calais

Lille Amiens Métropole Le Havre Thionville

Rouen

Brest Quimper Lorient SaintNazaire

Rennes Métropole Rennes

Metz

Paris

Caen

Saint-Brieuc

Troyes Chartres

Mulhouse Sud Alsace Mulhouse

Angers

Dijon

Montbéliard

Tours Nantes

Besançon

Bourges Châlon-surSaöne

Communauté d’agglomération de la Rochelle La Rochelle

ClermontFerrand

Annemasse

Grand Lyon Lyon

annecy Chambéry

SaintEtienne Bordeaux

Grenoble Valence

Mérignac Montpellier Agglomération Montpellier Bayonne

Quelques systèmes de vélos en libre-service:

Nancy

Toulouse

Béziers

Avignon

- Mulhouse et Besançon : Vélocité - Aix en Provence : V’hello - Marseille : Le Vélo - Cergy-Pontoise : Vél’O2 - Nantes : Bicloo - Lyon : Vélo’v - Toulouse : Vélo - Nancy : Vélostan - Orléans : Vélo+ - Montpellier : Vélomagg - Valence : Libélo

Nice Cannes

Perpignan

Intercommunalités Nombre de bicyclettes publiques pour 100 habitants

0 - 0,6

Communes

Nombre de bicyclettes publiques pour 100 habitants

0,6 - 1,2

0 - 0,6 0,6 - 1,2

1,2 - 1,9

1,2 - 1,9

1,9 - 3,7

1,9 - 3,7

Source : carfree.free.fr

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veloppaient leurs pistes cyclables, une quinzaine de villes françaises ont adopté ce système, et d’autres sont désireuses de suivre la tendance.

- Autolib’ et l’autopartage

L’autopartage est un système de prêt de véhicules. Plutôt que de disposer d’une voiture personnelle qui reste l’essentiel de son temps au parking, l’utilisateur d’autopartage dispose d’une voiture uniquement pour la durée de son besoin. Le reste du temps, la voiture est utilisée par d’autres personnes. Ce fonctionnement existe sous différentes formes depuis les années 50, mais depuis une décennie, il devient une véritable alternative à la propriété individuelle d’une voiture. En 2007, on trouvait des services d’autopartage dans plus de 600 villes dans le monde. A Paris, la Mairie de Paris a crée un label Autopartage «autopartage label Paris», ou «autopartage Paris» qui a été attribué à 5 acteurs de l’autopartage : Caisse-Commune, Carbox, Connect by Hertz, Mobizen et Okigo. Ce label permet aux opérateurs de mettre des voitures en autopartage sur des «places sur voieries» réservées. L’autopartage est un moyen de limiter le nombre d’automobile. Ce pourraît être une solution novatrice, particulièrement efficace dans les écoquartiers prévus pour fonctionner sans voiture particulière. Des abonnements combinés ont été mis en place par une grande partie des villes disposant d’un service d’autopartage. Ces abonnements couplent un abonnement transports publics et un abonnement autopartage, à un tarif avantageux. Les avantages d’une combinaison transports publicsautopartage sont : - une plus grande utilisation des transports publics et des modes doux (vélo, marche) - rationalisation des pratiques de déplacements - augmentation de la multimodalité - un gain d’argent (en évitant les coûts d’acquisition et d’entretien d’un véhicule peu utilisé et en réduisant le nombre de places de stationnement nécessaires) - un gain pour l’environnement (réduction des gaz à effet de serre et Source : parisbanlieue.blog.lemonde.fr de la pollution) Des expériences d’autopartage existent déjà en 2009 dans 23 grandes villes françaises : Bordeaux (Autocool), Besançon (Auto CIté), Nantes (Marguerite), Rennes (City Roul), Lille (Lilas), Lyon (Autolib’), Poitiers (Otolis), Montpellier (Modulauto), Marseille (AutoPartage Provence)... Développer l’autopartage a été l’une des nombreuses proprositions du Grenelle de l’Environnement, retenue par la loi Grenelle I et précisée par la loi Grenelle II. Aprés Vélib’, la Mairie de Paris souhaite mettre en place Autolib’ en septembre 2011. A la fin septembre 2009, 26 communes ont rejoint le projet. Six autres communes ont fait connaître leur intérêt pour le projet. Il est prévu 700 stations à Paris, 1 000 au total, et 3 000 véhicules de 2 types : 2 ou 4 places. Les véhicules proposés seront peu polluants : il s’agira de véhicules électriques. Sur les enquêtes préalables, 4 millions de Franciliens sont favorables au concept, 25 millions ont l’inten-

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Epinay/Seine 11

Villeneuve la Garenne Ile 6 Saint Denis 2

Gennevilliers 14 Colombes 20

Asnières/Seine 19

Courbevoie 34

Rueil-Malmaison 24

Vaucresson 2

Garches 4

Saint-Cloud 9

17e 45

3e 11

14e 35

Meudon 11

Châtillon 8

Le-Plessis Robinson 6

Bagneux 9 Fontenay aux-Roses 6 Sceaux 5

13e 48

Gentilly 5 Le Kremlin Bicêtre 7 Arcueil 6

Cachan 7 Bourg la-Reine L‘Hay-les-Roses 4 7

Chatenay-Malabry 7

Bagnolet 9

20e 35

11e 39

5 Saint Mandé

12e 47

Vanves 6

Clamart 13

communes ayant manifesté de l’intérêt pour Autolib’ communes qui ne souhaitent pas adhérer périmètre Autolib’

Bondy 12 Noisy-le-Sec 9

Rosny-sous-Bois 10 Montreuil 26

4e 16

6e 24

Montrouge 13

PréRomainville St-Gervais 6 4 Les Lilas 5

10 32

1er 23

15 66

Issy-lesMoulineaux 21

19e 38 e

5e 34

Malakoff 9 Chaville 4

Bobigny 15

2e 16

7e 22

communes ayant délibéré

Drancy 14

Aubervilliers 19

9e 39

e

Sèvres 6

Ville-d’Avray 2

La Courneuve 9

18e 43

8e 44

BoulogneBillancourt 36

Avec indication du nombre maximum de stations Autolib’

Pantin 15

Levallois-Perret 24

16e 46

prononcées sur Autolib’

Le Bourget 4

Saint-Denis 30

Clichy 18

Suresnes 14

LOCALISATION DES Localisation des COMMUNES POTENTIELLES communes qui se sont AUTOLIB’

Stains 8 Dugny 2

Saint-Ouen 14

Neuilly/Seine 20

Puteaux 23

Pierrefitte /Seine 6

Bois Colombes 6

La Garenne Colombes 7 Nanterre 33

Villetaneuse 3

Villejuif 12

8 Charenton le-Pont Ivry/Seine 16

Fontenay-sous-Bois 14

Vincennes 11

Le Perreux /Marne 7

Nogent/Marne 7

Joinville le-Pont 4

4 Saint-Maurice

Champigny/Marne 17

Maisons-Alfort Alfortville 13 10 Saint-Maur-des-Fossés 18

Vitry/Seine 20

Créteil 28

Choisy-le-Roi 8 Fresnes 6 Antony 15

Limeil Brévanne 5

source : avem.fr V. 06/01/2010

Source : lefigaro.fr

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tion d’utiliser Autolib’. On estime qu’une automobile Autolib’ permettra de supprimer 20 voitures du parc automobile parisien.

Convaincre les automobilistes d’adopter une conduite plus responsable en privilégiant les transports en commun et les modes de déplacement doux Pour que ces différents projets fonctionnent et répondent à cette volonté de réduire les effets néphastes de l’automobile, il faut avant tout convaincre les automobilistes d’opter pour ces choix plus durables et les responsabiliser sur leur implication dans les émissions de gaz à effet de serre et dans la multiplication des pollutions. Pour cela, l’argent semble être un bon outil. Par exemple, il est obligatoire depuis le 1er janvier 2009 d’indemniser les frais de transprots publics de ses salariés entre le domicile et le lieu de travail, en Province comme en Ile-De-France. Cette incitation financière est un argument de poids, qui a poussé des milliers d’automobilistes à privilégier les transports en commun. Pour convaincre les automobilistes, d’énormes efforts sont faits pour améliorer la qualité de l’offre de transports en commun : multiplication des voies réservées, amélioration du cadencement, rénovation du matériel roulant, accroissement de la capacité de charge... Des enquêtes de satisfaction sont régulièrement menées pour pourvoir aux éventuelles carences. Mais convaincre les automobilistes d’abandonner leur voiture n’est pas aisé, même au nom du développement durable. Le confort, le sentiment de liberté... priment sur l’intérêt général.

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c. La question de la mixité sociale et fonctionnelle

P our répondre à l’ensemble des exigences du développement durable, la ville

durable doit être accessible à tous les ménages, sans condition de ressources. Or aujourd’hui, ce n’est pas le cas. Les écoquartiers sont des espaces réservés à une population aisée. Il n’y a, dans ces quartiers, aucune réelle mixité sociale. Ceci s’explique notamment en raison du coût d’achat des logements. Les opérations de création d’écoquartiers ont été tellement coûteuse que les logements n’ont pu être achetés que par des ménages à hauts revenus, créant ce que certains urbanistes appellent des «ghettos de riches», des sortes de «gated communities». Une analyse de la composition de la population des écoquartiers montre que celle-ci est majoritairement composée de classes moyennes supérieures (source : Guyonnet, 2007). La reconquête de zones en déprise urbaine (zones portuaires, friches industrielles...) souvent à l’origine de projets d’écoquartiers, conduit à la gentrification. «L’absence de mixité sociale réduit le développement durable à une durabilité écologique» (Emelianoff). La maîtrise du foncier semble alors être un outil pour garantir un minimum de mixité sociale. Comment parvenir à imposer une mixité sociale dans ces quartiers ? La ville durable mixte ne se fera pas à coût de décrets, mais il faudra bien davantage que la loi relative à la Solidarité et au Renouvellement Urbain. A l’heure actuelle, certaines villes non durables ne respectent déjà pas la loi SRU, pourquoi en serait-il différent avec la ville durable ? Il existe une tendance naturelle qui fait que chaque strate sociale se distingue par le choix de l’habitat dans des quartiers où sont installés des ménages de la même strate. Même si de nombreuses mesures ont été prises pour promouvoir plus de mixité sociale dans les quartiers, on n’obtient pas toujours les résultats escomptés. Les écoquartiers doivent devenir des espaces solidaires et accessibles. Pour promouvoir la ville durable mixte, l’Etat et le maire ne doivent pas être les seuls acteurs, les citoyens devront également participer. Mais ces quartiers développent une vie en communauté, ce qui accentue le risque «d’entre-soi». En effet, l’implication des résidents dans la gestion des espaces communs, dans l’organisation d’évènements communs risque de se transformer en implication dans le maintien d’un «entre-soi». Un quartier durable doit permettre la mixité sociale, ce qui se traduit notamment par la diversité des logements, à la fois en termes de typologie et de taille, ainsi qu’en termes de statuts d’occupation et modalités d’accès. La programmation a donc un grand rôle à jouer dans la ville durable. Les espaces publics sont également des éléments fédérateurs. Ils constituent des lieux de vie et de rencontre, participant à la mixité sociale.

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2. Comment faire la ville durable ? a. Vers un génie urbain et des constructions durables ? L’éco-construction au service de la ville durable

L’habitat, et le secteur du bâtiment en général, est fortement consommateur d’énergie. La consommation d’énergie dans les habitations et les immeubles tertiaires représente 46 % de la consommation totale d’énergie en France, et 20 % des émissions de gaz à effet de serre.

Source : AFP

Penser la ville durable implique donc d’agir sur l’ensemble des facteurs portant atteinte à la qualité de l’environnement urbain, et donc sur le bâtiment. Pour réduire la consommation d’énergie dans l’habitat et les émissions de gaz à effet de serre, il faut agir sur les besoins et la consommation d’énergie. Pour cela, il faut agir sur deux leviers essentiels : - adopter dans le bâtiment des techniques performantes en termes d’efficacité énergétique, de réduction de la consommation des ressources naturelles (eau…) - agir pour que les citoyens adoptent des comportements durables et des automatismes économes en énergie et autres ressources naturelles

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Les comportements éco-citoyens favoriseront la baisse de la consommation des ressources naturelles dans l’habitat, tout en respectant, voire en améliorant les conditions de confort et de santé. Pour promouvoir cette attitude, de nombreuses campagnes publicitaires ont été mises en place, dans l’optique de sensibiliser le plus de monde. Dans une perspective de développement durable, le secteur du Slogan développé en France pour Bâtiment doit s’orienter vers la Haute Performance Energétique promouvoir des comportements éco resspondables. Source : www. et la Haute Qualité Environnementale, qui, couplées avec les efdeveloppement-durable.gouv.fr forts de chaque citoyen, permettront de réduire la consommation d’énergie dans l’habitat. L’éco-construction est un principe de construction pour les maisons individuelles ou les bâtiments collectifs qui a pour objectif la minimisation des impacts sur l’environnement, et la réduction de la consommation d’énergie. Les maisons passives, les bâtiments à énergie positive, la démarche Haute Qualité Environnementale intègrent les principes d’éco-construction. L’éco-construction existe depuis plus de 30 ans, mais elle s’est développée de manière encore assez marginale, du fait de l’absence de réelle lisibilité et de reconnaissance des labels. Une fois encore, chaque pays s’est approprié le concept et a décliné ses propres labels.

Source : ladepeche.fr

Allemagne Amérique du Nord France Grande-Bretagne Suisse

Passivhaus Leadership in Energy and Environmental Design (LEED) HQE, BBC, Effinergie, HPE, BDM Building Research Establishment Environmental Assessment Method (BREEAM), Code for Sustainable Homes Minergie

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Quelques certifications internationales Il existe de par le monde d’autres certifications évaluant les performances des immeubles en matière de développement durable. Deux se distinguent : la certification LEED, développée aux ÉtatsUnis et au Canada, et la certification BREEAM, au Royaume-Uni. LEED La certification LEED, acronyme de Leadership in energy and environmental design, a été développée en 1994 par l’U.S. Green Building Council, une association américaine dédiée à la promotion de bâtiments rentables, agréables à vivre et ayant une bonne performance environnementale. La certification LEED repose sur 34 critères et attribue à un bâtiment une note maximale de 69 points à partir de ceux-ci. La certification évalue l’impact environnemental des chantiers, les consommations d’eau, l’efficacité énergétique des bâtiments, le choix des matériaux utilisés, la qualité environnementale des intérieurs, l’innovation. La certification LEED se décline en plusieurs sous-catégories : la LEED-NC pour les constructions ou les réhabilitations de bâtiments tertiaires, la LEED-EB pour les opérations sur l’habitat, la LEED-CI pour les opérations sur les intérieurs des bâtiments tertiaires, la LEED-CS pour les opérations sur les enveloppes, et enfin, la LEED-H pour les logements et la LEED-ND pour les quartiers. BREEAM Lancée dès 1990 au Royaume-Uni pour les immeubles de bureaux, puis déclinée depuis pour le commerce, l’industrie et l’habitation, la certification BREEAM (acronyme de Building research establishment environmental assessment) est la méthode la plus utilisée pour évaluer et améliorer les performances environnementales des bâtiments. La certification BREEAM évalue la performance des bâtiments sur les aspects suivants : le système de management, l’énergie, la santé, le bien-être, la pollution, le transport, l’occupation des sols, la biodiversité, les matériaux et l’eau. Des points sont attribués sur chacun de ces aspects en fonction des performances atteintes. Un système de pondération permet d’agréger ces notes et d’obtenir in fine une note globale. Celle-ci, accordée sous forme de certificat, peut ensuite être utilisée à des fins promotionnelles. L’intérêt de cette certification, outre la simplicité de ses 4 niveaux de performances, est qu’elle peut être – et est – utilisée à la fois pour les bâtiments neufs et le bâti existant. Les certifications LEED et BREEAM ont en commun de proposer un système de notation. Cette caractéristique, dont est dépourvue la certification HQE, a l’avantage de permettre de comparer les immeubles en matière de développement durable et de tenir compte des performances obtenues dans la valorisation patrimoniale du bien considéré.

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Pour promouvoir ces différents labels, des colloques et conférences internationales sont organisées pour favoriser l’échange d’expériences et ainsi améliorer les différents labels. Sustainable Building & Green Building Challenge :le sommet mondial du bâtiment durable Le SB & GBC regroupe deux manifestations. Le Sustainable Building, colloque qui a lieu tous les deux ans, porte sur les démarches environnementales et de développement durable dans le secteur du bâtiment. Le projet “Green Building Challenge” (en français “Défi des Bâtiments Écologiques”) est, quant à lui, un processus international d’évaluation de la performance environnementale des bâtiments (en projet ou déjà construits) dans différents pays. Ce processus avait été initié par Ressources Naturelles Canada en 1996, visant à établir un cadre de référence permettant d’évaluer la performance environnementale d’un bâtiment, tout en laissant une possibilité d’adaptation au contexte de chaque pays participant. Des projets français ont été présentés à chacune de ces manifestations. Les évaluations du «Green Building Challenge» La rencontre internationale «Green Building Challenge», organisée tous les deux ans depuis 1998 dans le cadre des conférences «Sustainable Building», permet de confronter des réalisations ou des projets de bâtiments voulus respectueux de l’environnement, neufs ou réhabilités. Des bases d’évaluation communes ont été élaborées à l’initiative du ministère «Ressources Naturelles Canada» et dans le cadre d’un groupe de travail international (22 pays participants) où la France est représentée par le Centre Scientifique et Technique du Bâtiment. Les résultats des efforts consentis pour réduire les impacts environnementaux des opérations sont donc à peu près comparables entre eux sous réserve d’un apaisement des seuils de référence par chaque pays à sont contexte propre : on ne peut en effet comparer directement les impacts d’un tipi et un igloo. Deux projets français ont été présentés lors de la manifestion de 1998 (Vancouver) et deux autres en 2000 (Maastricht). Le profil environnemental de chacun des projets est donné par un graphique avec une échelle de notation, de 0 à 5, le zéro étant le niveau de référence (réglementation, normalisation, pratique courante) correspondant au type de bâtiment concerné et au contexte national ou régional. Tout ce qui paraît en bleu, correspond à l’effort environnemental pour chacun des critètes concernés. Cela donne une idée des performances qu’il est possible d’atteindre dans le cadre d’une démarche environnementale.

La démarche HQE (Haute Qualité Environnementale)

Dès 1992, le PUCA lance un appel d’offres pour des opérations expérimentales de ce qui deviendra la démarche HQE. 12 projets REX-HQE sont retenus dans le domaine de l’habitat social. La première expérimentation HQE menée en France, est le lycée d’Alfortville en 1995-96 dans le cadre du programme REX-PUCA. Depuis les opérations HQE ne cessent de se multiplier. Mais la France n’est pas la seule pionnière en la matière. Les Etats-Unis, le Canada et le Royaume-Uni ont développé la démarché «Greenbuilding», et l’Allemagne et la Suisse ont mis en place l’ «Oekobau». Beaucoup de pays sont conscients qu’il faut revoir les méthodes de construction pour les rendre plus durables.

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Les 14 cibles de la démarche HQE. Source : Personnelle

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Les 14 cibles de la démarche HQE. Source : Personnelle

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La démarche HQE émerge en France dans les années 1990 à partir d’une collaboration étroite entre la maîtrise d’oeuvre, la maîtrise d’ouvrage et d’autres professionels du secteur de la construction. En 1996, une association est créée pour développer la démarche : l’association HQE. L’objectif de la démarche est d’améliorer l’efficacité énergétique et de réduire la pollution des bâtiments à construire ou à réhabiliter, en Hiérarchie des cibles HQE. Source : www.assohqe.org/ les appréhendant en rapport à leur environnement, leur cycle de vie, mais aussi au confort de ceux qui l’habitent ou y travaillent. La démarche repose sur un référentiel décliné en 14 cibles (7 pour l’environnement et le confort des occupants, 7 pour l’environnement en général), regroupés en 4 grandes rubriques censées décrire la qualité environnementale d’un bâtiment : l’écoconstruction, l’écogestion, le confort et la santé. La démarche suppose une prise en compte de l’environnement à toutes les étapes de l’élaboration et de la vie des bâtiments : programmation, conception, construction, gestion, utilisation, démolition... Les 14 cibles définies ont pour objet de permettre au maître d’ouvrage de structurer ses objectifs. Le but n’est pas d’atteindre une exigence maximale dans toutes les cibles, mais de hiérarchiser ces cibles en fonction du contexte (terrain, destination du bâtiment) et des caractéristiques du projet.

Le maître d’ouvrage classe les différentes cibles HQE selon 3 catégories : - cible très performante - cible performante - cible de base

En 2005, la démarche a été complétée par un système de reconnaissance : le certificat «démarche HQE». La démarche tend à s’appliquer aussi à des équipements, à des aménagements urbains ou encore à des réseaux routiers. Dès le début des années 2000, le Conseil Régional d’Ilede-France a introduit des critères HQE pour la construction et la maintenance des lycées dont il a directement la charge. En 2005, la France adopte une stratégie nationale de développement durable, et affiche comme objectif majeur que 20 % des constructions de l’Etat devraient être effectués en HQE. Sur cette même année, 600 opérations HQE ont été recensées : 260 réalisées, 230 en cours, et une centaine en projets (source : Association HQE). Sur ces 600 opérations: 44 % concernent des bâtiments destinés à l’enseignement, 11 % à du tertiaire, 17 % à du logement, 11 % à des équipements sportifs. La mise en oeuvre de cette démarche s’est cependant heurtée à l’offre encore insuffisante des filières de construction et des matériaux, mais aussi au manque de compétences professionnelles. Mais la démarche doit encore essuyer des objections. D’abord, sa focalisation sur les bâtiments, de surcroît neufs. De plus, un bâtiment ne peut répondre aux exigences de développement urbain durable que si ceux qui l’occupent jouent le jeu, adoptent un comportement adpaté.Mais la démarche HQE peut aussi trouver son expression dans les opérations de rénovation des bâtiments. Par ailleurs, la réalisation d’une opération HQE est plus coûteuse, et nécessite 3 à 5 % d’investissement supplémentaire. Même si ce surcoût est amorti dans les frais de foncitonnement (réduction de la facture énergétique par exemple), les promoteurs sont malgré tout parfois rétissents. La notoriété actuelle de la démarche HQE est parfois source de confusion ou d’abus du concept. Ainsi des opérations se réclament HQE sans en respecter les cibles énoncées par l’association HQE.

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A l’inverse, des opérations ont des démarches environnementales et de développement durables sans revendiquer la démarche HQE.

La réglementation thermique

Pour atteindre les objectifs de Kyoto, la France a lancé en 2009, le Plan Bâtiment destiné à mettre en oeuvre le Grenelle de l’Environnement dans l’ensemble du secteur du bâtiment. Le Plan ambitionne de réduire la consommation énergétique française de 38 % et les émissions de gaz à effet de serre de 50 % d’ici 2020. Le Plan affiche 6 objectifs majeurs : - en 2012, toutes les nouvelles constructions seront des Bâtiments Basse Consommation - en 2020, toutes les nouvelles constructions seront à énergie positive (BEFOS) : ils produiront chacun plus d’énergie qu’ils en consomment - rénover 400 000 logements par an à compter de 2015 - rénover les 800 000 logements sociaux les plus énergivores avant fin 2012 - engager la rénovation énergétique de tous les bâtiments de l’Etat et de ses établissements publics avant fin 2012. De même que bon nombre de pays de la communauté internationale, la France s’est engagée à réduire ses émissions de gaz à effet de serre, conformément au protocole de Kyoto. Pour cela, la France a mise en place une réglementation thermique pour la construction de bâtiment. Environ tous les 5 ans, la réglementation est mise à jour. Après la RT 2000 et la RT 2005, la RT 2012 est la réglementation de référence. Conformément à l’article 4 de la Loi Grenelle I, la RT 2012 a pour objectif de limiter la consommation d’énergie des bâtiments neufs à un maximum de 50 kWhEP/(m².an) en moyenne. Elle s’applique à l’habitat comme au tertiaire. Trois exigences de résultats sont au coeur de la RT : - l’exigence d’efficacité énergétique minimale du bâti (ou Bbiomax). Elle définit une limitation simultanée du besoin en énergie pour les composantes liées à la conception du bâti (chauffage, éclairage...). Avec la RT 2012, les besoins en énergies des bâtiments neufs sont divisés par 2 à 2,5 par rapport à la RT 2005. - l’exigence de consommation conventionnelle maximale d’énergie primaire (ou Cmax). Elle porte sur les consommation de chauffage, l’éclairage, la production d’eau chaude sanitaire... Le Cmax est de 50 kWh/m²/an d’énergie primaire. Cette exigence impose le recours à des équipements énergétiques performants. - l’exigence de confort d’été dans les bâtiments non climatisés. La température la plus chaude atteinte dans les locaux, lors des 5 jours les plus chauds de l’été, ne doit pas excéder le seuil fixé.

Source : Focus Bureaux Eco-Responsables, CB Richard Ellis, Juillet 2009

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Source : Présentation de la RT 2012, Dossier de Presse, Ministère de l’Ecologie, de l’Energie, du Développement Durable et de la Mer

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Source : Présentation de la RT 2012, Dossier de Presse, Ministère de l’Ecologie, de l’Energie, du Développement Durable et de la Mer

Source : Présentation de la RT 2012, Dossier de Presse, Ministère de l’Ecologie, de l’Energie, du Développement Durable et de la Mer

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Le label «Haute Performance Energétique»

Les conditions d’attribution de ce label et son contenu on été définis dans un Arrêté du 3 Mai 2007. Ce label atteste que le bâtiment respecte un niveau de performance énergétique global supérieur à l’exigence réglementaire de la Réglementation Thermique. Ce label compte 5 niveaux.

source : areha.fr

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- HPE 2005 pour les constructions conventionnelles qui affichent une consommation énergétique inférieure d’au moins 10 % par rapport à la consommation de référence RT 2005. Pour les habitations, la consommation énergétique doit être inférieure d’au moins 10 % par rapport à la consommation maximale autorisée. - THPE 2005 (Très Haute Performance Energétique) pour les constructions dont la consommation énergétique est inférieure d’au moins 20 % par rapport à la consommation de référence de la RT 2005 et pour l’habitat d’au moins 20 % par rapport à la consommation maximale autorisée. - HPE EnR 2005. Ce label est basé sur les exigences du label HPE 2005 accompagnée d’exigences sur l’installation d’équipements d’énergie renouvelable. - THPE EnR 2005, pour les constructions dont les consommations conventionnelles sont inférieures d’au moins 30 % par rapport à la consommation de référence RT 2005. - BBC 2005. Le niveau d’exigence est fixé pour le résidentiell à 50 kWhep/m². La performance énergétique est améliorée d’au moins 50 % par rapport à la performance réglementaire pour les bâtiments tertiaires. Le bâtiment à énergie positive De plus en plus de promoteurs réfléchissent à des projets d’immeubles à énergie positive (produisant plus d’énergie qu’ils n’en consomment). On peut citer chronologiquement le projet du promoteur privé Patrick Gétreide, « Energy Plus », à Gennevilliers (80 000 m² environ de bureaux et services), retardé à ce jour, le projet du promoteur SERCIB, « le Solaris » à Clamart (30 000 m² environ), ou encore le projet de Bouygues Immobilier, le « Green Office » à Meudon (près de 20 000 m²). BOUYGUES IMMOBILIER considère que ce « Bépos » (Bâtiment à Energie POSitive) devrait avoir une consommation en exploitation de 61 kWh/m²/an pour une production de 64 kWh/m²/ an. Cette prouesse technologique place ce projet à l’avant-garde de l’immobilier durable. A titre de comparaison, BOUYGUES IMMOBILIER a réalisé un bilan énergétique de plusieurs immeubles tertiaires récents ou restructurés et il en ressort que la consommation moyenne est de l’ordre de 350 à 400 kWh/m²/an.

source : gemofis.com

Aujourd’hui, il existe donc de nombreux labels et certifications, ce qui pose problème. Leurs définitions, leurs différences restent floues pour de nombreuses personnes, à commencer par les utilisateurs de ces bâtiments. Ils sont davantage mis en avant parce qu’ils constituent de véritables outils marketing. De même que pour l’écoquartier, on constate un véritable engouement, l’émergence d’un phénomène de mode pour l’éco-construction. Mais construire durable ne suffit pas. Une fois encore, il s’agit également de sensibiliser les utilisateurs du bâtiment à adopter des comportements plus durables. Autre limite que nous pouvons soulever, c’est la formation aux métiers de l’éco-construction. Bien que les formations se multiplient, les métiers de l’aménagement et de la construction se complexifient. Il existe un grand déficit de main d’oeuvre qualifiée pour construire la ville durable. La ville durable : entre idéal et réalité Laure Vichard-Cormont, Master GAELE Aménagement et Urbanisme, Paris IV Sorbonne

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La construction de grande hauteur peut-elle durable ? L’éco-construction favorise l’émulation d’idées et de projets. Aujourd’hui, les projets de tours durables se multiplient mais ne voient pas toujours le jour faute de financements suffisants. La tour semble être un modèle architectural privilégié, limitant l’étalement urbain, mais c’est également un gouffre énergétique. Privilégier l’ouverture des fenêtres, plutôt que l’usage d’une climatisation très consommatrice d’énergie, est impossible dans une tour puisque par mesure de prévention, les fenêtres ne s’ouvrent pas. Cependant de gros efforts sont faits pour réduire la consommation énergétique. Par exemple, la tour Générali à La Défense devrait être 60 % moins énergivore et 70 % moins émettrice de carbone que la moyenne des tours de La Défense. Autre point venant alimenter l’idée qu’une tour ne puisse être durable, ce sont les coûts énergétiques de sa construction. Il faut également travailler sur la réduction des besoins énergétiques des tours. Les meilleurs projets prévoient une consommation d’environ 150 kWh/m²/an alors que le Plan Climat de 2007 impose une consommation maximale de 50 kWh/m²/an. Mais les tours peuvent cependant répondre à certaines exigences de durabilité, comme la mixité fonctionnelle. La majorité des nouveaux programmes prévoient de multiplier les fonctions : habitat, tertiaire, loisirs... La création d’une tour mixte reste cependant plus coûteuse, car bureaux et logements n’ont pas les mêmes besoins. C’est un concept qui séduit encore peu les habitants potentiels. La densité inquiète. La surdensité de quartiers comme La Défense, auquel il est de plus en plus difficiles d’accéder, inquiète. Même si la tour s’avérait la solution la plus durable, elle n’est pas l’idéal des français. 63 % des parisiens se disent opposés à la création de nouvelles tours dans la capitale. Si à Dubaï, Shanghaï ou encore New YOrk, la tour est un modèle architectural accepté et «classique», il n’en est pas de même partout.

Le projet de tour durable de la ville de Shenzhen en Chine Il s’agit d’un projet d’éco-construction d’une tour d’environ 1 111 mètres de haut, abritant des logements, des bureaux, des commerces et des espaces verts. La Tour sera dotée de différents systèmes lui permettant d’être autonome en énergie : présence de grandes ouventures de part et d’autre de la structure, permettant la circulation de l’air et son exploitation via des éoliebbes. L’objectif de ce projet est d’accueillir un grand nombre d’habitants, de bureaux et de commerces sur un espace restreint. Source : lemoniteur.fr

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La Tour Elithis à Dijon Dans le cadre du Programmme Energie Climat Bourgogne, l’ADEME et le Conseil Régional ont lancé un appel à projets régional visant à faire émerger des bâtiments BBC. 39 projets ont ainsi été retenus, donc la Tour Elithis, implantée à Dijon. Sa surface est de 5 000 m² répartis sur 10 niveaux. L’objectif de cette tour est de créer un bâtiment à très basse consommation énergétique. Différents points ont été particulièrement étudiés : - limitation des déperditions et des apports de chaleur dans le bâtiment par une conception bioclimatique et l’utilisation de matériaux très performants et respectueux de l’environnement. - limitation des apports solaires par la mise en place de protections solaires qui diminueront les apports calorifiques en été et l’inconfort visuel d’hiver. - limitation des consommations d’énergie pour le chauffage, la ventilation et le rafraîchissement, en associant différents systèmes très performants, permettant d’optimiser au maximum leur utilisation et donc leur consommation. - limitation des consommations d’énergie pour l’éclairage en répartissant le niveau d’éclairement selon l’utilisation des locaux, et en individualisant l’éclairage de la zone de travail. Le choix des composants de la structure du bâtiment et de leur mise en oeuvre a été défini en fonction de leur durabilité, de leur facilité d’entretien et de remplacement. La toiture externe est réalisée avec des panneaux photovoltaïques. La consommation d’énergie est limitée grâce à la qualité thermique du bâtiment notamment pour l’isolation et les façades. Les consommations d’énergie primaire de la Tour sera inférieure à 21 kWh/m²/an. Les économies annuelles sont estimées à plus de 52 000 €. Une charte environnementale sera signée par les différents acquéreurs des plateaux de bureaux dans le but de respecter les recommandations environnementales et les objectifs de consommation.

Source : lemoniteur.fr

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Rénovation, reconversion et modularité Pour réduire davantage la consommation des ressources naturelles et limiter les émissions de gaz à effet de serre, il faut également intervenir sur les constructions existantes, principales coupables de la surconsommation énergétique. Pour limiter l’urbanisation de nouveaux espaces tout en répondant à une demande croissante de logements, il convient tout d’abord de rénover, reconvertir des espaces existants, ou changer la destination ou l’usage de certains bâtiments.

- La reconversion des friches industrielles

En France, une dizaine de milliers d’hectares de friches serainet à réintégrer dans le tissu urbain (source : ADEME). Face à la pression foncière et l’étalement urbain croissants, la reconversion des friches urbaines constitue pour les pouvoirs publics une opportunité dans l’aménagement des territoires et dans la recomposition des territoires urbains. Le Grenelle de l’Environnement donne d’ailleurs la priorité à la reconversion des sites pollués, dont la réussite repose sur la participation de l’Etat, des collectivités, de la maîtrise d’ouvrage et d’experts. Cependant, les coûts souvent élevés de décontamination représentent un obstacle majeur pour les propriétaires fonciers, qui préfèrent laisser le terrain à l’abandon plutôt que d’y investir les sommes nécessaires à leur nettoyage. Le surcoût de la dépollution est estimé entre 1 et 1,5 millions d’euros par hectare pollué, mais pour cela, l’Etat a dégagé une enveloppe de 20 milliards d’euros d’aides pour appuyer cette politique. La reconversion des friches industrielles s’inscrit dans la tendance du renouvellement de la ville sur elle-même, principe correspondant parfaitement au concept de développement durable. Il s’agit davantage de remettre en état pltôt que de démolir, de réutiliser les friches plutôt que de pousser à la croissance urbaine en périphérie et de renforcer par tous les moyens la cohésion sociale. La requalification des friches comporte des enjeux majeurs : - maintien de la mixité fonctionnelle des terrains jouxtant les zones industrielles et «encastrés» dans les anciens quartiers ouvriers - l’accessibilité des espaces verts - la prise en compte des besoins des résidents. Il existe donc un lien étroit entre la reconversion des friches industrielles et le concept de ville durable.

- Penser des bâtiments modulaires

Mais les friches industrielles pourraient ne pas être la seule réponse à la crise du logement et à l’étalement urbain. Penser la ville durable, c’est aussi repenser la durée de vie et l’affectation des bâtiments qui font cette ville. Pourquoi un immeuble de bureaux ne pourrait-il pas être transformé en immeuble de logements, et vice versa ? La reconversion du bâti est source d’économies, et aujourd’hui elle est aisément maîtrisable par la technique et pourtant, peu de bâtiments sont reconvertis. Le bâti a déjà muté, et ne cesse d’évoluer. A Paris, le parc haussmannien en est l’exemple. Des appartements d’immeubles haussmanniens sont devenus des bureaux, conduisant ainsi à faire de ces immeubles traditionnellement destinés au logement, des immeubles mixtes. Toute construction neuve se doit aujourd’hui d’anticiper les mutations. Ainsi l’immeuble tertiaire est désormais souple et modulaire. La programmation tertiaire met aujourd’hui l’accent sur la qualité domestique et quasi résidentielle de l’immeuble de bureaux. Penser les mutations commence aujourd’hui par l’inventaire de l’existant. La préservation de l’héritage est le premier réflexe dicté par le développement durable. L’existant est un gisement d’économies, le pérenniser devient un acte de bonne gestion. D’anciens lieux d’industrie sont ainsi revisités

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et leur reconversion est désormais comprise par tous. Depuis 20 ans, les projets de reconversion sont nombreux. Dans un premier temps, les anciens sites tertiaires sont devenus des programmes culturels et des équipements publics. Exemples de projets : - entrepôts portuaires hébergeant des agences de communication et de services à Lyon Confluence - ancien garage devenu siège d’entreprise à Paris 5ème - sous-station électrique reconvertie en hôtel d’activités à Paris 14ème Sur un plan financier et urbanistique, la reconversion est préférable à la démolition-reconstruction. Mais à l’épreuve des normes et réglementations, ce procédé semble remis en cause. Les objectifs du Grenelle de l’Environnement semblent peu réalisables, mais pour autant, on ne peut pas détruire notre patrimoine. En France, comme dans bien d’autres pays, on recense de nombreux immeubles vacants, dont une forte proportion d’immeubles de bureaux. Parallèlement, nous nous trouvons face à une importante crise du logement, alors l’idée de construire des bâtiments modulaires et modulables n’est pas à écarter.

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La reconversion des friches du quartier Hammarby à Stockholm Le projet Hammarby Sjöstad s’implante sur une friche industrialo-portuaire, au sud-est du centre-ville de Stockholm, capitale de la Suède. Le secteur a été identifié comme secteur stratégique de développement du plan d’urbanisme de Stockholm de 1991 (Ducas, 2000) et s’inscrit à l’intérieur de la stratégie de la ville de se développer sur elle-même, plutôt que de s’étendre sur les terres agricoles qui entourent la ville. Le projet vise la création d’un quartier mixte, où cohabiteront des activités résidentielles et commerciales ainsi que des équipements collectifs (parcs, pistes cyclables, école primaire, etc.). D’ici 2015, on entend attirer sur le site 20 000 résidents et 10 000 travailleurs en construisant 8000 logements. La ville de Stockholm est le promoteur du projet, elle est responsable de la planification d’ensemble du projet. Toutefois, elle ne s’occupe pas de la construction et a octroyé des contrats à quelques entrepreneurs à cet effet. Les activités portuaires et industrielles ont longtemps pollué les terrains sur lequel s’érige le projet, et puisque la municipalité ne pouvait identifier les véritables pollueurs du sol, elle a défrayé tous les coûts de la décontamination du site. L’étendue d’eau en bordure du projet (Södermalm) a aussi fait l’objet d’un nettoyage et d’une mise en valeur à l’intérieur du projet. Le projet Hammarby Sjöstad vise rien de moins que de devenir un exemple de durabilité à l’échelle mondiale. Pour ce faire, le design des bâtiments a été conçu de manière à privilégier l’efficacité énergétique et le projet possède son propre système de traitement des eaux usées et de recyclage. De plus, la conception du projet est telle que les besoins des résidents d’utiliser leur voiture sont minimums et l’accessibilité au transport en commun est maximale. La nature est mise en valeur dans le projet : conservation d’un boisé de chênes anciens, accès public aux rives, espaces verts présents en grande quantité sur le site. Aussi, l’entrepreneur principal du projet, JM, est un des premiers entrepreneurs à avoir adopté sa propre politique environnementale, ce qui contribue au succès du projet. En effet, depuis le début des années 1990, JM s’efforce de construire des projets où l’environnement est intégré, protégé et mis en valeur, puisque la qualité de l’environnement qu’il offre aux consommateurs est à ses yeux un critère de compétitivité majeur. JM est conscient de l’impact qu’ont certains matériaux sur la santé des humains et essaie de n’utiliser que des matériaux sécuritaires, provenant de fournisseurs dont les bonnes pratiques environnementales sont reconnues. Dans le cadre du projet Hammarby Sjöstad, JM a rédigé un programme environnemental dont les employés doivent s’efforcer de respecter les objectifs lorsqu’ils doivent prendre une décision concernant le projet.

Source : internet

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La reconversion de l’entrepôt parisien MacDonald L’entrepôt MacDonald est implanté dans le 19ème arrondissement de Paris, entre Porte de la Chapelle et Porte de la Villette. D’une longueur de 617 m, le bâtiment offre une superficie de 165 000 m². Abandonné, le bâtiment va aujourd’hui connaître une nouvelle vie. Un projet de reconversion a été lancé, et en 2014, il devrait accueillir des équipements, des bureaux, des commerces, des activités mais aussi des logements. Le bâtiment a été acqui en juillet 2006 par la SEMAVIP, puis racheté par la SAS Paris Nord Est (Caisse des Dépôts et Consignations et Icade) pour 125 millions d’euros. En Octobre 2007, la SAS Paris Nord Est a lancé une consultation d’architectes pour imaginer le devenir de ce bâtiment. La consultation a été remportée par OMA. En 2008, Floris Alkerade, architecte du projet, a mis au point le master plan. Il a opté pour une reconversion du bâtiment, tout en conservant les qualités formelles et constructives de l’édifice. Le bâtiment est trop long et trop large pour créer un ensemble cohérent. L’idée est de scinder le bâtiment en 2 pour permettre le passage du futur tramway et assurer la liaison entre le boulevard MacDonald et la future gare RER E Eole Evangile. Il est aussi question de créer une place d’un demi hectare. Pour assurer la contuinité de l’opération, une passerelle va être créée pour relier les deux blocs, et préserver la continuité de la façade nord et l’aspect visuel du bâtiment. La hauteur de l’édifice va également être doublée, passant de 13 à 28 m. Pour réduire la largeur du bâtiment, l’entrepôt va être évidé pour permettre la création d’une cour intérieure sur laquelle donneront les logements, et créer des patios autour desquels s’organisent les bureaux. 70 % de la structure du bâtiment vont être conservés. Une façade va être crée, pour rendre au boulevard MacDonald sa fonction d’artère urbaine. La programmation prévoit : - 74 000 m² de logements (environ 1 200 unités) avec 50 % de logements sociaux, 25 % de logements à loyer maîtrisé, 25 % de logements en accession. promoteur : Icade. - 25 000 m² de bureaux. promoteurs : BNP Paribas Immobilier et Icade. - 16 000 m² d’activités (pépinière d’entreprises et hôtel d’entreprises). - 32 000 m² de commerces. promoteur : Icade. - 18 000 m² d’équipements publics. - 1 300 m² de places de stationnement.

L’entrepôt MacDonald avant travaux Source : SEMAVIP

L’entrepôt MacDonald après travaux Source : SEMAVIP

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La première cité universitaire en conteneurs Le 30 Août dernier a été inauguré la résidence étudiante A-Docks au Havre. Il s’agit d’un bon exemple de reconversion, puisque cette résidence a été réalisée à partir de conteneurs. Les conteneurs ont été réaménagés en studios meublés. Il ne s’agit pas d’un concept français : il a déjà été développé dans les pays nordiques pour lutter contre la pénurie de logements universitaires. Le projet réduit ainsi les coûts de construction de 30 % par rapport à une résidence «traditionnelle». Pour pouvoir être habitables, les conteneurs ont été transformés : parois isolées, intégration d’une cuisine, d’une salle de bains, d’une chambre avec bureaux, baies vitrées, balcons et terrasses. Les conteneurs sont ensuite déposés sur une ossature métallique comprenant quatre niveaux. Chaque studio fait 25 m², et est loué pour 280 €/mois charges comprises. Le coût de l’opération est de 4,8 millions d’euros, dont 1 million financé par l’Etat dans le cadre du Plan de relance. Cette opération permet de répondre à une forte demande de chambres universitaires, à moindre coût, tout en s’appuyant sur l’utilisation de matériaux existants.

La résidence A-Docks au Havre Source : lemoniteur.fr

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b. Les instruments financiers «facilitateurs» de projets durables

T outes ces techniques qui permettent de rendre les constructions durables et par conséquent la ville durable ont un coût plus élevé que lse techniques «classiques». Construire

durable coûte entre 13 et 17 % plus cher. Se pose alors la question du financement du surcoût. Les habitants et utilisateurs de ces bâtiments ont-ils les moyens ? Comment financer un logement social durable ? Est-ce aux collectivités locales de payer ? Avant toute chose, la ville durable et le concept même de développement durable impliquent de repenser les bases de notre économie. A l’heure actuelle, notre modèle économique repose sur les produits énergétiques fossiles, dont majoritairement le pétrole. Le pétrole est une ressource non renouvelable et qui requiert beaucoup d’énergie et d’argent pour son extraction et sa transformation, qui est à l’origine d’importantes pollutions (marées noires, émissions toxiques de nos voitures...). Par conséquent, penser la ville durable, c’est aussi imaginer un nouveau modèle économique, dont on ne sait rien aujourd’hui. Pour revenir à la question du coût de la ville durable, il existe aujourd’hui de nombreuses aides financières en direction des porteurs de projets, des collectivités mais aussi des particuliers. Dans la conjoncture économique tendue que nous connaissons aujourd’hui, le pouvoir d’achat du consommateur tend à diminuer, aussi la priorité semble donnée à la rentabilité plutôt qu’à la durabilité d’un bien de le préserver. Pour assurer la réussite de la ville durable, différents organismes tant publics que privés, accordent des subventions, essentiellement orientées sur l’éco-construction et la maîtrise de la production/ consommation énergétique.

Des aides pour le logement existant

- Le crédit d’impôt «développement durable»

Il s’agit d’une disposition fiscale permettant aux ménages de déduire de leur impôt sur le revenu une partie des dépenses réalisées pour certains travaux d’amélioration énergétique sur leur résidence principale. Le montant des dépenses éligibles est plafonné à 8 000 € pour une personne seule et à 16 000 € pour un couple, avec une majoration de 400 € par personne à charge. Le bénéfice du crédit d’impôt peut être cumulé avec d’autres aides (ANAH, collectivités territoriales...). Pour en bénéficier, les matériaux et équipements éligibles doivent correspondre à des exigences techniques précises.

- L’éco-prêt à taux zéro

Il est consacré aux travaux de rénovation énergétique des logements. Ce prêt sans intérêt permet de financer suivant deux options possibles, soit des travaux aboutissant à une amélioration de la performance énergétique globale du bâtiment, soit un bouquet de travaux. Les matériaux et équipements doivent répondre à des exigences minimales et être fournis par des professionnels. Un seul prêt peut être accordé par logement. Le prêt est de 20 000 € pour un bouquet de travaux, de 30 000 € pour un bouquet de 3 travaux ou plus ou s’il s’agit d’une amélioration de la performance énergétique globale du logement. La durée de remboursement est limitée à 10 ans, mais peut être portée à 15 ans avec accord de la banque. Cet éco-prêt ne s’obtient que pour une résidence principale, construite avant le 1er janvier 1990. Il peut être cumulé avec un crédit d’impôt, sous réserve de le faire avant le 31 Décembre 2010, et si le revenu fiscal du foyer n’excède pas 45 000 €.

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- Le Prêt à Taux Zero + (PTZ +)

Le prêt à taux zéro plus est le nouveau financement de l’accession sociale mis en place à compter du 1er janvier 2011. Il remplace le prêt à taux zéro et les majorations qui y étaient associés, le Pass Foncier ainsi que le crédit d’impôts sur les intérêts d’emprunts. Le PTZ +, soumis sous conditions de ressources, pourra être accordé pour financer les opérations suivantes : - la construction d’un logement - l’acquisition d’un logement en vue de sa 1ère occupation - l’aménagement à usage de logement de locaux non destinés à l’habitation Le PTZ + est modulé en fonction de la performance énergétique du logement : - en cas de logement neuf, la distinction est faite entre les logements ayant obtenu le certificat BBC-Effinergie et les autres - dans l’ancien, la distinction est faite entre les logements ayant un diagnostic de performance énergétique (DPE) les classant de A à D et les autres - L’éco-prêt logement social Issu du Grenelle de l’Environnement, l’éco-prêt logement social finance depuis 2009, les travaux d’économie d’énergie réalisés dans le parc de logements sociaux les plus consommateurs en énergie. une première enveloppe de 1,2 milliards d’euros a été débloquée pour permettre, d’ici à fin 2010, la rénovation énergétique de 100 000 logements. A terme, 800 000 logements devraient être rénovés. L’éco-prêt logement social est destiné aux bailleurs sociaux : organismes HLM, sociétés d’économie mixte, communes gestionnaires de logements locatifs sociaux... Il vise deux types de travaux : - pour les bâtiments achevés après le 1er janvier 1948. Ils doivent, avant travaux, afficher une consommation en énergie primaire supérieure ou égale à 230 kWh/m²/an. Après travaux, cette consommation doit être inférieure ou égale à 150 kWh/m²/an (objectif ajustable selon la zone climatique). Il y a donc obligation de résultat sur la performance énergétique du bâtiment. - pour les bâtiments achevés avant le 1er janvier 1948. Avant travaux, les bâtiments doivent faire l’objet d’un diagnostic de performance énergétique (DPE), et être situés en classe énergétique E, F ou G. L’octroi du prêt est subordonné à la mise en oeuvre d’une combinaison de travaux visant des économies d’énergie. L’éco-prêt logement social peut se cumuler avec les autres aides en faveur des bailleurs sociaux pour financer la réhabilitation énergétique de leurs logements : - dégrèvement de taxe foncière sur les propriétés bâties de 25 % du montant des travaux d’économie d’énergie - subventions de l’ADEME - aides du Fonds chaleur renouvelable créé par le Grenelle de l’Environnement - aides du Fond Européen de Développement Régional (FEDER) D’autres éco-prêts (ou prêts écologiques existent.

Les organismes pouvant donner des aides financières - L’ADEME. Elle soutient l’assistance à maîtrise d’ouvrage, en amont et tout au long du projet. Elle peut participer à financer d’éventuels sur-investissements justifiés par la démarche HQE, sur des opérations exemplaires. Elle peut subventionner jusqu’à 50 % des études de faisabilité, de la mise en place du système de management environnemental et de l’intervention d’une assistance à maître d’ouvrage HQE dans la limite d’un plafond de 75 000 €. - Le Crédit Foncier. Avec le Prêt Foncier Evolution, il est possible de financer des travaux d’économie d’énergie, ainsi que réaliser des projets d’agrandissement et de rénovation, à condition

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que les chantiers comprennent des dépenses d’économie d’énergie.

- Les Banques et le Livret Développement Durable.

- Les Centres Leclerc. Le groupe de grande distribution a créé la Prime Energie le 30 Août 2010. Il s’agit d’offrir des cartes cadeaux aux clients qui réalisent des travaux d’économies d’énergies dans leurs habitations. Il s’agit d’une mesure incitative. - L’ANAH. Elle distribue des éco-subventions, pouvant représenter 20 à 35 % du montant des travaux compris dans une fourchette de 1 500 à 13 000 €, destinés à la rénovation thermique de l’habitat (isolation du toit, des murs, remplacement de chaudière...). Elle donne également des éco-primes de 1 000 € dans certains travaux.

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c. Dépasser le simple argument de vente

Aujourd’hui, les promoteurs immobiliers et les sociétés de conseil en immo-

bilier mettent en avant leurs produits «durables», s’en servant comme argument de vente, mais aussi comme de faire-valoir dans le milieu. Il ne s’agit pas de promouvoir l’éco-construction pour ses bienfaits pour l’environnement, mais davantage parce qu’investir, acheter, louer un bâtiment labélisé permet sur le long terme de faire de réelles économies financières, mais aussi parce que «ça fait bien» d’être dans ce type de produit. Pour les sociétés, c’est une opportunité de renouveler leur image de marque. Il y a un véritable engouement pour ce type de produits, et encore davantage dans l’immobilier tertaire. L’analyse comparée des taux de pré-commercialisation des opérations de bureaux livrables entre 2008 et 2012 met en évidence une meilleure performance des opérations certifiées HQE. Le développement durable est donc un élément différenciant pour les utilisateurs à la recherche de locaux.

Il faut réussir à dépasser les arguments financiers pour promouvoir les réels bienfaits de ces produits : économies d’énergie, respect de l’environnement... Avec la crise que connaissent actuellement les pays occidentaux, les pouvoirs publics de ces pays, et notamment de la France ont trouvé en la croissance « verte », c’est-à-dire, la croissance liée à la vague de développement durable que connaissent nos sociétés, une solution potentielle à la résolution de cette crise. Nous sommes alors en droit de nous demander si la construction durable est réellement une opportunité pour les entreprises du secteur de la construction ou si, au contraire, cela représente un coût trop important pour que ce type de construction se généralise.

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3. L’impact : comment évaluer la ville durable ? a. La mise en place d’indicateurs de durabilité

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our promouvoir la ville durable, et mettre en avant les bonnes pratiques, il convient de mettre en place des outils d’évaluation destinés à faciliter la mise en œuvre de projets durables et d’aider les décideurs et porteurs de projets dans leur action. Pour orienter les actions vers davantage de durabilité, différents indicateurs ont été mis au point et les échanges d’expérience sont facilités pour faire le point sur les bonnes et les mauvaises pratiques. Le panel des indicateurs est aujourd’hui encore incomplet, et porte essentiellement sur l’aspect environnemental du développement durable, et mériterait d’être complété. Le développement urbain durable fait l’objet de débats d’idées, qui devraient mener à une progressive stabilisation de son contenu, par confrontation de traductions et consolidation d’hypothèses et de points de vue.

L’empreinte écologique L’empreinte écologique est un indicateur de durabilité écologique, permettant d’évaluer la quantité de surface de terre et d’eau nécessaire pour produire les biens et services consommés et absorber la pollution générée. C’est une mesure de consommation de ressources naturelles. Elle mesure également la pression que l’homme exerce sur la nature. Chaque humain dispose de 2,6 hectares pour assurer sa consommation personnelle. Or nos modes de production et de consommation dépassent de 30 % les capacités des ressources naturelles à se renouveler et à absorber les pollutions, ce qui implique une perte importante de biodiversité et met en péril les équilibres écologiques de la planète, ce qui est en total désaccord avec les principes du concept de développement durable. Il existe d’énormes disparités entre les pays : un Américain « consomme » en moyenne 9,6 hectares alors qu’un Bengali en consomme 0,6 hectares. L’Europe consomme 4,8 hectares, et la France 5,6 hectares.

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source : global-chance.org

Comparaison des empreintes écologiques par continent Source : personnelle

Les Pays dits « développés » sont ceux qui consomment le plus et donc affichent la plus grosse empreinte écologique. Il est intéressant de faire le parallèle entre leur empreinte écologique et leur motivation à promouvoir un développement durable pour la planète. On s’aperçoit alors que ce sont les pays qui souhaitent le plus hardament la ville durable, qui ont le comportement le moins éco-responsable pour la planète.

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Source : cartographie de Sciences Po, 2007

L’empreinte écologique dans le monde. Source : populationdata.net

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Le bilan carbone Aujourd’hui, deux enjeux fondamentaux se dégagent : - le changement climatique et la nécessité de limiter l’impact humain sur celui-ci, - le contexte d’augmentation du prix des énergies fossiles. Pour répondre à ces deux enjeux, la solution est de réduire les besoins. Le bilan carbone a été conçu à partir de ces constats, pour remplir deux objectifs complémentaires : - estimer à l’échelle du territoire les émissions de gaz à effet de serre, ce qui permet de hiérarchiser les sources d’émission, et ainsi proposer plus facilement des pistes d’action pour réduire les émissions, - évaluer le degré de dépendance aux énergies fossiles. Le bilan carbone établi doit permettre de mettre en place un plan climat territorial, lequel vise la lutte contre le changement climatique, et qui dégage aussi des objectifs d’économie, d’équité sociale et de lutte contre la précarité énergétique. Le bilan carbone n’a pas pour objectif de cibler une responsabilité individuelle, mais davantage de réfléchir en termes de vulnérabilité globale. L’objectif du bilan n’est pas d’avoir une quantification très précise des émissions de gaz à effet de serre, mais de pouvoir démultiplier les champs d’action. L’obtention des données nécessaires au calcul de la quantité d’émissions peut être complexe, et dans ce cas on fait appel à des approches statistiques et des moyennes, qui permettent d’estimer ces quantités. A ce jour, la méthode bilan carbone n’est pas à même de comparer des bilans d’un territoire à un autre, dans la mesure où chacun choisit son mode de calcul, et que ce ne sont pas nécessairement les mêmes éléments qui sont comptabilisés d’un territoire à l’autre. Une fois le bilan réalisé, tout le travail reste à faire pour mener le projet politique de la collectivité.

La disparité des indicateurs locaux de développement On dénombre plus de 500 définitions du développement durable. Désormais, il s’agit avant tout de faire vivre cette notion sur le plan pratique. En renoyant à des données locales très concrètes, les indicateurs favorisent un mouvement. Les acteurs locaux tendent à définir des indicateurs locaux. Très divers, chacun reflète l’idée qu’une communauté particulière se fait du développement durable, compte tenu de son contezxte géographique et de sa culture. La variété des indicateurs qui ressort de la multiplicité des initiatives locales est une richesse. Elle n’en présente pas moins un inconvénient pratique : les performances des villes ne sont pas comparables entre elles et il est très difficile d’identifier les pratiques qui fournissent les meilleurs résultats. La cohérence entre les multiples initiatives locales et leur articulation avec les exigences de développement durable aux niveaux national et international n’est plus assurée. Pour remédier à ce problème, la Commission Européenne a lancé un projet qui vise à définir un ensemble d’indicateurs communs pour les villes européennes.

Le projet d’indicateurs communs pour l’Union Européenne Le groupe d’experts sur l’environnement urbain de la Direction générale de l’environnement de la Commission européenne et l’Agence européenne pour l’environnement on lancé, en février 2002, a l’occasion de la troisième conférence européenne sur les villes durables, l’initiative «Vers un profil de durabilité locale - Indicateurs européens communs». Son but : évaluer les progrès des villes européennes vers le développement durable. 44 villes européennes ont fourni leurs informations. De grandes villes (Barcelone, Birmingham, Oslo, Stockholm), des villes moyennes (Ferrara, Modène, Pampelune) et quelques villes de moins de 100 000 habitants (Viladecans, Villanova) participent à cette enquête. C’est ensemble d’indicateurs communs n’est pas censé se susbstituer aux indicateurs définis à l’échelon local : il s’inscrit en complément. Il constitue un dénominateur commun pour observer l’évolution des villes vers la durabilité. Cela rendra possible la comparaison des différentes stratégies poursuivies et l’identification des points forts, des points faibles, des réalisations exemplaires. Une comparaison est toujours un outil qui suscite une saine concurrence et l’émulation.

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b. La nécessaire évaluation des politiques publiques en matière de développement durable : les Outils de Questionnement et d’Analyse vis-à-vis des critères de Développement Durable (OQADD)

Le développement durable est un modèle de développement complexe qui

s’appuie sur l’amélioration continue et qui nécessite d’être évalué. Aujourd’hui, il apparaît de plus de plus nécessaire d’évaluer les politiques publiques, les conditions et les facteurs clé de succès de réalisation de ces évaluations. Pour cela, différents principes et différentes méthodologies d’évaluation de la durabilité sont élaborés en France et dans le monde, dont des outils de Questionnement et d’Analyse vis-à-vis des critères du de Développement Durable (OQADD).

L’évaluation des politiques publiques, un passage nécessaire pour un processus durable Ce paragraphe vise à définir les notions d’évaluation et de politique publique, pour présenter les différentes caractéristiques de l’évaluation des politiques publiques. L’évaluation de la performance des politiques publiques, une opération complexe multicritères et multiformes

• La performance des politiques publiques

Le terme « politique publique » peut prendre plusieurs acceptations. Il renvoie à la fois à la notion de stratégie, c’est-à-dire l’art de planifier et de coordonner des actions pour atteindre un objectif, mais également à la notion de sphère politique distincte de la société civile et à la notion d’activité politique ou d’action publique, c’est à dire à un processus par lequel la stratégie est appliquée. Ainsi, la politique peut être définie comme « l’art et la manière de gouverner, l’art d’organiser le pouvoir, de conduire les affaires publiques par le biais des institutions et des administrations». Sur la base de la définition proposée sur le site de la Documentation Française, la notion de politique publique peut être vue comme une stratégie décomposée en produits ou services issus de l’action des acteurs publics, pour un prospect cible qui constitue la clientèle, que la politique doit, par le biais de ses actions et de sa communication, satisfaire. L’ouvrage de Jean-Claude Thoenig et d’Yves Mény intitulé « Les Politiques Publiques » définit la notion de politique publique comme « un programme d’actions gouvernementales dans un secteur de la société ou dans un espace géographique » Cette définition complète la précédente en ajoutant la notion de segmentation géographique en parallèle à la segmentation client. On peut donc caractériser la politique publique comme : - Une stratégie long terme - La manière d’organiser les institutions - Les processus de réalisation des organisations - Des objectifs segmentés selon les processus, les clients, la zone géographique Les travaux d’Yvette Lazzeri chercheuse au CNRS réalisés en partenariat avec l’université Paul Cézanne Aix Marseille 3 présente l’évaluation comme « un outil de pilotage stratégique de l’action », « une confrontation de la mise en œuvre, des résultats et des impacts avec les moyens mobilisés (efficience), les objectifs visés (efficacité) et les attentes des bénéficiaires et des partenaires (pertinence) ». A travers cette définition deux idées apparaissent. Premièrement l’évaluation des politiques publiques concoure à évaluer la performance ou les éléments qui la composent.

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- Evaluer la performance d’une politique publique implique d’évaluer sa pertinence. Evaluer la pertinence d’une politique publique vise à mettre en relation les objectifs de cette politique et les enjeux territoriaux. L’objet de la pertinence est de s’assurer que les ressources dédiées à la mise en œuvre de cette politique permettront d’atteindre des objectifs. Apprécier la pertinence d’une politique publique concoure donc à justifier ou non l’application d’une stratégie aux vues d’une situation, à s’interroger sur sa raison d’être. Evaluer la pertinence est une question fondamentale en phase de conception qui concoure à identifier un problème de société. - Evaluer la performance d’une politique publique implique d’évaluer son efficience. Cette notion renvoie à calculer le rendement d’une politique et à répondre à la question : Les résultats obtenus sont-ils satisfaisants compte tenu des moyens engagés ? L’efficience est donc un rapport entre le coût d’une politique et ses résultats. - Evaluer la performance d’une politique publique implique d’évaluer son efficacité. L’Evaluation de l’efficacité consiste à mesurer l’écart entres les objectifs et les résultats d’une politique. Pour calculer l’efficacité il faut se poser la question suivante : Les résultats obtenus satisfont-ils aux objectifs fixés ? Au-delà de ces 3 critères d’évaluation, l’évaluation se doit également d’apprécier la cohérence des politiques publiques entre elles mais également ses impacts indirects. La définition d’Yvette Lazzeri démontre également que l’évaluation des politiques publiques est un outil d’amélioration continue visant à corriger l’action publique notamment pour satisfaire davantage ses bénéficiaires.

• Identification des caractéristiques des évaluations des politiques publiques. Selon les travaux de Boutaud et ceux du Conseil Scientifique de l’Evaluation, l’évaluation des politiques ou des projets publics peuvent se caractériser par cinq critères à savoir, la typologie, la finalité, le moment, l’évaluateur et l’objet.

o L’évaluation des politiques publiques selon la typologie

- L’évaluation récapitulative vise à fournir des données, des informations à des décisionnaires qui ne sont pas impliqués directement, ou de manière opérationnelle dans le processus de mise en œuvre de cette politique. Cette typologie d’évaluation porte sur les résultats obtenus par l’application de la politique. On parle alors d’évaluation démocratique. - L’évaluation formative vise à fournir de l’information aux politiques et décisionnaires engagés dans la réalisation opérationnelle de cette politique. Ce modèle ne vise donc pas à évaluer uniquement le résultat, mais également les moyens pour y parvenir, le processus de réalisation.

o L’évaluation des politiques publiques selon la finalité

Le Conseil Scientifique de L’Evaluation (CSE) identifie quatre finalités à l’évaluation des politiques publiques. - L’évaluation déontologique a pour objectif de rendre des comptes aux responsables politiques et aux citoyens sur la manière dont a été mise en œuvre la stratégie mais également sur les résultats obtenus. La finalité de l’évaluation déontologique est donc démocratique et est principalement réalisée au terme des projets. - L’évaluation gestionnaire vise à réorganiser la planification de la politique ainsi que la répartition de ses ressources en fonction de l’état d’avancement. Cette dernière est ex temporel, elle se déroule principalement durant la mise en œuvre de la politique.

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- L’évaluation décisionnelle a pour objectif de préparer des décisions relatives à la mise en application, l’arrêt ou la refonte d’une politique. - L’évaluation d’apprentissage ou éducative vise à enseigner, former les fonctionnaires et plus largement l’ensemble des parties prenantes d’une politique, afin de les impliquer et les motiver dans un projet. Si quatre catégories sont clairement identifiées et distinctes dans les faits, la finalité d’une évaluation est rarement unique.

o L’évaluation des Politiques publiques selon le moment

Si le site du Ministère des affaires étrangères et européennes définit l’évaluation comme le fait de « porter un jugement sur la valeur d’une action passée » et que l’évaluation est une action plus souvent réalisée en aval de la mise en œuvre de la politique. Trois temporalités peuvent cependant être identifiées. - L’évaluation à priori ou ex-ante, vise à éclairer des choix sur lesquels il est difficile de revenir, c’est notamment le cas dans les opérations urbaines importantes. - L’évaluation ex-temporel qui est un moyen de suivi, un contrôle régulier permettant d’avoir une vision de l’état d’avancement des projets et des potentiels progrès. L’évaluation ex tempore permet notamment d’apporter des corrections éventuelles au processus de réalisation. - L’évaluation ex post intervient quant à elle à l‘issue d’un programme d’actions ou d’un projet.

o L’évaluation des politiques publiques selon l’évaluateur

- L’auto-évaluation : Ce type d’évaluation est réalisé par une ou plusieurs personnes impliquées dans la mise en œuvre ou la définition de la politique permet notamment d’obtenir un bilan et des recommandations opérationnelles rapidement. - L’expertise externe : Ce type d’évaluation est principalement utilisé sur des problématiques complexes ou stratégiques par des consultants externes à la sphère publique. L’expertise externe est donc susceptible d’être davantage impartiale que l’auto-évaluation. - L’expertise concomitante : Elle lie compétences internes et externes et permet d’avoir une analyse précise et rapide d’un processus en assurant une certaine impartialité.

o L’évaluation des politiques publiques selon l’objet

Le bureau de l’évaluation distingue quatre objets : - L’évaluation d’opérations - L’évaluation transversale ou sectorielle - L’évaluation d’instruments (organismes, opérateurs, moyens) - L’évaluation géographique S’il est difficile de définir ce qu’est l’évaluation des politiques publiques de par les différentes formes qu’elle peut prendre, il est plus aisé de présenter ce qu’elle n’est pas. Premièrement l’évaluation des politiques publique ne vise pas à porter un jugement de valeur sur une personne, un politique. En effet, si la réussite d’une politique publique est conditionnée par la personne ou l’organisation qui en a la charge d’un point de vue stratégique, elle dépend également de la manière dont elle sera développée du point de vue opérationnel par les administrations et de la manière dont elle sera acceptée par la société civile. Deuxièmement, l’évaluation des politiques publiques ne peut être assimilée à un audit ou un contrôle de gestion. En effet, ces processus d’appréciation sont différents. Selon le Guide de l’évaluation du Ministère des affaires étrangères l’audit est un

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processus d’appréciation qui vise à s’assurer que la mise en œuvre d’un projet est conforme à une procédure. L’audit ne traite donc pas de la pertinence et de l’impact du projet. Le contrôle de gestion relève quant à lui d’un processus continu qui permet d’assurer un suivi régulier. Finalement, si le Ministère des affaires étrangère et le monde scientifique plébiscitent une approche ex ante, Boutaud présente dans sa thèse que l’évaluation des politique publique peut non seulement être réalisée durant son application mais également à priori. Cette contradiction entre l’approche du Ministère et la thèse Boutaud ne les empêchent cependant pas de qualifier l’Evaluation comme un outil démocratique. En effet, il est unanimement reconnu que l’évaluation des politiques publiques va dans le sens de la démocratie et plus largement de la démocratie participative. Yves Cannac, Président de l’observatoire de la dépense publique de l’institut de l’entreprise, admet ainsi dans la préface de l’étude comparative des méthodes et des processus d’évaluation réalisée par Sylvie Trosa que le mot Evaluation peut prendre un double un sens. « L’évaluation est à la fois une véritable technique professionnelle et une exigence qu’une démocratie moderne doit s’imposer ». Si la nécessité de mettre en œuvre une évaluation des politiques publiques est aujourd’hui plus largement acceptée et perçue comme nécessaire notamment dans les situations de crise financière et de dette publique importante et croissante, elle doit également se faire en faveur des citoyens afin d’améliorer leur vision et leur compréhension des politiques engagées. Reste maintenant à identifier les conditions de réussite d’une évaluation d’une politique publique.

Des facteurs clés de succès identifiés mais un rapport français à l’évaluation toujours difficile Comme nous avons pu le voir dans le précédant paragraphe, l’évaluation des politiques publiques est un exercice complexe multiforme et multicritère. Si dans les pays Anglo-saxons l’évaluation de l’action politique est courante, en France, l’issue des différentes tentatives démontrent une certaine incompatibilité culturelle qui nécessite une réflexion particulière sur les facteurs clés de succès facilitant la mise en place de l’évaluation des politiques publiques.

• La France et son rapport à l’évaluation

En France, l’évaluation des politiques publiques a débuté dans les années 70 avec la Rationalisation des Choix Budgétaire (RCB). Confiée à un organe appelé « Mission R.C.B. », dans un objectif de modernisation de l’appareil administratif, la RCB visait non seulement à rationaliser les choix budgétaires mais également à mettre en œuvre un contrôle de l’action publique. A l’image du modèle américain « Planning Programming Budgeting System » (PPBS), la RCB avait pour ambition de développer une nouvelle coordination de l’action publique, fondée sur 4 principes exposée par Philippe Huet et Jacques Bravo dans « L’expérience française de rationalisation des choix budgétaires » . - La planification stratégique - La direction par objectifs, impliquant décentralisation décisionnelle - Le contrôle budgétaire par la comparaison entres les résultats obtenus et les prévisions faites - L’information permettant à chaque niveau décisionnel de s’auto-évaluer de façon constructive. La RCB sera abandonnée dans les années 1980. Les raisons de cet échec sont multiples et connexes. Premièrement, la complexité des outils développés n’encourageait pas à leur utilisation. Deuxièmement, la période d’analyse trop ex ante ne permettait pas de corriger et d’améliorer les actions et la stratégie des politiques. Enfin, la RCB fut vécue comme une contrainte supplémentaire par les fonctionnaires qui voyaient en elle un outil de contrôle du travail effectué. La RCB a donc dû faire face à une forte résistance des agents de l’Etat mais également des politiques qui voyaient en elle un moyen de remettre en cause leur légitimité. Dans les années quatre-vingt et dans un contexte de décentralisation forte, l’évaluation des politiques publiques revient par le bais de Jacques De-

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lors alors Ministre de l’économie des finances et du budget. Pour ce dernier l’évaluation apparait comme « un instrument susceptible de rendre plus efficace la préparation et l’exécution de ces politiques et d’éclairer le débat démocratique » (cité par Boutaud pages 166). Là encore, la culture de l’administration française s’est trouvée opposée à cette approche et n’était pas prête à un changement aussi profond. Les années quatre-vingt-dix marqueront un changement radical avec la création de structures chargées de l’évaluation des politiques publiques tels que le Comité Interministériel de l’Evaluation (CIME), présidé par le Premier Ministre qui avait pour objectif de développer et de coordonner les initiatives gouvernementales en matière d’évaluation, ou encore le Fonds Nationale de Développement de l’Evaluation (FNDE). Les années deux milles, période marquée par une forte décentralisation, notamment illustrée par les nombreux Contrats Plan Etat Région (CPER) contractualisés, mais également par les engagements de la France vis-à-vis de l’Europe renforce les pratiques d’évaluation. La loi organique du 1er aout 2001 relative aux lois de finance (LOLF) qui développe l’approche «performantielle» dans les politiques publiques est une étape clé pour la France. Le large consensus politique dont a fait preuve cette loi démontre qu’un changement de paradigme est entamé, que la France est en train de passer d’une logique de moyens à une logique de résultats.

• Les conditions de succès de l’évaluation des politiques publiques

Sylvie Trosa identifie dix 10 Facteurs Clé de Succès (FCS) pour mener à bien une évaluation. Ces facteurs clé de succès peuvent être synthétisés en cinq groupes. Créer une culture de l’évaluation en persuadant les agents aux services de l’action publique de l’utilité d’une approche quantitative en parallèle de l’approche intuitive. Ce changement profond, qui s’apparente à un changement de paradigme, doit démontrer sa plus-value en faveur de l’action publique, permettant de corriger, de modifier la stratégie politique et non d’être considérée comme une contrainte supplémentaire visant à réduire les dépenses et à contrôler le travail effectué. Pour ce faire, l’évaluation ne doit pas seulement se limiter à quelques spécialités ou projets mais au contraire être généralisée. o Développer une véritable stratégie d’évaluation sur le long terme identifiant : - Les ressources financières, humaines et matérielles. - Les objectifs quantitatifs, également en termes de délais, - Les parties prenantes - Un plan de communication - Une méthodologie traitant de la finalité, de la typologie et du moment de l’évaluation - les impacts potentiels des résultats de l’évaluation à court et moyen terme sur la politique o Prendre en compte l’ensemble des parties prenantes en les identifiant et les caractérisant, en les associant aux évaluations. o Se doter d’une structure spécialisée spécialement dédiée à l’évaluation des politiques publiques. Ce FCS a un double objectif qui dans un premier temps permet d’améliorer le niveau d’expertise des évaluateurs et donc d’améliorer la pertinence des évaluations, et par conséquent de légitimer l’évaluation aux yeux des politiques.

o Bénéficier d’une impulsion politique forte.

La charte de l’évaluation rédigée par la Société Française d’Evaluation (2006) complète ces dix FCS en proposant comme principes, « la transparence » et « la distanciation ». Ces deux éléments apparaissent en effet nécessaires afin que la pertinence et la légitimité de l’évaluation ne soit pas

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remise en cause. La transparence est destinée à partager à la fois, les modalités, les finalités et les résultats de l’évaluation. La distanciation assure quant à elle une certaine autonomie du processus d’évaluation vis-à-vis du processus des gestions courantes et de décisions. La mise en œuvre et la réussite des évaluations des politiques publiques concourent donc à la conjonction de l’ensemble de FCS, à une modification profonde de l’organisation de l’action publique et de sa culture. Ces changements ne pourront se faire sans une impulsion politique forte. En effet, cumulativement à ses difficultés culturelles, la France se voit également confrontée à la problématique de l’éclatement du paysage administratif. La chaine verticale qui s’est construite entre l’Europe et la France, mais également entre le gouvernement et les collectivités rendent l’exercice plus complexe, notamment en l’absence d’un organisme susceptible de coordonner et de définir les processus d’évaluation. Trosa exprime son scepticisme et énonce que l’évaluation dans les conditions actuelles « relève de la gageure », notamment « en l’absence de mécanisme contractuel assorti d’indicateurs et d’obligations de résultats ». Ainsi pour Trosa, en l’absence d’obligation de résultats (Article 72 de constitution), l’évaluation des politiques publiques n’a pas de sens et ne concoure pas à améliorer la performance de l’action publique. En outre l’absence d’obligation de résultats, la complexité de l’évaluation, les champs d’actions relativement large des politiques publiques et les rapports français entretenus jusqu’alors avec l’évaluation, montrent à quel point il est difficile de faire cohabiter ces deux notions. Cependant, même si les méthodes et les outils d’évaluation sont perfectibles, il est certain qu’ils ont contribué à la modernisation de l’appareil public et à le rendre potentiellement plus performant. En effet, l’évaluation facilite les retours d’expériences et responsabilise les acteurs publics d’un point de vue financier mais également vis-à-vis des citoyens actuels et futurs. L’évaluation est donc un élément fondamental pour faire entrer les politiques publiques dans un processus durable.

Evaluer la durabilité, un exercice complexe Comme nous l’avons vu précédemment, l’évaluation des politiques publiques est une opération délicate. Evaluer la durabilité des politiques publiques l’est encore davantage. Les difficultés résident dans le fait que le développement durable propose une approche systémique fondée sur l’interdépendance des aspects environnementaux, sociaux et économiques. Sa temporalité (concilier exigences à court terme et à long terme) et son échelle géographique sont d’autant plus pénalisantes pour mettre en œuvre une évaluation. La relative jeunesse du concept de développement durable et de l’évaluation des politiques publiques expliquent l’état assez rudimentaire de la réflexion et des outils d’évaluation de la durabilité des politiques publiques. Quelques principes ont cependant déjà été identifiés.

L’évaluation des politiques des collectivités en matière de développement durable L’évaluation des politiques publiques s’est faite jusqu’à présent pour l’essentiel, selon les critères qui étaient fonction des finalités mêmes des politiques menées. La question de l’évaluation des politiques publiques est susceptible de se compliquer davantage lorsqu’il s’agit d’évaluer ou de juger des politiques diverses en fonction d’un critère multidimensionnel comme le développement durable. Pour autant, cette complexité n’a pas empêché un certain nombre de collectivités locales de se lancer sur la voir de l’évaluation. La question de l’évaluation du développement durable s’est progressivement imposée en France dans les politiques d’aménagement du territoire au niveau local. Nombre d’outils existants ont jusqu’à présent été pensés dans une logique d’évaluation des projets, plus rarement des programmes ou des politiques. Un premier mouvement a été initié à travers les documents de contractualisation entre l’Etat et les régions, notamment suite à l’introduction de la préoccupation du développement durable dans les schémas de services collectifs et les Contrats de Projets Etat-Régions avec la Loi d’Orientation pour l’Aménagement et le Développement Durable du Territoire (LOADDT). Dans le même temps,

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la volonté de l’Etat d’inciter les collectivités à la création d’Agendas 21 locaux sous la forme d’appels à projet a également permis d’impulser une réflexion autour de cette question de l’évaluation. Certaines collectivités se sont elles-mêmes saisies du sujet en essayant de développer à leur propre échelle des outils adaptés. Tous ces mouvements ont ainsi abouti à la création d’outils d’analyse adaptés à l’évaluation des projets, tandis que la question de l’évaluation des programmes et des politiques restait en suspens. L’évaluation environnementale est paradoxalement apparue très tôt, dans le courant des années 1970, dans nombre de législations des pays développés, à travers notamment la généralisation des procédures d’études d’impact sur l’environnement. En France, c’est la loi n°76-629 du 10 Juillet 1976 relative à la protection de la nature qui introduit l’exigence des études d’impact. Les études d’impact sont obligatoires pour tous les projets d’aménagement, et sont jointes au dossier soumis à enquête publique. La prise en compte le plus en amont possible de l’environnement dans le cycle du projet permet d’améliorer leur qualité environnementale. Les stratégies de développement durable doivent donc s’appuyer sur une évaluation périodique des résultats obtenus afin de dresser un nouveau diagnostic et de réorienter les priorités et les actions de mise en œuvre de la stratégie. La circulaire du 11 Mai 1999 adressée par le Ministre de l’Aménagement du Territoire et de l’Environnement aux Préfets de Régions précise que l’évaluation suppose de définir dès le début des objectifs, des paramètres de suivi, des échéances de contrôle voire de correction, et pour ce faire d’ouvrir la concertation à tous les partenaires concernés. De fait, un outil d’évaluation nouveau est proposé aux préfets afin de faciliter la sélection et le suivi des projets : les « grilles du développement durable ». La définition et la mise en œuvre d’une grille du développement durable, applicable à tout projet, peut contribuer à l’appropriation de la démarche et faciliter l’analyse systématique des projets. La LOADDT aura ainsi permis de mettre l’accent sur la question de l’évaluation du développement durable, tant au niveau des programmes que des projets.

Des principes d’évaluation qui favorisent l’évaluation multicritères • Les principes de Bellagio Les principes de Bellagio (1996) représentent la ligne directrice de l’évaluation de la durabilité d’une politique. Du nom d’une ville italienne où ils furent créés par des spécialistes internationaux de l’évaluation regroupés au centre d’étude et de conférence de la fondation Rockefeller, ces 10 principes visent à faciliter la réalisation et le perfectionnement des activités d’évaluation. Ils démontrent au passage la nécessité d’adopter de nouvelles méthodes d’évaluation de la durabilité. - Principe 1 : Vision et objectifs - Principe 2 : Perspective globale - Principe 3 : Éléments fondamentaux - Principe 4 : Portée adéquate - Principe 5 : Centres d’intérêts pratiques - Principe 6 : Ouverture - Principe 7 : Communication effective - Principe 8 : Vaste participation - Principe 9 : Constante évaluation - Principe 10 : Capacité institutionnelle On peut résumer les principes de Bellagio de la manière suivante. La mise en œuvre d’une évaluation portant sur la durabilité doit s’appuyer sur une vision claire du développement durable qui identifie des objectifs. Ce processus d’évaluation doit être capable de s’adapter à la problématique, aux projets, aux évaluateurs notamment afin de garantir une certaine flexibilité de l’outil compte tenu de la complexité des systèmes. En effet, l’évaluation de la durabilité ne peut se faire sans une approche globale et systémique du fait de l’interdépendance des aspects économiques, sociaux et environnementaux. Cette évaluation transversale doit également couvrir un horizon temporel et

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géographique étendu, traitant à la fois du court et du long terme, on parle de « temps de l’homme et des écosystèmes » de l’impact local et global. Aussi, pour être recevable, le processus d’évaluation de la durabilité doit être itératif, s’appuyer sur les conditions historiques et actuelles pour essayer de deviner l’avenir. Pour ce faire, il doit faciliter l’accès aux outils d’évaluation et l’apprentissage collectif, encourager la participation générale en assurant une certaine représentativité de la société civile mais également s’assurer de l’implication des décideurs et de la prise en compte des résultats de l’évaluation dans les décisions politiques. En effet, comme l’énonce Christian Brodhag, Directeur de Recherche, de l’Ecole des Mines de Saint-Etienne dans son rapport « Gouvernance et évaluation dans le cadre du développement durable » suite au colloque « Europe villes et territoires » organisé à Lille en Novembre 2000 : L’évaluation ne doit pas seulement considérer les résultats opérationnels (outputs) qui relèvent des niveaux techniques et administratifs mais aussi les résultats d’impact (outcomes) qui relèvent du niveau politique ». De plus, il apparait que la démarche d’évaluation se doit d’être relativement simple pour s’assurer l’appropriation de l’outil par l’ensemble des acteurs, pour garantir une interprétation comprise par tous. Pour ce faire, l’outil d’évaluation doit proposer un ensemble explicite de catégories en lien avec les objectifs, un nombre d’indicateurs limités ainsi que des points clés à analyser ceci afin d’identifier aisément les améliorations et les progrès. Cela passe donc par une certaine normalisation de la démarche qui facilite la comparaison entre visions, objectifs et indicateurs, pour faire ressortir une tendance générale. Enfin, pour garantir sa pérennité, il convient de répartir les responsabilités, d’identifier les garants du processus et de leur apporter un soutien constant, notamment afin de développer leur capacité d’évaluateur.

• l’analyse multicritères (AMC) Il ressort des principes de Bellagio que l’évaluation de la durabilité ne peut se faire qu’à travers une analyse multicritères. En effet, l’approche systémique, telle qu’elle est recommandée dans les principes de Bellagio, ne permet pas une approche monocritère dans le sens où le développement durable englobe plusieurs paramètres de différentes natures. L’analyse de la durabilité ne peut donc se faire qu’à travers une analyse multicritères sur la base du triptyque Economie, Social, Environnement. L’analyse de Boutaud sur cet aspect va même plus loin. Ce dernier dénonce en effet les limites de l’approche monocritère « l’omniscience de l’expert dans le processus de décision, le mythe du choix optimum (optimum de Pareto) ou encore celui de l’information parfaite…présenteraient …l’inconvénient assez fâcheux de ne pas donner une représentation assez fidèle de la réalité » (Page 189). Pour Boutaud, l’analyse multicritères est donc susceptible d’être plus proche de la réalité et d’être plus pertinente pour évaluer la durabilité d’une politique ou d’un projet. L’analyse multicritère peut être définie comme une méthode d’évaluation visant à apprécier la performance (ou l’un des éléments qui la compose) d’une politique ou d’un projet complexe, cumulant des disparités de différents ordres, sur la base de critères quantitatifs et qualitatifs en vue d’atteindre, des objectifs à priori contradictoires. Cette forme d’évaluation est possible en amont, durant et après la mise en œuvre d’une politique ou la réalisation d’un projet. Il ressort cependant qu’elle est principalement ex ante et sert d’outil d’aide à la décision. Selon le guide pratique pour l’élaboration de propositions de programmes de dépenses, de la Commission Européenne (CE) de 2001, l’évaluation en amont permet non seulement, d’être pertinent, en s’assurant que les ressources dédiées permettent d’atteindre les objectifs fixés, mais également d’être plus exhaustif et d’améliorer sensiblement la programmation d’une politique ou d’un projet. L’amélioration de la programmation, que la CE définit comme « la conception et l’établissement d’une intervention multisectorielle, impliquant souvent diverses sources de financements et différents services gestionnaires » est donc susceptible de mieux faire concorder les enjeux Economiques, Sociaux et Environnementaux du développement durable. Il ressort donc qu’une analyse multicritères est plus pertinente qu’une analyse monocritère pour évaluer la durabilité mais également que son positionnement ex ante améliore la programmation et la conception d’un projet. Ces conclusions nous permettent donc de dire que l’analyse multicritères ex-ante est plus à même d’améliorer la

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durabilité des projets urbains. En effet, la conception urbaine englobe différentes thématiques (mobilité, construction, équipements publics…), qui ont des impacts sociaux économiques et environnementaux. De fait, l’analyse de la durabilité des projets urbains ne peut se faire qu’en adoptant une approche systémique multicritères. Il convient également de dire que l’amélioration de la programmation, qui représente un facteur de réussite important de la mutation des villes, encourage à utiliser l’évaluation en amont. Aussi, les difficultés de mise en œuvre de l’évaluation des politiques publiques qui ont jusqu’alors principalement été réalisées en aval (ex post), le nombre important d’éléments à prendre en compte dans les projets urbains, les externalités positives ou négatives qu’ils sont susceptibles d’engendrer et les difficultés à revenir sur ces projets une fois engagés ou terminés, encouragent donc à développer une évaluation multicritères ex ante pour aboutir à un urbanisme durable.

Les OQADD outils d’analyse multicritères ex ante Les Outils de Questionnement et d’Analyse en matière de Développement Durable visent à interroger la durabilité d’un projet ou d’une politique, à faciliter la prise de décision. Ces outils, principalement utilisés en phase amont, se présentent sous la forme de questionnements successifs, de grilles d’interrogation. Les OQADD s’apparentent donc davantage à des outils d’aide à la décision ex ante qu’à des outils d’évaluation et sont principalement utilisés pour comparer des projets plutôt que d’évaluer une politique. Pour ce faire les OQADD sont organisés par arborescence. Le niveau initial ou niveau 1, s’interroge sur la finalité de l’évaluation par le bais d’une question globale et transverse. Le niveau suivant identifie les différents thèmes à analyser qui sont généralement, le développent économique, le progrès social et la performance environnementale. Ces thèmes sont ensuite décomposés en thématique ou sous thème au niveau quatre puis en critères. Cette organisation par arborescence vise non seulement à s’assurer de l’exhaustivité de l’analyse, de montrer l’interconnexion des critères et des thèmes entres eux, mais également de hiérarchiser et caractériser les critères d’évaluation. Pour ce faire, les OQADD utilisent généralement une pondération sur les questions fermées qui vise à donner un degré d’importance supplémentaire à un critère ou une thématique. Cette caractérisation est une opération sensible susceptible d’impacter fortement les résultats de l’évaluation, elle est cependant nécessaire car elle permet d’améliorer la lisibilité de l’analyse, d’identifier plus aisément les points forts et faibles d’un projet. Cette caractérisation des critères et des thématiques peut varier en fonction de l’état initial d’un projet, c’est-à-dire d’une priorité apparemment déjà identifiée suite à un audit in situ, en fonction de la volonté des acteurs locaux ou encore en fonction de la facilité de mise œuvre d’une action. Ainsi, s’il était reproché à l’analyse monocritère qu’elle ne renvoyait pas une image conforme de la réalité, il apparait ici que la pondération qui répond à une forme d’intuition peut également aboutir à une certaine forme de déformation de l’évaluation et donc de la réalité. La création d’un Outil de Questionnement et d’Analyse en matière de Développement Durable est donc relativement complexe puisqu’elle doit limiter l’impact de l’intuition lié à la pondération, mais se doit également d’être exhaustive et simple d’utilisation. L’étude de Boutaud et de L’ADEME présente en effet que l’utilisation OQADD est conditionnée par la simplicité de l’outil. Ce dernier démontre en effet « qu’un grille complexe a tendance à être réservée à une utilisation de type « experte » et « technicienne ». Or, si une grille d’analyse dite complexe est susceptible de proposer une évaluation plus approfondie et pertinente d’un projet, elle ne permet cependant pas l’expression de la société civile et de l’ensemble des parties prenantes telle que les recommandent les principes de Bellagio. La même corrélation est faite entre la complexité de l’outil d’évaluation et son occurrence d’utilisation. Ainsi, plus un outil est complexe moins il est susceptible d’être utilisé. Cela s’oppose aux FCS identifiés par Trosa, qui insiste sur le fait que l’utilisation régulière des outils d’évaluation permet de pérenniser et de démocratiser la démarche. Au même titre que la complexité d’un outil, Boutaud démontre que le portage politique d’une démarche d’évaluation La ville durable : entre idéal et réalité Laure Vichard-Cormont, Master GAELE Aménagement et Urbanisme, Paris IV Sorbonne

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est également un facteur impactant la pérennité et l’occurrence d’utilisation des OQADD. Ainsi, l’étude de Trosa et les compléments apportés par Boutaud nous permettent de dire que l’utilisation des OQADD répond également à des FCS, à savoir le portage politique mais également la simplicité de l’outil. Au vue de ces contradictions, une question se pose alors. Comment un outil d’utilisation relativement simple peut-il aboutir à une analyse pertinente d’un système complexe tel que l’urbanisme durable ? Pour répondre à cette question, une présentation et une critique de trois outils d’évaluation de la durabilité de projet urbain sur la base des principes de Bellagio et des FCS identifiés par Trosa et Boutaud sera présentée ci-après.

Les OQADD, des outils d’évaluation de la durabilité urbaine adéquats ? Ce dernier paragraphe vise à présenter et à identifier les forces et faiblesses de trois outils d’évaluation : la démarche HQE²R, la grille RST02 et le référentiel EcoCité. Pour ce faire, trois éléments seront analysés. Dans un premier temps, une introspection des outils permettra de vérifier ou non l’équilibre de l’évaluation selon les piliers du développement durable et le respect de ses principes généraux. La seconde phase permettra de se faire un avis sur ces outils en termes d’évaluation de la performance. Enfin, l’analyse permettra d’identifier les points forts et faibles des méthodologies selon les facteurs clés de succès de l’évaluation des politiques publiques identifiés par Trosa.

Présentation des OQADD : HQE²R, RST02, et de la grille UTOPIE • La démarche HQE²R Le projet Haute Qualité Environnementale et Économique dans la Réhabilitation des bâtiments et le Renouvellement des quartiers (HQE²R), est né en 2001 sous l’initiative de sept pays européens (la France, l’Espagne, l’Italie, l’Allemagne, le Royaume-Uni, le Danemark et les Pays-Bas ) et dix centres de recherche. Cette démarche représente l’un des projets de recherche les plus important d’Europe sur la problématique de l’urbanisme durable. Cofinancée par la Commission Européenne dans le cadre du cinquième Programme Cadre de Recherche Développement (Action clé 4 « Ville de demain et héritage culturel ») et coordonnée par le CSTB au niveau national, la démarche HQE²R présente un panel d’outils destinés aux maitres d’ouvrage. L’objectif de la démarche HQE²R est de proposer un outil opérationnel permettant d’intégrer, dans les opérations d’aménagement et de renouvellement urbain, le développement durable à l’échelle du quartier. La démarche propose pour cela divers outils. Pour Catherine Charlot-Valdieu (économiste en charge du développement urbain durable au CSTB et responsable de l’association Suden) et Philippe Outrequin (docteur en économie de l’université de Paris 1 et fondateur du bureau de conseil La Calade), tous deux rédacteurs de la démarche, l’échelle géographique du quartier n’est certes « pas la meilleure échelle en ce qui concerne la décision » mais une échelle pertinente en termes de mise en œuvre et d’évaluation des projets. La première phase de la démarche s’appuie sur le système ISDIS « Issues and Sustainable Development Indicators System » qui structure la démarche HQE²R et renseigne sur les objectifs de développement durable à l’échelle du quartier. Cet outil de réflexion, en amont du diagnostic sur site vise donc, à définir une stratégie générale applicable partout, à orienter et à définir les cinq enjeux du quartier durable : - Préserver et valoriser l’héritage et conserver la ressource - Améliorer la qualité de l’environnement local - Améliorer la diversité - Améliorer l’intégration - Renforcer le lien social Ces cinq objectifs sont ensuite décomposés en vingt et une cibles et cinquante et une sous cibles

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et soixante et un indicateurs. Cette première phase est également un moyen de communiquer sur les enjeux du développement durable notamment par le bais de l’outil ISDIS. La seconde phase de la démarche HQE²R consiste à un diagnostic permettant d’identifier les problèmes spécifiques d’une zone géographique et les décisions stratégiques à prendre pour remédier à ces problèmes. Ce diagnostic sur site est réalisé par le biais de la méthode HQDIL. Cette méthode croise les 4 éléments d’un quartier (Bâtiments résidentiels, bâtiments non résidentiels, espaces non bâtis, infrastructures et réseaux) aux 5 objectifs ISDIS. Après en avoir identifié les points forts et faibles du secteur, le diagnostic est partagé avec les acteurs locaux. Dans son livre, Catherine Charlot-Valdieu énonce que la participation de la population est un point important du diagnostic qui permet de mieux comprendre les résultats obtenus, de tenir compte des spécificités locales mais également de mieux faire comprendre les enjeux et les objectifs de l’opération à la population. La troisième phase concoure à l’élaboration d’une stratégie et d’un plan d’action notamment par la comparaison de divers scénarii d’aménagement. Cette comparaison est réalisée par le biais de trois outils : - Le modèle ENVI (ENVironment Impact) a été développé en partenariat avec EDF afin de mesurer l’impact environnemental des projets urbains notamment à travers les consommations d’énergie, les émissions de Gaz à effets de serres, la quantité de déchets non recyclés, la consommation d’espaces, l’utilisation d’énergies renouvelables, ou encore la consommation d’eau. L’objectif du modèle ENVI est de comparer les scenarii possibles d’un point de vue environnemental mais également de faire un bilan une fois les projets aboutis. - Le modèle ASCOT (Assessment of Sustainable Construction & Technology Cost), a été développé par l’entreprise Danoise Cenergia et adapté par La Calade. Cet outil permet d’évaluer financièrement les coûts du projet. - Le modèle INDI « Indicateur de développement durable » a été développé par Philippe Outrequin et vise, sur la base des indicateurs du système ISDIS, à évaluer et comparer la durabilité des projets d’aménagement de quartier. Cette comparaison se fait sur la base d’une notation par thématiques évoluant de 0, synonyme de « d’état préoccupant » à 5 pour un « état exemplaire » en comparaison de l’état initial. Pour ce faire, le modèle INDI identifie quatorze thématiques et près de cent cinquante-deux critères qualitatifs ou quantitatifs. La quatrième et dernière phase vise à définir un plan d’action sur la base des comparaisons de scénario, à s’assurer de la cohérence du plan d’action par rapport aux documents d’urbanisme, mais également à suivre le projet et à l’évaluer. La démarche HQE²R est présentée par ses auteurs comme un ensemble d’outils d’aide à la décision principalement destiné aux collectivités locales. En France, ces outils ont été testés sur une ZAC de Valencienne, une Opération Programmée d’Amélioration de l’Habitat (OPAH) à Cannes et deux Opérations de Renouvellement Urbain (ORU) à Angers et Echirolles notamment.

• La grille RST02

La grille RST02 est un outil d’évaluation du développement durable développé par le Réseau Scientifique et Technique (RST), les Centres d’études techniques de l’équipement (CETE), le Centre d’études sur les réseaux, les transports, l’urbanisme (CERTU), Direction générale de l’urbanisme, de l’habitat et de la construction (DGUHC/MAD). La méthode RST 02, est présentée par le guide d’utilisation du CERTU, comme une grille de lecture du développement durable, permettant « de se poser les bonnes questions pour trouver la voie du développement durable au sein des projets ». Pour ce faire, le CERTU a développé un outil au format Excel, organisé en sept thématiques traitant des trois piliers du développement durable, de ces trois interfaces et de la gouvernance. Chaque La ville durable : entre idéal et réalité Laure Vichard-Cormont, Master GAELE Aménagement et Urbanisme, Paris IV Sorbonne

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thématique est ensuite décomposée en différents critères puis chaque critère fait l’objet de questionnements eux-mêmes soumis à des recommandations. L’objectif de ce processus d’évaluation est à la fois : - « Sensibiliser les agents de l’Etat au développement durable », - « Faire émerger des problèmes en suspens », - « Evaluer la durabilité des projets », - « Favoriser la gouvernance participative et l’engagement des parties prenantes » L’utilisation de l’outil RST02 ne se limite pas à un champ technique particulier mais est susceptible de s’adapter à toutes les situations, qu’elles soient concrètes (Extension d’une ligne de Tram, aménagement d’espace public, projet urbain…) ou non (Plan local d’urbanisme, SCOT), elle nécessite cependant une formation visant à s’assurer de l’appropriation de la grille des évaluateurs mais également d’expliquer ce qu’est le développement durable en présentant les principes de la déclaration de Rio. A l’issue de cette formation, l’évaluation est organisée de manière « Collégiale » par une équipe projet « intégrant un grand nombre d’acteurs tant internes qu’externes ». Cette confrontation des points de vue passe par l’interrogation de l’ensemble des acteurs du projet et vise à évaluer par le biais d’entretiens collectifs la satisfaction des recommandations générales identifiées dans le guide de questionnement. Ce processus est principalement qualitatif puisqu’il se base sur des réponses ouvertes contrairement à la démarche HQE²R. Ainsi, la satisfaction du critère dépend bien évidemment de la réponse proposée par l’évalué mais également de l’interprétation de l’évaluateur. Enfin, selon le guide d’utilisation qui présente la grille RST02, cet outil ne propose pas de pondération entres les critères, « Le principe de hiérarchiser ou non certains critères est donc laissé à la libre appréciation de l’utilisateur », ni de note. Le guide d’utilisation présente que « Même si elle présente des similitudes avec l’analyse multicritère, la grille RST02 n’est pas un véritable système d’analyse multicritère ». Elle propose cependant une analyse qualitative des réponses données par les critères suivants : • Mal pris en compte, • Non pris en compte, • Moyennement pris en compte, • Assez bien pris en compte, • Bien pris en compte, Pour limiter les erreurs d’appréciation, ces niveaux d’estimation sont clairement définis dans le guide d’utilisations. En France la grille RST 02 s’est plus largement rependue que la démarche HQE²R, puisqu’elle a été utilisée sur plus de trente projets principalement en phase conception stratégique de type, Plan Local d’Urbanisme, Plan de Déplacement Urbain, charte de développement durable.

• La grille Ecocité

La grille d’évaluation créée par UTOPIE dans le cadre de l’évaluation des dossiers de candidatures des 13 villes à l’appel à projet Ecocité est constituée de six thèmes. A savoir : - Le mode de gouvernance, - La conception urbaine, - Le développement économique, - Les réseaux et les déplacements, - L’attractivité et la solidarité, - L’environnement et les ressources L’ensemble de ces thèmes est ensuite décomposé en critères présentés sous la forme interrogative puis sous les formes de recommandation. La spécificité de cet outil est qu’il quantifie clairement le niveau des candidatures sur chaque critère. En effet, Utopie propose dans cet outil trois notes :

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- La colonne stratégie, vise à analyser la tactique et les moyens développés par la ville pour satisfaire les critères, - La colonne Application, évalue la satisfaction des recommandations - La colonne Couverture, vise à analyser le déploiement de cette stratégie aux différentes échelles du territoire. La note de chacune de ces colonnes fait ensuite l’objet d’une moyenne qui permet d’évaluer plus globalement le respect du critère analysé sur une échelle de 0% à 100%. Pour définir ces notes, le MEEDDM s’est appuyé sur ses AMO, mais également sur les services des DREAL et de l’ADEME. Suite à cette phase de sélection et aux dialogues itératifs organisés dans les différente villes sélectionnées, une seconde grille d’évaluation en cours de conception, devrait permettre d’évaluer la réponse au cahier des charges Ecocité (Janvier 2011) servira au Commissariat General à l’investissement ainsi qu’à la caisse des dépôts et consignations pour répartir le milliard d’euro du Grand Emprunt.

Des outils d’évaluations complets et équilibrés ? • Entre durabilité forte et durabilité faible, quel équilibre entre les piliers du développement durable dans ces outils d’évaluation En analysant ces outils, il apparait qu’ils proposent éventuellement un système de notation par critères mais en aucun cas une pondération entre les critères ou entre les thématiques. Ces outils donnent donc une vision d’ensemble de la durabilité des projets, ce qui est apprécié notamment pour répondre au principe de transversalité. Il ressort de fait, que le nombre de critères utilisés dans ces outils peut conduire à une surévaluation ou une sous-évaluation d’un des piliers du développement durable. Pour identifier ce déséquilibre potentiel, une méthodologie particulière a été développée. Cette dernière consiste à caractériser chaque critère d’évaluation, comme un critère appartenant au pilier économique, social, environnemental ou la gouvernance. Les critères répondant à deux piliers (Economique + Environnement = Viable) furent caractérisés comme viable, vivable ou éthique, et comptabilisés dans les deux piliers qui les caractérisaient. A l’issue de cette répartition il apparait que la grille RST02 est la plus équilibrée contrairement à la grille HQE²R. On note également que le pilier environnement est le thème qui a le plus d’importance pour l’outil développé par Utopie contrairement aux deux autres grilles qui traitent davantage des aspects sociaux. On peut donc dire qu’aucun de ces référentiels ne défend l’approche technico économiste et que le référentiel Ecocité est de durabilité forte. Enfin, il apparait que la gouvernance est généralement peu évaluée notamment dans le référentiel HQE²R.Il apparait donc que malgré une recherche d’équilibre dans l’évaluation de la durabilité, ces outils ne donnent pas la même importance aux différents piliers du développement durable. Ces disparités sont aléatoires selon les outils mais montrent toute la difficulté de proposer une évaluation équilibrée. Une des explications pour le déséquilibre du référentiel Utopie en faveur de l’environnement, peut venir du fait que la démarche Ecocité est issue du Grenelle de l’Environnement, dont la principale vocation est d’améliorer la performance environnementale de la France. A l’issue de ces résultats, il apparait nécessaire de s’interroger sur le respect des principes généraux du développement durable. Si d’une manière générale les principes du développement durable sont respectés, notamment le principe de transversalité, il existe là aussi quelques disparités entre les outils. Le principe de solidarité dans le temps et l’espace est très bien respecté dans la grille RST 02 par le critère « Equité

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entre les générations » qui traite de l’impact écologique et économique du projet pour les générations futures et le critère « Solidarité territoriale ». Le référentiel d’Utopie traite également de la solidarité territoriale par la question « le projet est-il articulé en tenant compte des zones limitrophes » mais également par la méthodologie de notation (Colonne Couverture). La solidarité dans le temps est moins visible et s’exprime par la notion « d’adaptabilité des ilots urbains aux futures évolutions de la ville ». Enfin, le référentiel INDI traite exclusivement de la solidarité dans l’espace notamment par le critère « accessibilité aux équipements publics » et ne traite pas de la solidarité dans le temps de manière explicite. Le principe de précaution est davantage respecté par la grille RST02 « Les technologies mises en œuvre sont-elles viables et éprouvées économiquement mais également écologiquement ? ». Utopie traite ce principe uniquement d’un point de vue environnemental tout comme le référentiel INDI. Le principe de participation est largement développé dans le référentiel RST 02 avec près de quatre critères (Mobilisation des partenaires, implication des usagers, moyens dédiés à l’expertise des usagers, participation) et dans le modèle INDI qui va encore plus loin et encourage la co-conception. Le référentiel Ecocité propose uniquement deux critères et se limite aux notions de concertation et de représentativité. Les principes de subsidiarité et de responsabilité sont plus difficilement identifiables. En effet, seule la grille RST02 énonce le terme subsidiarité alors que les deux autres outils traitent indirectement ce principe par le biais de la représentativité de l’ensemble des acteurs locaux. Le principe de Responsabilité est quant à lui respecté partiellement par la présence de critères traitant de la mise en place « d’un organisme de référence » (Utopie), « d’une structure de pilotage » (INDI). Il est davantage respecté dans la grille RST02 qui traite « des engagements pris » et « d’un portage politique fort » On notera enfin que le principe de pollueur payeur n’apparait dans aucun des référentiels. Il ressort de cette comparaison que la grille RST02 est susceptible d’être l’outil le plus équilibré pour analyser la durabilité des projets urbains. Il apparait cependant que cet outil ne répond pas à l’ensemble des principes du développement durable et reste incomplet.

• Evaluation de la performance

Comme l’énonçait Yvette Lazzeri l’évaluation des politiques publiques vise à évaluer leur niveau de performance. L’idée est donc ici de voir si ces outils et la méthodologie qu’ils nécessitent, permettent d’évaluer la performance des projets urbains.

o Les processus et/ou les outils d’évaluation identifient-ils des objectifs aux projets ? Par le biais de ces référentiels INDI et ENVI, la démarche HQE²R identifie des objectifs, par exemple en termes de pourcentage de logements sociaux sur le quartier, et s’appuie sur un audit approfondie du territoire. Le processus développé dans le cadre RST02 ne propose pas d’outils spécialement dédiés à la réalisation d’un audit local. La grille n’identifiant pas d’objectif chiffré, cette approche reste exclusivement interrogative. Enfin, l’outil d’Utopie est à la fois interrogatif et quantitatif et se trouve à mi-chemin entre les deux méthodes précédentes.

o Les processus et/ou les outils d’évaluation identifient-ils les moyens dédiés aux projets ?

Le modèle ASCOT ((HQE²R) permet d’identifier les moyens et les impacts financiers des projets urbains. Parallèlement à cela, le référentiel INDI identifie les ressources humaines dédiées aux projets. La grille RST 02 identifie également les moyens humains mais ne propose pas d’outil d’analyse

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de coûts tel que le modèle ASCOT. Elle encourage cependant l’évaluation économique des projets notamment par le critère « Le projet trouve-t-il son équilibre financier ? » Enfin, le processus d’évaluation mis en œuvre dans le cadre de la démarche Ecocité ne traite que des moyens humains dédiés et reste donc incomplets.

o Les processus et/ou les outils évaluent-ils les résultats des projets ?

Le processus d’évaluation de la démarche HQE² tel qu’il est présenté dans le livre «Ecoquartier mode d’emplois est un processus d’évaluation continue qui propose une évaluation ex post des projets. La méthodologie mise en œuvre dans le cadre de la grille RST02 propose également une évaluation des résultats. Cette évaluation reste cependant plus succincte puisqu’elle s’appuie sur la même grille que l’évaluation de projet servant à la comparaison des scenarii alors que la démarche HQE²R utilise une palette complète d’indicateurs. Elle s’appuie notamment sur ces outils ASCOT pour évaluer les aspects financiers et ENVI pour évaluer la performance environnementale et le référentiel INDI, et propose une comparaison entre situation initiale et situation actuelle. Concernant, l’évaluation des résultats dans le cadre d’Ecocité, le processus d’évaluation est encore en construction et pour l’heure aucune information ne va dans le sens d’une évaluation des résultats. Il ressort que la démarche HQE²R propose la méthodologie la plus complète pour évaluer la performance des projets urbains. En effet, la pertinence est évaluée à la fois par le biais de l’audit local mais également par l’identification d’objectifs en liens avec les moyens humains et financiers. L’absence d’un audit local et le déficit en termes d’identification des objectifs des méthodes RST02 et Utopie ne permettent pas d’évaluer la pertinence. La réalisation d’une évaluation Ex post telle qu’elle est proposée assure que la démarche HQE²R permet d’évalué l’efficience et l’efficacité des projets contrairement aux deux autres méthodes où l’évaluation ex post est incomplète et où les objectifs sont plus difficilement identifiés. Si le guide d’utilisation de la démarche RST02 énonce que la grille peut s’adapter et être utilisée en aval et permettre une évaluation ex post. Le lien avec les objectifs initiaux est en effet plus complexe à réaliser. Finalement ces outils montrent leurs limites car ils permettent difficilement d’évaluer la performance des projets urbains.

Des outils qui répondent aux FCS de l’évaluation des politiques publiques ? Les travaux de Trosa ont permis d’identifier les facteurs clés de succès de l’évaluation des politiques publiques. L’objectif de ce paragraphe est de voir si la méthodologie et les outils présentés répondent à ces recommandations en s’interrogeant notamment sur la simplicité, la flexibilité, le degré de participation de ces démarches.

• Le processus et les outils d’évaluation sont-ils simples à mettre en œuvre ?

Il ressort globalement que les outils d’évaluation sont relativement simples à comprendre. Les arborescences proposées sont lisibles et les méthodes de notation sont assez claires sauf peut-être pour la grille Ecocité où la distinction entre les colonnes Stratégie, Application et Couverture est peu claire. Il apparait cependant que la quantité de critères des outils INDI ET RST02 nécessite davantage de temps pour réaliser l’évaluation que la grille développée par UTOPIE. De plus, la forme interrogative et l’approche qualitative de la grille RST02 impliquent un traitement des résultats plus complexe par rapport aux approches chiffrées des deux autres outils. La présentation sous forme graphique du révérenciel INDI et de la grille RST02 facilite l’appropriation des résultats et donne une vision d’ensemble alors que la grille Ecocité se borne à une évaluation par critère. Concernant la méthodologie, il apparait que les processus d’évaluation de la démarche Ecocité et de la grille RST

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02 sont certainement les plus simples puisqu’ils n’intègrent pas ou peu la société civile. Ce point fort va cependant à l’encontre du principe de participation. Le fait qu’une formation préalable des évaluateurs à l’outil RST 02 soit nécessaire, indique que l’outil est potentiellement plus complexe à utiliser qu’il n’y parait. Cependant la formation facilite l’appropriation de l’outil, concoure à améliorer le niveau des évaluateurs et crée globalement une certaine culture de l’évaluation.

o Le processus et les outils d’évaluation sont-ils flexibles ?

Il est difficile de juger de la flexibilité d’un outil ou d’un processus sans l’avoir pratiqué. Si par flexibilité, on entend adaptabilité du processus ou de l’outil, il ressort que la démarche HQE²R est certainement la plus flexible dans le sens où elle propose une gamme complète d’outils qui s’adapte aux besoins du maitre d’ouvrage. D’après les informations disponibles dans le livre « EcoQuartier mode d’emploi » et « le guide d’utilisation de la grille RST 02 » des modifications peuvent être apportées aux outils INDI et RST02 ceci afin de s’adapter au contexte local et aux projets. Concernant la grille Ecocité, il apparait que l’utilisation de cet outil pour l’évaluation des candidatures à l’appel à projet Ecocité, démontre une certaine adaptabilité de l’outil. Cependant, si aucune modification de l’outil n’est possible, se pose alors la question de la prise en compte du contexte local. En effet, la grille Ecocité utilise les mêmes critères d’évaluation pour apprécier la candidature de la ville de Nantes et de la ville de Marseille pourtant très différentes.

o Le processus et les outils d’évaluation facilitent ils une approche participative ? Là encore, la démarche HQE²R se démarque des autres. En effet, le processus d’évaluation intègre tout au long de la vie du projet la société civile et les acteurs directs du projet, notamment durant la réalisation de l’audit in situ. Si le guide d’utilisation de la grille RST02 insiste sur l’approche participative, dans les faits cela est difficile. En effet, l’approche interrogative et qualitative relativement longue à mettre en œuvre ne facilite pas la participation. De même, la formation des évaluateurs ne facilitent pas une évaluation démocratique. Il ressort que dans le processus d’évaluation d’Ecocité la participation est relativement restreinte puisqu’elle implique exclusivement les acteurs directs du projet et ne permet pas l’expression de la société civile.

dédiée ?

o Les processus d’évaluation reposent ils sur structure spécialement

Sur la base des informations disponibles, seul le processus d’évaluation développé par le MEEDDM dans le cadre d’Ecocité repose sur une structure spécialement dédiée à l’évaluation. En effet, les AMO ont non seulement été à l’origine de la grille d’évaluation mais l’accompagnent également lors des ateliers locaux pour compléter leur évaluation. Concernant RST02, l’évaluation est réalisée par des personnes plus ou moins impactées par le projet ce qui, contrairement à la démarche écocité, n’est pas fiable en terme d’indépendance de jugement. Enfin concernant la démarche HQE²R rien n’est précisé. Cette analyse, nous permet de dire que ces outils sont hétérogènes. En effet, la démarche HQE²R apparait très opérationnelle et complète en termes de comparaison de scénarii, alors que la grille RST02 apparait davantage comme un outil de réflexion stratégique, notamment par sa formulation interrogative. Il ressort également que certains de ces outils sont, s’il on peut dire, « imparfaits », puisque la méthodologie d’évaluation est apparemment déséquilibrée et donne une fausse image de la durabilité des projets, et incomplets, puisqu’ils ne permettent pas d’évaluer la performance des projets. Sur la base des informations disponibles sur les méthodologies d’évaluation, il apparait également que l’utilisation de ces outils répond partiellement aux facteurs clés de succès de l’évaluation des politiques publiques, notamment en termes d’indépendance de jugement, élément

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fondamentale de l’évaluation. Il est cependant intéressant de noter que ces outils ont plusieurs avantages. Premièrement, ces outils s’appuient sur une vision transversale et intégrée qui assure une certaine cohérence à la démarche ceci dans le respect des principes du développement durable. Ils encouragent également les collectivités à développer une l’approche participative dans la conception urbaine et concourent ainsi à démocratiser le développement durable. Deuxièmement, deux outils sur trois prennent en considération l’impact géographique des projets, notamment en termes de solidarité territoriale. Cela concoure non seulement au respect d’un des principes de Rio mais également à la réussite des projets urbains. En effet, le réaménagement d’un quartier ou d’une portion de ville peut avoir un impact sur les zones géographiques limitrophes et bien au-delà notamment par l’installation d’équipements structurant métropolitain, tel qu’un pôle multimodal, ou une salle de spectacle. En revanche, le déficit de ces outils en termes de programmation en lien avec le phasage représente un point faible important. Comme nous l’avons vu en première partie, la pérennité d’un quartier et d’une ville ou la réussite d’un projet d’aménagement, sont fortement conditionnées par leur composition, c’est-à-dire, la répartition entre espaces privés (immobilier d’habitation et immobilier professionnel) et espaces publics, les moyens de dessertes de la zone… et la manière dont cela sera conjuguée dans le temps.

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CONCLUSION Avant d’être définie comme un échelon prioritaire pour la concrétisation du concept de développement durable, la ville a plutôt eu tendance à être considérée comme le lieu où se concentraient les pratiques non durables. Au-delà de la ville, c’est bien la forme urbaine qui semble être au cœur des préoccupations du développement durable. La ville durable peut, à bien des égards, apparaître comme une impossibilité sémantique. Nombreux sont les auteurs qui ont souligné les contradictions qui sous-tendent la notion de ville durable. A l’image du développement durable, la ville durable cherche à concilier des tendances parfois antagonistes. Mais la ville durable pose également une question supplémentaire, pleine d’ambiguïtés : celle de la territorialisation d’un concept global. Aujourd’hui, il est bien difficile de donner une définition exhaustive de la notion de ville durable. La circulation en réseau des bonnes pratiques, et la définition de grands principes à travers des chartes internationales telles la Charte d’Aalborg permettent néanmoins de voir un certain nombre de principes se stabiliser progressivement. Tant dans la forme urbaine à privilégier que dans les objectifs à se fixer, il semble donc que certains éléments tendent à faire l’unanimité. De nombreux efforts ont été faits jusqu’à aujourd’hui. Une véritable prise de conscience mondiale a émergé, ce qui a permis à la fois de donner plus de contenus au concept de «ville durable», mais également de passer de projets durables à petite échelle aux projets de villes durables. La définition que prend la ville durable reste néanmoins un idéal. Ainsi on peut se demander si la ville durable idéale telle qu’elle est décrite par les urbanistes, les politiciens n’est pas une utopie ? La ville durable existera-t-elle un jour ? On a pu voit tout au long de ce travail, que la durabilité à l’échelle d’une construction, d’un projet ou encore d’un quartier était difficile à instaurer. Qu’en sera-t-il à l’échelle de la ville ? Il ne s’agit pas de porter et partager ce rêve, ni même de l’imposer. Il s’agit bien davantage de convaincre de sa nécessaire mise en oeuvre. Convaincre, faire adhérer les habitants, les acteurs de la ville, en les responsabilisant et en leur faisant prendre conscience que la somme des agissements individuels permettra d’instaurer plus de durabilité. Aujourd’hui, personne ne semble s’accorder sur ce qu’est ou doit être la ville durable, mais tout le monde est d’accord sur la nécessité d’agir, et d’agir vite. L’exemple de la conférence de Copenhague en est un exemple : Agir vite mais sans contraintes lourdes. Les désaccords sur la définition de la durabilité et sur les moyens d’action à mettre en oeuvre sont à l’origine de l’échec de cette conférence. La ville durable est un objectif à atteindre, à plus ou moins long terme selon le bon vouloir des pays, mais n’est pas encore une priorité pour tous. Il existe ainsi différents modèles de ville durable, différentes interprétations du concept, et donc différents moyens d’y parvenir. Pour conclure, je pense que la ville durable n’existera jamais, mais on peut tout de même tout mettre en oeuvre pour s’en approcher, grâce aux progrès techniques réalisés et en s’appuyant sur la volonté de chacun d’adopter un comportement plus responsable et plus respecteux de la planète.

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3. Presse Le Courrier des Maires Entretien avec Taoufik Souami, «L’écoquartier est une démarche il peut s’accorder le droit à l’erreur», 232, février 2010, p14 Développement durable : assoir le projet de quartier durable sur de bons

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