La question de l’identité religieuse de la Suisse refait surface aujourd’hui, mêlée à plusieurs enjeux où s’entrecroisent le politique et le religieux : débats sur la construction de minarets, redéfinition du mariage et de la famille, programmes scolaires, etc. Ce livre souhaite faire le point sur des questions que se posent de nombreux chrétiens : la Suisse est-elle une « nation chrétienne » ? Quel rôle doit jouer notre identité nationale dans la manière dont nous incarnons le ministère de l’Evangile et l’œuvre du Royaume ? Quelle place y a-t-il pour des interventions au nom des évangéliques dans l’espace politique ? Quelles formes doit prendre la prière pour les autorités qui nous est enjointe par l’apôtre Paul ? Pour répondre à ces questions et permettre aux chrétiens évangéliques de Suisse d’avancer ensemble sur cette question, de nombreuses consultations ont été menées au sein du Réseau évangélique suisse. Ce document en est le fruit et vous permet de participer vous aussi à cette réflexion.
Marc Schöni est pasteur à l’Eglise évangélique baptiste de Court (BE) et membre de la Commission théologique du RES. Il a obtenu son Doctorat en théologie à l’Université de Lausanne et a enseigné le Nouveau Testament à la Near East School of Theology [NEST], à Beyrouth, de 1994 à 2006. Il a rédigé le commentaire pour l’épître aux Romains dans Le Nouveau Testament commenté sous la direction de Camille Focant et Daniel Marguerat, Bayard – Labor et Fides, Montrouge – Genève, 2012.
12.00 CHF ISBN 978-2-8260-1001-2
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Rédacteur: Marc Schöni
RES Réflexion n° 6
La Suisse, une nation chrétienne?
La Suisse, une nation chrétienne? © Réseau évangélique suisse Rue du Village-Suisse 14 Case Postale 23 1211 Genève 8 022 890 10 30 info@evangelique.ch www.evangelique.ch Edition réalisée avec la collaboration de La Maison de la Bible. Couverture: superhuit.ch. Sauf indication contraire, les textes bibliques sont cités selon la traduction personnelle de l’auteur. Diffusion: La Maison de la Bible Chemin de Praz-Roussy 4bis 1032 Romanel-sur-Lausanne, Suisse Tous droits réservés. E-mail: info@bible.ch Internet: http://www.maisonbible.net ISBN édition imprimée 978-2-8260-1001-2 ISBN format epub 978-2-8260-0345-8 ISBN format pdf 978-2-8260-9662-7
Table des matières
Préambule........................................................................ 7 Synthèse.........................................................................11 Introduction...................................................................17 1. Le socle fondamental de notre accord...............21 2. Nos divergences......................................................35 3. Questions à approfondir........................................51 Conclusion......................................................................67 Ouvrages et documents consultés...........................69
Préambule
La Commission théologique du Réseau évangélique suisse (RES) souhaite par ce document transmettre un outil de réflexion à propos de la question: La Suisse est-elle une nation chrétienne? Il est important en préambule de préciser et souligner qu’il ne s’agit pas d’une prise de position, mais bel et bien d’un outil pour alimenter la réflexion et le débat sur cette thématique, ainsi que pour en mesurer les enjeux. C’est la raison pour laquelle l’auteur, Marc Schöni, brosse un tableau des différentes opinions en s’attachant à présenter les points à la fois de consensus et de divergence autour de cette question. Si l’auteur a bien sûr son propre avis, nous sommes reconnaissants pour l’attention toute particulière qu’il a accordée à refléter au mieux les différentes sensibilités exprimées tout au long du processus de consultation qui a entouré la préparation de ce document. 7
En effet, ce livre s’appuie sur le travail des conférenciers invités à prendre la parole lors de l’assemblée générale 2010 du RES, où une matinée de réflexion a été organisée sur cette thématique de la Suisse en tant que nation chrétienne. Le présent ouvrage s’est nourri de ce débat et des différentes positions exprimées. Il a ensuite été lu et discuté à plusieurs reprises au sein de la Commission théologique du RES. Certaines modifications y ont été apportées après ces multiples échanges. Ensuite, ce sont les unions d’Eglises ainsi que les différents secteurs d’œuvres se situant dans le giron du RES qui ont été consultés. Un certain nombre d’adaptations ont également été apportées suite à cette démarche. Nous pensons que les différents courants qui se sont exprimés se retrouveront globalement dans la version finale. En même temps, nous sommes conscients que nous n’avons pas pu satisfaire chacune des propositions qui nous ont été faites, puisque ce texte ne se veut pas la prise de position d’une union ou d’une autre. Il est utile de préciser aussi que nous n’avons pas souhaité proposer un document de vulgarisation, mais plutôt une réflexion théologique précise qui ose nommer les questions fondamentales et profondes sous-tendant plusieurs actions ecclésiales et para-ecclésiales. Il est nécessaire de ne pas se 8
précipiter dans sa lecture, mais de prendre le temps de découvrir les enjeux et de les analyser. Nous espérons vraiment que cet ouvrage pourra être une pierre dans l’édifice de cette réflexion qui est loin d’être anodine et qui peut avoir des enjeux même politiques. Notre souhait est que la réflexion puisse se poursuive dans une saine atmosphère de débat. Ne soyons pas effrayés de découvrir que nous avons parfois des opinions différentes dont les implications peuvent être profondes. Au contraire, que cela stimule notre soif de creuser les Ecritures et de nous mettre à l’écoute de Dieu. Enfin, notre prière, c’est aussi que l’étude de cette question ne nous fasse perdre de vue ni notre mission commune qui consiste à être «sel et lumière dans ce monde» ainsi qu’à «faire de toutes les nations des disciples», ni la communion que nous sommes appelés à vivre en Jésus-Christ qui nous unit en Lui. Michel Siegrist, président de la Commission théologique du RES Michael Mutzner, secrétaire général (adjoint) du RES
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Synthèse
La question de savoir si la Suisse est une nation chrétienne est reliée à plusieurs enjeux importants, en particulier sur la forme que sont appelés à prendre notre engagement dans la société et notre rapport aux autorités. Il est possible d’identifier chez les évangéliques un certain nombre de points de consensus. Tout d’abord, au sens strict, il y a globalement un accord sur le fait qu’il n’existe pas de «nation chrétienne», car aucune nation n’est composée uniquement de chrétiens, sans parler du fait que le concept de «nation» reste difficile à déterminer. A cela s’ajoute qu’il existe une différence fondamentale entre le peuple d’Israël et l’Eglise, qui ne permet pas de superposer les concepts de l’Ancien Testament à ceux de la Nouvelle Alliance. Dans cette optique, la synthèse constantinienne qui a fait du christianisme la seule religion licite de l’Empire romain est considérée comme problématique, 11
car elle est en contradiction avec le caractère volontaire de l’adhésion au Christ. Deuxièmement,
les
évangéliques
s’accor-
dent aussi sur le fait que l’isolationnisme n’est pas conforme à la vocation chrétienne, mais qu’au contraire les chrétiens sont appelés à témoigner de l’amour de Jésus-Christ dans le monde, en paroles et en actes, y compris en s’engageant pour la justice sociale et le bien commun. De plus, les évangéliques considèrent que la Bible invite à la soumission à l’Etat, tant que cela ne va pas à l’encontre de sa conscience. Enfin, troisième point de consensus, les évangéliques croient que le Royaume annoncé par JésusChrist n’est pas de ce monde. Sa victoire sur le Mal par la croix et sa résurrection ouvrent la perspective d’une vie éternelle dans un monde nouveau. Les évangéliques œuvrent pour semer les graines de ce monde à venir (concept du «pas encore»), tout en se réjouissant des signes avant-coureurs de cette réalité à venir que Dieu donne «déjà» à vivre présentement. Dans sa deuxième partie, ce livre présente des questions qui trouvent des réponses différentes au sein de l’évangélisme suisse. C’est le cas lorsqu’il s’agit de savoir s’il existe une «destinée manifeste» 12
du peuple suisse. Les uns estiment que chaque nation a une vocation propre. Ils s’appuient pour cela sur les prophéties concernant les nations que l’on trouve dans l’Ancien Testament et sur le fait que l’existence d’identités nationales semble se poursuivre même sur la nouvelle terre à venir. Pour les autres, un tel concept ne correspond pas à la réalité de la Nouvelle Alliance, où ce ne sont plus les communautés naturelles qui jouent un rôle majeur mais l’Eglise. Désormais, chacun est invité à vivre en disciple, avec des valeurs du Royaume qui tranchent avec le monde des nations. Une seconde question est également source de divergence: Quelle forme de présence est-on appelé à avoir dans la société et sur quelles bases? Les avis divergent notamment sur l’exigence éthique à formuler pour la société, en particulier sur la portée à donner à la Loi de Dieu aujourd’hui. S’il y a consensus pour dire que cette Loi permet au croyant de saisir les exigences de son Seigneur pour sa vie, il y a débat quant à savoir si ces principes devraient être mis en œuvre par les nations. Pour ceux qui répondent par l’affirmative à ce dernier point, se pose ensuite la question de la manière de les transmettre aux nations: comme Loi de Dieu ou comme «valeurs chrétiennes»? Pour les autres, ces principes ne sauraient être proposés à des personnes 13
qui ne reconnaissent pas le caractère normatif de la Bible. Le concept de Loi de Dieu, associé à celui de vérité absolue, est alors jugé incompatible avec une Suisse pluraliste et démocratique. La participation au débat public devrait donc se faire de manière «laïque», avec appui sur des arguments qui ne renvoient pas à la Bible. La dernière partie de ce livre souligne des questions qui méritent un approfondissement car elles sous-tendent le débat. Il y a ainsi la question du rapport entre Evangile et culture: l’Evangile nous invite-t-il à influencer la culture dominante ou plutôt à développer une contre-culture face à celle-ci? L’herméneutique biblique, en particulier la manière de comprendre le rapport entre Ancien Testament et Nouveau Testament, de même que la perspective eschatologique dans laquelle on se situe influencent également considérablement les positionnements des uns et des autres, consciemment ou non. Le positionnement sur la question de la Suisse en tant que nation chrétienne est par ailleurs étroitement lié à une certaine lecture de l’histoire suisse: quelle portée donne-t-on au pacte de 1291, où situe-t-on les origines de la nation suisse, quel sens prend la formule «au nom du Dieu ToutPuissant» dans le préambule de la Constitution fédérale, le christianisme est-il perçu comme un 14
facteur de rassemblement ou de division au cours de l’histoire suisse, etc. L’ancrage dans l’histoire du christianisme joue aussi un rôle: par exemple les évangéliques issus de l’héritage de la Réforme radicale auront une perspective différente de ceux qui ont leurs racines dans le piétisme et les réveils du 19e siècle. Enfin, le document relève que la perspective adoptée aura elle aussi un impact sur la manière de comprendre et d’aborder la prière d’intercession pour les autorités.
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Introduction
Ces dernières années, le RES a publié plusieurs travaux sur la question du chrétien dans la cité1 ou sur celle des libertés dans l’espace public2. Or, mêlée à plusieurs enjeux où s’entrecroisent le politique et le religieux (par exemple l’initiative sur les minarets en 2009), la question de l’identité de la Suisse (la Suisse est-elle une nation chrétienne?) refait surface depuis quelque temps dans le débat public. Le RES a voulu mesurer l’importance des enjeux en choisissant pour thème de sa conférence
1 Voir, sur le site www.evangelique.ch/content/publications-res, les documents suivants: RES Prise de position n° 3 «Recherchez le bien de la cité», 2008; RES Réflexion n° 4 «Pour un engagement politique responsable», 2011. Documents consultés le 5 décembre 2013. 2 Voir, sur le site www.evangelique.ch/content/publications-res, RES Prise de position n° 5 «Liberté d’expression religieuse», 2012, consulté le 5 décembre 2013. 17
annuelle 2010: «La Suisse est-elle une nation chrétienne?»1. Aujourd’hui, nous voulons, par le présent document, faire le point en tant qu’évangéliques par rapport à la question identitaire que nous posent bien des membres de nos communautés, question qui reflète, nous l’avons dit, un débat public plus large: la Suisse est-elle une «nation chrétienne»? Parlera-t-on plutôt de «terre chrétienne»? Plus largement, quel rôle doit jouer notre identité nationale dans la manière dont nous incarnons le ministère de l’Evangile et l’œuvre du Royaume, dans le contexte où nous sommes placés? Quelle place y a-t-il pour des interventions au nom des évangéliques dans l’espace public et, plus étroitement, politique? Quelles formes peut ou doit prendre la prière pour les autorités qui nous est prescrite par l’apôtre Paul (1 Timothée 2.2)?
1 Les différentes contributions sont disponibles sur le site www.evangelique.ch/content/publications-res: «La Suisse, nation chrétienne? Conférence de Tom Bloomer»; «La Suisse, nation chrétienne? Eclairage politique par Maximilien Bernhard»; «La Suisse, nation chrétienne? Eclairage sociologique par Philippe Gonzalez»; «La Suisse, nation chrétienne? Eclairage théologique par Robin Reeve». Documents consultés le 5 décembre 2013. 18
L’approche est la suivante. Il s’agira d’abord d’établir les points de consensus entre évangéliques sur la question de l’articulation entre christianisme et nation. Puis nous ferons état des points de divergence, en essayant de comprendre pourquoi ces divergences existent et quelle est leur portée. Nous pourrons ainsi, nous l’espérons, esquisser quelques lignes pour une action commune qui soit à la fois forte de nos accords sur l’Evangile et consciente des différentes sensibilités à respecter, dans la compréhension de ce qui anime profondément ces sensibilités diverses.
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La question de l’identité religieuse de la Suisse refait surface aujourd’hui, mêlée à plusieurs enjeux où s’entrecroisent le politique et le religieux : débats sur la construction de minarets, redéfinition du mariage et de la famille, programmes scolaires, etc. Ce livre souhaite faire le point sur des questions que se posent de nombreux chrétiens : la Suisse est-elle une « nation chrétienne » ? Quel rôle doit jouer notre identité nationale dans la manière dont nous incarnons le ministère de l’Evangile et l’œuvre du Royaume ? Quelle place y a-t-il pour des interventions au nom des évangéliques dans l’espace politique ? Quelles formes doit prendre la prière pour les autorités qui nous est enjointe par l’apôtre Paul ? Pour répondre à ces questions et permettre aux chrétiens évangéliques de Suisse d’avancer ensemble sur cette question, de nombreuses consultations ont été menées au sein du Réseau évangélique suisse. Ce document en est le fruit et vous permet de participer vous aussi à cette réflexion.
Marc Schöni est pasteur à l’Eglise évangélique baptiste de Court (BE) et membre de la Commission théologique du RES. Il a obtenu son Doctorat en théologie à l’Université de Lausanne et a enseigné le Nouveau Testament à la Near East School of Theology [NEST], à Beyrouth, de 1994 à 2006. Il a rédigé le commentaire pour l’épître aux Romains dans Le Nouveau Testament commenté sous la direction de Camille Focant et Daniel Marguerat, Bayard – Labor et Fides, Montrouge – Genève, 2012.
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