Minimag 831

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N°831 - JANVIER2017 - WWW.FFBB.COM


U18 MASCULINS – 6 VICTOIRES – 0 DÉFAITE – 1ÈR À L’EURO >

"POUR LES JEUX DE 2024 ILS DEVRONT SE TENIR PRÊTS" FIBA

Propos recueillis par Julien Guérineau

10 ans après son dernier succès dans la catégorie référence chez les jeunes, l’Équipe de France U18 est de nouveau sur le toit de l’Europe. Portée par Frank Ntilikina, MVP de l’Euro, et renforcée par le surdoué Sekou Doumbouya, la génération 98 confirme son titre obtenu en U16 en 2014 et l’étendue de son potentiel. Son entraîneur, Tahar Assed-Liégeon revient sur ce parcours sans faute.

travailler, c’est la nature qui a parlé. Cet été nous avions une équipe diminuée et finalement nous sommes partis renforcés en Turquie. Ce qui a été le cas de la plupart de nos adversaires également. Les seuls absents étaient les joueurs de NCAA.

CHAMPIONNAT D’EUROPE (SAMSUN TURQUIE) Premier tour

La catégorie U18 est sans doute la plus révélatrice du potentiel futur d’un pays. Qu’attendre des 1998 également champions en U16 ? Aujourd’hui deux générations peuvent nous montrer le chemin. Celle championne en 1992 qui termine finaliste des Jeux Olympiques. Celle championne en 2000 qui vient de terminer son cycle à Rio. Les suivants sont les 88 qui ont encore un peu de temps

Quart de finale

France bat Russie

France bat Bosnie

53-48

75-61

Finale France bat Lituanie 75-68

France bat Slovénie

Podium Demi-finale

81-50

France

France bat Serbie

France bat Italie

Lituanie

71-68

82-72

Italie

Photos FIBA

STATISTIQUES CUMULÉES

L’Équipe de France U18 devait jouer l’Euro en juillet dernier sans Frank Ntilikina et Sekou Doumbouya. Quatre mois plus tard ils sont décisifs

10 BASKETBALLMAGAZINE

dans la conquête du titre. Le destin ? Je crois beaucoup au destin. Même s’il ne suffit pas. Quand le destin t’offre une opportunité il faut savoir la saisir. Je prends

toujours l’exemple du vigneron et des Millésimes. Il travaille sa vigne de la même manière chaque année et le Millésime n’a finalement rien à voir avec sa manière de

Joueur Sekou Doumbouya Frank Ntilikina Bathiste Tchouaffe Adam Mokoka Digué Diawara Bastien Vautier Ivan Février Abdoulaye N’Doye Jules Rambaut Thibault Desseignet Warren Woghiren Timothé Vergiat

MJ 6 6 6 6 6 6 6 6 4 4 6 4

Min 29 28 25 27 14 18 18 19 6 8 6 6

Pct 50,0 50,0 41,3 40,4 51,9 40,7 33,3 43,5 50,0 25,0 16,7 0,0

3pts 4-21 17-29 10-27 7-16 3-8 0-10 1-4 0-1 0-2 0-6

LF 72,5 92,3 85,7 57,1 63,6 62,5 55,6 100,0 100,0 100,0 -

Rb 7,0 2,8 4,7 5,8 3,0 5,5 2,7 2,2 0,5 1,5 1,7 0,2

PD 0,5 4,5 1,0 3,2 1,3 0,5 0,2 3,2 1,2 0,2 1,5

In 1,3 2,2 1,3 1,5 0,3 0,3 0,2 1,5 0,2 0,2 1,2

Co 1,2 1,2 0,2 1,2 0,2 0,2 0,3 -

BP 4,2 3,3 2,0 1,5 1,5 0,5 1,3 1,8 0,5 0,5 0,2 0,2

Pts 17,8 15,2 10,0 8,8 6,3 4,5 4,2 3,5 2,0 1,0 0,5 -

JANVIER2017

11


U18 MASCULINS – 6 VICTOIRES – 0 DÉFAITE – 1ÈR À L’EURO >

"POUR LES JEUX DE 2024 ILS DEVRONT SE TENIR PRÊTS" FIBA

Propos recueillis par Julien Guérineau

10 ans après son dernier succès dans la catégorie référence chez les jeunes, l’Équipe de France U18 est de nouveau sur le toit de l’Europe. Portée par Frank Ntilikina, MVP de l’Euro, et renforcée par le surdoué Sekou Doumbouya, la génération 98 confirme son titre obtenu en U16 en 2014 et l’étendue de son potentiel. Son entraîneur, Tahar Assed-Liégeon revient sur ce parcours sans faute.

travailler, c’est la nature qui a parlé. Cet été nous avions une équipe diminuée et finalement nous sommes partis renforcés en Turquie. Ce qui a été le cas de la plupart de nos adversaires également. Les seuls absents étaient les joueurs de NCAA.

CHAMPIONNAT D’EUROPE (SAMSUN TURQUIE) Premier tour

La catégorie U18 est sans doute la plus révélatrice du potentiel futur d’un pays. Qu’attendre des 1998 également champions en U16 ? Aujourd’hui deux générations peuvent nous montrer le chemin. Celle championne en 1992 qui termine finaliste des Jeux Olympiques. Celle championne en 2000 qui vient de terminer son cycle à Rio. Les suivants sont les 88 qui ont encore un peu de temps

Quart de finale

France bat Russie

France bat Bosnie

53-48

75-61

Finale France bat Lituanie 75-68

France bat Slovénie

Podium Demi-finale

81-50

France

France bat Serbie

France bat Italie

Lituanie

71-68

82-72

Italie

Photos FIBA

STATISTIQUES CUMULÉES

L’Équipe de France U18 devait jouer l’Euro en juillet dernier sans Frank Ntilikina et Sekou Doumbouya. Quatre mois plus tard ils sont décisifs

10 BASKETBALLMAGAZINE

dans la conquête du titre. Le destin ? Je crois beaucoup au destin. Même s’il ne suffit pas. Quand le destin t’offre une opportunité il faut savoir la saisir. Je prends

toujours l’exemple du vigneron et des Millésimes. Il travaille sa vigne de la même manière chaque année et le Millésime n’a finalement rien à voir avec sa manière de

Joueur Sekou Doumbouya Frank Ntilikina Bathiste Tchouaffe Adam Mokoka Digué Diawara Bastien Vautier Ivan Février Abdoulaye N’Doye Jules Rambaut Thibault Desseignet Warren Woghiren Timothé Vergiat

MJ 6 6 6 6 6 6 6 6 4 4 6 4

Min 29 28 25 27 14 18 18 19 6 8 6 6

Pct 50,0 50,0 41,3 40,4 51,9 40,7 33,3 43,5 50,0 25,0 16,7 0,0

3pts 4-21 17-29 10-27 7-16 3-8 0-10 1-4 0-1 0-2 0-6

LF 72,5 92,3 85,7 57,1 63,6 62,5 55,6 100,0 100,0 100,0 -

Rb 7,0 2,8 4,7 5,8 3,0 5,5 2,7 2,2 0,5 1,5 1,7 0,2

PD 0,5 4,5 1,0 3,2 1,3 0,5 0,2 3,2 1,2 0,2 1,5

In 1,3 2,2 1,3 1,5 0,3 0,3 0,2 1,5 0,2 0,2 1,2

Co 1,2 1,2 0,2 1,2 0,2 0,2 0,3 -

BP 4,2 3,3 2,0 1,5 1,5 0,5 1,3 1,8 0,5 0,5 0,2 0,2

Pts 17,8 15,2 10,0 8,8 6,3 4,5 4,2 3,5 2,0 1,0 0,5 -

JANVIER2017

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Frank Ntilikina a survolé la demi-finale et la finale. Il est élu MVP du championnat d'Europe

12 BASKETBALLMAGAZINE

FIBA

Bathiste Tchouaffe

FIBA

Avant le début de l’Euro, Bathiste Tchouaffe évoquait clairement le titre. Avez-vous dû réfréner les ardeurs de ces jeunes gens si ambitieux ? Ils ont énormément de maturité sur ce planlà. Ce que j’ai eu à gérer c’est une forme de mise en garde par rapport au début de l’Euro et au premier match contre la Russie. On partait en aveugle sur deux joueurs russes qui renforçaient une équipe qui n’avait pas forcément semblé extraordinaire cet été. Les gamins ont été très attentifs et ont abordé le premier tour avec un grand professionnalisme et une grande rigueur. Comment avez-vous réagi en voyant la Russie passer 27 points à la Serbie lors de la deuxième journée ? Les joueurs n’ont pas vu le match. Nous, les coaches, étions dans la salle. Quand tu approches des 40 points d’écart, tu te dis que finalement, ton résultat du premier jour est plutôt significatif. Cela a relativisé nos difficultés. On n’en avait pas bavé contre une petite équipe puisqu’elle pulvérise les Serbes. Le problème c’est que si l’on perdait de 16 points lors de la dernière journée, nous étions dehors. Les U18 restaient sur six défaites consécutives en quart de finale, cette dimension psychologique a-t-elle joué avant d’aborder cette rencontre décisive ? Les joueurs je ne vais pas dire qu’ils s’en foutaient mais ce n’était pas leur souci de savoir que les autres équipes avaient eu du mal. Ils n’ont pas réfléchi à ça. Pour le staff c’est forcément plus délicat de faire fi de ce qui s’est passé avant. Mais nous avons préparé le quart comme à notre habitude. En 2015, à Volos, on prend l’eau deux minutes et cela

nous coute le match. Il aurait suffi ce jour-là que certaines consignes soient appliquées sur la défense sur pick n’roll pour passer. Avec cette génération il y a peut-être eu plus de facilité par rapport à des plans de jeu et à des choses étudiées à la vidéo. Avec, en plus, de la réussite. Stopper Dzanan Musa, MVP de l’Euro U16 2015 et meilleur marqueur du Mondial U17 l’an passé était-il votre objectif numéro un ? Complètement. La première chose c’est qu’on voulait lui interdire l’accès au cercle. On a défendu quasiment à trois par rapport à lui. Il ne fallait pas qu’il rentre. Il a mis 19 points et un bon joueur reste un bon joueur. Mais il n’a pas pu distiller les passes décisives qu’il avait l’habitude de faire. On a fait le boulot.

FIBA

devant eux et les 98 dont la potentialité est certaine. On constate que l’impact en Équipe de France A est réel. On va désormais attendre et pour les Jeux de 2024 ils devront se tenir prêts. J’en ai déjà parlé aux garçons et du chemin qu’il leur restait à parcourir. Cette équipe s’est construite, en U16 notamment, autour du jeu rapide avec des joueurs extrêmement habiles dans la contre-attaque. En tant qu’entraîneur cela m’avait marqué. L’équipe avait réalisé un sans-faute en 2014 avec énormément de marge. Elle l’a répété cette année, certes avec moins d’écart. Et il y a encore des perspectives pour elle avec le Mondial U19 2017 puis l’Euro U20 2018.

Sékou Doumbouya et Frank Ntilikina ont été désignés dans le 5 majeur de la compétition

a vraiment de l’avenir. Il y avait une particularité cette année. Contrairement à d’habitude nous avons récupéré des garçons qui venaient de passer quatre mois à s’entraîner avec les pros. Ce qui n’est pas le cas pour une compétition en juillet. Quatre mois de vie professionnelle cela se ressent dans la maturité, la connaissance du jeu, l’engagement.

La capacité du groupe à trouver des joueurs décisifs différents à divers moments du tournoi a-t-elle été déterminante ? Tout à fait. Derrière le quatuor Ntilikina, Tchouaffe, Doumbouya, Mokoka, Février, Vautier, Diawara et N’Doye ont chacun eu leur instant capital.

Frank Ntilikina a délivré un récital en demi (23 pts, 9 pds, 5 ints) puis en finale (31 pts) notamment dans un domaine, l’adresse extérieure (11/14 à trois-points), où on ne l’attendait pas. Comment un coach gère-t-il ces moments d’euphorie ? Tu vis le truc. Tout le monde savait qu’il devrait prendre ces shoots et tout le monde travaillait pour lui. Il faut même l’obliger à le faire parce que ce n’est pas quelqu’un d’égoïste. Je me rappelle d’un match contre l’Italie en 2014 où nous menions et Federico Mussini nous passe 33 points alors qu’il avait un bras en vrac. Cela arrive aux autres, ça peut nous arriver à nous aussi. Frank était totalement à l’aise lors des deux derniers matches et nous en avons tiré profit. Il est venu avec beaucoup de pression. Aujourd’hui, quand tu t’appelles Frank Ntilikina, tu ne te présentes plus sur un parquet sans être observé et qu’on épie tes moindres faits et gestes. Il faut donc parvenir à lui faire oublier qu’il évolue dans cet univers-là afin qu’il évolue tout simplement dans l’univers du jeu. Qu’il se fasse plaisir. En plus il était malade au début de la compétition et était un peu fiévreux. Mais la clé pour lui a été de jouer sans pression.

Parmi les leaders, Adam Mokoka n’était pas forcément l’élément le plus attendu. Avez-vous été surpris par son Euro ? Il a énormément progressé par rapport au tournoi de Mannheim. Techniquement mais surtout dans la concentration. Après, à dire qu’il serait à ce niveau, non. Je ne l’attendais sans doute pas aussi constant et il m’a bluffé. S’il évolue bien sur un poste de combo, il

Saric, Abrines, Valanciunas, Kanter, Motiejunas, Koufos, Batum, les MVP de l’Euro U18 ont un destin tout tracé. Le classez-vous parmi ces joueurs d’exception ? Tout à fait. Il a tout le talent pour ça. Délié, coordonné, attentif, intelligent. Quand il aura un peu plus de jambes, un peu plus d’épaules et un peu plus d’autorité sur une équipe, il va être extraordinaire.

Le jeu rapide, l’impact physique et défensif, la recherche permanente de rythme étaient la signature de cette équipe… Je trouve même qu’il n’y en a pas eu assez ! Cela fait partie du travail qui est effectué avec les Équipes de France de jeunes. La défense est inscrite dans notre ADN. Et cette génération nous offrait en plus pas mal d’options différentes que nous avons notamment pu tester contre les U20 lors du dernier rassemblement avant l’Euro. Une configuration par exemple avec Diawara en 4, Doumbouya en 3 et Février en 5 pour jouer petit ou Vautier en pivot pour jouer grand. Nous avions tenté des trucs pour voir comment nous pouvions défendre en changeant sur tous les écrans. Cela nous ouvrait des perspectives. On ne s’en servait pas tout le temps mais souvent lors des fins de matches.

Alors qu’il n’avait pas encore 16 ans, Sekou Doumbouya devait également gérer la pression… (il coupe) Sekou n’en a pas. Lui, il joue. A Fleury-les-Aubrais ou à l’Euro c’est la même chose. Il est extraordinaire. C’est un poste 3 mais je lui expliquais qu’il faudrait nous dépanner en 4 parfois. Il me répondait, coach, arrête, mets-moi sur le terrain. Si je dois mener je mène, jouer pivot je joue pivot. Quand il fait des erreurs il sort et parfois je peux l’engueuler très durement. Mais il accepte bien la critique et corrige. Ce n’est pas quelqu’un qui refuse l’autorité. Simplement il a tellement envie qu’il est parfois dans son Monde, il tente des trucs et il faut le ramener à la réalité. Les U18 version 2016 sont-ils nombreux à posséder un profil pour le très haut niveau ? Ce qui est intéressant, et j’en discutais avec Patrick Beesley, c’est que nous allons nous retrouver avec pléthore de joueurs sur les mêmes positions. Ntilikina, Tchouaffe, Mokoka mais derrière Maledon ou Ayayi arrivent également. C’est très bon pour la Fédération dans la perspective des nouvelles fenêtres FIBA. L’absence des uns sera compensée par la présence des autres. L’Équipe de France est qualifiée pour le Mondial en Egypte. Avez-vous déjà discuté des choix qui seront effectué entre les différentes équipes de jeunes ? Une réunion a déjà eu lieu en décembre. C’est un travail de secteur. Les U16, U18, U19 et U20 seront donc sur le pont l’été prochain. Nous avons déjà dégagé les joueurs majeurs par génération et une deuxième réunion en janvier nous permettra d’évoquer ceux qui peuvent doubler. Après certains auront des échéances personnelles et la draft pourrait impacter le Mondial par exemple et la Fédération s’est engagée auprès des clubs pros à ce que les gamins passent le baccalauréat en juin et non plus en septembre.

JANVIER2017 13


Frank Ntilikina a survolé la demi-finale et la finale. Il est élu MVP du championnat d'Europe

12 BASKETBALLMAGAZINE

FIBA

Bathiste Tchouaffe

FIBA

Avant le début de l’Euro, Bathiste Tchouaffe évoquait clairement le titre. Avez-vous dû réfréner les ardeurs de ces jeunes gens si ambitieux ? Ils ont énormément de maturité sur ce planlà. Ce que j’ai eu à gérer c’est une forme de mise en garde par rapport au début de l’Euro et au premier match contre la Russie. On partait en aveugle sur deux joueurs russes qui renforçaient une équipe qui n’avait pas forcément semblé extraordinaire cet été. Les gamins ont été très attentifs et ont abordé le premier tour avec un grand professionnalisme et une grande rigueur. Comment avez-vous réagi en voyant la Russie passer 27 points à la Serbie lors de la deuxième journée ? Les joueurs n’ont pas vu le match. Nous, les coaches, étions dans la salle. Quand tu approches des 40 points d’écart, tu te dis que finalement, ton résultat du premier jour est plutôt significatif. Cela a relativisé nos difficultés. On n’en avait pas bavé contre une petite équipe puisqu’elle pulvérise les Serbes. Le problème c’est que si l’on perdait de 16 points lors de la dernière journée, nous étions dehors. Les U18 restaient sur six défaites consécutives en quart de finale, cette dimension psychologique a-t-elle joué avant d’aborder cette rencontre décisive ? Les joueurs je ne vais pas dire qu’ils s’en foutaient mais ce n’était pas leur souci de savoir que les autres équipes avaient eu du mal. Ils n’ont pas réfléchi à ça. Pour le staff c’est forcément plus délicat de faire fi de ce qui s’est passé avant. Mais nous avons préparé le quart comme à notre habitude. En 2015, à Volos, on prend l’eau deux minutes et cela

nous coute le match. Il aurait suffi ce jour-là que certaines consignes soient appliquées sur la défense sur pick n’roll pour passer. Avec cette génération il y a peut-être eu plus de facilité par rapport à des plans de jeu et à des choses étudiées à la vidéo. Avec, en plus, de la réussite. Stopper Dzanan Musa, MVP de l’Euro U16 2015 et meilleur marqueur du Mondial U17 l’an passé était-il votre objectif numéro un ? Complètement. La première chose c’est qu’on voulait lui interdire l’accès au cercle. On a défendu quasiment à trois par rapport à lui. Il ne fallait pas qu’il rentre. Il a mis 19 points et un bon joueur reste un bon joueur. Mais il n’a pas pu distiller les passes décisives qu’il avait l’habitude de faire. On a fait le boulot.

FIBA

devant eux et les 98 dont la potentialité est certaine. On constate que l’impact en Équipe de France A est réel. On va désormais attendre et pour les Jeux de 2024 ils devront se tenir prêts. J’en ai déjà parlé aux garçons et du chemin qu’il leur restait à parcourir. Cette équipe s’est construite, en U16 notamment, autour du jeu rapide avec des joueurs extrêmement habiles dans la contre-attaque. En tant qu’entraîneur cela m’avait marqué. L’équipe avait réalisé un sans-faute en 2014 avec énormément de marge. Elle l’a répété cette année, certes avec moins d’écart. Et il y a encore des perspectives pour elle avec le Mondial U19 2017 puis l’Euro U20 2018.

Sékou Doumbouya et Frank Ntilikina ont été désignés dans le 5 majeur de la compétition

a vraiment de l’avenir. Il y avait une particularité cette année. Contrairement à d’habitude nous avons récupéré des garçons qui venaient de passer quatre mois à s’entraîner avec les pros. Ce qui n’est pas le cas pour une compétition en juillet. Quatre mois de vie professionnelle cela se ressent dans la maturité, la connaissance du jeu, l’engagement.

La capacité du groupe à trouver des joueurs décisifs différents à divers moments du tournoi a-t-elle été déterminante ? Tout à fait. Derrière le quatuor Ntilikina, Tchouaffe, Doumbouya, Mokoka, Février, Vautier, Diawara et N’Doye ont chacun eu leur instant capital.

Frank Ntilikina a délivré un récital en demi (23 pts, 9 pds, 5 ints) puis en finale (31 pts) notamment dans un domaine, l’adresse extérieure (11/14 à trois-points), où on ne l’attendait pas. Comment un coach gère-t-il ces moments d’euphorie ? Tu vis le truc. Tout le monde savait qu’il devrait prendre ces shoots et tout le monde travaillait pour lui. Il faut même l’obliger à le faire parce que ce n’est pas quelqu’un d’égoïste. Je me rappelle d’un match contre l’Italie en 2014 où nous menions et Federico Mussini nous passe 33 points alors qu’il avait un bras en vrac. Cela arrive aux autres, ça peut nous arriver à nous aussi. Frank était totalement à l’aise lors des deux derniers matches et nous en avons tiré profit. Il est venu avec beaucoup de pression. Aujourd’hui, quand tu t’appelles Frank Ntilikina, tu ne te présentes plus sur un parquet sans être observé et qu’on épie tes moindres faits et gestes. Il faut donc parvenir à lui faire oublier qu’il évolue dans cet univers-là afin qu’il évolue tout simplement dans l’univers du jeu. Qu’il se fasse plaisir. En plus il était malade au début de la compétition et était un peu fiévreux. Mais la clé pour lui a été de jouer sans pression.

Parmi les leaders, Adam Mokoka n’était pas forcément l’élément le plus attendu. Avez-vous été surpris par son Euro ? Il a énormément progressé par rapport au tournoi de Mannheim. Techniquement mais surtout dans la concentration. Après, à dire qu’il serait à ce niveau, non. Je ne l’attendais sans doute pas aussi constant et il m’a bluffé. S’il évolue bien sur un poste de combo, il

Saric, Abrines, Valanciunas, Kanter, Motiejunas, Koufos, Batum, les MVP de l’Euro U18 ont un destin tout tracé. Le classez-vous parmi ces joueurs d’exception ? Tout à fait. Il a tout le talent pour ça. Délié, coordonné, attentif, intelligent. Quand il aura un peu plus de jambes, un peu plus d’épaules et un peu plus d’autorité sur une équipe, il va être extraordinaire.

Le jeu rapide, l’impact physique et défensif, la recherche permanente de rythme étaient la signature de cette équipe… Je trouve même qu’il n’y en a pas eu assez ! Cela fait partie du travail qui est effectué avec les Équipes de France de jeunes. La défense est inscrite dans notre ADN. Et cette génération nous offrait en plus pas mal d’options différentes que nous avons notamment pu tester contre les U20 lors du dernier rassemblement avant l’Euro. Une configuration par exemple avec Diawara en 4, Doumbouya en 3 et Février en 5 pour jouer petit ou Vautier en pivot pour jouer grand. Nous avions tenté des trucs pour voir comment nous pouvions défendre en changeant sur tous les écrans. Cela nous ouvrait des perspectives. On ne s’en servait pas tout le temps mais souvent lors des fins de matches.

Alors qu’il n’avait pas encore 16 ans, Sekou Doumbouya devait également gérer la pression… (il coupe) Sekou n’en a pas. Lui, il joue. A Fleury-les-Aubrais ou à l’Euro c’est la même chose. Il est extraordinaire. C’est un poste 3 mais je lui expliquais qu’il faudrait nous dépanner en 4 parfois. Il me répondait, coach, arrête, mets-moi sur le terrain. Si je dois mener je mène, jouer pivot je joue pivot. Quand il fait des erreurs il sort et parfois je peux l’engueuler très durement. Mais il accepte bien la critique et corrige. Ce n’est pas quelqu’un qui refuse l’autorité. Simplement il a tellement envie qu’il est parfois dans son Monde, il tente des trucs et il faut le ramener à la réalité. Les U18 version 2016 sont-ils nombreux à posséder un profil pour le très haut niveau ? Ce qui est intéressant, et j’en discutais avec Patrick Beesley, c’est que nous allons nous retrouver avec pléthore de joueurs sur les mêmes positions. Ntilikina, Tchouaffe, Mokoka mais derrière Maledon ou Ayayi arrivent également. C’est très bon pour la Fédération dans la perspective des nouvelles fenêtres FIBA. L’absence des uns sera compensée par la présence des autres. L’Équipe de France est qualifiée pour le Mondial en Egypte. Avez-vous déjà discuté des choix qui seront effectué entre les différentes équipes de jeunes ? Une réunion a déjà eu lieu en décembre. C’est un travail de secteur. Les U16, U18, U19 et U20 seront donc sur le pont l’été prochain. Nous avons déjà dégagé les joueurs majeurs par génération et une deuxième réunion en janvier nous permettra d’évoquer ceux qui peuvent doubler. Après certains auront des échéances personnelles et la draft pourrait impacter le Mondial par exemple et la Fédération s’est engagée auprès des clubs pros à ce que les gamins passent le baccalauréat en juin et non plus en septembre.

JANVIER2017 13


SEKOU DOUMBOUYA >

LE FUTUR Par Julien Guérineau

14 BASKETBALLMAGAZINE

Le cours de l’histoire a définitivement changé le 3 décembre dernier. Le jour où Sekou Doumbouya s’est rendu à Orléans afin d’y retirer son passeport français. La fin d’un "long chemin de croix" soupire Patrick Beesley, le Directeur Technique National. Deux semaines plus tard le natif de Conakry, en Guinée, faisait ses débuts officiels sous le maillot de l’équipe nationale U18. Un soulagement pour les instances alors que se précisait la menace d’une naturalisation express entreprise par d’autres pays moins regardant questions procédures. "C’était la crainte. Dès sa première année au CFBB nous avions eu des échos à ce sujet. Le ministère était alerté de ce risque. Il a fallu utiliser plusieurs appuis très haut placés pour faire aboutir un dossier en cours depuis 2014." La perspective de voir Doumbouya affronter les Bleus s’est éloignée et le principal intéressé confie ne pas avoir réellement envisagé cette option : "Je n’aurais pas pu… J’ai trop de choses liées à la France, rencontré trop de personnes. Je ne pouvais pas leur faire à l’envers." Si le cas Doumbouya a mobilisé jusqu’au sommet de l’Etat, c’est que le jeune homme présente des dispositions inédites dans le basket français. Repéré en 2012 par Benoist Burguet, ancien entraîneur de l’ALM Evreux dans les années 90 et désormais Conseiller Technique dans la région Centre, son ascension est spectaculaire. Il rentre rapidement au pôle espoirs puis intègre le Centre Fédéral avec un an d’avance à l’été 2014. Un cursus interrompu après deux saisons, la première en cadets France, la seconde en Nationale 1 (10,6 pts, 3,3 rbds). La montée en puissance du phénomène aurait dû se poursuivre au Bois de Vincennes mais ses problèmes extra-sportifs ont précipité son départ de la structure. "Il y avait deux

personnages", remarque Patrick Beesley. "Son comportement dans le groupe, sur le terrain, était irréprochable. Zéro problème. Et ensuite il y avait son attitude en cours. Je sais qu’il a été manipulé par des adultes malveillants. On ne comprenait pas qu’un garçon puisse être aussi respectueux des consignes dans l’équipe et problématique à l’extérieur." Exclu de l’INSEP, Doumbouya n’a pas eu de difficultés à trouver un point de chute malgré le contexte. "Son départ a été précipité. D’où l’incompréhension des clubs qui n’ont pas compris que la Fédération n’a pas suivi les procédures habituelles de sortie", précise Patrick Beesley. Alors qu’Orléans semblait tenir la corde les représentants du joueur ont poussé pour

Seb Jawo

STUDIO LUDO

Il est sans doute le plus gros potentiel de l’histoire du basket français. Un statut forcément lourd à porter pour Sekou Doumbouya (2,05 m) qui a fêté ses 16 ans le 23 décembre dernier et évolue déjà une dizaine de minutes par match en Pro B avec le Poitiers Basket 86. l’orienter vers le Poitiers Basket 86 et la Pro B. "Quand son départ a été officialisé, le PB s’est positionné", explique Ruddly Nelhomme, l’entraîneur du club. "J’avais dit qu’il y avait une possibilité d’accueillir un gamin de ce profil dans la construction d’équipe. En plus je connais Sekou depuis plusieurs années. Il jouait contre Poitiers lorsqu’il évoluait en minimes avec Fleury les Aubrais. Je l’ai suivi ensuite au CFBB mais ce n’était pas le type de prospect que nous étions normalement en mesure de récupérer. Après je pensais qu’il y avait une ouverture. C’était une étape entre la N1 et la Pro A. Scolairement également nous avions des choses à proposer. Donc notre dossier tenait la route. C’était cohérent." Le PB86


SEKOU DOUMBOUYA >

LE FUTUR Par Julien Guérineau

14 BASKETBALLMAGAZINE

Le cours de l’histoire a définitivement changé le 3 décembre dernier. Le jour où Sekou Doumbouya s’est rendu à Orléans afin d’y retirer son passeport français. La fin d’un "long chemin de croix" soupire Patrick Beesley, le Directeur Technique National. Deux semaines plus tard le natif de Conakry, en Guinée, faisait ses débuts officiels sous le maillot de l’équipe nationale U18. Un soulagement pour les instances alors que se précisait la menace d’une naturalisation express entreprise par d’autres pays moins regardant questions procédures. "C’était la crainte. Dès sa première année au CFBB nous avions eu des échos à ce sujet. Le ministère était alerté de ce risque. Il a fallu utiliser plusieurs appuis très haut placés pour faire aboutir un dossier en cours depuis 2014." La perspective de voir Doumbouya affronter les Bleus s’est éloignée et le principal intéressé confie ne pas avoir réellement envisagé cette option : "Je n’aurais pas pu… J’ai trop de choses liées à la France, rencontré trop de personnes. Je ne pouvais pas leur faire à l’envers." Si le cas Doumbouya a mobilisé jusqu’au sommet de l’Etat, c’est que le jeune homme présente des dispositions inédites dans le basket français. Repéré en 2012 par Benoist Burguet, ancien entraîneur de l’ALM Evreux dans les années 90 et désormais Conseiller Technique dans la région Centre, son ascension est spectaculaire. Il rentre rapidement au pôle espoirs puis intègre le Centre Fédéral avec un an d’avance à l’été 2014. Un cursus interrompu après deux saisons, la première en cadets France, la seconde en Nationale 1 (10,6 pts, 3,3 rbds). La montée en puissance du phénomène aurait dû se poursuivre au Bois de Vincennes mais ses problèmes extra-sportifs ont précipité son départ de la structure. "Il y avait deux

personnages", remarque Patrick Beesley. "Son comportement dans le groupe, sur le terrain, était irréprochable. Zéro problème. Et ensuite il y avait son attitude en cours. Je sais qu’il a été manipulé par des adultes malveillants. On ne comprenait pas qu’un garçon puisse être aussi respectueux des consignes dans l’équipe et problématique à l’extérieur." Exclu de l’INSEP, Doumbouya n’a pas eu de difficultés à trouver un point de chute malgré le contexte. "Son départ a été précipité. D’où l’incompréhension des clubs qui n’ont pas compris que la Fédération n’a pas suivi les procédures habituelles de sortie", précise Patrick Beesley. Alors qu’Orléans semblait tenir la corde les représentants du joueur ont poussé pour

Seb Jawo

STUDIO LUDO

Il est sans doute le plus gros potentiel de l’histoire du basket français. Un statut forcément lourd à porter pour Sekou Doumbouya (2,05 m) qui a fêté ses 16 ans le 23 décembre dernier et évolue déjà une dizaine de minutes par match en Pro B avec le Poitiers Basket 86. l’orienter vers le Poitiers Basket 86 et la Pro B. "Quand son départ a été officialisé, le PB s’est positionné", explique Ruddly Nelhomme, l’entraîneur du club. "J’avais dit qu’il y avait une possibilité d’accueillir un gamin de ce profil dans la construction d’équipe. En plus je connais Sekou depuis plusieurs années. Il jouait contre Poitiers lorsqu’il évoluait en minimes avec Fleury les Aubrais. Je l’ai suivi ensuite au CFBB mais ce n’était pas le type de prospect que nous étions normalement en mesure de récupérer. Après je pensais qu’il y avait une ouverture. C’était une étape entre la N1 et la Pro A. Scolairement également nous avions des choses à proposer. Donc notre dossier tenait la route. C’était cohérent." Le PB86


Bellenger / IS / FFBB

16 BASKETBALLMAGAZINE

le maillot poitevin, en saison régulière et en Leaders Cup, le rookie a passé 12 minutes en moyenne sur le terrain pour une production chiffrée de 2,9 points et 1,9 rebonds. "Je n’ai pas de plan", confie Nelhomme à propos de ce temps de jeu. "Je ne fixe pas de limites. J’espère qu’il pourra gratter le maximum de choses et qu’il nous aidera à gagner en constance dans nos résultats." 13e seulement du classement après 11 journées à une victoire des playoffs et deux de la relégation, le PB86 n’a pas fait preuve d’une grande stabilité et doit composer avec l’obligation d’obtenir des résultats et la promesse faite de développer un jeune potentiel. "Je ne pense pas qu’il faut lui trouver des minutes parce qu’on s’est engagé", nuance toutefois son entraîneur. "Déjà, on savait qu’il serait capable de jouer à ce niveau. Et il l’a prouvé dès la préparation. Je pense être assez juste. Quand il fait 2-3 erreurs d’affilée il retourne sur le banc et ne rejoue pas. Il ne peut pas y avoir de passe-droit. S’il est venu dans un club professionnel c’est pour trouver cette exigence. C’est formateur d’expliquer à un jeune joueur que nous sommes là pour gagner des matches et qu’il y a des choses qu’on ne peut pas faire sur un terrain. Dans la formation, comprendre la nécessité de l’efficacité est primordiale. Il y a le talent mais il faut que ça devienne concret. C’est ça l’apprentissage, faire les choses, maîtriser les détails qui font gagner ton équipe." Un processus qui s’accompagne d’un emploi du temps sur mesure pour Doumbouya, scolarisé en première logistique. Antoine Brault, l’assistant coach de l’équipe, travaille spécifiquement avec lui chaque mardi et jeudi sur sa gestuelle, son tir et sa technique globale. Un programme de musculation le mobilise trois fois par semaine et de nombreuses séances vidéos sont organisées pour corriger ses erreurs. "Il faut qu’on lui apporte une plus-value", insiste Ruddy Nelhomme. "Comment lui permettre d’éclore, de s’affirmer dans certains domaines qu’il ne maîtrise que moyennement ? Il y a donc une certaine responsabilité. Mais n’importe quel entraîneur aimerait avoir un talent comme ça à développer. Je l’avais déjà dit pour Evan. Ce sont des joueurs au-dessus de la moyenne et c’est finalement plus simple pour nous les coaches. Ils comprennent vite et ont envie de réussir parce qu’ils sont concentrés sur un projet." Ce projet, inutile de le cacher, s’inscrit en trois lettres : NBA. Les recruteurs américains ont déjà fait de Poitiers un passage obligé de leur tournée européenne et c’est bien une place dans le top 10 de la draft que peut ambitionner Doumbouya. Mais le chemin est encore long. Le phénomène ne pourra présenter son nom qu’en 2019.

Bellenger / IS / FFBB

a notamment un argument de poids à jeter dans la balance : la réussite d’Evan Fournier, également sorti prématurément du CFBB pour rejoindre la Vienne y passer deux saisons avant d’être drafté en NBA. "Cela leur parle et les rassure. C’est quelque chose qui a été fait. Et c’est frais", admet Ruddy Nelhomme. "C’est toute une structure, un environnement. Des entraîneurs, des joueurs, des dirigeants, des bénévoles qui prennent soin d’un jeune comme ça." Un encadrement souhaité par les agents de Doumbouya, pas forcément enchantés à l’idée de voir leur poulain retrouver Orléans et ses fréquentations de ses années pôlistes. "On m’a dit que ce n’était pas forcément bon pour moi", avance le principal intéressé. "Mais si j’avais eu l’opportunité de retourner à Orléans, je l’aurais fait. Ce qui m’a fait changer d’avis c’est le temps de jeu. Il était trop incertain. La question des potes, de mon entourage, de l’influence, ne me gênait pas. Je sais que ce sont des gens bien. Je comprends qu’on m’en parle mais je trouve que ce n’est pas un argument." La question de sa personnalité sera cependant au centre des interrogations des scouts qui suivent avec attention l’évolution du prospect. "Les gens qui me connaissent savent comment je suis", estime Doumbouya. "Vivre à l’INSEP et en dehors ce n’est pas pareil. Je ne suis définitivement pas fait pour la vie en internat. Je déteste être enfermé. Je préfère être plus libre, faire mes choix. J’ai vite compris que ça allait être compliqué, que ça n’allait pas coller à l’INSEP. Je ne suis pas très calme. Au contraire je suis un type très actif. Rester dans ma chambre sans rien faire c’est impossible. Avec les pros, j’apprends à me canaliser. Je discute beaucoup avec eux, je les observe. Jeff Greer, Christophe Léonard. Ça m’aide. A l’INSEP je n’avais pas ces références." Au sein du PB86, Sekou Doumbouya n’a pas tardé à prendre ses marques. A son arrivée, en août, c’est tout d’abord sur la piste qu’il bluffe les préparateurs physiques en dépliant ses 205 centimètres au milieu des extérieurs du club et les laissant souvent sur place lors des exercices de course. "Mes coéquipiers étaient surpris", sourit-il. Mais la découverte va se poursuivre également sur le parquet. Car on aurait tort de résumer Doumbouya à un simple phénomène physique. "Il est d’une grande polyvalence", souligne Ruddy Nelhomme. "Dans la dimension athlétique et physique il peut jouer sans problème en Pro B. Après, il a une gamme technique et une capacité à sentir les choses. Il fait souvent les bons choix. Maintenant il doit travailler la stabilité de son shoot. Ce qui est très positif c’est qu’il corrige rapidement ses erreurs." Lors de ses 15 premières sorties sous

"JE N’AI PAS SOUVENIR D’AVOIR VU DE TELLES QUALITÉS TECHNIQUES ET ATHLÉTIQUES À CET ÂGE", SOURIT PATRICK BEESLEY.

Presque trois ans à attendre. Une éternité pour un jeune garçon impatient. "Il sait se gérer et il est gérable", positive cependant Ruddy Nelhomme. "Comme tout gamin de cet âge qui a des capacités et beaucoup de tentations il faut lui expliquer les choses, être dur quand c’est nécessaire. Sekou, dans notre structure, est totalement gérable. Il a été dans quelques situations mais à l’image des autres éléments du centre de formation. Il n’y a rien d’incroyable. Après on verra dans la durée. C’est dur de gérer les équipementiers, les scouts, les agents. Certains arrivent à maturité plus vite que d’autres mais pour faire ce qu’il fait sur le terrain à tout juste 16 ans, il faut déjà en avoir." Malgré sa taille, Doumbouya est un véritable extérieur même si son envergure et sa puissance lui permettent d’aller chercher ses points près du cercle. "C’est un 2-3-4", abonde Ruddy Nelhomme. "Il y a beaucoup de joueurs de ce profil. LeBron James, Kevin Durant. Un basketteur moderne capable de faire beaucoup de choses sur un terrain." Des modèles aux caractéristiques uniques et que le basket français n’a jamais connu. "Je n’ai pas souvenir d’avoir vu de telles qualités techniques et athlétiques à cet âge", sourit Patrick Beesley. "Ce qui est

fascinant c’est le décalage entre le corps et la tête. Quand on le voit on dirait un homme, quand on le côtoie, c’est un enfant. On m’a souvent interpelé sur les doutes entourant son âge mais sincèrement, il a des comportements de gamin et je pense qu’il a bien 16 ans." Pour appuyer son dossier auprès des plus hautes sphères de l’Etat, Patrick Beesley a évoqué les Jeux Olympiques de 2024, qui pourraient se dérouler à Paris. Mais compte tenu de la trajectoire de Doumbouya, Tokyo 2020 pourrait constituer un objectif crédible. "On ne se refuse rien", glisse le Directeur Technique National, soucieux néanmoins de "respecter les étapes". La première concernait l’Euro U18. Face à des joueurs deux ans plus âgés, le nouveau venu a terminé 3e marqueur, 15e rebondeur, 6e contreur et 5e à la réussite aux tirs de la compétition. Un carton plein récompensé d’une place dans le meilleur cinq du tournoi. Indispensable et décisif pour sa première participation à une compétition internationale, Doumbouya a fait face aux attentes avec une décontraction déconcertante et brillamment écrit les premières pages d’une histoire qui s’annonce très longue avec l’équipe nationale. Le futur s’écrit déjà au présent.

JANVIER2017 17


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le maillot poitevin, en saison régulière et en Leaders Cup, le rookie a passé 12 minutes en moyenne sur le terrain pour une production chiffrée de 2,9 points et 1,9 rebonds. "Je n’ai pas de plan", confie Nelhomme à propos de ce temps de jeu. "Je ne fixe pas de limites. J’espère qu’il pourra gratter le maximum de choses et qu’il nous aidera à gagner en constance dans nos résultats." 13e seulement du classement après 11 journées à une victoire des playoffs et deux de la relégation, le PB86 n’a pas fait preuve d’une grande stabilité et doit composer avec l’obligation d’obtenir des résultats et la promesse faite de développer un jeune potentiel. "Je ne pense pas qu’il faut lui trouver des minutes parce qu’on s’est engagé", nuance toutefois son entraîneur. "Déjà, on savait qu’il serait capable de jouer à ce niveau. Et il l’a prouvé dès la préparation. Je pense être assez juste. Quand il fait 2-3 erreurs d’affilée il retourne sur le banc et ne rejoue pas. Il ne peut pas y avoir de passe-droit. S’il est venu dans un club professionnel c’est pour trouver cette exigence. C’est formateur d’expliquer à un jeune joueur que nous sommes là pour gagner des matches et qu’il y a des choses qu’on ne peut pas faire sur un terrain. Dans la formation, comprendre la nécessité de l’efficacité est primordiale. Il y a le talent mais il faut que ça devienne concret. C’est ça l’apprentissage, faire les choses, maîtriser les détails qui font gagner ton équipe." Un processus qui s’accompagne d’un emploi du temps sur mesure pour Doumbouya, scolarisé en première logistique. Antoine Brault, l’assistant coach de l’équipe, travaille spécifiquement avec lui chaque mardi et jeudi sur sa gestuelle, son tir et sa technique globale. Un programme de musculation le mobilise trois fois par semaine et de nombreuses séances vidéos sont organisées pour corriger ses erreurs. "Il faut qu’on lui apporte une plus-value", insiste Ruddy Nelhomme. "Comment lui permettre d’éclore, de s’affirmer dans certains domaines qu’il ne maîtrise que moyennement ? Il y a donc une certaine responsabilité. Mais n’importe quel entraîneur aimerait avoir un talent comme ça à développer. Je l’avais déjà dit pour Evan. Ce sont des joueurs au-dessus de la moyenne et c’est finalement plus simple pour nous les coaches. Ils comprennent vite et ont envie de réussir parce qu’ils sont concentrés sur un projet." Ce projet, inutile de le cacher, s’inscrit en trois lettres : NBA. Les recruteurs américains ont déjà fait de Poitiers un passage obligé de leur tournée européenne et c’est bien une place dans le top 10 de la draft que peut ambitionner Doumbouya. Mais le chemin est encore long. Le phénomène ne pourra présenter son nom qu’en 2019.

Bellenger / IS / FFBB

a notamment un argument de poids à jeter dans la balance : la réussite d’Evan Fournier, également sorti prématurément du CFBB pour rejoindre la Vienne y passer deux saisons avant d’être drafté en NBA. "Cela leur parle et les rassure. C’est quelque chose qui a été fait. Et c’est frais", admet Ruddy Nelhomme. "C’est toute une structure, un environnement. Des entraîneurs, des joueurs, des dirigeants, des bénévoles qui prennent soin d’un jeune comme ça." Un encadrement souhaité par les agents de Doumbouya, pas forcément enchantés à l’idée de voir leur poulain retrouver Orléans et ses fréquentations de ses années pôlistes. "On m’a dit que ce n’était pas forcément bon pour moi", avance le principal intéressé. "Mais si j’avais eu l’opportunité de retourner à Orléans, je l’aurais fait. Ce qui m’a fait changer d’avis c’est le temps de jeu. Il était trop incertain. La question des potes, de mon entourage, de l’influence, ne me gênait pas. Je sais que ce sont des gens bien. Je comprends qu’on m’en parle mais je trouve que ce n’est pas un argument." La question de sa personnalité sera cependant au centre des interrogations des scouts qui suivent avec attention l’évolution du prospect. "Les gens qui me connaissent savent comment je suis", estime Doumbouya. "Vivre à l’INSEP et en dehors ce n’est pas pareil. Je ne suis définitivement pas fait pour la vie en internat. Je déteste être enfermé. Je préfère être plus libre, faire mes choix. J’ai vite compris que ça allait être compliqué, que ça n’allait pas coller à l’INSEP. Je ne suis pas très calme. Au contraire je suis un type très actif. Rester dans ma chambre sans rien faire c’est impossible. Avec les pros, j’apprends à me canaliser. Je discute beaucoup avec eux, je les observe. Jeff Greer, Christophe Léonard. Ça m’aide. A l’INSEP je n’avais pas ces références." Au sein du PB86, Sekou Doumbouya n’a pas tardé à prendre ses marques. A son arrivée, en août, c’est tout d’abord sur la piste qu’il bluffe les préparateurs physiques en dépliant ses 205 centimètres au milieu des extérieurs du club et les laissant souvent sur place lors des exercices de course. "Mes coéquipiers étaient surpris", sourit-il. Mais la découverte va se poursuivre également sur le parquet. Car on aurait tort de résumer Doumbouya à un simple phénomène physique. "Il est d’une grande polyvalence", souligne Ruddy Nelhomme. "Dans la dimension athlétique et physique il peut jouer sans problème en Pro B. Après, il a une gamme technique et une capacité à sentir les choses. Il fait souvent les bons choix. Maintenant il doit travailler la stabilité de son shoot. Ce qui est très positif c’est qu’il corrige rapidement ses erreurs." Lors de ses 15 premières sorties sous

"JE N’AI PAS SOUVENIR D’AVOIR VU DE TELLES QUALITÉS TECHNIQUES ET ATHLÉTIQUES À CET ÂGE", SOURIT PATRICK BEESLEY.

Presque trois ans à attendre. Une éternité pour un jeune garçon impatient. "Il sait se gérer et il est gérable", positive cependant Ruddy Nelhomme. "Comme tout gamin de cet âge qui a des capacités et beaucoup de tentations il faut lui expliquer les choses, être dur quand c’est nécessaire. Sekou, dans notre structure, est totalement gérable. Il a été dans quelques situations mais à l’image des autres éléments du centre de formation. Il n’y a rien d’incroyable. Après on verra dans la durée. C’est dur de gérer les équipementiers, les scouts, les agents. Certains arrivent à maturité plus vite que d’autres mais pour faire ce qu’il fait sur le terrain à tout juste 16 ans, il faut déjà en avoir." Malgré sa taille, Doumbouya est un véritable extérieur même si son envergure et sa puissance lui permettent d’aller chercher ses points près du cercle. "C’est un 2-3-4", abonde Ruddy Nelhomme. "Il y a beaucoup de joueurs de ce profil. LeBron James, Kevin Durant. Un basketteur moderne capable de faire beaucoup de choses sur un terrain." Des modèles aux caractéristiques uniques et que le basket français n’a jamais connu. "Je n’ai pas souvenir d’avoir vu de telles qualités techniques et athlétiques à cet âge", sourit Patrick Beesley. "Ce qui est

fascinant c’est le décalage entre le corps et la tête. Quand on le voit on dirait un homme, quand on le côtoie, c’est un enfant. On m’a souvent interpelé sur les doutes entourant son âge mais sincèrement, il a des comportements de gamin et je pense qu’il a bien 16 ans." Pour appuyer son dossier auprès des plus hautes sphères de l’Etat, Patrick Beesley a évoqué les Jeux Olympiques de 2024, qui pourraient se dérouler à Paris. Mais compte tenu de la trajectoire de Doumbouya, Tokyo 2020 pourrait constituer un objectif crédible. "On ne se refuse rien", glisse le Directeur Technique National, soucieux néanmoins de "respecter les étapes". La première concernait l’Euro U18. Face à des joueurs deux ans plus âgés, le nouveau venu a terminé 3e marqueur, 15e rebondeur, 6e contreur et 5e à la réussite aux tirs de la compétition. Un carton plein récompensé d’une place dans le meilleur cinq du tournoi. Indispensable et décisif pour sa première participation à une compétition internationale, Doumbouya a fait face aux attentes avec une décontraction déconcertante et brillamment écrit les premières pages d’une histoire qui s’annonce très longue avec l’équipe nationale. Le futur s’écrit déjà au présent.

JANVIER2017 17


BATHISTE TCHOUAFFE (JSF NANTERRE) >

"LA VIE DONT JE RÊVAIS"

Comment aviez-vous vécu l’annonce de l’annulation de l’Euro U18 l’été dernier ? Nous étions déjà en Turquie et j’étais partagé entre deux sentiments. Content parce que j’avais besoin d’un break avant de débuter la saison avec Nanterre. Potentiellement je devais terminer l’Euro le 6 août et lancer la préparation le 8 août. D’un autre côté on travaillait depuis deux mois et à deux jours du coup d’envoi on apprend que c’est annulé.

Propos recueillis par Julien Guérineau

Vous êtes originaire de Poitiers et le club souhaitait vous faire signer à votre sortie du CFBB. Comment avez-vous vécu cette situation assez particulière ? L’an passé cela a été très compliqué de dire non au Poitiers Basket 86 et de leur annoncer que je partais à Nanterre. Ces gens-là c’est une famille. J’ai grandi avec eux. Je suis passé entre leurs mains. Leur dire non m’a fait mal. Pendant 3-4 jours j’avais décidé de couper mon portable pour me déconnecter. Je déteste faire du mal aux gens, ça fait partie de mon éducation. Décevoir je ne supporte pas. C’est peut-être un défaut mais c’est aussi une des qualités pour lesquelles on m’apprécie. Mais bien entendu je suis content d’être à Nanterre et c’est un bon projet pour moi. Ce qui me faisait peur avec la Pro B c’était de faire une saison moyenne ou décevante et qu’un club de Pro A ne me signe pas ensuite. C’est pour cette raison que j’ai signé pour un projet à moyen terme de trois ans. J’assume de ne pas avoir pris ce risque.

18 BASKETBALLMAGAZINE

faciles et je ne me sens pas supérieur. Simplement je m’entraîne au quotidien avec des pros et j’apprends forcément plus vite auprès d’eux que dans le championnat espoirs. La difficulté c’est de changer son état d’esprit, de changer son statut. A Nanterre j’ai un rôle mineur. En Equipe

de France juniors il doit être majeur. Après j’apprends à connaître le groupe et je ne suis pas le genre à dire que je suis le patron. J’ai toujours cherché à mettre mes coéquipiers en valeur et j’essaye de ne pas trop me prendre la tête là-dessus même si je sais que je vais être attendu.

Vous étiez particulièrement demandé à votre sortie. Comment avez-vous tranché entre les différentes propositions ? Quand tu es sollicité ça fait plaisir. Tous les clubs de Pro A et Pro B, ou presque, te veulent. C’est un choix de riche alors que certains de mes coéquipiers avaient peu d’options. Cela en devenait presque tabou. Ça me faisait d’autant plus plaisir que ma quatrième année au CFBB a été très compliquée et que je ne m’attendais pas à avoir autant de propositions. Nanterre est un club sain, familial. J’ai toujours eu de bons échos et les jeunes qui y sont passés sont souvent en Équipe de France : Edwin Jackson, Adrien Moerman, Evan Fournier. C’est un club formateur qui te fait grandir. C’est ce que je recherchais. Après 10 journées de championnat vous n’êtes rentré qu’à 5 reprises en jeu pour un total de 16 minutes. Quel regard portez-vous sur ce début de saison ?

A quoi ressemble la vie d’un jeune pro en région parisienne ? Le plus dur quand tu es pro ? Faire la vaisselle ! Mais ne penser qu’au basket, ne plus avoir les études à côté, c’est la vie dont je rêvais. Avec mon premier salaire je me suis acheté un ordinateur. J’ai choisi un

agent, un conseiller financier. Je suis basketteur professionnel et ça me fait plaisir. Petit c’est le mot que je rêvais de dire aux gens. A l’école les autres mettaient médecin, moi, basketteur professionnel. Je découvre aussi une autre facette de Paris. A l’INSEP on vit dans un cocon. On ne sort quasiment pas. C’était une liberté surveillée. Aujourd’hui je suis totalement libre. Si je veux aller au Musée du Louvre, je prends le métro et j’y vais. En quatre ans au Bois de Vincennes je n’avais jamais visité de monuments. J’en profite, en plus c’est gratuit pour les moins de 26 ans. Pour l’instant je passe mon permis. Il y a un défi entre ceux qui sont sortis. Moi je suis désavantagé avec les déplacements en coupe d’Europe, je ne peux pas faire mes heures de conduite. Donc c’est Jeff Morency qui m’amène à l’entraînement… et faire mes courses. Tous les joueurs habitent dans le même immeuble et entre joueurs français on s’entraide. Et sur le terrain, en quoi avez-vous déjà évolué ? Quand tu sors du CFBB tu es très scolaire, très carré. C’était vraiment mon cas. Dans le jeu en pro il faut assumer ses choix et ne pas hésiter. Surtout qu’il y a beaucoup de libertés dans notre jeu à Nanterre. Il faut sortir du cadre, ce petit truc à toi. Quand tu te poses trop de questions tu n’es plus toi-même et c’est ce qui m’est arrivé la saison passée.

Bellenger / IS / FFBB

Presse Sports / Prevost

Meilleur marqueur du Centre Fédéral en Nationale 1 l’an passé, Bathiste Tchouaffe, champion d’Europe U16 2014 et U18 2016, a choisi la JSF Nanterre pour lancer sa carrière professionnelle.

Quelles sont vos sensations quand vous quittez la Pro A pour retrouver des joueurs de votre âge en Équipe de France U18 ? La grande différence avec le monde professionnel c’est la dimension physique. Ça ne rend pas forcément les choses plus

Je sais qu’aujourd’hui mon choix fait débat puisque je joue peu. Mais je m’entraîne avec une très bonne équipe, je suis en concurrence avec Spencer Butterfield qui est un joueur incroyable. J’apprends très vite à son contact. Je fais confiance au club, je fais confiance à Pascal Donnadieu. Il me parle beaucoup et est très content de moi. C’est l’essentiel et je pense qu’en deuxième partie de saison mon temps de jeu sera plus important. Pascal m’a dit que j’allais faire des piges en espoirs s’il ne me sentait pas prêt. Pour l’instant il préfère me voir au quotidien avec les pros. Je suis un joueur de basket, un compétiteur et quand tu rentres à ton appartement le samedi soir sans avoir joué, c’est chiant. Surtout que le lendemain tu sais qu’une séance de cardio t’attend pour garder le rythme. Mais ça me motive également. Je prends ça comme un challenge. Il faut être prêt à tout moment. Comme à Antibes fin novembre. Kenny Gaines a pris feu et je suis rentré au début du deuxième quarttemps pour le casser (deux fautes en une minute). Il faut être prêt mentalement même si tu n’as aucune idée du moment où on va faire appel à toi.

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"LA VIE DONT JE RÊVAIS"

Comment aviez-vous vécu l’annonce de l’annulation de l’Euro U18 l’été dernier ? Nous étions déjà en Turquie et j’étais partagé entre deux sentiments. Content parce que j’avais besoin d’un break avant de débuter la saison avec Nanterre. Potentiellement je devais terminer l’Euro le 6 août et lancer la préparation le 8 août. D’un autre côté on travaillait depuis deux mois et à deux jours du coup d’envoi on apprend que c’est annulé.

Propos recueillis par Julien Guérineau

Vous êtes originaire de Poitiers et le club souhaitait vous faire signer à votre sortie du CFBB. Comment avez-vous vécu cette situation assez particulière ? L’an passé cela a été très compliqué de dire non au Poitiers Basket 86 et de leur annoncer que je partais à Nanterre. Ces gens-là c’est une famille. J’ai grandi avec eux. Je suis passé entre leurs mains. Leur dire non m’a fait mal. Pendant 3-4 jours j’avais décidé de couper mon portable pour me déconnecter. Je déteste faire du mal aux gens, ça fait partie de mon éducation. Décevoir je ne supporte pas. C’est peut-être un défaut mais c’est aussi une des qualités pour lesquelles on m’apprécie. Mais bien entendu je suis content d’être à Nanterre et c’est un bon projet pour moi. Ce qui me faisait peur avec la Pro B c’était de faire une saison moyenne ou décevante et qu’un club de Pro A ne me signe pas ensuite. C’est pour cette raison que j’ai signé pour un projet à moyen terme de trois ans. J’assume de ne pas avoir pris ce risque.

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faciles et je ne me sens pas supérieur. Simplement je m’entraîne au quotidien avec des pros et j’apprends forcément plus vite auprès d’eux que dans le championnat espoirs. La difficulté c’est de changer son état d’esprit, de changer son statut. A Nanterre j’ai un rôle mineur. En Equipe

de France juniors il doit être majeur. Après j’apprends à connaître le groupe et je ne suis pas le genre à dire que je suis le patron. J’ai toujours cherché à mettre mes coéquipiers en valeur et j’essaye de ne pas trop me prendre la tête là-dessus même si je sais que je vais être attendu.

Vous étiez particulièrement demandé à votre sortie. Comment avez-vous tranché entre les différentes propositions ? Quand tu es sollicité ça fait plaisir. Tous les clubs de Pro A et Pro B, ou presque, te veulent. C’est un choix de riche alors que certains de mes coéquipiers avaient peu d’options. Cela en devenait presque tabou. Ça me faisait d’autant plus plaisir que ma quatrième année au CFBB a été très compliquée et que je ne m’attendais pas à avoir autant de propositions. Nanterre est un club sain, familial. J’ai toujours eu de bons échos et les jeunes qui y sont passés sont souvent en Équipe de France : Edwin Jackson, Adrien Moerman, Evan Fournier. C’est un club formateur qui te fait grandir. C’est ce que je recherchais. Après 10 journées de championnat vous n’êtes rentré qu’à 5 reprises en jeu pour un total de 16 minutes. Quel regard portez-vous sur ce début de saison ?

A quoi ressemble la vie d’un jeune pro en région parisienne ? Le plus dur quand tu es pro ? Faire la vaisselle ! Mais ne penser qu’au basket, ne plus avoir les études à côté, c’est la vie dont je rêvais. Avec mon premier salaire je me suis acheté un ordinateur. J’ai choisi un

agent, un conseiller financier. Je suis basketteur professionnel et ça me fait plaisir. Petit c’est le mot que je rêvais de dire aux gens. A l’école les autres mettaient médecin, moi, basketteur professionnel. Je découvre aussi une autre facette de Paris. A l’INSEP on vit dans un cocon. On ne sort quasiment pas. C’était une liberté surveillée. Aujourd’hui je suis totalement libre. Si je veux aller au Musée du Louvre, je prends le métro et j’y vais. En quatre ans au Bois de Vincennes je n’avais jamais visité de monuments. J’en profite, en plus c’est gratuit pour les moins de 26 ans. Pour l’instant je passe mon permis. Il y a un défi entre ceux qui sont sortis. Moi je suis désavantagé avec les déplacements en coupe d’Europe, je ne peux pas faire mes heures de conduite. Donc c’est Jeff Morency qui m’amène à l’entraînement… et faire mes courses. Tous les joueurs habitent dans le même immeuble et entre joueurs français on s’entraide. Et sur le terrain, en quoi avez-vous déjà évolué ? Quand tu sors du CFBB tu es très scolaire, très carré. C’était vraiment mon cas. Dans le jeu en pro il faut assumer ses choix et ne pas hésiter. Surtout qu’il y a beaucoup de libertés dans notre jeu à Nanterre. Il faut sortir du cadre, ce petit truc à toi. Quand tu te poses trop de questions tu n’es plus toi-même et c’est ce qui m’est arrivé la saison passée.

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Meilleur marqueur du Centre Fédéral en Nationale 1 l’an passé, Bathiste Tchouaffe, champion d’Europe U16 2014 et U18 2016, a choisi la JSF Nanterre pour lancer sa carrière professionnelle.

Quelles sont vos sensations quand vous quittez la Pro A pour retrouver des joueurs de votre âge en Équipe de France U18 ? La grande différence avec le monde professionnel c’est la dimension physique. Ça ne rend pas forcément les choses plus

Je sais qu’aujourd’hui mon choix fait débat puisque je joue peu. Mais je m’entraîne avec une très bonne équipe, je suis en concurrence avec Spencer Butterfield qui est un joueur incroyable. J’apprends très vite à son contact. Je fais confiance au club, je fais confiance à Pascal Donnadieu. Il me parle beaucoup et est très content de moi. C’est l’essentiel et je pense qu’en deuxième partie de saison mon temps de jeu sera plus important. Pascal m’a dit que j’allais faire des piges en espoirs s’il ne me sentait pas prêt. Pour l’instant il préfère me voir au quotidien avec les pros. Je suis un joueur de basket, un compétiteur et quand tu rentres à ton appartement le samedi soir sans avoir joué, c’est chiant. Surtout que le lendemain tu sais qu’une séance de cardio t’attend pour garder le rythme. Mais ça me motive également. Je prends ça comme un challenge. Il faut être prêt à tout moment. Comme à Antibes fin novembre. Kenny Gaines a pris feu et je suis rentré au début du deuxième quarttemps pour le casser (deux fautes en une minute). Il faut être prêt mentalement même si tu n’as aucune idée du moment où on va faire appel à toi.

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Mathilda Loyer Alpes-Martimes 1,82 m

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Mathieu Appredrisse Bas-Rhin - 1,94 m

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célèbre, "les supporters ne deviennent pas insupportables…". En quoi ce tournoi est-il révélateur pour la détection ? La détection a évolué depuis une dizaine d’années notamment grâce à la formule des Camps qui permettent de voir quelle est l’attitude d’un joueur/euse à l’entraînement. Les observations réalisées pendant ceux-ci permettent de supputer pour savoir qui pourra se "transformer" par la somme de travail. Néanmoins la compétition reste un extraordinaire "juge de paix" pour voir qui peut faire gagner une équipe. La performance à l’instant T doit, bien évidemment, être pondérée par rapport au stade pubertaire, aux années de pratique, à la qualité de l’encadrement, etc. Il y a pourtant fort à parier qu’un adolescent de 13 ans qui (s’il n’est pas en avance de maturité !) parvient à surmonter ses émotions et à se transcender au TIC National ne laissera pas le coach de son équipe de France "en rade" lorsqu’il faudra disputer un championnat d’Europe ou du Monde… L’émotion qui entoure un TIC National place les potentiels dans des conditions délicates et donc révélatrices. Avoir la tête froide, prendre ses responsabilités, être décisif et déterminant sont des qualités que l’on peut observer très tôt et qu’il ne faut pas galvauder. Les vrais compétiteurs le sont très jeunes… et pour la vie ! Un bémol, une fois encore, doit cependant, être mis : l’avance de maturité n’est pas "que" physique. Lorsqu’un "opérationnel" encombre la filière par sa présence il fausse toute comparaison… y compris au niveau mental ! Il faut, alors, toute l’expertise des Conseillers Techniques pour mesurer, à leur juste valeur, les capacités mentales d’un adolescent opposé à un "adulte" biologiquement parlant. Quelles sont les limites de la formule actuelle pour la détection ? C’est paradoxal mais on pourrait dire que l’exceptionnel engouement décrit plus haut peut aussi être un problème. Il arrive que certains comités obnubilés par la victoire sélectionnent des "opérationnels" sans avenir international au détriment de potentiels. Des joueurs aboutis physiquement peuvent écraser la compétition et la fausser totalement. C’est alors extrêmement dommageable car cela va à

l’encontre de l’objectif premier que constitue la détection dans les TIC. Fort heureusement une majorité des CD ont compris la raison d’être du TIC et présentent des joueurs qui ont un avenir dans le HautNiveau. On peut déplorer, et ce point est beaucoup plus préjudiciable pour notre première revue d’effectifs au niveau national, que les joueurs et les joueuses des comités qui ne se qualifient pas restent à la maison alors que des joueurs "de complément", sans réel avenir international, sont présents dans chacun des rosters. Cela pose, inévitablement, en cette période de baisse des subventions publiques, la question de leur bonne utilisation. Pourquoi un trophée "Avenir en Grand" ? La FFBB récompense le CD qui présente le plus grand et la plus grande joueuse du Tournoi National par le biais du Trophée "Avenir en Grand". Cette distinction permet de valoriser les CD qui font l’effort de rechercher de grands gabarits, de les former et de les mettre sur le terrain. C’est d’autant plus méritoire que, dans les petites catégories, les grands gabarits sont rarement les joueurs les plus performants. La volonté de mettre en avant les Élus et Entraîneurs qui cherchent avant tout à former pour les équipes nationales est illustrée par ce trophée. Pourquoi la formule va-t-elle évoluer ? On peut regretter, actuellement, que les "petits" comités faute d’un effectif un peu "court" ne soient que trop rarement représentés à cette compétition alors qu’ils fournissent un remarquable travail pour détecter et former de futurs internationaux. Le talent pousse partout et un joueur isolé, aussi talentueux soit-il, peut rarement porter seul son équipe jusqu’aux phases finales. Le Comité Directeur de la FFBB a donc décidé, le 16 décembre, à l’unanimité (une abstention), de transformer le TIC National à partir de 2018 en TIZ (Tournoi Inter Zones). Les phases de Ligues (désormais appelées Secteurs) seront maintenues, la phase de Zone perdurera (avec l’obligation d’inclure les potentiels des CD non qualifiés) mais en revanche, lors de la phase finale, chaque Zone sera représentée par l’ensemble des potentiels. Le niveau de jeu va encore s’élever !

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