Minimag 821

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LOUIS LABEYRIE LES CHEMINS DE TRAVERSE ANTOINE EITO LUC LOUBAKI ROAD TO RIO

N°821 - FÉVRIER2016 - WWW.FFBB.COM


LOUIS LABEYRIE >

"LA COLÈRE EST MON MOTEUR" Propos recueillis par Julien Guérineau

A 24 ans, Louis Labeyrie (2,09 m) fait désormais partie des intérieurs qui comptent en Pro A. Drafté en 2014, All-Star cette saison, le joueur du Paris-Levallois doit encore gagner en constance pour franchir un nouveau cap dans sa progression.

Presse Sports / Mounic

Êtes-vous particulièrement fier de votre parcours alors que vous avez débuté tardivement le basket et que vous n’avez pas intégré un centre de formation de Pro A ? Pas du tout. Le facteur chance a été là. Si tu rajoutes un peu de travail, la passion et l’envie d’y croire, ça peut fonctionner. Mais je ne tire aucune fierté particulière de mon parcours. Je suis content, c’est tout. Mais pas question de me mettre sur un piédestal

30 BASKETBALLMAGAZINE

Il y a dix ans, à quel niveau évoluiezvous ? Avec les cadets départementaux, à l’US Veynes. Au fin fond des Alpes. Plus petit Comité basket de France. Je mettais des cartons parce que j’étais grand, un peu fou. Je faisais ce que je voulais. Le Conseiller Technique, Alexandre Barthélémy, était à un match. C’était son boulot, voir les joueurs qui ont des qualités physiques ou techniques au cas où certains soient passés au travers des mailles du filet. Evidemment on ne pouvait pas me rater, je faisais des ravages. 62 points c’est mon record. Je ne pense pas qu’il ait été battu. Après c’est en départemental, ça ne compte pas. Il m’a parlé de sport étude, a passé des coups de fil et j’ai passé un test à Fos sur Mer. Quand j’ai vu le niveau j’ai compris que je partais de loin.

K-Reine / Paris Levallois

Vous semblez plus souriant aujourd’hui que vous ne l’étiez il y a quelques années. Est-ce une fausse impression ? Je suis quelqu’un de drôle, même si je ne suis pas souriant. Je suis cool dans la vie. Après comme tout bon français, je passe 90% de mon temps à râler. Vivre dans le Sud ne m’a pas aidé d’ailleurs. Et tant que je râle, je me considère en forme. Quand j’arrêterai de râler, je serai vieux et à m’occuper de mon jardin. J’ai rarement vu un joueur français qui ne râlait pas. Sauf Antoine Diot.

ou de dire : regarde comme j’ai souffert, j’ai connu la N1, les vieux me mettaient des coups de coude quand j’avais 17 ans. Les gens n’en ont rien à cirer quand ils me voient jouer aujourd’hui.

Saviez-vous où vous mettiez les pieds ? Absolument pas. Je suis arrivé, j’ai kiffé la salle, je me suis dit pourquoi ne pas tenter ? Rapidement on me dit que je suis grand, que je sais courir, sauter, que j’utilise bien mes deux mains. J’ai beaucoup bossé et les choses sont venues à moi. C’est le destin je pense. Après j’ai provoqué les choses par mon travail.

Presse Sports / Alnoche

Louis Labeyrie n’est pas un basketteur comme les autres. Sur le terrain, le spectaculaire intérieur du Paris Levallois est un concentré d’énergie capable de claquer 11 dunks sur le parquet de l’Accor Hotels Arena lors du All Star Game, de passer 5 contres à l’ASVEL, de capter 15 rebonds face à Gravelines ou d’inscrire 19 points à 8/8 devant Chalon. Ses poussées de fièvre ne sont pas encore reproduites avec constance mais le potentiel est bien là. En dehors du terrain, le volcanique Louis cultive un petit côté Eric Cantona. Tour à tour énervé, philosophe, critique, drôle, sa personnalité ne peut laisser insensible.

Avez-vous changé d’approche quand deux ans plus tard seulement vous êtes sélectionné en Équipe de France U16 ?

FÉVRIER2016 31


LOUIS LABEYRIE >

"LA COLÈRE EST MON MOTEUR" Propos recueillis par Julien Guérineau

A 24 ans, Louis Labeyrie (2,09 m) fait désormais partie des intérieurs qui comptent en Pro A. Drafté en 2014, All-Star cette saison, le joueur du Paris-Levallois doit encore gagner en constance pour franchir un nouveau cap dans sa progression.

Presse Sports / Mounic

Êtes-vous particulièrement fier de votre parcours alors que vous avez débuté tardivement le basket et que vous n’avez pas intégré un centre de formation de Pro A ? Pas du tout. Le facteur chance a été là. Si tu rajoutes un peu de travail, la passion et l’envie d’y croire, ça peut fonctionner. Mais je ne tire aucune fierté particulière de mon parcours. Je suis content, c’est tout. Mais pas question de me mettre sur un piédestal

30 BASKETBALLMAGAZINE

Il y a dix ans, à quel niveau évoluiezvous ? Avec les cadets départementaux, à l’US Veynes. Au fin fond des Alpes. Plus petit Comité basket de France. Je mettais des cartons parce que j’étais grand, un peu fou. Je faisais ce que je voulais. Le Conseiller Technique, Alexandre Barthélémy, était à un match. C’était son boulot, voir les joueurs qui ont des qualités physiques ou techniques au cas où certains soient passés au travers des mailles du filet. Evidemment on ne pouvait pas me rater, je faisais des ravages. 62 points c’est mon record. Je ne pense pas qu’il ait été battu. Après c’est en départemental, ça ne compte pas. Il m’a parlé de sport étude, a passé des coups de fil et j’ai passé un test à Fos sur Mer. Quand j’ai vu le niveau j’ai compris que je partais de loin.

K-Reine / Paris Levallois

Vous semblez plus souriant aujourd’hui que vous ne l’étiez il y a quelques années. Est-ce une fausse impression ? Je suis quelqu’un de drôle, même si je ne suis pas souriant. Je suis cool dans la vie. Après comme tout bon français, je passe 90% de mon temps à râler. Vivre dans le Sud ne m’a pas aidé d’ailleurs. Et tant que je râle, je me considère en forme. Quand j’arrêterai de râler, je serai vieux et à m’occuper de mon jardin. J’ai rarement vu un joueur français qui ne râlait pas. Sauf Antoine Diot.

ou de dire : regarde comme j’ai souffert, j’ai connu la N1, les vieux me mettaient des coups de coude quand j’avais 17 ans. Les gens n’en ont rien à cirer quand ils me voient jouer aujourd’hui.

Saviez-vous où vous mettiez les pieds ? Absolument pas. Je suis arrivé, j’ai kiffé la salle, je me suis dit pourquoi ne pas tenter ? Rapidement on me dit que je suis grand, que je sais courir, sauter, que j’utilise bien mes deux mains. J’ai beaucoup bossé et les choses sont venues à moi. C’est le destin je pense. Après j’ai provoqué les choses par mon travail.

Presse Sports / Alnoche

Louis Labeyrie n’est pas un basketteur comme les autres. Sur le terrain, le spectaculaire intérieur du Paris Levallois est un concentré d’énergie capable de claquer 11 dunks sur le parquet de l’Accor Hotels Arena lors du All Star Game, de passer 5 contres à l’ASVEL, de capter 15 rebonds face à Gravelines ou d’inscrire 19 points à 8/8 devant Chalon. Ses poussées de fièvre ne sont pas encore reproduites avec constance mais le potentiel est bien là. En dehors du terrain, le volcanique Louis cultive un petit côté Eric Cantona. Tour à tour énervé, philosophe, critique, drôle, sa personnalité ne peut laisser insensible.

Avez-vous changé d’approche quand deux ans plus tard seulement vous êtes sélectionné en Équipe de France U16 ?

FÉVRIER2016 31


FRÉDÉRIC FAUTHOUX "Louis c’est un personnage. Super gentil garçon qui veut toujours bien faire. Parfois trop bien faire. Et ça le pénalise. Un jour tout sera bien calé, le lendemain pas du tout. C’est donc difficile à cerner comme joueur. Sa progression doit s’inscrire dans la concentration et la constance. Là il franchira un palier parce qu’il a les qualités pour. Louis déborde d’énergie. C’est un combattant qui n’a pas peur de recevoir des coups… ou d’en donner. Il donne son corps pour l’équipe même s’il manque un peu de kilos dans la raquette. C’est un zébulon. Il a de superbes qualités de basketteur : une motricité et une tonicité incroyables pour sa taille, un vrai shoot extérieur, un timing du rebond intéressant. Ça fait beaucoup. Après il doit progresser dans sa connaissance du jeu, des placements. Cela se retrouve chez des jeunes joueurs qui physiquement, athlétiquement sont au-dessus et progressent làdessus. Forcément ils n’ont pas eu à réfléchir sur quoi faire d’autre pour améliorer leur jeu."

Avez-vous évolué avec l’âge ? Je pense m’être canalisé. Ensuite tu ne vas pas demander à un cinglé d’être placide. A un taureau de devenir une huitre (sic). Ma colère je l’aurai jusqu’à la fin de mes jours. Je suis une personne fondamentalement en colère. Après je sais m’adapter aux situations mais je pense qu’un coach préférera toujours un rageux qui se bat, même s’il donne l’impression de ne pas être en contrôle. Comment vivez-vous aujourd’hui les rencontres où votre temps de jeu est limité ? Il faut faire avec. Quand tu es joueur ce n’est pas toi qui décide. Les liens de subordination c’est l’histoire de l’humanité.

Presse Sports / Mounic

Avez-vous des problèmes avec l’autorité ? Aucun. Après l’attitude du gars au-dessus de toi peut t’énerver. Mais qui ne serait pas agacé quand il ne joue pas ou peu. Mais je ne remets absolument pas en cause le coaching. Simplement un mec content de ne pas jouer ça n’existe pas.

32 BASKETBALLMAGAZINE

A 24 ans, avez-vous désormais un plan de carrière ? Je sais où je veux aller et je sais déjà jusqu’à quand je vais jouer. Même à mon âge il faut y penser. Sinon tu finis par être surpris. Après ce n’est pas moi qui décide. De très bons

Dans mon lit, je dormais… Naturellement. Les gens ne me croient pas mais c’est vrai. J’ai été drafté par surprise, en douce. Et à 6h30 mon téléphone sonne. C’était un numéro américain. New York, bon, bizarre, je vais répondre. Je n’y pensais pas puisque je m’étais cassé la main et que je n’ai pas pu faire de workouts. Pour le coup c’est vraiment la chance. Ils sont des milliers à avoir fait des workouts et celui qui est drafté, c’est celui qui n’en a pas fait. J’étais content bien sûr, j’avais fait une bonne fin de saison et j’avais bien joué quand des scouts étaient présents. Pour finir en NBA c’est le destin et les réseaux. Avec un bon agent tu peux y aller. Votre progression passe-t-elle par un gros travail physique car vous êtes assez léger pour un poste 4/5 ? En 2012 je faisais 84 kilos. Aujourd’hui j’en fais 92. Ce n’est pas des masses. Mais le poids c’est dans la tête. Ce n’est pas ce que me disent les Américains mais pour mettre un coup de coude tu n’as pas besoin d’être épais. Je n’arriverai jamais à 110 kilos mais je suis un régime particulier. Votre entraîneur, Frédéric Fauthoux, vous décrit comme "un personnage". Diriezvous que vous êtes un peu original dans le milieu basket ? On dit que je suis matrixé dans ma tête (sic), que je vois des complots partout, que je pense trop... C’est vrai que je pense beaucoup. Mais je ne suis pas tout seul. Il y a des joueurs très forts en psychanalyse. Et ils réussissent toujours. Ils vont te cerner toutes les habitudes, anticiper les réactions du coach, du staff. Ils savent très bien se placer. Moi je suis très sincère dans mes rapports aux gens. Et cru. Ça peut mettre mal à l’aise. Si tu m’emmerdes je te le dis. Pas de langue de bois. Sauf journalistiquement parlant où je vais te servir ce qu’il faut dire en conférence de presse : l’équipe, la cohésion… Sinon j’ai besoin de débat. Je ne suis pas forcément sur la même ligne que mes meilleurs amis.

LES MEILLEURS INTÉRIEURS FRANÇAIS DE PRO A Meilleur marqueur chez les intérieurs tricolores, Mouhammadou Jaiteh a désormais un statut d’international A à défendre. S’il se montre plutôt efficace il a en revanche dû céder sa place de titulaire à Fernando Raposo sans pour autant que son rendement en soit affecté, au contraire même. La vieille garde tricolore fait de la résistance dans un top 10 qu’intègrent deux grands espoirs du basket français et un "late bloomer" (révélation tardive). A 24 ans Moustapha Fall (2,18 m) n’a que sept ans de basket derrière lui mais sa progression est à l’image de ses mensurations : spectaculaire. Wilfried Yeguete et Petr Cornelie sont en revanche des habitués du maillot bleu chez les jeunes et ambitionnent d’être draftés par une franchise NBA l’été prochain.

Guerschon Yabusele

Moustapha Fall

Joueur Mouhammadou Jaiteh Ilian Evtimov Ali Traore Moustapha Fall Guerschon Yabusele Wilfried Yeguete Alain Koffi Louis Labeyrie Petr Cornelie Florent Pietrus

Club

MJ

Min

Pct.

Rb

PD

Pts

Nanterre

17

Chalon

15

Limoges

14

Monaco

12

Rouen

17

26 22 20 20 25 24 26 20 19 34

53,4 52,8 57,0 76,4 53,6 54,1 48,9 57,7 53,8 53,1

7,7 3,4 4,7 5,1 6,3 8,9 5,8 6,1 5,4 8,8

1,1 1,9 1,3 0,7 0,9 1,2 0,7 0,5 0,5 1,4

11,3 10,5 10,4 10,0 9,4 9,2 8,9 8,4 8,1 7,8

Pau-Orthez

17

Rouen

17

Paris-Levallois

16

Le Mans

17

Nancy

13

FÉVRIER2016 33

Le co cq / FF BB

L’œil du coach,

Comment avez-vous appris votre sélection à la draft 2014 (57e choix) ?

Lecocq / FFBB

Êtes-vous d’accord si on vous décrit comme un joueur en colère ? Je donne cette image-là. Je suis un rageux. Et tout le temps. Je vois des choses dans la rue, je m’énerve, j’ai envie de mettre une branlée aux gens. Dans le basket c’est ma force, un moteur. Ma colère. Mais je pense que c’est pour tout le monde pareil. Tu as la rage pour montrer à tes potes qu’ils peuvent compter sur toi. La rage de démonter le type en face de toi. Après certains le montrent plus ou moins. Moi je ne suis pas schizophrène, sur et en dehors du terrain j’ai la même personnalité.

joueurs ne sont pas en NBA et ont fait une très belle carrière.

FIBA Europe / Castoria / Marchi

K-Reine / Paris Levallois

J’étais avec une génération très forte. Quand je voyais Léo Westermann ou Evan Fournier, je me disais que j’étais vraiment loin d’eux. Je suis lucide dans ma tête. Ce n’est pas parce que tu es en Équipe de France jeunes que tu finiras en NBA. Tu as le grand honneur de porter le maillot mais ce n’est pas une finalité. On te donne le maillot pour te dire qu’il faut te bouger le cul.


FRÉDÉRIC FAUTHOUX "Louis c’est un personnage. Super gentil garçon qui veut toujours bien faire. Parfois trop bien faire. Et ça le pénalise. Un jour tout sera bien calé, le lendemain pas du tout. C’est donc difficile à cerner comme joueur. Sa progression doit s’inscrire dans la concentration et la constance. Là il franchira un palier parce qu’il a les qualités pour. Louis déborde d’énergie. C’est un combattant qui n’a pas peur de recevoir des coups… ou d’en donner. Il donne son corps pour l’équipe même s’il manque un peu de kilos dans la raquette. C’est un zébulon. Il a de superbes qualités de basketteur : une motricité et une tonicité incroyables pour sa taille, un vrai shoot extérieur, un timing du rebond intéressant. Ça fait beaucoup. Après il doit progresser dans sa connaissance du jeu, des placements. Cela se retrouve chez des jeunes joueurs qui physiquement, athlétiquement sont au-dessus et progressent làdessus. Forcément ils n’ont pas eu à réfléchir sur quoi faire d’autre pour améliorer leur jeu."

Avez-vous évolué avec l’âge ? Je pense m’être canalisé. Ensuite tu ne vas pas demander à un cinglé d’être placide. A un taureau de devenir une huitre (sic). Ma colère je l’aurai jusqu’à la fin de mes jours. Je suis une personne fondamentalement en colère. Après je sais m’adapter aux situations mais je pense qu’un coach préférera toujours un rageux qui se bat, même s’il donne l’impression de ne pas être en contrôle. Comment vivez-vous aujourd’hui les rencontres où votre temps de jeu est limité ? Il faut faire avec. Quand tu es joueur ce n’est pas toi qui décide. Les liens de subordination c’est l’histoire de l’humanité.

Presse Sports / Mounic

Avez-vous des problèmes avec l’autorité ? Aucun. Après l’attitude du gars au-dessus de toi peut t’énerver. Mais qui ne serait pas agacé quand il ne joue pas ou peu. Mais je ne remets absolument pas en cause le coaching. Simplement un mec content de ne pas jouer ça n’existe pas.

32 BASKETBALLMAGAZINE

A 24 ans, avez-vous désormais un plan de carrière ? Je sais où je veux aller et je sais déjà jusqu’à quand je vais jouer. Même à mon âge il faut y penser. Sinon tu finis par être surpris. Après ce n’est pas moi qui décide. De très bons

Dans mon lit, je dormais… Naturellement. Les gens ne me croient pas mais c’est vrai. J’ai été drafté par surprise, en douce. Et à 6h30 mon téléphone sonne. C’était un numéro américain. New York, bon, bizarre, je vais répondre. Je n’y pensais pas puisque je m’étais cassé la main et que je n’ai pas pu faire de workouts. Pour le coup c’est vraiment la chance. Ils sont des milliers à avoir fait des workouts et celui qui est drafté, c’est celui qui n’en a pas fait. J’étais content bien sûr, j’avais fait une bonne fin de saison et j’avais bien joué quand des scouts étaient présents. Pour finir en NBA c’est le destin et les réseaux. Avec un bon agent tu peux y aller. Votre progression passe-t-elle par un gros travail physique car vous êtes assez léger pour un poste 4/5 ? En 2012 je faisais 84 kilos. Aujourd’hui j’en fais 92. Ce n’est pas des masses. Mais le poids c’est dans la tête. Ce n’est pas ce que me disent les Américains mais pour mettre un coup de coude tu n’as pas besoin d’être épais. Je n’arriverai jamais à 110 kilos mais je suis un régime particulier. Votre entraîneur, Frédéric Fauthoux, vous décrit comme "un personnage". Diriezvous que vous êtes un peu original dans le milieu basket ? On dit que je suis matrixé dans ma tête (sic), que je vois des complots partout, que je pense trop... C’est vrai que je pense beaucoup. Mais je ne suis pas tout seul. Il y a des joueurs très forts en psychanalyse. Et ils réussissent toujours. Ils vont te cerner toutes les habitudes, anticiper les réactions du coach, du staff. Ils savent très bien se placer. Moi je suis très sincère dans mes rapports aux gens. Et cru. Ça peut mettre mal à l’aise. Si tu m’emmerdes je te le dis. Pas de langue de bois. Sauf journalistiquement parlant où je vais te servir ce qu’il faut dire en conférence de presse : l’équipe, la cohésion… Sinon j’ai besoin de débat. Je ne suis pas forcément sur la même ligne que mes meilleurs amis.

LES MEILLEURS INTÉRIEURS FRANÇAIS DE PRO A Meilleur marqueur chez les intérieurs tricolores, Mouhammadou Jaiteh a désormais un statut d’international A à défendre. S’il se montre plutôt efficace il a en revanche dû céder sa place de titulaire à Fernando Raposo sans pour autant que son rendement en soit affecté, au contraire même. La vieille garde tricolore fait de la résistance dans un top 10 qu’intègrent deux grands espoirs du basket français et un "late bloomer" (révélation tardive). A 24 ans Moustapha Fall (2,18 m) n’a que sept ans de basket derrière lui mais sa progression est à l’image de ses mensurations : spectaculaire. Wilfried Yeguete et Petr Cornelie sont en revanche des habitués du maillot bleu chez les jeunes et ambitionnent d’être draftés par une franchise NBA l’été prochain.

Guerschon Yabusele

Moustapha Fall

Joueur Mouhammadou Jaiteh Ilian Evtimov Ali Traore Moustapha Fall Guerschon Yabusele Wilfried Yeguete Alain Koffi Louis Labeyrie Petr Cornelie Florent Pietrus

Club

MJ

Min

Pct.

Rb

PD

Pts

Nanterre

17

Chalon

15

Limoges

14

Monaco

12

Rouen

17

26 22 20 20 25 24 26 20 19 34

53,4 52,8 57,0 76,4 53,6 54,1 48,9 57,7 53,8 53,1

7,7 3,4 4,7 5,1 6,3 8,9 5,8 6,1 5,4 8,8

1,1 1,9 1,3 0,7 0,9 1,2 0,7 0,5 0,5 1,4

11,3 10,5 10,4 10,0 9,4 9,2 8,9 8,4 8,1 7,8

Pau-Orthez

17

Rouen

17

Paris-Levallois

16

Le Mans

17

Nancy

13

FÉVRIER2016 33

Le co cq / FF BB

L’œil du coach,

Comment avez-vous appris votre sélection à la draft 2014 (57e choix) ?

Lecocq / FFBB

Êtes-vous d’accord si on vous décrit comme un joueur en colère ? Je donne cette image-là. Je suis un rageux. Et tout le temps. Je vois des choses dans la rue, je m’énerve, j’ai envie de mettre une branlée aux gens. Dans le basket c’est ma force, un moteur. Ma colère. Mais je pense que c’est pour tout le monde pareil. Tu as la rage pour montrer à tes potes qu’ils peuvent compter sur toi. La rage de démonter le type en face de toi. Après certains le montrent plus ou moins. Moi je ne suis pas schizophrène, sur et en dehors du terrain j’ai la même personnalité.

joueurs ne sont pas en NBA et ont fait une très belle carrière.

FIBA Europe / Castoria / Marchi

K-Reine / Paris Levallois

J’étais avec une génération très forte. Quand je voyais Léo Westermann ou Evan Fournier, je me disais que j’étais vraiment loin d’eux. Je suis lucide dans ma tête. Ce n’est pas parce que tu es en Équipe de France jeunes que tu finiras en NBA. Tu as le grand honneur de porter le maillot mais ce n’est pas une finalité. On te donne le maillot pour te dire qu’il faut te bouger le cul.


ANTOINE EITO >

"JE NE CHANGERAIS RIEN DE MON VOYAGE" Propos recueillis par Julien Guérineau

Presse Sports / Mounic

Il y a 10 ans, vous évoluiez en Nationale 2. Basket et professionnalisme étaient-ils synonymes dans votre esprit ? Pas du tout. Mon but c’était passer mon bac et prendre du plaisir. A 13 ans j’étais au PCBB, une structure montée par Pierre Vincent. Ruddy Nelhomme était coach des cadets et Gwénael Pestel des minimes. J’y ai passé deux ans, de 13 à 15 ans. Ensuite je suis parti en deuxième division cadets avec La Rochelle. Nous sommes montés en première division et ça reste une de mes plus belles années. Après une saison en première division j’avais le choix entre rester à La Rochelle et rentrer chez moi à Cognac. Finalement je suis rentré passer mon bac et j’ai joué en N2 avec mon club de cœur. C’est là où j’ai grandi et où mon père a joué. Mes copines du lycée venaient me voir et il y avait pas mal de hype autour de moi dans la ville. Surtout que j’étais titulaire la deuxième partie de saison. C’était une poule avec Montsegur, Serres-Gaston, tous les Landais. Ça maillochait sévère et je me suis construit comme ça.

34 BASKETBALLMAGAZINE

Comment parvenez-vous à rejoindre l’ASVEL, à 18 ans ? Je suis allé jouer contre Auch. Yves Baratet, assistant de l’ASVEL est venu me voir. C’est un ami d’enfance de mon père.

Orléans Loiret Basket

Antoine Eito (1,86 m, 27 ans) est un cas presque unique dans le basket professionnel français. Ignoré des centres de formation, passé par la Nationale 2 avant d’arriver, à 18 ans, à l’ASVEL, il est aujourd’hui titulaire à Orléans et All Star français.

Il lui a dit d’envoyer son fils faire un test parce qu’il cherchait un meneur pour les espoirs. Pour moi qui jouais contre des vieux briscards tous les week-ends, l’opposition n’était pas dure. Aviez-vous conscience qu’il était tard pour intégrer un centre de formation d’un club pro ? Tard ? Je n’en savais rien. Je n’avais

aucune idée où je mettais les pieds et ce qu’était le sport de haut niveau. Si Yves n’avait pas fait cette démarche j’aurais continué avec Cognac dans les championnats nationaux. Très peu de joueurs ont connu un parcours similaire. Sami Driss, peut-être. Les coaches à l’ASVEL ont été très durs avec moi, Pierre Bressant en tête. J’étais cramé parce que je faisais trois entraînements par jour, qu’on essayait de

FÉVRIER2016 35


ANTOINE EITO >

"JE NE CHANGERAIS RIEN DE MON VOYAGE" Propos recueillis par Julien Guérineau

Presse Sports / Mounic

Il y a 10 ans, vous évoluiez en Nationale 2. Basket et professionnalisme étaient-ils synonymes dans votre esprit ? Pas du tout. Mon but c’était passer mon bac et prendre du plaisir. A 13 ans j’étais au PCBB, une structure montée par Pierre Vincent. Ruddy Nelhomme était coach des cadets et Gwénael Pestel des minimes. J’y ai passé deux ans, de 13 à 15 ans. Ensuite je suis parti en deuxième division cadets avec La Rochelle. Nous sommes montés en première division et ça reste une de mes plus belles années. Après une saison en première division j’avais le choix entre rester à La Rochelle et rentrer chez moi à Cognac. Finalement je suis rentré passer mon bac et j’ai joué en N2 avec mon club de cœur. C’est là où j’ai grandi et où mon père a joué. Mes copines du lycée venaient me voir et il y avait pas mal de hype autour de moi dans la ville. Surtout que j’étais titulaire la deuxième partie de saison. C’était une poule avec Montsegur, Serres-Gaston, tous les Landais. Ça maillochait sévère et je me suis construit comme ça.

34 BASKETBALLMAGAZINE

Comment parvenez-vous à rejoindre l’ASVEL, à 18 ans ? Je suis allé jouer contre Auch. Yves Baratet, assistant de l’ASVEL est venu me voir. C’est un ami d’enfance de mon père.

Orléans Loiret Basket

Antoine Eito (1,86 m, 27 ans) est un cas presque unique dans le basket professionnel français. Ignoré des centres de formation, passé par la Nationale 2 avant d’arriver, à 18 ans, à l’ASVEL, il est aujourd’hui titulaire à Orléans et All Star français.

Il lui a dit d’envoyer son fils faire un test parce qu’il cherchait un meneur pour les espoirs. Pour moi qui jouais contre des vieux briscards tous les week-ends, l’opposition n’était pas dure. Aviez-vous conscience qu’il était tard pour intégrer un centre de formation d’un club pro ? Tard ? Je n’en savais rien. Je n’avais

aucune idée où je mettais les pieds et ce qu’était le sport de haut niveau. Si Yves n’avait pas fait cette démarche j’aurais continué avec Cognac dans les championnats nationaux. Très peu de joueurs ont connu un parcours similaire. Sami Driss, peut-être. Les coaches à l’ASVEL ont été très durs avec moi, Pierre Bressant en tête. J’étais cramé parce que je faisais trois entraînements par jour, qu’on essayait de

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me faire prendre du poids. Je me souviens d’ailleurs avoir été terriblement frustré lors de ma première année espoirs. Notre équipe était faible et on perdait tous les matches. Nordine Ghrib était le coach et je lui ai dit que c’était compliqué pour moi. J’avais l’impression que tout le monde s’en foutait. Pas de descente, pas de montée, personne dans les tribunes. A Cognac j’avais la pression, du monde dans la salle, des primes de match. J’ai fini un derby en pleurant contre La Rupella.

10 ans déjà…

Justement, avez-vous toujours été dans l’excès ? Toujours. Dans la vie de tous les jours également. Je me suis mis au golf depuis deux ans. Je suis handicap 8 et ma reconversion je l’ai trouvée. Je ne sais pas faire autrement que de faire les choses à 300%. Ça m’est impossible. Sur le terrain pareil. J’entends dans les tribunes : Eito c’est un clown. Mais oui, j’ai le sourire. Je joue au basket je ne suis pas à l’usine ! Mon travail c’est jouer. C’est extraordinaire ! Après j’ai fait un travail sur moimême et un coach comme Pierre Vincent m’aide dans ce domaine. On l’appelle professeur X ici. J’ai encore ce côté où ça peut partir à n’importe quel moment. Mais en dehors du basket je vais avoir 28 ans, j’ai des enfants, ça te fait évoluer. Dans le milieu je veux garder ma sincérité. Ça dérange parce que le haut niveau c’est un jeu de poker menteur. Moi je m’en fous, je ne calcule pas. Et ça vient de mes débuts où je n’avais aucune ambition.

Basketball Magazine de mars 2006. Page 42, tête de minot et cheveux au vent, un numéro 4 s’envole vers le panier sur un fond de Taraflex bleu. Une image classique des championnats nationaux. "La fusée Eito", 17 ans, commence à faire parler d’elle à Cognac, en Nationale 2. "Je me souviens parfaitement de l’article et de la photo : c’était un match contre Colomiers à domicile. Le meneur titulaire, Jérôme Ferrini, s’était blessé. Le coach avait chaud et m’a dit : il faut que je te lance. Il l’a fait, ça s’est bien passé et ensuite j’ai beaucoup joué. C’est sûr que j’ai eu un parcours vachement atypique."

Euro U20 2008

36 BASKETBALLMAGAZINE

FIBA Europe/Ciamillo Castoria

Mais aujourd’hui, cette ambition est présente dans vos choix de carrière… Bien sûr… L’appétit vient en mangeant. Et j’ai sué pour y arriver. Je trouve que la plupart des jeunes désormais sont placés dans un cocon et n’ont pas besoin de se mettre les couilles par terre. Pensez-vous que votre personnalité vous a fermé certaines portes ces dernières années ? Après Vichy une image m’a suivie. Je suis très reconnaissant envers Le Mans qui m’a relancé après une année ici, à Orléans, où cela s’est mal passé avec Philippe Hervé d’un point de vue humain. Mais pour rien

au monde je ne changerais mon voyage depuis 10 ans. Je ne changerais rien, à part avec l’ASVEL et Vincent Collet où j’aurais dû gagner en maturité. Les conflits que j’ai pu avoir avec les entraîneurs, c’était toujours basé sur la notion de respect de la parole donnée. Je n’ai jamais foutu la merde. Il y a toujours eu une cause. Mon père m’a éduqué en me disant de ne pas taper en premier mais si tu reçois ne te laisse pas faire. Avec moi il n’y a qu’une règle : ne pas essayer de me la faire à l’envers. Je l’ai dit à Pierre Vincent en signant à Orléans. Je vais tout donner, t’écouter avec mes qualités et mes défauts. Mais quand quelque chose ne va pas, on se parle. Il y a une dizaine d’années de bons meneurs de Pro A comme Frédéric Fauthoux ou Aymeric Jeanneau ont évolué en Équipe de France lors de phases de qualification et même à l’EuroBasket ou au Mondial. Cela vous donne-t-il des idées avec le retour prochain de ces fenêtres internationales pendant la saison de club ? Quand je jouais à l’ASVEL pour Vincent Collet et qu’on a gagné le titre en 2009, je n’avais qu’une idée en tête : prendre la place du mec devant moi. Aymeric Jeanneau je devais le bouffer. A l’entraînement ça pouvait être vrai. Mais il avait cette expérience, cette capacité à faire jouer son équipe que je ne voulais pas voir parce que dans ma tête j’étais meilleur que lui. Et j’ai mangé un mur. Si j’avais été plus mature plus tôt, comme un Antoine Diot ou un Andrew Albicy, j’aurais peutêtre gagné du temps. J’ai compris qu’il fallait que je sois capable d’être objectif par rapport à mon niveau. L’Équipe de France c’est toujours un objectif dans une carrière de joueur. D’autant plus quand on voit ce qu’ils font. L’été dernier je hurlais devant ma télévision. Pau Gasol j’en faisais une affiche et je lui lançais des fléchettes dans la tronche. Mais je sais qu’il y a du boulot : Antoine Diot, Leo Westermann, Andrew Albicy, Thomas Heurtel… ils ont cette expérience et il n’y a pas photo entre eux et moi. Après si je peux progresser pour réussir à faire partie d’une liste… c’est un objectif.


MARIÈME BADIANE (MONDEVILLE) >

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"UNE BELLE RÉCOMPENSE Propos recueillis par Kevin Bosi

Marième Badiane (1,90 m, 21 ans) était encore en Ligue Féminine 2 il y a quelques mois. La double championne d’Europe chez les jeunes (U18 et U20) est l’invitée surprise de l’Équipe de France pour les qualifications de l’Euro 2017. Quelle a été votre réaction à l’annonce de la sélection par Valérie Garnier ? J’étais très surprise. Je ne m’attendais pas cette année à être sélectionnée en Équipe de France, surtout pour ma première saison en LFB. Après j’étais bien évidemment très contente. Je prends ça comme une belle expérience et surtout je ne veux pas me prendre la tête parce que je sais qu’à mon poste de jeu il y a des joueuses cadres. Je veux apprendre d’elles et pour moi c’est une première approche. Etre appelé chez les A c’est un objectif que toutes les joueuses ont sur le long terme. J’y pensais depuis un petit moment et c’est l’aboutissement ce tout ce qui a été fait avant. Même si je ne suis pas encore dans l’équipe c’est une belle récompense.

Bellenger-Lecocq/IS/FFBB

Vous êtes la 5e joueuse de la génération 94/95 (en attendant le retour d’Olivia Epoupa) à intégrer les A. Que cela vous inspire-t-il ? Ça fait très plaisir de retrouver des filles avec qui j’ai partagé beaucoup de choses au Centre Fédéral. Cette génération monte petit à petit. Elle ne lâche rien et a vraiment une bonne mentalité et une vraie cohésion. Ça nous a permis de gagner plusieurs titres. Nous avons été dans des situations compliquées que nous sommes parvenues à retourner.

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Issue d’une famille de basketteurs il semble que ce sport n’était pas une évidence pour vous… Je suis arrivée par des amies. Même si mon père a été professionnel et que ma mère a également joué, je n’étais pas vraiment tentée. Des copines m’ont poussé et j’y ai finalement pris goût.

Je ne me sentais pas du tout prête, physiquement comme mentalement, à jouer en Ligue Féminine. Je ne voyais pas l’intérêt d’y aller pour ne pas jouer. Donc j’ai préféré poursuivre sur ma lancée en Ligue 2. De plus je tenais absolument à terminer mes études. C’était le plus important. Je voulais aller au moins jusqu’à une licence. Cet été j’ai rejoint Mondeville qui était la solution idéale. C’est important pour une première année de se dire qu’on va avoir sa chance, qu’on nous fait confiance.

Après votre cursus au CFBB vous avez choisi la LF2. Pour quelles raisons ?

Quel est votre bilan de vos 6 premiers mois dans l’élite ?

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Le fait d’arriver en Ligue Féminine m’a permis de mesurer le travail qu’il me reste à accomplir. J’ai pu bien cibler mes points faibles. Découvrir l’Équipe de France va cette fois me permettre de découvrir le niveau d’exigence en équipe nationale. J’ai beaucoup à apprendre de ce stage. J’ai pu en discuter avec Marine Johannes qui m’a prévenu que le niveau allait monter d’un cran. Physiquement elle a vu que c’était bien plus costaud qu’en LFB mais elle était enchantée de l’ambiance, des échanges avec les filles.

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FÉVRIER2016 41


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