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Champollion. la voie des hiéroglyphes
Lorsqu’il perce le secret des hiéroglyphes au début du 19e siècle en s’appuyant notamment sur la fameuse pierre de Rosette, découverte en 1799 par des membres de la campagne de Bonaparte en Égypte, Jean-François Champollion ne fait pas que décoder ce “sceau mis sur les lèvres du désert2 ” sur laquelle butaient les plus fameux érudits. À force d’acharnement, le natif de Figeac perce un mur des siècles qu’on croyait insurmontable, redonnant vie à une civilisation entière, à cette Égypte antique alors fascinante mais largement inconnue, faute de pouvoir en déchiffrer les textes et les inscriptions. Le prodigieux retentissement de sa découverte, en 1822, s’explique certes par un sentiment de fierté nationale, à l’heure où l’Angleterre et la France rivalisent dans le domaine des arts, des sciences et de la culture. Mais bien au-delà d’une gloire nationale, c’est la nature profondément captivante de cette civilisation sortie des sables qui en fait un événement mondial.
Cent ans après la publication de la Lettre à M. Dacier 3 relative à l’alphabet des hiéroglyphes phonétiques employés par les Égyptiens, texte fondateur s’il en est dans l’histoire de l’égyptologie, le choix de consacrer une exposition à Champollion au Louvre-Lens n’a rien d’un hasard pour plusieurs raisons. Elle s’inscrit d’abord dans le prolongement du prêt par le Louvre (voir page 40) d’une de ses œuvres les plus célèbres, Le Scribe accroupi , “star” mondiale et véritable emblème d’un département des antiquités égyptiennes dont Champollion fut le premier conservateur, en 1827. Clin d’œil supplémentaire, la statuette fut découverte par un autre scientifique de renom, Auguste Mariette, égyptologue originaire de Boulogne-sur-Mer, dans les Hauts-de-France.
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Enfin, le choix de proposer cette exposition en 2022, deux siècles jour pour jour après la publication des travaux de Champollion et dix ans après la naissance du Louvre-Lens, est évidemment symbolique, comme est symbolique le fait que Champollion. La voie des hiéroglyphes soit - depuis la première 4 - le plus grand succès d’une exposition temporaire au Louvre-Lens. Avoir pu attirer un public aussi large et populaire sur un sujet aussi complexe et technique que le décodage des hiéroglyphes reste un motif de fierté pour l’ensemble des équipes du LouvreLens et de ses partenaires.
RETROUVER L’ÉCRITURE DES DIEUX
Véritable écriture sacrée que les Égyptiens euxmêmes qualifiaient de “parole divine”, l’écriture hiéroglyphique a longtemps échappé à toute tentative de traduction, sa pratique et son secret s’étant perdus au cours des siècles.
La découverte en 1799 de la célèbre pierre de Rosette, aujourd’hui exposée au British Museum de Londres et reproduite dans l’exposition, marque à cet égard un tournant. Dès sa découverte, chacun sait que la stèle est une clé essentielle pour enfin casser le code des hiéroglyphes grâce à une caractéristique unique : un même texte y est gravé en trois langues, ou plutôt en trois écritures : des hiéroglyphes, du grec ancien et un texte en démotique, version populaire de la langue égyptienne en écriture cursive. La version grecque a déjà permis aux prédécesseurs de Champollion de comprendre la nature du texte, un décret du pharaon Ptolémée
Épiphane, et chacun sent qu’en comparant les trois versions, comprendre comment fonctionnent les hiéroglyphes entre enfin dans le domaine du possible.
Largement évoqué dans l’exposition, le génie de Champollion se confond avec une intuition. Avant lui, on pensait que les quelques 700 hiéroglyphes de l’époque classique n’étaient que des idéogrammes, des signes exprimant une idée. Champollion part de l’hypothèse que les mystérieux signes égyptiens combinent des idéogrammes et des phonogrammes, c’est-à-dire des signes qui expriment un son. Autre intuition nouvelle Champollion s’intéresse à certains hiéroglyphes encerclés par un trait, les fameux cartouches. En partant du principe que ces signes doivent correspondre à des noms de personnages importants, Champollion se concentre sur leurs équivalents en grec. En 1821, Champollion déchiffre le nom de Ptolémée. Quelques semaines plus tard, sur un autre monument, la même méthode lui permet de déchiffrer le cartouche qui désigne Cléopâtre. Le fil est tiré, la suite est logique et les progrès spectaculaires. La légende familiale, évoquée dans l’exposition, veut que Champollion ait été si ému par sa découverte qu’il se soit évanoui dans les bras de son frère.
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