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Légendes autour du cacao

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Edito

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Que serait un numéro sucré sans évoquer le roi de nos desserts et de nos goûters, j’ai nommé le chocolat (vous l’aurez remarqué, je fais tous les efforts du monde pour faire preuve d’objectivité) !

Il n’échappe pas à nos lecteurs que ce doux met nous vient tout droit d’Amérique, où ce que l’on nommait Xocoatl était une boisson très appréciée, consommée par l’élite (et non boisson des dieux comme le veut la croyance populaire, à cause de son nom scientifique: theobroma cacao), mais aussi très différente du chocolat tel que nous avons l’habitude de le consommer. Les fèves de cacao étaient broyées et mélangées à du maïs, du piment, de la cannelle et autres épices pour en faire une boisson mousseuse, un mélange très amer qui ne ressemble en rien aux petits carrés sucrés que nous connaissons. Les auteurs espagnols de l’époque ne tarissent d’ailleurs pas d’éloges pour décrire combien leur palais ne sait apprécier cette boisson. Ainsi le décrit Acosta en 1589 :« Le principal intérêt du cacao est le breuvage qu’on en fait et que l’on nomme chocolat, c’est une pure folie de voir combien les habitants de ce pays l’apprécient, et combien aussi il écœure certains qui n’y sont pas habitués, parce qu’il a une écume à sa surface et un bouillonnement qui ressemble à la lie du vin et celui qui l’avale a beaucoup de mérite… On y met beaucoup de piment et de chili »… C’est seulement en y ajoutant du sucre que les Européens finissent par le trouver à leur goût et qu’il devient une boisson très prisée.

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Je vous propose ici de découvrir deux légendes autour du cacao. La première est tirée du Popol Vuh, le recueil de légendes maya rédigé en maya quiché et traduit d’abord en espagnol, il nous décrit la cosmogonie maya. Voici donc la petite histoire :

Les pères jumeaux, Hun Hunahpu et Vucub Hunahpu, qui jouaient avec ferveur au jeu de balle, comme à leur habitude, ont éveillé les seigneurs de l’inframonde, Xibalba. Irrités par ce tapage, ils décident de les défier au jeu de balle. Les jumeaux acceptent le défi et se rendent dans l’inframonde. Là bas, les seigneurs de Xibalba se moquent d’eux en commençant par les faire asseoir sur un banc brûlant (on sait s’amuser dans l’inframonde), puis décident de leur faire passer la nuit dans la maison de l’obscurité en leur laissant des torches et des cigares. Lorsqu’ils sortent de la maison, les seigneurs de Xibalba s’inquiètent de ne pas retrouver leurs torches et leurs cigares, qui ont été consumés. Ceci étant visiblement une raison suffisante pour condamner les jumeaux à mort, ils les décapitent. Ils sont ensuite enterrés, seule la tête de Hun-Hunahpu est accrochée à un arbre, qui n’avait jamais porté de fruits auparavant. 20

Stupeur ! Dans l’inframonde où rien ne vit, l’arbre verdit et se couvre de feuilles et de fruits, des calebasses, ou des cabosses (il semble qu’il y ait un peu d’ambiguïté sur ce terme), qui renfermeraient notre fameux cacao ! Il est alors interdit à tous les habitants de l’inframonde de s’approcher de l’arbre et d’en cueillir les fruits. Pas de panique ! Promis, l’histoire se termine bien. C’est une jeune fille de l’inframonde, nommée Xquic, qui va rendre visite à la tête. Cette dernière crache dans la main de la jeune fille, qui tombe enceinte. Réfugiée chez la mère de Hun-Hunahpu après les menaces des seigneurs de Xibalba, elle donne naissance aux jumeaux héros Hunahpu et Xbalanque. Après une enfance joyeuse et une jeunesse pleine de prouesses et de hauts faits, ils décident de venger la mort de leur père et de leur oncle. Ils doivent également passer dans l’inframonde et défier les seigneurs de Xibalba par de multiples épreuves. La décapitation semble être une problématique récurrente puisqu’au cours de l’une d’entre elles, la tête de Hunahpu est arrachée et déposée sur le terrain de jeu de balle. Xbalanque lui en sculpte une nouvelle qu’il place sur ses épaules. Il arrive à la remplacer par sa vraie tête pendant la partie de jeu de balle et à reprendre la partie sans aucun problème… tout en triomphant par la ruse des seigneurs de Xibalba à travers différents tours impliquant leur mort et leur retour à la vie ! Ils finissent par récupérer les restes de leur père et de leur oncle. De retour dans le monde des vivants, les deux jumeaux s’élèvent vers le ciel pour devenir le soleil et la lune. De nombreuses légendes que l’on peut trouver autour du cacao sont issues d’interprétations plus ou moins justes des chercheurs ou de de visions populaires construites. J’ai retrouvé la prochaine légende à de nombreuses reprises sans parvenir à en repérer la source primaire, elle appartient donc très certainement à cette catégorie. Voici pour vous un bel exemple de légende fantasmée autour de l’apparition du cacao! Elle attribue l’apparition du cacao à une récompense qu’aurait fait le dieu Quetzalcóatl à une princesse aztèque particulièrement vertueuse. Cette princesse aurait refusé, alors que son mari était parti défendre les frontières, de révéler à ses agresseurs l’endroit où se trouvait un trésor. Après des heures de torture, elle finit par succomber sans délivrer son secret. C’est de là où son sang est tombé qu’aurait poussé le cacaoyer dont le fruit est « amer comme la souffrance, fort comme la vertu, rouge comme le sang», de plus, son fruit n’est pas consommable tel quel mais il cache ses fèves, telle la princesse gardant son trésor. On remarque que tout cela tombe très bien! Il s’agit là d’une histoire bien romantique et tragique qui a certainement su plaire!

Noémie

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