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La vie patrimoniale

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La vie lyonnaise

La vie lyonnaise

Ce bel immeuble de 1800 m2 édifié en 1863 à cheval sur la rue Gasparin et la place Bellecour a été acquis fin 2021 par la filiale Retail du groupe 6ème Sens immobilier, présidé par Nicolas Gagneux. Nous vous dévoilons ses secrets de fabrication.

Textes : Pierre Jourdan, historien et architecte DPLG et Marc de Jouvencel

SPÉCIAL PATRIMOINE IMMOBILIER LES SECRETS

DU 29, RUE GASPARIN

[1853-1856] Place des Jacobins. L’ancienne Préfecture sera démolie pour permettre l’ouverture de la rue Gasparin.

[1853-1860] L’ancien Couvent des Jacobins et les percées de rues

Les rencontres avec ces pierres habitées, nous aimons vous les partager et vous faire plonger dans l’intimité de ces hommes et de ces femmes qui les ont occupées. Issus de milieux divers (aristocratie, bourgeoisie des affaires, élite intellectuelle), construites, acquises ou héritées, ils ont aimé avec passion leurs demeures auxquelles ils ont voulu imprimer leur marque et les inscrire dans la durée.

Tenante de la place des Jacobins et aboutissant place Bellecour, la rue Gasparin ne doit son existence qu’au prétexte de la démolition de l’ancien couvent des Jacobins et à la nécessité de construire une nouvelle préfecture sur la rive gauche du Rhône. Il s’agissait alors d’asseoir la réputation future du quartier de la Guillotière, commune rattachée à Lyon en 1852. Devenu propriété nationale en 1793, le couvent était resté curieusement épargné par le vandalisme révolutionnaire. (Voir Lyon People n°186 - Juin 2018, Place des Jacobins). Bien que cette décision de démolition fût prise sous l’administration de M. de Chabrol (préfet du Rhône de 1815 à 1817), il fallut pourtant attendre 1860 et la volonté de prolongée la rue Centrale (actuelle rue de Brest) en direction de Bellecour pour s’abstraire définitivement des anciens bâtiments. À proximité, les grands travaux d’urbanisme du Second Empire sont sur le point de s’achever avec les percements de la rue Impériale (act. rue de la République) et de la rue de l’Impératrice (actuelle rue Président Edouard-Herriot). La rue Centrale va profiter de ce mouvement de prolongations et du génie créatif de certains architectes lyonnais. Ainsi prolongée, la rue deviendra l’actuelle rue Gasparin. L-E. Journoud [1828-1897] (Voir Encadré) va s’y faire la main en tant qu’investisseur. Avec plus de 24 maisons de rapport construites dans Lyon, il s’est déjà fait remarquer à la tête du mouvement qui transforme la ville de Lyon. Reniflant la bonne affaire, il devient un ardent acteur de ce prolongement. Visionnaire, il sera dans les premiers à placer son capital sur le brillant avenir du quartier. La rue Gasparin serait devenue récemment la plus chère de Lyon avec 7 568 € au mètre carré. Avec ses associés, il finira avec panache le n°29 que vient d’acquérir 6ème Sens immobilier.

LA RUE CENTRALE JOUE LES PROLONGATIONS

Le site est désormais prêt pour les prolongations de rues et leurs constructions. En janvier 1860, le clos de l’ancienne préfecture est cédé par la ville sous forme de grandes parcelles. L’avance du foncier est consentie, les ventes interviendront plus tard. La rue de l’Impératrice, juste à côté reste le premier moteur de cette vaste opération. Elle s’ouvre sur la terre de l’ancien jardin. La rue Gasparin, pour sa partie nord, fait démolir les derniers bâtiments du couvent. Des terrains ont été délaissés par leurs premiers acquéreurs, dont Amédée Savoye [1804-1878] qui lui aussi fut un architecte très actif en matière d’immobilier. L-E. Journoud, associé à l’entrepreneur Pierre Dumont et au restaurateur Antoine Touzot, achètent deux parcelles en bordure de la voie projetée. L’une au sud, est achetée le 19 mars 1862. Ils allotissent et créent les futurs n°18 et 20 et côtés impairs, les n°1719-21, 23, 25,27 et 29. Leurs constructions se feront un peu plus tard car il faut d’abord exproprier et démolir deux maisons de la place Bellecour. (Voir Lyon People n°120 - Juin 2012, spécial Place Bellecour p.97). La seconde parcelle, plus au nord sera acquise le 18 août 1862. Futurs n°5-7, elle vient s’ajouter à leur patrimoine. Ils débutent les travaux par ce côté-là. Toutes ces maisons édifiées pour un rapport pécunier, seront achevées en 1863 et six d’entre-elles restent aujourd’hui signées en façades L-E. Journoud, dont celle du n°29. Les n°5-7 sont datés de 1860. En tout, les associés ont tracé 11 lots. Trois seront vendus dès septembre 1862.

Il s’agit aussi de dessiner deux maisons comme s’il s’agissait d’une seule

UN PASSAGE* COUVERT POUR DÉBOUCHER SUR BELLECOUR

Très vite et dans la foulée de ses premières acquisitions, le 30/09/1861, l’architecte L-E. Journoud s’était également engagé à construire sur la parcelle sud un passage couvert de 9 mètres de large reliant la future rue Centrale prolongée à la place Bellecour. Cette rue en cours de construction doit trouver un débouché. Une enquête est ouverte en novembre 1861, mais les contestations pleuvent. Dès décembre, justifiant que les passages* déjà établis à Lyon, n’ont guère aucun succès, M. Perrin, le propriétaire et acquéreur de la plus grande masse de terrain de l’ancien hôtel de la Préfecture et sur laquelle il a déjà fait édifier une maison considérable (le n°9 dite le bourgeois dans notre Lyon People n°218). Il se montre davantage favorable à la percée d’une rue de 12 mètres. D’autres individus, cette fois plutôt lyonnais que propriétaires, ne comprennent pas que l’administration qui a travaillé constamment à élargir toutes ses voies de communication, puisse procéder dans cette occasion en sens inverse. Je cite : « De grâce sénateur à qui la clairvoyance n’a jamais fait défaut, achevez la dernière et faible partie de cette grande œuvre que représente la rue Centrale prolongée ». Les Marix frères jeunes, fournisseurs brevetés de S.M. la Reine d’Angleterre et qui firent l’acquisition des terrains à proximité de la place Confort, rappellent qu’ils furent déterminés dans cet investissement par l’assurance sinon formelle du moins probable qui leur fut donnée, que la ville était bien dans l’intention d’ouvrir la nouvelle rue Centrale jusqu’à la place Bellecour et qu’ils n’avaient point fait une construction aussi élégante (le n°13 de la rue Gasparin) sans espérance autre qu’ils fondaient sur le brillant avenir du quartier, appelé à être le plus somptueux de la ville. Il était donc devenu inconcevable que l’on vienne terminer cette artère si importante par un passage.

* Le Passage est le premier exemple de concentration artificielle de boutiques. Celui de l’Argue à Lyon a été créé en 1825 et celui de l’Hôtel-Dieu, démoli en 1958, date de 1839. Celui des Terreaux date de 1856.

LE COMTE DE GASPARIN [1783-1862]

Antérieurement nommée rue Centrale prolongée, le nom de cette rue fut attribué par délibération du Conseil Municipal, le 13 novembre 1863. Il est celui d’Adrien Etienne Pierre, comte de Gasparin qui succéda à BouvierDumolard comme préfet, après les événements lyonnais de 1831. M. Gasparin, ancien ministre de l’Intérieur, ancien président le Société Centrale d’Agriculture, agronome distingué, naquit à Orange en 1783 et mourut dans la même ville en 1862. Issu d’une famille originaire de Corse, qui marqua l’histoire de cette ile et donna son nom à la Tour de Gaspari, située au cap Corse. Il consacra la première partie de sa vie aux études de l’agronomie quand la révolution de 1830 arriva. Par la situation qu’il avait prise dans l’opposition constitutionnelle, par son énergie naturelle, il fût comme poussé hors de sa vie studieuse et porté sur le théâtre orageux des fonctions publiques. Dès la première nouvelle des évènements, le vœu de ses concitoyens lui déféra la mairie d’Orange. Ainsi grâce à lui, dans cette partie du midi, la révolution se passa sans désordre. À la suite de ce brillant succès, le nouveau gouvernement le nomma préfet de la Loire (1831), puis préfet de l’Isère (1830), Mais lors de la première insurrection de Lyon qui éclata en novembre 1831. M. de Gasparin, toujours en Isère, se souvint qu’il avait été militaire et eut assez d’ascendant sur son département pour mettre en mouvement 3 000 gardes nationaux et marcher à leur tête sur la ville insurgée où les ouvriers armés étaient devenus maîtres. Lyon pacifié, et suite à son acte de vigueur, il fut nommé préfet du Rhône de 1831 à avril 1935. À cette date, il fut appelé à Paris comme soussecrétaire d’Etat à l’intérieur, puis en septembre 1836 devint ministre de l’Intérieur, et enfin en 1839, il y joignit le portefeuille de l’agriculture et du commerce.

à la ville au chiffre restreint de 175 000 frs pour le compte de la ville et de 90 000 frs pour les propriétaires ci-dessus dénommés, soit 265 000 frs l’ensemble ». Le 19 mars 1862, le préfet Vaïsse valide les nouveaux alignements. Ce prolongement a désormais pour vocation de continuer et de régulariser les alignements de cette rue déjà ouverte côté Jacobins et d’offrir à l’équipe des trois compères l’occasion de construire à nouveau deux immeubles les n°20 et n° 29.

Né à Lyon le 6 avril 1828, il est mort le 16 janvier 1897 dans sa ville natale

L’ARCHITECTE Louis-Etienne JOURNOUD

[1828-1897]

[1862] – Publication de l’avis de prolongement de la rue Centrale à Bellecour

LE PASSAGE SE TRANSFORME EN RUE

Le passage couvert se transforme en rue et les n°20 et 29 vont pouvoir ériger leur façade sur Bellecour. L-E. Journoud et ses associés s’adaptent et préparent leur coup. Le 14 janvier 1862, ils proposent au sénateur Vaïsse de continuer ladite rue sur une largeur de 12 mètres au lieu du passage imaginé. « C’est à cette considération que nous avons réduit la somme que nous demandons

EXPROPRIER, DÉMOLIR PUIS CONSTRUIRE

Cependant ces alignements ne pourront recevoir leur exécution qu’après que la ville ait pu acquérir, soit à l’amiable, soit s’il y a lieu par voie d’expropriation pour cause d’utilité publique. Il s’agit de démolir la Maison Perras, au n° 10 de la place Bellecour. L’expropriation pour cause d’utilité publique est prononcée par jugement du tribunal civil de Lyon en date du 4 juin 1862. Puis par délibération du 11 juillet 1862, des traités sont passés avec les locataires. Parmi eux l’architecte Clair Tisseur [1827-1895] qui occupe un appartement au 2ème étage sur cour, André un entrepreneur de voitures, Giraud, un marchand d’armes blanches et Desvignes un horloger. Pour la Maison Berjat, au n°9, également acquise à l’amiable, l’éviction des locataires restera à la charge de ce dernier.

[1848-1860] — Maisons Perras & Berjat avant la percée Source Louis Froissard — Pierre Jourdan –BML

Six de ses immeubles restent aujourd’hui signés par l’architecte

Vers 1900 — Perspective sur la rue Gasparin — vue depuis Bellecour

Entré à l’École La Martinière de Lyon, en 1840, il en est sorti dans les rangs des premiers, en 1843. Il donna d’abord des leçons de mathématiques et de dessin, puis, peu après, fut nommé répétiteur pour la classe de dessin à l’Ecole La Martinière tout en restant attaché au cabinet de Louis Dupasquier [1800-1870] son professeur renommé dont il devint un des principaux collaborateurs. Dans les années 1850, enfin il passa dans celui de Bresson d’où il sortit, en 1855, pour s’établir à son compte. Après la mort de Dupasquier, il fut nommé en 1871, architecte du diocèse de Belley et en 1892, de celui de Viviers, fonctions qu’il a conservées jusqu’à ce qu’il donné sa démission pour cause de maladie. Il fut, à titre exceptionnel, nommé architecte diocésain honoraire. De 1878 à 1882, il fit partie de la commission du jugement des concours de l’Ecole La Martinière et, comme architecte, il a fait à Lyon de nombreux élèves. Enfin, en 1889 à Bourges, il fut l’un des acteurs majeurs de la création de l’Association de toutes les Sociétés d’Architecture de province, au nombre de 16 et à l’effet d’éviter l’ingérence des conducteurs des ponts et chaussées, agentsvoyers et autres personnes dans un domaine réservé aux seuls architectes. L’Association provinciale des Architectes français fut ainsi créée. Il échoua dans son autre projet de créer des Ecoles régionales d’architecture. Il disait alors avoir échoué, précisément, en portant devant Paris ce projet qui devait circonscrire son influence excessive. Qu’y avait-il à faire ? Décentraliser ! Il eut une vie sage et laborieuse. De conditions modestes, sa famille habitait alors le quartier de la Quarantaine, où son père exerçait la profession de boulanger. Dans ses moments de loisirs, il faisait déjà à l’école des dessins de maisons. Le catalogue de ses œuvres serait ici trop long pour être détaillé et peut se résumer ainsi : Il ne construisit pas moins de 12 églises et en modifia 11, situées majoritairement dans l’Ain ; 24 immeubles de rapports dans Lyon dont 10, sur la rue Gasparin et de nombreuses villas, châteaux et maison de campagne auxquels il faut rajouter 9 écoles et 2 usines.

LE 29,

une valeur ajoutée à Bellecour

Les expulsions des deux maisons de la place Bellecour ont désormais eu lieu et les trois associés débutent les travaux des n°18, 20, 23 et 29, rue Gasparin.

Maison à loyers au style distinguée et située à l’angle de la place, le n°29 sera élevé sur caves voutées, de rezde-chaussée et cinq étages, et achevé en 1863. Bien en place sur la rue Gasparin avec une solide façade composée de 11 travées, l’immeuble est en miroir de son voisin le n°20. Vues depuis Bellecour, ces deux maisons se devaient de se distinguer et d’accrocher le regard par leur nouveauté. L-E. Journoud coincé par le peu de profondeur qu’il reste de part et d’autre de la parcelle achetée, s’oblige à une « servitude esthétique » pour assurer une harmonie des volumes et de belles perspectives depuis chacune des places. Le modèle haussmannien du balcon filant pour le niveau d’attique s’impose ainsi à lui. Il s’agit aussi de dessiner deux maisons comme s’il s’agissait d’une seule. Comme un tenon et sa mortaise, les deux numéros se font face, presque en miroir. Bien malin et observateur celui qui identifiera leurs subtiles différences. Leur longueur et leur hauteur sont identiques, de même leur étagement et la forme des baies. Leur symétrie semble parfaite et leurs traits architecturaux identiques. Pourtant, ils sont différents. Côté Bellecour, trois travées de fenêtres pour le 29, contre quatre pour le n°20. Comme deux frères jumeaux, ils se ressemblent mais se différencient par les détails : celui de leurs décors secondaires, celui des balcons et de leurs consoles, celui des garde-corps, celui des linteaux et des trumeaux des étages supérieurs, et enfin celui des portes d’entrées. Le style de L-E. Journoud, était bien lié à son caractère, et dans son architecture, on rencontre toujours la même sobriété, le même esprit de combinaison et le soin méticuleux de la bonne exécution. Tout était chez lui calcul, son dessin même était mathématique. Il passait pour l’un des meilleurs constructeurs et se trouvait très souvent consulté dans les cas difficiles soit par ses jeunes confrères, soit par les entrepreneurs.

LES PORTES DES N°20 & 29 RUE GASPARIN

Le couronnement de la porte du n°29 reste inachevé avec une pierre d’attente. Que s’est-il passé ? La soumission pour sculpture ne fut-elle pas honorée ou même engagée ? Il est vrai que la charge foncière avait été lourde et les seules ressources des trois associés, plus les aléas d’un marché bien saturé, pesaient sur un projet de cette importance. Pour autant ce cas de figure reste courant pour bon nombre de portes d’allées à Lyon. Sur le couronnement de la porte de n°20, on découvre une ornementation en forme de griffon sculpté, bordé de rinceaux végétal en enroulement et d’une guirlande de fruits et fleurs, œuvre du sculpteur ornemaniste François Edouard Clauses [1824-1884]. Il ne reste plus à 6ème Sens qu’à s’inspirer de la bonne initiative de Jean-Louis Maïer qui sut avec élégance et finesse d’esprit, apporter l’ornementation qui manquait au linteau du n°7 de la rue Simon-Maupin (photo cidessous).

Mascaron de F-E. Clauses au Marché de Grenoble, très proche de celui du n°29

Pour les croisées d’extrémités, deux paires de masques de femmes encadrées par un couple de lions goute aux fruits défendus.

TOUT L’ACCENT DES ORNEMENTATIONS EST MIS SUR L’ÉTAGE NOBLE

Les variations ornementales d’un immeuble se trouvent souvent étagées sur les linteaux et les couronnements des croisées. Les baies monopolisent ainsi toujours l’attention des architectes. Elles déterminent encore aujourd’hui la composition d’une façade, sans autres souci, pas même celui de la disposition des appartements. Au 29, leur rythme est régulier et l’architecte met l’accent sur le 2ème étage voulu noble. Seules ses baies utilisent des allèges massives à balustres de pierre et seules ses baies possèdent un tympan triangulaire. Elles se composent de façon très classique autour d’une travée axiale marquée par la présence de la porte d’allée et de motifs différenciés. Ici, c’est le mascaron ou masque à la figure d’homme qui marque l’axe de symétrie. L’homme règne en solo tel le macho entouré, pour les croisées d’extrémités, de deux paires de masques de femmes. La fonction originale de ces masques était d’éloigner les mauvais esprits de la demeure. Durant cette seconde moitié du XIXe siècle, nettement moins effrayants et grotesques qu’à la Renaissance, ils ne sont plus que des motifs d’ornements répétitifs. Entre ces masques, s’ajoutent des motifs indéfiniment répétés fait de colonnettes

fruitées cernées de deux lions couchés (force et courage) grappillant les fruits. Ils sont unis d’une guirlande à feuilles et à fleurs. Sur la façade Bellecour et toujours en linteaux de ces fenêtres du 2ème étage, les masques disparaissent et seuls subsistent pour chacune des trois fenêtres, les deux bêtes encadrant cette colonnette dont le chapiteau fait office de coupe de fruits. Les baies du dernier étage, en toiture mansardée et si bien alignées par un balcon filant sur le pourtour de la maison reprennent le tympan triangulaire. Cependant dans cette combinaison horizontale méticuleuse, Feuilles d’Acanthe en Acrotéres du Théâtre des Célestins F-E. Clauses L-E. Journoud introduit tout de même trois ruptures rythmiques par une composition innovante pour cette date, en isolant les deux travées de baies des extrémités de la façade et celle du centre. Il leur accorde un traitement particulier en introduisant des balcons en légère saillie et aux garde-corps de fonte. Brisant l’horizontale des étages, jumelant les baies, l’architecte utilise les motifs du refend et du bossage en bandes verticales sur quatre étages, nous donnant ainsi l’illusion d’avant-corps et de pavillons d’extrémités.

La cage d’escalier et son garde-corps. Les portes palières Une verrière a été posée au sommet de la cage d’escaliers Le Veilleur de Pierre figé dans la mémoire

LE VEILLEUR DE PIERRE

En 1939, il y a là un café restaurant réputé : « Le Moulin à vent ». Après l’occupation de la zone Sud, l’établissement est fréquenté par des officiers allemands et des membres de la Gestapo, dont les locaux sont proches. Au soir du 26 juillet 1944, une explosion dévaste les locaux : des résistants y ont placé un engin explosif. Il n’y a pas de victime. Le lendemain vers midi, les Allemands conduisent là 5 hommes arrachés à la prison Montluc et les abattent à coups de mitraillettes devant une foule horrifiée : Gilbert Dru et Francis Chirat, syndicalistes chrétiens et résistants condamnés à mort, Albert Chambonnet, chef régional des F.F.I., le militant communiste Léon Pfeller et l’infortuné René Bernard, simplement pris dans une rafle. Les corps restent exposés sur le trottoir jusqu’à 15h. À la Libération, un comité se forme en vue d’élever un mémorial rappelant le drame. L’architecte Louis Thomas, un élève de Tony Garnier, et le sculpteur Georges Salendre imaginent de dresser l’effigie d’un homme nu, d’une hauteur de près de 4 mètres, dont les bras reposent sur un écu orné de la croix de Lorraine. L’œuvre est achevée en 1948. Gérard Corneloup

Cliché extrait de l’ouvrage « Mémorial de l’oppression » édité vers 1946.

Les bureaux de Paru Vendu à la fermeture de l’agence Le showroom d’Options

LA VITRINE DU 69 PUIS D’OPTIONS

Après la faillite de Paru Vendu, le local est resté plusieurs mois à l’abandon. Pendant 40 ans, il a été la vitrine en centre-ville du 69, le vaisseau amiral de la Comareg, comme le raconte son fondateur Paul Dini : « Désireux de lancer un journal gratuit d’annonces, à Lyon, en 1972, j’ai rencontré Maître Arduin, avoué, qui contrôlait deux publications payantes Sud-Est Annonces et Lyon Annonces. Cette dernière possédait le pas-de-porte de ce local. Comareg, que j’avais créée à Grenoble, en 1968, avec Le 38 put alors éditer Le 69 sous la coupe de Lyon Annonces acquise entre temps. Le local du Veilleur de Pierre en fut très longtemps la vitrine. » Il accueille aujourd’hui le showroom d’Options, une société spécialisée dans la location de matériel de réception pour tous types d’évènements corporate ou familiaux.

COMMERCES ET OCCUPANTS

Il s’agit d’un immeuble édifié sur un niveau de sous-sol avec caves, rez-de-chaussée et 6 étages, à usage d’habitation (8 logements), professionnel (2 bureaux), commercial (4 commerces) et le monument historique « Le Veilleur de Pierre ». Parmi les occupants de la maison antérieure, en 1861, Clair Tisseur ; le professeur Morat ; le banquier Lucien Devèze (dont la fille Simone épouse Jean Isaac). En 1970, l’avocat André Terrot, père du député Michel Terrot, réside dans l’immeuble dont il est copropriétaire. Actuellement, la situation locative est la suivante : 7 logements sur 8 sont loués dans le cadre de baux d’habitation (5 à des particuliers et 2 à la société Someby). Le monument historique fait l’objet d’un bail civil avec la Ville de Lyon. Les 2 bureaux sont actuellement occupés par la société Cresus et la société Concorde Immobilier / Régie Bellecour. Les 4 commerces sont actuellement occupés par : La société Cresus (Montres d’occasion) La société Poisson d’Avril La société Options Le local de la chapellerie est en cours de commercialisation

SOMEBY

Someby est une société de coliving à destination d’étudiants, créée il y a une dizaine d’années environ (enseigne d’alors «Chez Nestor») par Hubert Dubois-Athénor et Louis Bonduelle, il s’agit d’une des belles réussites de start up lyonnaises, toujours bénéficiaire et en forte croissance. EP

LE PROJET PATRIMONIAL de 6ème Sens Retail

L’immeuble sis 29 rue Gasparin a été acquis le 9 novembre 2021 par la SNC Le Veilleur de Pierre, une filiale du groupe 6ème Sens, codétenue par la holding 6ème Sens Immobilier Investissement et par la SAS 6ème Sens Retail (ex Keys) dont la directrice générale associée est Anne Gagneux. Situé dans le triangle d’or, il constitue un bel exemple de l’architecture du second Empire à forte valeur patrimoniale. Le groupe 6ème Sens va poursuivre les travaux de restauration déjà entrepris par l’indivision (la toiture et la façade ont été refaits) en s’attachant à rénover les parties communes. Le groupe immobilier fondé en 1999 a réalisé un chiffre d’affaires de 350 millions d’euros en 2021 et poursuit sa politique d’acquisition d’immeubles patrimoniaux (15, rue Emile Zola, place Leviste) et s’attache à les valoriser. Une action qui s’inscrit sur le long terme : le groupe a l’objectif de conserver ces immeubles dans son portefeuille. Au sujet du 29, rue Gasparin, sur le plan pratique, l’intégralité de la gestion locative et technique est assumée en interne par les services du groupe 6ème Sens (le mandat avec la régie CIFI n’ayant pas été renouvelé lors de l’acquisition).

Nicolas et Anne Gagneux

LES PROPRIÉTAIRES DU 29 RUE GASPARIN

Les premiers propriétaires sont l’architecte de l’immeuble Etienne Louis Journoud, associé à Pierre Dumont, entrepreneur et Antoine Touzot, restaurateur. La construction de l’immeuble achevée en 1863, ils le revendent le 25 août 1876, moyennant un prix principal de 421 000 Francs payé comptant à Madame Pitrat qui l’occupe pendant 25 ans. Préalablement à son décès à ClermontFerrand le 19 décembre 1901, elle établit en testament olographe pour régler sa succession entre ses deux filles ; laquelle succession aboutit à un partage reçu par Me Louis Paul Chaine aux termes duquel Jeanne Pitrat, veuve en uniques noces de Monsieur Gagnon, s’est vu attribuer cet immeuble. Le bien est resté dans le patrimoine de Madame Gagnon jusqu’au 27 juillet 1936, date à laquelle, par acte de Me Jean Chaine, elle transfère l’immeuble par parts égales en nue-propriété à ses trois enfants : Jean-Baptiste Gagnon, Marie Gagnon, épouse d’Henri Walet et Jeanne Gagnon, divorcée Leroux. Son usufruit s’éteint lors de son décès le 1er novembre 1947. Ces trois tiers ont subi des sorts très différents : Le tiers de Jean-Baptiste Gagnon a été vendu en 1955 à l’avoué Arduin et à l’avocat André Terrot, père du député Michel Terrot. (photo ci-dessous) Le tiers de Marie Gagnon a été transmis à ses deux enfants, Pierre et Marcel Walet, à son décès le 12 septembre 1967. Le tiers de Jeanne Gagnon est resté lui appartenir. En 1971, l’avoué et l’avocat ont décidé de vendre leurs droits d’1/3 aux enchères et ce sont les autres indivisaires qui se sont portés acquéreurs, Jeanne Gagnon pour moitié, et les consorts Pierre et Marcel Walet pour l’autre moitié. La tante se retrouvait alors posséder la moitié indivise de l’immeuble et les frères chacun un/quart. Sans doute pour éviter les difficultés qu’ils avaient connues avec l’indivision précédente, ils décidèrent d’apporter leurs biens à une société et suivant acte reçu par Me Compte, le 6 avril 1973, l’immeuble a été apporté à la SCI du 29 rue Gasparin. Certes, les associés ont changé depuis, mais la SCI est restée propriétaire jusqu’à l’acquisition de décembre 2021 par le groupe 6ème Sens Immobilier.

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