Commentaires Tyndale du Nouveau Testament - 1 Corinthiens (MB3137)

Page 1

Né en 1954, Thomas R. Schreiner est professeur d'interprétation du Nouveau Testament au Southern Baptist Theological Seminary, dans le Kentucky, après avoir enseigné au Bethel Theological Seminary et à Azusa Pacific University.

La série Tyndale Commentaries m’a toujours accompagné, dans ses différentes éditions, depuis mes études théologiques jusqu’à aujourd’hui, et de nombreux volumes de la nouvelle édition tiennent une place de choix dans ma bibliothèque. Les commentaires présentent l’avantage rare d’être rigoureux au niveau de l'exégèse et accessibles aux non-spécialistes. C’est pourquoi je les utilise tant pour mes recherches théologiques que pour préparer mes prédications et études bibliques. Du travail sérieux, compétent, qui fera la joie de tout étudiant de la Bible. Je suis heureux que le public francophone soit dorénavant au bénéfice de ce travail.

ALAIN NISUS, DR EN THÉOLOGIE, PROFESSEUR ASSOCIÉ À LA FLTE ET DIRECTEUR DE L'ITEAG

CHF 29.90 / 25.90 € ISBN 978-2-8260-3137-6

du Nouveau Testament

THOMAS R. SCHREINER

07

COMMENTAIRES TYNDALE

Dans cette étude de la Première lettre de Paul aux Corinthiens, Thomas R. Schreiner propose un commentaire suivi du texte, avec des interprétations solides et des réflexions qui ne manqueront pas d'enrichir tout amoureux de la Bible, qu'il désire la creuser pour son propre compte ou l'enseigner à d'autres.

du Nouveau Testament

La série de commentaires Tyndale est appréciée depuis longtemps par les anglophones. Son désir de combiner fiabilité (niveau académique dans la recherche) et accessibilité (dans la formulation) correspond aux préoccupations profondes des éditions La Maison de la Bible.

COMMENTAIRES TYNDALE

07

THOMAS R. SCHREINER

1 Corinthiens

1 Corinthiens

07

THOMAS R. SCHREINER

1 Corinthiens


Thomas R. Schreiner Commentaires Tyndale du Nouveau Testament Volume 7 Editeur en chef de la série : Eckhard J. Schnabel Conseiller éditorial de la série : Nicholas Perrin

1 Corinthiens Introduction et commentaire


1 Corinthiens. Introduction et commentaire – Commentaires Tyndale du Nouveau Testament volume 7 Titre original en anglais : I Corinthians. An Introduction and Commentary – Tyndale New Testament Commentaries Volume 7 InterVarsity Press USA, P. O. Box 1400, Downers Grove, IL 60515-1426, USA Website : www.ivpress.com. Email : email@ivpress.com Inter-Varsity Press England, 36 Causton Street, London SW1P 4ST, England Website : www.ivpbooks.com. Email : ivp@ivpbooks.com © 2018 by Thomas R. Schreiner Thomas R. Schreiner has asserted his right under the Copyright, Designs and Patents Act, 1988, to be identified as Author of this work. All rights reserved. No part of this book may be reproduced in any form ­w ithout written permission from InterVarsity Press. © et édition (française) : La Maison de la Bible, 2020 Case postale 50 Chemin de Praz-Roussy 4bis 1032 Romanel-sur-Lausanne, Suisse E-mail : info@bible.ch Internet : http ://www.maisonbible.net Tous droits réservés. Traduction originale : Maxime Dakirellah Sauf indication contraire, les textes bibliques sont tirés de la version Segond 21 © 2007 Société Biblique de Genève http ://www.universdelabible.net Conception de la couverture : Olivier Leycuras ISBN édition imprimée 978-2-8260-3137-6 ISBN format epub 978-2-8260-0427-1 ISBN format pdf 978-2-8260-9604-7


Table des matières Préface générale........................................................................... 7 Préface de l’auteur........................................................................ 9 Abréviations................................................................................ 11 Bibliographie sélective................................................................. 15 Introduction............................................................................... 29 1.  La ville de Corinthe................................................................. 29 2.  Paul et Corinthe..................................................................... 32 3.  L’occasion de la rédaction........................................................37 4.  La nature de la lettre.............................................................. 46 5.  Principaux thèmes théologiques............................................. 50 Analyse...................................................................................... 79 Commentaire.............................................................................. 83


1 Corinthiens 1.1-9 I. Introduction

Contexte Les épîtres pauliniennes commencent traditionnellement par une salutation et par des propos exprimant la reconnaissance, et 1 Corinthiens ne déroge pas à la règle. Si nous comparons avec les autres lettres de l’apôtre, quelques accents spécifiques ressortent, au milieu des ingrédients épistolaires communs. Nous pouvons relever, par exemple, l’emphase qui est mise sur la sainteté et la sanctification des Corinthiens, emphase particulièrement frappante lorsqu’on tient compte de l’état catastrophique de l’assemblée d’après le reste de la missive. Dans le même ordre d’idées, on observe une insistance particulière sur l’universalité de l’Eglise. Les chrétiens de Corinthe font partie du saint peuple de Dieu, et ils sont appelés, dans l’épître, à vivre à la hauteur de leur condition nouvelle. En outre, ils ne doivent pas commettre l’erreur de penser qu’ils sont les seuls croyants sur terre. Ils appartiennent à une Eglise universelle, présente dans le monde entier. Quelques thèmes abordés dans les versets suivants attirent également notre attention (1.4‑9). Nous pourrions nous attendre à ce que Paul omette toute expression de reconnaissance, étant donné la situation déplorable de l’Eglise à laquelle il s’adresse. Au lieu de cela, il célèbre l’action de la grâce de Dieu parmi eux. Nous ne devrions pas perdre de vue, toutefois, qu’il met l’accent sur cette grâce divine, et absolument pas sur les éventuels mérites des Corinthiens. Il est particulièrement remarquable qu’il remercie le Seigneur pour les dons spirituels dont bénéficie la communauté (1.7), même si nous voyons dans les chapitres 12 à 14 que la manière dont elle les comprenait et les exerçait était complètement erronée. De plus, Paul rappelle à ses 1 Corinthiens 1.1-9

85


destinataires que la grâce qui les a appelés les soutiendra et les affermira jusqu’à la fin, et il le leur assure même (1.8‑9). Une telle promesse est assez fascinante, surtout quand on considère les avertissements sévères qui ponctuent la lettre (par exemple 6.9‑11 ; 9.24–10.22).

A. Salutation (1.1-3)

Commentaire

1.1  Paul introduit son épître en affirmant son appel apostolique. C’est une manière de faire typique dans ses lettres : il évoque d’emblée son autorité en tant qu’apôtre.a Saul de Tarse a été désigné serviteur de Christ sur la route de Damas, lorsque le Seigneur lui-même lui est apparu (Ga 1.12 ; 1Co 9.1 ; cf. Ac 9.1‑7). C’est peut-être cette apparition qu’il a en tête, quand il fait allusion à la volonté de Dieu. Son appel consiste plus particulièrement à annoncer l’Evangile aux non-Juifs (Rm 11.13 ; Ga 1.16 ; 1Tm 2.7 ; cf. Ac 9.15). Son apostolat est confirmé par les Eglises qu’il a fondées (1Co 9.2) et par les signes qu’il a accomplis (2Co 12.12). Il est à noter que la lettre a un deuxième expéditeur : Sosthène. Il est impossible de déterminer de façon sûre s’il s’agit du chef de la synagogue de Corinthe (Ac 18.17), même si je pense personnellement que c’est probable. Sosthène est distingué de Paul en ce qu’il est qualifié de frère (terme désignant un autre croyant) et non d’apôtre. Sa mention n’indique probablement pas qu’il a participé à la rédaction de l’épître, mais plutôt qu’il a donné son approbation par rapport au contenu, en tant que membre respecté de l’Eglise de Corinthe. 1.2  La lettre est adressée à l’Eglise (ekklêsia), à savoir l’assemblée ou le rassemblement, de la cité de Corinthe.b Il est frappant que Paul décrive ces croyants comme saints et conduits à la sainteté, quand on considère les innombrables problèmes évoqués en lien avec eux dans la suite de son courrier. Le mot grec traduit par « qui ont été conduits à la sainteté » (hêgiasmenois) est un participe parfait (l’accent est mis sur l’état résultant de l’action), et renvoie à ce que l’on appelle souvent la sanctification « positionnelle » ou « définitive ». Autrement dit, a Voir Rm 1.1 ; 1Co 1.1 ; 2Co 1.1 ; Ga 1.1 ; Ep 1.1 ; Col 1.1 ; 1Tm 1.1 ; 2Tm 1.1 ; Tt 1.1 ; mais cf. Ph 1.1 ; Phm 1. b Voir le passage sur la cité de Corinthe dans l’introduction.

86

Commentaires Tyndale du Nouveau Testament


les Corinthiens sont sanctifiés en vertu de leur union avec Christ (litt. en Christ Jésus), et non en raison d’une sainteté qui serait inhérente à leur personne. De la même manière, ils sont appelés à être saints. Le terme appelés (klêtois) doit être compris dans le sens d’un appel efficace et non pas d’une invitation qui pourrait se refuser. Les Corinthiens sont le peuple saint de Dieu en Christ ! Cependant, ils ne sont pas les seuls dans ce cas. Au vu de leur tendance à l’orgueil, ils pourraient penser qu’ils se distinguent des autres et sont impressionnants. Paul leur rappelle donc que la sanctification et la sainteté qui les caractérisent sont vraies chez tous (pasin) les croyants et partout (en panti topô). « Partout » pourrait renvoyer à d’autres villes ou à d’autres Eglises de maison (cf. 1Th 1.8 ; 1Tm 2.8). Cela dit, il y a probablement une allusion à Malachie 1.11, où l’Eternel présente la grandeur de son nom comme reconnue « parmi les nations » et « partout » (en panti topô, LXX) : c’est une promesse qui devient réalité à travers la mission de l’apôtre. Les saints sont également ceux qui font appel au nom du Seigneur Jésus-Christ. Dans l’Ancien Testament, les croyants aussi faisaient régulièrement appel (epikaleô) au nom de l’Eternel (par exemple en Gn 4.26 ; 1R 18.24 ; Ps 75.2 LXX ; Ps 99.6 ; Jl 3.5 ; So 3.9). Faire appel au nom de Christ est synonyme de prier, et l’emploi du mot nom signale également la divinité de Christ. Les personnes connaissant quelque peu l’Ancien Testament honoraient le nom de Dieu (cf. Gn 32.30 ; Ex 20.7 ; Jg 13.18), puisqu’il représentait son caractère. Nous voyons dans le culte rendu par l’Eglise primitive que le Fils a la même identité que le Père.a L’expérience universelle des chrétiens consiste à faire appel à Jésus-Christ pour être sauvés et délivrés de la colère divine (cf. 1Th 1.10 ; 5.9). 1.3  L’apôtre inclut toujours un vœu en forme de prière au début de ses lettres, et la formulation utilisée ici est celle qu’il emploie le plus couramment (cf. Rm 1.7 ; 2Co 1.2 ; Ga 1.3 ; Ep 1.2 ; Ph 1.2 ; 2Th 1.2 ; Phm 3). La grâce désigne la compassion divine accordée à tous ceux qui mettent leur confiance en Jésus-Christ. Chez Paul, elle ne se limite pas à une faveur imméritée ; elle évoque également la puissance a Voir là-dessus Bauckham, Jesus and the God of Israel.

1 Corinthiens 1.1-9

87


transformatrice du Créateur. C’est une notion déjà présente dans le vocable de l’Ancien Testament, avec l’expression de l’amour fidèle de Dieu par les termes de « g râce » (channûn) et de « bonté » (chesed). Ces deux éléments apparaissent clairement dans la formulation d’Exode 34.6‑7, souvent reprise dans l’Ancien Testament (par exemple Né 9.17 ; Ps 103.8 ; 145.8 ; Jl 2.13 ; Jon 4.2 ; Na 1.3) et évoquant le pardon qu’il accorde à son peuple coupable. Les textes vétérotestamentaires célèbrent fréquemment l’amour fidèle du Seigneur, comme dans le refrain du Psaume 136. L’ordre adopté dans la salutation (la grâce puis la paix) est significatif : la paix avec Dieu et avec les autres résulte de la grâce divine. Si toutes deux sont des dons divins, Jésus-Christ est introduit ici en tant que dispensateur de ces dons, ce qui démontre son identité de statut avec le Père. La paix dont jouissent les croyants réalise la promesse de l’alliance à ce sujet chez Ezéchiel (Ez 37.26 ; cf. Ps 72.7 ; Es 54.10), et elle est le fruit de la proclamation de l’Evangile (Es 52.7 ; cf. Rm 5.1 ; 14.17 ; 15.13 ; Ep 2.14‑15, 17 ; Col 1.20).

B. Reconnaissance (1.4-9) 1.4  Après la salutation, Paul passe à la reconnaissance, conformément à son habitude : il exprime régulièrement des remerciements à Dieu, dans ses prières, pour la foi des croyants, leur conversion et leur nouvelle vie (cf. 1Th 1.9). Il le remercie en particulier pour sa grâce, qui leur a été accordée en Jésus-Christ, ce qui veut probablement dire « par le moyen de Jésus-Christ » ou « à travers Jésus-Christ ». Comme signalé dans le commentaire sur 1.3, la grâce de Dieu, ne peut pas être réduite à son don gratuit et désigne aussi sa puissance transformatrice. L’apôtre insiste sur son caractère généreux en rappelant qu’elle leur a été donnée (litt.) en Christ. Il ne le spécifie pas ici mais dans d’autres passages de la lettre, le canal en a été la mort et la résurrection de Christ, par lesquelles ils ont reçu le pardon de leurs péchés (1Co 1.18 ; 2.2 ; 5.7 ; 6.11 ; 11.23‑26 ; 15.1‑4). Nous savons, par ailleurs, que les Corinthiens étaient enclins à l’orgueil. Il souhaite donc sans tarder couper court à tout motif pour eux de faire les fiers. 1.5  La grâce divine continue d’être célébrée, cette fois-ci à l’aide d’un verbe à la forme passive – une forme qui prédomine dans ces 88

Commentaires Tyndale du Nouveau Testament


versets –, le fait que les Corinthiens ont été comblés de richesses en Christ par Dieu. Un tel enrichissement est complet (de toutes les richesses, litt. en tout) et est transmis par l’intermédiaire de JésusChrist (en lui). Ces croyants n’ignoraient pas qu’ils possédaient tout spirituellement, mais ils avaient tendance à s’en attribuer le mérite, oubliant que de telles richesses étaient les leurs grâce à Christ seulement. Paul précise aussi la nature de ces bénédictions en mettant l’accent sur la parole et la connaissance. Nous voyons là un lien avec 12.8, où deux dons spirituels sont nommés : la « parole de sagesse » (logos sophias) et la « parole de connaissance » (logos gnôseôs). Des remerciements sont donc adressés à Dieu pour les dons spirituels présents parmi les Corinthiens, même si nous savons par les chapitres 12 à 14 qu’ils les exerçaient mal. L’apôtre rappelle d’emblée que c’est le Seigneur qui leur a accordé ces dons ; en conséquence, ils ne peuvent pas en attribuer le crédit à eux-mêmes ou à leur sagesse spirituelle propre. L’importance du « langage » (logos) dans 1 Corinthiens est également évidente : le terme apparaît dans des passages traitant des discours pleins d’éloquence (1.17 ; 2.1, 4), en fort contraste avec « le message [logos] de la croix » (1.18). Paul ne nie pas que les Corinthiens soient au bénéfice de la puissance divine dans l’exercice des dons de l’Esprit. Néanmoins, il leur souligne que lesdits dons sont de purs produits de la grâce divine. 1.6  Il y a une relation entre les versets 5 et 6 : l’enrichissement des Corinthiens est un signe que le témoignage de Christ a été établi au milieu d’eux. « A été solidement établi » (ebebaiôthê, litt. « a été affermi ») peut se traduire « a été confirmé ». C’est un terme du langage juridique, à nouveau employé au verset 8. Ce que Paul appelle le témoignage de Christ, c’est l’Evangile. Il signale que l’Evangile a été validé et entériné, et que cela est mis en évidence par les dons de l’Esprit dont ils bénéficient. La forme verbale passive « a été solidement établi » démontre une fois de plus que c’est l’œuvre de Dieu qui est ainsi décrite, si bien que toute la gloire et toute la louange lui reviennent. 1.7  La réflexion du verset 6 est prolongée ici : puisque le « témoignage de Christ » a été établi dans l’assemblée de Corinthe, il s’ensuit 1 Corinthiens 1.1-9

89


qu’il ne leur manque aucun don. Néanmoins, une stipulation eschatologique est mentionnée : ils attendent la venue de Jésus-Christ, qui interviendra le dernier jour. La mention du don (charisma) anticipe à nouveau la discussion des chapitres 12 à 14, où le terme est utilisé à cinq reprises pour désigner les dons de l’Esprit (12.4, 9, 28, 30, 31). Malgré l’abus lié à l’exercice de ceux-ci dans l’Eglise, Paul persiste à considérer leur présence comme une preuve de la grâce divine. Il souligne même qu’aucun don ne manque : cette grâce divine a été généreusement dispensée parmi eux. Le retour de Jésus est associé au verbe apekdechomai (« attendre avec impatience ») qui, dans les épîtres pauliniennes, a toujours une dimension eschatologique. Trois fois dans Romains 8, il est mis en lien avec la révélation et la libération des enfants de Dieu dans les temps de la fin (Rm 8.19, 23, 25). Selon Galates 5.5, les chrétiens, attendent « la justice espérée », et en Philippiens 3.20, « le Seigneur Jésus-Christ » (cf. Hé 9.28). Ce que Dieu a donné aux croyants sera pleinement garanti quand Jésus-Christ sera pleinement dévoilé au monde (2Th 1.7 ; cf. 1P 1.7, 13 ; 4.13), c’est-à‑dire lors de son retour. 1.8  Les deux derniers versets s’intéressent à la fin de toutes choses et à ce que Dieu promet de faire pour les croyants dans l’avenir. Il assure qu’il les gardera irréprochables jusqu’au dernier jour.a Le verbe affermir (bebaiôsei) est le même que « a été solidement établi » au verset 6. Celui qui a fermement établi les Corinthiens dans la foi au tout début de leur vie chrétienne les fortifiera jusqu’à la fin. Il garantira qu’ils soient irréprochables (anenklêtous) le jour de Christ. D’autres passages signalent la nécessité d’être sans reproche, le dernier jour, pour éviter le jugement dernier (cf. Col 1.22 ; cf. Ep 5.27 ; 1Th 3.13 ; 5.23). L’absence de reproche ne doit pas être comprise comme étant l’absence de péché ; il s’agit plutôt de persévérance jusqu’à la fin. Ceux qui se détournent de Christ et de la piété ne recevront pas la récompense finale. Cependant, les Corinthiens se voient promettre que Dieu les préservera et les gardera jusqu’au bout. Il est remarquable que Paul parle du jour de notre Seigneur JésusChrist. L’Ancien Testament fait régulièrement allusion au « jour de a Voir Fee, p. 42. Mais référence pourrait être faite à Christ ; voir Thiselton, 2000, p. 101.

90

1 Corinthiens 1.1-9


l’Eternel ».a L’apôtre considère que le même jour est celui de Christ (voir aussi Rm 2.16 ; Ph 1.6, 10 ; 2.16). Associer ces deux jours démontre que le Fils a un statut divin et exerce des fonctions divines. 1.9  Le verset 9 poursuit la réflexion du précédent en affirmant la fidélité de Dieu : celui qui a appelé les Corinthiens à la communion avec Christ les fortifiera jusqu’à la fin. Il faut expliciter la notion de fidélité divine ici. En effet, celle-ci est toujours liée, dans les écrits de Paul, à la promesse que les chrétiens seront soutenus jusqu’à la fin (1Co 10.13 ; 1Th 5.24 ; 2Th 3.3 ; 2Tm 2.13). Le Dieu qui a, à l’origine, appelé les Corinthiens veillera à ce que cet appel initial ne soit jamais invalidé ni annulé. Cela paraît évident, puisque l’« appel » renvoie, chez Paul, à un appel efficace, qui génère la foi.b Une opinion très similaire à Philippiens 1.6, où Paul déclare qu’il est « persuadé que celui qui a commencé en vous cette bonne œuvre la poursuivra jusqu’à son terme, jusqu’au jour de Jésus-Christ ». Dieu invite efficacement les hommes à croire, et il maintiendra cette foi éveillée jusqu’à la dernière heure. L’objet de l’appel des chrétiens, c’est la communion avec le Fils de Dieu, Jésus-Christ. Le terme (koinônia) évoque à la fois une association et une participation (Ph 1.5), comme c’est le cas lors du repas du Seigneur (1Co 10.16). A l’inverse, les croyants ne doivent pas avoir la moindre communion ni relation impliquant des échanges avec les ténèbres (2Co 6.14). Dieu a appelé les croyants de Corinthe à une association avec Jésus-Christ, qui est son Fils et le Seigneur. La présentation de Jésus comme étant le Fils de Dieu souligne sa relation très étroite avec Dieu.c Nous avons relevé à propos des versets précédents (1.2, 3, 7, 8) les allusions à l’identité divine et aux manières d’agir divines du Christ. Le verset 9 signale que le Père et le Fils doivent être distingués. Paul n’était pas un modaliste ; il n’y avait pas, à ses yeux, de confusion entre le Père et Fils. Le Père est Dieu et le Fils est Dieu, mais il n’y a qu’un seul Dieu (8.5‑6). a Par exemple en Es 13.6, 9 ; 24.21 ; Ez 13.5 ; Jl 1.15 ; 2.1, 11 ; 3.4 ; 4.14 ; Am 5.18, 20 ; So 1.7, 14 ; Ml 3.23. b Cette affirmation sera étayée dans la discussion sur l’appel, la prédication et l’élection en lien avec 1.23‑24 et 1.26 (voir le commentaire sur ces passages). c Cf. Rm 1.4 ; 8.3, 29, 32 ; 1Co 15.28 ; 2Co 1.19 ; Ga 1.16 ; 2.20 ; 4.4, 6 ; Ep 4.13 ; Col 1.13 ; 1Th 1.10.

1 Corinthiens 1.1-9

91


Théologie Plusieurs thèmes ressortent des deux premières sections de la lettre. 1) Paul se présente avec l’autorité d’un apôtre. Ainsi, ce qu’il affirme dans sa lettre ne correspond pas à une simple opinion humaine mais à la Parole de Dieu adressée aux Corinthiens. 2) Les chrétiens de Corinthe, en dépit de tous leurs défauts, forment l’assemblée de Dieu, le peuple de Dieu. Ils sont associés aux autres croyants du premier siècle qui font appel à Jésus-Christ comme Seigneur. 3) Paul souligne la grâce de Dieu qui a appelé et équipé les croyants de Corinthe. Les dons qu’ils possèdent ne peuvent pas être attribués à leur propre sagesse ni à leur propre spiritualité. Ils expriment la bonté de Dieu manifestée en Jésus-Christ. Le Dieu qui les a appelés à la foi par sa grâce transformatrice leur donnera la capacité de persévérer jusqu’à la fin. La grâce agit dans la vie des chrétiens depuis le tout premier jour, celui où ils croient, jusqu’au jour de Jésus-Christ. 4) Dans ces versets, Jésus apparaît dans toute sa gloire, toute sa puissance et toute sa beauté. L’apôtre insiste sur le fait qu’il est le Seigneur. Il indique ainsi que le Fils possède la même identité et la même stature que Yahvé, le Dieu d’Israël. Jésus-Christ est pleinement divin, puisqu’il accorde la grâce et la paix à son peuple tout comme Dieu le Père. De plus, le jour de l’Eternel est désormais présenté comme le jour de Christ. Le Père et le Fils ne sont toutefois pas identiques, puisqu’une distinction est établie entre eux.

92

Commentaires Tyndale du Nouveau Testament


1 Corinthiens 1.10–6.20 II. Problèmes au sein de l’Eglise

A. Appel à l’unité de l’Eglise (1.10–4.21) Dès le début de la lettre, l’apôtre informe ses lecteurs qu’il est au courant des divisions nées au milieu d’eux et de leur sujet : les différents serviteurs de Dieu et leur impact, notamment Apollos et luimême (1.10‑17). Apparemment, dans le cas de ces deux hommes du moins, les dissensions ont éclaté lorsqu’on a commencé à évaluer leurs capacités rhétoriques respectives. Paul entame une longue discussion visant à persuader les Corinthiens que leur conception de la sagesse correspond purement et simplement à celle du monde (1.18–2.16). Il commence par un exposé sur la sagesse et la croix (1.18‑25) : la croix tient en échec la sagesse des hommes, puisqu’elle renverse complètement leur système de valeurs. Les soi-disant sages de ce monde dévoilent leur folie en rejetant son message. De même, Dieu appelle généralement au salut des personnes qui sont folles et faibles aux yeux du monde, au lieu de rechercher les grands et les membres des élites (1.26‑31). Ce faisant, il écarte tout éventuel motif de fierté pour les êtres humains, de manière à ce que toute la louange et tout l’honneur aillent à lui et à lui seul. Paul renonce également aux artifices rhétoriques, dans sa prédication, afin que la foi de ses auditeurs ne repose pas sur un discours brillant mais sur le puissant message de la croix (2.1‑5). Il serait erroné de conclure de l’argumentation précédente (1.18–2.5) que les paroles de l’apôtre sont dépourvues de sagesse. Ce qu’il exprime est sage, mais cela correspond à une sagesse cachée au monde et révélée seulement par l’Esprit de Dieu à ceux qui lui appartiennent (2.6‑16). Ce n’est pas une découverte humaine mais une révélation divine. 1 Corinthiens 1.10–6.20

93


Cette discussion sur la sagesse (1.18–2.16) ramène Paul à la situation des Corinthiens (3.1–4.21). Leurs dissensions et chamailleries au sujet des serviteurs de Dieu interrogent sur la réalité de leur spiritualité (3.1‑4). S’ils faisaient preuve de maturité dans leur manière de penser, ils reconnaîtraient que Paul et Apollos ont joué des rôles différents et exercé des fonctions différentes, et ils accorderaient à Dieu tout mérite quant à leur ministère (3.5‑9). Ensuite est abordée une mauvaise compréhension possible des choses (3.10‑17) : si toute croissance spirituelle vient de Dieu lui-même, ses serviteurs ont néanmoins une responsabilité importante, car ils doivent travailler de façon appropriée sur le fondement qu’est Jésus-Christ. S’ils construisent correctement, ils seront récompensés, mais, si leur œuvre n’est pas de bonne qualité, elle sera perdue et c’est la destruction qui les attend. Paul revient ensuite au problème fondamental (3.18‑23). Les chrétiens de Corinthe devraient renoncer à toute prétention de sagesse collant aux normes de la société, car le Seigneur la réduira à néant (3.18‑23). Toute fierté placée dans des leaders humains doit cesser, puisqu’ils ont un motif bien plus grand d’être fiers : la certitude que tout leur appartient en Christ. Les leaders sont des serviteurs de Dieu, et ils doivent être fidèles, puisqu’ils seront, en fin de compte, évalués par le Père lui-même (4.1‑5). Personne ne peut discerner, à l’heure actuelle, le degré de fidélité d’autrui devant Dieu, puisque les motivations profondes et les secrets restent inconnus des hommes. Le Seigneur révélera, le dernier jour, la véritable efficacité de chacun. Paul précise ensuite qu’il a dû entamer cette discussion à propos d’Apollos et lui uniquement à cause des Corinthiens : tous deux travaillaient en effet déjà dans l’unité pour la cause de l’Evangile ; en revanche, l’orgueil de ses destinataires transparaît dans leurs querelles à leur sujet (4.6‑7). L’apôtre les réprimande, non sans ironie, en dénonçant leur mentalité empreinte d’attachement au monde : ils désirent vivre comme des rois, alors que ceux qui appartiennent à Dieu mènent ordinairement une vie marquée par la souffrance (4.8‑13). En conclusion de la discussion sur les dissensions liées aux serviteurs de Dieu, il rappelle à ces croyants le grand amour qu’il a pour eux (4.14‑17). Il désire les voir imiter sa manière d’être et celle de Timothée. S’ils persistent dans leur orgueil, il devra venir et exercer 94

Commentaires Tyndale du Nouveau Testament


la discipline parmi eux. Or, il préférait faire preuve de douceur et d’amour envers eux (4.18‑21).

i. Les désaccords au sujet des serviteurs de Dieu (1.10-17) Contexte Le corps de la lettre commence par un appel de Paul à l’unité. Il a, en effet, appris par Chloé et les siens que des divisions sont apparues dans l’Eglise de Corinthe, et qu’elles tournent autour de lui-même ainsi que d’Apollos et de Pierre. De tels désaccords sont plus que déplorables, puisqu’ils peuvent suggérer que c’est lui qui a été crucifié pour eux et que c’est en son nom qu’ils ont été baptisés ! Il exprime par conséquent sa reconnaissance de n’avoir eu à administrer le baptême qu’à très peu de Corinthiens. Ainsi, personne ne peut l’accuser d’avoir agi pour sa propre réputation. Son but n’était pas de baptiser mais d’annoncer la bonne nouvelle de Jésus-Christ. Dans sa proclamation, toutefois, il n’a pas cherché à recourir aux artifices de l’éloquence, car cela serait revenu à vider la croix de sa puissance.

Commentaire 1.10-11  Le corps de la lettre commence par une supplication, avec une formulation que l’on retrouve régulièrement chez Paul lorsqu’il s’adresse à ses lecteurs (parakalô, aussi traduit par « encourager »)a. Il les motive à agir par le nom de notre Seigneur Jésus-Christ (cf. 1.2) : cela rappelle que ses propos ne sont pas seulement l’expression de son opinion personnelle, et cela signale qu’il va indiquer les répercussions de la vie, la mort et la résurrection de Jésus. Il va employer trois expressions synonymes pour décrire la nature de cette supplication. Les Corinthiens sont empoisonnés par les divisions, et il souhaite les voir vivre dans l’unité et l’harmonie. L’apôtre utilise par deux fois le langage des liens familiaux, dans ces versets ( frères et sœurs), afin d’exprimer la tendresse et l’amour qu’il éprouve pour les Corinthiens. Il révèle qu’il a eu vent de leurs querelles par l’entourage de Chloé ; il peut s’agir de partenaires commerciaux, d’agents d’affaires ou d’esclaves mandatés par elleb. Nous a Cf. Rm 12.1 ; 15.30 ; 16.17 ; 1Co 4.16 ; 16.15 ; 2Co 10.1 ; Ep 4.1 ; Ph 4.2 ; 1Tm 2.1 ; Phm 9, 10. Voir Bjerklund, Parakalô. b Thiselton, 2000, p. 121.

1 Corinthiens 1.10–6.20

95


aimerions avoir plus de renseignements concernant la manière dont Paul a reçu ce rapport, mais aucun détail supplémentaire n’est fourni. Il est possible que ces gens aient fait le voyage de Corinthe à Ephèse pour communiquer directement avec lui. Il est également possible que Stéphanas et ses amis (16.17) aient servi d’intermédiaires pour que l’information transmise par Chloé parvienne jusqu’à l’apôtre. 1.12  La nature des désaccords apparaît ici : les croyants de Corinthe prenaient parti pour des leaders différents. Les uns se rangeaient du côté de Paul, les autres, d’Apollos, d’autres encore, de Pierre. Au fur et à mesure de la discussion, l’apôtre se focalise sur Apollos et lui (3.4-6, 22 ; 4.6), probablement parce que les lignes de fracture principales passaient entre leurs partisans respectifs. Apollos était connu pour ses prédications puissantes et éloquentes, et nous savons qu’il a exercé son ministère à Corinthe (Ac 18.24–19.1). Nous ne pouvons avoir aucune certitude, en revanche, que Pierre (désigné ici par son nom araméen, Céphas) soit venu dans cette ville ; néanmoins, cela a dû être le cas, car on peine à imaginer, sinon, que les chrétiens puissent se diviser à son sujet. Son nom apparaît, d’ailleurs, à plusieurs reprises dans l’épître (3.22 ; 9.5 ; 15.5), dont une nouvelle fois dans la discussion sur ces querelles (3.22). L’élément le plus difficile à expliquer est le renvoi à Christ, ici. D’un point de vue grammatical, le parti de Christ paraît être un quatrième parti. Mais que penser d’un « parti de Christ » ? Suivre le Seigneur est évidemment une bonne chose ! Les commentateurs proposent différentes interprétations, l’une d’elles consistant à y voir un véritable parti de Christ. Peut-être la meilleure solution consiste-t‑elle à y voir les mots de Paul, qui dirait : « Vous suivez tous des chefs humains, mais moi, Paul, je marche à la suite de Christ. » Il montrerait par là que cette guéguerre partisane au sujet de leaders est indigne de chrétiens.a Parmi les spécialistes du Nouveau Testament, on a beaucoup suivi les propositions de l’influent F. C. Baur : on s’est appuyé sur les divisions autour de Paul et de Pierre pour affirmer l’existence de deux types de christianisme – le paulinien et le pétrinien – au sein de l’Eglise primitive. C’est ce schéma qui a servi de lunettes à a Ciampa & Rosner, p. 80-81.

96

Commentaires Tyndale du Nouveau Testament


nombre d’interprètes. Nous verrons, cependant, qu’une telle lecture ne trouve aucun fondement en 1 Corinthiens. En effet, les dissensions étaient entièrement le fait des croyants de Corinthe. Paul ne trouvait rien à redire à la théologie de Pierre ou d’Apollos. Il déclare même explicitement que Pierre et lui annoncent le même Evangile (15.11). Et, si Apollos avait quoi que ce soit à voir avec les problèmes de l’Eglise, pourquoi l’aurait-il encouragé à se rendre à Corinthe (16.12) ? Ces scissions, comme nous l’exposerons plus tard, doivent être imputées non aux prétendues théologies divergentes des leaders mais à l’orgueil des Corinthiens et à leur fascination pour les talents oratoires déployés. 1.13  Ce verset souligne l’incongruité de divisions portant sur les différents serviteurs de Dieu. « Christ est-il divisé ? » pourrait être, en grec, une phrase interrogative ou déclarative, d’où les possibles différences entre les versions de la Bible. Même s’il s’agissait d’une affirmation, le sens ne serait pas radicalement modifié, puisque Paul ne ferait que signaler que Christ est divisé en raison de ces partis pris. Il est néanmoins plus probable qu’il pose ici une question rhétorique : Christ étant en réalité indivisible, toute dissension est particulièrement choquante. Mettre l’accent sur des êtres humains est inacceptable. Comme pour ne pas risquer de calomnier Pierre et Apollos, l’apôtre se focalise alors sur son propre exemple : se centrer sur lui est contraire à la foi des Corinthiens, car ce n’est pas lui qui a été crucifié pour eux, et ils n’ont jamais été baptisés en son nom. Il rappelle que la foi doit être placée en Jésus-Christ, et en Jésus-Christ crucifié (un thème important dans la suite du développement). En outre, l’attachement de certains à Paul jette la confusion sur la teneur du baptême en suggérant qu’il y aurait de quoi se vanter qu’il ait été administré par tel ou tel. Or, le baptême se fait au nom de Christ, et l’identité de la personne qui effectue le geste ne compte pas. 1.14-16  Paul poursuit dans sa lancée sur le baptême. Ses remarques amènent à penser que certains croyants se vantaient d’avoir été baptisés par lui. Leur mauvaise compréhension du sujet l’oblige à exprimer sa reconnaissance de n’avoir baptisé que deux chrétiens de la ville : Crispus et Gaïus. Le Crispus en question est vraisemblablement 1 Corinthiens 1.10–6.20

97


celui qui dirigeait la synagogue de Corinthe avant de se tourner vers Christ (Ac 18.8). Quant à Gaïus, il n’est pas le Gaïus originaire de Derbe (Ac 19.29 ; 20.4) mais très probablement celui dont l’apôtre souligne l’hospitalité envers les croyants (Rm 16.23). Pour pouvoir soutenir l’Eglise de cette manière, ce chrétien ne devait pas manquer de ressources financières. Paul se rappelle donc avoir baptisé deux personnes influentes et importantes de l’Eglise de Corinthe. Ce que l’apôtre veut souligner, c’est qu’il est reconnaissant d’avoir baptisé peu de croyants, car ainsi, personne ne peut prétendre avoir été baptisé en son nom (1Co 1.15). Avoir un tel sujet de fierté, cela a tout d’une farce, étant donné que Christ est mort pour les croyants ; c’est pourquoi, toute la gloire lui revient, à lui, et non pas à de simples êtres humains. Dans la suite de sa réflexion, Paul se rappelle avoir baptisé aussi la famille de Stéphanas. Ces gens sont présentés plus loin comme les premiers convertis de l’Achaïe (16.15), et les croyants de Corinthe sont vivement encouragés à se soumettre à cet homme (16.16). Il semble donc avoir joué un rôle majeur en tant que responsable de l’Eglise. De plus, il faisait partie de la délégation venue rendre visite à l’apôtre (16.17). Paul commence par dire qu’il n’a baptisé que Crispus et Gaïus (1.14), puis il ajoute la famille de Stéphanas à sa liste (1.16), avant d’avouer son incapacité à se rappeler avoir baptisé quelqu’un d’autre. Le message qu’il communique ainsi à ses lecteurs, c’est que la personne qui baptise n’a pas la moindre importance. En portant leur attention sur l’identité de celui qui leur a administré le baptême, les croyants de Corinthe passent à côté de sa véritable signification. 1.17  Paul explique pourquoi il relativise quelque peu l’importance du baptême en soulignant que sa préoccupation principale, c’est l’annonce de l’Evangile. Toutefois, celle-ci ne doit pas dépendre de l’éloquence de l’orateur, puisque cela dépouille la croix de Christ de sa puissance. Il peut paraître étrange que Paul déclare n’être pas venu pour baptiser, étant donné que Jésus associe étroitement cette pratique à l’acte de faire des disciples (Mt 28.19). Ce qu’il veut démontrer, c’est que ce geste doit être subordonné à l’Evangile et compris dans ce contexte-là. Le baptême n’est pas, en réalité, porteur du salut ; seule la foi en Christ Jésus sauve. La profonde satisfaction 98

Commentaires Tyndale du Nouveau Testament


qu’éprouvent certains Corinthiens à l’idée que Paul en personne les a baptisés révèle que leur compréhension de ce geste est éloignée de l’Evangile. Annoncer l’Evangile (euangelizesthai), c’est littéralement dire ou proclamer une nouvelle, avec toujours l’idée d’une proclamation orale (cf. 1S 31.9 ; 2S 1.20 ; 18.20 ; Ps 40.11 LXX ; Na 2.1). La bonne nouvelle annoncée ici (cf. 1Co 15.1‑4) a pour centre et objet Jésus-Christ en tant que Seigneur crucifié et ressuscité. Dans l’Ancien Testament, pour Israël, la bonne nouvelle consistait notamment dans la promesse d’un retour d’exil (Es 40.9 ; 52.7 ; 61.1). Le peuple avait, en effet, été déporté à cause de son péché (Es 40.2 ; 42.24 ; 43.24-25 ; Jr 30.15), et le pardon devait passer par la mort du serviteur de l’Eternel (Es 52.13–53.12 ; cf. Jr 31.34 ; 33.8 ; Dn 9.24). Paul voit dans la mort et la résurrection de Jésus l’accomplissement du retour d’exil et de la promesse de pardon. L’apôtre précise ce qui caractérise la proclamation de l’Evangile en insistant sur le fait que lui-même refuse de recourir à la sagesse du langage (en sophia logou). Beaucoup de commentateurs s’accordent pour voir ici une allusion à la rhétorique grecque.a Dans le monde gréco-romain, les orateurs étaient prisés et encensés, et on les jaugeait à leur maestria dans ce domaine. Des manuels enseignant l’éloquence étaient disponibles, écrits notamment par des auteurs antiques comme Quintilien ou Cicéron. Selon toute vraisemblance, les chrétiens de Corinthe évaluaient Paul et Apollos en fonction de leur habileté et de leur efficacité oratoires. En outre, il y a certainement un volet sociologique à prendre en considération ici (cf. 1.26‑28) : la beauté rhétorique plaisait particulièrement aux plus fortunés. Ce que l’apôtre fustige, c’est l’attention prêtée au style plutôt qu’au fond ; les auditeurs sont alors touchés par l’élégance verbale du messager plutôt que par le message de la croix. D’après Bruce Winter, ce qui est visé, c’est plus spécifiquement l’éloquence de la seconde sophistique, dans le cadre duquel la compétition et l’art de la mise en scène a Voir, par exemple, Winter, Philo and Paul among the Sophists ; Litfin, St Paul’s Theology of Proclamation ; Pogoloff, Logos and Sophia. Malgré des divergences sur certains points de détail, les spécialistes s’accordent de façon frappante pour dire que Paul condamne la dépendance des Corinthiens envers la rhétorique grecque. Winter suggère que c’est le mouvement de la seconde sophistique, né au premier siècle de notre ère, qui fascinait les Corinthiens et auquel Paul s’oppose.

1 Corinthiens 1.10–6.20

99


occupaient la place centrale. En effet, on pouvait être fasciné par le talent et la puissance de l’orateur, sans saisir la profondeur du message de la croix. Autrement dit, il doit y avoir correspondance entre le moyen de communication et le message communiqué. Si le moyen met l’accent sur le brio et le talent des êtres humains, il contredit, en réalité, le message de la croix, puisque celui-ci souligne l’humilité de l’homme et lui révèle sa pauvreté spirituelle.

Théologie La théologie de Paul est éminemment pratique, et il est préoccupé ici par les divisions et les clans nés au sein de l’Eglise, qui se fixent sur des êtres humains plutôt que sur Jésus. Quand on chante les louanges de serviteurs de Dieu et leurs talents oratoires, on perd de vue la signification de la croix. L’apôtre ne dit pas que les prédications et autres discours devraient être aussi ennuyeux que possible ; il souligne simplement que ceux qui prêchent et annoncent l’Evangile doivent veiller à ne pas attirer l’attention sur eux-mêmes plutôt que sur la croix de Christ. Nous voyons aussi qu’il subordonne le baptême à l’Evangile. Bien que requis pour tout croyant, le baptême risque d’être compris d’une manière qui contredit l’Evangile. Or, il doit être compris à la lumière de l’Evangile, et non l’inverse. La base et le centre, pour Paul, c’est la bonne nouvelle de Christ, qui proclame le pardon des péchés par la crucifixion de Jésus.

ii. Les désaccords et la sagesse (1.18–2.16) La rhétorique est étroitement liée à la sagesse (voir 1.17). Ceux qui brillaient par leur éloquence, les orateurs doués, étaient considérés comme sages. Paul se lance dans un assez long développement à propos de la sagesse, pour que les croyants comprennent en quoi elle consiste vraiment. Sa réflexion se poursuit jusqu’à la fin du chapitre 2. Il aborde d’abord le lien entre la prédication de la croix et la sagesse (1.18‑25), puis l’appel des Corinthiens (1.26‑31), ensuite sa propre prédication, qui a renoncé aux artifices oratoires et s’est concentrée sur la croix (2.1‑5). Enfin, il explique qu’il ne se passe pas de la sagesse, mais que la véritable sagesse provient de la révélation divine (2.6‑16). 100

Commentaires Tyndale du Nouveau Testament


Ils apprécient cette série Les commentaires Tyndale font partie des incontournables de la théologie évangélique. Fondés sur une recherche exégétique rigoureuse, ils ont pour but de proposer un commentaire plus ou moins détaillé du texte biblique tout en proposant des pistes d’applications. Ainsi, ils sauront tout aussi bien satisfaire le simple curieux de la Bible que répondre aux exigences des théologiens. Bénéficiant de toute la série, je les consulte aussi bien pour la préparation de mes prédications que lors de l’élaboration de mes cours de théologie. C’est une grande bénédiction pour tout le monde francophone que La Maison de la Bible ait décidé de les traduire ! Antony Perrot, doctorant et chargé de cours en Ancien Testament à la HET-PRO (Suisse) La série de commentaires Tyndale est remarquable par la profondeur de l’analyse des livres bibliques et la simplicité de la présentation. Les éléments introductifs permettent de bien situer le livre et son apport à la révélation progressive. La partie commentaire aborde réellement les difficultés et les divergences d’interprétation tout en proposant des pistes de compréhension légitimes. L’interaction directe avec le texte est préférée au recensement des contributions d’auteurs tiers. Les auteurs, parmi les meilleurs exégètes du moment, s’appuient chaque fois que nécessaire sur les langues originelles sans opacifier la discussion par des détails ou démonstrations inutiles. Un outil nécessaire pour le prédicateur avisé, comme pour l’étudiant sérieux de l’Ecriture ! Florent Varak, pasteur et enseignant La célèbre série de commentaires bibliques Tyndale est enfin disponible en français. Elle est largement utilisée et acclamée dans le monde anglophone comme un outil de référence incontournable pour les étudiants en théologie et les pasteurs. La reconnaissance de la série relève des compétences des auteurs – ce sont les spécialistes évangéliques reconnus – et de leur respect de l’Ecriture sainte inspirée de Dieu. Elle relève aussi de la pédagogie claire. Pour l’éclairer, les auteurs situent le texte dans son contexte géographique, historique et culturel. Ils puisent dans la théologie biblique ainsi que dans les recherches historiques et contemporaines pour faire ressortir la pertinence de la Bible pour aujourd’hui. C’est pourquoi ces commentaires sont indispensables aussi pour tout lecteur qui veut mieux connaître le Dieu de l’Ecriture. Ron Bergey, ancien professeur d’hébreu et d’Ancien Testament, Faculté Jean Calvin C’est inouï ! La troisième série des commentaires Tyndale de la Bible, en français ! Sans l’ombre d’un doute, c’est la série de commentaires à disposer fièrement dans sa bibliothèque, et pas seulement ! Cette série est époustouflante de par sa clarté et sa limpidité. Chacun, responsable d’Eglise ou simple amoureux de la Bible, trouvera dans les différents volumes de cette série des outils sérieux et accessibles pour une étude approfondie et nourrissante des Ecritures. Charles Kenfack, pasteur et enseignant à l’Institut Biblique de Bruxelles


Né en 1954, Thomas R. Schreiner est professeur d'interprétation du Nouveau Testament au Southern Baptist Theological Seminary, dans le Kentucky, après avoir enseigné au Bethel Theological Seminary et à Azusa Pacific University.

La série Tyndale Commentaries m’a toujours accompagné, dans ses différentes éditions, depuis mes études théologiques jusqu’à aujourd’hui, et de nombreux volumes de la nouvelle édition tiennent une place de choix dans ma bibliothèque. Les commentaires présentent l’avantage rare d’être rigoureux au niveau de l'exégèse et accessibles aux non-spécialistes. C’est pourquoi je les utilise tant pour mes recherches théologiques que pour préparer mes prédications et études bibliques. Du travail sérieux, compétent, qui fera la joie de tout étudiant de la Bible. Je suis heureux que le public francophone soit dorénavant au bénéfice de ce travail.

ALAIN NISUS, DR EN THÉOLOGIE, PROFESSEUR ASSOCIÉ À LA FLTE ET DIRECTEUR DE L'ITEAG

CHF 29.90 / 25.90 € ISBN 978-2-8260-3137-6

du Nouveau Testament

THOMAS R. SCHREINER

07

COMMENTAIRES TYNDALE

Dans cette étude de la Première lettre de Paul aux Corinthiens, Thomas R. Schreiner propose un commentaire suivi du texte, avec des interprétations solides et des réflexions qui ne manqueront pas d'enrichir tout amoureux de la Bible, qu'il désire la creuser pour son propre compte ou l'enseigner à d'autres.

du Nouveau Testament

La série de commentaires Tyndale est appréciée depuis longtemps par les anglophones. Son désir de combiner fiabilité (niveau académique dans la recherche) et accessibilité (dans la formulation) correspond aux préoccupations profondes des éditions La Maison de la Bible.

COMMENTAIRES TYNDALE

07

THOMAS R. SCHREINER

1 Corinthiens

1 Corinthiens

07

THOMAS R. SCHREINER

1 Corinthiens


Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.