Lucile Jeanniard Etudiante en Master 1 Nouvelles Pratiques Journalistiques À l’Institut de la Communication de l’Université Lumière Lyon 2 Promotion 2011/2012
LE WEB : ANTIDOTE OU PALLIATIF POUR LA PRESSE ECRITE ? − RAPPORT DE STAGE AU QUOTIDIEN REGIONAL L’AVENIR (Namur, Belgique)
Maître de stage : Yves Raisière Tuteur universitaire : Rayya Roumanos
Remerciements
En préambule de ce mémoire, je souhaitais adresser tous mes remerciements aux personnes qui m’ont apportée leur aide pour la réalisation de ce rapport, mais aussi à toutes celles qui ont contribué au bon déroulement de mon stage au quotidien régional belge L’Avenir.
Et je commencerai en remerciant très sincèrement Monsieur Nathanaël Jacqmin, Rédacteur en chef-adjoint de L’Avenir, qui m’a accueillie comme stagiaire au journal. Mais aussi Monsieur Yves Raisière, Chef du service informations générales, qui m’a suivie tout au long de ces trois mois et demi de stage. Bien entendu, mes remerciements s’adressent également aux responsables de la formation Nouvelles Pratiques Journalistiques à l’Université Lumière Lyon 2, sans qui cette opportunité de stage à l’étranger ne se serait jamais présentée : Alain Girod, Directeur de l’Institut de la Communication, Arnaud Noblet, Responsable de la formation journalisme, et Rayya Roumanos, Responsable adjointe de la formation. J’exprime également ma gratitude à la Direction des relations internationales de l’Université Lumière Lyon 2, qui m’a permis d’obtenir la bourse Erasmus Stage afin de m’apporter une aide au financement de ce stage à l’étranger d’un semestre. Sans oublier un grand merci à tous les journalistes de L’Avenir que j’ai pu rencontrer durant ce stage pour m’avoir accueillie comme ils l’ont fait, mais aussi pour avoir accepté avec plaisir de répondre à mes questions lorsque j’en ai eu besoin pour la rédaction ce rapport.
À toutes et à tous, merci.
Lucile Jeanniard
Introduction Cette première réelle immersion dans le monde du journalisme a été pour moi l’occasion de m’ouvrir les yeux sur l’avenir de ce métier. Et par la même, sur mon avenir personnel. À travers d’une part les recherches que j’ai pu réaliser pour le blog Horizons médiatiques, mais aussi et surtout à travers ce que j’ai pu observer durant mon stage au sein journal qui m’a accueillie : L’Avenir. Ce mémoire est donc pour moi une opportunité unique de poser ces découvertes et réflexions sur le papier. Le sujet que j’ai choisi pour ce rapport n’est pas anodin. Il est l’aboutissement de mon stage et l’aube de mes ambitions journalistiques… Quotidien régional diffusé en Belgique francophone, L’Avenir est né de l’agrégation de plusieurs journaux régionaux. Le Courrier de l’Escaut (région de Tournai), L’Avenir du Luxembourg, Le Courrier de Verviers, ou encore Vers l’Avenir (région de Namur)… C’est en juin 2010 que ces titres wallons ont décidé d’adopter une marque unique, L’Avenir. Au même moment, le site du groupe, Actu24.be, adoptait également cette marque unique et devenait Lavenir.net. Il changeait donc de nom moins de quatre ans après sa création (en septembre 2006). Car en effet, le site de L’Avenir a mis un certain temps avant de voir le jour. Selon Philippe Leruth, journaliste au quotidien, une fois lancé, Lavenir.net a eu à « rattraper le retard sur ses concurrents ». Mais pour ces médias hybrides, déjà en prise avec la crise de la presse, le web n’est-il pas un poids de plus à gérer ? Un poids dont on ne peut se défaire au risque de perdre totalement face à la concurrence ? Ou bien, au contraire, le web leur apporte-t-il un nouveau souffle, permettant de mieux faire face à la crise de la presse ? Autrement dit, lancer un site web pour un journal papier, est-ce un antidote à la crise, ou un simple palliatif, tout juste bon à colmater les brèches ? Internet court-il à la perte du papier comme il n’est pas rare de l’entendre, ou permet-il au contraire de relancer la presse écrite ? La réponse parait toute trouvée… A priori, le web n’est qu’un nouveau boulet à traîner pour la presse et ne fait que rajouter une épreuve à un support médiatique déjà fatigué. Il est vrai que parfois, il semblerait qu’il soit déjà trop tard. Le journal n’a pas le temps de s’adapter au web. Il est déjà à bout de souffle, car la crise est passée par là. Dans ce cas, il parait difficile de remonter la pente en ajoutant un site web, car celui-ci nécessite un certain temps
d’adaptation pour gérer au mieux cette transition et trouver un équilibre entre le papier et le web. Pourtant, si le journal comprend rapidement ce que peut apporter le web et l’aborde sous un jour optimiste et volontariste, le site pourrait, à terme, contribuer à relancer le titre. Mais que signifie « aborder le web sous un jour optimiste » ? C’est bien là toute la question. Et c’est sur ce point en particulier que nous allons nous pencher tout au long de ce rapport. Car mon hypothèse est la suivante : lancer un site web apporte un nouveau souffle aux rédactions papier si celles-ci s’attachent à y produire un journalisme augmenté. Autrement dit, le web n’est pas un poids pour la presse écrite, lorsque celle-ci y produit un contenu différencié de ce qu’elle produit pour la version papier. En effet, pour Eric Scherer, directeur de la prospective et de la stratégie numérique à France Télévisions, le web ne doit pas être une relecture des médias traditionnels : il doit être le support d’un journalisme augmenté. C’est dans son ouvrage A-t-on encore besoin des journalistes ? qu’Eric Scherer définit cette notion. Pour lui, la réalité augmentée est « un enrichissement de notre environnement immédiat par des valeurs ajoutées ». Autrement dit dans le cas qui nous intéresse, il s’agirait du journalisme papier enrichit de la valeur ajoutée du web. Mais concrètement, quelle est cette valeur ajoutée ? Et bien, il s’agit d’interactivité, de vidéos, de sons, de liens vers d’autres articles complémentaires... Bref, des multiples possibilités qu’offre aujourd’hui le web. Cette hypothèse, nous allons donc tenter de la vérifier à travers l’étude de cas du quotidien belge L’Avenir. Pour cela, nous verrons que le lancement d’un site internet nécessite dans un premier temps une phase de transition, durant laquelle le contenu du papier bascule beaucoup sur le web. Mais L’Avenir a su maîtriser peu à peu la dynamique web-papier et s’est alors attaché à produire un contenu différencié pour le web. Storify, Cover it Live, Unes interactives… Nous aborderons donc ces exemples dans une seconde partie. Enfin nous terminerons notre raisonnement en remarquant que ce quotidien présente aujourd’hui de bons résultats financiers. L’Avenir est donc sur la bonne voie. Mais rien n’est joué. La crise de la presse est loin d’être terminée et le web n’a pas fini d’évoluer.
(…)
Synthèse Datavisualisation, Unes interactives, vidéos, Cover it, Storify, Worlde… Tous ces outils numériques prouvent que L’Avenir n’aborde pas le web comme un poids, mais bien comme un moyen d’aller de l’avant, d’apporter de la nouveauté au journal papier traditionnel. Et la recette fonctionne puisqu’il attire ainsi un lectorat plus jeune, et se renouvelle. L’Avenir présente ainsi un bilan positif depuis 4 ans, alors même que la presse écrite est en période de crise. Bien entendu, ces bons résultats financiers ne sont certainement pas dus simplement à ce journalisme augmenté que réalise L’Avenir sur son site web, mais ils sont certainement en (grande ?) partie dus à cela. Il y a donc un lien de corrélation entre les initiatives numériques que L’Avenir entreprend sur son site et ses résultats positifs. Mais ce lien n’est pas exclusif. D’autres facteurs entrent bien sûr en compte. Si L’Avenir n’avait pas exploité son site internet de cette manière, le quotidien ne se porterait sans doute pas si bien aujourd’hui. Car le papier aurait fini par être absorbé par le web. Pourtant, ce journal belge a réussi le pari de créer une certaine complémentarité entre ces deux supports a priori plutôt incompatibles. Alors bien entendu, ne crions pas victoire trop vite. Cette complémentarité est encore imparfaite. Mais l’idée y est. Et la volonté également. Ce dernier point est primordial. C’est là que tout se joue. Si dès le départ, le journal papier n’a pas cette volonté d’investir du temps et de l’argent dans son site internet, il aura certainement beaucoup de mal à s’en sortir sur le long terme. Aujourd’hui, grâce à ses investissements, L’Avenir se retrouve parmi les médias qui ont le plus de perspectives d’avenir. Ceux qui ont compris où se trouvait le futur du métier de journaliste. Ceux qui ne restent pas accrocher aux vieilles recettes, qui aujourd’hui ne fonctionnent plus. Ou tout simplement, parmi ceux qui vont de l’avant. Cette vision du journalisme, je l’ai aujourd’hui également adoptée. Grâce à ce stage. La boucle est bouclée. J’en reviens à ce que je disais dans mon introduction : cette première immersion dans le milieu journalistique m’a permis d’ouvrir les yeux sur l’avenir du métier et sur la façon dont moi-même j’aimerais exercer ce métier.
Conclusion Il y a bien une question que je n’ai pas abordée dans ce mémoire… Celle du passage à l’information payante sur les sites web des médias. Cette question commence pourtant d’ores et déjà à être sur toutes les lèvres. Certains médias ont même déjà testé et approuvé cette méthode. Je parle bien sûr ici du pure player Mediapart, qui a récemment annoncé avoir dégagé des bénéfices en 2011, alors même qu’il fait payer son contenu. Si j’ai choisi de ne pas aborder cette question dans mon mémoire, c’est parce qu’elle mériterait bien plus qu’une partie ou une sous-partie. Oui, à mon sens, cette problématique mériterait sans doute un mémoire à elle toute seule. Les médias qui aujourd’hui se sont déjà lancé dans cette aventure de l’information payante sur internet restent aujourd’hui assez « marginaux », ou plutôt rare. Si ces précurseurs ont choisi de prendre ce risque, c’est en général par soucis d’indépendance vis-à-vis de la publicité et de transparence sur leurs moyens de financement. Prenons l’exemple de dijOnscOpe, le pure player dijonnais, né en 2009. Au départ, ce site proposait une information en libre accès. Pourtant, un jour, la fondatrice de ce pure player en a eu assez. Assez des propos que pouvaient lui tenir les annonceurs. « Si vous ne mettez pas un peu d’eau dans votre vin, nous ne travaillerons plus ensemble. » Voilà ce que Sabine Torres entendait régulièrement. Le 1er décembre 2011, dijOnscOpe est donc devenu le premier quotidien régional en ligne d’Europe à vivre de l’engagement de ses lecteurs. Au-delà de ces médias précurseurs, qui avaient une idée bien particulière derrière la tête en choisissant de faire payer l’accès à leurs articles, de nombreux médias songent aujourd’hui à suivre leur exemple. Lors des entretiens que j’ai menés avec les journalistes de L’Avenir, certains ont évoqué cette question. Comme le Rédacteur en chef-adjoint, Nathanaël Jacqmin : « À long terme évidemment, l’objectif est de trouver la bonne formule pour passer au payant sur le site Lavenir.net. C’est ça l’enjeu : arriver à faire comprendre à l’internaute qu’il faut payer pour avoir de la qualité. À ce moment-là, nous aurons une belle carte à jouer pour les personnes installées n’importe où en dehors des zones de diffusion du journal papier, pour avoir accès à
une information de qualité sur leur région d’origine. » Et il n’est pas le seul à avoir abordé cet objectif de passer au payant. François-Xavier Giot, journaliste papier, m’en a également touché deux mots. Pour lui cette complémentarité web-papier sur laquelle travaille L’Avenir pourrait « inciter les lecteurs à se dire ‘allez, je paie, c'est bien foutu’ ». Philippe Leruth, journaliste papier lui aussi, a soulevé cette question également : « Le défi, pour les journaux, est de créer un modèle économique viable pour le web. Car malgré son succès, le web n'est toujours pas rentable pour l'instant. Le "tout gratuit" ne pourra se maintenir. La difficulté est de décider ce qui sera payant... » Constatant grâce aux précurseurs que cette recette payante peut fonctionner, les médias se sentent en effet plus à l’aise dans cette perspective d’avenir. Mais comme le souligne très justement Philippe Leruth, passer au payant n’est pas une mince affaire. Car tous les types de lecteurs ne sont peut-être pas prêts à payer pour avoir accès à l’information sur internet. Ceux qui payent pour lire par exemple les papiers de dijOnscOpe ou de Mediapart savent qu’ils vont trouver une information indépendante et une information qui relève plus de l’investigation que de l’actualité au quotidien. Mais sommes-nous prêts à payer pour avoir accès à l’actu chaude ? Rien n’est moins sûr. Peut-être va-t-il falloir que les médias soient patients. On ne change pas les modes de consommation de l’information du jour au lendemain.