Carnet de tendances kids

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Je dédie ce livre à Jérôme, Armand, Éloi et Adèle.

© 2012, Éditions de La Martinière, une marque de La Martinière Groupe, Paris Connectez-vous sur www.lamartinieregroupe.com ISBN : 978-2-7324-4557-1


MARIE SIMON

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mADe iN 10• 14• 16• 18• 20• 22• 24• 26• 28• 30•

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So british ! Preppy pep À cheval sur les classiques Néoromantisme Little miss couture Marie rhabille la galerie La vie de château Minimalisme Bébé minimaliste Voyageurs

ow Li Fe L S 34• 38• 40• 42• 44• 46• 50• 52• 54• 56• 58• 60• 62• 64•

Esprit des bois Refuge design Ma maison est en carton Animalia Sur-naturel Bien-être Isis et les belles images Vintage cool et chic Néofolk Bio Bébé zen Petits poussins À vos aiguilles ! Micmac Bohème


B e H aPPY ! 68• 72• 74• 76• 78• 80• 82• 84• 86• 90• 92• 96•

Nouvelle vague Color block Starting-block Casual dans le ton Sweet sixties Martine voit dans le futur BéBé Pop Jour de fête Pop en stock Le jeu dans l’œuvre de Charles & Ray Eames Terrain de jeu Matali et les règles du jeu

ExPres 100• 102• 104• 105• 106• 108• 110• 112• 114• 116• 118• 120• 122•

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LiB r E

Belle époque Bizarre bizarre ! Faire bonne impression Les enfants et leurs blog Improvisation Les fabuleuses histoires de Tanguy Parade Rock’n’rebels Graff'aux impressions Frédéric ou l’art de jouer en travaillant Art at home Bébé arty Réalité augmentée



INTRODUCTION Découvrir, apprendre, rêver, jouer, s’exprimer, imaginer... Être enfant, c’est pouvoir faire tout cela à la fois. Aujourd’hui plus que jamais, des créateurs semblent se mettre au diapason des petits pour leur offrir une foule de pistes intéressantes à suivre, sources d’étonnement et d’émerveillement, les accompagnant sur leur chemin vers l’âge des grandes personnes… L’univers des enfants connaît depuis quelque temps un formidable renouveau sous l’impulsion d’acteurs remarquablement créatifs. Les modes de consommation et de communication ont changé et le kidding s’est imposé. Ce carnet propose d’explorer cette extraordinaire vitalité dans les domaines de la mode, de l’édition, du design et, plus généralement, de l’art de vivre. Éclairage des grandes tendances de ces dernières années tout autant que carnet d’inspiration, il s’articule autour de quatre grandes aspirations – ou familles – dans lesquelles toute « maman poule » ou « maman tigre » retrouvera ses petits :

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h i , ou le souhait de transmettre un héritage réinterprété avec modernité, de retrouver des valeurs sûres, le goût des belles choses et du design.

SLow Li Fe , pour donner aux enfants le temps de bien grandir, d’avoir une vie saine, de célébrer les ressources de la nature et les cultures du monde, le fait maison et l’artisanat.

B e H a P P Y, ou une injonction à vivre pleinement son enfance dans un univers confortable et joyeux composé de basiques espiègles, d’un design innovant, de couleurs pétillantes qui reflètent l’énergie enfantine. ExPres

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LiB r E , pour encourager le génie créatif de nos chères têtes blondes,

prôner l’imagination au pouvoir, redonner une âme au quotidien et fuir l’uniformisation, affirmer sa singularité, et toujours s’amuser...


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Les   enfants   modèles     d’autrefois     avaient pour habitude d’endosser des habits du dimanche pour être immortalisés sur les photographies de famille. Sur le papier glacé, on ne voyait pas les efforts déployés par les uns et les autres pour que leur allure soit   tirée    à   quatre   épingles : repassage    de     dernière   minute, boutons   fermés    et     souliers   étroitement    lacés,    nœuds à      boucles       gracieusement     disposées, coups de peigne vigoureux… De ces élégances    passées,   que    reste-t-il aujourd’hui ? Quelques occasions propices à des habits chics que le marché de la mode enfantine continue de dénommer « cérémonie », des cadeaux de naissance symboliques d’un rêve d’enfant choyé. Pourtant, cette mode classique et toute sa cohorte d’emblèmes, petits    manteaux    anglais,smocks,   carreaux      et     tissus     Liberty continuent de fleurir dans une bonne partie    des      collections     enfantines       d’aujourd’hui.   Emportée   par   l’immense        retour       aux   valeurs   sûres,   la   mode s’éloigne de la fantaisie pour adopter un minimalisme qui fait fi du superflu et des décors gratuits.     Au diapason de l’engouement pour le design, elle célèbre les belles matières, les coupes parfaites et les couleurs raffinées.

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My tailor is chic.

So British !

Ci-dessous : un des cinq merveilleux albums de l’illustrateur Miroslav Sasek consacrés aux pays du monde. Mouchoir, Snissues ; Rexinter chez Bonton Bazar.

10 • MADE IN CHIC • So british !

À double boutonnage et de forme légèrement évasée, col rond et rabats de poches en velours surpiqué, le manteau anglais en pure laine shetland était le must des garde-robes très comme il faut des enfants des beaux quartiers. Les tailleurs britanniques avaient acquis une formidable réputation avant la Seconde Guerre mondiale dans l’élaboration de ce modèle et gardèrent longtemps le monopole de leur fabrication. De même, le duffle-coat éminemment british offrit, à partir des années 1950, une alternative plus décontractée aux vestiaires des petits. Inspiré du vêtement de la Royal Navy, il fut produit très tôt en France. Le confectionneurs français l’intégrèrent dans leurs collections, n’hésitant pas à s’autoriser des couleurs plus fantaisistes que les beige et bleu marine utilisés par leurs homologues d’outre-Manche. Outre ces deux vêtements emblématiques du chic anglosaxon, les merveilleux tissus Liberty, les traditionnels tartans écossais, le trench, les blazers, les kilts et les chaussures anglaises font partie des références intemporelles de l’élégance enfantine.


FAUX-UNIS Les motifs dessinés par les briques de la façade de Christchurch Mansion à Ipswich dans le Suffolk évoquent le tweed : effets brouillés en camaïeu subtil.

SE TENIR À CARREAUX Les matières emblématiques du chic anglo-saxon sont revivifiées par des coloris et des accessoires inattendus. Ci-dessus et ci-contre : panoplies Bonpoint et bottes en caoutchouc Zoom.


BOYS AND GIRLS

Pour démarrer du bon pied Le chausseur Start-rite, désigné comme fournisseur officiel des princes et princesses de la famille royale par la reine Elizabeth en 1955, poursuit son beau chemin et fournit les classiques derbys « John » ou « Charles » à bout fleuri, les mocassins « penny  » et les Mary Jane « Clare » avec une merveilleuse constance. Cette marque mythique a une belle histoire qui débuta en 1792 près de Norwich en Angleterre. Dans les années 1920, le Britannique James Southall (héritier du fondateur), conscient de la nécessité de concevoir des chaussures spécialement adaptées à la morphologie enfantine, mettait au point la chaussure Start-rite. Au cours des années suivantes, la compagnie, en véritable pionnière, diligentait des enquêtes dans les écoles anglaises afin d’établir un barème de demi-tailles et de largeurs pour une fabrication adaptée à la croissance des petits pieds (bout arrondi et relevé, contrefort et talon plus long sur le côté intérieur de la chaussure). À partir de 1952, elle se consacrait exclusivement à leur fabrication, abandonnant celle des souliers pour adultes.

12 • MADE IN CHIC • So british !

Les grands classiques d’outre-Manche parfaits pour l’allure boyish des filles et dandy des garçons : mocassins noirs, Penny. Derbys en cuir blanc, Charles, Start-rite. Ci-dessous : Across, veston à carreaux, Paul Smith Junior.


GOD SAVE THE STYLE Cardigan vert en maille lambswoll et broches couronne et étoile, Bonpoint. Jupe écossaise Oona l’Ours. Le garçon porte un blazer en velours milleraies, CdeC, et une chemise en coton écossais, CFK.

13 • MADE IN CHIC • So british !


Prix d’excellence sous le bras, les Preps s’amusent.

PREPPY PEP Des pastels et des tons acidulés, de fines rayures et des carreaux, les logos de bannières universitaires, une décontraction élégante : les codes vestimentaires des public schools britanniques et des étudiants des collèges universitaires de la Nouvelle-Angleterre dans les années 1960-1970 prédisposeront-ils nos enfants à l’excellence ? Le style « college » fait une entrée remarquée dans les armoires enfantines de la deuxième décennie du XXI e siècle. Pensé par des autorités plus soucieuses de rigueur que de mode, l’uniforme des collèges anglais est à l’origine d’un véritable style qui a fait l’école buissonnière avec une belle application. Le blazer avait de prime abord été choisi par les équipes d’aviron et de cricket avant d’être adapté à la vie scolaire britannique, chaque école lui imprimant sa marque distinctive par l’usage de rayures, de ganses colorées ou de flanelles de coloris différents. Le blazer a ensuite fait les délices des mères des années 1950 et 1960 qui rêvaient de garçonnets sages comme des images. Le style « preppy » vient des États-Unis. Son nom – une contraction de « preparatory » – fait référence aux écoles préparatoires aux prestigieuses universités – les huit de la Ivy League : Brown, Columbia, Cornell, Dartmouth, Harvard, Pennsylvania, Princeton et Yale. Son chic élitiste ennoblit les tenues des cours d’écoles du monde entier. Futurs aspirants aux diplômes ou cancres rêvent (comme leurs grands frères adolescents) de s’habiller chez Abercrombie & Fitch sans soupçonner toute l’aura laborieuse de leur panoplie. Ils arborent des vestons en seersucker, portent des cardigans rayés et des polos sur leur bermuda à carreaux ou leur chino, donnant un air à la fois clean et cool à leur look.

CLASSIQUES LUDIQUES Aciduler les rayures et carreaux, les doublures, les finitions. Ci-contre : détails d’une veste en seersucker et d’un écusson brodé, polo Ralph Lauren. Le petit cameraman porte un blouson, un polo et un bermuda, Finger in the Nose.

14 • MADE IN CHIC • Preppy pep


CAMPUS Accorder des foncés à des coloris grinçants, des carreaux à des graphismes percutants. Ci-dessus : étudiants sur le campus de l’université de Californie à Los Angeles dans les années 1950. Cardigan, Fred Perry. Cartable en toile et cuir, Miniséri. Le petit garçon porte un polo Fred Perry.

15 • MADE IN CHIC • Preppy pep


UN PEU DE TRALALA La galerie des Trophées au château de Chambord. Chaise Couture, Philippe Starck, éditée par XO Design, plastique de tweed rose obtenu par héliotransfert. Page de droite : trophée en carton imprimé Miho Cervo 8, Made4Kids.

À QUATRE ÉPINGLES

16 • MADE IN CHIC • À cheval sur les classiques

Ci-dessus : maîtriser les règles du savoir-vivre grâce aux conseils tendres et irrévérencieux du livre de Floc’h. Blouse smockée, MarMar Copenhagen. Page de droite : veste gansée, Kicokids ; trench, Paul Smith Junior.


Un brin collet monté, le style néobourgeois caracole en tête de l’allure parfaite.

À CHEVAL SUR LES CLASSIQUES La mode enfantine de ces dernières années a vu apparaître des marques de luxe déclinées en version mini selon des vocations empreintes de marketing. Des marques prestigieuses, Ralph Lauren (qui, dès les années 1970, offrait aux petits garçons une ligne de polos inspirée de celle de leurs papas), Burberry, Fred Perry, Chloé, Dolce & Gabbana, tout dernièrement Gucci et Fendi, ont adapté leurs collections et leur image au marché de l’enfant. Elles ont mis en avant leurs vêtements emblématiques, et par l’emploi de leurs tissus ou logos distinctifs, ont « griffé » les plus jeunes. Dans ce sillage, jouer avec les codes du style classique en associant des intemporels (robes, trenchs, vestons) aux finitions soignées (ganses, nœuds, piqûres sellier) à des accessoires fantaisie (chapeaux, lavallières, foulards et ceintures à mors de cheval) vise, non pas tant à donner de la tenue aux « bons petits diables » qu’à leur imprimer une allure inspirée de la mode adulte : pas question de sacrifier le confort à l’élégance. En quelque dix années, le rythme de la mode enfantine s’est considérablement accéléré. Les grandes enseignes, telles que Zara ou H&M, se sont résolument installées dans cet univers avec beaucoup d’efficacité et un merchandising parfait. Leurs stylistes jonglent avec les codes de ce courant classique. La différence se manifeste désormais dans les matières utilisées, le soin de la coupe et la créativité des collections. Entre héritage élégant et esprit de clan, le style classique s’amuse à sortir du cadre par des citations teintées d’humour et des coloris mixant tons assourdis et vifs grinçants. On revisite les archétypes du chic, les tenues « chasse et pêche », les schools’ uniforms, les écossais, les tissus Harris/Tweed et Tattersall. Il s’agit de se « tenir à carreaux » dans la fantaisie.


HARMONIES RAFFINÉES Ci-contre : Abécédaire, Marina Vandel pour LFG; jupe imprimée, Caramel Baby & Child ; babies en daim, April Showers. Ci-dessous : trousse, Bonton Bazar. La chambre : une version poétique et contemporaine du romantisme.

Un florilège d’impressions délicieusement surannées pour petites filles modèles.

NÉOROMANTISME Glaner feuilles d’herbiers, graminées, fleurs de porcelaine et bouquets de bonbonnière pour refleurir silhouettes et décors. Ouvrager une fraîcheur à la fois rustique et délicate. Des dégradés de bleus célestes, sur fond de beige et de rose biscuit, des mauve, vert ortie, bleuet, écru et foin parsèment les nuances d’un néoromantisme urbain. Des trousseaux d’antan ravivent le souvenir des détails discrets qui ornaient à petits points batiste, popeline, cotonnade ou toile à beurre. Broderie anglaise, crochet, maille dentelle, broderies à l’ancienne s’animent de reliefs fragiles et se marient à des toiles brutes. Des accessoires charmants papillonnent entre bohème citadine et hippy chic.

18 • MADE IN CHIC • Néoromantisme


MOUVEMENT ESTHÉTIQUE Au xixe siècle, dans l’Angleterre victorienne, un courant artistique érigea le culte de la beauté comme unique dogme. Les robes créées par Anne Valérie Hash pour l’été 2011 invitent à un voyage dans le passé : entre les illustrations de Kate Greenaway et la délicatesse des natures mortes de Giovanna Garzoni (xviie siècle) ci-dessous.

Réinventer le romantisme La maison Bonpoint, fondée en 1975 par Marie-France et Bernard Cohen, a renouvelé le courant romantique en lui insufflant de la modernité. Cette interprétation a imprégné durablement l’univers de l’enfant. Sensible à la perfection des coupes et aux jeux de matières raffinées, Marie-France Cohen sut en décaler l’esprit conventionnel par une gamme de couleurs déclinant des gris, des kaki, des marrons inhabituels dans les garde-robes enfantines, ainsi que par des associations inédites. « Nous avons établi une mode romantique moderne qui reprenait le chic des petites silhouettes anglaises et le côté pratique de la mode américaine. Nous avons cherché à plaire aux enfants en gardant toujours une certaine idée de l’élégance. Si une petite fille rêvait d’un tutu, on le mixait avec un petit manteau anglais, on choisissait un rose fané délicat au lieu d’un rose bonbon, on l’assortissait de souliers lacés. On peut toujours faire une chose abracadabrante. Si on la porte avec une bonne petite chaussure, cela reste chic. » La maison Bonpoint qui a été cédée en 2007 est restée fidèle à l’esprit de ses créateurs. 19 • MADE IN CHIC • Néoromantisme


Faste facétieux et luxe exquis, l’enfant-roi réclame des sujets d’émerveillement.

LITTLE MISS COUTURE La haute couture et le luxe ne sont plus désormais un domaine réservé aux grandes personnes et gagnent la mode enfantine, renouant avec ses lointaines origines. La maison Lanvin lance, pour l’automne-hiver 2011/2012, une ligne très haut de gamme. Elle est fidèle à son histoire puisque les premières créations de Jeanne Lanvin avaient été conçues pour sa fille, Marguerite. « C'est pour l'émerveiller que, de fil en aiguille, elle émerveilla le monde », résuma joliment Louise de Vilmorin dans les années 1930. Cette enfant habillée de manière si ravissante fut remarquée par des femmes de goût, qui s’empressèrent de commander des tenues identiques pour leurs filles. Jeanne Lanvin, alors modiste, créa en 1908 un département « Costumes d’enfants ». Bientôt, les robes des fillettes s’accompagnèrent de créations pour jeunes filles et pour femmes. Jeanne Lanvin devint la coqueluche des grands de ce monde, émerveillés par son génie. Anne Valérie Hash appartient à ce monde très fermé de la haute couture parisienne. Sa fille est également son inspiratrice. Elle a, en effet, pris le pli de mouler ses modèles femmes sur elle. Il lui est donc naturel de lancer, en 2008, une ligne de vêtements pour les fillettes et les jeunes filles. Suivant son inspiration avantgardiste et son goût pour les matières raffinées, elle y poursuit son travail sur les coupes et les volumes. Si le secteur de la mode enfantine a bien compris les enjeux commerciaux de la jeune clientèle, les directeurs et responsables des palaces, quant à eux, commencent à peine à se soucier des enfants en proposant des activités ludiques ou des goûters chics. Tous n’ont pas la chance de compter parmi leurs clientes la pétillante Éloïse (héroïne des albums de Kay Thompson) dont la chambre au Plaza de New York a été reconstituée avec son décor aux rayures roses et blanches. Prière aux petites filles guindées de s’abstenir d’être sages  !

IMPERTINENCE S’amuser à bousculer le style habillé avec un zeste d’insolence. Ci-dessus : robe, Dino e Lucia. En panoplie : robe imprimée de fleurs sur fond noir suie, Maan. Collier, April Showers. Coiffe papillon, Tour de Force pour LFG. Babies, Diana, Start-rite.

20 • MADE IN CHIC • Little miss couture


MATIÈRES NOBLES

De la

F O U R R U R E pour s’emmitoufler

La fourrure réchauffe les armoires enfantines. Gilets, chapkas, blousons et pelisses brossent une fantaisie échevelée. Prenant à rebrousse-poil le quotidien, les enfants endossent une sauvagerie bien domptée.

La fourrure (vraie comme fausse) réchauffe l’hiver. Ci-dessus : poncho chocolat, Gabriel et Valentin. Gilet, Antik Batik. À gauche : gilet en fausse fourrure et pantalon drapé, Anne Valérie Hash Mademoiselle.


MARIE

RHABILLE LA GALERIE

Lorsque l’on navigue sur le site de Little Fashion Gallery, on se sent un peu comme Alice au Pays des Merveilles. Trois petits clics et surgissent de beaux habits, les coiffes d’un chapelier extravagant, une lampe-lapin blanc, des souliers choisis… Cet e-shop haut de gamme propose des panoplies pointues mais pas folles, des basiques bien pensés, des jouets originaux, du mobilier raffiné. Avec ce ton décalé qui est sa marque de fabrique, LFG est aujourd’hui une référence incontournable de la mode enfantine et de l’univers de l’enfant de facon plus générale. Sa fondatrice, Marie Soudré-Richard est enthousiaste…

Quand avez-vous décidé de créer votre entreprise ? J’ai suivi des études de marketing à l’Edhec et travaillé dans les secteurs du luxe et des cosmétiques, chez Chanel à New York, pour le groupe l’Oréal à Paris, puis à Londres pour le groupe Lancaster/ Coty Prestige (le groupe a changé de nom entre temps). En 2005, j’attendais mon premier enfant. Encouragée par le succès du site anglo-saxon Net-à-porter de Natalie Massenet, j’ai décidé de créer un concept-store pour enfants en ligne. À l’époque, il n’en existait aucun. De plus, de nombreuses marques créatives n’avaient pas de point de vente dans l’Hexagone. À Paris, la boutique pointue (fermée depuis) de Marlène Pellicci, Calesta, m’a inspirée. J’allais créer un univers complet et raffiné pour proposer aux parents d’habiller leurs enfants, de leur dénicher des livres introuvables, de décorer leur chambre... Tout cela sans sortir, « à portée de clic ». Sans chercher à me substituer aux boutiques, je leur proposais une expérience de shopping agréable et festive. Au plaisir de la découverte se conjugue un service impeccable : une jolie boîte livrée par coursier dans les deux heures suivant la commande à Paris, dans les 24 heures en Province et en quelques jours de plus dans le reste du monde   ! Comment avez-vous imposé votre site ? En créant une marque. J’ai choisi de l’incarner sous les traits de Paul, mon fils. La photographie que réalisa Patrick Swirc, portraitiste de talent travaillant notamment pour le magazine Vanity Fair, me plut immédiatement ! Sa bouille de bébé avec ses lunettes et ses yeux qui louchent suscita tout d’abord des réactions horrifiées parmi certaines rédactrices des magazines anglais. Je n’avais nullement l’intention de choquer. Mes fils (Paul a depuis un petit frère) m’inspirent. Les réticences furent vite balayées. Mes clientes aiment l’idée que Paul grandisse sous leurs yeux :

par nature notre image   change chaque année ! Little Fashion Gallery est ainsi devenu une marque au-delà du site marchand qui évoluent chaque jour. Vous dîtes avoir eu la chance de trouver de véritables partenaires… Les premières marques qui m’ont fait confiance, Album di Famiglia, Finger in the Nose, Tuss, Caramel Baby and child, Sirch (mobilier et jouets en bois) étaient peu connues, malgré leurs qualités. Le site leur donnait certes une visibilité mais, sans elles, LFG n’en serait pas là ! Ont suivi, Little Marc Jacobs (ligne enfant de Marc Jacob), Petit Bateau (à la place de Quincy qui n’existe plus), Lili & the funky boys, Œuf NYC. Nous présentions 14 marques en 2006, elles sont aujourd’hui plus de 200! Parmi elles, je suis fière de pouvoir compter entre autres Bonpoint, Start-rite, Spring court, Agnès b... Souvent gagnées de haute lutte ! En 2007, je créais une filiale à Londres et recevais le soutien financier d’un investisseur spécialisé dans le monde du luxe. Deux ans après, nous installions nos bureaux et un show-room/boutique, rue du Jour dans le 1er arrondissement à Paris. Comment analysez-vous le marché de la mode enfantine aujourd’hui? La crise entraine un retour au minimalisme et au pragmatisme, les clients recherchent de belles matières, des coupes pratiques, au juste prix… Les marques qui se situent dans le moyen de gamme devront adopter un juste équilibre entre le style et le prix. La libéralisation des soldes rend les choses difficiles. Il faut rythmer le marché, c’est-à-dire créer des produits porteurs de tendances fortes car la mode enfantine ne doit pas se limiter à des basiques. Nous le faisons avec notre magazine, le Little Fashion Book, dans un travail d’équipe assuré par Clara Dayet notre directrice artistique et styliste, des photo-


graphes de talent comme Gaëtan Bernard, CarlOskar Linné, des contributeurs tels que la rédactrice mode du Guardian Jess Cartner-Morley ou la blogueuse FiFi Lapin. Nous proposons aussi des produits exclusifs dessinés en collaboration avec des créateurs, un jean « Icon » avec Finger in the Nose, des livres avec Superéditions… Notre force est notre point de vue unique, pafois risqué, sur l’univers de l’enfant. Les collections enfants sont présentées avant celles de la mode féminine et c’est tant mieux   ! Cela donne une belle indépendance stylistique. À nous de vous la révéler  ! 23 • MADE IN CHIC • Marie rhabille la galerie


SES MAJESTÉS Une chambre de conte de fées. Au château, les demoiselles portent à gauche un tee-shirt et une jupe à plis plats, Kicokids, et au milieu, une robe en soie, Chloé. Le garçon arbore un caleçon imprimé reptile, Antik Batik, et un perfecto, Finger in the Nose. Little Fashion Book.

24 • MADE IN CHIC • La vie de château


« La Belle au Bois dormait. Cendrillon sommeillait. » Paul Verlaine, La belle au Bois dormait…

LA VIE DE CHÂTEAU

HÉRITAGE Le carrousel en résine, Merry-go-round x clock, indique les heures, les minutes et les secondes grâce aux cavaliers disposés sur ses trois plateaux, Haoshi Design Studio. En bas : jeunes cavalières, Anne Valérie Hash Mademoiselle.

L’engouement pour les contes – illustré par les multiples rééditions de la littérature pour la jeunesse, et les adaptations cinématographiques de ces dernières années – invite à se mesurer à un monde chimérique. On tisse les fils d’une inspiration poétique et historique. La mode voyage dans le temps et attrape au vol quelques détails et coupes d’antan. Elle y puise de beaux costumes qu’elle convertit en déguisements ou en habits délicieusement finis de ruchés ou plis religieuse, de fleurettes brodées. Clin d’œil à la préciosité de Marie-Antoinette et à la légèreté des Merveilleuses, les toilettes adoptent des couleurs passées, des chatoiements changeants. Elles s’accordent à un teint de porcelaine et à un décor « Grand Siècle » installant des baldaquins, des papiers peints rehaussés d’or, des coiffeuses précieuses. Pour repasser leurs leçons d’histoire, les fillettes sont conviées à découvrir la richesse d’un patrimoine que leur époque ne cesse de mettre en valeur. Au musée des Tissus et des Arts décoratifs de Lyon ou au château de Vaux-le-Vicomte par exemple, elles peuvent troquer leurs tenues quotidiennes pour revêtir, le temps d’une visite, des robes de petites marquises, tandis qu’à leurs côtés, les garçons défilent en mousquetaires. En un coup de baguette magique, l’histoire est apprise…


Plaidoyer pour un retour au calme.

MINIMALISME Au carré et sans détails superflus, les volumes des panoplies enfantines sont repensés selon l’idéal d’une élégance minimale qui envoie valser les fantaisies trop voyantes et les logos indélicats. Parmi les chantres de ce courant, on trouve la marque italienne Album di Famiglia et celle de Charlotte, étudiante en médecine, qui lance en 2005 une ligne de vêtements pour sa petite sœur Jeanne qu’elle présente sur un blog : Le Vestiaire de Jeanne. Conçues de manière artisanale, ces tenues aux volumes amples et aux finitions réduites au minimum impriment une orientation stylistique inédite. Des collections scandinaves imposent parallèlement un look dépouillé et moderne prônant le principe du « less is more ». Depuis 2006, Catti Aman, créatrice de la marque suédoise Tuss, cultive une philosophie : créer des vêtements unisexes aux lignes sobres et confortables qui laissent les enfants exprimer ce qu’ils sont. « C’est la fonctionnalité qui prime avant tout, à l’image de l’architecture du Bauhaus. » L’absence de couleurs vives ou d’imprimés souligne la justesse des coupes, le jeu de superpositions. Selon elle, le blanc, le beige, le gris et le noir confèrent de la sérénité à la silhouette et permettent davantage de souligner les caractéristiques physiques des enfants. Ce retour à la sobriété se lit dans la réédition par Knoll d’intemporels du design, comme les fauteuils d’Harry Bertoia, d’Eero Saarinen ou de Mies Van der Rohe en taille enfant. Cet engouement pour des meubles classiques au dessin pur et parfait s’accorde avec une décoration épurée aux tonalités assourdies. C’est le triomphe de la mesure, des associations en bicolore ou tricolore... En cadences élémentaires et compositions graphiques, on dessine en ombre chinoise, on souligne, on opère le mariage heureux d’une stylisation décorative et d’un parti pris couleur. 26 • MADE IN CHIC • Minimalisme


CINQ CHAISES DE DONALD JUDD L’adéquation parfaite entre forme, matière et couleur : cinq chaises en bois rééditées par la fondation Donald Judd. Le grand maître américain de l’Art minimal a réalisé ses premières pièces de mobilier dans les années 1970. En 1977, il a notamment dessiné un bureau et une chaise pour enfant. Ci-dessous : bureau et chaise d’écolier, Atelier Charivari.

Familles, je vous aime Les classiques de la littérature jeunesse réimprimés dans leur version originale, ceux du design édités en miniature semblent vouloir réunir les générations dans la transmission d’un héritage. Les histoires de mode enfantine sont accessoirement souvent de jolies histoires de famille, de mères ou pères en filles et fils, voire de grande sœur à cadette. Est-ce révélateur d’un regain d’amour pour l’esprit de clan  ? 81 % des Français considèrent que leurs meilleurs moments sont ceux passés en famille. La proportion est de 69 % chez les 16-24 ans – sondage Ipsos 2011. On est à mille lieues du « Familles, je vous hais ».

Néo NOIR ET BLANC Page de gauche en haut : blouse col nœud, Hucklebones. Jupe Maan. Chaussures, Pépé. En bas : robe à plis bleu-gris, BB+++. Blouse blanche, Anne Valérie Hash Mademoiselle. Robe en lin noire, Tuss. Little Fashion Book.


INTIMISTE Retrouver les tonalités des autochromes d’Heinrich Kühn : Tambour et soldat de plomb, 1910, Paris, musée d’Orsay. Berceau des années 1950 en bois peint, Atelier Charivari. Calendrier de l’Avent en bois, GG pour LFG. Chaussure en cuir, Petite Maloles.

28 • MADE IN CHIC • Bébé minimaliste


Créer un univers intimiste en demi-teintes ou en clair-obscur.

BÉBÉ MINIMALISTE De belles tonalités sourdes : des gris souris, du bleu torrent, des ocres et lie-de-vin jouent une partition raffinée avec des demi-teintes, rose fané, gris perle et brun-taupe. Les gammes de couleurs des univers des tout-petits sont raffinées et profondes. Elles soulignent la justesse des volumes en s’alliant à des formes simples, à des finitions discrètes et soignées. Elles ennoblissent les mailles mousseuses ou les twills de laine, les carreaux assourdis ou les molletons grattés. Esther Loonen, créatrice d’origine hollandaise de la marque Lily & the Funky Boys, a initié ses collections enfants et bébés avec l’envie d’offrir une palette de couleurs qui n’existait pas pour eux. Parce que peintre, elle se révèle avant tout coloriste et reconnaît que son amour pour les demi-teintes est inspiré des harmonies de la peinture flamande.

Ci-dessus : short et cardigan, Lili & the Funky Boys. Chaussons, Victoria Christmas. Cardigan, Caramel Baby & Child. Combinaison, La Petite Luce. Chaussures, Petite Maloles. Panoplie, Lili & the Funky Boys. Le bébé porte une tenue, Lili & the Funky Boys, Little Fashion Book. Ci-dessous : cheval à bascule en bouleau et frêne massif, Sirch.

29 • MADE IN CHIC • Bébé minimaliste


BIEN S’ÉQUIPER Ci-contre : sac Zef. Montre bracelet extensible en métal, Classic White Dust, Timex. Ci-dessous : carnet de voyage vintage.

Explorations en milieu naturel et échappées belles.

VOYAGEURS Des aventuriers et des minéralogistes en herbe s’inventent une panoplie inspirée par les grands mythes du voyage. La nostalgie des longs courriers aux tenues à l’élégance fonctionnelle croise le confort futuriste des chevaliers Jedi. Ainsi, les blousons, kimonos, jupes-culottes et jodhpurs sont structurés d’œillets brodés, de clous et de pattes de serrage, de sangles, de courroies de cuir, de larges poches gansées et de ceintures matelassées… Des tons de brun tourbeux, de vert malachite et de rose des sables rencontrent des pastels : azur, abricot et jaune paille. Cartes géographiques, strates géologiques, fossiles et terres mêlées invitent au dépaysement et tracent les lignes d’un paysage perçu comme un mirage. Sur les habits ou sur les murs des chambres, les frontières vagabondent. Une invitation au voyage se dessine…

CHEVALIER DU FUTUR Le jeune Anakin Skywalker dans le désert (Star Wars I) inspire une allure futuriste, entre tenue de judoka et panoplie army.

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LA CARTE ET LE TERRITOIRE Ci-dessus : sur les galets de l’hôtel Aire de Bardenas en Espagne, au cœur du parc naturel des Bardenas Reales, classé Réserve de la biosphère par l’Unesco. La petite fille porte une robe Petit Bateau et des tennis Bensimon. Ci-dessous : deux robes Maan.

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